Bifurquer avec le
Collège européen de Cluny

Changer de voie professionnelle pour être plus en phase avec ses valeurs, ça se prépare : le Master of Advanced Studies « Innovation territoriale », organisé conjointement par le Collège européen de Cluny et la prestigieuse Université de Bologne, recrute sa promo 2023-2024 jusqu’au 29 septembre.

Framasoft y anime le module « Se connecter sans exclure » ­dans le cadre de l’UPLOAD1

On y parle culture libre et re-décentralisation d’Internet, bien sûr, mais aussi impact social et environnemental du numérique.

Nous profitons de cette rentrée pour donner un coup de projecteur sur ce post-master riche en promesses qui s’inscrit dans la perspective de bifurcation sociale et environnementale que Framasoft s’efforce d’accompagner.
Il vous reste 3 semaines pour embarquer dans ce chouette train.

logo de établissement : un C jaune comme Cluny au centre de la représentation stylisée de l'abbaye. Texte : Collège européen de Cluny, démocraties locales & innovation

Bonjour Jean-Luc, pourrais-tu d’abord te présenter et nous dire par quelle trajectoire tu en es venu à proposer une formation aussi originale.

photo de Jean-Luc Puech, bras croisés, souriantProfessionnellement, ma formation d’ingénieur m’a conduit vers les domaines de l’énergie et de l’environnement, puis de l’enseignement supérieur. En parallèle, je me suis engagé en citoyen dans l’action publique locale, avec un mandat de maire et trois mandats de président de communauté de communes en milieu rural à Cluny, dans le sud de la Bourgogne.
De cette double expérience, j’ai acquis la conviction que les modes de vie ne changeront que si l’action publique locale invente de nouvelles solidarités, de nouveaux services aux habitants. Et pour cela, la formation des acteurs est indispensable et urgente. Il faut sortir de l’hyper-spécialisation et du prêt-à-penser.

Ah oui en somme, tu as toi-même parcouru plusieurs voies… et c’est ainsi que le Collège européen de Cluny a ouvert sous ta direction un post-master que tu définis comme une formation « pour les bifurqueuses et bifurqueurs ».

Oui, cette formation qui est portée par un établissement à statut associatif, ce qui lui donne une large liberté d’inventer, est ouverte à toutes les personnes titulaires d’un diplôme de niveau master (ou disposant d’une expérience professionnelle équivalente), qui veulent donner un autre sens à leur parcours professionnel : sortir du carcan du monde d’avant, regarder en face les défis du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, du creusement des inégalités territoriales et sociales, pour contribuer à tracer des chemins d’avenir par l’intelligence collective.

Voilà des perspectives et de nobles objectifs mais qui pourraient sembler un peu idéalistes… Pour donner des exemples concrets, peux-tu parler de personnes qui ont bénéficié de la formation l’année dernière, et dire dans quoi elles se sont engagées ensuite ?

Dans la première promotion, nous avons eu à la fois des profils de personnes qui venaient d’obtenir leur master et souhaitaient ouvrir leurs horizons, et d’autres qui après quelques années d’activité professionnelle décevante, souhaitaient se réorienter vers l’action publique à l’échelle des territoires.
Ainsi par exemple, Arnaud n’en pouvait plus de servir une société de services informatiques, le Master of advanced studies lui a permis de devenir développeur de projets d’énergie renouvelable en collectivité locale, Mathilde, juriste de l’environnement se consacre désormais à un pôle territorial d’économie circulaire. Clément, kiné, préfère travailler à l’issue de sa nouvelle formation sur la mobilité douce en milieu rural plutôt que de réparer les dégâts de modes de vie déséquilibrés.

Ça pourrait bien donner des idées aux lectrices et lecteurs du Framablog… Mais pour le contenu de la formation, quels sont les cours et ateliers qui sont proposés ?
La formation est structurée en deux types de modules, organisés chacun sur deux jours et demi par semaine :

  • Des modules qui portent sur des enjeux sectoriels :
    • se nourrir local,
    • se déplacer bas-carbone,
    • gérer l’énergie et le climat,
    • habiter l’existant, vivre avec le vivant,
    • se connecter sans exclure, etc.
  • Des modules méthodologiques :
    • mobiliser l’intelligence collective,
    • mobiliser le design pour l’innovation publique,
    • agir en citoyen local, régional, national, européen et global face à l’anthropocène, etc.

Dans ces modules, on alterne analyse théorique, expérimentation sur le terrain et rencontre avec des acteurs locaux.

groupe d'étudiants et étudiantes autour d'une table blanche ovale, photo prise au Collège européen de Cluny

Ah donc les participants et participantes font aussi l’expérience du terrain avec des projets ou stages ?

Oui, la formation comporte une période de conduite de projet territorial innovant, en collectivité, en association ou en entreprise, comme travailler avec les ados d’un territoire à l’évolution de leurs pratiques de mobilité, animer un collectif d’artisans et d’artistes dans la revitalisation d’une friche hospitalière pour en faire un lieu de partage de compétences, accompagner une intercommunalité dans la valorisation de ses ressources en bois local, etc.

Par ailleurs, la formation est en partenariat avec l’Université de Bologne, qu’est-ce que ça signifie au juste ?

Eh bien, le diplôme obtenu est un diplôme de l’université de Bologne et du Collège européen de Cluny. Le premier mois de formation (en novembre) a lieu à l’université de Bologne, sur son campus situé à Ravenne‎. Les cours y sont donnés en anglais par des professeurs de l’Université de Bologne. La suite de la formation, de décembre à mars a lieu à Cluny, sur le campus Arts et Métiers, au sein de l’ancienne abbaye, par des enseignants-chercheurs et des acteurs des territoires français. Le projet d’innovation en immersion professionnelle se déroule de mars à juillet.
logo de l'université de Bologne. dans un cachet rond : alma mater studiorum, A.D. 1088 avec au centre une gravure médiévale. reprise du texte latéralement + "Università di Bologna"

Les frais de scolarité sont assez importants, mais vous vous démenez pour proposer des solutions à celles et ceux qui ont peu de moyens, dans une démarche d’ouverture et d’inclusion.

Les droits de scolarité sont de 5000 € pour le diplôme conjoint avec l’Université de Bologne. Mais d’une part nous avons organisé une souscription populaire : des dons de citoyens permettent de donner un coup de pouce aux personnes qui auraient du mal à boucler le budget, d’autre part l’organisation du cursus à raison de 2,5 jours par semaine sur 6 mois est compatible avec une activité à temps partiel. Et le Collège européen est en contact avec les employeurs locaux, qui recherchent des équipiers : secteur sanitaire et social, artisanat, hospitalité, mobilité. Ces activités peuvent être elles-mêmes une riche expérience contribuant à la réflexion sur la nécessité de changer les modes de vie et les services.

Pour finir, quelle formule magique tu proposerais pour convaincre quelqu’un de s’inscrire dès cette promo ? « Il y a urgence » ? « Engagez-vous »?

mmmh, disons :

N’attends pas le monde d’après, donne-toi les moyens de participer à son invention !

 

personnage à droite un peu prétentieux : "j'ai bifurqué, j'étais chez Total, mais l'énergie c'est mort. Je me suis inscrit en master "IA et finance internationale", c'est pas évident hein, mais faut bien sauver sa gueule." deuxième personnage, une femme souriante : " ah moi aussi j'ai bifurqué, je suis le post-master de Cluny, on se forme à innover autrement : intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à l'échelle du territoire… faut bien essayer de sauver le monde !

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  • En savoir plus ? Tous les détails nécessaires figurent dans la plaquette de l’établissement
  • … et Framasoft dans tout ça ?
Se connecter sans exclure, un module animé par Framasoft.
Le développement rapide du numérique (médias sociaux, services en ligne, intelligence artificielle…) ouvre des opportunités, mais il génère également des situations douloureuses (exclusion, dépendance, prolétarisation…). Il pose également des questions environnementales complexes, loin de la promesse originelle de la dématérialisation.
Le cours permet de questionner les principales conséquences économiques, sociales et environnementales de l’usage du numérique, à partir de constats actuels et de projections à court et moyen terme. On se penche sur des questions éthiques (accès à l’administration, illettrisme numérique, vie privée, croissance exponentielle…) en partageant des exemples (politiques publiques, initiatives citoyennes, recherches et formations…) pour anticiper et surmonter les risques qui accompagnent la révolution numérique.–> Le détail du module



Échirolles libérée ! La dégooglisation (4)

Dans ce quatrième volet du processus de dégooglisation de la ville d’Échirolles (si vous avez manqué le début) Nicolas Vivant aborde le complexe problème de la fracture numérique, qui demande d’aller au-delà de la médiation pour trouver des structures et des moyens adaptées aux pratiques diverses des citoyens : la stratégie numérique doit aller de pair avec l’action sociale.


Dégooglisation d’Échirolles, partie 4 : l’inclusion numérique

La fracture numérique : un symptôme parmi d’autres

Avec 36% de logements sociaux et 3 quartiers « politique de la ville » Échirolles est, sans nul doute, une ville populaire. Plusieurs études sur les difficultés liées au numérique ont été réalisées sur notre territoire : l’une par notre CCAS (2019), l’autre par un cabinet indépendant (2020-2021). Si elles n’ont pas montré de situation spécifique à notre commune, elles ont permis de mesurer l’étendue des problématiques qu’il est indispensable de travailler.

Quelles sont les populations qui rencontrent des difficultés avec le numérique ?

  • Les personnes âgées ;
  • les personnes en situation de précarité sociale ou financière ;
  • les personnes ne maîtrisant pas bien la langue française ;
  • les jeunes qui possèdent les outils, mais ne maîtrisent pas les usages ;
  • les personnes en situation de handicap ou qui souffrent de pathologies.

Notre CCAS adresse avec sérieux l’ensemble de ces enjeux. Nos maisons des habitants (anciennement « centres sociaux ») jouent un rôle majeur dans leur prise en charge, partout sur le territoire communal. Des équipes existent, avec qui il n’est pas envisageable de ne pas travailler. Pour autant, dans un effort de cohérence avec le schéma directeur « Échirolles numérique libre », nos élus et notre direction générale ont choisi de rattacher l’inclusion numérique à la DSCN (Direction de la Stratégie et de la Culture Numériques).

Conclusion : la fracture numérique n’est pas un problème en tant que tel. C’est un symptôme d’enjeux sociaux qui doivent rester prioritaires dans l’aide apportée à nos habitants. Traiter la fracture numérique sans prendre en compte les problématiques sous-jacentes serait un pansement sur une jambe de bois. Un travail en transversalité est indispensable.

La médiation comme unique solution ?

Les études réalisées ont également montré que les difficultés rencontrées par notre population ne se limitaient pas aux usages. Un véritable effort d’inclusion numérique nécessite d’adresser 6 grands domaines :

1. L’accès au matériel (PC, smartphones, systèmes d’impression) ;
2. l’accès à une connexion internet de qualité ;
3. la formation technique ;
4. l’information, l’éducation populaire aux grands enjeux du numérique ;
5. l’assistance aux usages, l’accès au droit ;
6. le support matériel.

Les efforts de l’État et des collectivités sur l’inclusion numérique reposent principalement sur la médiation numérique (les points 3, 4 et 5, donc). Dans le cadre du plan « France Relance », par exemple, l’ANCT (Agence Nationale de Cohésion des Territoires) finance depuis 2021 le recrutement de « Conseillers Numériques France Services » dans les associations ou les collectivités territoriales. Des « Maisons France Services » et des « Bus France Services » émaillent également nos régions.

Pour les autres points (1, 2 et 6), seul le secteur privé se positionne. On connaît, par exemple, le travail d’associations comme Emmaüs Connect pour la mise à disposition de smartphones et de cartes SIM prépayées, mais seuls les publics en grande précarité sont adressés.

La mise à disposition, dans les communes, d’accès publics, permet de répondre, en partie, aux problématiques du manque de matériel et d’accès à internet. L’accès aux téléservices mis à disposition (et souvent rendus obligatoires) par l’état et les grandes structures compétentes dans le domaine social, est possible depuis ce type de lieu. Mais la dimension intime de l’accès au numérique n’est pas prise en compte : on ne contacte pas sa grand-mère (ou sa compagne) en visioconférence depuis un lieu public. On ne regarde pas une série ou un match de foot depuis une maison des habitants.

Sans faire l’effort de mettre à la disposition des publics fragiles du matériel et une connexion à internet de qualité à domicile, on ne pratique pas une véritable inclusion : ceux qui ont les moyens disposent d’accès dans des conditions confortables et dans l’intimité, les autres doivent sortir, par tous les temps, pour bénéficier d’un accès au numérique limité, à des horaires qu’ils ne peuvent pas choisir et sous le regard de leurs concitoyens.

La médiation numérique ne peut constituer, à elle seule, un dispositif d’inclusion numérique efficace et complet. Un travail plus ambitieux est indispensable. Nous essayons de nous y atteler (et ce n’est pas simple).

L’inclusion à l’échirolloise

L’accès au matériel

Pour la mise à disposition de matériel pour ceux qui en ont le plus besoin, la ville a choisi de s’appuyer sur une association échirolloise récente : PC solidaire (site en cours de développement au moment où cet article est rédigé). Le processus est en cours de création : notre DSI remettra son matériel usagé à cette association, qui se chargera de le reconditionner et de le remettre gratuitement, via les maisons des habitants, aux bénéficiaires.

L’association a eu l’excellente idée de se pencher sur le schéma directeur de la ville et a choisi, librement, de s’en inspirer. Le système d’exploitation par défaut devrait donc être le même que celui est en cours de déploiement : Zorin OS.

L’accès à internet

C’est le point le plus difficile à travailler, et de loin. L’offre étant exclusivement privée, nous essayons de négocier avec les FAI (fournisseurs d’accès à internet) la mise en place d’une solution très abordable à destination des bénéficiaires de logement sociaux. Des discussions sont en cours, mais aujourd’hui aucune offre véritablement satisfaisante n’est en place. Seule proposition (pas suffisamment) connue, à destination des populations bénéficiant des minima sociaux, celle d’Orange, « Coup de pouce Internet », à 15,99€/mois.

La formation, l’information et l’assistance

Grâce à un financement de l’ANCT, la Ville et son CCAS ont pu, en 2021, recruter 4 conseillers numériques. Ils interviennent dans les maisons des habitants, les bibliothèques et la maison des associations. Spécialisés dans la médiation numérique et formés dans le cadre du dispositif de l’État ils réalisent, depuis juillet 2021, des accompagnements individuels, des ateliers et des sessions de formation. Malheureusement, l’État annonce une baisse des financements et ces emplois sont menacés. Nous travaillons donc à la mise en place d’un nouveau dispositif, pérenne cette fois-ci, et qui ne dépendra pas de financements extérieurs.


Quelques-uns de nos conseillers, au travail dans une MDH

D’autres initiatives existent à Échirolles depuis des années : « Les écrans, parlons-en ! », par exemple. Conçu par le service « éducation » de la ville en lien étroit avec le CCAS, ce dispositif part du principe qu’une bonne hygiène numérique passe aussi par l’éloignement raisonné des écrans.

Mais encore ?

La ville a choisi de ne pas limiter son aide aux seuls habitants, mais aussi aux nombreuses associations qui animent le territoire (→ https://asso-echirolles.fr). Notre tissu associatif est riche de ses bénévoles, dynamique et innovant dans ses actions. Sa contribution au « vivre ensemble » est majeure. L’étude « Échirolles numérique » de 2021 a montré que l’accès aux ressources numériques était très variable en fonction des associations. Nous avons donc décidé de leur apporter une aide sur deux volets : la création de sites web et (dans un second temps) la mise à disposition d’outils numériques de gestion associative.

Le principe est simple : la DSI de la ville prend en charge l’hébergement, crée un sous-domaine dédié à l’association, installe un CMS (système de gestion de contenu) libre et gère les mises à jour (CMS, thèmes, extensions…) et les sauvegardes. 6 ateliers de formation sont organisés pour apprendre à créer son contenu et à faire vivre le site. À l’issue de ces ateliers, l’association administre son site en autonomie. En cas de problème, un forum permet d’échanger avec le formateur et les autres associations qui bénéficient du dispositif. Le point fort : si les personnes en charge du site ne sont plus en mesure de s’en occuper, un retour en atelier est toujours possible pour qu’une nouvelle équipe s’en saisisse.

Inclusion vs dégooglisation

L’efficacité du dispositif d’inclusion numérique de la ville repose sur deux piliers principaux : le schéma directeur, boussole technique et politique de nos choix, et le travail en transversalité, qui garantit une présence partout sur le territoire et la prise en compte de la problématique dans sa globalité. Rattaché à la direction du numérique, il permet une action cohérente à l’échelle de la ville.

Ce lien entre action sociale et stratégie numérique est l’une des forces d’Échirolles. Il est l’un des éléments qui permettent de faire rayonner le schéma directeur à l’échelle de la commune, et pas seulement en interne. Mais une autre façon d’agir (et surtout d’interagir) au delà sur périmètre de la ville existe. Elle fera l’objet du cinquième et dernier article de cette série.

L’épisode 1 (structuration)
L’épisode 2 (transformation)
L’épisode 3 (solutions)
L’épisode 4 (vous êtes ici)
L’épisode 5 (fédération)

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Retrouvez-moi sur Mastodon : https://colter.social/@nicolasvivant




Formation Emancip’Asso : donner les clés aux hébergeurs de services éthiques pour accompagner les assos

Première étape du projet Emancip’Asso, la formation « Développer une offre de services pour accompagner les associations dans leur transition numérique éthique » se déroulera à Paris du 16 au 20 janvier 2023. Les inscriptions sont désormais possibles !

logo Emancip'Asso

Emancip’Asso, kesako ?

Déjà évoqué dans l’article Ce que Framasoft pourrait faire en 2022 grâce à vos dons en décembre 2021, le projet Emancip’Asso a pour principal objectif de favoriser l’émancipation numérique du monde associatif.

Pour atteindre cet objectif, le projet que nous coordonnons avec nos partenaires et ami⋅es d’Animafac s’est doté d’un comité de pilotage constitué d’acteurs impliqués dans le secteur de l’éducation populaire, de l’associatif et du numérique.

Ensemble, nous avons établi que pour atteindre son objectif, le projet devait se répartir en 4 actions :

  • une formation pour les hébergeurs de services alternatifs
  • un site web emancipasso.org qui permettra aux associations d’identifier des hébergeurs proposant des offres d’accompagnement des associations
  • un nouveau module pour le MOOC CHATONS (adaptation numérique de la formation) afin que de nombreux hébergeurs fassent émerger des offres
  • une campagne de communication de grande ampleur pour inciter les associations à prendre conscience de l’incohérence qu’il y a à vouloir changer le monde en utilisant les outils du capitalisme.

les 4 étapes du projet Emancip'Asso
Les 4 étapes du projet Emancip’Asso

 

Grâce à vos dons sur soutenir.emancipasso.org et aux financements de deux fondations (la Fondation pour le Progrès de l’Homme et la Fondation Crédit Coopératif), nous avons pu travailler cette année à la mise en œuvre de la première étape de ce projet.

Une formation pour les hébergeurs de services alternatifs

Constatant que les hébergeurs éthiques sont peu nombreux à proposer des solutions prenant en compte les besoins des associations, et notamment l’accompagnement nécessaire pour mener à bien une démarche de transition vers des outils numériques libres, le projet Emancip’Asso souhaite accompagner la montée en compétence des hébergeurs de services alternatifs en leur proposant une formation.

Destinée en priorité aux hébergeurs alternatifs membres du Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires (CHATONS), cette formation intitulée « Développer une offre de services pour accompagner les associations dans leur transition numérique éthique » se déroulera à Paris du 16 au 20 janvier 2023. Son objectif principal est de permettre à ces hébergeurs d’acquérir les compétences nécessaires pour ensuite proposer des offres appropriées au milieu associatif.

Demandez le programme !

Élaborée par les membres du comité de pilotage, cette formation sera animée par des professionnel·les de la formation et intégrera de nombreux retours d’expériences et mises en pratique.

programme de la formation

Lundi 16 janvier 2023

La formation débutera à 13h30, pour permettre aux participant⋅es de rejoindre facilement le lieu de formation pendant la matinée. La première heure sera dédiée à l’installation et à la présentation des participant⋅es.

A partir de 14h30, Yannick Blanc (La Fonda) interviendra pour apporter des éléments de compréhension du monde associatif. A travers une présentation de l’écosystème associatif, nous pourrons mieux appréhender la diversité du monde associatif, ce qui définit une association, quels sont ses modes de fonctionnement, ses modèles économiques, ses types de gouvernance et ses modalités de financement.

L’objectif de cette première séquence est d’apporter aux participant⋅es une meilleure connaissance des organisations auxquelles iels vont s’adresser.

Mardi 17 janvier 2023

Après un petit temps collectif de retours sur les apprentissages de la journée précédente (de 9h à 9h30), Anne-Laure Michel (Animafac) et David Ratineau (Le Mouvement Associatif) viendront, au nom du dispositif PANA (Points d’appui au numérique associatif) nous présenter un panorama des usages numériques des associations.

S’appuyant sur les études sur le numérique et les associations réalisées par les équipes de Recherche & Solidarité et Solidatech, ce panorama permettra de mieux saisir la position des associations par rapport au numérique et leur réalité budgétaire. Ce sera l’occasion de mieux comprendre pourquoi elles rencontrent souvent des difficultés à adopter des outils libres et de se questionner sur comment dépasser ces freins à l’adoption. Cette réflexion sera alimentée par plusieurs retours de démarches de transition numérique qui ont abouti ou n’ont pas abouti (et pourquoi). La fin de la matinée sera dédiée à des échanges sur les différentes manières de soutenir une structure associative engagée dans une démarche de transition numérique à trouver les financements pour se faire accompagner.

Après une pause déjeuner bien méritée, Gaëlle Payet et Elsa Da Silva (Le Mouvement Associatif Centre-Val de Loire) nous expliqueront comment instaurer un dialogue stratégique avec une association. Comment faire comprendre que la question est politique et qu’elle doit donc être discutée dans les instances ad hoc ? Comment faire comprendre que la démarche doit être co-construite avec l’ensemble des utilisateur⋅ices ?

Nous découvrirons alors, via une méthodologie pratique, quelles sont les pistes pour mettre en capacité les associations, quelles sont les étapes nécessaires à la mise en place d’une stratégie libre réussie, quelles sont les principales clés qui fluidifient la démarche et quelles sont les erreurs à éviter. Nous parlerons aussi de démarche partenariale et d’accompagnement au changement.

Mercredi 18 janvier 2023

Après un petit temps collectif de retours sur les apprentissages de la journée précédente (de 9h à 9h30), nous passerons toute la journée avec Stéphanie Lucien-Brun (La Fabrique à liens) sur comment réaliser le diagnostic numérique d’une association.

Nous découvrirons ce qu’est un diagnostic numérique, ses étapes, et les différentes méthodes de diagnostic existantes (auto-diagnostic, entretiens dirigés, design thinking, etc.) en analysant plusieurs diagnostics. Nous réaliserons des mises en situation en groupes afin de mettre en œuvre les connaissances acquises et mieux comprendre ce qui se joue dans cette étape essentielle du processus d’accompagnement.

Nous verrons ensuite comment on passe d’un diagnostic à des préconisations et sous quelles formes celles-ci peuvent être communiquées. Un moment sera dédié à la co-production d’un cahier des charges type. La journée se terminera par un temps spécifique pour construire une réflexion commune sur la posture de l’accompagnant.

Jeudi 19 janvier 2023

Après un petit temps collectif de retours sur les apprentissages de la journée précédente (de 9h à 9h30), Pascal Gascoin (Zourit.net) nous parlera formation des utilisateur⋅ices et support / assistance. On le sait, la formation initiale et continue est un élément clé pour une adoption facilitée des outils. Nous découvrirons donc que se doter de techniques pédagogiques (vulgarisation scientifique et médiation numérique) est nécessaire pour accompagner dans la durée.

Un focus sera proposé sur la co-construction de ressources (documentation, FAQ) permettant d’établir une base de référence à disposition des utilisateur⋅ices et limiter le recours à la fonction support. Et nous terminerons la matinée sur la notion de communautés d’utilisateur⋅ices : comment la mettre en place ? quels outils utiliser pour cela ? comment animer ces espaces d’échanges ?

Après une pause déjeuner pour mieux recharger les batteries, Jean-Christophe Becquet (Apitux) nous expliquera comment designer une offre de service. Il définira ce qu’est une offre de service claire (au sens de facile à comprendre), cadrée (ce que l’on propose et ce qu’on ne propose pas) et complète (intégrant l’accompagnement, la maintenance et le support) à destination des associations. Nous découvrirons comment construire les conditions de confiance nécessaires (pérennité de service, place du financement des services, clarté sur les modalités de rupture) à un échange sain avec les associations.

À travers la découverte de plusieurs techniques de design d’offre de services, nous traiterons la question de comment fixer un tarif juste dans un contexte concurrentiel. La fin de la journée sera dédiée à la découverte de techniques de marketing et de communication pour rendre lisible et visible une offre auprès des clients associatifs potentiels. Nous travaillerons au packaging d’offres spécifiques (à destination de grosses associations, pour celles dont les membres sont à distance, etc.), à comment les adapter et les décliner.

Vendredi 20 janvier 2023

Après un petit temps collectif de retours sur les apprentissages de la journée précédente (de 9h à 9h30), nous terminerons cette semaine de formation avec Laurent Marseault (co-fondateur d’Outils-Réseaux et d’Animacoop) qui nous expliquera pendant 2 heures comment développer son réseau et penser le travail en complémentarité.

Comment développer son réseau en tant qu’hébergeur ? Comment ne pas rester, forcément, en solo ? Comment développer des partenariats entre hébergeurs pour mettre en commun des compétences ? Comment identifier et travailler avec des partenaires spécialisés dans l’accompagnement associatif et/ou dans la formation ? Comment proposer des offres communes ? Après avoir réfléchi à ces questions, nous aborderons la question des modèles économiques des réseaux et spécifiquement la question de l’économie non-marchande. Et nous conclurons sur la distinction entre l’Économie Cynique et Suicidaire et l’Économie Sociale et Solidaire.

La fin de la matinée sera dédiée à la réalisation d’un bilan collectif à chaud. Nous nous interrogerons sur le format de la formation et l’articulation entre les différentes séquences pour imaginer une version encore plus pertinente de la formation. Nous questionnerons les participant⋅es sur leur capacité / envie / besoin de mettre en œuvre les connaissances acquises et nous identifierons les freins pressentis à cette mise en œuvre.

Modalités d’inscription

Cette formation s’adresse à toutes les personnes actives au sein d’une structure (association, micro-entreprise / entreprise ou coopérative) proposant l’hébergement de services en ligne alternatifs. La formation est gratuite, mais les frais de déplacement (transport + hébergement + restauration) sont à la charge des participant⋅es.

Si le programme de cette formation vous intéresse, nous vous invitons à vous inscrire en complétant ce formulaire d’inscription. En vous inscrivant à cette formation, vous vous engagez à en suivre l’intégralité : il n’est pas possible de participer uniquement à certaines séquences. Cette formation étant limitée à 20 participant⋅es, nous serons sûrement amenés à devoir sélectionner parmi vos candidatures. C’est la raison pour laquelle, nous vous incitons à bien expliciter les raisons qui vous poussent à vous y inscrire.

capture d'écran du formulaire d'inscription
Première partie du formulaire d’inscription

Nous rappelons aussi que les membres du Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires (CHATONS) seront prioritaires. Cependant, si votre organisation n’est pas encore membre du collectif, nous vous recommandons de tout de même compléter le formulaire.

Et si vous n’êtes pas sélectionné pour cette session de formation, vous aurez toujours la possibilité de découvrir en détail les contenus qui y seront traités puisque nous publierons dans l’année un MOOC qui en sera la transposition. Et qui sait, si cette formation est un succès, peut-être pourrons-nous trouver de nouveaux financements pour organiser une seconde session ?




Annuaire des acteurs et actrices de l’accompagnement au numérique libre

En octobre 2019, nous avons publié un article signalant notre besoin d’identifier les acteurs et actrices de l’accompagnement au libre dans lequel nous proposions à toutes celles et ceux qui exercent une activité de médiation numérique (bénévole et/ou professionnelle) autour des logiciels libres de répondre à un questionnaire en ligne.

L’objectif : recenser les personnes, structures et organisations réalisant des accompagnements au numérique libre et publier leurs coordonnées dans un annuaire pour celles qui le désirent. Nous souhaitions d’une part pouvoir estimer la taille de l’écosystème dans lequel nous nous inscrivons, d’autre part pouvoir réorienter les demandes que nous recevons vers d’autres acteur·ices, plus disponibles, plus localisé·es ou plus spécialisé·es que nous.

Une publication retardée pour cause de pandémie mondiale

Nous avons confié ce travail à La dérivation, un collectif d’éducation populaire composé de Mélissa et Lunar, deux camarades de longue date de Framasoft. Nous avons reçu 402 réponses à ce questionnaire. Et après avoir supprimé les réponses vides, les doublons et celles hors du périmètre de l’enquête, nous avons retenu 371 réponses, dont 293 ont choisi de figurer dans l’annuaire.

Nous avions prévu de publier cet annuaire au printemps, mais la diffusion d’un tel recensement au beau milieu d’une pandémie et d’un confinement général ne nous a pas semblé pertinente. Merci pour votre patience concernant ce délai entre l’enquête et la publication des résultats. La « photo » prise par ces documents est de fait déjà un peu datée au moment de sa sortie. Nous espérons cependant qu’elle permettra à celles et ceux qui recherchent un accompagnement dans ce domaine de trouver des contacts adéquats vers lesquels se tourner.

Nous avons fait le choix de ne pas faire figurer dans cet annuaire les structures proposant des accompagnements dédiés à un logiciel ou à une solution technique précise. Notre raisonnement étant que les personnes cherchant un accompagnement sur un outil bien spécifique seront mieux renseignées par une requête type « formations Dolibarr » dans un moteur de recherche.

L’annuaire des acteurs et actrices de l’accompagnement au numérique libre

L’annuaire des accompagnements présente plusieurs moyens de découvrir les données récoltées par ce questionnaire. L’annuaire alphabétique diffuse les informations de chaque répondant⋅e et plusieurs index (type de public, domaine d’intervention, format d’intervention, zone géographique) permettent d’y référer. Diffusé au format .pdf, cet annuaire est à considérer comme un instantané : les informations qui y sont indiquées ne sont peut-être plus à jour et méritent donc d’être vérifiées.

Framasoft menant de front de nombreux projets, nous ne nous lancerons pas dans la mise à jour régulière des données qui composent cet annuaire. Mais en publiant les données brutes, nous permettons à la communauté d’en prendre connaissance pour proposer des modalités de recherche différentes et/ou la création de nouvelles interfaces y donnant accès, et potentiellement permettant de les mettre à jour.

Ces données brutes sont disponibles sous 2 formats. Le fichier Accompagner_au_numérique_donnees_brutes.csv contient les données brutes (séparateur : points virgules ; séparateur de chaînes de caractères : guillemets doubles). Le fichier Accompagner_au_numérique_donnees_brutes.ods est un fichier LibreOffice Calc reprenant ces mêmes données brutes, accompagnées d’un onglet « Glossaire », qui détaille les différentes réponses des questions à choix multiples (séparées par des virgules). Nous avons rédigé un document annexe à destination des personnes souhaitant exploiter les données brutes du questionnaire dans lequel nous avons précisé quelques aspects concernant leur utilisation.

La synthèse des réponses à l’enquête

Les résultats de l’enquête sont présentés dans une synthèse explicative des réponses. Ce sont les grandes tendances que nous avons saisies concernant le statut des intervenant·es, les publics touchés, ainsi que les domaines, formats et zones géographiques des interventions.

Les personnes ayant répondu à ce questionnaire sont pour  39% des bénévoles, pour 33% des professionnels et 27% pratiquent les deux formes d’intervention. Les accompagnements recensés s’adressent plutôt aux néophytes et aux utilisateur·ices quotidien·nes. Les domaines d’intervention les plus souvent cités font écho aux axes principaux d’actions de Framasoft : les alternatives aux GAFAM, les logiciels libres sur ordinateur personnel (plutôt que sur plateformes mobiles) et les outils collaboratifs. Les ateliers pratiques et les accompagnements personnalisés sont les formats d’intervention les plus recensés. Et nous savons désormais que 39% des répondant⋅es ont indiqué proposer des accompagnements en ligne, ce qui, dans le contexte actuel, est une information très utile.

Framasoft tient à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette enquête. Nous vous incitons vivement à faire connaître ce document en le partageant au sein de vos communautés. Et nous serions ravi⋅es que d’autres s’emparent à leur tour de cette question et envisagent, en utilisant les données brutes, de proposer des interfaces qui permettraient de mettre à jour facilement cet outil qui répond à une demande forte.




Identifions les acteurs et actrices de l’accompagnement numérique libre

Chez Framasoft, nous souhaitons recenser les différent⋅es acteurs et actrices ayant des pratiques d’accompagnement au numérique libre. Pour cela, nous vous invitons à répondre à un petit questionnaire avant le 20 décembre 2019.

Le numérique attire de plus en plus de monde
En lançant fin 2017 la campagne Contributopia, nous partagions avec vous le constat que trouver le service web libre et éthique qui correspond à ses usages demande de nombreuses connaissances et reste difficile d’accès aux personnes les moins à l’aise avec l’outil numérique. À ce jour, il nous semble toujours pertinent de rappeler que le principal objet de l’association Framasoft est l’éducation populaire aux enjeux du numérique.

Depuis plusieurs années Framasoft reçoit de nombreuses sollicitations pour animer des conférences, des ateliers ou des formations. Ces demandes proviennent d’organisations ou d’individus aux profils variés et portent principalement sur les enjeux du numérique, la place des géants du web dans l’écosystème numérique, le capitalisme de surveillance, les services alternatifs à ceux proposés par les GAFAM, les logiciels libres, la culture libre et les outils collaboratifs.

Essayons de recenser les acteur⋅ices du numérique
Framasoft étant une petite structure (35 membres dont 9 salarié⋅es), il nous est souvent difficile de répondre positivement à ces invitations. C’est parce que nous trouvons frustrant de ne pas avoir les moyens de davantage accompagner celles et ceux qui émettent ces besoins, que nous lançons aujourd’hui ce questionnaire. Celui-ci va nous permettre d’identifier les différent⋅es acteur⋅ices (bénévoles et professionnel⋅les) ayant déjà des pratiques d’accompagnement sur ces thématiques.

Ce questionnaire s’adresse donc à toute personne, structure ou organisation ayant déjà des pratiques d’accompagnement au numérique libre. Que ce soit l’adhérent·e d’un GULL à titre bénévole, un⋅e médiateur⋅ice numérique, un⋅e formateur⋅ice indépendant⋅e ou un⋅e salarié⋅e d’un organisme de formation, toutes ces personnes sont légitimes à répondre à ce questionnaire. Nous vous demandons seulement de ne pas répondre à ce questionnaire pour une structure si vous n’en faites pas vous-même partie. Cependant, si vous connaissez une personne, structure ou organisation de ce type, n’hésitez pas à lui transmettre le lien.

Les informations demandées portent à la fois sur les personnes ou les organisations (types d’interventions, forme juridique…) et sur les modalités de ces interventions (sujets, zones géographiques, public visé…).

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Un questionnaire pour un document libre
Les informations récoltées seront diffusées sous la forme d’un jeu de données brutes anonymisées sous licence libre qui pourra être téléchargé depuis le framablog. Cette mise à disposition permettra leur réutilisation par tous, que ce soit pour les analyser ou les diffuser sous une autre forme.

De plus, les résultats de ce questionnaire seront compilés dans un document synthétique qui sera diffusé au format PDF sous licence libre. Ce document s’articulera en deux parties :

  • une synthèse des résultats du questionnaire ;
  • un annuaire recensant toutes les personnes, structures ou organisations y ayant répondu.

Nous savons par avance que cette liste d’acteur⋅ices ne sera pas exhaustive. Mais nous espérons qu’elle pourra être un point de départ pour nous ou pour toute autre personne ou structure souhaitant utiliser ces données. Elle pourra aussi compléter des listes préexistantes d’autres structures, car à notre connaissance aucune tentative d’inventaire n’existe sur le libre en particulier dans les structures d’accompagnement (si vous en connaissez, n’hésitez pas à les partager en commentaire).

En diffusant ce document, nous pourrons ainsi réorienter les demandes que nous recevons vers d’autres acteur⋅ices de la médiation numérique. Nous comptons donc sur vous pour partager massivement ce questionnaire au sein de vos communautés afin que le plus grand nombre d’acteur⋅ices puissent être recensé⋅es. C’est à vous !

 

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Des routes et des ponts (4) – la gratuité pour changer le monde

Nous poursuivons la lecture du livre Des routes et des ponts de Nadia Eghbal que le groupe Framalang vous traduit au fil des semaines. Après nous avoir expliqué en termes simples de quoi sont constitués les logiciels (n’hésitez pas à reprendre les épisodes précédents, si par exemple vous avez oublié ce qu’est un framework ou une bibliothèque), elle nous explique en quoi l’accès libre et gratuit à ces composants a révolutionné l’industrie du logiciel : son fonctionnement, son financement, mais aussi la formation des professionnels.

 

Comment la gratuité des logiciels a transformé la société

par Nadia Eghbal

Traduction Framalang : Luc, urlgaga, Penguin, Mika, Asta, Edgar Lori, Julien / Sphinx, flo, xi, Bromind, goofy, salade, lyn. et 3 anonymes.

La première réflexion qui vient à l’esprit est : « Pourquoi ces développeurs ont-ils rendu leur logiciel gratuit ? Pourquoi ne pas le faire payer ? »
Les arguments en faveur du logiciel public reposent sur sa riche histoire politique et sociale. Mais d’abord, regardons la vérité en face : notre société ne serait pas là où elle est aujourd’hui si des développeurs n’avaient pas rendu le logiciel libre et gratuit.

Avec le logiciel libre, la production de logiciel est plus simple et considérablement moins chère

moneybox

Uber, un service de transport de personne, a annoncé récemment que des développeurs avaient créé un système permettant de réserver une voiture en utilisant Slack (une application de développement collaboratif) et non l’application mobile Uber. Le projet a été bouclé en 48 heures par une équipe de la App Academy, une école de programmation.
Uber a constaté que l’équipe avait été capable d’achever le projet rapidement car elle « avait utilisé des bibliothèques ouvertes telles que rails, geocoder et unicorn pour accélérer le développement tout en travaillant sur une base solide.»
En d’autres termes, la quantité de code que l’équipe a dû écrire par elle-même a été fortement réduite car elle a pu utiliser des bibliothèques libres créées par d’autres.
Ruby Geocoder, par exemple, est une bibliothèque réalisée en 2010 et maintenue par Alex Reisner, un développeur indépendant. Geocoder permet à une application de chercher facilement des noms de rues et des coordonnées géographiques.
Unicorn est un serveur datant de 2009, il est administré par une équipe de sept contributeurs (leurs noms sont visibles sur le site web d’Unicorn) encadrés par Eric Wong, un développeur.
Créer un nouveau logiciel n’a jamais été aussi simple, car il existe de plus en plus de portions de code « prêtes à l’emploi » dont on peut se servir. Pour en revenir à la métaphore de l’entreprise de bâtiment, il n’est plus nécessaire pour construire un immeuble de fabriquer soi-même tout ce dont on a besoin, il est plus simple d’acheter du « préfabriqué » et d’assembler fondation, structure porteuse et murs comme des Legos.
Du coup, il n’est plus nécessaire de savoir comment construire un logiciel à partir de zéro pour être qualifié de développeur. le service des statistiques sur le travail des USA (Bureau of Labor Statistics) estime que l’emploi des développeurs va augmenter de 22% entre 2012 et 2022, soit bien plus rapidement que la moyenne dans les autres professions.

Le logiciel libre est directement responsable de la renaissance actuelle des startups

Les coûts de lancement d’une entreprise ont énormément baissé depuis la première bulle internet de la fin des années 90. Le capital-risqueur et ex-entrepreneur Mark Suster évoquait son expérience dans un billet de blog de 2011 :

Quand j’ai monté ma première entreprise, en 1999, l’infrastructure coûtait 2,5 millions de dollars, simplement pour commencer, et il fallait y ajouter 2,5 millions de dollars de plus pour payer l’équipe chargée de coder, lancer, gérer, démarcher et vendre notre logiciel. […]

 

Nous avons à peine perçu le premier changement d’ampleur dans notre industrie. Il a été porté par l’introduction du logiciel libre et plus précisément par ce que l’on a appelé la pile LAMP. Linux (au lieu de UNIX), Apache (un logiciel de serveur web), MySQL (à la place d’Oracle) et PHP. Il y a bien sûr eu des variantes – nous préférions PostgreSQL à MySQL et beaucoup de gens utilisaient d’autres langages de programmation que PHP.

 

Le libre est devenu un mouvement, un état d’esprit. Soudain, les logiciels d’infrastructure étaient presque gratuits. Nous avons payé 10% du tarif normal pour l’achat des logiciels et le reste de l’argent est allé dans le support. Un tel effondrement de 90% des coûts engendre de l’innovation, croyez-moi.

La disponibilité actuelle des composants logiciels libres et gratuits (associée à des services d’hébergement moins chers comme Amazon Web Services et Heroku) permet à une startup technologique de se lancer sans avoir besoin de millions de dollars. Les entrepreneurs peuvent tout à fait sortir un produit et trouver un marché sans dépenser un seul dollar, la levée de fonds auprès de capital-risqueurs se faisant seulement après avoir montré la viabilité de leur projet.
Alan Schaaf, qui a fondé Imgur, un site populaire de partage d’images faisant partie des 50 sites les plus consultés au monde, a justement déclaré que les sept dollars nécessaires à l’achat du nom de domaine représentaient la seule dépense indispensable au démarrage de son entreprise. Imgur était rentable et avant de lever 40 millions de dollars en 2014 auprès de l’entreprise de capital-risque Andreessen Horowitz, Schaaf n’a eu recours à aucun fond extérieur pendant 5 ans (source).
Les capital-risqueurs ainsi que les autres acteurs de l’investissement ont, à leur tour, commencé à investir des montants moindres, développant ainsi de nouvelles formes de fond d’investissement dont voici trois exemples.

Fonds spécialisés dans le capital d’amorçage : sociétés de capital-risque préférant financer la première levée de fond, plutôt que de participer à une augmentation de capital ultérieure.

Fonds de micro capital-risque : une définition assez large sous laquelle on regroupe les sociétés de capital-risque disposant de moins de 50 millions de dollars d’actifs.

Accélérateurs de startup : des sociétés qui financent de petites sommes, souvent inférieures à 50 000 dollars, et qui également conseille et parraine les toutes jeunes entreprises..

Aujourd’hui, avec 10 millions de dollars, on peut financer cent entreprises contre seulement une ou deux dans les années 90.

Le logiciel libre a simplifié l’apprentissage de la programmation, rendant la technologie accessible à tous, partout dans le monde.

Si aujourd’hui vous voulez apprendre à coder chez vous, vous pouvez commencer par étudier Ruby on Rails. Rails est le nom d’un framework et Ruby est un langage de programmation. N’importe qui disposant d’un accès internet peut installer gratuitement ces outils sur n’importe quel ordinateur. Parce qu’ils sont libres et gratuits, ils sont également très populaires, ce qui signifie qu’il existe énormément d’informations en ligne permettant de bien démarrer, du simple tutoriel au forum d’aide. Cela montre qu’apprendre comment coder est aussi accessible que d’apprendre à lire et écrire l’anglais ou le français.
Pour comparer, l’utilisation de frameworks et de langages non open source impliquaient : de payer pour y avoir accès, d’utiliser un système d’exploitation et des logiciels spécifiques, et d’accepter des contraintes de licence susceptibles d’entraver le dépôt d’un brevet pour un logiciel construit sur la base de ce framework. Aujourd’hui il est difficile de trouver des exemples de frameworks qui ne sont pas publics. L’un des plus célèbres exemples de framework propriétaire est le .NET, développé et sorti en 2002. En 2014, Microsoft a annoncé la sortie d’une version publique de .NET, appelée .NET Core.
Audrey Eschright, une développeuse, a décrit comment les logiciels open source l’ont aidée à apprendre la programmation à la fin des années 90.

Je voulais apprendre à programmer mais je n’avais pas d’argent. Pas la version « étudiante fauchée » : ma famille était pauvre mais également dans une situation chaotique…. Cela peut sembler étrange aujourd’hui, mais à l’époque il y avait en fait deux options pour quelqu’un qui voulait écrire de véritables logiciels : on pouvait utiliser un ordinateur avec Windows et payer pour les coûteux outils de développement de Microsoft, ou on pouvait avoir accès a un système Unix et utiliser [le compilateur] gcc…. Mon but devint donc d’avoir accès à des systèmes Unix pour pouvoir apprendre à programmer et faire des trucs sympas.

Jeff Atwood, un développeur .NET de longue date, a expliqué sa décision d’utiliser Ruby pour un nouveau projet, Discourse, en 2013 :

Quand on habite en Argentine, au Népal ou en Bulgarie par exemple, il est vraiment très difficile de démarrer en programmation avec les outils fournis par Microsoft. Les systèmes d’exploitation, les langages et les outils open source permettent de mettre tout le monde au même niveau, ils constituent le socle sur lequel travaillera, partout dans le monde, la prochaine génération de programmeurs, celle qui nous aidera à changer le monde.

Le nombre de startups a explosé et dans leur sillage sont apparues de nombreuses initiatives pour enseigner la programmation aux gens : aux enfants et aux adolescents, mais aussi aux membres de communautés défavorisées, aux femmes ou aux personnes en reconversion professionnelle. Parmi ces initiatives on retrouve Women Who Code, Django Girls, Black Girls Code, One Month et Dev Bootcamp.
Certaines de ces organisations offrent leurs services gratuitement, tandis que d’autres les font payer. Toutes se reposent sur des logiciels libres et gratuits dans leur enseignement. Par exemple, Django Girls a appris à coder à plus de 2000 femmes dans 49 pays. Bien que l’organisation n’ait pas développé Django elle-même, elle a le droit d’utiliser Django, que les étudiantes téléchargent et utilisent gratuitement dans leur programme d’apprentissage.

Django Girls hackathon à Rome – Photo Django Girls CC-BY-2.0

Dev Bootcamp apprend à programmer aux personnes qui veulent changer de carrière, et prépare n’importe qui, du professeur d’anglais au vétéran, à devenir développeur professionnel. Le programme coûte entre 12 et 14 000 dollars. Dev Bootcamp enseigne entre autres Ruby, JavaScript, Ruby on Rails et SQL. Les étudiants peuvent télécharger et utiliser tous ces outils gratuitement, et Dev Bootcamp n’a pas besoin de payer pour les utiliser. Dev Bootcamp a été acheté par Kaplan en 2014 pour un prix inconnu.
Si des logiciels aussi importants n’étaient pas gratuits, beaucoup de gens seraient dans l’incapacité de participer à la renaissance technologique actuelle. Il existe encore de nombreux obstacles économiques et sociaux qui empêchent qu’ils soient encore plus nombreux à participer, comme le prix du matériel nécessaire pour avoir un ordinateur portable et une connexion Internet, mais les outils de programmation eux-mêmes ne coûtent rien.