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Kidimath : le nouveau projet Sésamath pour élèves (et parents)

Kidimath - Sésamath« À l’heure où de plus en plus de sites payants d’accompagnement à la scolarité fleurissent sur l’internet, Sésamath a décidé d’ouvrir un espace dédié, entièrement gratuit, sans aucune publicité, dans un esprit de service public. »

C’est ainsi qu’est introduit le projet Kidimath dans la brochure dont j’ai déjà eu l’occasion de parler.

En attendant (impatiemment) l’ouverture officielle du site, prévue le 30 mai, nous avons eu envie d’en savoir plus en interrogeant Noël Debarle, qui anime, entre autres choses, le très intéressant blog de Sésamath.

Vous trouverez ci-dessous en bonus une courte vidéo présentant le projet.

Entretien avec Sésamath

aKa : Bonjour Sésamath, alors comment vous portez-vous après toutes ces années ?

Noël Debarle : Bien ! Officiellement, Sésamath aura 10 ans en 2011. Mais comme les premiers contacts et échanges ont eu lieu dès 1998, 1999, on peut dire que Sésamath a déjà 10 ans : peut-être l’âge de raison !

L’association grandit à tous points de vue, dans un monde de l’éducation qui bouge et qui est passablement compliqué… et donc il faut chaque fois se remettre en question. L’une des maximes fortes de Sésamath « Modestement, mais résolument » n’a sans doute jamais été aussi vraie que maintenant.

Par ailleurs, Sésamath essaie de plus en plus d’expliciter la philosophie qui sous-tend son action. C’est par exemple le cas dans la brochure qui sera envoyée dans tous les collèges français à la fin de ce mois, brochure qui contient une « profession de foi ». Juste une phrase qui permet de bien situer cette philosophie : « Sésamath est une association à but non lucratif dont la philosophie repose sur l’ouverture, la solidarité et l’entraide. »

Mais quel est donc ce nouveau et ambitieux projet « Kidimath » ?

Kidimath est d’abord une réponse à un besoin et une attente. En effet, de nombreux élèves et parents nous écrivent régulièrement pour témoigner de leur utilisation des ressources de Sésamath. Or la mise à disposition de ces ressources a été essentiellement pensée par des profs, pour des profs… et pas directement pour des élèves ou leurs parents.

Créer des ressources et les mettre en ligne est une chose, faire en sorte qu’elles soient accessibles et faciles de prises en main pour différents types d’utilisateurs est clairement une autre chose. C’est l’effort principal de Sésamath cette année. Le corollaire de la mise en place d’un espace réservé au profs (Sésaprof) est la création de cet espace destiné aux familles (Kidimath). Entre les 2, Sésamath fait également évoluer la version réseau de Mathenpoche, remplacée par Labomep en Septembre prochain. Pourquoi entre les 2 ? car Labomep est un espace dans lequel les enseignants peuvent créer des séances pour leurs élèves, qu’ils soient en classe ou à la maison.

Sésaprof, Kidimath et Labomep ont été pensés par rapport aux utilisateurs, en intégrant toutes les ressources crées par Sésamath, et même au-delà : une sorte de Sésamath 2.0

Kidimath, un « espace non marchand » dans le milieu très marchand des sites d’accompagnement scolaire ?

Il y a d’autres initiatives très réussies… Je pense notamment à Cyberpapy. On ressent dans ce genre de site que toute l’énergie est déployée pour une utilité maximale pour les élèves et pas dans la recherche de rentabilité.

Malheureusement, les Maths sont fortement associés à la sélection et on arrive vite à la sélection par l’argent. Il y a ceux qui peuvent éventuellement se payer des cours particuliers… et les autres. C’est d’autant plus paradoxal, d’une certaine façon, qu’il n’y a pas plus ouvert que les Mathématiques, François Elie le rappelle d’ailleurs souvent quand il fait l’analogie entre la libération du logiciel et la libération des Mathématiques il y a plusieurs siècles.

On serait très content dans Sésamath, si les Maths pouvaient plutôt être associées à des notions de solidarité, d’échange et de partage. Sans publicité, gratuit, ouvert à tous, nous espérons que Kidimath y contribuera.

Pour la première fois, vous ne vous adressez plus aux enseignants mais directement aux élèves et aux parents hors temps scolaire, comment avez pris en compte cela dans Kidimath ?

Nous avons eu la chance de travailler avec un collègue documentaliste, qui a fait son mémoire sur ce projet. Et d’ailleurs nous espérons poursuivre nos échanges avec les documentalistes, qui accompagnent très efficacement les élèves.

La difficulté est d’essayer de rendre le contenu accessible sans perdre en rigueur. En effet, l’objectif essentiel de Kidimath est de permettre aux élèves d’améliorer leurs résultats en Maths : pour cela, il est nécessaire de coller assez fortement aux attentes des professeurs sur le terrain. Mais Kidimath a aussi pour ambition de susciter du plaisir à faire des Maths et c’est pourquoi toute une partie du site est consacrée aux jeux en Mathématiques, avec par exemple le passage de ceintures de calcul mental. Si vous avez envie de devenir ceinture noire dixième dan de calcul mental, ce sera bientôt possible sur Kidimath !

Comme tout projet à ses débuts, Kidimath va également nous servir de laboratoire pour tester un certain nombre de choses afin d’améliorer constamment le site. Bref, on est plutôt au début d’une nouvelle aventure.

Pensez-vous que ce site soit susceptible de redonner à certains de « l’appétence » pour les mathématiques ?

Nous l’espérons en effet. C’est d’ailleurs ce que nous disent déjà beaucoup d’élèves et de parents concernant Mathenpoche. Maintenant, un certain nombre de questions restent posées : comment vont s’articuler les passages entre la partie « jeux » et la partie plus scolaire ? Est-ce que d’autres types d’accompagnements seront nécessaires (forums…) ?

Kidimath est amené à évoluer et toutes les bonnes idées seront les bienvenues… en particulier celles des nombreux lecteurs de ce blog !

Kidimath ou Facebook, quel sera le choix des élèves une fois rentrés à la maison ?

Qui sait ?

Ce qui est certain, c’est que Facebook existe, est gratuit et facile d’accès, offre des outils élaborés et est bien connu par nos élèves. Pour que les élèves aient le choix, il faudrait que Kidimath aient les mêmes caractéristiques.

Il est possible aussi que les parents aient leur mot à dire là-dedans… Kidimath leur est aussi destiné. Il est parfois difficile pour les parents d’aider efficacement leurs enfants. Des parents nous disent que Mathenpoche est pour eux une vraie bouffée d’oxygène. Kidimath devrait leur faciliter encore plus la tâche. Du moins nous l’espérons.

Et « le libre » dans tout ça, il se situe où dans Kidimath ? Plus dans l’état d’esprit que dans les outils ? Est-ce que n’importe qui peut télécharger et installer le site sur ses propres serveurs ?

L’ensemble des contenus et le site lui-même sera sous licence libre (mélange GPL, FDL et CCbysa). On va aussi travailler (plus tard) pour mettre l’ensemble en téléchargement.

Il y a beaucoup de contenus en Flash dans Kidimath. C’est un souci qu’on a identifié depuis longtemps. Et d’ailleurs on voit bien tout ce qu’on perd à ne pas avoir utilisé des outils libres à ce niveau. Mais avec le recul, il n’était sans doute pas possible de faire autrement. On espère toujours des alternatives viables !

Kidimath peut aussi être une vitrine d’autres logiciels libres en Mathématiques. Si certains ont des propositions, qu’ils nous contactent !

D’autres « grands projets » après Kidimath ?

Labomep sera ouvert en Septembre.

Sésamath travaille également sur les livrets proposant des activités TICE en Mathématiques, en liaison avec d’autres associations en lettres et en Histoire-Géographie.

Plus globalement, les contacts se multiplient avec les professeurs de Maths à l’étranger et nous espérons que cela conduise à des partenariats. Sésamath souhaite aussi travailler de plus en plus étroitement avec les chercheurs en didactique et en sciences de l’éducation pour améliorer les contenus proposer et étudier leur impact. Là aussi, des projets prometteurs sont en cours… donc on aura encore sans doute le plaisir de revenir discuter sur le Framablog.

Présentation vidéo de Kidimath

—> La vidéo au format webm




Le petit livre mauve (et libre) de Nicolas Dupont-Aignan

Le petit livre mauve - Nicolas Dupont-Aignan - ILV - CC by-saTous ceux, nombreux, qui ont suivi les débats à l’Assemblée autour du projet de loi Création et Internet, auront peut-être découvert ou en tout cas retenu les noms de certains parlementaires qui auront tenté jusqu’au bout de refuser cette loi inique.

Le député Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, était de ceux-là.

Or, celui qui a comparé les pro-Hadopi « aux moines copistes qui voulaient emprisonner Gutenberg et interdire l’imprimerie », nous revient aujourd’hui avec un livre original et très certainement pionnier en son genre en France : Le petit livre mauve.

Ce livre, qui s’inscrit dans la perspective des élections européennes (à ce propos n’oubliez pas Le Pacte), est selon ses dires un abécédaire « de l’Europe qui marche sur la tête… et qu’il faut remettre sur ses deux jambes ! »

Il ne s’agit pas pour moi ici d’en faire la critique politique, mais de souligner que ce livre est rien moins que disponible chez InLibroVeritas[1], sous licence, tenez-vous bien, Creative Commons By-Sa !

Et dans sa version print (comprendre vraie livre physique) il ne vous en coutera que 2 €.

Voici ce qu’on peut notamment lire sur le blog de Nicolas Dupont-Aignan :

Ce livre est publié par Inlibroveritas, une maison d’édition originale qui fait le pari innovant de l’émergence d’un nouveau modèle économique et culturel du livre, fondé sur l’accès gratuit aux œuvres sur internet. Créée en 2005 par Mathieu Pasquini, Inlibroveritas édite des livres sous licences totalement libres de droits, qui sont diffusés à la fois sur support physique payant et sur support numérique gratuit par internet. Le site communautaire d’Inlibroveritas constitue ainsi une sorte de bibliothèque ouverte contenant toutes les œuvres publiées par cette maison et qui draine plus d’un million et demi de connexions par mois. La démarche d’Inlibroveritas s’inscrit dans le concept d’ « édition équitable », qui est un peu au livre ce que la licence globale – l’un des combats majeurs de Debout la République – est à la musique et au cinéma.

Ce n’est certainement pas ceci qui me fera voter pour lui, mais cela y participe.

D’autant qu’avec ce modèle il est bien plus facile de s’informer de ce que l’homme politique a à dire et à proposer.

Notes

[1] Il est également à noter qu’InLibroVeritas inaugure une nouvelle collection, Science Libre, avec comme premier ouvrage L’évolution du vivant expliquée à ma boulangère de Virginie Népoux (toujours sous la très libre licence Creative Commons By-Sa).




Framakey et Ubuntu sont dans une clé USB

USB PenguinIl y a de cela 2 mois, j’évoquais les perspectives 2009 du projet Framakey et notamment le projet de mise en oeuvre d’une clé bootable avec un système GNU/Linux dessus. Ce projet – nom de code FramaGNU[1] – dont la sortie officielle est prévue pour les incontournables Rencontres Mondiales du Logiciel Libre (juillet), a suivi un parcours un peu particulier ces derniers mois.

Rappelons que, dans les grandes lignes, ce projet vise à produire une application à destination de l’utilisateur final (Tata Jeannine) souhaitant créer une clé USB contenant non seulement la Framakey, mais aussi un système GNU/Linux bootable avec « disque persistant ».

Ce dernier point est important, car cela permet de mettre à jour le système ou les applications sur la clé (par exemple, si vous installez un nouveau logiciel depuis cette « Live USB », vous le retrouverez au prochain démarrage). Cela différencie FramaGNU du projet UnetBootIn par exemple, qui ne propose pas la création de disque persistant (et dont l’interface est loin d’être « end-user »).

Il existe depuis plusieurs mois un outil intégré à Ubuntu permettant de réaliser une telle clé. Malheureusement, cet outil n’est accessible que depuis Ubuntu, ce qui est un frein pour les utilisateurs qui ne sont pas vraiment à l’aise avec l’informatique : il faut télécharger l’image disque (fichier .iso) d’Ubuntu (« Pourquoi on me propose Ubuntu ou Kubuntu ? c’est quoi le 64bits ? » etc), la graver (qui n’a jamais entendu la phrase « j’ai bien gravé mon fichier .iso sur mon CD, mais je n’arrive pas à l’ouvrir ! » ?), lancer le CD (avec la difficulté de devoir potentiellement modifier la séquence de boot), pour enfin créer la clef USB et redémarrer dessus. Un peu compliqué pour Tata Jeannine, non ?

Le mois de mars ayant été essentiellement consacré aux développement des WebApps, c’est à dire d’applications web portables comme PortableDrupal ou PortableWordpress, le projet FramaGNU était un peu resté de côté.

Devant quitter mon fief lyonnais pour y rencontrer l’équipe Ubuntu-FR au salon Solutions Linux début avril, je me penchais à nouveau sur le projet afin de voir s’il était possible de développer rapidement quelque chose prouvant qu’il était techniquement possible de créer un Live USB Ubuntu avec disque persistant sans quitter Windows. C’est d’ailleurs ce que propose le projet Fedora Live USB Creator, dont je me suis largement inspiré.

Après 3 jours, une nuit, et une compilation dans le train pour Paris, j’ai donc publié la première version alpha de la FramaGNU. La démo a eu son petit succès sur le salon. Mais le jour même, on m’a fait la remarque « Tiens, ton truc, ça me rappelle uSbuntu. ».

Et là, c’est le drame du développeur ! Autant j’avais cherché à voir comment raccrocher les wagons avec Fedora Live USB Creator (en Python, mais avec une structure peu adaptée au projet) ou UnetBootin (en C++, que je ne maitrise malheureusement pas), autant mes recherches de projets similaires ne m’avaient pas orientées vers le projet uSbuntu. Bref, je venais de passer 4 jours à réinventer la roue sans le savoir…

Sur le site web d’uSbuntu, on peut lire :
uSbuntu Live Creator est un logiciel gratuit pour Windows qui permet de créer une clé USB bootable avec Ubuntu 8.10 ou 9.04 dessus. Ce logiciel offre aussi une option inédite de virtualisation permettant de lancer Ubuntu directement dans windows et cela sans configuration ni installation.

En plus de proposer une interface Playskool-like bien moins geek que la mienne, ce bougre de projet existe depuis plusieurs mois (donc il est potentiellement plus stable), et propose d’intégrer une machine virtuelle portable (permettant de faire tourner Ubuntu dans une fenêtre Windows, sans rebooter, et sans trop de pertes de performances).

D’abord, une petite vidéo de la simplicité d’uSbuntu :

—> La vidéo au format webm

Ensuite, une vidéo d’Ubuntu dans la machine virtuelle portable :

—> La vidéo au format webm

Je me raccrochais alors à l’idée que je n’avais pas perdu mon temps, puisque uSbuntu n’était pas sous licence libre (CC by-nc-nd, là ou FramaGNU était sous licence GPL), qu’il ne proposait de créer que des versions Live d’Ubuntu (alors que je prévoyais le choix de l’OS : Ubuntu, Fedora, Mandriva, etc) et surtout que les clauses Creatives Commons ne me permettraient pas d’y greffer le téléchargement optionnel de la Framakey (ce qui est quand même mon objectif de départ).

Mais quand même, quelle frustration de devoir refaire un logiciel alors que celui d’à côté fait quasiment la même chose en mieux ! Je sais qu’il y en a qui trouvent cela distrayant, mais ce n’est pas vraiment mon cas : si je développe un logiciel libre, c’est pour répondre à un besoin non satisfait, pas pour me faire plaisir (d’où le fait que je sois un mauvais développeur, d’ailleurs).

A la lecture des commentaires sur son blog, le développeur – un jeune français – me parut malgré tout sympathique (comme quoi je ne suis pas rancunier !). Je me décidais donc à lui envoyer un message sur le forum d’Ubuntu-FR lui demandant, en gros, s’il serait d’accord pour libérer son logiciel. Après quelques échanges par email sur les implications, le choix de licence, et autres détails, sa réponse fut positive !

Je tiens donc ici à remercier Slym, le développeur d’uSbuntu, car je sais que la première libération d’un logiciel ne se fait jamais sans crainte (après, la question ne se pose plus tellement cela paraît naturel). Il fait ici preuve de courage (et à mon avis de bon sens), et j’espère sincèrement qu’uSbuntu, dont la prochaine version (1.6) sera sous GPL v3 prendra une toute autre ampleur. En tout cas, en ce qui me concerne, je suis tout à fait prêt à travailler sur ce projet et à lui apporter des fonctionnalités supplémentaires (multi-distributions, optionnalité de la Framakey, promotion sur Framasoft et Framakey, etc).

Dans les semaines qui viennent, vous verrez donc apparaître de nouvelles versions d’uSbuntu (renommé LInux LIve Creator pour l’occasion) avec des améliorations et développements communautaires.

Quelles leçons pouvons nous tirer de cette histoire ?

Première leçon : il est souvent reproché aux logiciels libres d’être « redondants », que cela soit avec des logiciels propriétaires, et souvent même avec d’autres logiciels libres (combien existe-t-il de CMS libres ?). Il est parfois difficile de faire comprendre qu’il n’est tout simplement pas souhaitable – ni conforme à l’esprit du libre – de rallier toutes les forces derrière un même produit. L’une des forces du libre est dans sa remise en cause permanente vis à vis de l’écosystème qui l’entoure qui, couplé à la transparence et au partage du code source, pousse nécessairement le logiciel à répondre de façon plus efficace au besoin d’un public. A contrario, il est parfois plus efficace de voir comment intégrer un projet existant pour y apporter sa pierre, plutôt que de réinventer la roue dans son coin (d’où mon « abandon » de FramaGNU). Tout est question d’équilibre.

Seconde leçon : ne jamais, jamais, hésiter à contacter un développeur de logiciel (ou tout autre type de ressources) propriétaire afin de lui demander s’il a envisagé de passer son contenu sous licence libre. Plus nous serons nombreux à effectuer cette démarche, plus nous pourrons expliquer, apaiser les craintes, proposer des solutions (juridiques, techniques, organisationnelles, etc.). Bien entendu, beaucoup (la plupart ?) refuseront, mais beaucoup accepteront. Peut être parce qu’ils avaient des idées reçues sur le libre, peut être parce qu’ils en méconnaissent les mécanismes, mais plus probablement parce que, tel la plupart des musiciens et artistes, le développeur de logiciel souhaite avoir face à lui des utilisateurs reconnaissants, satisfaits, et prêts à partager de l’enthousiasme et de l’énergie. Bref, des utilisateurs impliqués.

Notes

[1] Oui, bon, c’est un nom de code, quoi…




Démo Firefox 3.5 : le Rich Media collaboratif

Firefox 3.5 - Paul RougetLa sortie de Firefox 3.5 approche à grands pas. Les nouveautés au rendez-vous seront nombreuses (TraceMonkey, Canvas, CSS3, etc). Parmi ces dernières, on notera le fait de pouvoir afficher des vidéos directement dans le navigateur, sans avoir besoin d’utiliser de plugins propriétaires comme Flash. Bref, plein de bonnes nouvelles en perspective.

Là où cela devient encore plus intéressant, c’est lorsque l’on commence à mixer ces technologies. Ainsi, l’ami Paul Rouget avait déjà démontré qu’on pouvait mixer la vidéo avec Javascript (cobaye : Delphine), avec Canvas (cobaye : William), avec CSS3 (cobaye : Tristan). N’hésitez pas à télécharger Firefox 3.1/3.5 (actuellement en bêta) pour tester par vous même ces innovations qui, et c’est une excellente nouvelle pour le logiciel libre, reposent entièrement sur des technologies et des standards ouverts.

La dernière démo de Paul (cobaye : lui-même), bien planquée au fond de son dossier de geek, m’a enthousiasmée.

Il s’agit tout simplement de rajouter des sous-titres sur une vidéo. Techniquement, la démo parait moins impressionnante que les autres, mais elle permet de donner un caractère concret à ce qui relevait jusqu’à présent de la prouesse technologique.

D’abord, ces sous titres sont lus depuis un fichier texte on ne peut plus basique (Paul a retenu le format ouvert de sous-titres SRT, mais il aurait pu en choisir un autre), traités en Javascript, et affichés par dessus la vidéo. Les sous-titres ne sont pas incrustés, mais bien affichés au-dessus de la vidéo, tout en restant synchronisés avec celle-ci !

Ensuite, les sous-titres peuvent utiliser le HTML+CSS. Cela signifie qu’on peut y intégrer la police de son choix, des images, des liens hypertextes, etc. juste en modifiant le contenu (HTML) ou les CSS (mise en forme).

Enfin, puisqu’il s’agit de fichiers textes, on a besoin que d’une seule vidéo (sans sous-titres) et on peut donc passer d’une langue à l’autre à l’autre sans avoir besoin de recharger la vidéo (ni d’y réincruster les sous-titres, ce sont les amateurs de fansubs qui vont être contents). : Je vous laisse voir la démonstration originale (Firefox 3.1 obligatoire), ou regarder la vidéo ci-dessous.

—> La vidéo au format webm

Les perspectives de ces « vidéos enrichies » me semblent vraiment intéressantes. Parmi celles-ci, les esprits chagrins me citeront la possibilité d’insérer de la publicité dynamiques avec images et liens (y a un business les gars, foncez !), mais aussi un accès plus simple et plus ouvert a des technologies jusque là complexes ou lourdes à mettre en oeuvre.

Par exemple, dans l’éducation, la question du Rich Media est récurrente depuis des années, mais le SMIL n’a jamais vraiment perçé (même dans sa version 2). Là, il sera vraiment très simple de synchroniser une vidéo (de l’enseignant, par exemple) associée à des documents (graphiques, par exemple), le tout éventuellement sous-titré ou avec une explication avec texte et liens hypertextes sous la vidéo.

Enfin, en se basant sur des standards ouverts, Mozilla ouvre aussi la porte au travail communautaire. Ainsi, dans la démonstration ci-dessus, je termine par un exemple de sous-titrage collaboratif. En effet, si le fichier texte contenant les sous-titres est dans un fichier local, alors ce dernier pourrait très bien se trouver dans un wiki distant ! J’ai donc modifié (très) légèrement l’exemple de Paul Rouget, en pointant vers une page de wiki[1]. Lorsque cette dernière est modifiée, les sous-titres le sont immédiatement. Par conséquent, et sans avoir de boule de cristal, je pense que l’on tient là un excellent moyen d’avoir des sous-titres pouvant être créés, modifiés, corrigés ou traduits par des non-informaticiens ou non-vidéastes. Parmi les premiers à en profiter, on pourra sans doute compter sur Wikipedia, dont le projet Commons contient déjà de nombreuses vidéos libres prêtes à être intégrée dans Firefox 3.5 (ou tout autre navigateur implémentant ces standards ouverts).

Firefox, à vous d’inventer le web qui va avec !

Paul, je te devais déjà une Chouffe, tu viens de doubler ton score 🙂

Notes

[1] Au lieu d’un fichier .srt, j’ai utilisé un petit fichier PHP qui va lire le contenu de la page du Wiki, élimine le superflu pour ne garder que la partie sous-titre.




Dans la famille des objets libres je demande le porte-monnaie

Braithwaite Wallets - The VagabondQuestion (longue, donc prendre une grande inspiration) : Préférez-vous acheter votre porte-monnaie pour quelques euros chez le discount du coin, sachant qu’il est presque certain qu’il aura été produit à-la-chaîne-en-chine et que ce faisant on aura contribué à détruire le tissu artisanal local, ou bien préférez-vous l’acheter dix fois plus cher chez Braithwaite Wallets, sachant alors que vous serez l’heureux possesseur d’un porte-monnaie « libre » ?

Vous me direz que Braithwaite Wallets, c’est toujours pas la porte à côté (en l’occurrence c’est au Canada) et que le problème reste le même pour notre artisan local.

Certes oui, sauf que si jamais il lui prend l’envie de copier, adapter et commercialiser lui aussi le même modèle de porte-monnaie, c’est tout à fait possible puisque chez Braithwaite Wallets le design des porte-monnaies est sous licence Creative Commons By.

Exemple, avec le PDF du modèle The Vagabond du designer Connor Ferster présenté sur la photo ci-dessus : intérieur et extérieur.

Cela ne résout pas votre problème principal : « je n’ai rien à mettre actuellement dans mon porte-monnaie », mais cela méritait cependant d’être signalé. Et puis ça nous change un peu des news de la presse traditionnelle qui se concentre avant tout sur la contrefaçon et ses milliers de tonnes de fausses montres Cartier et de pseudos sacs Louis Vuitton arrêtés, puis détruits, à la frontière.

Pour en savoir plus…




3 000 jours de retard pour Hadopi

Inocuo - CC byIl y a une semaine, Sylvain Zimmer, l’un des fondateurs de la plate-forme de musique « libre, légale et illimitée » Jamendo, faisait paraître un intéressant article témoignage dans la presse (en l’occurrence Le Monde), que nous avons choisi de reproduire ici avec son autorisation (oui, je sais, c’est sous licence Creative Commons, donc il n’y a pas besoin d’autorisation, mais rien n’empêche l’élégance et la courtoisie).

3 000 jours de retard, ça nous ramène directement à l’époque de l’apogée de Napster, où il n’était quand même pas si compliqué de comprendre que nous étions à l’aube de grands bouleversements[1] dans le monde musical…

3 000 jours de retard pour HADOPI

Sylvain Zimmer – 12 avril 2009 – Jamendo
Paru initialement dans le supplément TV du Monde
Licence Creative Commons By-Sa

Pour comprendre pour quel Internet a été pensée la loi Hadopi, il faut revenir seulement 3 000 jours en arrière. Un disque dur de 15 Go coûtait 100 euros. Les réseaux peer-to-peer n’étaient pas encore cryptés, on pouvait rêver de les contrôler un jour. Je n’avais que 16 ans à l’époque, mais je me souviens encore du peu de gens dans la rue qui portaient des écouteurs. Forcément, l’iPod n’existait pas. Wikipédia, Facebook et YouTube non plus. Trois des sept sites les plus fréquentés aujourd’hui, tous gratuits.

Que s’est-il passé entre-temps qui a manifestement échappé aux douze députés ayant voté pour la loi Hadopi ? L’innovation. Des géants sont nés dans les garages de quelques auto-entrepreneurs et ont révolutionné l’accès à la culture en la rendant gratuite pour tous. On peut les accuser d’avoir fait chuter les ventes de CD, mais déjà à 16 ans je savais que je n’en achèterai aucun de ma vie. Cela ne m’a pas empêché de dépenser plus de 8 000 euros, depuis, en places de concert. Le marché de la musique se transforme, mais globalement ne cesse de grossir. Nous passons d’une économie de stock où le mélomane était limité par son budget CD à une économie de flux où la valeur ne se situe plus dans la musique elle-même (car elle est numérique, donc illimitée, donc gratuite), mais dans ce qu’elle représente : la relation entre un artiste et ses fans.

En 2008, la meilleure vente de musique en ligne sur Amazon a été un album de Nine Inch Nails, un groupe qui distribue pourtant sa musique gratuitement et légalement par ailleurs. Qu’ont donc acheté ces gens ? Certainement pas la musique elle-même. Comme les millions d’autres qui l’ont écoutée gratuitement, ils sont devenus fans, l’ont « streamée », partagée sur Facebook ou ailleurs, l’ont recommandée à leurs amis qui, à leur tour, ont acheté places de concert, coffrets collectors et autres produits ou services dérivés.

Tous les jours, des milliers d’artistes comprennent ce qu’ils ont à gagner dans la diffusion gratuite. La fidélité accrue de leurs fans crée de la valeur. Soyons cyniques : peut-être que la loi Hadopi servira à accélérer cette transformation de l’économie culturelle, cette éducation des artistes au monde numérique. Quand arriveront les premières lettres recommandées, les premières coupures d’Internet, quel cadeau pour le gratuit et légal ! Quelle remise en question pour l’artiste constatant que ses fans, punis, n’ont plus accès à Wikipédia !

Plus concrètement, comme les lois LCEN et DADVSI qui l’ont précédée, on se souviendra (ou pas) d’Hadopi comme d’une loi inapplicable dès son premier jour, imaginée pour une économie et des technologies déjà dépassées. Un gaspillage de temps et d’argent que le gouvernement aurait certainement mieux fait de consacrer à des lois plus pertinentes en faveur de l’environnement ou des auto-entrepreneurs. Car ce sont eux qui aujourd’hui innovent et préparent ce que sera Internet dans 3 000 jours. Quand l’industrie musicale existera toujours, mais ne vendra plus de disques. Quand télécharger un film prendra moins d’une seconde. Quand 200 ans de musique tiendront dans la poche. Quand une nouvelle génération d’artistes n’aura ni e-mail ni ADSL, mais un compte Facebook et une connexion Internet sans fil permanente. C’est pour ce siècle-là, pas pour le précédent, que nous devons penser la culture.

Notes

[1] Crédit photo : Inocuo (Creative Commons By)




Dans la famille des futurs objets libres je demande la voiture

lammersch - CC by-sa« La route est longue mais la voie est libre » est devenu avec le temps le mantra slogan de Framasoft. Certes, mais encore faudrait-il s’intéresser au futur véhicule qui nous portera loin sur ce chemin !

Né au pays de Rembrandt, le projet « c,mm,n » d’une automobile libre et écologique est sur le papier un possible candidat.

Difficile de dire si cela aboutira et sortira du concept pour se matérialiser et surtout se commercialiser. Mais l’idée est bonne, belle et innovante.

La présentation officielle pourrait se traduire ainsi :

C,mm,n est une initiative de la Société néerlandaise pour la nature et l’environnement, et des universités scientifiques de Delft, Twente et Eindhoven. Ensemble, ils ont créé c,mm,n : un concept d’automobile durable, destiné aux villes de l’Europe occidentale du futur.

C,mm,n est un concept innovant pour la mobilité, une nouvelle façon de développer, de fabriquer et d’utiliser les voitures. En rendant publics les plans de la c,mm,n, sous une licence Open Source, nous pouvons développer une mobilité vraiment durable. Tout comme les logiciels Open Source, c,mm,n fonctionne grâce aux services autour du projet. Vous pouvez utiliser c,mm,n pour proposer du leasing, de la location ou d’autres services de mobilité. Il est aussi possible de vendre c,mm,n, sachant que vous rendez alors disponible publiquement toute œuvre dérivée.

Dis comme cela, on est impatient de la voir rouler[1] cette c,mm,n ! Décidément le Libre n’en finit pas d’explorer de nouvelles contrées…

Pour en savoir plus nous avons également traduit un récent billet blog qui évoque le sujet.

Une voiture écolo Open Source, conçue dans un wiki

Open source eco-car, designed by wiki

Paul Coppes – 14 avril 2009 – Springwise
(Traduction Framalang : Yonnel)

Les partisans des logiciels libres et Open Source connaissent déjà les bénéfices d’une approche collaborative, de partage, dans le design. Et c’est maintenant au monde de l’automobile de goûter à l’Open Source, grâce à un projet venant des Pays-Bas, qui porte le nom de c,mm,n.

lammersch - CC by-saC’est la mobilité durable qui a motivé le projet c,mm,n (apparemment, on prononce « common »), une initiative de Stichting Natuur en Milieu (la Société néerlandaise pour la nature et l’environnement) menée conjointement avec les universités techniques de Delft, Twente et Eindhoven. Avec en point de mire l’objectitf de bâtir un modèle pour les voitures de 2020, le premier prototype de voiture au design collaboratif a été dévoilé récemment, au salon AutoRAI d’Amsterdam.

Se targuant d’un « zéro émission », cette voiture à hydrogène possède une carrosserie thermoplastique légère (qui permet donc des économies d’énergie) et un intérieur comprenant des mousses à mémoire de forme à base de soja, et d’autres matériaux recyclables. Ce que ses développeurs appellent « affichage en rivière » est censé fonctionner comme un iPhone, accédant à de nombreuses informations dont le GPS, le covoiturage et autres systèmes d’optimisation de l’efficacité énergétique.
Ce véhicule est également optimisé pour réduire au maximum la dévalorisation et les réparations. Les matériaux du châssis, par exemple, ne durent que trois ans ; après, la voiture doit repartir à l’usine pour y être reconstruite.

Mais le paradigme le plus révolutionnaire de tous, c’est que les plans de la voiture sont mis à la disposition de tous, sous une licence Open Source, afin que son design puisse être utilisé et modifié par d’autres, tant que toute œuvre dérivée est aussi partagée publiquement. Plus de 800 personnes participent actuellement à c,mm,n à travers le wiki de la « c,mm,nauté » et des développeurs. Une vidéo sur Youtube (texte en néerlandais) propose une simulation informatique de la c,mm,n en action.

Étant donné le penchant de la Génération C(ontenu) pour la contribution à la création de contenu et la participation à tout ce qui est important (ou pas), il n’est pas surprenant que le logiciel Open Source gagne du terrain. Est-ce que le même concept « roulera » dans le monde de l’automobile ? Seul l’avenir nous le dira. D’ici là, en voilà une qu’il faudra surveiller, à moins que vous ne préfériez carrément participer !

Notes

[1] Crédit photos : 1. lammersch (Creative Commons By-Sa) – 2. lammersch (Creative Commons By-Sa)




Le YouTube Symphony Orchestra : c’est pas de l’Hadopi, c’est de la musique !

Vincent Boiteau - CC byArrêtons-nous le temps d’une journée de se montrer critique vis-à-vis du YouTube et sa maison-mère Google, pour évoquer, voire célébrer, l’initiative unique au monde que constitue le projet musical du YouTube Symphony Orchestra.

De quoi s’agit-il exactement ?

Il serait carrément abusif d’affirmer que le YouTube Symphony Orchestra est à la musique classique, ce que Linux est à l’informatique, mais il y a un peu de cela dans la mesure où nous avons affaire à un projet collaboratif d’envergure qui n’aurait pu être imaginé avant l’avènement d’Internet.

Petite présentation : « Nous avons contacté des musiciens professionnels, amateurs, de tous âges et tous lieux pour participer au YouTube Symphony Orchestra[1]. Pour auditionner, ils ont envoyé une vidéo dans laquelle ils interprétaient une composition musicale créée spécialement par le célèbre compositeur Tan Dun. Les finalistes sont sélectionnés par un panel composé de représentants des orchestres les plus célèbres au monde et de la communauté YouTube. Les gagnants seront invités à New York en avril 2009 pour participer au sommet du YouTube Symphony Orchestra et jouer au Carnegie Hall sous la direction de Michael Tilson Thomas. »

Nous sommes aujourd’hui à la veille de ce point d’orgue puisque la fameuse représentation aura lieu ce mercredi 15 avril.

Pourquoi avoir choisi d’en parler sur le Framablog, en traduisant ci-dessous un article dédié du Time, alors que certains y voient déjà un projet gadget où l’âme de la musique classique se dissout dans le marketing ?

Parce que comme le dit l’un des protagonistes « le sens de la musique, et peut-être même de la vie, est de créer et de tisser des liens entre les gens ». Nous voici d’un coup d’un seul assez loin du projet de loi Hadopi, non ?

Comment êtes-vous arrivés à Carnegie Hall ?

How Do You Get To Carnegie Hall?

Vivien Schweitzer – 9 avril 2009 – Time
(Traduction Framalang : Balzane)

Hannah Pauline Tarley, violoniste de 17 ans, arbore queue de cheval et sourire face à l’objectif. Elle joue l’ouverture d’un extrait de la Symphonie n°4 de Brahms, dodeline dans une chambre décorée d’autocollants et de posters des Beatles et du San Francisco Symphony Youth Orchestra.

Tarley s’est filmée elle-même dans sa chambre de Cupertino, Californie, à l’aide d’un ordinateur posé en équilibre sur une pile de volumes de l’Encyclopaedia Britannica. Elle est l’une des 3 000 musiciens amateurs et professionnels, originaires de pays allant des Bermudes à l’Azerbaïdjan, qui, en décembre et janvier, ont passé une audition vidéo pour intégrer le YouTube Symphony Orchestra. Cet ensemble singulier, le seul a avoir sélectionné ses membres exclusivement par Internet, fera sa première apparition le 15 avril au Carnegie Hall de New York lors d’un concert dirigé par Michael Tilson Thomas, directeur musical de l’Orchestre symphonique de San Francisco.

Le projet constitue une idée originale de Google. Il ambitionne à la fois d’encourager les communautés en ligne de la musique classique et d’asseoir la réputation de YouTube comme hébergeur de contenus de qualité. Après avoir imaginé le projet fin 2007, Google a contacté des musiciens et des ensembles de premier plan, comme l’Orchestre symphonique de Londres et Tilson Thomas, un pionnier des nouveaux médias dans son travail avec l’Orchestre de San Franscisco et du Nouveau Monde.

« La musique classique est souvent perçue comme un domaine conservateur et parfois même un peu élitiste, » déclare Ed Sanders, directeur marketing chez YouTube. Mais, à l’écouter, la réponse des professionnels du secteur fut résolument positive. Google prend en charge l’ensemble des frais, pour un montant que Sanders ne révèlera pas, y compris les visas et les dépenses de voyage pour les musiciens, originaires de 30 pays.

Les vidéos soumises par les musiciens les montraient en train de jouer des incontournables du répertoire, mais aussi un nouveau morceau composé pour l’occasion : The Internet Symphony No. 1 – « Eroica », de Tan Dun, compositeur de la bande originale du film Tigre et dragon.

Les musiciens des orchestres symphoniques de Londres, Berlin et New-York, entre autres ensembles, ont évalué les clips et sélectionné les 200 finalistes. Les vidéos ont ensuite été diffusées dans une section dédiée de YouTube en février. Les utilisateurs de YouTube pouvaient alors voter pour leurs favoris un peu comme pour la Nouvelle Star. Selon les organisateurs, depuis le lancement de YouTube.com/Symphony en décembre 2008, le site a enregistré selon les organisateurs plus de 14 millions de visites.

Composition d’un orchestre virtuel

Tilson Thomas, qui a validé la sélection finale pour le concert du 15 avril, affirme que le projet est « une façon d’élargir notre propre conception de la musique classique », un point qu’il souligne par un programme éclectique, composé d’œuvres de Bach, Mozart, Brahms, Villa-Lobos, John Cage, Tan Dun et du DJ Mason Bates. Tilson Thomas attend du projet qu’il montre à quel point le classique est essentiel pour des personnes de différents âges, nationalités, expériences et professions. Il espère aussi que les artistes apprendront à utiliser Internet et YouTube pour mieux se mettre en valeur, à l’exemple des écrivains en herbe qui se font connaître par leurs blogs.

Eric Moe, un trompettiste de 35 ans de Spokane dans l’État de Washington, a passé avec succès la sélection. Selon lui, ils est essentiel pour un musicien d’être à l’aise avec la technologie. Moe a filmé son audition dans une église ; il a effectué plusieurs essais avec différents PC portables et webcams avant d’obtenir une vidéo qui le satisfasse. Il compare le processus d’audition de YouTube avec une rencontre en ligne : vous ne savez pas si vous allez effectivement rencontrer la personne, ni comment elle est réellement.

Les gagnants ont déjà eu la chance de faire connaissance… virtuellement ! En plus de son audition, chaque gagnant postait une vidéo de présentation. Vêtue d’un kimono, Maki Takafuji, habitante de Kyoto, joue un court solo de marimba et parle de son éducation musicale. Jim Moffat, joue du cor et travaille en Angleterre dans le marketing technologique ; il se présente sur fond de London Bridge. Nina Perlove, une flûtiste de Cincinnati dans l’Ohio, commence sa vidéo en jouant un « New York, New York » inspiré. David France, violoniste et professeur à l’école de musique des Bermudes, salue ses spectateurs depuis une plage sableuse.

Rachel Hsieh, violoncelliste de 24 ans en master au conservatoire de Peabody, a filmé son audition dans son appartement de Baltimore. Elle considère le YouTube Symphony comme un moyen de toucher une audience plus large que les seuls amateurs de musique : « Beaucoup de personnes visitent YouTube, et ils y vont pour s’amuser. C’est vraiment facile pour eux de cliquer et de voir quelque chose de nouveau ».

Des Beethovens invisibles derrière YouTube

Nos musiciens YouTube vont eux aussi voir leur horizon élargi. Ils vont jouer avec des solistes de premier plan, comme le violoniste Gil Shaham. Le violoncelliste Yo-Yo Ma et le pianiste Lang Lang feront une apparition vidéo. Les musiciens vont répéter leur programme lors d’une rencontre de la musique classique à Carnegie Hall du 12 au 15 avril. Ils ont déjà eu la chance d’étudier le répertoire lors de master-classes en ligne organisées par des professionnels. Maxine Kwok-Adams, violoniste de l’orchestre symphonique de Londres, a ainsi donné quelques précieux conseils pour le morceau de Tan Dun.

Toutes les vidéos soumises dans le cadre de ce travail, objet d’un rare engouement des participants, seront assemblées en un montage diffusé le 15 avril, en parallèle avec le concert. Et le public sera autorisé à filmer le concert à Carnegie Hall. Où retrouver ces clips ? Sur YouTube ! Dans une interview sur le site du YouTube Symphony, Tan s’enthousiasme sur les possibilités offertes par Internet. « Il y a tant de Beethovens invisibles derrière YouTube », affirme-t-il.

Moe pense que « les orchestres doivent être attractifs et gagner de nouvelles audiences ». Pour lui, l’aspect le plus fascinant de l’orchestre YouTube est sa vision de la communauté. « Le sens de la musique, et peut-être même de la vie, est de créer et de tisser des liens entre les gens », dit-il. Chacun se demande si cela va marcher musicalement, mais cela constitue sans aucun doute, comme le relève Moe, « une expérience vraiment amusante ». Et pour les artistes, il n’y a rien à perdre. « Je suis content que quelqu’un règle la facture ! », concède Moe.

Pour les autres participants, certains bénéfices vont bien au-delà de la chance de pouvoir augmenter l’audience de la musique classique. Il y a sept ans, Hannah Tarley, l’adolescente californienne, avait demandé à avoir les oreilles percées. Sa mère lui avait répondu qu’elle lui autoriserait un piercing le jour où elle jouerait au Carnegie Hall. Le chemin passait alors par d’innombrables répétitions, mais le monde est un peu différent aujourd’hui. Hannah a joué, puis envoyé sa vidéo… et la voici au Carnegie Hall.

Notes

[1] Crédit photo : Vincent Boiteau (Creative Commons By)