Logiciel libre : idée fausse, quand tu nous tiens !

Skpy - CC by-sa On le sait, les préjugés ont la peau dure, et le logiciel libre a bien du mal à se débarrasser de ceux qu’il traîne derrière lui. Quels que soient ces préjugés, d’où qu’ils viennent, il est assez aisé d’y répondre et de les corriger lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu au monde du libre, mais la méconnaissance du « grand public » et les efforts des adversaires du libre pour le dénigrer ont ancré ces idées dans l’esprit de pas mal de gens[1].

Il faut croire que les campagnes de FUD de Microsoft et consorts ont porté leurs fruits, même si heureusement des acteurs du libre tels que Firefox, Wikipédia, OpenOffice.org et Ubuntu, entre autres, contribuent à faire connaître davantage les logiciels libres et à transformer les mentalités. Cependant, malgré les progrès accomplis depuis quelques années, la visibilité croissante et l’image positive qu’est en train de gagner le libre, certaines idées fausses perdurent et constituent sans doute un frein à une adoption plus vaste des logiciels et systèmes d’exploitation libres.

Voici donc un article synthétique[2] qui dresse la liste des cinq idées fausses les plus répandues concernant le Libre, et les arguments à y opposer lorsqu’au détour d’une conversation sur Internet ou chez vos amis un vilain troll pointe le bout de son nez…

Comment mal comprendre le Logiciel Libre

How to Misunderstand Free Software

27 juin 2008 – GetGNULinux.org
(Traduction Framalang : Thomas P., Vincent L., Daria et Yostral)

Cinq idées fausses à propos du Logiciel Libre, avec leurs corrections.

1. L’industrie du logiciel ne peut plus fonctionner si les programmeurs ne sont pas payés.

Commençons par un simple fait: les programmeurs de Logiciel Libre aiment être payés, et ils ont tous besoin d’acheter un déjeuner à un moment ou à un autre. Lorsque nous parlons de Logiciel Libre, nous faisons référence à la liberté, pas au prix. En réalité, vous pouvez payer pour obtenir du Logiciel Libre (ou du logiciel à « source ouverte »), que vous pouvez ensuite étudier, modifier et copier à volonté.

Comment est-ce que cela fonctionne ? Vous pouvez voir cela de cette manière : le logiciel est seulement du code, le code est seulement des mathématiques. Lorsque vous voyez le logiciel comme des mathématiques utiles, un langage élaboré, pas comme de la propriété ordinaire, alors il n’y a pas de raison de limiter son utilisation par d’autres.

Comme pour les mathématiques (où personne ne revendiquerait la propriété d’une équation), le logiciel requiert des connaissances avancées pour être adapté, amélioré, appliqué correctement. C’est là que les programmeurs génèrent des revenus : de nombreux clients, en particulier les entreprises, sont prêtes à payer pour des mises à jour de sécurité régulières et des améliorations de logiciel.

Les entreprises du Logiciel Libre bénéficient d’un système de développement très décentralisé avec un grand nombre de contributeurs bénévoles. Les revenus dans l’industrie du Logiciel Libre sont peut-être plus minces que dans sa contrepartie propriétaire, mais ils ne sont en aucun cas négligeables. Au final, les particuliers finissent généralement par utiliser du Logiciel Libre gratuitement.

Le Logiciel Libre n’a pas pour objet de supprimer les motivations des programmeurs. Il s’agit de voir le code comme de la connaissance qui ne doit pas être cachée à l’utilisateur. Cela fonctionne avec un modèle économique différent, grâce auquel de nombreuses entreprises fonctionnent déjà bien.

2. L’innovation est tuée dans le Logiciel Libre.

Une croyance répandue est que si n’importe qui peut copier des idées, l’innovation va être étouffée.

En réalité, la liberté est souvent la clé d’un logiciel innovant et à succès :

  • N’importe qui est autorisé et encouragé à travailler dessus;
  • De nombreuses personnes sont prêtes à participer;
  • Il n’est pas nécessaire de tout ré-inventer, les idées peuvent être améliorées directement.

Les logiciels non-propriétaires apparaissent dans de nombreux domaines, prenons juste quelques exemples :

  • Applications : Firefox (navigateur web), Inkscape (logiciel de dessin vectoriel).
  • Systèmes complets : Apache (serveur web), OpenBSD (système d’exploitation), et bien sûr GNU/Linux.
  • Formats et protocoles : HTML (pages web), BitTorrent (partage de fichiers), ODF (documents bureautiques).
  • Applications serveur : Drupal (Système de gestion de contenu), WordPress (blog).

3. Tout ce qu’on attend d’un logiciel, c’est que ça fonctionne (qui se soucie du code source ?)

Tout le monde devrait se préoccuper de savoir si son logiciel est libre. Imaginez que vous achetez une voiture dont vous avez interdiction d’ouvrir le capot. Peu importe que vous sachiez comment fonctionne une voiture – le fait est que personne ne sera en mesure de vérifier le moteur. Comment pouvez-vous avoir confiance dans votre voiture, si personne ne peut s’assurer qu’elle est fiable, qu’elle ne fuit pas, qu’elle n’est pas nuisible à la société et à l’environnement ?

L’idée est la même avec le logiciel – excepté que le code fait bien plus que de bouger des voitures. Le logiciel fait tourner nos ordinateurs, téléphones, TV, lecteurs multimédia et bien plus encore, transportant de l’information et notre culture.

Le logiciel libre est aussi important que l’expression libre, que le libre marché. Si le logiciel est libre, les utilisateurs en ont le contrôle tout en gardant leur indépendance vis-à-vis de lui.

Bonnes nouvelle : en plus de tout, le logiciel libre aussi, « Ça fonctionne ». Et en fait, bien souvent, il fonctionne mieux. Démarrez votre PC sur un live-CD GNU/Linux, pour essayer un système bien organisé, tout compris, sans installation, afin de vous en rendre compte par vous-même.

4. Le logiciel libre ne respecte par les droits d’auteurs et les logiciels brevetés.

Pour répondre correctement à ceci, nous devons faire une nette distinction entre le droit d’auteur et les brevets. Le droit d’auteur est un droit attribué à l’auteur sur sa création (par exemple le texte d’un livre, ou le code source d’un programme). Un brevet, quant à lui, est un contrôle exclusif enregistré, payé, sur un processus ou l’application d’une idée.

Les droits d’auteur sont très importants dans le logiciel libre. C’est le mécanisme même, central à la GNU General Public License, qui assure que le logiciel demeure libre, et que les auteurs voient leur travail crédité. Les programmes sont sujets à droits d’auteur, qu’ils soient libres ou propriétaires.

N’importe quel auteur de logiciel propriétaire peut facilement vérifier que son droit d’auteur n’a pas été violé dans une application du logiciel libre, puisque son code source est facilement disponible.

Les brevets logiciels, d’un autre côté, sont un concept très controversé. Pour faire bref : il n’y a rien de tel qu’un « logiciel breveté ». En enregistrant un brevet, toutefois, quelqu’un peut revendiquer sa propriété d’un processus. Le brevet s’applique alors à tous les logiciels qui utilisent ce processus, qu’ils soient propriétaires ou libres. Les brevets logiciels :

  • Sont onéreux et sont délivrés seulement quelques semaines après leur application;
  • Sont limités géographiquement (un brevet délivré aux USA est inutile en Europe);
  • Ont une longue durée de vie (souvent 20 ans) dans une industrie qui bouge vite;
  • Sont souvent complètement triviaux (c’est à dire sans innovation réelle).

En tant que tel, ils sont rarement utilisés pour bénéficier aux innovateurs (et en fait, rarement utilisés par les innovateurs eux-mêmes).

On peut dire sûrement que n’importe quelle partie de taille moyenne d’un logiciel viole des brevets, dans plusieurs pays, qu’il soit libre ou non. En fonction de la capacité de la société détentrice à couvrir de lourds frais juridiques et à se défendre contre des actions légales vengeresses, des royalties et des restrictions peuvent être appliquées grâce à ces brevets.

5. Le logiciel libre est comme le communisme.

Les partisans de cette idée soutiennent qu’il ne peut y avoir de propriété privée avec le logiciel libre (ou « Open Source »). Répondons à ceci avec un exemple.

Supposons que vous utilisez une application qui est du logiciel libre, chez vous et dans votre société. Vous trouvez une belle façon de l’améliorer, de telle manière que maintenant avec votre version modifiée, votre ordinateur fonctionne mieux, et vos usines tournent deux fois plus vite !

Cette version modifiée est votre propre version. Vous n’êtes pas obligés d’en parler à quiconque, ni de partager aucun profit que vous avez fait en l’utilisant. Vous exercez simplement votre liberté à utiliser et modifier le logiciel libre.

Ce que demande la licence sur le logiciel libre est que si vous redistribuez le logiciel, alors vous devez le laissez libre. A savoir, si vous vendez des CD avec votre logiciel, ou commencez à laisser des personnes en dehors de chez vous ou de votre société l’utiliser, alors vous devez :

  • Soit donner à chacun les mêmes droits que lorsque vous aviez obtenu le logiciel original, c’est-à-dire, la liberté d’inspecter, modifier et redistribuer la version modifiée;
  • Ou, séparer clairement le logiciel original et vos ajouts secrets (c’est-à-dire que vos ajouts ne doivent rien contenir de l’oeuvre originale).

Vous « possédez » donc davantage un logiciel libre qu’un logiciel propriétaire, dont le concepteur décide de ce que vous pouvez ou ne pouvez pas en faire.

Le logiciel libre n’a rien à voir avec un système politique. Vous pouvez faire tourner du logiciel libre au-dessus de logiciel propriétaire, aussi bien que l’inverse. La licence sur le logiciel libre est simplement un contrat éthique entre le programmeur et l’utilisateur final.

Notes

[1] Crédit photo : Skpy (Creative Commons By-Sa)

[2] Nous avons traduit cet article l’été dernier en ignorant qu’il en existait déjà une version française sur la très intéressante initiative Passer à Linux (dont nous devrions parler plus souvent d’ailleurs). Du coup cela donne deux versions pour le prix d’une !




Le logiciel libre profitera-t-il de la crise ?

Powderruns - CC byLe logiciel libre : on y vient pour le prix, on y reste pour la qualité, ironise Nat Torkington dans cette traduction issue de site d’O’Reilly. Sachant que nous traversons actuellement une période difficile où les investissement se font plus rares (et donc plus tâtillons), n’y a-t-il pas là comme une opportunité pour le logiciel libre ? Et d’ailleurs il faudrait peut-être aussi se mettre d’accord car il s’agit bien plus d’économie ici que de liberté. Donc je reformule la question : n’y a-t-il pas là comme une opportunité pour l’Open Source ?

C’est le sujet du jour. L’article est certes américano-centrée mais la crise l’était également au départ, ce qui ne nous a pas empêché d’être nous aussi touchés[1].

Conséquences de la crise sur les technologies

Effect of the Depression on Technology

Nat Torkington – 7 octobre 2008 – O’Reilly Radar
(Traduction Framalang : Olivier, Daria, Don Rico)

Voici comment je vois les choses : emprunter de l’argent devient coûteux et difficile, et ce n’est pas près de changer puisque la dette des États-Unis progresse au lieu de diminuer, entraînée par la guerre en Irak et par notre dépendance aux produits chinois qui n’est pas réciproque. Et tout ceci s’accumule dans une période qui est déjà difficile pour les affaires aux États-Unis depuis au moins trois ans, voire plus. En partant de ce constat, il est possible de faire une tentative de prévision de ce que nous réserve l’avenir (en gardant à l’esprit que chaque jour apporte son lot de nouvelles révélations concernant l’état inquiétant de la finance mondiale, notre boule de cristal est donc, au mieux, trouble).

En premier lieu, l’innovation profitera de la récession, parce que c’est ce qui se produit en général. Durant les périodes de forte croissance, les entreprises limitent la recherche et développement et gâchent de grands talents à n’apporter que des améliorations minimales aux produits dernier cri. Les entreprises sont douées pour s’équiper en nouveautés, mais elles sont souvent médiocres dès qu’il s’agit d’en concevoir. En temps de crise, les technologues ne sont plus payés des mille et des cents pour répliquer le travail réalisé par d’autres. L’explosion de la bulle Internet en 2001 a donné naissance à 37Signals, Flickr, del.icio.us, et l’on peut avancer sans crainte de se tromper que de nombreuses entreprises ont depuis passé six ans à suivre le mouvement.

En deuxième lieu, la crise profitera au libre et à l’Open Source à cause du manque de liquidités. La dernière crise a fait entrer les systèmes d’exploitation Open Source dans les mœurs (petite note pour les plus jeunes d’entre vous : il fut un temps où il n’était pas forcément bien vu d’utiliser Linux dans un service informatique) car ils offraient le meilleur rapport qualité/prix, et de loin. J’aime utiliser l’expression « Venez pour le prix, restez pour la qualité ». Cette crise affectera peut-être le même des logiciels (CRM, finance, etc.) hauts placés dans la chaîne. (En revanche, je ne m’avancerai pas à prédire que 2009 sera l’année du bureau Linux).

Troisièmement, les services Open Source et le cloud computing profiteront de la conjoncture économique actuelle, laquelle favorisera les dépenses de fonctionnement sur les dépenses d’investissement. Il sera presque impossible d’emprunter de l’argent pour acheter du matériel ou une licence logicielle importante. Adopter un logiciel Open Source est gratuit, et les services qui y sont associés font partie des dépenses de fonctionnement et non des dépenses d’investissement. De même, le cloud computing permet à une entreprise de payer peu pour se servir des investissements énormes effectués par quelqu’un d’autre. À en croire les rumeurs, il semblerait que Microsoft soit prêt à sortir Windows Cloud juste à temps. Ce n’est pas demain la veille que d’autres entreprises installeront de nouveaux centres de données, car les temps où des investisseurs aux fonds inépuisables couvraient ce genre de frais énormes sont révolus et ne reviendront pas avant un certain temps.

La plupart des logiciels clients auront du mal à se vendre tant que le dollar sera aussi bas et que le pays continuera de déverser tout son argent à l’étranger. Ce n’est pas une bonne chose, mais cela ne signifie pas qu’il sera impossible d’engranger des bénéfices, il suffira de proposer quelque chose qui réponde à un réel besoin des consommateurs. Des logiciels comme Wesabe trouveront un nouveau public en temps de crise (NdT : O’Reilly est un investisseur de Wesabe). L’heure n’est pas aux acquisitions spéculatives, attendez-vous à voir un retour aux sources comme on y a assisté (brièvement) après l’éclatement de la bulle Internet en 2001. Désolé, mais vos rêves de trouver acquéreur pour votre réseau social de collectionneurs de cure-dents devront patienter jusqu’en 2013 et un éventuel retour de l’argent employé à tort et à travers.

Comme le dit Phil Torrone, on aura plus de temps que d’argent, ce qui est profitable aux logiciels Open Source, mais cela favorisera aussi un nouvel intérêt pour les objets et le matériel informatique qui nous entourent, inspiré par le magazine Make. Les rencontres que nous avons créées (Ignite, hacker meetups, coworking spaces, foo/bar camps), qui ne coûtent pas grand chose mais qui ont une portée importante, vont se multiplier, alors que les grosses conférences pâtiront de cette période de vache maigre. La killer app du futur proviendra peut-être de l’un de ces bidouilleurs qui emploiera son temps libre à combler un manque.

Telle est ma vision du monde et des conséquences de la crise. Quel est votre point de vue ? Qu’est-ce qui m’échappe ? Faites-moi part de votre opinion dans les commentaires – le commentaire le plus perspicace vaudra à son auteur un aimant « Head first SQL » qu’il pourra coller sur son frigo.

Notes

[1] Crédit photo : Powderruns (Creative Commons By)




Innovation et logiciel libre

Les logiciels libres n’innovent pas, il ne font que copier les nouveautés pertinentes de leurs petits camarades propriétaires, entend-t-on parfois ça et là. Certains vont même jusqu’à dire qu’ils font planer une menace sur cette innovation car ils combattent les brevets logiciels tout en dynamitant, à grands coups de partage et de gratuité, le modèle économique de certaines entreprises qui souhaitent tirer profit de leurs inventions.

Le débat mérite d’être posé (d’autant qu’on peut très bien considérer qu’un logiciel qui a choisi d’être libre est innovant en soi) mais toujours est-il qu’il y a indéniablement des progrès qui viennent directement des logiciels libres. En voici quelques uns, issus de la liste de M. Saunders. Cette liste non exhaustive est peut-être discutable alors nous vous attendons de pied ferme dans les commentaires.

Une traduction Olivier pour Framalang. Nous avons ajouté quelques liens wikipédia francophones à l’article d’origine qui n’en comportait aucun, histoire que ce soit plus clair pour un public non averti. Nous avons également choisi de conserver « Open Source » plutôt que de le traduire par « logiciel libre » parce qu’il nous a semblé que c’était plus proche de l’auteur qui manipule les deux termes, mais si vous voyez les choses différemment n’hésitez pas là aussi à troller vous manifester 😉

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Les innovations de l’Open Source

Open source innovations

M. Saunders – 28 octobre 2008 – LinuxFormat.co.uk

L’Open Source ou les logiciels libres n’ont pas une réputation d’inventeurs. Ils se contentent de copier les logiciels commerciaux, n’est-il pas ? Pas vraiment, comme l’explique Neil Bothwick, du simple gadget jusqu’à l’Internet, les logiciels libres et open source sont à l’origine de nouvelles technologies et de nouvelles façons de travailler…

« L’Open Source ne fait que plagier les logiciels commerciaux. Si les logiciels commerciaux ne dépensait pas autant d’argent dans la recherche, les logiciels Open Source seraient à cours d’innovation. L’Open Source a besoin des logiciels commerciaux pour survivre. » Voici un florilège de déclarations sur les logiciels Open Source faites par ceux qui ont un intérêt particulier à les voir échouer ou piétiner, mais est-ce justifié ou est-ce simplement de l’intimidation ?

Même si on peut répondre à ceci par quelques arguments logiques, et nous en aborderons quelques uns, la meilleure réponse se trouve dans les exemples de tous les jours où ce sont les développeurs Open Source qui innovent et les logiciels commerciaux qui se contentent de suivre.

Avant toute chose, il faut préciser que suivre l’exemple donné par les autres et utiliser leur expérience n’est pas une mauvaise chose en soi. Si vous voyez une bonne idée, ne l’ignorez pas sous le seul prétexte que d’autres l’ont eu avant vous. Les produits concurrents, quelque soit leur domaine, ont bien plus de points communs que de différences. L’ergonomie est également un facteur : une interface graphique intuitive, ça n’existe pas vraiment.

Ce que l’on décrit comme étant intuitif n’est en fait que familier ; aucune personne censée ne créerait une voiture dans laquelle les commandes sont disposées différemment de ce qui se fait habituellement, pourquoi est-ce que ça devrait être différent pour une interface en informatique ? C’est la raison pour laquelle toutes les interfaces utilisateur graphiques sont basées sur l’interface Wimp (Windows, Icons, Menus, Pointer pour Fenêtres, Icônes, Menus et Pointeur) conçue par le centre de recherche de Xerox à Palo Alto. Ce sont aussi eux qui sont à l’origine de l’Ethernet, des imprimantes laser et de bien d’autres choses encore, donc ils savent ce qu’ils font.

Alors, dans quels domaines les développeurs Open Source sont-ils des pionniers, où ont-ils explorés des terres encore vierges ? Voici quelques exemples issus de différents domaines.

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Bureau 3D

Que vous les aimiez ou que vous les détestiez, les gadgets sont partis pour durer et ils font vendre des systèmes d’exploitation. Que l’on parle d’Aqua de MacOS ou des bordures de fenêtres translucides (et illisibles) de Vista, les systèmes d’exploitation se battent pour rendre leurs bureaux « attirants ». La communauté Open Source est à la base de cette innovation grâce à Compiz Fusion qui a donné une nouvelle dimension aux gadgets sur le bureau, au sens propre du terme car le projet a apporté les effets 3D. Alors que certains fonctionnalités font la part belle aux effets visuels au détriment de l’ergonomie, d’autres permettent vraiment d’avoir une interface sensationnelle. Faites simplement démarrer le PC de votre pote qui ne jure que par Windows sur un LiveCD avec Compiz Fusion et regardez le demeurer bouche bée. Les bureaux en 3D n’iront qu’en s’améliorant avec le développement naturel du matériel qui leur permettra de tourner sans effort sur ce qui sera bientôt les machines d’entrée de gamme et un bureau en 3D sous Linux demande aujourd’hui toujours moins de ressources qu’un bureau en 2D sous Vista.

En fait, le nom Compiz Fusion lui-même dissipe un autre mythe à propos de l’Open Source : les projets sont perpétuellement en train de se diviser et de se fragmenter. De Compiz est née la sous division Beryl, mais les deux projets ont à nouveau fusionnés, mettant en commun les résultats de l’effort des deux communautés pour en faire un projet bien plus fort.

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LiveCD

L’un des grands avantages de l’Open Source est que les programmeurs peuvent utiliser le travail d’un autre, en faire un nouveau paquet et le sortir. C’est exactement ce qu’à fait Klaus Knopper avec Debian quand il a créé le LiveCD Knoppix. Les disques Knoppix possédaient des outils avancés de détection du matériel et de configuration automatique, quelque chose que l’on peut considérer déjà comme novateur. Pendant le démarrage, le disque se configure tout seul pour la majorité du matériel. Même si Knopper n’a pas inventé le concept du LiveCD (Suse en avait déjà une démo), il a été le premier a rendre ce concept utilisable, avec un disque capable de démarrer et de faire tourner un OS complet sur la majorité des configurations. Maintenant un système live dérivé de celui de Knoppix est derrière le disque d’installation de beaucoup de distributions.

Grâce à l’Open Source, Knopper a pu s’appuyer sur le travail de la communauté Debian plutôt que d’avoir à tout créer par lui même. Imaginez que l’envie vous prenne de développer un liveCD de Windows, simplement parce que l’idée vous plaît. Les seuls personnes qui seraient vraiment intéressées par votre idée seraient les avocats.

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L’édition collective Wiki

Aux début du Web vous ne trouviez que des pages fixes où le contenu de chaque page était un fichier HTML. Ensuite le HTML dynamique a pointé le bout de son nez, se servant de modifications qui touchaient uniquement les serveurs au moyen de divers langages de programmations, mais le contenu n’était toujours que le contenu que le webmaster vous fournissait. Vous pouviez le lire ou l’imprimer, mais c’était tout. Le WikiWikiWeb a changé tout cela grâce à un concept novateur : le site Web pouvait être édité par n’importe quel visiteur. A partir de ce moment tout visiteur d’un wiki a le pouvoir de créer, d’éditer ou de supprimer des pages. Cette idée anarchique au demeurant a plutôt bien fonctionné et maintenant un site peut être amélioré par n’importe qui et n’est possédé par personne, le site Web Open Source.

Internet était bien moins sauvage en 1995 quand est apparu WikiWikiWeb, sa population se composait principalement de geeks et d’universitaires inoffensifs. De nos jours, le vandalisme peut devenir problématique et de nombreux wikis nécessitent la création d’un compte avant de se lancer dans l’édition, mais cela ne change en rien leur nature ouverte. Open Source n’est pas synonyme d’irresponsabilité protégée par l’anonymat, il est question d’échange et de reconnaissance de la contribution apportée par les autres. Le wiki n’est donc pas seulement une innovation de la communauté Open Source, c’est aussi un exemple vivant de ce qu’il y a de bon dans le concept d’ouverture.

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Virtual Network Computing

VNC est l’exemple type d’invention qui ne pouvait émaner que de l’open source. VNC permet à un ordinateur de voir et, potentiellement, de prendre le contrôle d’un autre ordinateur. C’est utile pour accéder à votre propre machine lorsque vous n’êtes pas au bureau mais aussi pour assister à distance un autre utilisateur. « Appuie sur ce bouton et dis-moi ce que ça fait. » Toute personne ayant déjà eu ce genre de conversation téléphonique avec ses parents en comprendra l’utilité.

Même ceux qui sont le moins à cheval sur la sécurité de leur ordinateur devraient être horrifiés à l’idée de laisser quelqu’un contrôler leur ordinateur par Internet. Même si vous faites entièrement confiance à l’utilisateur de l’autre ordinateur (qui peut être vous-même) vous n’avez aucun moyen de savoir avec certitude ce qui advient des données lorsque vous utilisez un système propriétaire. L’Open Source n’est pas simplement à l’origine d’une innovation ici, c’est aussi un gage de sécurité : vous avez accès au code source et vous pouvez déterminer si les données de votre session ne seront pas envoyées dans une base souterraine secrète.




En réponse au Café Pédagogique

Kevinmcgrewphoto.com - CC byLe site du Café Pédagogique compte plus de 150 000 abonnés à ses différentes éditions et avoisine le million de visiteurs par mois. Il est sans conteste la principale source d’information d’un monde enseignant hautement reconnaissant du service rendu. Là où le bât blesse c’est que faute d’aides institutionnelles il a contracté depuis un certain temps déjà un solide partenariat avec Microsoft qui s’apparente un peu au mariage de la carpe et du lapin.

Les conséquences sont malheureusement assez lourdes pour ceux qui souhaitent faire avancer le logiciel libre à l’école car avec la caution du Café Pédagogique les enseignants se sentent en confiance et en sécurité. Si le Café organise un forum d’enseignants innovants, il n’y a qu’à se réjouir et profiter d’une telle opportunité sans trop se poser de questions. Si le Café héberge en son sein le forum de l’opération Microsoft Office 2007 gratuite pour les enseignants c’est que l’offre est sans entourloupe. Si le Café ne fait pas mention de documents critiques vis-à-vis de son partenaire alors il n’y a pas matière à débat. Si le Café parle peu ou pas du logiciel libre, c’est que sa présence et son utilité doivent être scolairement négligeables[1].

Et si, comme aujourd’hui, le Café se décide néanmoins à l’évoquer ne serait-ce qu’à la marge et implicitement, c’est pour en donner une image où j’ai eu tant et si bien du mal à le reconnaître que je n’ai pu m’empêcher de mordre à l’hameçon et réagir, quitte à fournir de nouvelles armes à ceux qui aiment à me faire passer pour un agité, quitte aussi à donner un énième coup d’épée dans l’eau.

Il y a une semaine avait lieu à Hong-Kong le quatrième Forum mondial des enseignants innovants organisé et donc financé de A à Z par Microsoft. Ce forum était ainsi présenté sur le communiqué de presse : « 250 enseignants, administrateurs d’école et responsables d’éducation en provenance de 64 pays à travers le monde se rassemblent pour récompenser l’excellence en matière d’éducation (…) L’Innovative Teachers Forum s’inscrit dans le programme Partenaires en apprentissage de Microsoft (Partners in Learning), une initiative internationale dans le cadre du projet Unlimited Potential conçue pour rendre la technologie plus accessible aux écoles, à stimuler des conceptions innovatrices de l’éducation et à fournir aux éducateurs les outils pour gérer et mettre en oeuvre des changements. Depuis sa création en 2003, le programme Partenaires en apprentissage a bénéficié à plus de 123 millions de professeurs et d’étudiants dans 103 pays. Microsoft apporte un soutien financier continu à cette initiative depuis déjà cinq ans, et l’investissement d’une durée de dix ans atteint presque 500 millions USD, ce qui témoigne de l’engagement de la société à rendre la technologie plus adaptée et plus accessible à chacun grâce à des programmes, des formations et des partenariats de licence abordables. »

Le Café Pédagogique était bien entendu présent et y avait envoyé, c’est l’expression employée, l’une de ses « journalistes » Monique Royer. Le 3 novembre dernier elle rédigeait sur le blog dédié à l’évènement un billet titré Honni soit qui mal y pense que je me suis permis de commenter ci-dessous.

(…) Dans ce décor sans limites, la délégation française se pose sur une terrasse. Et tandis que les yeux sont baignés dans la magnifique vue, les débats s’engagent, plus prosaïques. Puisque nous sommes en terre de Chine, résumons-le ainsi : Microsoft est il un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ?

Je dois manquer d’humour parce que, Chine ou pas, j’ai beaucoup de mal à croire que le débat ait pu se résumer à cette question qui n’appelle qu’une seule réponse possible pour le clore aussitôt. Forçons le trait jusqu’à la caricature pour déplacer la conversation et éviter de toucher aux réels enjeux. C’est la même posture adoptée par le Directeur des partenariats éducation chez Microsoft France en réponse à mon billet sur l’association d’enseignants Projetice.

Pour les non initiés à ce type de querelle, il faut mentionner que cette question est vive dans les milieux associatifs d’enseignants.

Navré de vous contredire mais non, je ne crois pas que la question ainsi posée intéresse le moins du monde « les milieux associatifs d’enseignants », tout simplement parce qu’à ma connaissance personne ne voit Microsoft comme « un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ».

Quant au début de votre phrase, il eut été peut-être plus judicieux encore d’écrire « Pour les non initiés à ce type de querelle stérile », l’effet souhaité n’en aurait été alors que plus accentué…

Mais redevenons un peu sérieux. Il y a bien quelques questions à se poser mais elles sont d’une toute autre envergure. Par exemple, en référence à un récent billet : l’école doit-elle poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

Nous voici d’un coup assez loin des « querelles d’initiés »…

Toujours est-il que si vous jugez cette question d’importance alors, et telle sera mon hypothèse, il est difficile de ne pas rencontrer un jour ou l’autre le logiciel libre et sa culture. C’est ce que pensent nos amis du Département de l’instruction publique du Canton de Genève et bien d’autres acteurs éducatifs derrière eux pour qui cette rencontre fut si ce n’est comme une évidence tout du moins allant dans le sens d’un certain bon sens.

Entendons-nous bien, le logiciel libre n’est bien entendu pas LA solution mais il participe assurément à poursuivre les objectifs décrits ci-dessus. C’est pourquoi, contre vent et marée mais avec un certain enthousiasme, nous travaillons au quotidien à créer des conditions favorisant cette rencontre entre le logiciel libre et l’école, qui par delà leurs spécificités sont selon nous faits pour avancer ensemble.

Et c’est à mon avis ici qu’intervient Microsoft. Non seulement la société Microsoft ne répond que trop imparfaitement aux objectifs mentionnés mais elle a fortement tendance à consciemment ou non retarder cette fructueuse, pour ne pas dire « naturelle », rencontre. Un retard qui s’accompagne d’un frein si d’aventure cette rencontre avait malgré tout bien lieu. Ce ne serait pas bien grave si il ne s’agissait que de la praticité et du confort de tel ou tel logiciel, ça l’est peut-être plus si l’on se place dans le vaste cadre de ma question exposée plus haut.

Ce dernier paragraphe mériterait bien sûr précisions, développements et arguments. Gageons que vous ne serez pas d’accord. Très bien, ouvrons le débat mais de grâce oublions les dragons dévoreurs d’enfants !

Deux points sont dénoncés par les défenseurs du libre. Le premier touche au mode de commercialisation des ordinateurs qui sont quasi systématiquement équipés du système Windows et contraignent les acheteurs à l’acquérir et l’utiliser.

Tout à fait, et merci d’évoquer le problème. Cela s’appelle de la vente liée. Il est vrai que les « défenseurs du libre » ont été parmi les premiers à souligner la situation et à agir en conséquence (tout comme la question des brevets logiciels en Europe, des DRM, des lois DADVSI et aujourd’hui Hadopi, sauriez-vous nous expliquer pourquoi ?)

Mais cela nous concerne tous et il n’est pas étonnant de retrouver également des associations de consommateurs dans la bataille.

La réponse pour ce type d’argument est plutôt une nuance : la plupart des acheteurs ne sont pas des utilisateurs avertis de l’informatique, ils ont le choix entre deux systèmes Microsoft et Mac qui leur permet de se servir de leur ordinateur sans se préoccuper de programmation complexe.

Nos initiés (ou utilisateurs avertis) sont vraiment d’étranges personnages. Quand il ne s’engagent pas dans de vaines querelles, c’est pour mieux s’adonner à leur passe-temps favori : la programmation, si possible complexe.

Je sais bien que le Café Pédagogique n’est malheureusement pas le meilleur média pour se tenir au courant des avancées du logiciel libre mais quitte à jouer les journalistes TICE autant se mettre un peu à jour.

« Les logiciels dits libres ont atteint aujourd’hui un niveau de maturité technique qui en fait une alternative fiable, stable, adaptable et pérenne aux logiciels dits propriétaires ». Telle est l’introduction de la récente directive du Département de l’instruction publique du Canton de Genève. Sachant que les « systèmes Microsoft et Mac » sont bien propriétaires, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’on se retrouve avec un troisième choix.

Ce troisième choix c’est donc celui du logiciel libre. Son niveau de maturité est tel qu’il postule aujourd’hui sans attendre à se retrouver lui aussi sur les postes de travail de nos élèves et ce jusqu’au système d’exploitation où GNU/Linux fera d’autant mieux l’affaire que certaines autorités compétentes déconseillent sagement de passer à Windows Vista.

Il est vrai que le changement passe souvent par une période de perturbation liée à ses habitudes antérieures mais il sera d’autant mieux accepté qu’il aura été explicité et justifié. La directive citée plus haut dit encore : « Lors des choix de solutions informatiques pédagogiques, les produits sous licence libre et les standards ouverts sont choisis par défaut. Tout choix de solutions propriétaires devra être dûment justifié par les demandeurs, en expliquant de façon détaillée les usages qui rendent indispensable l’acquisition d’un produit ou l’utilisation d’un standard non libre. » Et d’ajouter lucidement : « Les migrations importantes qui sont prévues seront annoncées suffisamment à l’avance pour permettre l’accompagnement nécessaire au changement. »

Une fois de plus il ne s’agit pas ici de faire table rase de l’existant pour s’en aller vers le « tout libre ». Mais, au nom d’une certaine pluralité, puissions-nous faire en sorte que de telles propositions soient elles aussi évaluées chez nous ?

Le deuxième point porte sur la politique de Microsoft en éducation, en particulier sur son programme « partners in learning » qui soutient des projets et des associations ou encore sur la mise à disposition gratuite de suites Office pour les enseignants, et se focalise donc sur une supposée recherche d’hégémonie, voire de captation de la firme.

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce programme « partners in learning » qui en France ne voulait pas dire son nom.

Pour ce qui concerne la mise à disposition gratuite de la suite MS Office, l’explication n’est pas philanthropique mais toute entière contenue dans le rapport Becta Microsoft Office 2007 et Windows Vista que le Café Pédagogique n’a d’ailleurs pas cru bon de retenir dans son fil d’informations, privant ainsi de nombreux enseignants de la possibilité de s’interroger sur le pourquoi du comment d’un tel « cadeau ». C’est d’autant plus dommage que le Café n’ignore pas le Becta (voir l’Expresso de lundi dernier). De là à penser que le Café Pédagogique, soutenu par Microsoft, ne s’intéresse plus au Becta dès lors que ce dernier se montre critique vis-à-vis de son partenaire « premium », il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.

Quant à votre fin de phrase, je me focalise bien moins sur la « supposée hégémonie captive de la firme » que sur le fait qu’une rédactrice du si réputé Café Pédagogique évite de se poser les bonnes questions en feignant de croire que certains se focalisent sur un Microsoft tellement décrié qu’on a presqu’envie de lui venir en aide, surtout quand il permet gracieusement à des enseignants du monde entier de se rencontrer.

Les associations, les animateurs des projets soutenus pointent comme réponse le faible soutien des pouvoirs publics, du ministère de l’éducation notamment. Pour vivre, même en reposant sur le bénévolat, les associations ont besoin d’argent pour financer leur structure, leur site, bref, tout ce qui concrétise, solidifie le projet. Leur survie repose souvent sur une quête perpétuelle de financement auprès des collectivités locales, d’entreprises, de fondations. Idem pour les projets, les innovations pédagogiques ; pour se développer elles ont besoin d’une reconnaissance, de matériels, de logiciels, parfois cruellement absents dans l’institution. Microsoft se positionne comme un financeur potentiel pour des partenaires qui bien souvent ont d’autres financements.

Quelle est la part de Microsoft dans le financement du Café Pédagogique ? J’ai souvent posé la question mais n’ai jamais eu de réponse…

Pour qu’on en arrive là l’Institution doit effectivement procéder à son autocritique. Toujours est-il que si l’on vous suit c’est exclusivement pour son argent que Microsoft intéresse les associations. Il n’y aurait donc pas d’adhésion à un projet commun, à des valeurs communes… ou plus modestement à la qualité de leurs logiciels. Cela leur aurait fait plaisir pourtant, histoire de se sentir moins « vaches à lait ».

« Survie », « quête perpetuelle », besoins cruciaux »… Il y a visiblement extrême urgence ! Et pour nous tirer de là, reposons-nous sur les épaules d’un Microsoft, véritable sauveur d’associations d’enseignants en péril abandonnées lâchement par leurs institutions ! Merci donc à Microsoft de nous offrir cette manne financière providentielle que d’autres ne peuvent ou ne veulent nous proposer.

Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la provenance de cette manne financière. Quand on soutire des sommes considérables aux pouvoirs publics du monde entier, on a beau jeu par la suite d’en redistribuer une infime partie à ceux qui nous ont enrichis.

L’équation est certes un peu plus complexe que cela mais pourquoi ne pas procéder autrement ? Par exemple en s’appuyant massivement sur le logiciel libre et avec l’argent ainsi économisé soutenir non seulement les associations d’enseignants mais également un véritable développement logiciel local, ouvert et adapté aux besoins du terrain. Ce ne sont pas les AbulEdu, Adullact, EducOO, Ofset, Scideralle et autres qui me contrediront.

Ceci dit, et pour tout vous avouer, Framasoft se trouve aujourd’hui également dans la difficulté financière. Il n’empêche qu’on aura tenu bon pendant pas mal d’années et que l’on ne désespère pas de trouver des soutiens moins, comment dire, « problématiques ».

Le partenariat tournera d’autant moins à la main mise que les données du marché sont claires et le financement multiple.

Cette dernière phrase que l’on dirait extraite d’un conseil d’administration d’une grande entreprise, vient fort à propos nous rappeler la nature même de Microsoft. Si l’école n’était qu’un marché comme un autre nous n’en ferions pas grand cas.

(…) Une rencontre entre enseignants innovants du monde entier, d’Israël, de Thaïlande, d’Australie, d’Autriche, du Sénégal, du Brésil, des Seychelles et de tant de pays différents, n’est elle pas à même de changer les idées, les opinions les plus tranchées. En regardant ce que font les autres, en écoutant leur expérience, leurs doutes, leurs solutions, dans ce voyage dans les mondes de l’éducation, le débat perd de son acuité.

Je ne vous le fais pas dire. Et Microsoft de s’en frotter les mains. Bingo, c’est à n’en pas douter le type de témoignages que la société souhaitait susciter.

Et puis, « ce qui est important pour les enseignants c’est la pédagogie. Pour innover, on a besoin d’outils qui nous conviennent. Les querelles risquent plus de freiner l’innovation pédagogique, qu’autre chose », ainsi Annie clôt le débat (…).

Il se trouve que c’est à peu près le même discours que nous sert Microsoft depuis des années. Cette symbiose finale entre l’enseignant et son partenaire fournit effectivement une excellente conclusion.

Quant à « l’innovation » que Microsoft et le Café citent ad nauseam, il tend à devenir un mantra vidé de toute substance et qui se suffit à lui-même. Je n’arrive plus vraiment à comprendre ce que vous y mettez dedans, si ce n’est que les enjeux dépassent de très loin la question des « outils qui nous conviennent ».

Soit, allons-y, restons sur ce mot et répétons nous aussi notre propos. L’innovation peut-elle venir d’une école résolument décidée à poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

J’en suis intimement persuadé. Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Kevinmcgrewphoto.com (Creative Commons By)




Firefox : bilan et perspectives – Entretien avec la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker

Mitchell Baker - by Will Pate - CC BY-NC

Le navigateur Firefox est certainement l’une des plus belles réussites en matière de logiciel libre. Nous avons voulu en savoir plus en traduisant l’une des rares (et denses) interviews accordée à APC Magazine par la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker dont on peut lire ceci sur le Standblog.

Mitchell est vraiment une femme extraordinaire. Elle est réservée, presque timide, ne cherche pas la reconnaissance du public. Par contre, elle a une éthique et une volonté incroyables. Il y a quelques années, le torchon brûlait entre Netscape et Mozilla.org. La direction de Netscape voulait plus de contrôle et a mis une pression phénoménale sur Mitchell pour qu’elle plie. Devant sa volonté de respecter l’esprit du projet et le travail des contributeurs externes, la direction de Netscape l’a licenciée avec pertes et fracas et a tenté de nommer la vice-présidente de Netscape à la tête de Mozilla.org. Mitchell ne s’est pas laissée faire. Ne pouvant rien faire contre le licenciement (aux Etats-Unis, la loi est clairement du coté de l’employeur), elle s’est accrochée à Mozilla.org et a continué son boulot de Chief Lizard Wrangler (Dompteuse de lézards en chef, son titre officiel) à titre bénévole pendant plusieurs années, jusqu’à monter la Mozilla Foundation. Combien d’entre nous auraient accepté d’être licencés pour ne pas avoir à faire quelque chose qui leur déplait ? Combien auraient continué bénévolement le travail une fois licencié, parce que c’était la chose à faire ? Cette obstination à vouloir faire faire marcher le projet Mozilla malgré les aléas a été un exemple pour beaucoup de contributeurs et n’est pas étranger au fait que Peter et moi ayons pris la décision de monter Mozilla Europe au moment de notre licenciement.

Mitchell est véritablement quelqu’un de bien, et le projet Mozilla a une chance inouïe d’avoir une personne pareille à sa tête.

Une traduction collective[1] de notre groupe de travail Framalang pour une relecture finale assurée par Tristan Nitot himself avec l’aimable autorisation d’APC Magazine[2].

APC Magazine - Future of Firefox

Mozilla CEO speaks out on future of Firefox

Le 7 mai 2007- Dan Warne – APC Magazine

Selon la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, Firefox n’est encore qu’au début de son cycle de vie. Dans cette interview en tête-à-tête avec APCMag.com, elle parle des origines et du futur de Firefox.

Comment 12 personnes ont fait Firefox 1.0

J’ai eu cette chance rare de parler en tête à tête avec la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, après son discours d’ouverture du CeBIT à Sydney. J’ai été très surpris de découvrir que si peu de personnes étaient impliquées dans la création de Firefox 1.0.

Dan Warne (APC) : Firefox connaît, à ce qu’il semble, un succès phénoménal, mais on a du mal à s’imaginer à quel point le projet était petit au début et quelle ampleur il a pris depuis.

Mitchell Baker : Oui, le projet Mozilla a commencé en 1998 et était à l’origine hébergé au sein de Netscape, une organisation virtuelle. Nous songions déjà depuis un certain temps à devenir une organisation indépendante, et en 2003, nous avons décidé qu’il était temps d’obtenir un financement initial, de nous donner les actifs et de nous baptiser Mozilla.

Mais à nos débuts, mêmes les machines de développement dont nous disposions étaient réduites à la portion congrue, puisqu’il n’existait pas encore de financement viable à l’époque.

La fondation a donc débuté avec dix ou onze employés et nous avons élargi nos rangs avec deux ou trois employés supplémentaires dans les 15 mois qui ont suivi. Quand nous avons sorti Firefox, donc, nous avions à tout casser 15 employés, c’était vraiment peu.

Dan Warne (APC) : C’est une équipe incroyablement réduite pour un produit si complexe.

Mitchell Baker : On était peut-être même 12. On n’était vraiment pas nombreux, à l’époque. C’a été le grand saut pour chacun de nous : nous espérions que quelque chose ressortirait de cette aventure.

Avant de lancer Firefox 1.0, nous étions assez convaincus de tenir quelque chose et que notre produit, tout comme le moment pour le sortir, étaient bons. Peut-être qu’à l’été 2004, déjà, voire en mai ou juin, nous savions d’après le niveau d’intérêt que suscitait notre technologie et le nombre de personnes l’utilisant que vous avions vu juste.

Mais nous étions à mille lieues d’imaginer ce qui s’est passé lors du lancement effectif de Firefox 1.0 et la façon dont il a décollé. C’était inattendu et imprévisible. A mon sens, c’est difficile de prédire un démarrage pareil. On aurait dit que d’un coup il sortait de nulle part, même si nous y travaillions depuis longtemps.

Une des questions qui nous a demandé le plus de réflexion lors de la conception de Firefox 1.0, ç’a été de trouver comment en faire un produit au maximum pensé pour l’utilisateur. Cela représentait un grand changement pour nous. Dès le départ, Firefox a été conçu pour votre grand-mère ou votre grand-père, une personne intelligente pas forcément à la pointe de la technologie. Comment s’y prendre pour que cette personne apprécie Internet ?

On a donc intégré cette notion au produit, mais alors qu’on entrait dans la dernière ligne droite, nous avons dû résoudre d’autres problèmes, comme par exemple l’apparence lors du premier démarrage. Je crois qu’aujourd’hui, Firefox est bien connu pour sa zone de recherche et sa page de démarrage toute simple, etc., mais ces caractéristiques sont le fruit d’une longue, d’une très longue discussion entre nous.

Dan Warne (APC) : Vraiment ? Ca paraît une telle évidence.

Mitchell Baker : Oui, parce que ç’a été l’une nos toutes premières décisions pour rendre le programme davantage orienté utilisateur, pas dans la conception du produit, mais dans sa présentation.

Nous avons très longuement discuté pour décider si la page d’accueil devait être un portail, tenter de déterminer les réelles attentes des utilisateurs, et savoir si nous devions conserver la page de Mozilla "aidez-nous à écrire le code, voici notre système de référencement de bugs", comme c’était le cas avant, etc.

Finalement, nous sommes parvenus à la conclusion que l’ancienne page d’accueil n’était pas adaptée, et que s’il existe un point commun entre tous les utilisateurs, c’est bien qu’ils effectuent des recherches. Les gens se servent du web pour des tas de trucs différents, mais les recherches, au moins, on savait que tout le monde en fait.

C’est ce qui a décidé notre choix de proposer la fonction de recherche sur la page d’accueil, et il se trouvait que Google était intéressé par un partenariat pour une page d’accueil commune. Voilà comment on en est arrivé à notre page d’accueil. C’a été à mes yeux une bonne décision, parce qu’en effet beaucoup l’apprécient, et que si l’on regarde les pages d’accueil personnalisées des uns et des autres, ont s’aperçoit qu’elles sont toutes très différentes et qu’à part la fonction recherche, c’est aujourd’hui encore difficile de leur trouver un point commun.

Nous avons aussi établi des accords avec les moteurs de recherche concernant les revenus générés par les recherches. Ainsi, alors que les parts de marché de Firefox décollaient – je crois qu’elles progressaient de 1% par mois durant les X premiers mois -, il s’est évidemment avéré que beaucoup plus de personnes que prévu l’utilisaient, et que la combinaison recherches, page d’accueil et outil de recherche a vraiment été un plus.

Grâce à cela, Firefox a attiré un nombre inattendu d’utilisateurs, lesquels effectuaient des recherches en plus grand nombre. Nos espoirs de trouver un modèle viable commençaient donc à se concrétiser, tout allait bien et cela nous rapportait plus d’argent que ce à quoi nous nous attendions au début.

Comment Firefox génère 55 millions de dollars par an

Vous êtes-vous déjà demandé comment Firefox est devenu un navigateur si complet sans disposer d’équipes de développeurs payées pour s’atteler aux tâches laborieuses ? La Fondation Mozilla, grâce à Firefox, génère chaque année des dizaines de millions de dollars, lesquels sont réinjectés dans le développement de projets. Qui est ce généreux donateur ? J’ai posé cette question à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker.

Dan Warne (APC) : Je voulais vous interroger à propos de l’argent que vous gagnez grâce à l’outil de recherche de Firefox, car à peu près tout le monde sait que Google paye pour l’intégration de ses fonctionnalités de recherche au navigateur, mais personne ne connaît vraiment les sommes que verse Google.

Mitchell Baker : Je me dois d’apporter plusieurs précisions sur cette question : tout d’abord, Google ne sont pas les seuls. Concernant un des points sur lequel nous avons été pionniers, tout le monde pense aussitôt à Google parce qu’il s’agit du choix par défaut, l’outil de recherche et le moteur qui apparaît en page d’accueil, mais en fait, la véritable innovation ç’a été d’offrir un choix multiple à l’utilisateur.

Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il y a Google, certes, mais aussi Yahoo juste à côté. Ce choix va peut-être de soi pour la plupart des gens, aujourd’hui, mais ça n’était pas le cas lorsque nous avons signé nos premiers accords. Google est l’outil de recherche par défaut, mais nous avons été intransigeants sur le fait que le choix devait être possible, que d’autres moteurs de recherche, qui d’après nous intéresseraient les utilisateurs, devaient être disponibles par défaut, et enfin que les utilisateurs devaient pouvoir ajouter ceux qu’ils voulaient.

Il est très facile d’ajouter un moteur de recherche. C’était un élément fondamental pour les libertés de choix des utilisateurs. Nous avons donc des accords avec des compagnies autres que Google. Nous sommes une organisation à but non lucratif, nos chiffres sont donc audités et rendus publics. L’exercice 2006 n’est pas encore terminé, aussi rien n’est-il encore public, mais les chiffres pour 2005 tournent autour de 55 millions de dollars.

Dan Warne (APC) : Mazette ! Ca fait est un sacré paquet d’argent. Avec 55 millions de dollars, vous avez de quoi accomplir quantité de choses !

Mitchell Baker : Oui, c’est une première pour un projet open source comme le nôtre, je pense. Bien sûr, ce revenu étant imposable la fondation n’en perçoit pas autant, mais c’était néanmoins inattendu et fort bienvenu. Grace à ces gains, nous avons la possibilité d’accomplir énormément de choses, ce qui est important puisque le navigateur est un outil des plus fondamentaux pour Internet.

Nous avons essayé de le faire avec presque rien et nous y sommes plutôt bien parvenus avec Firefox 1.0. Les réussites se sont multipliées et il nous aurait été difficile de poursuivre sur cette voie avec si peu d’argent. Ce partenariat a donc été une aubaine, car les utilisateurs l’apprécient, et qui plus est la fonction de recherche est utile, contrairement à d’autres la vente de boutons pour l’interface du navigateur : ça aurait pu rapporter de l’argent, mais ça n’a aucune utilité pour l’utilisateur.

Un jour, nous trouverons peut-être une nouvelle innovation que les utilisateurs apprécieront, ce qui serait certes formidable, mais en attendant il existe déjà mille façons de générer des revenus grâce à un navigateur.

Selon les stratégies commerciales conventionnelles, il faut absolument diversifier ses revenus, ce qui dans l’idéal serait une bonne chose, mais pas au détriment du produit.

Dan Warne (APC) : Beaucoup d’applications en ligne sont en effet allées trop loin par le passé et ont fini par agacer leurs utilisateurs à cause d’accessoires envahissants.

Mitchell Baker : C’est vrai… alors en fin de compte, ou devrais-je dire dès le début, on s’est retrouvés avec des tas gens qui adoraient Firefox – et parfois je me dis que c’est bizarre de parler de tous ces gens qui se passionnent pour un logiciel, qui débordent d’enthousiasme qui sont prêts à s’investir à fond pour permettre à d’autres de l’adopter, le construire et le créer. Mais le fait est, ça existe pour de bon (rires).

Nous avons donc vu notre base d’utilisateurs croître, nous avons vu l’enthousiasme et – encore un mot galvaudé – la "passion" liés à Firefox se développer au-delà du cercle restreint de notre communauté de développeurs pour toucher un nombre incroyable de gens – et ça, c’est un atout qui n’a pas de prix. Et puis il y a aussi ce sentiment de confiance que suscite Firefox – on se dit : "Oui, c’est un bon navigateur, meilleur que celui dont je me servais avant, mais en plus je lui fais confiance.

Mais c’est à mon sens l’aspect le plus fondamental de Firefox, à la fois grâce à l’immense qualité du produit et grâce à ceux qui savent que nous sommes une organisation œuvrant pour le bien commun, que nous n’essayons pas de maximiser nos profits et que nous ne tentons pas de générer des richesses énormes pour un nombre de personnes restreint. L’actif appartient au public.

Je pense que nombreux sont ceux qui ignorent la nature open source du projet et n’ont aucune idée de la façon dont il est développé, mais qui néanmoins ont le sentiment que le résultat final est à l’image de son mode de conception, que sa réalisation est fortement basée sur la communauté, très centrée sur l’utilisateur – d’une manière ou d’une autre, ça doit se ressentir.

Dan Warne (APC) : Il me semble que l’une des particularités les plus attrayantes de Firefox, c’est l’écosystème des modules complémentaires. Je trouve d’ailleurs assez amusant de voir Microsoft se donner un mal fou pour proposer une offre similaire, mais leur écosystème d’extensions regorge de "payez 30 dollars pour enregistrer ceci", "payez 50 dollars pour enregistrer cela" C’est une démarche très commerciale, et d’après moi, c’est bien la preuve qu’il est très difficile de reproduire une offre comme la vôtre à moins d’être open source soi-même.

Mitchell Baker : C’est exact. Tout d’abord, l’intérêt pour le bien commun en opposition à la richesse personnelle des actionnaires est quelque chose de très difficile à reproduire, car ce sont deux types d’organisations fondamentalement différentes, chacune régie par des contraintes légales qui les conduisent dans des directions opposées. Il est donc par définition impossible de calquer l’une sur l’autre.

Le cadre dans lequel nous opérons, en nous axant sur une action volontaire décentralisée, modérée par une discipline stricte et axée sur le contrôle qualité, est également très ardu à reproduire. Microsoft a certainement eu différentes sources partagées et quelques initiatives plus ou moins fondées sur la collaboration ou le partage, et tant mieux pour eux. C’est une avancée, certes, mais ça n’a aucune commune mesure avec une démarche qui repose sur la mise en partage des ressources accompagnée par une structure décisionnelle, et non commandée par une structure à hiérarchie classique et mue par des impératifs de profit.

Comment alors égaler notre capacité à enrichir Firefox, améliorer la qualité de notre technologie et à permettre à qui veut de résoudre d’éventuels problèmes en retouchant une partie du code de Firefox ? C’est loin d’être à la portée de tous.

Firefox bientôt dans votre portable

La plupart des fanas de technologie se demandent pourquoi les navigateurs des téléphones portables sont médiocres à ce point. La présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, y a réfléchi aussi et s’est demandée comment l’on pourrait adapter Firefox aux plateformes mobiles.

Dan Warne (APC) : Je souhaitais aborder avec vous le sujet de l’adaptation de Firefox aux appareils mobiles, un domaine que Firefox n’a pas encore exploré, alors qu’Opera, et même Microsoft dans une certaine mesure, a réussi à s’y imposer. Allez-vous vous développer dans cette direction ?

Mitchell Baker : Oui, mais il s’agit d’un choix sur le long terme, ça ne se fera pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois. La mission que s’est impartie la Fondation Mozilla, c’est d’améliorer l’expérience Internet, laquelle se fera de plus en plus sur des appareils autres que les PC. Si nous ne sommes pas présents dans ce secteur, nous ne serons pas à la hauteur de la philosophie que nous avons contribué à imposer.

C’est donc quelque chose qui devra se faire. Nous avons eu pour projet de nous pencher de plus près sur la question, mais nous avons choisi de nous intéresser d’abord à notre technologie et de la fignoler afin qu’elle soit le mieux adaptée pour cela. Nous y travaillons, mais cela demande du temps.

Nous cherchons aussi un moyen satisfaisant permettant de refléter toute la richesse du web sur un petit appareil avec les contraintes actuelles, mais nous n’avons pas encore la solution. Il n’existe pas de réponse évidente, car le web et ses fonctionnalités s’accroissent sans cesse. Nous y travaillons assidûment.

Nous procédons en ce moment à une expérience qui est clairement une expérience qui gravite autour du PC mais adaptée aux portables (ce n’est pas donc une stratégie purement mobile), mais nous menons des expériences axées sur les liens qu’entretiennent les utilisateurs de Firefox et leurs appareils mobiles. Nous savons que les gens apprécient Firefox pour ses modules complémentaires, la possibilité de le personnaliser et celle d’obtenir des informations précises grâce à Firefox et aux extensions.

Dans cette expérience en cours, que nous avons baptisée Joey, nous cherchons un moyen d’apporter aux utilisateurs les informations auxquelles ils aiment avoir accès sur leur appareil mobile. Certes il est déjà possible d’aller sur le web et d’envoyer des tas de trucs par SMS, mais quelles nouvelles fonctionnalités peut-on inventer ? Firefox offre déjà la possibilité de le personnaliser et de rassembler certains types d’informations, alors comment faire pour que Firefox permette à celui qui l’utilise de connaître une expérience plus riche avec son portable ?

Dan Warne (APC) : Envisagez-vous alors une sorte de service côté serveur qui aiderait à pré-formater le contenu pour les portables, etc. ?

Mitchell Baker : Il y a plusieurs pièces imbriquées – il y aura une partie logiciel côté serveur, une autre côté client. C’est un projet que nous allons lancer en laboratoire incessamment. Je pense que nous avons beaucoup à découvrir dans ce domaine, ce sera donc expérimental dans un premier temps, pas forcément au sein d’un projet de produit, mais une façon de commencer à récolter des infos puisque actuellement dans beaucoup de pays les utilisateurs d’appareils mobiles sont en contact avec un opérateur téléphonique et pas directement avec un vendeur de logiciel.

Donc, même si nous tenions un super produit pour faire ce que à quoi nous sommes les plus doués, c’est-à-dire toucher les Hommes, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de l’implanter sur la plupart des appareils. Encore un point auquel nous nous attelons, et si rien ne change, peut-être que la possibilité d’obtenir différentes sortes d’informations prendrait son sens, mais rien n’est fait.

Opera est peut-être plus adapté que nous en tant que fournisseur des opérateurs car de par notre ADN nous nous concentrons sur les consommateurs et les individus. Ainsi, nous menons cette expérience tout en peaufinant notre technologie, et nous voyons ce que ça donne.

Dan Warne (APC) : Firefox a la réputation, je ne sais pas si c’est positif ou négatif, d’avoir un moteur de rendu complexe, et je pense que cela a beaucoup joué quand Apple a choisi le cœur du moteur de rendu KHTML utilisé dans le navigateur Konqueror de Linux. Ils ont déclaré à l’époque que s’ils avaient préféré KHTML à Gecko (le cœur du moteur de rendu de Firefox), c’était qu’il est très léger. Est-ce vrai que Firefox est intérieurement très lourd et pourrait se révéler difficile à faire entrer dans un appareil mobile ?

Mitchell Baker : Eh bien, tous sont difficiles à faire entrer dans un appareil mobile, alors mettons les choses au clair. Opera a fait du très bon boulot pour intégrer quelque chose d’utile dans un appareil mobile, mais leur outil est incomplet et ne possède pas les possibilités de Firefox. Adapter un outil complet à un appareil portable n’est pas une mince affaire, aussi ne peut-on comparer les deux.

Il faut cependant reconnaître, à mon sens, que WebKit d’Apple est pour l’instant plus facile à aborder que notre équivalent technologique.

Mais c’est en partie parce que notre équivalent technologique, Gecko, est accompagné de tout un ensemble d’autres outils qui permettent la création de nos communautés. Donc, pour les extensions, le langage de XUL et toute un tas d’autres choses, c’est notre technologie qui à la primauté.

Plus de fonctionnalités offrent plus de possibilités, mais un logiciel plus réduit a l’avantage d’être plus facile d’accès. Voilà pourquoi quand on envisage d’approcher un nouveau marché, nous savons que nous avons certains avantages, à mon sens inégalables. Elaborer une communauté comme la nôtre, c’est probablement impossible à faire (pour un concurrent propriétaire).

Malgré cela, nous devrions redoubler d’efforts et travailler plus intelligemment pour rendre notre code le plus facile d’accès possible, pour qu’il soit aisé de le développer et de mettre à profit (en tant que développeur) tous les avantages qu’offrent Firefox et la technologie Mozilla.

Des entreprises qui envisagent à nouveau d’adopter Firefox plutôt que de passer à IE7 ?

Avec les changements radicaux apportés par Microsoft, à la fois à l’interface utilisateur et au moteur de rendu d’IE7, un plus grand nombre d’entreprises envisagent à nouveau d’adopter Firefox, d’après Mitchell Baker, présidente de la Fondation Mozilla.

Dan Warne (APC) : Il se passe quelque chose avec l’adoption de IE7. Ce que nous voyons sur le site APC – dont on peut penser qu’il réunit presque exclusivement des adeptes de la première heure, férus de technologie et lecteurs enthousiastes – c’est que beaucoup utilisent encore IE6 au lieu d’IE7. Pensez-vous que Microsoft soit allé trop loin dans les changements avec IE7, ce qui a peut-être incité les utilisateurs à rester sous IE6 ? Et cette stratégie quelque peu malheureuse a-t-elle infléchi votre façon de voir les choses quant à la manière d’effectuer des changements dans Firefox ? Pensez-vous par exemple qu’il est nécessaire que chaque évolution se fasse plus en douceur ?

Mitchell Baker : D’abord, précisons un point ou deux : je ne suis certainement pas experte en ce qui concerne Microsoft. Je regarde IE de temps en temps, mais ce n’est pas un navigateur que j’aurais… très envie d’utiliser.

Dan Warne (APC) : (rires)

Mitchell Baker : Firefox a justement été conçu pour rendre très facile la migration à partir de IE, donc nous savons que nombreux sont ceux qui ne se rendent presque pas compte de la différence.

Des utilisateurs appartenant à de grandes entreprises m’ont confié qu’en voyant IE7, ils envisageaient de nouveau de basculer vers Firefox ou vers le support de Firefox, parce que le passage de IE6 à Firefox pourrait, dans leur cas, être plus facile que le passage de IE6 à IE7.

C’est donc un sujet de discussion intéressant. Je n’ai pas lancé d’études sophistiquées, mais quand on commence à entendre ce genre de propos, qu’on n’entendait pas tellement avant (on entendait seulement "oh non, je préfère ne rien changer.")

Mais les écueils commis par Microsoft ne nous éclairent en aucune façon sur notre plan produit. Nous sommes leaders depuis plusieurs années dans le domaine des navigateurs et de l’aide apportée aux utilisateurs pour comprendre Internet.

Pour répondre à la question de fond, nous portons un grand intérêt à un certain groupe d’utilisateurs, adeptes de la première heure et utilisateurs avancés, pour qui obtenir toujours plus de nouveautés est une exigence et une motivation, et qui se lassent très facilement. Nous avons là une importante fraction de la communauté Firefox, très vive et très active, pour qui l’innovation, les avancées et les nouvelles possibilités sont des exigences primordiales.

Dan Warne (APC) : Un des sujets qui nous tient à cœur, nous, les adeptes de la première heure, c’est le taux de pénétration de Firefox. Combien de personnes l’utilisent, aujourd’hui ?

Mitchell Baker : Au mieux, nous estimons notre socle d’utilisateurs est si situe entre 75 et 100 millions d’utilisateurs… c’est beaucoup ! Ces chiffres ne sont pas exacts car il y a des corrélations entre différentes données, mais si l’on prend 15 % du web mondial, qu’on regarde le nombre de personnes qui téléchargent des mises à jour de sécurité, et que l’on tente de corréler cela, c’est en gros ce qu’on obtient. Chaque méthode d’estimation nous donne à peu près les mêmes résultats.

Dan Warne (APC) : Alors, est-ce compliqué de faire plaisir à tout le monde ?

Mitchell Baker : La plupart de ces gens ne sont pas des utilisateurs avancés et n’apprécient pas d’avoir affaire à des changements permanents au sein d’un outil complexe. Nombreux sont ceux qui ne savent pas distinger Firefox et l’interface de Firefox du contenu dynamique provenant d’une page web.

L’aspect complexe et effrayant que peut représenter le Web pour certains nous pousse à nous concenter sur la façon de conduire notre projet de manière à continuer à leur donner accès aux richesses du web, qui est en mutation constante, à introduire les nouvelles idées exigées et générées par la communauté zélée de nos adeptes de la première heure, tout en continuant à offrir un produit que le consommateur ordinaire puisse utiliser.

Voilà le fil directeur de nos efforts, et c’est tout à fait différent des décisions que Microsoft peut prendre ou ne pas prendre.

Bien sûr, nous utilisons le système de modules complémentaires pour satisfaire beaucoup de ces besoins, et je pense donc que de plus en plus d’idées nouvelles apparaîtront sous forme d’extensions, que nous pourrons peut-être même développer ou promouvoir pour tester des projets expérimentaux tels que The Coop, afin de déterminer, avec l’aide des adeptes de la première heure ou des gens qui ont un intérêt pour un outil particulier, ce qui fonctionne à merveille, ce qui marche bien, et comment ne garder que le meilleur pour l’incorporer au noyau de Firefox, de façon que le consommateur ordinaire, de son côté, puisse y accéder sans être terrifié.

Pourquoi n’existe-t-il pas encore de bloqueur de pub intégré par défaut dans Firefox ?

Les utilisateurs les adorent, alors pourquoi Firefox n’a-t-il pas encore intégré des fonctionnalités de blocage de pub ? La présidente de la fondation Mozilla, Mitchell Baker, est circonspecte sur la raison de cette absence…

Dan Warne (APC) : A propos de modules complémentaires, je suis sûr que nombreux sont ceux qui souhaiteraient savoir pourquoi vous n’avez pas intégré un bloqueur de pub dans Firefox ?

Mitchell Baker : Je l’ignore. Il faudrait que je me renseigne, en fait !

Dan Warne (APC) : Ah oui ? J’avais pensé, en élaborant ma liste de questions, que c’était parce que le web survit plus ou moins grâce aux revenus générés par la pub et que vous ne vouliez pas vous mettre certains acteurs du web à dos. Mais je n’ai pas vraiment d’idée, ce qui explique pourquoi j’étais curieux.

Mitchell Baker : A vrai dire, je n’en sais trop rien. Peut-être parce qu’ils sont trop complexes techniquement, mais là encore, il faudrait que je pose la question.

Dan Warne (APC) : Pas de souci. Ca m’intriguait, parce qu’il existe des extensions appréciées qui remplissent cette fonction.

Mitchell Baker : C’est exact. Je suppose que certaines de ces extensions sont assez complexes d’utilisation. J’ai vu qu’elles demandaient quel élément on veut bloquer etc. Combien d’utilisateurs ordinaires seraient capables de s’en servir, je me le demande.

Dan Warne (APC) : Je pense que la plupart des gens se contentent de télécharger la liste automatique qui possède les réglages nécessaires et qui a été pré-définie par quelqu’un d’autre.

Mitchell Baker : Ce serait peut-être une solution pour en faire une meilleure extension, en effet. Il n’empêche que je ne puis vous répondre sans étudier plus avant la question.

Firefox 3.0 – "lock-in branding", ça veut dire quoi, au juste ?

L’arrivée de la version de Firefox 3.0, dont le nom de code est Gran Paradiso, parle d’une chose curieuse dans les notes de sortie de la version alpha : "ability to lock-in branding". (NdT : possibilité de verrouiller une marque) Est-ce que Firefox va devenir un panneau d’affichage sur votre PC, un peu comme IE4 ?

Dan Warne (APC) : Autre question à propos des exensions. Nous avons jeté un coup d’oeil aux notes de sortie de la version alpha, et l’un des détails que nous avons remarqué, c’est le support du rajout de marques dans Firefox, j’ai supposé que c’était, par exemple, pour que Dell puisse pré-installer Firefox sur leur PC et avoir un petit logo Dell dans Firefox ou quelque chose comme ça ? Je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, mais j’espère que ça ne sera pas comme à l’époque d’IE4 quand Microsoft a permis de poser une marque sur c-h-a-q-u-e élément d’IE4 et vous vous retrouviez avec un navigateur dégoûtant avec des écritures géantes et des logos partout.

Mitchell Baker : (Rires) Non, non, rassurez-vous, c’est pour nous quelque chose d’inconcevable !

A propos de marque, les noms de code, comme vous le savez peut-être, sont des noms de parcs. Firefox 3.0 porte le nom de code Gran Paradiso, et il existe un parc Gran Paradiso. Récemment, quand nous cherchions les noms de codes, nous nous sommes rendus sur le site du parc Gran Paradiso, là, en bas de la page se trouvait un bouton "Téléchargez Firefox", je me suis écriée "Bingo ! C’est le nom de code qu’il nous faut !"

Dan Warne (APC) : Oh, c’est une coïncidence marrante, non ? Examinons les notes de Gran Paradiso alpha sur le web et voyons ce qu’elles disent. (Se tourne vers le chargé des relations publiques d’Edelman) Je peux utiliser votre portable deux secondes ?

Chargé des relations publiques : Bien sûr. (A Mitchell Baker) Je suis désolé mais… il n’y a pas Firefox sur ce portable.

Mitchell Baker : C’est donc à ce moment là que je sors en claquant la porte (rires).

Chargé des relations publiques : Je voulais l’installer moi-même, mais je n’ai pas l’accès requis.

Mitchell Baker : A cette machine ?

Chargé des relations publiques : Oui, malheureusement.

Mitchell Baker : Quel genre de machine est-ce ? Où est votre supérieur ? Il est venu plus tôt aujourd’hui… là, je vais me plaindre (rires).

Dan Warne (APC) : Ok, donc il y a marqué à propos de Gran Paradiso : "ability to lock in branding."

Mitchell Baker : D’accord… Ce qui est important, à mon avis, c’est de déterminer ce que signifie "branding" dans ce cas précis. On se sert parfois du terme "branding" pour désigner un ensemble d’éléments.

Par exemple, une compagnie de téléphone, T-Online, a distribué une version de Firefox en Allemagne dans laquelle la page d’accueil est celle de T-Online, il porte les deux marques. Le but, c’était qu’il soit simple pour T-Online de distribuer le navigateur avec leur page d’accueil.

Mais finalement, quand il faut faire une mise à jour, c’est extrêmement complexe, et s’assurer que lors lors d’une mise à jour la page d’accueil soit toujours celle de T-Online et pas celle par défaut pour notre version allemande, qui est celle de Google je crois, c’est très compliqué.

Je pense que "branding" englobe tout ce qui touche à ce genre de contraintes.

Dan Warne (APC) : Un peu comme le "branding" pour les téléphones portables, qui met tout sur le téléphone aux couleurs de l’opérateur ?

Mitchell Baker : Voilà, c’est ça. Ce n’est donc pas ce que vous craigniez.

Firefox va s’attaquer à Flash et Silverlight

Firefox 3.0 apporte un nouveau moteur de rendu graphique, nom de code : "Cairo" – un indice terriblement appétissant qui montrerait que Firefox pourrait s’avanturer sur le territoire d’Adobe Flash, avidement convoité par Microsoft ? Figurez-vous que la réponse est oui… La présidente de Mozilla, Mitchell Baker, m’affirme que les graphismes et le rendu vidéo font absolument partie de ses projets futurs pour Firefox.

Dan Warne (APC) : Autre chose que j’ai vu dans les notes de Gran Paradiso : quelques mentions au sujet du moteur de rendu Cairo. D’après ce que j’ai pu en lire, c’est un moteur de rendu de bonne qualité qui accélère les graphismes vectoriels évolutifs.

Mitchell Baker : Oui, les graphismes en 2D pour le moment.

Dan Warne (APC) : L’échéance est peut-être encore loin, mais je me demandais si vous alliez entrer en compétition avec Flash et Silverlight ?

Mitchell Baker : Les graphismes, c’est un domaine du web qui pourrait être amélioré, c’est évident, aussi nous concentrons-nous tous sur ce point. Nous nous concentrons dessus avec une technologie complètement ouverte, alors que Silverlight est complètement propriétaire, bien sûr, tout comme Flash, bien qu’Adobe prenne doucement la voie du libre.

Nons avons donc – je pense à Brendan et sa feuille de route – proposé à Adobe de montrer plus de signes d’ouverture auxquels afin que nous puissions participer au projet. Nous aimerions beaucoup que sorte une version libre de Flash, mais c’est à Adobe de prendre cette décision, pas à nous.

Comme nous nous intéressons tous aux graphismes et qu’en fin de compte, si Flash devait rester aussi propriétaire que la technologie Microsoft, il nous faudrait poursuivre nos efforts pour développer des graphismes de manière interopérable.

Mais il est clair qu’en ce qui concerne les graphismes, c’est Flash qui règne en maître.

Dan Warne (APC) : On se demande pourquoi Microsoft prend la peine de développer Silverlight pour entrer si tard dans la compétition.

Mitchell Baker : Certes, mais c’est un domaine crucial. Nous, nous faisons la même chose, et c’est à cause de Flash. Le fait qu’il s’agisse d’une technologie propriétaire, ça nous pose problème. Pourquoi est-ce si important, me direz-vous ? D’accord, ça n’est pas vivant – c’est sur le web, mais ça ne provient pas du web, on ne peut pas y faire de recherches, il ne profite pas de toutes les fonctionnalités du navigateur, on ne peut pas en prendre le contrôle, ça vit dans une petite boîte.

Ils s’efforcent sans doute de le faire sortir de sa boîte, mais pour vraiment l’intégrer au reste du web, certaines de ces capacités devraient être dans le client web, c’est-à-dire le navigateur. Nous nourrissons donc toujours des espoirs de ce côté-là, mais nous continuons malgré tout à développer nous-mêmes nos capacités graphiques.

Dan Warne (APC) : C’est super. Est-ce que cette technologie intégrerait des capacités pour la vidéo également ?

Mitchell Baker : Nous nous y intéressons, donc nous avons quelques pistes. L’une d’elles, c’est que le web basé sur le texte autour duquel les navigateurs se sont développés est en mutation, et le rôle de la vidéo ne va cesser de gagner en importance.

Dan Warne (APC) : On a vraiment assisté à une explosion durant les six à douze derniers mois, pas vrai ?

Mitchell Baker : Oui, une fois que les possibilités sont là, ça roule tout seul. Pour certaines d’entre elles, la question qui se pose, c’est que faut-il au navigateur pour être à la hauteur, tant au niveau des applications visibles par l’utilisateur qu’à celui la technologie interne.

Nous étudions donc ces deux aspects pour tenter de dégager une solution. On se rend compte que l’audio ne pose pas de problème particulier, mais que pour la vidéo, c’est beaucoup plus complexe.

Dan Warne (APC) : Ca ne m’étonne pas. Une combinaison sans fin de CODEC…

Mitchell Baker : Il faut se débrouiller. Parmi ces outils, certains sont brevetés, alors on n’a d’autre choix que de s’en accomoder. Nous nous penchons sur le problème, mais nous n’avons pas encore franchi tous les obstacles.

Dan Warne (APC) : Vous arrive-t-il souvent d’avoir une idée, de vouloir la concrétiser, mais de découvrir qu’un brevet a déjà été déposé pour une création similaire ?

Mitchell Baker : Et bien, c’est toujours le risque. Pour l’instant, nous n’avons pas trop été confrontés à ce genre de situation.

Microsoft et les développeurs de Firefox

Y a-t-il une nouvelle idylle entre Microsoft et les développeurs de Firefox ? Chez le Microsoft nouveau, soucieux des autres et partageur, on en a fait des caisses quand on a invité des développeurs de Firefox dans les laboratoires de compatibilité avec Vista, lors du développement du méga-OS. Nous avons demandé à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker, comment ça s’était passé.

Dan Warne (APC) : Autre évènement intéressant qui s’est produit il y a quelque temps : l’invitation très publique qu’a faite Microsoft aux développeurs de Firefox pour visiter les laboratoires de compatibilité Vista. Je me souviens avoir demandé à Microsoft à l’époque s’ils pouvaient me donner plus de précisions à ce propos, et voilà en gros ce qu’on m’a répondu : "Nous avons envoyé une invitation à nos concurrents. Qu’ils l’accepter ou pas, à eux de voir, mais s’ils la déclinent, ce n’est pas notre problème." Avez-vous des commentaires à faire sur comment ça s’est passé ?

Mitchell Baker : Il faut reconnaître que Microsoft a fait un effort et que c’était bienvenu. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous aimerions travailler avec eux, notamment la compatibilité avec Vista. Certes, il est probable qu’ils posent des conditions d’ordre légal, mais quoi qu’il en soit, ils ont reconduit cette proposition. Nous avons accepté et ils ont reçu l’équipe de Mozilla, ce qui je pense nous a été utile. Voilà qui mérite d’être souligné.

Microsoft a opéré son retour dans le monde des navigateurs, à présent, et doit à nouveau prêter attention au web. Nous les rencontrerons sûrement pour discuter de la définition des standards, et c’est certainement là que nous verrons si Microsoft cherchera encore à imposer sa propre technologie propriétaire aux dépens de technologies ouvertes et opérationnelles. Ça arrive souvent dans les réunions de définition des standards. C’est là qu’ils montreront leur vrai visage et nous serons sans doute vite fixés.

Dan Warne (APC) : C’est intéressant. Y a-t-il eu des problèmes entre Firefox et Vista ? Parce que j’ai installé Firefox sur toutes les bêtas de Vista, et je n’ai jamais rencontré de problème.

Mitchell Baker : Super ! Nous avons pas mal travaillé, j’essaie de me souvenir sur quoi… Je crois qu’il y a des différences lors de l’installation.

Dan Warne (APC) : C’est fort possible, vu tous les changements de permissions etc. qu’on trouve dans Vista.

Mitchell Baker : Oui. En fait, le produit de base fonctionnait à merveille , mais on a dû procéder à quelques ajustements et modifier le processus d’installation. Je crois qu’ensuite nous avons encore dû changer deux ou trois trucs. Ce n’était donc pas pour à l’occasion de la sortie de Firefox 2.0, mais pour assurer la compatibilité avec Vista. Néanmoins, je le répète, nous n’avons pas touché aux fonctionnalités de base, seulement à quelques pièces annexes.

La stratégie pour mettre Firefox sur plus d’ordinateurs

Mozilla ne possèdant pas autant de tentacules que la pieuvre géante Microsoft pour assurer la distribution de logiciels, c’est par le bouche à oreille que Firefox a gagné ses parts de marché. Mais que faire maintenant pour faire entrer Firefox dans davantage encore de foyers ? Nous avons posé la question à la présidente de Mozilla, Mitchel Baker.

Dan Warne (APC) : La dernière fois que nous nous sommes parlés, je vous avais demandé quelle était la stratégie de distribution de Firefox. C’était je crois était à peu près au moment de la sortie de Firefox 1.0, et voilà ce que vous m’aviez répondu : "Nous ne faisons pas de commerce, nous préférerions travailler avec les utilisateurs plutôt que les grosses entreprises, et espérons que les utilisateurs le choisiront d’eux-mêmes", ce qu’à l’évidence ils ont fait en masse.

Toutefois, pourriez-vous m’en dire plus à propos de votre stratégie de distribution ? J’aimerais aussi savoir si vous cherchez à conclure des accords avec les fabriquants de PC pour qu’ils pré-installent Firefox, par exemple ?

Surtout maintenant que Dell va pré-installer Ubuntu sur certains de ses ordinateurs… Cela signifie sans doute que Firefox sera sur chaque PC Dell équipé de Linux.

Mitchell Baker : C’est fort probable !

Dan Warne (APC) : Donc, penchons-nous sur l’un de vos principaux distributeurs : Google. Qu’ont-ils à y gagner ? comment distribuent-ils Firefox, et payent-ils pour de bon une commission de 1 dollar aux blogueurs chaque fois que quelqu’un télécharge Firefox à partir d’un lien placé sur leur blog ?

Mitchell Baker : Si vous voulez connaître la ligne officielle de Google, vous devriez vous adresser à eux directement. En tout cas, la réponse consiste sans doute en une variation sur le thème "Firefox, c’est bon pour l’humanité."

Dan Warne (APC) : J’imagine qu’une entreprise ayant autant de moyens et d’autonomie que Google peut se le permettre sans se soucier que les actionnaires leur reproche de jeter l’argent par les fenêtres.

Mitchell Baker : Oui, mais je ne suis pas sûre que ça revienne à jeter l’argent par les fenêtres, justement.

Dan Warne (APC) : Désolé, ça n’était pas un reproche. Ce que je voulais dire, c’est que souvent les actionnaires sont très critiques sur la manière dont est utilisé l’argent s’ils ne voient pas un retour à court terme pour une société.

Mitchell Baker : D’accord, mais il est aussi assez évident que la cible numéro un de Microsoft, c’est Google – ce dont ils ne se cachent pas. Difficile de dire qu’ils jettent l’argent par les fenêtres quand on pense aux batailles que Google mène. Là, il faut tenir compte de Microsoft dans l’équation.

Dan Warne (APC) : Et à propos des autres moyens de distributions… les pré-installations sur PC par exemple ?

Mitchell Baker : Nous avons essayé d’autres solutions pour la distribution et continuons à les explorer. Firefox a été inclus dans les lignes de productions de quelques PC, dont l’une se trouve en Europe, je crois, mais c’est encore récent et nous ne savons pas encore ce que cela va donner.

Être intégré à la distribution de PC serait intéressant, mais de manière générale nous réussissons très bien à assurer nous-même notre distribution – le bouche à oreille, le marketing ou tout nos atouts qui peuvent attirer les gens vers nous, voilà de loin ce qui est le plus efficace. Cela étant, nous n’écartons aucune possibilité.

Le personnage de cartoon de Mozilla Japon, "Foxkeh", et d’autres développements de Firefox dans la région Asie/Pacifique

Certains développeurs majeurs de Mozilla travaillent dans un petit bureau de développement en Nouvelle-Zélande. Ils sont responsables de la réalisation de fonctionnalités clés dans Firefox 3.0. De plus, Mozilla Japon a créé un renard encore plus mignon que Firefox… son personnage de style manga s’appelle Foxkeh.

Dan Warne (APC) : Maintenant que vous êtes implantés en Australie – dans la région Asie/Pacifique –, avez-vous lancé des initiatives au sein de l’APAN (Asia & Pacific Advanced Network), ou avez-vous des contacts intéressants avec des organisations de la région ?

Mitchell Baker : Depuis de nombreuses années, nous avons une communauté active au Japon, et ce groupe est centré sur la communauté, avec une très petite organisation, Mozilla Japon, qui est à but non lucratif. Dès que nous avons commencé a gagner de l’argent,nous avons commencé, il y a environ un an, à investir dans Mozilla Japon, ce qui nous a permis d’engager sept ou huit personnes, parmie elles quelques développeurs et quelques assistants, qui accomplissent un travail intéressant.

Par exemple, ils ont créé Foxkeh. C’est une petite mascotte imaginée par les gens de Mozilla Japon pour rendre Firefox accessible et promouvoir sa diffusion sur le marché.

Ils font, entre autres, de l’excellent travail sur les extensions et conçoivent la documentation en japonais.

Il y a quelques années, nous avons fait un premier pas très discret en Chine. C’était un petit projet qui marchait bien, hébergé par la Chinese Academy of Sciences, et ces derniers mois nous avons décidé que nous devrions nous engager davantage en Chine.

Nous avons embauché du monde pour nous aider. J’y étais il y a quelques mois, et il y a un groupe d’utilisateurs en Chine, peut-être un million, ce qui est minime pour une population comme la Chine. Mais c’est un noyau d’utilisateurs et de blogueurs intéressés et enthousiastes, et certains d’entre eux nous portent un grand intérêt.

Notre sentiment est donc le suivant : Lançons-nous, voyons qui est là et qui est déjà intéressé. Tâchons de savoir si avec plus d’investissement de notre part davantage d’internautes s’intéresseraient à nous. Voyons si la conception de l’Internet à laquelle nous travaillons rencontre un écho ici. Si c’est le cas et qu’il existe une communauté, alors tâchons de les aider.

Cela devrait être un de nos imprtantes expériences pour l’année à venir.

Dan Warne (APC) : Existe-t-il d’autres contributeurs en Australie ou dans cette région du monde ?

Mitchell Baker : Quelques-uns, oui. Depuis de nombreuses années, nous avons un contributeur exceptionnel, Robert O’Callaghan, qui est originaire de Nouvelle-Zélande et qui vit aux Etats-Unis – ou plutôt qui vivait aux Etats-unis – depuis longtemps et qui cherchait à tout prix un moyen de rentrer au pays.

Il est donc rentré en Nouvelle-Zélande et travaille pour nous — nous avons même créé un petit bureau en Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : C’est vrai ?

Mitchell Baker : Oui, car lorsqu’on a un contributeur vraiment génial, qui est également bon pédagogue, qui veut jouer un rôle de mentor et peut attirer autour de lui quelques autres personnes brillantes, c’est pour nous une chance inestimable.

En fait, la démo des applications hors-ligne qu’on vous a montrée ce matin, et qui montrait l’application Web Zimbra fonctionnant sans connexion Internet, elle a été réalisée par notre bureau de Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : Impressionnant ! Est-ce que vous réalisez également des projets en Australie ?

Mitchell Baker : Pas en ce moment. L’une de nos plus anciens collaborateurs est maître de conférences en Australie, à l’université du Queensland, et il est impliqué dans le projet depuis 2000. C’est un mathématicien, ou au moins un spécialiste dans un domaine pour lequel les équations mathématiques sont importantes.

Il existe un langage appelé MathML, et à cette époque, il a décidé que Firefox devait l’intégrer. Depuis lors, il a contribué au projet, et c’est grâce à lui que nous pouvons être crédibles dans ce domaine.

Dan Warne (APC) : Exact… je me suis toujours demandé pourquoi Mozilla gérait totalement les équations mathématiques.

Mitchell Baker : Tout cela, c’est grâce à Roger Sidje de l’université du Queensland. Au début, il a en bavé un bout de temps.

Dan Warne (APC) : Ah oui ?

Mitchell Baker : Eh bien, n’oubliez pas qu’on était en 2000 ; à l’époque, introduire le rendu d’éléments aussi complexes et différents à l’intérieur du moteur central de rendu, c’était très difficile.

Dan Warne (APC) : Ca revient presque à comme réécrire un moteur de rendu HTML complètement différent, car les équations mathématiques se présentent parfois sous une forme très complexe.

Mitchell Baker : C’est exact, et il a été actif depuis lors. Dès que nous avons commencé à gagner de l’argent, nous avons organisé une réunion Firefox des collaborateurs clés et des non-salariés du monde entier, et Roger nous a donc rendu visite plusieurs fois car il joue un rôle prépondérant chez nous.

La bataille concernant les distributions Linux utilisant la marque Firefox

La guerre des mots sur l’usage de la marque Firefox – nom et graphisme du logo – a suscité la controverse, certains commentateurs allant même jusqu’à dire que Firefox n’était pas réellement "libre". Mais d’après la présidente de Mozilla, il existe une explication plus rationnelle et il y a eu un malentendu.

Dan Warne (APC) : J’étais en Chine il y a peu de temps, et j’y ai rencontré les gens de Red Flag Linux qui travaillent avec Intel sur un nouveau système d’exploitation, appelé MIDINUX, pour appareils mobiles pour Internet.

Ils m’ont expliqué que Red Flag Linux était en fait la distribution Linux la plus utilisée à l’échelle mondiale – davantage même qu’Ubuntu – de par l’immensité de la population chinoise. Pourtant, j’ai découvert qu’il est quasi impossible de la télécharger, à cause de l’extrême lenteur des serveurs de téléchargement Red Flag et de leur manque de fiabilité – de plus, elle est uniquement disponible pour le moment en chinois et en espagnol, ce qui à mon avis limite son intérêt pour le reste du monde.

Quoi qu’il en soit, les gens de Red Flag m’ont donné des CD d’installation et nous les avons distribué sur le disque vendu avec APC. Nous l’avons installé pour l’essayer – Firefox y est intégré, et son icône est remarquablement similaire à l’icône Internet Explorer. (Rires).

Mitchell Baker : Tiens, c’est curieux…

Dan Warne (APC) : Et le lecteur multimédia open source a aussi l’icône de Windows Media Player !

Mitchell Baker : Eh bien, il faut vraiment que nous y jetions un coup d’œil, c’est vraiment… intéressant.

Dan Warne (APC) : C’est étrange parce qu’ils ont fait en sorte que le système d’exploitation entier ressemble à Windows XP – c’est comme s’ils avaient pris toutes les icônes et les trucs de Microsoft, et les avaient appliqués à un logiciel open source.

Mitchell Baker : Le logiciel open source et Windows XP, c’est pourtant le jour et la nuit.

Dan Warne (APC) : Tout à fait ! Mais évidemment, ils avaient l’impression que les gens étaient plus à l’aise avec Windows XP, alors ils l’ont fait ressembler à l’OS de Microsoft. C’était très bizarre.

Mitchell Baker : En effet.

Dan Warne (APC) : Sur ce sujet particulier, il y a eu une controverse importante au sujet de l’utilisation de la marque Firefox dans les différentes distributions Linux. De quoi s’agit-il ?

Mitchell Baker : Certaines des distributions Linux distribuent le code Firefox, mais pas le produit Firefox – pas la marque Firefox, par exemple. Certaines des distributions Linux sont très à cheval sur la loi concernant les marques, et donc elles fournissent le navigateur sous une autre marque qui permet à leurs groupes de travailler dans un cadre au sein duquel ils se sentent à l’aise.

Dan Warne (APC) : En tant que présidente de Mozilla, pensez-vous que cela soit nécessaire ? Est-ce que Mozilla entamerait des actions légales contre un système d’exploitation Linux utilisant la marque Firefox ?

Mitchell Baker : Ce n’est pas le fait qu’il intègre Firefox qui nous pose problème, mais plutôt si un groupe de logiciel libre réalise des changements significatifs du code et le distribue en tant que Firefox. Ce serait problématique, et c’est parfois une divergence de point de vue qui nous oppose à certains distributeurs Linux. C’est un problème assez complexe, mais au bout du compte, ce qui nous importe, c’est que lorsque que quelqu’un distribue Firefox, nous voulons savoir exactement de quelle version il s’agit, et être sûrs que tous les patchs de sécurité soient appliqués à cette version.

Voilà ce qui nous intéresse. S’ils tout le monde se contentait de distribuer un Firefox sans modification, nous laisserions faire, mais les distributions Linux distribuent bien évidemment le produit. C’est donc à ce moment-là que nous avons établi certaines règles : vous pouvez fournir les programmes que vous voulez, mais si ce n’est pas notre programme, alors appelez-le autrement.

Dan Warne (APC) : Ce qui est plus que juste.

Mitchell Baker : Eh bien, oui, mais ç’a été source de conflits.

Dan Warne (APC) : Je dois avouer que je n’avais jamais entendu une explication aussi claire sur le problème. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte de guerre de territoire typique de l’industrie technologique – de petits produits open source se transforment en gros succès et commencent à agir selon une logique plus commerciale.

Mitchell Baker : Oh non, pas du tout. Nous tenons à distribuer notre produit sous notre marque, c’est tout. Nous avons cependant une clause spéciale qui autorise des distributions à apporter des modifications à Firefox sans pour autant devoir changer son nom, car certaines modifications sont nécessaires pour pouvoir installer notre navigateur sur certaines distributions Linux.

Donc, nous acceptons même de pour distribuer "Firefox" quand le code n’est pas à 100% conforme au nôtre, mais à condition que nous ayons convenu d’un accord et que nous connaissions la nature des modifications.

Mais lorsqu’il y a des différences dans les fonctionnalités, on finit par rencontrer des problèmes lors des mises à jour, par exemple. Il y a longtemps, nous nous sommes rendu compte que certaines distributions fournissaient des versions différentes de Firefox, dont certaines fondamentalement différentes, aussi ne pouvions-nous pas assurer le fonctionneraient correct des mises à jour. Voilà ce qui nous tenait à cœur, donc.

Le travail de Mozilla sur le Web 3.0 : les applications web qui fonctionnent aussi hors-ligne

Si vous êtes fanas de technologie, vous aurez déjà essayé bon nombre d’applications web… Gmail, Google Spreadsheets, Zimbra… Michael Arrington de TechCrunch en a fait un fond de commerce en les testant. Mais les visions de nirvana du Web 2.0 s’effondrent quand vous vous trouvez sans connexion à un réseau. Tout d’un coup vous vous retrouvez avec votre bon vieux Microsoft Office. La présidente de la Fondation Mozilla Mitchell Baker dit que faire fonctionner les applications web hors-ligne est une priorité pour Firefox et les versions actuelles intègrent déjà une partie de ces fonctionnalités !

Dan Warne (APC) : Votre discours d’ouverture au CeBIT, le 1er mai, traitait du fonctionnement d’applications web hors-ligne, sans connexion internet. C’est extrêmement intéressant parce que tout le monde attend l’arrivée d’un sauveur qui remplacerait Microsoft Office. Mais pour le moment, tous ceux qui ont utilisé une de ces nouvelles suites bureautiques en ligne sont conscient qu’on ne peut pas les utiliser à bord d’un avion, ou depuis tout autre lieu dépourvu de connexion Internet.

Mitchell Baker : C’est vrai. L’idée principale, c’est que nous investissons beaucoup dans le web lui-même en tant plateforme. Mais quelles sont les capacités du web, et sont-elles suffisamment solides pour offir des alternatives viables aux technologies propriétaires comme Silverlight, par exemple ?

Et sont-elles aussi assez robustes pour rendre le web attractif en comparaison des applications de bureau, parce que c’est la plateforme qui nous intéresse.

Ainsi, les applications hors-ligne sont capables de fonctionner hors-ligne un certain temps – c’est un des atouts qui devrait aller de l’avant la plateforme web. Nous avons déjà accompli une bonne partie du travail, et donc , tout le code de base ou presque – les bases de données et le stockage sont nécessaires pour le support des applications web hors-ligne – est déjà présent dans les versions actuelles de Firefox.

Ces fonctionnalités sont présentes depuis Firefox 2, mais les gens l’ignorent et ne s’en servent pas. Nous nous sommes dit que nous devrions faire une démonstration pour que les gens voient de quoi il s’agit. Nous sommes à présent assez au point et disposons d’assez de ressources pour pouvoir le faire. Notre équipe néo-zélandaise qui y travaille sont impressionants.

Mal nous a donc paru le choix idéal pour procéder à cette démo, et il a donc travaillé avec Zimbra, sur quoi il avait bien sûr déjà travaillé en tant que développeur open source. Il nous a livré une très jolie démonstration des capacités de cette technologie.

Ensuite, on a travaillé sur notre site Mozilla Developer Center (developer.mozilla.org) pour expliquer de quoi il s’agit est et fournir de l’aide. Ainsi vous pouvez trouver des infos sur les applications hors-ligne – ce dont nous sommes assez fiers. Nous proposons pas mal de documentation de qualité . Un échantillon de code devrait s’y trouver, mais je ne suis pas sûre qu’il y soit déjà.

L’idée, c’est que toutes les fonctionnalités pour les applications hors-ligne soient disponibles pour la sortie de Firefox 3, et que les sites Web offrent rapidement des applications tirant parti du fonctionnement déconnecté, de sorte que les utilisateurs réalisent l’immense intérêt de la chose.

Dan Warne (APC) : Très intéressant. Et donc la dernière question… combien de temps avant Firefox 3 ?

Mitchell Baker : (Rires) Notre objectif, c’est de le sortir pour la fin de l’année mais nous ne le saurons pas avant les bêtas. C’est quand nous aurons réalisé une certaine quantité de tests que nous pourrons donner une meilleure estimation de la date de sortie.

Nous avons besoin d’entre 50 et 100 000 utilisateurs, donc peut-être 70 000 personnes, pour vraiment avoir une idée d’où nous en sommes. C’est dans ces cas-là que nous trouvons que les tests open sources sont un avantage phénoménal. Quand nous en sommes aux bêtas et que nous atteignons ce nombre grâce au web, nous pouvons tester notre produit dans des conditions réelles sur une très vaste échelle. Même si vous automatisez des tests, vous ne pouvez pas automatiser à une telle échelle.

Donc quand vous atteignez ce nombre de personnes vous recevez beaucoup d’informations qui vous en disent bien plus que tout ce que vous pensiez auparavant. Donc c’est quand nous pouvons commencer à évaluer le nombre de bêtas seront nécessaires (inaudible).

Dan Warne (APC) : Je serai l’un d’entre eux. Merci beaucoup pour avoir partagé vos pensées aussi généreusement.

Notes

[1] Merci à Daria, Don Rico, HL, Olivier, Penguin et Yostral pour cette traduction d’envergure réalisée en un temps record dans la joie et la bonne humeur.

[2] Crédit photo : Will Pate sous licence Creative Commons BY-NC. La ressemblance entre le logo Firefox et la coupe de cheveux de Mitchell Baker ne serait que purement fortuite !




Un modèle approuvé

01 Informatique Spécial Libre couverture

l’Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre (APRIL) fête ses 10 ans.

L’occasion pour le magazine 01 Informatique de réaliser un numéro « Spécial Libre » et de consacrer toutes ses rubriques à ce phénomène dont l’attrait ne cesse de grandir.

Je me suis permis d’en recopier ci-dessous l’édito du directeur de la rédaction Luc Fayard.

Le dada des chevelus fauchés devenu l’épouvantail de Microsoft : c’est dire si le logiciel libre a changé de look ! Pourtant, il en a mis du temps à s’imposer comme challenger… Ses adeptes furent longtemps considérés comme des farfelus, voire des pirates. Il faut dire qu’ils se baptisaient eux-mêmes « hackers » : « hacker », dans le jargon du libre, cela veut simplement dire coder de manière créative ! Pas de stabilité, pas de sécurité, pas de suivi… Le libre fut accusé de tous les maux. Ici, on le traita de « cancer » ; ailleurs, de « secte ».

Mais au vu de ses atours, beaucoup de positions acquises finirent quand même par se sentir menacées. Finalement, comme le suggère Philippe Davy, notre journaliste expert qui a impulsé ce numéro spécial, c’est peut-être davantage l’attrait du modèle communautaire que la qualité – réelle – de ses réalisations qui a fait le succès du libre. On pourrait s’attarder sur des benchmarks détaillés entre Microsoft Office et Open Office, ou bien entre SAP et ERP 5. On finira, de toute façon, par trouver que les solutions se ressemblent étrangement.

La seule différence réside bien dans le modèle de développement et de contribution à l’innovation. D’un côté, des personnes soudées par l’intérêt économique de leur entreprise. De l’autre, des communautés aux motivations diverses, mais réelles de partage. Là, l’avantage est sans conteste dans le camp de l’open source. L’entreprise, la société sont désormais irriguées de cet esprit collaboratif qui est le vrai signe de la modernité. C’est une démarche juste que de partager les connaissances pour en faire profiter le plus grand nombre. C’est même aujourd’hui, dans un contexte de resserrement des budgets et des délais, une vraie voie de développement. Reste à peaufiner le modèle économique et la qualité des services.

01 Informatique Spécial Libre April