De l’honnêteté intellectuelle et du HTML5 – Christopher Blizzard (Mozilla)

Christopher Blizzard est évangéliste chez Mozilla (pour rappel, évangéliste n’est pas un gros mot). Il a récemment publié un billet coup de gueule sur son blog dont ZDNet et PC Inpact se sont faits l’écho.

Extrait de l’article Un évangéliste de Mozilla critique l’emprise marketing d’Apple et Google sur HTML5 de ZDNet :

Apple et Google seraient allés trop loin. Pour Christopher Blizzard, évangéliste Open Source chez Mozilla, les deux sociétés ont chacune à leur manière tiré la couverture de HTML5 à elles au détriment des autres acteurs qui contribuent à son développement, comme Mozilla. Première cible : Apple. La firme a mis en ligne sur son site des démonstrations des capacités de HTML5, CSS3 et javascript… réservées aux utilisateurs de Safari. Selon notre évangéliste, Apple donne du coup l’impression aux internautes d’être le seul à supporter ces standards en ajoutant « tous les navigateurs ne les supportent pas ».

Extrait de l’article HTML5 : Un évangéliste de Mozilla s’en prend à Apple et Google de PC Inpact :

Le HTML5 est devenu synonyme pour beaucoup de futur du Web. Au point qu’il est également devenu un argument marketing important pour plusieurs sociétés, dont Google, Apple ou encore Microsoft. Christopher Blizzard, évangéliste chez Mozilla, fulmine dans un billet sur son blog à propos de toutes les déformations que l’on peut lire ici et là.

Vous trouverez ce fameux billet traduit ci-dessous dans son intégralité.

Remarque : Les copies d’écran ont été également francisées par nos soins et ne sont donc pas directement issues du site d’Apple.

De l’honnêteté intellectuelle et du HTML5

Intellectual honesty and html5

Christopher Blizzard – 4 juin 2010 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Julien, Goofy, Joan et Don Rico)

Je vous préviens, le billet qui suit expose ce que tout le monde sait déjà dans le milieu des navigateurs, sans oser le dire tout haut. Il est grand temps que quelqu’un fasse tomber les masques. Il est dommage que la principale victime ici soit Apple, sachant que c’est Google qui est passé maître dans ce genre de stratégie, mais après tout, Apple s’est distingué de façon si outrancière et trompeuse qu’ils méritent une volée de bois vert. (Lors de sa conférence I/O, Google a réussi à faire passer son modèle d’applications natives et Chrome store pour du HTML5 – ils se sont surpassés. Mais j’en parlerai dans un autre billet, une prochaine fois.)

Commençons d’abord par la contradiction la plus flagrante. Voilà sur quoi on tombe :

HTML5 et les standards du Web

Comme c’est beau ! Ils sont le web, j’adore ça ! J’aurais pu l’écrire. J’aurais l’écrire.

Le titre gris foncé classique au-dessus du texte gris clair typique de chez Apple que tout le monde adore. Et le texte : les standards, les CSS, JavaScript, les web designers, les bisounours sous l’arc-en-ciel… Comment pourrait-on ne pas être d’accord ? Du point de vue marketing, c’est impeccable – message vague, sympathique, Apple aime le web, Apple vous aime.

Mais comment le prouvent-ils ?

Only Safari

Vous avez bien lu. Si vous ne naviguez pas avec Safari, allez vous faire foutre.

Au-delà des termes un peu vifs que j’emploie pour vous aider à comprendre de quoi il retourne, voici le message qu’il faut lire entre les lignes : si vous n’avez pas accès à Safari, vous ne devez pas avoir accès au HTML5. Attendez un peu… N’y a-t-il que Safari qui gère le HTML5 ?

Eh non, c’est le cas d’un tas d’autres navigateurs. Aujourd’hui, la majeure partie des internautes a accès à des standards comme le HTML5. D’ailleurs, puisque l’on parle d’HTML5, vous pourriez vous demander quel est le navigateur qui le prend le mieux en charge actuellement… Pas Safari. Ni Chrome. Un navigateur qui, se trouve-t-il, possède également une part de marché significative — j’ai nommé Firefox.

HTML5 et navigateurs

(Le meilleur site pour obtenir des informations utiles sur le sujet est un site que malheureusement peu de gens utilisent : caniuse.com — amoureusement maintenu par Alexis Deveria sur son temps libre.)

Bien sûr, le gros problème, c’est que HTML5 finit par vouloir dire un tas de choses, principalement grâce à Google. Au fond, ils ont enfourché ce cheval de bataille, l’ont fait avancer à la cravache, et se le sont approprié. (Ça et les performances – un message marketing simple et génial. J’apprécie, même si la malhonnêteté avec laquelle c’est réalisé me fait bouillir).

Et je suis convaincu que si Apple a pondu ce site, c’est parce qu’ils sont confrontés au même problème que nous. Le meilleur exemple qu’on puisse en donner, c’est la question que nous a posée récemment un candidat lors d’un entretien d’embauche : « Hé, vous comptez supporter le HTML5 un jour ? »

Tu te fous de moi ou quoi ? Voilà la preuve que le marketing, ça marche. Le fossé entre la perception de la réalité et la réalité telle qu’elle est vraiment est énorme.

Je suis certain c’est pareil chez Apple. Ils doivent se dire en interne « Flûte, tout le monde pense qu’on ne supporte pas HTML5, il faut qu’on prouve le contraire ! On va créer des tests ! Des démos ! La vérité éclatera enfin au grand jour et on nous percevra de nouveau comme les fers de lance du projet Webkit, lui aussi plein de bisounours et d’arcs-en-ciel ! ».

Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec des sites de ce genre. Des sites qui passent complètement à côté de la vraie nature du web, de l’interopérabilité, des standards et du HTML5. Les démos qu’ils ont mis en ligne ne contiennent rien d’autre que des trucs bricolés par Apple, qui ne sont pas du HTML5, et qui entament à peine le processus de standardisation. Ça fait partie du CSS3 ? Plus ou moins, mais encore en plein développement et toujours en phase de feedback.

Soyons clairs. Si je suis sarcastique, c’est surtout pour attirer votre attention. Parce que c’est vraiment important. Et si vous ne deviez lire qu’un paragraphe, ce serait celui-ci :

La caractéristique la plus importante du HTML5, ce ne sont pas les nouveaux trucs comme la balise vidéo ou la balise canvas (que Safari comme Firefox ont intégrées depuis longtemps), c’est bel et bien de permettre une interopérabilité absolue. Même chez ces vieux raseurs de Microsoft, qui ont fait de leur mieux pour freiner le web pendant presque une décennie, on a compris ça : vous allez le voir en long et en large pendant leur campagne marketing pour IE9 (leur slogan est « balisage unique » – ouvrez l’œil, vous le verrez partout dans leur communication). C’est l’idée que des balises identiques, même si elles comportent des erreurs, auront un rendu en tout point semblable. HTML5 représente une bonne occasion pour les navigateurs Internet de travailler ensemble et de trouver un terrain d’entente.

Avant que l’on ne se méprenne sur mes propos, je précise que c’est une tout autre question que celle de l’innovation sur les navigateurs. Les standards font partie du processus, mais les standards suivent bien plus souvent qu’ils ne guident. Le HTML5 recèle un grand nombre de nouveautés qui ne proviennent pas d’IE, qui donne donc l’impression d’innover, mais chez Mozilla, on utilise la majeure partie du HTML5 comme on respire. Nous travaillons avec depuis des années. Aujourd’hui, ce qui nous intéresse le plus, c’est l’étape suivante.

Hélas, je crois qu’il est inévitable que les navigateurs s’affrontent sur le mieux-disant HTML5. Il est pourtant indispensable de s’interroger : quand quelqu’un commence à se vanter, quel est son véritable but ? Se trouve-t-on face à un test bidonné par le constructeur ? La démo d’une fonctionnalité qui va bien au-delà des standards existants ? (Elle a tout à fait sa place mais devrait être présentée pour ce qu’elle est !) Est-ce un test destiné à exhiber les bogues des autres navigateurs de façon articulée et constructive ? La personne qui conduit les tests sait-elle ce qu’elle fait, et tient-elle compte des commentaires constructifs ?

À l’évidence, Apple a pour objectif de crier sur les toits qu’ils adorent le web, mais leurs démos et le fait qu’on ne peut y accéder en utilisant un autre navigateur que le leur ne collent pas avec leur slogan. Il s’agit d’un manque flagrant d’honnêteté intellectuelle.

Puisque vous m’avez lu jusqu’ici, je vais vous faire une promesse. Je ne peux pas réparer les erreurs commises par le passé, mais je peux donner des idées pour bâtir un avenir meilleur. Moi qui suis en bonne partie à l’origine de la communication qui émane de Mozilla (même si ça risque de changer après ce billet !), voici à quoi je m’engage :

  • Je serai aussi honnête que possible pour expliquer ce que nous faisons, ce que cela implique pour les autres navigateurs et même pour le le nouvel enfant chéri du web, le HTML5.
  • Je ferai tout ce que je peux pour m’assurer que les démos que crée Mozilla fonctionnent sur autant de navigateurs que possible, même s’il faut leur proposer gentiment une solution de repli.
  • Les démos et les messages qui sont destinés à montrer des trucs qui ne sont conformes à aucun standard seront identifiés clairement comme tels.

Le HTML5 est un terrain miné, car tout le monde veut se l’attribuer, mais personne n’en est au même point sur sa prise en charge ni même sur sa définition. Je ne peux pas m’engager pour d’autres entreprises, mais je peux au moins annoncer comment moi je vais me comporter. Chez Mozilla, l’honnêteté intellectuelle n’est pas un vain mot, et c’est également le cas pour moi de façon personnelle. C’est pourquoi je pense que nous ne nous abaisserons jamais à de telles pratiques. Pour nous, le web et ses utilisateurs importent plus que n’importe quel standard ou navigateur particuliers. Et vous retrouverez cette philosophie dans mes billets et dans nos campagnes marketing.




Refaire le monde, une rue après l’autre, avec OpenStreetMap

Pelican - CC by-saSavez-vous pourquoi j’aime les animaux du zoo de Berlin ? Parce qu’ils témoignent du fait qu’on peut faire mieux que Google !

Comparons la carte du zoo selon Google et selon OpenStreetMap. Cela saute aux yeux non ? Le zoo de Berlin made by Google reste désespérément vide (et ses voitures espionnes ne peuvent y pénétrer) tandis qu’il fait bon flâner dans les allées du zoo d’OpenStreetMap[1].

Bon, évidemment, il faut savoir que Murmeltiere signifie Marmotte en allemand, mais pour Pinguine, nul besoin d’explication de texte 😉

« S’il te plaît, dessine-moi un monde libre ! » Tel est, au sens propre, le projet un peu fou d’OpenStreetMap auquel nous avons déjà consacré plusieurs billets. Jetez un œil sur cette extraordinaire animation illustrant une année d’édition planétaire dans OpenStreetMap et vous partagerez peut-être ma fascination pour le travail réalisé par toutes ces petites fourmis, c’est-à-dire toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent !

Remarque : Vous trouverez sous la traduction, en guise de bonus, un extrait vidéo de notre chroniqueuse télé préférée Emmanuelle Talon évoquant l’aide qu’a pu fournir OpenStreetMap aux secours portés à Haïti juste après le triste séisme.

OpenStreetMap : Refaire le monde, une rue après l’autre

OpenStreetMap: Crowd-sourcing the world, a street at a time

Nate Anderson – 1 juin 2010 – ArsTechnica.com
(Traduction : Joan et Goofy)

Wikipédia et son modèle « crowdsourcing » (NdT : la production de contenu assurée par des milliers d’internautes amateurs plutôt que par quelques professionnels) ont rendu possible un bien commun formidable, mais tout le monde sait qu’il faut se tenir sur ses gardes : s’il s’agit de quelque chose d’important, ne faites pas confiance à l’encyclopédie en ligne sans vérifier l’information par ailleurs. Un tel modèle « crowdsourcing » aurait-il du succès pour la construction d’une carte détaillée des rues du monde ?

Il y a quelques années, cette même question a conduit à la création d’OpenStreetMap.org, une carte de la planète que tout le monde peut modifier, conçue comme un wiki. Plusieurs amis britanniques en ont eu en effet assez de la politique protectionniste en matière d’échanges de données (Ordnance Survey, l’équivalent britannique de l’IGN, a mis au point des cartes extrêmement détaillées de la Grande-Bretagne à l’aide de fonds publics, mais l’utilisation de ces données à des fins personnelles requiert l’acquisition d’une licence). Ils décidèrent donc de remédier au problème.

La question évidente était « pourquoi réinventer la roue ? ». Des cartographies excellentes de Google, Microsoft et d’autres avaient déjà une avance significative et était la plupart du temps utilisables gratuitement. Mais les services de localisation étaient en plein boom et étaient tous basés sur des données cartographiques. Le fait qu’il n’existe aucune carte du monde de qualité, gratuite et libre restait un problème.

On peut lire dans la foire aux questions d’OpenStreetMap que « La plupart des bidouilleurs connaissent la différence entre gratuit et libre. Google Maps est gratuit mais pas libre. Si les besoins en cartographie de votre projet peuvent être satisfaits en utilisant l’API Google Maps, alors tant mieux. Mais cela n’est pas le cas de tous les projets. Nous avons besoin de données cartographiques libres pour permettre aux développeurs, aux acteurs sociaux et autres de mener à terme leurs projets sans être limités par l’API Google Maps ou par ses conditions d’utilisation. ».

Une carte du monde détaillée à la rue près peut sembler un projet démesurément ambitieux, mais OpenStreetMap a vu sa côte de popularité exploser. Alors qu’à son lancement le projet ne mobilisait qu’une poignée d’amis, c’est plus de 250 000 personnes qui contribuent dorénavant à la cartographie. En peu de temps, la carte a atteint un niveau de précision incroyable, en particulier en Europe où le projet a été lancé.

Regardons l’Allemagne par exemple, où la cartographie libre est devenue un véritable phénomène de société. Le zoo de Berlin (Zoologischer Garten Berlin) est bien entendu renseigné dans Google Maps, mais il n’a que peu de détails (alors même que, contrairement à OpenStreetMap, il dispose de cartes satellitaires). Des habitants motivés de la région ont utilisé les outils d’OpenStreetMap pour faire mieux que Google et cartographier tous les animaux du zoo. Si vous voulez repérer votre itinéraire jusqu’à la tanière du « Großer Panda », c’est possible. Même les toilettes sont utilement indiquées.

Le zoo de Berlin selon OpenStreetMap :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo

La version de Google Maps :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo Google

Une plateforme !

À mesure que le succès de la carte allait grandissant, il devenait clair qu’il manquait quelque chose pour que les développeurs puissent vraiment s’exprimer. Les données cartographiques en tant que telles avaient beaucoup de valeur, mais cette valeur ne pouvait-elle pas être décuplée en créant une plateforme complète de cartographie ? Une plateforme qui pourrait supporter la charge d’applications commerciales, proposer des services de routage côté serveur, faire du geocoding ou du geocoding inversé (NdT : retrouver latitude et longitude à partir de nom de rues), et concevoir des outils pour manipuler les données et créer les applications qui les utilisent…

C’est ainsi que CloudMade a vu le jour. Après un an de développement (l’essentiel du travail ayant été fait par des programmeurs ukrainiens), la plateforme de cartographie fournie par CloudMade est maintenant utilisée par 10 500 développeurs. Chaque semaine, la plateforme récupère les dernières données d’OpenStreetMap, ce qui fait émerger quelque chose d’inédit : la possibilité pour les utilisateurs frustrés de corriger les erreurs agaçantes sur les cartes locales, et de voir leurs modifications diffusées dans les applications en l’espace d’une semaine.

Les correctifs sont effectués « par des gens qui connaissent leur environnement » indique Christian Petersen, vice-président de CloudMade. Alors que l’on pourrait penser que le gros du travail est réalisé dans des zones comme les États-Unis ou l’Europe, Petersen précise que « 67% de la cartographie est réalisée en-dehors de ces deux régions. ».

CloudMade espère subsister financèrement en fournissant un accès gratuit aux services qui utilisent sa plateforme : en échange ils lui verseront une partie de leurs recettes publicitaires. (les développeurs peuvent également payer par avance s’ils le souhaitent).

Lorsque ce fut possible, une cartographie de base a été importée de banques de données libres comme TIGER, du bureau de recensement américain. Mais dans de nombreux lieux, la plus grande partie de la carte a été fabriquée à la main, en partant d’une feuille blanche. Les résultats sont impressionnants. Un coup d’œil à la carte révèle de nombreux détails sur des endroits comme Mumbai et La Paz, bien que les lieux très reculés comme les îles de Georgie du Sud près de l’Antarctique n’aient pas encore de données.

Des obstacles inattendus sont apparus en cours de route. En Chine par exemple, l’état place de sévères restrictions sur la cartographie privée. « Faire des affaire en Chine reste un défi » rapporte Petersen.

Et il y a parfois des modifications problématiques sur des cartes sensibles comme celle de l’île de Chypre qui connait une partition de son territoire.

Mais Petersen est convaincu que l’approche « par le peuple » de la cartographie fonctionne bien. Mieux que les alternatives commerciales en fait. « La passion est la plus forte », les entreprises commerciales de cartographie pratiquent la collecte d’informations sur un endroit donné une fois par an environ, et mettent à jour leurs cartes encore moins souvent. Lorsque les utilisateurs locaux s’impliquent, les modifications sont faites rapidement.

Nettoyez votre quartier

La précision des données a été mise à l’épreuve la semaine dernière lorsque l’entreprise Skobbler a dévoilé un outil de guidage GPS « turn-by-turn » pour iPhone, basé sur la plateforme CloudMade. Vu le prix des logiciels de navigation GPS concurrents, cela semble révolutionnaire.

Les gens sont-ils prêts à corriger leurs propres cartes ?

OpenStreetMap - ArsTechnica - SkobblerMalheureusement, le logiciel ne fonctionne pas très bien. Les « plantages » du logiciels ont été courants durant nos tests, les temps de réponse sont importants, et l’interface n’est pas intuitive. Les utilisateurs lui ont donné une note de 2 sur 5. Même le communiqué de presse officiel contenait un passage qui en disait long : « Bien que nous soyons conscients de ne pas être encore tout à fait prêts pour concurrencer les solutions commerciales, nous y arriverons bientôt. » a déclaré Marcus Thielking, co-fondateur de Skobbler.

De tels soucis peuvent être corrigés. Mais il y a un problème plus sérieux : les clients vont-ils faire confiance à un logiciel qui les encourage à cliquer sur une coccinelle pour rapporter les problèmes de cartographie ? (le clic positionne une alerte dans OpenStreetMap qui permettra aux utilisateurs locaux d’identifier et corriger les erreurs.)

Les utilisateurs pourraient rechigner à contribuer à la conception d’une carte censée leur servir de référence. Mais on disait la même chose de Wikipédia. Il est acquis que la carte est en constante amélioration, CloudMade indique que 7 017 modifications sont enregistrées par heure.

Le processus est très addictif. Un rapide coup d’œil dans mon quartier m’a révélé une petite erreur – sur la carte, une route se poursuivait par erreur dans un chemin privé à environ un pâté de maisons de chez moi. J’ai créé un compte sur OpenStreetMap, zoomé sur la zone problématique, et cliqué sur « Modifier ». Une fenêtre d’édition en flash est apparue, superposant la carte OpenStreetMap à une image par satellite issue de Yahoo. Le problème a été résolu en quelques glisser-déposer et clics, et le tour était joué – j’avais apporté ma pierre à l’édifice. (OpenStreetMap offre de nombreux outils de modification, et CloudMap en propose d’autres souvent plus élaborées. Tous impactent les mêmes données sous-jacentes.).

Ajout d’une déviation sur le Pont de Brooklyn :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Brooklyn Bridge

Vingt minutes plus tard, après avoir précisé les contours de l’étang d’un parc du voisinage, ajouté la caserne de pompiers et corrigé une rue qui traversait quelques maisons, j’ai malheureusement dû passer à autre chose. Le niveau de détail de la carte est déjà très impressionnant et la modifier était une expérience agréable. Disposer d’une telle ressource libre et gratuite sur Internet est une très bonne chose. Et si CloudMade pouvait s’associer à d’excellents développeurs et produire du code de haute qualité, cela pourrait également devenir quelque chose extrêmement utile.

Bonus Track

Chronique d’Emmanuelle Talon – La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010

« Qu’est-ce que c’est OpenStreetMap ? C’est en quelque sorte le Wikipédia de la cartographie. »

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Pelican (Creative Commons By)




Ouvrir ses logiciels mais fermer ses données à l’ère du cloud computing

Katayun - CC byVoici une courte traduction qui aborde furtivement deux sujets selon nous intéressants. Le premier n’est pas nouveau puisqu’il évoque la traditionnelle différence d’approche entre le logiciel libre cher à Richard Stallman et l’open source, à ceci près que l’avènement du cloud computing lui donne un nouvel éclairage.

Le second est peut-être plus original puisqu’il met en parallèle les logiciels et les données pour constater un mouvement opposé.

Nous sommes nombreux à souhaiter que les logiciels deviennent de plus en plus libres. Mais des Google et des Facebooks ont également envie que nos données suivent le même chemin pour pouvoir les manipuler tout à leur guise. C’est même fondamental pour eux puisque c’est tout leur business model qui est construit sur cela.

Or nous nous inquiétons chaque jour davantage du devenir de nos données, et si nous les souhaitons « libres » c’est avant tout libres de ne pas être contrôlées et exploitées sans notre consentement. Liberté et ouverture n’ont donc clairement pas le même sens chez les uns et chez les autres[1].

Il faut dire que dans les nuages : logiciels, formats, fichiers et données s’entrechoquent. Quand par exemple vous faites du traitement de texte directement en ligne (Google Docs, Zoho, etc.), c’est un peu tout à la fois qui est sollicité, sans qu’on n’arrive plus trop bien à les distinguer.

« Ouvrons » nos logiciels mais « fermons » nos données ? C’est en résumé, la question brutale que pose ce billet.

Libérez mes logiciels, pas mes données

Open source my software but not my data

Dana Blankenhorn – 27 avril 2010 – ZDNet (Blog Linux and Open Source)
(Traduction Framalang : Kovalsky, Barbidule et Goofy)

Comme Google avant lui, Facebook fait l’objet d’une attention accrue pour son interprétation du terme « ouvert » dans le monde en ligne.

Que les logiciels soient libres est une bonne chose. Mais que les données soient ouvertes ? Peut être pas tant que ça.

L’affirmation classique concernant le logiciel est qu’à moins que vous utilisiez l’AGPL, à moins que tout ne soit ouvert y compris vos sources secrètes, vous n’êtes pas vraiment ouvert, vous prétendez seulement l’être. Ouvert serait juste un autre mot pour dire que vous n’avez rien à cacher.

Je n’y ai jamais cru. L’open source n’est pas la même chose que le logiciel libre, c’est une des premières leçons qu’on m’a apprises quand j’ai commencé ce combat. (Richard Stallman s’en est chargé personnellement.)

L’open source est un continuum de choix, allant de l’idéal des logiciels libres de Stallman jusqu’au code de Microsoft sous restrictions serrées. L’open source est né en réaction logiciel libre de Stallman, et parfois en opposition à celui-ci.

Précédemment, j’ai mis au point une courbe de l’open source, pour illustrer l’étendue des choix disponibles. Plus vous avez besoin d’une participation de la communauté, plus vous êtes en bas de la courbe. Plus votre contrôle de la propriété du code augmente, plus vous êtes en haut.

Plus tard j’ai modifié cela en élaborant une courbe du développement open source, prenant en compte différents modèles de développement.

Ce qui est notable à propos de l’essentiel du code conçu pour être utilisé en ligne, c’est qu’il n’est généralement pas en bas de la courbe. Même Google n’est pas en bas de la courbe, bien qu’il soit un membre de la communauté open source tout à fait respectable. Google ne soutient pas l’AGPL.

Mais qu’en est il des données ? Qui décide du statut des données en ligne ? Est ce que la décision vous appartient, ou revient-elle aux entreprises qui hébergent les données ?

Facebook a assimilé les données à du logiciel, et il se permet alors de les diffuser dans la nature, en affirmant qu’il ne fait que suivre les principes de l’open source.

Quand vous comparez libre et propriétaire dans le monde logiciel, le libre semble formidable. Mais comparez-les sous l’angle des données, sur le mode « vos données seront ouvertes sauf si vous dites non », et les Sénateurs vont y voir une violation de la vie privée. En particulier si, comme Facebook, vous vous étiez vous-même défini jusqu’à récemment comme un réseau privé sans risque pour les enfants, et non comme un classique espace ouvert du Web.

Il est facile pour les logiciels de se déplacer vers le haut ou le bas de la courbe de l’open source. Pour les données cela se révèle problématique.

Notes

[1] Crédit photo : Katayun (Creative Commons By)




Geektionnerd : Google Je t’aime Moi non plus

Il y a peu nous avions traduit un article de la FSF souhaitant voir Google libérer la vidéo sur le Web. Et c’est ce qu’ils viennent de faire !

Mais encore plus récemment nous avons évoqué le possible déclin de Firefox croisant l’ascension de Google Chrome, une billet qui fit couler beaucoup de commentaires.

J’aime Google : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… pas du tout !

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien

Jasen Miller - CC byCe billet d’anticipation se demande si le navigateur Google Chrome n’est pas en route pour doucement mais sûrement tout écraser sur son passage et si la communauté du Libre peut ou doit y faire quelque chose, sachant que l’une des principales victimes collatérales pourrait bien être Firefox.

Je me souviens des premières interventions de Tristan Nitot, il y a quatre ans de cela, quand Firefox a commencé à émerger. Il s’agissait de casser le monopole de Microsoft qui avec son tristement célèbre Internet Explorer 6 ralentissait le Web tout entier en bloquant l’innovation. Ouvert, communautaire et, last but not least, de meilleure qualité, force est de constater que Firefox a parfaitement relevé le défi en devenant l’un des exemples emblématiques de la réussite du logiciel libre[1].

À Firefox le Web reconnaissant

On est ainsi passé d’une situation où Internet Explorer culminait à 95% de parts de marché et des miettes pour les autres à celle actuelle qui voit en Europe Internet Explorer à 57%, Firefox à 30%, Google Chrome à 6% et Safari à 5%.

Extraordinaire succès pour le navigateur de Mozilla et grands progrès pour les utilisateurs puisque Firefox a également directement participé à ce que toute la concurrence tende à respecter les standards d’Internet, facilitant ainsi la vie de tous les créateurs et lecteurs de pages Web. Et si on a pu parler d’un « Web 2.0 », avec ses riches et complexes applications en ligne, c’est aussi à Firefox qu’on le doit.

Contrat rempli haut la main. Firefox nous a effectivement et indéniablement offert un meilleur Internet. Et c’est un logiciel libre conduit par une fondation à but non lucratif qui nous a fait ce cadeau-là. Merci Firefox, merci Mozilla et derrière la fondation, merci à toute sa communauté.

Sauf que la situation a tant et si bien évolué que l’on peut légitiment se demander aujourd’hui si Firefox n’est pas en train, contre sa volonté, de vivre ses ultimes heures de gloire. N’assiste-t-on pas aux prémisses de la fin d’un cycle ? Son déclin aurait-il déjà commencé ? Doit-on s’y résoudre et quelles conséquences cela peut-il bien avoir pour le logiciel libre ?

Accusé levez-vous !

Pourquoi toutes ces questions qui peuvent sembler exagérées voire provocatrices ?

Parce que Google Chrome.

Le navigateur de la firme de Mountain View a beau ne réaliser aujourd’hui que 6% malheureuses petites parts de marché, il peut potentiellement faire très mal à Firefox. Jusqu’à devenir un « Firefox-killer » si la tendance actuelle persiste.

Car c’est bien cette tendance qui inquiète. Sur la dernière année en Europe et dans le monde, Internet Explorer a encore baissé mais, pour la première fois, Firefox a stagné, tandis que Google Chrome, en pleine phase d’ascension, a plus que triplé le nombre de ses utilisateurs.

Firefox, en croissance continue ces dernières années, se trouve donc si ce n’est stoppé dans son élan tout du moins fortement ralenti. On se dit alors que ce n’est pas forcément bien grave puisque Chrome capte avant tout des utilisateurs d’Internet Explorer sur le principe des vases communicants. Certes mais ce sont autant d’utilisateurs Windows qui, faisant l’effort de changer de navigateur, ne migrent pas vers Firefox.

Et puis, il ne faut pas se le cacher, il y a également des nouveaux venus chez Chrome provenant directement de Firefox. Je vous épargne les liens vers des billets de blogs anglophones ou francophones titrant « Pourquoi j’ai choisi de remplacer Firefox par Google Chrome », mais ils existent et seraient même de plus en plus nombreux, surtout depuis que Chrome accepte les extensions.

Le grand perdant est donc clairement Internet Explorer, ce dont on ne se plaindra pas. Mais on a un nouveau gagnant, c’est inédit et cela interpelle. Y a-t-il de la place pour ces deux rivaux déclarés de Microsoft dans un secteur qui a longtemps souffert d’une absence de concurrence ? Oui à court terme mais à long terme rien n’est moins sûr, malgré les rassurants discours officiels de Google et Mozilla qui prennent bien soin de ne jamais se critiquer mutuellement.

On ne vous le dira pas publiquement mais on se marche un peu sur les pieds (puisque les deux applications se ressemblent et se positionnent comme des alternatives à Internet Explorer). Pour s’en convaincre il suffit de chercher à comprendre ce qui a bien pu motiver Google à carrément sortir un nouveau navigateur plutôt que de contribuer avec Mozilla à l’amélioration de Firefox.

Pourquoi un tel succès ?

Google Chrome soufflera sa deuxième bougie en septembre prochain. Comment une application si jeune a-t-elle pu se faire si rapidement une place dans l’espace à priori sursaturé des navigateurs ?

Il y a bien sûr la force de frappe de Google. Pour la première fois on a vu la société se payer un peu partout d’agressives campagnes de publicité. On a vu également des invitations à le télécharger apparaître sur ses propres sites (YouTube, accueil du moteur de recherche…). À n’en pas douter ça aide à faire connaitre et diffuser son logiciel.

Mais il y a surtout la qualité du produit.

Là aussi il ne faut pas se le cacher, Google a réussi à innover en débarquant avec Chrome, directement sur les trois plateformes Windows, Mac et GNU/Linux. Sécurité, interface épurée (fidèle à la tradition Google), affichage fluide et agréable, onglets indépendants, moins gourmand en ressources, une très pratique recherche à même la barre d’adresses, la présence d’extensions dans la dernière version… et puis cet argument massue : la rapidité.

Il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre que cette rapidité est réelle. Et elle est décisive parce que c’était et cela demeure, malgré les récents progrès de la version 3.6, l’un des défauts majeurs de Firefox.

On me reprochera la radicalité de ce qui va suivre, car tout est relatif dans ce bas monde, mais la raison principale de la croissance de Google Chrome est finalement d’une limpide simplicité : c’est techniquement parlant aujourd’hui le « meilleur » navigateur du marché.

Voilà ce que les ingénieurs de chez Google ont réussi à produire en à peine plus d’un an et demi ! Et l’essayer, c’est réellement prendre le risque de l’adopter.

Çà n’est qu’un début…

Oui, 6% de parts de marché pour Chrome, c’est aujourd’hui ridicule. Mais la dynamique est clairement en faveur du navigateur de Google.

Le rythme de développement de Chrome reste impressionnant. Ainsi on apprend aujourd’hui que la prochaine version 5 de Chrome sera 35% plus rapide que la précédente, c’est-à-dire l’actuelle, qui est déjà la plus rapide du marché ! Cette avance-là n’est pas prête d’être rattrapée…

Quant à la toute récente rumeur qui verrait pour la première fois Chrome (ou plutôt sa déclinaison libre Chromium) remplacer Firefox par défaut dans la prochaine version netbook de la distribution Ubuntu 10.10, elle fera à n’en pas douter jaser dans les chaumières ubunteros. L’exemple a valeur de symbole. Et si Chromium équipait par défaut toutes les versions d’Ubuntu demain ?

Et puis surtout il y a l’avènement annoncé de Google Chrome OS, ce système d’exploitation d’un nouveau genre que l’on trouvera pré-installé dans des ordinateurs neufs, et peut-être bien plus tôt que prévu. Ils ne remplaceront pas Windows du jour au lendemain, mais nul doute qu’ils trouveront leur public en augmentant d’autant l’effectif des utilisateurs du navigateur Chrome.

La gêne manifeste de la communauté du logiciel libre

Aujourd’hui que répondre à Tata Janine qui a comparé Firefox à Chrome et lui préfère ce dernier ? Quel navigateur installer sur le vieil ordinateur de Tonton Jacques alors qu’on sait très bien que Chrome ramera bien moins que Firefox ?

Qu’il est déjà loin le temps où Firefox n’avait que l’horrible Internet Explorer 6 en face de lui. Et qu’il était facile pour la communauté du Libre de trouver des arguments pour inciter à passer de l’un à l’autre. Google Chrome est un compétiteur d’un tout autre calibre pour Firefox.

Il y a donc sa redoutable qualité technique mais il y a aussi le fait que Google Chrome repose sur la couche libre Chromium. Ne l’oublions pas, Google Chrome n’est pas un logiciel libre mais presque !

Pour ne rien arranger, rappelons également la situation schizophrénique et paradoxale des ressources de la Mozilla Foundation apportées à plus de 90% par l’accord avec… Google ! Quand vous dépendez financièrement d’un partenaire qui se transforme jour après jour en votre principal concurrent, vous vous sentez légèrement coincé aux entournures !

Toujours est-il que Google soutient donc indirectement le développement de Firefox et nous propose, pour tout OS, le plus véloce des navigateurs dont la base est libre par dessus le marché. On comprendra alors aisément l’embarras de certains d’entre nous.

J’y vais ou j’y vais pas ? D’aucuns « résistent » mais d’autres « craquent ». Coupons la poire en deux en adoptant Chromium plutôt que Chrome ? C’est se donner momentanément bonne conscience, mais ne nous-y trompons pas, cela fait quand même le jeu de Google. Peut-être retrouve-t-on d’ailleurs ici la fameuse différence d’approche entre « ceux du logiciel libre » (éthique) et « ceux de l’open source » (technique), les seconds étant plus enclins que les premiers à franchir le pas.

Le débat est du reste également présent chez nous à Framasoft, puisqu’au sein de l’équipe Framakey certains ont récemment évoqué l’éventualité d’une clé plus rapide ne reposant plus sur Firefox mais sur Chromium.

En tout cas les statistiques du Framablog ne viennent pas contredire cette valse hésitation. Il y a un an on avait du Firefox à 71%, Internet Explorer à 16% et Chrome à 2%. Aujourd’hui, c’est du Firefox à 66%, Chrome à 11% et Internet Explorer à 9%. On peut supposer, chers et tendres lecteurs, que vous êtes un public averti, ce que tend à prouver les 35% qui arrivent ici sous GNU/Linux, mais cela n’empêche en rien un certain nombre d’entre vous d’avoir déjà adopté Chrome (ou Chromium ou Iron), visiblement parfois en lieu et place de Firefox.

Ce qu’il y a de caractéristique lorsque l’on discute avec quelques uns de ces nouveaux transfuges, c’est qu’il ne sentent pas forcément très fiers d’être passés à Google Chrome/Chromium. Jusqu’à éprouver comme un étrange sentiment de culpabilité d’avoir ainsi sacrifié leur fidélité à Mozilla sur l’autel du confort de leur navigation. Parce que, quand bien même aurait-on préféré Chromium à Chrome, on sait très bien que l’on se fait complice d’un Google toujours plus présent et puissant alors qu’on a plus que jamais besoin de structures comme Mozilla pour lui donner le change.

Passer de Thunderbird à Gmail n’était déjà par forcément très glorieux mais cela ne portait pas, pensait-on, à grande conséquence. Il en va différemment ici.

Au revoir et merci Firefox ?

Va-t-on se réveiller un jour en surfant plus agréablement mais en ayant perdu l’un des fleurons du logiciel libre ?

Firefox est potentiellement en danger car il est effectivement momentanément détrôné. La force marketing de Google conjuguée à l’impressionnante qualité du logiciel font aujourd’hui de Google Chrome la principale solution alternative à Internet Explorer sous Windows. Cette qualité est telle qu’elle réussit de plus à faire en sorte que même des membres aguerris de la communauté du Libre décident de l’adopter.

La belle affaire, me diriez-vous. Chrome est innovant, respectueux des standards et se base sur du libre, alors que le meilleur gagne et ainsi va la vie. Certes, sauf que nos choix ne sont pas anodins et à l’heure de l’informatique dans les nuages et de l’exploitation souvent trouble des données personnelles, nous aurions beaucoup à perdre à consolider encore davantage Google et affaiblir d’autant Mozilla.

D’un côté Google, multinationale à la taille démesurée, qui force peut-être l’admiration mais dont les contrats d’utilisation restent plus qu’ambigus. De l’autre côté Mozilla, fondation à but non lucratif dont le Manifeste aura d’autant plus de chances d’être influent que ses applications seront diffusées et utilisées.

À qui accorderiez-vous votre confiance ? Qui avez-vous envie de soutenir pour participer à rendre le Web tel que vous le souhaitez ?

J’ai évoqué plus haut ces blogs qui titrent : « Pourquoi je suis passé (la mort dans l’âme) de Firefox à Google Chrome ». Mais au sein de la même communauté on voit également fleurir en ce moment de nombreux billets diamétralement opposés qui pourraient se résumer ainsi : « Pourquoi j’ai fermé tous mes comptes Google en migrant vers des alternatives libres ». La préoccupation est là, la division également.

Oui, Firefox stagne et les indicateurs sont pour la première fois à la baisse. Mais rien n’est inéluctable et la tendance aura d’autant plus de chances de s’inverser que nous ne nous montrerons ni passifs ni complices.

Même si la différence de rapidité est flagrante au démarrage mais moins évidente à la navigation, même si les extensions lui donnent encore une longueur d’avance, il faut impérativement que Mozilla et sa communauté améliorent rapidement Firefox sinon le soutien deviendra de plus en plus délicat. La version 3.6 montre le chemin et la prochaine version 4.0 promet beaucoup et pourrait bien combler son retard voire passer devant.

Mais il convient également de se serrer les coudes et d’être solidaires face à l’adversité en ne quittant pas forcément le navire à la première vague venue. Ne dit-on pas que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît ses vrais amis ?

Notes

[1] Crédit photo : Jasen Miller (Creative Commons By)




Geektionnerd : Google Chrome

En référence à notre billet : Google Chrome OS ou l’ordinateur de moins en moins personnel.

Scénario catastrophe ou réalité en marche ?

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Google Chrome OS ou l’ordinateur de moins en moins personnel

Doug Siefken - CC byReposant sur le véloce navigateur Chrome et un noyau Linux, Chrome OS est le très original système d’exploitation de Google qui devrait voir officiellement le jour avant la fin de l’année.

Si le succès est au rendez-vous, il révolutionnera notre perception même de l’informatique et de l’ordinateur (victimes collatérales : Microsoft mais aussi le logiciel libre).

Et puisque cela ne pose aucun problème à la majorité de nos concitoyens de confier leurs données personnelles dans les nuages de Facebook[1] sans se soucier le moins du monde des termes du contrat, il en ira de même avec Google. Je lève donc l’incertitude du paragraphe précédent : le succès sera au rendez-vous et, autant s’y préparer dès maintenant, la petite révolution aura bien lieu.

Un ordinateur moins personnel

A Less Personal Computer

Simson L. Garfinkel – Mai 2010 – Technology Review
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le futur système d’exploitation de Google sera rapide et sécurisé. Mais en retour il exploitera vos données personnelles.

Dans le jargon du Web, est dit chrome tout ce qui, dans la navigateur, encadre la page : la barre d’adresse, le bouton Précédent et les fameux marques pages. Chrome, c’est aussi le nom du navigateur lancé par Google en septembre 2008, et, loin de simplifier les choses, Chrome OS est le nom du système d’exploitation annoncé par Google en juillet 2009 et qui devrait sortir avant la fin de cette année.

La confusion des noms est tout sauf fortuite. Elle reflète l’ambition de Google de créer un système d’exploitation fondu dans le navigateur. Adieu fichiers, répertoires et programmes. Chrome OS permettra à Google de mettre son infrastructure dans les nuages, des services et des applications en ligne hébergés sur leurs fermes de serveurs, au cœur de quasiment toutes vos activités. En quelques années, Chrome OS pourrait devenir l’environnement le plus simple, le plus rapide et le plus sûr pour l’informatique personnelle. Mais tout n’est pas rose : il fera de Google le dépositaire de toutes vos informations personnelles. C’est la possibilité pour Google d’exploiter encore un peu plus vos données pour rendre plus lucrative encore sa vente de publicité.

Chrome OS représente un virage important dans notre manière de concevoir l’informatique. Les principaux systèmes d’exploitation aujourd’hui, Windows, Mac OS et Linux, reposent toujours sur le modèle de la station de travail hérité des années 80. Ils sont fait pour tourner sur du matériel puissant, le stockage des données personnelles et des programmes se faisant sur un disque dur local. Même le Web, inventé en 1989 par Tim Berners-Lee, n’est qu’une simple extension de ce modèle, un outil plus performant pour trouver des informations sur le réseau et les rapatrier sur votre ordinateur. Mais plus personne n’utilise son ordinateur ainsi de nos jours. En tout cas, pas ceux qui usent et abusent des populaires applications Web que sont Facebook, Gmail ou Youtube. Avec ces applications, vos données sont stockées dans un ou plusieurs datacenters quelque part dans le monde, décomposées dans le nuage et copiée momentanément sur votre ordinateur seulement pour les lire.

Vous pouvez télécharger le navigateur Chrome et le faire fonctionner sur Mac, Windows ou Linux. Si vous le faites, vous remarquerez qu’il est visiblement plus rapide que Safari d’Apple, Internet Explorer de Microsoft ou Firefox de Mozilla. Chrome intègre moins de chrome que ces navigateurs : pas de bordure épaisse, pas de barre de boutons ou de ligne de statut. Pour Google, le navigateur doit se faire oublier pour vous rapprocher de vos données. le Chrome OS pousse le concept plus loin. Il s’agira d’un navigateur Web et un noyau Linux pour contrôler toute la partie matérielle, pas grand chose de plus. Chrome OS ne devrait pas dépasser le gigaoctet sur le disque dur et le système d’exploitation démarrera en quelques secondes. Il n’y aura pas de bouton Démarrer, seulement la page d’accueil de Google et les liens vers vos applications Internet favorites. Des panneaux s’ouvriront sur les côtés de la page principale lorsque vous branchez un appareil photo numérique ou qu’un réseau sans-fil est détecté.

L’apparence minimaliste de Chrome OS en fait le système d’exploitation idéal pour les netbooks aux spécifications modestes. Certains d’entre eux sont déjà livrés avec un système d’exploitation léger centré sur le navigateur qui peut être utilisé en lieu et place de Windows. Chrome OS est similaire, mais il sera intimement lié aux services dans les nuages de Google. Après avoir entré votre nom d’utilisateur et votre mot de passe Google pour vous connecter à Chrome OS, Google Docs vous permettra d’éditer et de sauvegarder vos documents et Gmail se chargera de vos e-mails.

Vous pouvez déjà télécharger et faire fonctionner Chromium OS pour obtenir un avant-goût de ce qu’il sera dans quelque mois. Mais je ne vous le conseille pas : Chromium OS n’est pas encore prêt. Mais plusieurs fabricants d’ordinateurs, dont Samsung et Acer, prévoient de mettre sur le marché des netbooks sous Chrome OS et Google pourrait même sortir son propre netbook sous Chrome OS construit, un peu comme le smartphone Nexus One, autour de spécifications matérielles déterminées par l’entreprise.

D’après les ingénieurs de Google, Chrome OS utilisera le disque dur de votre ordinateur comme un simple cache où il stockera des copies de ce sur quoi vous travaillez afin de ne pas communiquer sans arrêt avec les serveurs et ainsi épargner votre abonnement 3G (et accessoirement votre batterie). Toutes ces données personnelles seront chiffrées, pas de risque en cas de perte de votre machine. Et si pour une raison ou une autre votre ordinateur était corrompu, par exemple par un virus, vous pourrez le remettre à 0 et recommencer votre travail sans rien perdre, puisque vos données sont dans les nuages.

Si vous faites parti des fans de Google, ou des employés ou encore des actionnaires de la firme, Chrome OS représente alors pour vous la dernière innovation de Google pour améliorer l’expérience utilisateur. Si vous êtes un concurrent, vous ne verrez pas forcément d’un bon œil le nouveau tentacule de Google s’étendre vers les systèmes d’exploitation. Et si vous êtes pour la défense de la vie privée, comme moi, voilà qui devrait renforcer vos inquiétudes les plus profondes quant au géant de l’Internet : en cohérence avec ses déclarations, il cherche vraiment à répertorier toutes les informations du monde.

Souvenez-vous de la tentative de Microsoft de s’appuyer sur sa position de plus grand fournisseur de logiciel au monde pour s’accaparer le marché des navigateurs Internet, des serveurs Web et des services Internet dans les années 1990. L’histoire pourrait bien se répéter, mais dans l’autre sens. Google, roi de la recherche et de la publicité sur Internet pourrait s’appuyer sur la force de ses applications Internet pour se faire une place sur votre prochain netbook et, de là, sur votre ordinateur de bureau. Tous les services Google fonctionneront mieux avec Chrome OS, pas à cause d’un abus de position dominante de la part de Google, mais parce que le système aura été construit spécialement pour faire fonctionner des applications Web complexes. Et si tous vos besoins sont couverts par un navigateur Web, pourquoi devriez-vous payer pour un ordinateur plus gros, plus lent et qui demande une maintenance importante ?

La convergence entre Chrome, Chrome OS et les services dans les nuages représente aussi un grand chamboulement dans le monde de la vie privée. Cela fait maintenant 20 ans que je m’intéresse à ce sujet ; à l’origine des plus grandes menaces sur notre vie privée, on retrouve toujours les grandes entreprises qui essaient de collecter et de revendre des données personnelles et les gouvernements qui tentent d’y accéder. Chrome OS modifie largement les paramètres de l’équation. Pour la première fois, les utilisateurs seront encouragés à confier leurs données personnelles à une seule et même entreprise, une entreprise qui génère de l’argent en disséquant ces données. Et toutes ces informations ne seront protégées que par un identifiant et un mot de passe unique. Si tant est qu’elles soient véritablement protégées : après tout, Google a bien décidé d’inscrire des millions d’utilisateurs de Gmail à Google Buzz sans leur permission, rendant public une grande partie de leurs contacts par la même occasion. Enregistrer, ranger ou sauvegarder ses données ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir pour les utilisateurs de Chrome OS. Mais qu’adviendra-t-il si les banques de données de Google sont piratées, révélées accidentellement ou partagées avec un gouvernement pernicieux ?

On pense en général, à tort, que l’activité principale de Google est la recherche et que nous sommes les clients de l’entreprise. Mais en fait, du chiffre d’affaire de 23,7 milliards de dollars réalisé en 2009 par Google, 22,9 milliards proviennent de la vente de publicité. Google enregistre et exploite le comportement de ses utilisateurs pour cibler plus efficacement les publicités. Google produit des clics de souris et ses clients sont les publicitaires. Chrome et Chrome OS inciteront plus encore les utilisateurs à fournir leurs données personnelles au Googleplex, pour enrichir l’inventaire de Google et augmenter son taux de clics. Ces informations personnelles permettront à Google de mieux cibler encore les publicités pour des utilisateurs qui seront encore plus enclins à cliquer.

Les vrais clients de Google, vous savez, ces entreprises qui sont prêtes à dépenser des milliards tous les mois pour utiliser ses services de placement de publicité, seront heureux, soyez en sûrs. Plus d’espace et de visibilité pour afficher des publicités se traduit par un coût au clic plus faible. Mais pour les utilisateurs ordinaires, ça n’est pas forcément bon. Aujourd’hui, il vous est toujours possible de lancer une application sur votre ordinateur et conserver vos données exactement où vous le souhaitez. Dans le futur, si vous décidez de prendre part à la révolution de l’informatique personnelle selon la vision de Google, vous n’aurez peut-être plus ce choix.

Simson L. Garfinkel est chercheur et auteur, il habite en Californie. Ses sujets de recherches incluent des travaux en informatique légale, sur la vie privée et la gestion des informations personnelles.

Notes

[1] Crédit photo : Doug Siefken (Creative Commons By-Sa)




L’État de l’Oregon adopte Google Apps Education pour ses écoles

Avinash Kunnath - CC byLa nouvelle est passée totalement inaperçue dans les médias et la blogosphère francophones alors qu’elle revêt pourtant selon moi de la plus haute importance. Parce que c’est peut-être rien moins que l’éducation de demain qui se cache ici derrière cet évènement.

Un État américain, en l’occurrence l’Oregon, vient tout juste de décider d’adopter la solution Google Apps Education pour toutes ses écoles publiques.

Nous vous proposons ci-dessous la double traduction du blog de Google qui annonce fièrement la nouvelle ainsi qu’une explication enthousiaste, voire complaisante, issue du célèbre site Mashable.

J’aurais l’occasion dans un futur billet de revenir plus en détails sur Google Apps Education en pointant effectivement ses nombreux avantages mais également ses criants défauts. Histoire de nuancer quelque peu le caractère parfois légèrement « bisounours » des propos tenus dans ce billet.

Mais retenons pour le moment que les données des élèves dans les nuages des serveurs Google ne font pas peur à l’Oregon (cf les termes du contrat). C’est un choix de l’administration publique, c’est un État tout entier (qui concernent plusieurs centaines de milliers d’élèves) et ça va donner de sérieuses billes à Google pour convaincre d’autres futures institutions scolaires d’en faire autant. Surtout si les journalistes ne font rien d’autre que d’applaudir benoîtement.

Retenons également que contrairement à nos trois étudiants de l’Université Yale, aucune voix de lycéens ou de leurs parents n’est venue contrarier la bonne marche du projet en demandant quelques (légitimes) explications et précisions.

PS : À ceux qui s’étonneront du choix de la photographie ouvrant cet article[1], je l’ai trouvée en tapant « Oregon » dans Flickr. Ce sont les pom-pom girls de l’équipe de football américain des Oregon Ducks et elles me semblaient toutes indiquées pour illustrer ironiquement le côté « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » de cette actualité.

Alis volat propriis : L’État de l’Oregon fait entrer Google Apps dans toutes ses écoles

Alis volat propriis: Oregon’s bringing Google Apps to classrooms statewide

Jaime Casap (Google Apps Education Manager) – 28 avril 2010 – The Official Google Blog
(Traduction Framalang : Étienne)

Ayant grandi dans le quartier de Hell’s Kitchen à Manhattan pendant les années 70, je n’ai pas reçu d’éducation en matière de technologie. Mes enseignants notaient mes copies, et l’idée de collaborer à un projet avec mes camarades n’était pas envisageable, où que ce soit et pour quoi que ce soit. Il va sans dire que nous n’avions pas d’ordinateur à la maison, et que l’idée de travailler sur Internet était encore un rêve pour l’élève que j’étais.

Les choses ont changé, bien sûr, depuis que j’ai quitté l’école, et des gens travaillent ardemment à amener la technologie dans les salles de classe, pour aider les élèves a apprendre et les professeurs à enseigner. Aujourd’hui, l’Oregon franchit une étape majeure dans cette direction. C’est le premier à ouvrir Google Apps Education aux écoles publiques de tout un État.

À partir d’aujourd’hui, le département de l’éducation de l’Oregon offre Google Apps à toutes les académies de l’État, aidant ainsi les professeurs, les personnels administratifs et les élèves à utiliser Gmail, Docs, Sites, Video, Groups et plus encore, au sein des établissements scolaires du primaire et du secondaire. Le financement des écoles a subi des coupes importantes ces dernières années, et l’Oregon n’y fait pas exception. Cette démarche permettra au département de l’éducation d’économiser 1,5 millions de dollars par an, une somme rondelette pour un budget en difficulté.

Avec Google Apps, les élèves de l’Oregon peuvent créer des sites Web ou envoyer des messages à leurs enseignants autour d’un projet. Leurs documents et leurs messages vivent leur vie en ligne, dans le « cloud » (NdT : le nuage), toujours accessibles pour y travailler depuis une salle de classe ou un laboratoire informatique, à la maison ou à la bibliothèque municipale. Et au lieu de, seulement, noter une copie une fois le travail rendu, les professeurs de l’Oregon peuvent accompagner en temps réel les élèves sur leur documents, et les guider au fur et à mesure. Il est essentiel que les élèves apprennent à se servir des outils technologiques dont ils auront besoin au cours de leur vie, et l’Oregon aide ses élèves dans ce sens, tout simplement.

Je suis ébahi de voir à quel point la technologie a évolué depuis que j’ai quitté l’école, et à quel point nous devons continuer dans cette direction pour nous assurer que les enfants aient accès à ces outils dans les classes. Les outils en ligne tels que les Google Apps sont une façon, pour les enseignants, les élèves, et maintenant un État tout entier, de répondre au problème. Oh, et « alis volat propriis » ? C’est la devise de l’Oregon. Celà signifie « Elle vole de ses propres ailes ». Très à propos pour un État qui s’oriente ainsi vers le « cloud ».

Pourquoi les écoles s’ouvrent à Google Apps

Why Schools are Turning to Google Apps

Greg Ferenstein – 28 avril 2010 – Mashable
(Traduction Framalang : Olivier)

Aujourd’hui, les écoles publiques de l’Oregon s’offrent à Google Apps, 400 000 étudiants, enseignants et personnels administratifs auront désormais accès à un système d’e-mail et de chat, des outils de collaboration dans les nuages et un service de streaming multimedia. Les décisions affectant tout un état sont habituellement aprement contestées, chaque point étant sujet à débat.

Mais l’histoire entre Google Apps et le système éducatif est fascinante à bien des égards. Nous avons interviewé les architectes de ce plan ainsi que ceux qui utilisent Google dans les salles de classe. Voici les trois avantages qui s’en dégagent : 1) les écoles font des économies, 2) les résultats scolaires et la motivation s’en ressentent, à la hausse, et 3) les étudiants sont mieux préparés aux communications numériques dans le monde réel.

Les économies

L’argent est souvent le nerf de la guerre lorsqu’on parle de réforme de l’éducation et l’avantage est clairement dans le camp de Google. Le ministère de l’éducation de l’Oregon estime pouvoir économiser 1,5 million de dollars par an. Même le relativement modeste Maine Township District 207 dans l’Illinois, qui a déjà adopté Google Apps, estime ses économies à 160 000 dollars chaque année.

Google Apps Education est gratuit. Les économies proviennent principalement de l’abandon des logiciels de messagerie et de bureautique, auxquelles il faut ajouter les coûts de la maintenance informatique et des mises à jours matérielles. D’après Steve Nelson, vice-président technologie de Oregon Virtual Schools, ces économies peuvent être ré-investies pour déployer un service de streaming multimédia qui fait la part belle aux créations des étudiants, ce qui, ajoute-t-il, « n’était pas économiquement faisable » avant l’arrivée de Google.

Henry Thiele, responsable informatique pour le district 207, s’avoue « surpris du nombre d’écoles qui ne connaissent même pas Google Apps ». Et si elles en entendent parler, poursuit-il, elles cherchent toujours le petit piège. Thiele répond simplement « Il n’y a pas de piège ».

Résultats et motivation à la hausse

« Les étudiants qui participent à ce programme progressent beaucoup plus rapidement en lecture que ce à quoi nous sommes habitués », s’enthousiasme Thiele. Il fait référence à un cours d’anglais où un ordinateur portable a été confié à des élèves de 3ème considérés en difficulté. Dans le District 207, on espère voir une progression de 3 points en moyenne sur les tests de lecture cette année, mais les scores des élèves en difficulté devraient stagner ou régresser. Alors que les scores de ceux qui en revanche participent au programme ont fait un bond de 8 à 10 points. Google Apps n’est pas le seul facteur à l’origine de ce progrès, mais son coût dérisoire et sa nature collaborative ont rendu le programme 1-to-1 (un ordinateur pour chaque élève) possible.

Jason Levy, chef d’établissement, qui a participé à l’introduction de Google Apps dans les écoles du district 339 de New York (voir ce reportage vidéo), a observé que 47% des étudiants atteignent désormais la moyenne en mathématiques contre 27% auparavant. De plus, Thiele et Levy font état d’une plus grande concentration et de moins de problèmes disciplinaires. D’après Levy « leur comportement s’est amélioré, l’absentéisme a diminué et les exclusions temporaires sont plus rares ».

Les remarques de ces deux enseignants reflètent l’avis général puisque les expérimentations réalisées dans d’autres classes confirment que mêler technologie et éducation accroît l’intérêt des élèves.

Ça n’est pas très difficile à comprendre « On dit souvent que les gamins ne savent pas se concentrer ou garder leur concentration. Ma foi, je n’y arrive pas non plus » avoue Levy. S’appuyer sur le besoin des enfants de se socialiser et sur leurs facultés d’adaptation à la technologie est un moyen naturel de tirer partie de leur curiosité.

Se préparer au monde réel

Non seulement les étudiants bénéficient des avantages de la collaboration et d’une familiarisation accrue avec l’informatique, mais Google Apps les aide aussi à se préparer pour le monde réel de manière innovante. Grâce à Google Sites, les futurs ingénieurs tiennent à jour un portofolio numérique de leurs projets d’étude. La somme numérique de tous leurs travaux universitaires parlera certainement plus à leurs futurs employeurs que quelques tirets dans un CV.

L’un des professeurs du Maine Township utilise Google Spreadsheets pour faire sortir la science du carcan des livres. Les étudiants réalisent de vrais expériences et regroupent toutes leurs données dans des tableaux en ligne. Ici, les élèves mettent littéralement les mains dans le cambouis, ils mesurent l’influence du sol sur la croissance des plantes et traitent leurs données grâce aux outils informatiques, comme les vrais scientifiques. Ce modèle, pas bien sorcier, semble être un moyen peu onéreux et motivant pour aider le Ministère de l’Éducation a atteindre le but qu’il s’est fixé d’accroître la compétitivité scientifique des États-Unis au travers de l’ambitieux programme « Race to the Top ».

Conclusion

« Les fonctionnalités apportées sont absolument stupéfiantes » ajoute Nelson. Effectivement, tous ceux que j’ai interviewé ne trouvaient que du positif à l’introduction de Google Apps dans un contexte d’enseignements. Quoiqu’on pense de Google en tant que société, ses contributions au système éducatif américain sont remarquables.

L’adoption par les écoles de Google Apps est un signe que l’informatique dans les nuages se démocratise. Le perfectionnement de ces outils, ainsi que leur avantage économique font des applications Web une alternative intéressante pour les écoles en manque de moyens. Peut-être faut-il voir dans l’adoption de Google Apps par l’Oregon un signe avant coureur d’une éducation qui se fera de plus en plus dans les nuages.

Notes

[1] Crédit photo : Avinash Kunnath (Creative Commons By)