Et si Internet et le Libre réalisaient la société sans école d’Ivan Illitch ?

Une société sans école - Ivan Illich - Couverture PointsJe suis en train de lire Une société sans école du prêtre catholique et iconoclaste Ivan Illich.

Rédigé en 1971, c’est un ouvrage que je conseille à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la question éducative (autant dire à tout le monde).

Si j’avais lu ce livre au jour de sa sortie, je me serais certainement dit que j’étais en face d’un bel utopiste, aussi brillant soit-il.

En le découvrant quarante ans plus tard, à l’ère d’Internet et de tous ses possibles, je crois plutôt avoir à faire à un grand visionnaire.

Voici ce qu’en dit la quatrième de couverture de mon édition de poche collection Points Essais : « L’école obligatoire, la scolarité prolongée, la course aux diplômes, autant de faux progrès qui consistent à produire des élèves dociles, prêts à consommer des programmes tout fait préparés par les autorités et à obéir aux institutions. À cela il faut substituer des échanges entre égaux et une véritable éducation qui prépare à la vie dans la vie, qui donne le goût d’inventer et d’expérimenter. »

Il convient de déscolariser la société pour libérer l’apprentissage de cette structure unique, standardisée et rigide qui sépare artificiellement les individus ainsi que le temps où l’on travaille et celui où l’on consomme du loisir.

Et page 128, il y a cette citation que je trouve absolument remarquable et qui a motivé la rédaction de ce court billet :

« Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n’importe quelle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s’agit de permettre aux porteurs d’idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l’opinion publique, de se faire entendre. »

À mettre en parallèle avec ce que cherchent à réaliser Le Libre et son allié Internet aujourd’hui…




Tout ça pour ça ? Création Libre dans un Internet Libre de Roberto Di Cosmo

Shiv Shankar Menon Palat - CC by« Le moment est venu de siffler la fin de la recréation: ne vous laissez plus culpabiliser par le discours ambiant qui veut vous faire porter des habits de pirates, alors que vous êtes le public sans qui les artistes ne seraient rien; lisez ce qui suit, téléchargez le Manifesto, emparez-vous de ses idées, partagez-les avec vos amis, vos députés, vos artistes préférés; parlez-en avec vos associations, vos employés, vos employeurs; demandez que la Licence Globale soit rémise à l’ordre du jour, et que l’industrie culturelle arrête une fois pour toutes de s’attaquer à nos libertés de citoyens de l’ère numérique. »

Cette pugnace introduction est signée Roberto Di Cosmo qui vient de mettre en ligne un document d’une cinquantaine de pages au titre prometteur : Manifesto pour une Création Artistique Libre dans un Internet Libre.

Nous en avons recopié ci-dessous le préambule et il va sans dire que nous vous invitons à le lire et à le diffuser, car la question mérite toujours et plus que jamais d’être débattue[1].

Pour rappel Roberto Di Cosmo est chercheur informaticien, membre de l’AFUL et auteur de plusieurs ourages dont Le hold-up planétaire ré-édité chez InLibroVeritas.

Mise à jour : Attention, nous sommes allés un peu vite en besogne, l’auteur nous signale qu’il ne s’agit que d’un version préliminaire publiée pour commentaires, ne pas copier ailleurs pour l’instant.

Tout ça pour ça

URL d’origine du document

Roberto Di Cosmo – 25 janvier 2011
Extrait de Manifesto pour une Création Artistique Libre dans un Internet Libre
Licence Creative Commons By-Nc-Nd

Depuis les vacances de Noël, on ne compte plus les articles dans la presse, écrite et en ligne, qui parlent du téléchargement non autorisé de musique et de la crise du marché du disque. En les lisant, on a comme une sensation de déjà vu : cela fait quand même des années qu’on assiste à la même mise en scène médiatique autour du Marché International du Disque et de l’Edition Musicale qui se tient à Cannes tous les mois de janvier. Cela se termine toujours, sans surprise, sur la même conclusion : il faut sévir contre les méchants internautes adeptes du téléchargement illégal pour revitaliser la création française.

Il faut dire que, pour sévir, ils ont un peu tout essayé.

D’abord les procès individuels au cas par cas, approche vite abandonnée parce-que chère, peu généralisable, et soumise à l’appréciation du juge, pas toujours prêt à faire l’impasse sur notre droit à la copie privée.

Ensuite les DRM (Digital Rights Management), instruments de protections numériques contre la copie, qui ont fait l’objet d’une farouche bataille juridique en 2005, gagnée avec la loi DADVSI par l’industrie du disque, qui les a pourtant abandonnés tout de suite après, face aux déconvenues qu’ils causaient aux consommateurs qui n’arrivaient plus à transférer leur musique entre deux baladeurs différents.

Enfin, depuis peu, voici la riposte graduée et l’HADOPI, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, une entité créée par la loi dite Création et Internet, et dont l’effet le plus visible pour l’instant est le reversement des centaines de milliers de courriers électroniques dans les boites à lettres d’internautes accusés, à tort ou à raison, d’avoir permis que des téléchargements illégaux s’opèrent à travers leur connexion Internet.

L’idée géniale de ce dernier jouet d’une industrie d’intermédiaires qui a toujours du mal à se mettre à Internet, c’est de couper massivement les abonnements Internet qui ont été identifiés comme ayant servi à télécharger de la musique sans autorisation. Pour être efficace, ce dispositif doit couper beaucoup, mais alors, vraiment beaucoup d’abonnements, donc, pas question de passer devant des juges : on émet des avertissements en masse, puis des lettres recommandées, toujours en masse, puis on passe nos connexions aux ciseaux.

Bien évidemment, toujours au nom de l’efficacité, on ne se soucie pas trop de vérifier le bien fondé des accusations de téléchargement illégal, qui sont produites automatiquements et peuvent être erronées, ni d’identifier qui a été à l’origine du téléchargement, qui pourraît être aussi le fait d’un des multiples virus qui infestent la plupart des ordinateurs de nos concitoyens, ou une tierce personne qui s’est branché sur le reseau Wifi de l’abonné.

Cette violation des droits élémentaires des citoyens à l’ère d’Internet, perpetrée dans un pays qui pour beaucoup était le symbole des « droits de l’homme », nous a valu le triste honneur d’être mis dans les même panier que les régimes totalitaires, dans un bel article de Tim Berners Lee, paru sur Scientific American en Novembre 2010[2].

L’argument juridique utilisé pour justifier cet horreur est fort amusant : formellement on ne punit pas l’abonné pour avoir téléchargé, mais pour « défaut de sécurisation de son accès Internet » ; on en est presque à la double peine : l’abonné moyen qui lutte déjà avec les services après vente des fournisseurs d’accès, qui passe pas mal de temps à faire tourner des antivirus chers dans l’espoir de se débarasser de tous les intrus qui se logent dans son ordinateur, et qui n’a aucune idée de ce que ça peut vouloir dire « sécuriser son réseau », va maintenant être puni s’il est victime d’un piratage informatique.

Cette situation hubuesque a déjà créé un joli marché pour des pseudosolutions pour se protéger de l’Hadopi : les internautes vont depenser plusieurs euros par mois soit pour des logiciels qui réduisent les fonctionnalités de leurs ordinateurs dans l’espoir d’empêcher le téléchargement, comme le « logiciel de sécurisation » proposé par Orange à deux euros par mois en Juin 2010, qui ne garantit en rien contre Hadopi, soit en s’abonnant à de sites centralisés de partage de fichiers qui fleurissent sur la toile, et contre lesquels Hadopi est inopérant. Tout cet argent qui sortira des poches des internautes n’apportera le moindre centime ni aux artistes ni à l’industrie culturelle, qui est en train de rééditer ici, mais en pire, l’idiotie des DRM: compliquer la vie du public, en lui faisant perdre de l’argent et du temps, alors qu’une fraction de cet argent perdu, recoltée sous forme de licence globale, suffirait à redonner le sourire à bien d’artistes, sans besoin de s’attaquer à cet accès Internet qui est devenu un besoin fondamental de tous les citoyens.

On parle de dizaines de milliers d’avertissements par jour, qui pour espérer être efficaces, vont devoir produire au moins des milliers de coupures d’Internet par jour, en semant la pagaille dans un grand nombre de foyers qui ont déjà pas mal d’autres problèmes à régler aujourd’hui ; en désorganisant nos fournisseurs d’accès Internet, qui vont perdre du temps d’abord à couper les accès, puis à répondre aux appels des clients furieux au service après-vente ; et en mettant un frein à l’économie Internet qui grandit à une vitesse spectaculaire et dépasse aujourd’hui en France les 25 milliards d’euros.

Tout ça pour espérer redonner du souffle à un marché de gros de la musique qui pèse, selon les chiffres du SNEP présentées à Cannes il y a quelques jours, 554,4 millions d’euros, et qui a commercialisé en 2010 moins de 1000 albums.

Tout ça, on nous explique, pour défendre la création artistique et protéger les artistes, compositeurs et autres créateurs… Ces artistes, compositeurs et créateurs ne touchent pourtant qu’une toute petite fraction de ces 554,4millions d’euros, et gagneraient beaucoup plus si, plutôt que les obliger à recueillir les miettes d’un système dépassé, on nous permettait de les rémunérer directement, ce qu’Internet rend possible, comme nous allons expliquer dans la suite.

Tout ça pour ça ?

Lire la suite en téléchargeant le Manifesto en ligne.

Notes

[1] Crédit photo : Shiv Shankar Menon Palat (Creative Commons By)

[2] Il écrit : « Les gouvernements totalitaires ne sont pas les seuls à violer les droits d’accès au réseau de leurs citoyens. En France, une loi de 2009, nommée Hadopi, a permis à une nouvelle l’agence du même nom de déconnecter un foyer d’Internet pendant un an si quelqu’un dans le foyer a été désigné par une société (privée représentant des ayant droit) comme ayant copié illégalement de la musique ou de la vidéo. »




Produire du logiciel libre, le livre culte enfin en français chez Framabook !

Produire du logiciel libre - Framabook - CouvertureFramasoft est fier et heureux d’annoncer officiellement la sortie d’un nouveau volume à sa collection de livres libres Framabook. Il s’agit de la traduction d’un livre considéré comme une référence chez les développeurs anglophones : Producing Open Source Software, de Karl Fogel.

C’est une évidence, maintes fois constatées : il ne suffit pas de coller une licence libre au code source de son application pour en faire un logiciel libre à succès. Nombreux sont les paramètres à prendre en compte pour se donner les moyens de véritablement réussir votre projet. Cela ne coule pas de source, si j’ose dire, et c’est pourquoi un tel ouvrage peut rendre de grands services.

Ayant payé de sa personne, Karl Fogel n’hésite pas à affirmer lui-même que 95% des projets échouent. Et de rédiger alors ce livre pour contribuer à faire en sortie que le pourcentage restant remonte !

Dans la foulée du framabook sur Unix et sur le langage C, nous faisons un effort didactique tout particulier pour accompagner tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans la création de logiciels libres ou rejoindre un projet existant. Nous pensons à ceux qui ne maîtrisent pas forcément d’emblée l’anglais.

Nous pensons également aux jeunes débutants. Parce que, comme cela a déjà été souligné, l’informatique est l’une des grandes absentes de l’enseignement secondaire français. Alors, fille ou garçon, l’étudiant motivé se retrouve bien souvent livré à lui-même et c’est à lui de se débrouiller pour extraire le bon grain de l’ivraie du Grand Internet. Nous espérons lui être utile en lui apportant notamment ici gain de temps et efficacité.

Voici comment le livre est présenté dans le communiqué de presse joint à ce billet :

« Teinté d’humour et de réflexions subtiles, ce livre prodigue de précieux conseils à ceux qui souhaitent commencer ou poursuivre un projet de développement en logiciel libre. Pour cela, Karl Fogel propose une description claire et détaillée des bonnes pratiques de développement. Il initie non seulement le lecteur à la méthode de travail collaboratif mais démontre aussi l’importance des relations humaines dans la réussite d’un projet, comme l’art d’équilibrer actions individuelles et intérêt commun. Identifiés à travers sa longue expérience en gestion de projet open source, différents aspects sont abordés : structurer l’ensemble de la communauté de développeurs, maintenir un système de gestion de versions, gérer les rapports de bugs et leurs corrections, bien communiquer à l’intérieur comme à l’extérieur du projet, choisir une licence adaptée au logiciel… »

Grâce à son expérience du développement open source, Karl Fogel nous livre ici bien davantage qu’une simple marche à suivre pour qu’un projet voit le jour et ait une chance d’aboutir. Il s’agit en effet de détailler les éléments stratégiques les plus importants comme la bonne pratique du courrier électronique et le choix du gestionnaire de versions, mais aussi la manière de rendre cohérents et harmonieux les rapports humains tout en ménageant les susceptibilités… En somme, dans le développement Open Source peut-être plus qu’ailleurs, et parce qu’il s’agit de trouver un bon équilibre entre coopération et collaboration, les qualités humaines sont aussi décisives que les compétences techniques. »

La traduction de cet ouvrage a obéi aux mêmes principes que ceux exposés par Karl Fogel. Elle fut le résultat de la convergence entre les travaux initiés par Bertrand Florat et Étienne Savard et ceux de Framasoft coordonnés par Christophe Masutti. Comme d’habitude, ce livre a été finalisé dans La Poule ou l’Œuf et peut se commander en version papier chez InLibroVeritas pour la modique somme de 15 euros.

Comme d’habitude aussi ce livre est sous licence libre (Creative Commons By) et est intégralement consultable en ligne ou téléchargeable dans sa version numérique sur le site Framabook. Parce qu’ici comme ailleurs, et peut-être même plus qu’ailleurs, il nous apparaît fondamental de pouvoir en assurer sa plus large diffusion et participer ainsi à susciter des vocations.

Nous comptons sur vous pour signaler l’information 😉

Framasoft ne serait rien sans les développeurs de logiciels libres. Ce projet est en quelque sorte une manière pour nous de les remercier.




À lire et à faire lire : Biens Communs – La Prospérité par le Partage

Ed Yourdon - CC by-saEn avril dernier nous mettions en ligne un remarquable article de Silke Helfrich « Les biens communs ou le nouvel espoir politique du XXIe siècle ? ». Cette fois-ci nous avons le plaisir de relayer l’annonce de la traduction française d’un rapport d’une cinquantaine de pages sur ces fameux Biens communs, où l’on retrouve Silke Helfrich parmi les nombreux auteurs de cet ouvrage collectif. Il a pour titre « Biens Communs – La Prospérité par le Partage » et il est naturellement placé sous licence libre Creative Commons By-Sa.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que nous pensions que « les Biens communs seront à n’en pas douter non seulement l’un des mots clés de ces temps nouveaux qui s’offrent à nous, mais aussi, si nous le voulons bien, l’un des éléments moteurs et fédérateurs des politiques progressistes de demain ». Ce rapport est une pièce important à verser au dossier, tellement importante que d’aucuns pourraient presque y voir une sorte de manifeste pour les générations à venir[1].

Il n’est pas toujours aisé de définir avec précision ce que sont les Biens communs, d’ailleurs ceci fait l’objet d’un chapitre dédié en guise de préambule. Mais à chaque fois que l’on tente d’en dresser une liste, les logiciels en font partie, à la condition d’être libres. On ne s’étonnera donc pas qu’ils soient souvent cités ici.

Il est également dit que « les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes qui soient prêts à les défendre et qui s’en sentent responsables ». Aussi modeste soit notre contribution, nous en sommes 😉

Vous trouverez le rapport en version PDF en suivant ce lien. Et pour vous donner plus encore envie de le lire (ce qui implique le dur sacrifice de devoir laisser au repos son compte Twitter pendant une petite heure), nous en avons reproduit ci-dessous la quatrième de couverture, l’introduction et la conclusion.

Remarque : Le document est agrémenté de citations comme, par exemple, celle-ci de Benni Bärmann que je soumets à votre sagacité : « Les biens communs plairont aux conservateurs par leur dimension de préservation et de communauté, aux libéraux par la mise à distance de l’État et l’absence d’incompatibilité avec le marché, aux anarchistes par la mise en avant de l’auto-organisation, et aux socialistes et communistes par l’idée de propriété commune sous contrôle collectif. »

Biens Communs – La Prospérité par le Partage (extraits)

URL d’origine du document (dans son intégralité)

Un rapport de Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs, Christian Siefkes
Publié en décembre 2009 par la Fondation Heinrich Böll
Traduit par Jeremy Marham et Olivier Petitjean (Ritimo.org)
Sous licence Creative Commons By-Sa

Quatrième de couverture

Ce sont de grands inconnus, et pourtant nous vivons tous grâce à eux. Ils sont au fondement même de notre vie collective. Ce sont les biens communs. L’air, l’eau, les savoirs, les logiciels et les espaces sociaux. Et bien d’autres choses qui rendent possible la vie quotidienne et le bon fonctionnement de l’économie.

De nombreux biens communs sont cependant menacés – ils sont ôtés à la collectivité, commercialisés, détruits de manière irréversible. Au lieu de cela, ils devraient être cultivés et développés.

Nous avons besoin d’une nouvelle conscience de l’importance de ces « choses qui nous sont communes ». Sans eux, il n’y a en effet pas de bien-être et pas de prospérité possibles. Les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes qui soient prêts à les défendre et qui s’en sentent responsables.

De nombreux problèmes de notre époque pourraient être résolus si nous dirigions l’énergie et la créativité dont nous disposons vers ce qui fonde notre richesse, ce qui fonctionne, et ce qui aide les hommes et les femmes à développer leur potentiel.

Ce rapport vise précisément à mettre ces choses, ainsi que les principes d’une «production par les pairs basée sur les biens communs», au centre de l’attention publique.

Objet de ce rapport

Ce que l’on appelait traditionnellement res communes – les choses qui nous appartiennent en commun – a été sinon oublié, du moins supplanté par les res privatae organisées par le marché, ainsi que par les res publicae mises à disposition par l’État. Elles sont dès lors traitées comme des res nullius, c’est-à-dire des « choses de personne ».

L’air et l’eau sont de parfaits exemples de biens communs qui, malgré leur importance, partagent bien souvent le triste sort des « choses de personne », de ces choses dont personne ne s’occupe. Les conséquences catastrophiques pour nous tous d’un tel état de fait se manifestent aujourd’hui de toute part.

Les « biens communs » – res communes, ou encore « commons » en anglais – ne sont pas des biens « sans maître ». Ils ne peuvent pas et ne doivent pas être utilisés à n’importe quelle fin, et encore moins détruits. Chacun de nous peut légitimement faire état de droits sur eux. Les biens communs sont les choses qui nous nourrissent, qui nous permettent de communiquer ainsi que de nous déplacer, qui nous inspirent et qui nous attachent à certains lieux– et dont, de manière tout aussi significative, nous avons besoin pour déverser nos gaz d’échappement et nos eaux usées.

La conception classique de la propriété, comprise en premier lieu comme droit de l’individu, acquiert une nouvelle dimension si l’on prend conscience de l’existence d’un droit collectif sur les biens communs.

  • Quelles sont les conséquences d’une redéfinition des terres comme biens communs ?
  • Qu’advient-il de l’espace public lorsqu’il n’est plus possible de le privatiser à volonté par la publicité, les décibels, les voitures ou les parkings ?
  • À quoi ressemblerait une société où l’utilisation libre des biens relatifs à laconnaissance et la culture serait devenue la règle, et leur utilisation commerciale l’exception ?
  • Quelles sont les règles et les institutions qui encouragent un rapport riche de sens aux biens communs ?

Ces questions ne sont débattues ni sur le plan théorique ni sur le plan de leurs conséquences politiques, sociales ou économiques.

Nous avons voulu dans ce rapport étudier le potentiel des biens communs lorsqu’ils sont utilisés de manière appropriée et durable. Nous y examinons les facteurs qui menacent leur existence. Nous y montrons quelles sont les règles qui ont fait leurs preuves dans certaines situations, et quelles sont celles qui doivent être entièrement repensées. Dans les pages qui suivent, nous partageons avec vous nos réflexions et nos expériences.

Les biens communs ne sont pas tous similaires, pas plus que les habillages institutionnels nécessaires pour transformer des ressources existantes en biens communs sécurisés. La remise du prix Nobel d’économie 2009 à la théoricienne des biens communs Elinor Ostrom a attiré l’attention du monde entier sur les questions discutées ici. L’approche théorique du juriste Yochai Benkler, avec le motif d’une « production par les pairs basée sur les communs » (commons-based peer production) qu’il met en avant, est elle aussi stimulante.

Il faut renforcer les biens communs, au-delà et de manière complémentaire au marché et à l’État. Chacun est appelé à assumer ses responsabilités en tant que copossesseur des « choses qui nous sont communes », afin d’en tirer davantage de liberté et de communauté. Les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes, non seulement de marchés, d’aides gouvernementales ou de régulation étatique. La richesse qui se dispense à travers les biens communs doit être partagée de manière nouvelle et équitable dans toutes les sphères de notre vie.

Pour conclure : une vision

Nous avons besoin de changement, et nous connaissons la direction à emprunter. De nombreuses personnes sont déjà en chemin.

Ce rapport démontre que l’idée des biens communs peut faire nconverger différents mouvements. Voilà leur point fort.

Elle permet de rassembler en une stratégie commune la diversité des expériences pratiques et des projets, sans pour autant renoncer à la diversité des perspectives et des idéologies.

  1. Nous pouvons directement vouer notre énergie, nos institutions et nos talents aux biens communs et à ce qui constitue leur essence: la diversité de la vie.
  2. Nous pouvons nous demander systématiquement, à propos de tout projet, de toute idée ou de toute activité économique, s’il apporte plus aux communautés, à la société et à l’environnement qu’il ne leur retire.
  3. Nous pouvons reconnaître et soutenir matériellement en priorité les activités qui génèrent, entretiennent ou multiplient des biens à la libre disposition de tous.
  4. Nous pouvons faire en sorte que la participation collective et équitable aux dons de notre Terre ainsi qu’aux réalisations collectives du passé et du présent soit institutionnalisée et devienne la norme.
  5. Nous pouvons recourir à des processus décisionnels, des moyens de communication et des technologies transparents, participatifs et libres, ainsi que les améliorer.
  6. Nous pouvons inverser la tendance actuelle: en nous fixant des limites et en utilisant de manière durable les ressources naturelles, mais en étant prodigues en matière de circulation des idées. A insi nous bénéficierons au mieux des deux.
  7. Nous pouvons trouver des moyens intelligents de promouvoir la progression de tous, au lieu de nous concentrer exclusivement sur l’avancement individuel.

Lire le rapport « Biens Communs – La Prospérité par le Partage » dans son intégralité …

Notes

[1] Crédit photo : Ed Yourdon (Creative Commons By-Sa)




La coopération, selon Krishnamurti

Krishnamurti - Wikimedia Commons - Public DomainSur ma table de chevet traîne en ce moment un livre de Krishnamurti.

Rien de tel en effet selon moi, pour se vider d’une journée encombrée de données de toutes sortes, que quelques lignes de cette personnalité universelle et iconoclaste qui ne se voulait ni penseur, ni gourou, ni philosophe[1].

Hier soir, je tombe sur un chapitre dédié à la coopération et au partage.

Tiens, me dis-je, cela n’est pas sans présenter quelques affinités avec mon activité pour Framasoft. Une rapide recherche sur le Web et je retrouve mon passage.

Je n’idéalise pas, loin s’en faut, la coopération qui peut exister au sein du logiciel libre. Égoïsmes mal dissimulés, soif de reconnaissance parfois exacerbée… les passions humaines s’y exercent ici comme ailleurs. Il n’en demeure pas moins qu’au delà de l’objectif commun, on retrouve souvent ce « plaisir d’être et d’agir ensemble »…

Coopération et partage (extrait)

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Jiddu Krishnamurti – Le sens du bonheur – Points Sagesses

L’un des problèmes de base auquel le monde est confronté est celui de la coopération. Que veut dire le mot « coopération » ? Coopérer, c’est faire des choses ensemble, les construire ensemble, les ressentir ensemble, c’est avoir un objectif commun de manière à pouvoir travailler ensemble librement.

Mais les gens sont généralement peu enclins à collaborer naturellement, facilement, avec bonheur ; ils ne le font que contraints et forcés par divers modes de persuasion : la menace, la peur, le châtiment, la récompense. C’est une pratique répandue dans le monde entier. Sous des gouvernements tyranniques, on vous force à travailler ensemble de manière brutale : si vous ne « coopérez » pas, vous êtes liquidé ou envoyé dans un camp de concentration. Dans les pays prétendument civilisés, on vous incite à travailler ensemble grâce au concept de patrie, ou au nom d’une idéologie très soigneusement élaborée et largement propagée pour que vous l’acceptiez ; ou bien vous travaillez ensemble pour faire aboutir un projet conçu par d’autres, un programme visant à l’utopie.

C’est donc le projet, l’idée, l’autorité qui incitent les gens à travailler ensemble. C’est cela qu’on appelle en général la « coopération », et le terme sous-entend toujours la notion de châtiment ou de récompense, ce qui signifie que derrière cette « coopération » se cache la peur. Vous travaillez toujours pour quelque chose, pour le pays, pour le roi, pour le parti, pour Dieu ou le Maître, pour la paix, ou pour mettre en œuvre telle ou telle réforme. Votre idée de la coopération, c’est de travailler ensemble en vue d’un résultat particulier. Vous avez un idéal édifier l’école parfaite, ou que sais-je encore auquel vous travaillez, et vous dites donc que la coopération est nécessaire. Tout cela implique l’intervention d’une autorité, n’est-ce pas ? Il y a toujours quelqu’un censé savoir ce qu’il convient de faire, ce qui vous amène à dire : « Nous devons coopérer à l’exécution du projet. »

Je n’appelle pas cela de la coopération, mais alors pas du tout ! Loin d’être de la coopération, c’est une forme d’avidité, une forme de peur, de coercition, dissimulant une menace : si vous refusez de coopérer, le gouvernement ne vous reconnaîtra pas, ou bien le plan quinquennal va échouer, ou bien on va vous envoyer dans un camp de concentration, ou bien votre pays va perdre la guerre, ou bien vous risquez de ne pas aller au ciel. Il y a toujours un argument de persuasion, et dans ce cas il ne peut y avoir de coopération réelle.

Lorsque vous et moi travaillons ensemble simplement parce que nous nous sommes mis d’accord pour effectuer une tâche, ce n’est pas non plus de la coopération. Dans tout accord de ce genre, ce qui compte c’est l’accomplissement de la tâche, pas le travail en commun. Vous et moi pouvons être d’accord pour bâtir un pont, ou construire une route, ou planter des arbres ensemble, mais dans cet accord il y a toujours la peur du désaccord, la crainte que je ne fasse pas ma part de travail et ne vous en laisse effectuer la totalité.

Lorsqu’on travaille ensemble suite à une forme quelconque de persuasion ou en vertu d’un simple d’accord, ce n’est pas de la coopération, car derrière tous les efforts de ce type se cache la volonté de gagner ou d’éviter quelque chose.

Pour moi, la coopération est tout autre chose. C’est le plaisir d’être et de faire ensemble mais pas forcément de faire une chose en particulier. Comprenez-vous ? Les jeunes enfants ont normalement cet instinct d’être et de faire ensemble, l’avez-vous remarqué ? Ils sont prêts à coopérer à tout. Il n’est pas question d’accord ou de désaccord, de châtiment ou de récompense : ils ont seulement envie de se rendre utiles. Ils coopèrent instinctivement, pour le plaisir d’être et d’agir ensemble. Mais les adultes détruisent cet esprit de coopération naturel et spontané chez les enfants en disant : « Si vous faites telle chose, je vous récompenserai ; si vous ne faites pas telle chose, vous n’irez pas au cinéma », ce qui introduit un élément corrupteur.

La coopération authentique ne naît donc pas simplement d’un accord visant à réaliser un projet commun, mais de la joie, du sentiment d’unité, si l’on peut dire ; car dans ce sentiment n’entre pas l’obstination de la conception personnelle, de l’opinion personnelle.

Quand vous saurez ce qu’est cette coopération-là, vous saurez aussi quand il faut refuser de coopérer, ce qui est tout aussi important. Vous comprenez ? Nous devons tous éveiller en nous cet esprit de coopération, car ce ne sera pas alors un simple projet ou un simple accord qui nous poussent à travailler ensemble, mais un extraordinaire sentiment d’unité, une sensation de joie à être et à agir ensemble hors de toute notion de châtiment ou de récompense. Ce point est très important. Mais il est tout aussi important de savoir quand il faut dire non ; car nous risquons, par manque de discernement, de coopérer avec des gens malavisés, avec des leaders ambitieux porteurs de projets grandioses, d’idées fantastiques, comme Hitler et d’autres tyrans qui sévissent depuis la nuit des temps. Nous devons donc savoir quand refuser de coopérer ; et ce n’est possible que si nous connaissons la joie de la véritable coopération.

Il est important de discuter ensemble de cette question, car lorsqu’on nous suggère de travailler en commun, votre réaction immédiate risque d’être : « Pour quoi faire ? Qu’allons-nous faire ensemble ? » Autrement dit, la chose à faire compte plus que le sentiment d’être ensemble et de collaborer ; et quand la chose à faire le projet, le concept, l’utopie idéologique prend le pas sur le reste, il n’y a pas de coopération véritable. Nous ne sommes plus liés alors que par l’idée ; et si une idée peut nous lier, une autre peut nous diviser. Ce qui compte, c’est donc d’éveiller en nous-mêmes cet esprit de coopération, ce sentiment de joie et d’action commune, hors de toute considération de châtiment ou de récompense. La plupart des jeunes ont cet esprit-là, spontanément, librement, à condition qu’il ne soit pas corrompu par leurs aînés.

Notes

[1] Crédit photo : Bibliothèque du Congrès des États-Unis (Wikimedia Commons)




Framasoft annonce deux nouveaux titres dans la collection Framabook

« Le C en 20 heures » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By SaAprès la traditionnelle mise à jour d’automne du best-seller de la collection Framabook, Christophe Masutti, notre coordinateur de collection, s’est fendu ce matin d’un fier communiqué de presse, dont je vous dévoile ici le contenu en avant-première.

En effet, après de longs mois de labeur au sein de l’association, avec les auteurs, les bénévoles et relecteurs, l’équipe technique de mise en page et l’éditeur, Christophe n’annonce pas un, mais bien deux nouveaux Framabooks, s’ajoutant à la mise à jour complète du « Simple comme Ubuntu ».

Sortir ces deux ouvrages nous a occupé un peu plus que d’habitude, notamment parce qu’il a fallu adapter notre chaîne éditoriale (la formidable application web libre “La Poule ou l’Oeuf”) car la mise en page d’un des ouvrages s’est révélée particulièrement riche et complexe à mettre en œuvre. Mais comme le rappelle avec philosophie l’éditeur Mathieu Pasquini :

Un livre s’écrit à la vitesse à laquelle poussent les arbres dont leurs pages sont faites…

Toutefois, le site Framabook a été mis à jour cette nuit pour accueillir les nouveaux ouvrages, et ces derniers sont aussi disponibles à l’achat chez InLibroVeritas.

Le 7e Framabook sera donc un manuel de formation à la programmation, proposant une méthode intense et originale pour apprendre « Le C en 20 heures ». Sous licence Creative Commons By Sa, il fut rédigé conjointement par Eric Berthomier et Daniel Schang que vous pourrez découvrir plus avant dans la reproduction du communiqué de presse qui suit. « Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Le 8e Framabook fut quant à lui rédigé par Vincent Lozano et s’intitule « UNIX. Pour aller plus loin avec la ligne de commande ». Comme le précédent livre de Vincent dans la collection Framabook, il est placé sous licence Art Libre.

Avec ces deux nouveaux Framabooks, Framasoft continue résolument sa collection d’œuvres libres, permettant à tout un chacun de soutenir ses talents d’autodidacte en informatique, pour que le monde demain regorge des bidouilleurs inventifs que l’éducation nationale peine à former avec son B2i©.

Et ce n’est pas fini. Comme annoncé avec notre campagne de don “1000 10 1”, l’équipe Framabook est toujours à pied d’œuvre sur d’autres ouvrages qui viendront rapidement compléter la collection. On retrouve ainsi parmi les plus avancés le « Producing Open Source Software » de Karl Fogel, traduit par Framalang, ainsi qu’ « Imagine there is no Copyright » traduit cet été lors d’un Traducthon mémorable aux RMLL et qui attend juste son tour pour être mis en page.

Annonçons encore un mystérieux ouvrage préparé en secret par l’ami MBen et un livre sur l’utilisation du gestionnaire de versions SVN, dont la traduction est elle aussi bien avancée.

Enfin, le comité éditorial de la collection fait actuellement le tri dans les nombreuses propositions d’ouvrages reçues par Framasoft. Tout ne cadre pas toujours avec la convention de la collection, mais déjà deux projets s’annoncent comme particulièrement prometteurs…

Pour l’heure, place au concret, avec une présentation plus détaillée des nouveaux Framabooks, issue du communiqué de presse officiel du coordinateur de la collection.

Framabook n°7 : Le C en 20 heures

« Le C en 20 heures » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Le langage C est un langage de programmation dont l’histoire nous ramène à l’époque de la création d’Unix, durant la première moitié des années 1970. Conçu pour permettre à un même programme de fonctionner sur plusieurs types de machines, ce langage à fois simple et efficace séduisait par la rapidité d’exécution des programmes qu’il permettait de générer, et par sa relative simplicité d’adaptation pour un nouveau type de matériel. Depuis lors, la majorité des systèmes d’exploitation des machines créés ultérieurement utilisèrent ce langage fiable, à la fois proche du matériel et des mathématiques. Il n’est donc pas étonnant de retrouver aujourd’hui ce langage partout, des super-calculateurs aux téléphones portables. Le Logiciel Libre lui doit aussi beaucoup. Quel héritage ! Et quelle longévité. Dans ces conditions, comment apprendre aujourd’hui et en 20 heures seulement, un langage porteur de presque quarante ans d’améliorations (dont le C++) et de développements spectaculaires (dont GNU/Linux) ? C’est la question à laquelle Le C en 20 heures répond, et par la pratique.

Eric Berthomier et Daniel Schang nous font ainsi partager au fil des pages le fruit de leurs expériences pédagogiques et professionnelles en accomplissant un effort de vulgarisation trop rarement rencontré dans la littérature du monde de la programmation. Destiné aux grands débutants, l’ouvrage n’est pas un manuel comme les autres. Son intérêt est d’être parcouru de A à Z en suivant l’adage : « j’apprends le code en écrivant le code ».

Ainsi, Le C en 20 heures n’est pas un ouvrage destiné à prendre la poussière sur une étagère en attendant que l’on s’y réfère un dimanche matin pluvieux. Il a été écrit pour être lu d’un bout à l’autre, dans l’ordre et pendant 20 à 30 heures d’apprentissage (en tout !) où l’on vous suggèrera, par des exercices et des exemples, de programmer tel jeu ou de tester tel calcul en mettant votre imagination au défi. En ce sens, l’ouvrage est orienté vers la pratique de la programmation et l’enseigne sans doute à la manière dont les auteurs l’ont apprise : devant un ordinateur, à essayer de programmer quelque chose.

Les auteurs

Ingénieur en Informatique, Eric Berthomier a débuté par le développement d’applications systèmes en C / C++ / Assembleur. Investi dans le Libre, il réalise alors des missions de développement, d’administration système et réseau et de formation. Depuis 2005, il travaille pour un ministère où GNU/Linux et la sécurité sont ses compagnons de tous les jours. Le C (et l’Assembleur) sont pour lui indispensables à la compréhension d’un système d’exploitation.

Docteur en informatique, Daniel Schang est enseignant-chercheur au sein du Groupe Eseo où il a acquis une longue et riche expérience de l’enseignement des langages informatiques. À l’écoute de ses élèves, c’est pour eux qu’il a pris contact avec Eric Berthomier afin de réécrire ce livre qui, sous sa forme embryonnaire, était un support de cours.

Framabook n°8 : Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande

« Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Unix sans jamais oser le demander

Nous sommes désormais des habitués de la formule de Vincent Lozano qui, après son excellent ouvrage sur l’usage de LaTeX, récidive ici avec un manuel sur le système Unix (et – donc – GNU/Linux).

Lors de la création d’Unix, au début des années 70, un de ses concepteurs établit trois règles pour concevoir les composants de la « boîte à outils » qui permit à Unix de s’étendre :

  • Écrivez des programmes qui font une chose et le font bien.
  • Écrivez des programmes qui peuvent communiquer entre eux.
  • Écrivez des programmes qui traitent des flux de texte car c’est l’interface universelle.

Aujourd’hui, Vincent Lozano vous propose à la fois de découvrir ces outils situés « sous le capot » de votre distribution Unix (GNU/Linux en est une) mais aussi de concevoir les vôtres.

Si vous appréciez votre système Unix et que vous pressentez qu’il existe des outils qui rendent votre système programmable, cet ouvrage est pour vous ! Le langage de commande d’Unix vous offre en effet la possibilité de piloter votre système d’exploitation – et donc votre ordinateur – par le biais de scripts. Pour planifier des tâches aussi précises que vous le souhaitez, vous aurez donc le loisir de passer des ordres, à la fois de manière souple et puissante, à votre système informatique.

Dans cet ouvrage vous découvrirez les liens qui unissent l’histoire d’Unix et le mouvement pour les logiciels libres. Vous vous plongerez dans les utilitaires classiques de votre système et apprendrez à les assembler. Vous serez donc à même d’ajouter de nouvelles pièces à la boîte à outils. L’auteur vous guidera également pour que vous parveniez à créer vos propres programmes écrits dans le langage du système d’exploitation : le langage de commande.

L’auteur

Vincent Lozano est maître de conférences en informatique à l’école nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne (Énise). Il y utilise GNU/Linux pour l’enseignement des systèmes d’exploitation, de la programmation et des bases de données. Il s’occupe également de l’informatisation du système d’information de l’Énise qui s’appuie sur des systèmes Unix.




« Simple comme Ubuntu » dans sa version 10.10 (.10) Maverick Meerkat

« Simple comme Ubuntu » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By SaAvec un dépôt légal daté du 10 octobre 2010, soit le 10/10/10, ce qui peut signifier 42 en binaire, cette 9e mouture du « Simple comme Ubuntu » s’approche un peu plus de la réponse à « La grande question sur la vie, l’univers et le reste » telle que définie par Douglas Adams dans Le guide de voyageur galactique.

Toutefois rassurez-vous, si Didier Roche l’auteur de ce Framabook est un geek invétéré et un hacker hors-pair, son livre n’en reste pas moins le Guide du débutant sous Ubuntu, qui veut savoir où cliquer pour faire ce dont il a besoin et comprendre ce qui se passe quand il clique quelque part.

Comme à chaque sortie d’une version d’Ubuntu, tous les 6 mois depuis 5 ans, le « Simple comme Ubuntu » a été revu en détail et en profondeur pour correspondre rigoureusement à la version d’Ubuntu livrée avec le livre lors d’une commande chez InLibroVeritas. Pour cette 9e édition, cela correspond entre autre à la ré-écriture complète du chapitre 2 « Procédure d’installation », ou encore à un accompagnement de la meilleure intégration dans Ubuntu 10.10 des services de microblogage aux outils de communication en voix sur IP et messagerie instantanée embarqués dans la distribution.

Enfin, ce « Simple comme Ubuntu » est la deuxième édition imprimée intégralement en couleur, ce qui est du plus bel effet sur les nouvelles captures d’écrans de cette nouvelle version, notamment celles des jeux vidéo 🙂 Voyez par vous-même avec ces deux extraits des 54 pages du chapitre 9 consacré aux jeux :

« Simple comme Ubuntu » - Didier Roche - page 234 - Creative Commons By Sa

« Simple comme Ubuntu » - Didier Roche - page 236 - Creative Commons By Sa

Voici donc « Simple comme Ubuntu 10.10 » :

« Simple comme Ubuntu » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Et pour finir sans déroger aux traditions, voici le changelog proposé par l’auteur [1] :

  • remplacement de toutes les références de l’ancienne à la nouvelle version, ainsi que le nombre d’inscrits sur le forum ubuntu-fr. Comme d’hab 🙂
  • plus de powerpc, ajout de ARM;
  • support de langue incomplet -> c’est maintenant une boîte de dialogue qui apparaît;
  • précision sur les définitions de pppoe et du câble ethernet;
  • f-spot est remplacé par shotwell;
  • Les “sources de logiciel” se lance maintenant depuis la logithèque Ubuntu et plus depuis de le menu;
  • grand remaniement et réécriture du chapitre 2 : mise à jour de la procédure d’installation, complètement changée pour cette version;
  • précision au chapitre 5 maintenant que le mp3 peut être installé dès l’installation de Ubuntu;
  • mise à jour des informations pour bien insister sur le fait qu’une partition /home n’est absolument pas supplémentaire;
  • chapitre 3: réécriture de la description du menu supérieure (suppression de yelp, explication de l’indicator son et indicateur de message, mis à jour du me menu);
  • Nombreux changements dans le menu Préférences:
    • Chiffrement et trousseaux s’appellle maintenant Mots de passe et clés de;
    • Clavier -> changement léger de l’interface;
    • Ajout de Comptes de messagerie et VoIP et de comptes de microblogage;
    • Ajout de Input Method Switcher et Keyboard Input Methods;
    • Micro-blogage -> Microblogage;
    • Suppression de Partage de fichiers personnels;
    • Ajout de OpenJDK Java 6 Policy Tool;
    • Ajout de Paramètres de messagerie.
  • ajout de détails sur indicateur son, indicateur message et retravail de la description de la partie supérieure;
  • Firefox est maintenant mis à jour à chaque version, même sur des versions stables;
  • Le mode spatial n’est plus le mode par défaut de GNOME depuis 2.30;
  • Extension foxmarks -> Xmarks (+ note bientôt appelé à disparaître);
  • Suppression de Glipper, ajout de Parcellite;
  • Description de la procédure pour ouvrir le lecteur de CD mécaniquement;
  • Le nom des paquets de childsplay a changé;
  • mise à jour des images, photos, etc. ainsi que des typos/”fôtes” corrigées! Merci à la communauté 🙂

Notes

[1] Et que vous pouvez retrouver dans les sources LaTeX de l’ouvrage.




Prix unique du livre, même numérique ?

Michael Mandiberg - CC-by-sa Nouvel exemple du refus des tenants d’industries du siècle dernier de considérer l’ère du numérique (ouverte par l’informatique et Internet [1]) comme une opportunité nouvelle et non comme une menace passagère, les sénateurs examineront bientôt une proposition de loi visant à imposer une recette sociale adaptée à l’économie matérielle d’objets, au commerce que l’on qualifiait encore il y a peu de « virtuel », des œuvres numériques, disponibles en-ligne et à volonté.

Tel est en effet l’objectif de cette proposition de loi : appliquer le prix-unique du livre également sur Internet. Si, naïvement, l’idée peut sembler bonne de prime abord, puisqu’elle a sûrement contribué à sauver les petites librairies françaises, elle dénote surtout une incompréhension chronique par la classe politique et les marchants de culture, de la notion de fichier d’ordinateur, ce support numérique réplicable en un instant et sans véritable coût à l’échelle de la population mondiale.

Sans en arriver aux extrémités répressives qu’instaure la loi HADOPI II, ce nouveau mouvement législatif se traduit par une énième tentative de limitation des fantastiques possibilités d’une économie nouvelle, dans le but de la faire entrer dans le moule rassurant des précédents modèles. Ici encore, au lieu d’explorer et d’exploiter au mieux ce qu’Internet rend possible, le législateur s’entête à refuser le potentiel d’un réseau numérique mondial, en s’entêtant aveuglément à transposer avec le minimum de réflexion possible ce qui marchait bien avant. D’autres pays plus pragmatiques vivent avec le Net, s’y adaptent et connaissent (est-ce lié ?) les plus forts taux de croissance de la planète depuis ces dix dernières années, mais pendant ce temps, nos sénateurs ont à cœur de préserver les recettes du passé, quitte à gâcher, pour un temps, celles du futur.

Si le Framablog parle rarement d’économie, nous vous parlons plus régulièrement d’œuvres libres, partagées par leurs auteurs à grande échelle via Internet. Or, cette loi ignore tout simplement la question et entre en contradiction avec l’essence même des licences libres, confirmant pour le moins que si la voie est libre, la route semble encore bien longue avant que les paradigmes du libre ne soient connus, compris et reconnus en haut lieu.

À l’heure de la sortie imminente de deux nouveaux Framabooks, Framasoft se joint donc aux inquiétudes soulevées par ses partenaires Adullact et AFUL dans leur dernier communiqué commun :

Le prix unique du livre numérique doit-il s’opposer à la création libre ?

14/10/2010 – URL d’origine

L’ADULLACT et l’AFUL s’inquiètent de la proposition sénatoriale de loi sur le prix [unique] du livre numérique, dont la rédaction actuelle menace sans nécessité la création sous licence libre. Leurs représentants au CSPLA s’en expliquent dans ce communiqué.

Nous avons eu récemment connaissance de la proposition de loi faite au Sénat par Mme Catherine DUMAS et M. Jacques LEGENDRE [2] relative au prix [unique] du livre numérique.

Nous comprenons le souci de la représentation nationale de préserver la filière du livre dans le monde numérique [3], en reprenant une formule qui s’est montrée efficace pour le livre imprimé traditionnel [4].

Cependant le monde numérique n’est pas le monde des supports matériels traditionnels et, s’il pose les problèmes que nous connaissons depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne la multiplication des copies illicites, c’est précisément parce qu’il obéit à des lois économiques nouvelles. En un mot : une fois l’œuvre créée, la production de copies peut se faire à un coût essentiellement nul.

Cela n’implique nullement qu’il soit légitime de faire ces copies sans l’accord des titulaires des droits, mais cela implique la possibilité et, de fait, l’existence de nouveaux modèles de création et d’exploitation des œuvres, modèles qui sont tout aussi légitimes que les modèles traditionnels issus du monde de l’imprimé.

Pour ne citer qu’un exemple, l’association Sésamath produit des livres numériques "homothétiques" (selon la terminologie de l’exposé des motifs), disponibles sous licence Creative Commons By-Sa. Cette licence implique que ces livres peuvent être exploités commercialement par quiconque, quelle que soit la forme que pourrait prendre cette exploitation, mais que les livres sont toujours cédés avec cette même licence sans contrainte nouvelle. Cela exclut en particulier toute contrainte de prix, ce qui est essentiel à la dynamique de création mutualisée et de maximisation du public recherchée par les auteurs.

Il ne s’agit nullement d’un phénomène marginal, même s’il est ignoré par certains rapports officiels [5]. Les versions imprimées des livres de Sésamath représentent environ 15% du marché qui les concerne, ce qui est loin d’être négligeable. Ces œuvres participent déjà au rayonnement de la France dans plusieurs pays francophones. C’est manifestement un modèle de création qui se développe : il a d’ailleurs fait l’objet des travaux d’une Commission Spécialisée [6] du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) où nous siégeons tous deux.

Il y a donc tout lieu de s’inquiéter de la compatibilité de la proposition de loi avec ces nouveaux modèles.

Ainsi l’article 2 prévoit la fixation d’un prix par le diffuseur commercial. Certes, les licences ouvertes – par exemple Creative Commons By-Sa – tout en permettant la diffusion gratuite et non commerciale, n’excluent nullement la diffusion commerciale, qu’elle soit le fait des créateurs initiaux ou de tiers. Mais le principe même de ces licences est par nature exclusif de toute fixation de prix puisqu’elles sont choisies par l’auteur précisément pour donner la liberté d’en décider, sans contrôle amont de l’aval de la chaîne de diffusion.

Cette loi n’a pas l’intention, on peut l’espérer, de tuer dans l’œuf ces nouveaux modes de création et d’exploitation, ce qui ne serait guère dans l’intérêt de notre pays, des créateurs concernés ou du public. Il faut donc préciser que la fixation du prix du livre numérique ne s’applique pas aux œuvres numériques libres ou ouvertes. Cela peut être réalisé très simplement par un amendement à l’article 2.3 qui prévoit déjà quelques cas d’exemption, sans aucunement porter atteinte aux modes d’exploitation commerciale que la loi vise à encadrer, au bénéfice des titulaires de droit qui souhaitent une telle protection.

Le monde du numérique et les modèles économiques associés sont complexes et mouvants, et la prudence doit probablement prévaloir avant d’y figer quoi que ce soit. Du moins faut-il préciser avec soin quels objets sont visés par le législateur. Il nous semble important que les nouveaux modèles de création et d’exploitation aient le droit de se faire entendre au même titre que les modèles traditionnels. Il y va de la compétitivité économique et culturelle de notre pays dans un univers bouleversé par le numérique. Le meilleur témoin de l’intérêt économique et social de ces modèles est le soutien que leur apportent les collectivités territoriales par leur adhésion à l’association ADULLACT présidée par l’un de nous.

Le rapport Patino préconise [7] de "mettre en place des dispositifs permettant aux détenteurs de droits d’avoir un rôle central dans la détermination des prix". Nous ne demandons rien d’autre.

Bernard LANG
Membre titulaire du CSPLA
Vice-président de l’AFUL
bernard.lang@aful.org, +33 6 62 06 16 93

François ELIE Membre suppléant au CSPLA
Président de l’ADULLACT
Vice-Président de l’AFUL
francois@elie.org, +33 6 22 73 34 96

Notes

[1] Crédit photo : Michael Mandiberg – Creative Commons Paternité Partage à conditions initiales

[2] http://www.senat.fr/leg/ppl09-695.html

[3] Le rapport de M. Bruno Patino, sur le livre numérique http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/rapportpatino.pdf s’inquiéte du moyen d’étendre la loi Lang au numérique (page 45).

[4] Sur ce point, discutable, voir Mathieu Perona et Jérôme Pouyet : Le prix unique du livre à l’heure du numérique http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS19.pdf

[5] C’est d’autant plus regrettable que les modèles explorés par Sésamath sont cités dans le monde entier comme précurseurs et innovants.

[6] http://www.cspla.culture.gouv.fr/travauxcommissions.html, Commission sur la mise à disposition ouverte des œuvres.

[7] C’est sa quatrième recommandation.