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Comment dégafamiser une MJC – un témoignage

Nous ouvrons volontiers nos colonnes aux témoignages de dégooglisation, en particulier quand il s’agit de structures locales tournées vers le public. C’est le cas pour l’interview que nous a donnée Fabrice, qui a entrepris de « dégafamiser » au sein de son association. Il évoque ici le cheminement suivi, depuis les constats jusqu’à l’adoption progressive d’outils libres et éthiques, avec les résistances et les passages délicats à négocier, ainsi que les alternatives qui se sont progressivement imposées. Nous souhaitons que l’exemple de son action puisse donner envie et courage (il en faut, certes) à d’autres de mener à leur tour cette « migration » émancipatrice.

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?
Je m’appelle Fabrice, j’ai 60 ans et après avoir passé près de 30 années sur Paris en tant que DSI, je suis venu me reposer au vert, à la grande campagne… Framasoft ? Je connais depuis très longtemps… Linux ? Aussi puisque je l’ai intégré dans une grande entreprise française, y compris sur des postes de travail, il y a fort longtemps…

Ce n’est que plus tard que j’ai pris réellement conscience du pouvoir néfaste des GAFAM et que je défends désormais un numérique Libre, simple, accessible à toutes et à tous et respectueux de nos libertés individuelles. Ayant du temps désormais à accorder aux autres, j’ai intégré une association en tant que bénévole, une asso qui compte un peu moins de 10 salariés et un budget annuel avoisinant les 400 K€.

Quel a été le déclencheur de  l’opération de dégafamisation ?

En fait, quand je suis arrivé au sein de l’association le constat était un peu triste :

  • des postes de travail (PC sous Windows 7, 8, 10) poussifs, voire inutilisables, avec 2 ou 3 antivirus qui se marchaient dessus, sans compter les utilitaires en tout genre (Ccleaner, TurboMem, etc.)
  • une multitude de comptes Gmail à gérer (plus que le nb d’utilisateurs réels dans l’asso.)
  • des partages de Drive incontrôlables
  • des disques durs portables et autres clés USB qui faisaient office aussi de « solutions de partage »
  • un niveau assez faible de compréhension de toutes ces « technologies »

Il devenait donc urgent de « réparer » et j’ai proposé à l’équipe de remettre tout cela en ordre mais en utilisant des outils libres à chaque fois que cela était possible. À ce stade-là, je pense que mes interlocuteurs ne comprenaient pas exactement de quoi je parlais, ils n’étaient pas très sensibles à la cause du Libre et surtout, ils ne voyaient pas clairement en quoi les GAFAM posaient un problème…

deux mains noires tiennent une bombe de peinture verte, un index appuie sur le haut de l'objet. Plusieurs doigts ont des traces de peinture. Dans l'angle inférieur droit le logo : MJC L'aigle en blanc
Quand on lance une dégafamisation, ce n’est pas simplement pour changer la couche de peinture…

 

En amont de votre « dégafamisation », avez-vous organisé en interne des moments pour créer du consensus sur le sujet et passer collectivement à l’action (lever aussi les éventuelles résistances au changement) ? Réunions pour présenter le projet, ateliers de réflexion, autres ?

Le responsable de la structure avait compris qu’il allait y avoir du mieux – personne ne s’occupait du numérique dans l’asso auparavant – et il a dit tout simplement « banco » à la suite de quelques démos que j’ai pu faire avec l’équipe :

  • démo d’un poste de travail sous Linux (ici c’est Mint)
  • démo de LibreOffice…

Pour être très franc, je ne pense pas que ces démos aient emballé qui que ce soit…

Franchement, il était difficile d’expliquer les mises à jour de Linux Mint à un utilisateur de Windows qui ne les faisait de toutes façons jamais, d’expliquer LibreOffice Writer à une personne qui utilise MS Word comme un bloc-notes et qui met des espaces pour centrer le titre de son document…
Néanmoins, après avoir dressé le portrait peu glorieux des GAFAM, j’ai tout de même réussi à faire passer un message : les valeurs de l’association (ici une MJC) sont à l’opposé des valeurs des GAFAM ! Sous-entendu, moins on se servira des GAFAM et plus on sera en adéquation avec nos valeurs !

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Pour montrer que j’avais envie de bien faire et que mon bénévolat s’installerait dans la durée, j’ai candidaté pour participer au Conseil d’Administration et j’ai été élu. J’ai présenté le projet aux membres du C.A sans véritable plan, si ce n’est de remettre tout d’équerre avec du logiciel Libre ! Là encore, les membres du C.A n’avaient pas forcément une exacte appréhension le projet mais à partir du moment où je leur proposais mieux, ils étaient partants !

Le plan (étalé sur 12 mois) :

Priorité no1 : remettre en route les postes de travail (PC portables) afin qu’ils soient utilisables dans de bonnes conditions. Certains postes de moins de 5 ans avaient été mis au rebut car ils « ramaient »…

  • choix de la distribution : Linux Mint Cinnamon ou Linux Mint XFCE pour les machines les moins puissantes
  • choix du socle logiciel : sélection des logiciels nécessaires après analyse des besoins / observations

Priorité no 2 : stopper l’utilisation de Gmail pour la messagerie et mettre en place des boites mail (avec le nom de domaine de l’asso), boites qui avaient été achetées mais jamais utilisées…

Priorité no 3 : augmenter le niveau des compétences de base sur les outils numériques

Prorité no 4 : mettre en place un cloud privé afin de stocker, partager, gérer toutes les données de l’asso (350Go) et cesser d’utiliser les clouds des GAFAM…

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ?

Bizarrement, les plus réticents à un poste de travail Libre étaient ceux qui maîtrisaient le moins l’utilisation d’un PC…
« Nan mais tu comprends, Windows c’est quand même vachement mieux… Ah bon, pourquoi ? Ben j’sais pô…c’est mieux quoi… »

* Quand on représente la plus grosse association de sa ville, il y a de nombreux échanges avec les collectivités territoriales et, on s’arrache les cheveux à la réception des docx ou pptx tout pourris… Il en est de même avec les services de l’État et l’utilisation de certains formulaires PDF qui ont un comportement étrange…
* Quand un utilisateur resté sous Windows utilise encore des solutions Google alors que nous avons désormais tout en interne pour remplacer les services Google, je ne me bats pas…
* Quand certains matériels (un Studio de podcast par exemple) requièrent l’utilisation de Windows et ne peuvent pas fonctionner sous Linux, c’est désormais à prendre en compte dans nos achats…
* Quand Il faut aussi composer avec les services civiques et autres stagiaires qui débarquent, ne jurent que par les outils d’Adobe et expliquent au directeur que sans ces outils, leur création est diminuée…

* Quand le directeur commence à douter sur le choix des logiciels libres, je lui rappelle gentiment que le véhicule de l’asso est une Dacia et non une Tesla…
* Quand on se rend compte qu’un mail provenant des serveurs Gmail est rarement considéré comme SPAM par les autres alors que nos premiers mails avec OVH et avec notre nom de domaine ont eu du mal à « passer » les premières semaines…et de temps en temps encore maintenant…

 

dessin probablement mural illustrant les activités de la MJC avec un dessin symbolique : une main noire et une blanche s'associant par le petit doigt sur fond bleu. des coulures de couleurs tombent des doigts.

 

Est-ce qu’au contraire, il y a eu des changements que vous redoutiez et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Rassembler toutes les données de l’asso. et de ses utilisateurs au sein de notre cloud privé (Nextcloud) était vraiment la chose qui me faisait le plus peur et qui est « passée crème » ! Peut-être tout simplement parce que certaines personnes avaient un peu « oublié » où étaient rangées leurs affaires auparavant…

… et finalement quels outils ou services avez-vous remplacés par lesquels ?

  • Messagerie Google –> Messagerie OVH + Client Thunderbird ou Client mail de Nextcloud (pour les petits utilisateurs)
  • Gestion des Contacts Google –> Nextcloud Contacts
  • Calendrier Google –> Nextcloud Calendrier
  • MS Office –> LibreOffice
  • Drive Google, Microsoft, Apple –> Nextcloud pour les fichiers personnels et tous ceux à partager en interne comme en externe
  • Doodle –> Nextcloud Poll
  • Google Forms –> Nextcloud Forms

NB : Concernant les besoins en création graphique ou vidéo on utilise plusieurs solutions libres selon les besoins (Gimp, Krita, Inkscape, OpenShotVideo,…) et toutes les autres solutions qui étaient utilisées de manière « frauduleuse » ont été mises à la poubelle ! Nous avons néanmoins un compte payant sur canva.com

À combien estimez-vous le coût de ce changement ? Y compris les coûts indirects : perte de temps, formation, perte de données, des trucs qu’on faisait et qu’on ne peut plus faire ?

Il s’agit essentiellement de temps, que j’estime à 150 heures dont 2/3 passées en « formation/accompagnement/documentation » et 1/3 pour la mise au point des outils (postes de travail, configuration du Nextcloud).
Côté coûts directs : notre serveur Nextcloud dédié, hébergé par un CHATONS pour 360 €/an et, c’est tout, puisque les boîtes mail avaient déjà été achetées avec un hébergement web mais non utilisées…
Il n’y a eu aucune perte de données, au contraire on en a retrouvé !
À noter que les anciens mails des utilisateurs (stockés chez Google donc) n’ont pas été récupérés, à la demande des utilisateurs eux-mêmes ! Pour eux c’était l’occasion de repartir sur un truc propre !
À ma connaissance, il n’y a rien que l’on ne puisse plus faire aujourd’hui, mais nous avons conservé deux postes de travail sous Windows pour des problèmes de compatibilité matérielle.
Cerise sur le gâteau : des PC portables ont été ressuscités grâce à une distribution Linux, du coup, nous en avons trop et n’en avons pas acheté cette année !

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que c’est libre ?

Un impact direct ? Oui et non…

En fait, en plus de notre démarche, on invite les collectivités et autres assos à venir « voir » comment on a fait et à leur prouver que c’est possible, ce n’est pas pour autant qu’on nous a demandé de l’aide.

Pour eux, la marche peut s’avérer trop haute et ils n’ont pas forcément les compétences pour franchir le pas sans aide. Imaginez un peu, notre mairie continue de sonder la population à coups de GoogleForms alors qu’on leur a dit quantité de fois qu’il existe des alternatives plus éthiques et surtout plus légales !

Et encore oui, bien que nous utilisions essentiellement ces outils en interne le public en est informé, les « politiques » et autres collectivités qui nous soutiennent le sont aussi et ils sont toujours curieux et, de temps en temps, admiratifs ! La gestion même de nos adhérents et de nos activités se fait au travers d’une application client / serveur développée par nos soins avec LibreOffice Base. Les données personnelles de nos adhérents sont ainsi entre nos mains uniquement.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?
Oui… nos équipes continuent à utiliser Facebook et WhatsApp… Facebook pour promouvoir nos activités, actions et contenus auprès du grand public et WhatsApp pour discuter instantanément ensemble (en interne) ou autour d’un « projet »avec des externes. Dans ces deux cas, il y a certes de très nombreuses alternatives, mais elles sont soit incomplètes (ne couvrent pas tous les besoins), soit inconnues du grand public (donc personne n’adhère), soit trop complexes à utiliser (ex. Matrix) mais je garde un œil très attentif sur tout cela, car les usages changent vite…

photo noir/blanc de l'entrée de la MJC, chevrons jaunes pointe vers le haut pour indiquer le sens de l'entrée. on distingue le graph sur une porte : MJC Le rond-point
Entrée de la MJC

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre (MJC, Maison de quartier, centre culturel…) qui voudrait se dégafamiser aussi ? Des erreurs à ne pas commettre, des bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?

  • Commencer par déployer une solution comme Nextcloud est une étape très fondatrice sur le thème « reprendre le contrôle de ses données » surtout dans des structures comme les nôtres où il y a une rotation de personnels assez importante (contrats courts/aidés, services civiques, volontaires européens, stagiaires, apprentis…).
  • Pour un utilisateur, le fait de retrouver ses affaires, ou les affaires des autres, dans une armoire bien rangée et bien sécurisée est un vrai bonheur. Une solution comme Nextcloud, avec ses clients de synchronisation, représente une mécanique bien huilée désormais et, accessible à chacun. L’administration de Nextcloud peut très bien être réalisée par une personne avertie (un utilisateur ++), c’est à dire une personne qui sait lire une documentation et qui est rigoureuse dans la gestion de ses utilisateurs et de leurs droits associés. Ne vous lancez pas dans l’auto-hébergement si vous n’avez pas les compétences requises ! De nombreuses structures proposent désormais « du Nextcloud » à des prix très abordables.
  • À partir du moment où ce type de solution est installée, basculez-y la gestion des contacts, la gestion des calendriers et faites la promotion, en interne, des autres outils disponibles (gestion de projets, de budget, formulaires…)
  • Fort de ce déploiement et, si votre messagerie est encore chez les GAFAM, commencez à chercher une solution ailleurs en sachant qu’il y aura des coûts, des coups et des pleurs… Cela reste un point délicat compte-tenu des problèmes exposés plus haut… Cela prend du temps mais c’est tout à fait possible ! Pour les jeunes, le mail est « ringard », pour les administratifs c’est le principal outil de communication avec le monde extérieur… Là aussi, avant de vous lancer, analysez bien les usages… Si Google vous autorise à envoyer un mail avec 50 destinataires, ce ne sera peut-être pas le cas de votre nouveau fournisseur…
  • Le poste de travail (le PC) est, de loin, un sujet sensible : c’est comme prendre la décision de jeter à la poubelle le doudou de votre enfant, doudou qui l’a endormi depuis de longues années… Commencez par recycler des matériels “obsolètes” pour Windows mais tout à fait corrects pour une distribution Linux et faites des heureux ! Montrer aux autres qu’il s’agit de systèmes non intrusifs, simple, rapides et qui disposent d’une logithèque de solutions libres et éthiques incommensurable !

Cela fait deux ans que notre asso. est dans ce mouvement et si je vous dis que l’on utilise FFMPEG pour des traitements lourds sur les médias de notre radio FM associative, traitements que l’on n’arrivait pas à faire auparavant avec un logiciel du commerce ? Si je vous dis qu’avec un simple clic-droit sur une image, un utilisateur appose le logo de notre asso en filigrane (merci nemo-action !). Si je vous dis que certains utilisateurs utilisent des scripts en ligne de commande afin de leur faciliter des traitements fastidieux sur des fichiers images, audios ou vidéos ? Elle est pas belle la vie ?

Néanmoins, cela n’empêche pas des petites remarques de-ci de-là sur l’utilisation de solutions libres plutôt que de « faire comme tout le monde » mais ça, j’en fais mon affaire et tant que je leur trouverai une solution libre et éthique pour répondre à leurs besoins alors on s’en sortira tous grandis !
Ah, j’oubliais : cela fait bien longtemps maintenant qu’il n’est plus nécessaire de mettre les mains dans le cambouis pour déployer un poste de travail sous Linux, le support est quasi proche du zéro !

Merci Fabrice d’avoir piloté cette opération et d’en avoir partagé l’expérience au lectorat du Framablog !

 




Échirolles libérée ! La dégooglisation (5)

Voici aujourd’hui le 5e et dernier article que Nicolas Vivant consacre à la dégooglisation de la ville d’Échirolles (si vous avez raté les épisodes précédents). Maintenant que les outils sont en place, il est temps d’envisager comment la mutualisation et la décentralisation conjuguées pourraient ouvrir de nouvelles perspectives aux citoyens et citoyennes de l’agglomération.


Le grand absent de ce récit est le travail important entamé sur la réduction de l’impact environnemental du numérique. C’est un fil conducteur permanent pour notre action. De nombreuses choses sont faites, mais d’autres décrivent beaucoup mieux que nous les enjeux, les outils et ce qu’il convient de faire pour avancer. Leur travail nous sert de guide. J’y reviendrai dans un article (modeste et) dédié.

Voir plus loin pour viser juste

Une vision pour l’avenir, ce n’est pas une prédiction, ni même une prévision. C’est simplement un axe, une direction. C’est ce qui permet, quand deux chemins existent, de faire un choix. Ce n’est évidemment pas une garantie que ce choix soit le bon mais si, à chaque carrefour, une direction existe qui aide à se déterminer, alors nous gagnons en cohérence, en rapidité de décision et, finalement, en efficacité.

Dans un monde où la dégooglisation serait une réalité, où les logiciels libres seraient dominants et où transparence et partage des données s’imposeraient comme une évidence, quel pourrait être l’étape suivante ? Et quelles pierres poser, dès aujourd’hui, qui tendraient vers cet objectif et pourraient orienter notre action ?

La décentralisation comme facteur de résilience

Historiquement, l’internet public est une architecture décentralisée. C’est même l’une des raisons de sa création : l’interconnexion de réseaux divers, dans un but de coopération. Même si le récit d’un internet construit comme un réseau permettant de résister à une attaque nucléaire est une légende urbaine, les événements récents ont permis de vérifier que la décentralisation était bien l’une des clés de la résilience des systèmes d’information.

En France, la plupart des accès résidentiels reposent sur Orange, Free, Bouygues et SFR. Quatre infrastructures qui, si elles étaient attaquées, affecteraient durablement nos communications. Une étude du RIPE a montré comment l’internet ukrainien résistait au black-out général malgré les nombreuses dégradations de l »infrastructure. Le secret ? Une structure distribuée, décentralisée, et des fournisseurs d’accès locaux partout dans le pays.

L’exemple le plus connu (et l’un des plus anciens) d’un système fédéré est la messagerie électronique. Les fournisseurs d’adresses e-mail sont innombrables mais, parce qu’ils ont choisi d’utiliser des protocoles standard, interopérables, chaque utilisateur peut échanger des messages avec tous les autres. Si l’un des prestataires techniques disparaît (c’est arrivé plusieurs fois), il ne met pas en danger l’intégralité du système. La domination d’un acteur, en revanche, parce qu’elle repose sur la centralisation des ressources (pensons à Gmail), peut fragiliser cette construction.

Mais l’angle de la résilience n’est pas le seul qu’il est intéressant d’interroger.

Décentralisation et mutualisation

Dans l’esprit de la plupart de nos décideurs, mutualisation et centralisation vont de pair, l’un des objectifs d’un effort de mise en commun des moyens étant de réaliser des économies d’échelle. Pour un certain nombre d’applications centrales, cette promesse est tenue. Cependant, quelques inconvénients sont associés à ce type de projet :

  • éloignement des organes de décision
  • perte d’autonomie dans les choix techniques ou politiques
  • moindre connaissance de l’environnement des utilisateurs
  • moindre réactivité dans la mise en œuvre des projets

Comment articuler coopération (pour une plus grande efficacité dans les projets transversaux) et autonomie (pour conserver une certaine liberté de choix et d’action) ?

En coopérant, des structures indépendantes peuvent créer des réseaux au service de projets d’envergure, tout en conservant leur autonomie de gestion, d’évolution et d’action. Des moyens techniques existent, et elles sont très largement implantées dans les solutions libres. ActivityPub a été officiellement publié comme recommandation du W3C le 23 janvier 2018.

Ce standard, qui permet d’interfacer des solutions diverses, est présent dans plusieurs des logiciels utilisés par la ville d’Échirolles : Nextcloud (plateforme collaborative), Peertube (hébergement de vidéos), Mastodon (réseau social) et WordPress (création de sites web). Ces quatre outils sont de plus en plus utilisés par les collectivités territoriales, les ministères et les partenaires de la ville, mais les fonctionnalités de fédération sont rarement mises en œuvre, en interne comme en externe. Pourtant, les applications pourraient être nombreuses : partage d’annuaires/de dossiers entre collectivités (Nextcloud), meilleure visibilité de la communication des structures associées (Peertube), création de sites dans le cadre de projets intercommunaux (WordPress), mise en avant des actions d’un territoire (Mastodon), etc.

La fédération comme horizon

Au sein d’Alpes Numérique Libre, le collectif de DSI de la région grenobloise autour des logiciels libres, le sujet est en train de naître, sans concrétisation pour le moment. La mise en place d’une fédération des acteurs au sein d’un même territoire géographique pourrait être une première pierre posée, une expérience intéressante du point de vue de l’action publique dont nous pourrions, peut-être, tirer des enseignements plus larges.

Les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), comme le SITPI ou Grenoble Alpes Métropole dans notre région, pourraient jouer un rôle moteur dans ce type d’initiative : idéalement positionnés au centre des réseaux communaux, ils disposent d’une architecture parfaitement adaptée.

L’instance Mastodon colter.social, créée, hébergée et maintenue par le SITPI est, à ce titre, un précurseur intéressant de ce que pourraient être ces fonctionnements fédératifs. Mise à disposition de l’ensemble des collectivités territoriales, sa modération est assurée par les agents de collectivités qui ne sont pas forcément adhérentes du syndicat, mais qui ont choisi de coopérer. Des outils comme Zammad ou Signal (pour des instances plus importantes, pourquoi pas un serveur Matrix ?) permettent d’organiser efficacement ce travail.

Plusieurs autres systèmes de mutualisation innovants pourraient être imaginés, alliant la mise à disposition de ressources pour les petites collectivités (un serveur PeerTube partagé, par exemple) et une fédération avec les structures de taille plus importante, chacune maintenant sa propre solution.

Nous n’en sommes pas là pour le moment, et nombreuses sont les collectivités qui reposent sur des solutions hébergées (en mode SaaS), souvent chez des grands acteurs américains (Google, Microsoft, Amazon…), parce qu’elles n’ont pas les compétences ou les ressources financières permettant un autre fonctionnement.

Pas toujours très bien structurées, focalisées sur leur transformation numérique, choisie ou subie, ce type de projet peut paraître bien éloigné de leurs préoccupations quotidiennes. Mais il me semblait intéressant de faire ce travail de prospective, comme un horizon vers lequel nous pourrions, individuellement et collectivement, choisir de tendre.

L’épisode 1 (structuration)
L’épisode 2 (transformation)
L’épisode 3 (solutions)
L’épisode 4 (inclusion)
L’épisode 5 (vous êtes ici)

***

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Échirolles libérée ! La dégooglisation (2)

Voici le deuxième volet du processus de dégooglisation de la ville d’Échirolles (si vous avez manqué le début) tel que Nicolas Vivant nous en rend compte. Nous le re-publions volontiers, en souhaitant bien sûr que cet exemple suscite d’autres migrations vers des solutions libres et plus respectueuses des citoyens.


Dégooglisation d’Échirolles, partie 2 : la transformation numérique

par Nicolas Vivant

Le numérique est en train de vivre une révolution. Disposer d’une stratégie, même étayée par des enjeux politiques forts, ne permet pas d’y échapper. Le monde change et il faut s’adapter, sous peine de passer à côté des nombreuses possibilités offertes par les dernières technologies… et de se noyer dans la masse de données que nous générons chaque jour. Les mots-clés du changement : collaboratif, transparence, ouverture. Mais qu’est ce que cela veut dire, concrètement ?

L’inévitable transformation numérique

L’informatique s’est construite, depuis les années 90, autour d’un modèle que nous connaissons toutes et tous, et qui est en train de disparaître. Le poste client repose généralement sur :

  • Un système d’exploitation (généralement Windows, parfois Mac, rarement Linux)
  • Une suite bureautique (souvent Microsoft, parfois LibreOffice)
  • Un serveur de fichiers (avec un classement par arborescence et une gestion des droits centralisée)
  • Une messagerie (avec un client lourd de type Outlook, ou via une interface web) souvent couplée à un agenda

L’évolution que l’on constate partout :

  • Un système d’exploitation qui devient une simple interface de connexion
  • De plus en plus de terminaux mobiles (smartphone, PC portables, tablettes)
  • Des applications qui sont le plus souvent accessibles via un navigateur web
  • Un logiciel intégrant les fonctions de suite bureautique, de messagerie, d’agenda, d’édition collaborative et d’échanges textuels, audio ou vidéo (souvent basé sur un « cloud »)

Le changement culturel à opérer est majeur. Les utilisateurs, aux compétences souvent durement acquises, vont devoir s’adapter et notre responsabilité est de nous assurer que cette transition ne se fera pas dans la douleur.

Des fonctionnements durablement inscrits dans notre rapport à l’informatique sont repensés, sans que la question de l’adoption par les utilisateurs se pose. Exemple : l’organisation et la recherche de l’information. Aujourd’hui, la plupart des serveurs de fichiers et des systèmes de stockage de données sont organisés sous la forme d’une arborescence. Pendant très longtemps, ce classement a été le moyen le plus efficace de retrouver de l’information. Mais la masse de données numériques a grandi, la taille (et le nombre) des répertoires est devenue énorme, et les moteurs de recherche sont souvent inefficaces/lents (cf. la fonction « recherche » de l’explorateur de Windows quand il s’agit de chercher sur un serveur).

En ligne, cette question a été tranchée depuis longtemps. Aux début de l’internet, deux moteurs de recherche dominaient le marché : Yahoo, alors basé sur un classement des sites web en arborescence, par grands domaines, et Altavista (de la société, aujourd’hui disparue, Digital), qui fonctionnait sur le même principe que Google avec un unique champ de recherche. La masse d’information à gérer ayant explosé, c’est ce dernier principe qui a prévalu.

On a parfois cru que la GED (Gestion Électronique de Documents), pouvait être une réponse. Mais l’effort à consentir pour ajouter, souvent manuellement, les métadonnées lui permettant d’être efficace était important. Ce qu’on appelle le « big data » a tout changé. Aujourd’hui, la grande majorité des métadonnées peuvent être générées automatiquement par une analyse du contenu des documents, et des moteurs de recherche puissants sont disponibles. Dans ce domaine, le logiciel libre est roi (pensez à Elastic Search) et des solutions, associées à un cloud, permettent de retrouver rapidement une information, indépendamment de la façon dont elle est générée, classée ou commentée. C’est un changement majeur à conceptualiser dans le cadre de la transformation numérique, et les enjeux de formation et d’information des utilisatrices et utilisateurs ne peuvent pas être ignorés.

S’organiser pour évoluer

Si la feuille de route des élus échirollois ne nous dit pas ce qui doit être fait, elle met l’accent sur un certain nombre de thèmes qu’il va falloir prendre en compte : limitation de l’impact environnemental, réduction de toutes les fractures numériques, gestion responsable des données, autonomie et logiciels libres. À nous de nous adapter, en prenant garde, comme toujours, à la cohérence, la sécurité et la stabilité du système d’information… et en ne négligeant ni l’effort de formation, ni la nécessaire communication autour de ces changements.

Dans ma commune, c’est le rôle de la direction de la stratégie et de la culture numériques (souvent appelée, ailleurs, « direction de la transformation — ou de la transition — numérique ») en lien étroit avec la DSI, qui dispose des compétences opérationnelles.

Conjuguer autonomie et déploiement de logiciels libres a un coût : celui de l’expertise technique. Sans compétences techniques fortes, le nombre de prestations explose nécessairement et vient contredire l’objectif d’un système d’information maîtrisé, aussi bien en termes de responsabilités qu’au niveau financier. Hébergement, installation, paramétrage, sécurisation, maintenance et formation doivent pouvoir, autant que possible, être assurés en interne. Le DSI lui-même doit pouvoir faire des choix sur la base de critères qui ne sont pas seulement fonctionnels mais également techniques. La réorganisation du service est donc inévitable et l’implication de la direction des ressources humaines indispensable. Vouloir mettre en œuvre une politique autour du libre sans compétences ni appétences pour le sujet serait voué à l’échec.

À Échirolles, la grande proximité entre DSCN et DSI a permis de décliner la stratégie numérique en méthodologies opérationnelles qui, mises bout à bout, permettent de s’assurer que nous ne perdons pas de vue l’objectif stratégique. Pour chaque demande d’un nouveau logiciel exprimée par un service, par exemple, nous procédons comme suit :

  • Existe-t-il un logiciel en interne permettant de répondre au besoin ? Si oui, formons les utilisateurs et utilisons-le.
  • Si non, existe-t-il un logiciel libre permettant de répondre au besoin ? Installons-le.
  • Si non, existe-t-il un logiciel propriétaire ? Achetons-le.
  • Si non, en dernier recours, créons-le.

On mesure immédiatement ce que ce fonctionnement implique au niveau du recrutement et de l’organisation : il nous faut une équipe capable de gérer cette procédure de bout en bout et donc, forcément, une compétence en développement. Nous avons donc créé un « pôle applicatif » en charge de ce travail, et recruté un développeur. Et puisque la question de la contribution se pose également, nous avons décidé que 20% du temps de travail de ce poste serait consacré à des contributions au code de logiciels libres utilisés par la ville.

À chaque mise en place d’une solution technique, la question de l’interopérabilité se pose. Partant du principe que le « cloud » deviendra central dans l’architecture future du système d’information, nous nous sommes penchés sur les logiciels libres qui permettraient de remplir cette fonction et nous avons fait le choix, très tôt et comme beaucoup, de Nextcloud, associé à Collabora pour l’édition collaborative des documents. Nous nous assurons donc, depuis, que tout nouveau logiciel installé dans la collectivité sera correctement interopérable avec ce logiciel quand, dans quelques années, la transition sera achevée.

Mais nous parlerons de logiciels dans la troisième partie de ce récit.

Retour vers l’épisode 1 : la structuration.

***

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La dégooglisation du GRAP, partie 3 : Le bilan

On vous a partagé la semaine dernière la deuxième partie de La dégooglisation du GRAP qui vous invitait à découvrir comment iels avaient réussi à sortir de Google Agenda et gmail. Voici donc la suite et fin de ce récit palpitant de dégooglisation. Encore merci à l’équipe informatique du GRAP d’avoir documenté leur démarche : c’est vraiment très précieux ! Bonne lecture !

 

Dans l’épisode précédent…

Après la sortie de Google Drive remplacé par Nextcloud, Google Agenda par Nextcloud Agenda, nous avons fini par le plus gros bout en 2021-2022, sortir de Gmail et en finir avec le tentaculaire Google.

Le mardi 23 novembre, nous débranchions enfin Google. Nous voilà libres ! Presque 😉

Bilan dégooglisation

Après 4 ans de dégooglisation, où en sommes-nous de notre utilisation de logiciels non libres ?

Dans l’équipage ⛵

Système d’exploitation Libre ? Commentaire
Windows 13 personnes
Ubuntu 9 personnes
Gestion documentaire et travail collaboratif
Nextcloud Files Tout le monde depuis 2020 ✅
Nextcloud Agenda Tout le monde depuis 2021 ✅
Téléphonie et visio
3CX Tout le monde  ❌
Nextcloud Discussions
Mail et nom de domaine
Gandi
Tout le monde depuis 2022 ✅
Logiciels métier
Odoo (suivi des actis, achat/revente, facturation)
Pôles info, accompagnement et logistique
EBP (compta)
Pôle compta
Cegid (paie) Pôle social
Gimp, Inkscape, Scribus (graphisme et mise en page)
Pôle communication
BookstackApp (documentation) Tous pôles
Logiciels bureautique
Suite Office
Suite LibreOffice
Réseaux sociaux
Facebook, Linkedin, Twitter, Eventbrite
Peertube

Nos pistes d’amélioration en logiciel libre sont donc du côté du système d’exploitation et des logiciels métiers.

Les blocages sont dus :

  1. à certains logiciels métiers qui n’existent pas en logiciel libre
    → à voir si on arrive à développer certains bouts métier sur Odoo dans les prochaines années
  2. à la difficulté de se passer d’Excel pour certaines personnes grandement habituées à ses logiques et son efficacité
    → à voir si LibreOffice continue à s’améliorer et/ou si on se forme plus sur LibreOffice

Dans la coopérative  🌸

Système d’exploitation Libre ? Commentaire
Ubuntu Dans tous les points de vente
ordinateurs portables
Windows ou Mac Les autres ordinateurs portables
Gestion documentaire et travail collaboratif
Nextcloud Files Tout le monde y a accès depuis 2020 ✅
Fournisseur mail principal
Gandi
55%
Gmail 37%
Ecomail ? 4%
Logiciels métier
Odoo (achat, revente, stock, facturation, intelligence décisionnelle)
Utilisé par 95% des activités
Autres
❌ ✅ Dur à dire, mais la majorité des activités de transformation utilise des tableaux Excel ou des logiciels dédiés
Logiciels bureautique
Suite Office Pas de référencement fait. Aucune visibilité actuellement
Suite LibreOffice

Nos pistes d’amélioration sont donc du côté des logiciels mails et des logiciels métiers.

→ Un des gros chantiers de 2022-2023 est justement le développement et la migration sur Odoo Transfo. Pas pour le côté politique du logiciel libre mais bien de l’amélioration continue d’un même logiciel partagé dans la coopérative.

→ À voir si la dégooglisation de l’équipe « inspire » certaines activités pour se motiver à se dégoogliser. Nous serons là pour les accompagner et continuer à porter le message à qui veut l’entendre.

Bilan humain

À l’heure où nous écrivons (fin octobre 2022), il est trop tôt pour faire le bilan de la sortie de Gmail. Nous comptons d’ailleurs envoyer un nouveau questionnaire dans quelques mois qui nous permettra d’y voir plus clair. Mais nous pouvons d’ores et déjà dire que ce fut clairement l’étape la plus compliquée de la dégooglisation.

Sortir d’un logiciel fonctionnel, performant et joli est forcément compliqué quand on migre vers un logiciel aux logiques différentes (logiciel bureau VS web par exemple) et qui souffre de la comparaison au premier abord. Pour compenser cela, nous avons fait le choix de dédier beaucoup de temps humains (nombreuses formations par mini groupes ou en individuels, réponses rapides aux questions posées) et beaucoup de documentations et de partage de retour d’expériences.

La sortie de Google Drive et Google Agenda furent relativement douces et moins complexes que Gmail. Le logiciel Nextcloud étant assez mature pour assurer un changement plutôt simple et serein.

Ça paraît simple une fois énoncé, mais plus les gens travaillent avec un outil (Google par exemple), plus il sera difficile de les amener à changer facilement d’outil.

Conseil n°5 :
Dans la mesure du possible, la meilleure des dégooglisation est celle qui commence dès le début, par l’utilisation d’outils Libres. En 2022, quasiment tout logiciel a son alternative Libre mature et fonctionnel.
Si ce n’est pas possible, dès que les moyens humains sont disponibles et que la majorité le veut, envisagez votre dégooglisation ?

À Grap, il existe une certaine culture politique de compréhension autour des enjeux du logiciel libre et des GAFAM. Cela nous a aidé. Et cela nous parait quasiment obligatoire avant d’envisager une dégooglisation. Car c’est un processus long où l’on a besoin du consentement – au moins théorique – des gens impactés pour que celleux-ci acceptent de se former à de nouveaux outils, s’habituer à de nouvelles habitudes etc.

Conseil n°6 : avant d’entamer une dégooglisation, faire monter en compétences votre groupe sur les sujets autour du Logiciel Libre et des enjeux des Gafam à travers des projections de films par exemple.
Voici un récap de quelques ressources.

Bilan technique

Voici nos choix de logiciels pour notre dégooglisation :

  • Nextcloud pour la gestion documentaire et le travail collaboratif (agenda, visio, gestion de tâches)
    • complété par Onlyoffice avec une image Docker sans limitation d’usage (pendant 2 ans l’image nemskiller007/officeunleashed puis désormais alehoho/oo-ce-docker-license)
    • sauvegarde quotidienne par le logiciel de sauvegarde Borg
  • BookstackApp et Peertube pour la documentation écrite et vidéo
  • Meshcentral pour la prise en main à distance d’autres ordinateurs
  • Gandi pour le prestataire de mails
  • Thunderbird pour le logiciel bureau pour gérer ses mails (et K9Mail sur téléphone)

Voici nos choix d’infrastructure :

  • OVH et Online  pour la location de serveurs faisant tourner ses services (choix historique)
  • 4 serveurs :
    • 1 serveur dédié Nextcloud de 2To (Gamme Start-1-L Intel Xeon E3 1220v2 @3,1 Ghz, 16Go RAM)
    • 1 serveur dédié Nextcloud Test en miroir du Nextcloud
    • 1 serveur de sauvegarde (mutualisé avec d’autres services de la coopérative)
    • 1 serveur dédié à différents services (Peertube, Meshcentral, Bookstackapp)

Bilan économique

Pour calculer le coût économique de notre dégooglisation commencé en 2018, voici les chiffres retenus.

☀️ Le scénario « Dégooglisation » est celui réellement effectué depuis 2018.
Son coût comprend :

  • le temps de travail du service informatique, découpé en
    • l’aide au collègue habituelle : qui subit une augmentation du fait de l’internalisation de certaines questions, notamment avec le changement de Gmail à Thunderbird
    • le support et administration système des services :
      • toutes les recherches techniques (comment bien gérer les installations, sauvegardes etc.)
      • toutes les questions / réponses par mail et téléphone
    • le « temps de dégooglisation » qui correspond
      • les temps d’écriture de documentation et de formation
      • les mails d’annonce, de relance, de re-re-relance  😉
  • le coût des serveurs informatiques pour faire tourner les logiciels remplaçant les services Google et Teamviewer

🤮 À l’opposé, le scénario Google comprend :

  • le temps de travail du service informatique sur l’aide au collègue – accès stable dans le temps – qui augmente par le nombre de gens dans l’équipe, mais diminue par notre appropriation des logiciels, améliorations de l’existant, documentation etc.
  • la facturation des comptes Google Workspace
    • stable depuis 2018, Google a annoncé cet été l’augmentation de ces prix. Les pauvres n’ont eu que 6% de croissance en 2022 avec 14 milliards de dollars de bénéfices. Passant donc les comptes pro de 4€ à 10,40€/mois à partir de juin 2023.
  • la facturation hypothétique (car elle n’a jamais eu lieu) de Teamviewer Pro
    • En effet, jusqu’à juin 2019, nous utilisions Teamviewer pour aider les activités de la coopérative à distance. Mais notre utilisation intensive ne rentrait plus dans la version gratuite et Teamviewer nous bloquait l’usage du logiciel pour que l’on souscrive à leur abonnement.
    • Heureusement, nous sommes passés sur des logiciels auto-hebergés et libre : RemoteHelp (un logiciel libre abandonné depuis) puis en décembre 2020 sur Meshcentral.

En prenant en compte ces données, le scénario « Dégooglisation » finit par devenir moins cher que le scénario « Google ».
Pour le coût mensuel, cela arrive dès septembre 2022 (quasi à la fin de la sortie de Gmail donc) !  🎉
Pour le coût cumulé, cela devient rentable deux ans après, en septembre 2024 !  🎉

Ces chiffres s’expliquent par :

  • le coût important au démarrage de la sortie de Google Drive
    • 128h passées sur les 5 premiers mois pour valider la solution Nextcloud
  • un temps de support / administration système pour Nextcloud qui baisse progressivement
    • passant de 14h mensuels en 2019, à 9h en 2020, à 5h en 2021, à 3h en 2022
  • le prix de Google qui aurait augmenté (mais on y a échappé avant, ouf !)

Bilan politique

Nous sommes fièr·es en tant que coopérative de porter concrètement nos valeurs dans le choix de nos logiciels qui sont plus que de simples outils.

Ces outils sont porteurs de valeurs démocratiques très fortes. Nous ne voulons pas continuer à engraisser Google – et autres GAFAM – de nos données privées et professionnelles qui les revendent à des entreprises publicitaires et des états à tendance anti-démocratique (voir les révélations Snowden, le scandale Facebook-Cambridge Analytica). Cela est en contradiction avec ce que nous prônons : la coopération, de l’entraide et le lien humain.

Nous avons besoin d’outils conviviaux, modulables et modifiables selon qui nous sommes. Nous avons besoin de pouvoir trifouiller les outils que nous utilisons, comme nous pouvons trifouiller un vélo pour y réparer le frein ou y rajouter un porte-bagages. Des outils émancipateurs en somme, qui nous empouvoire et ne rendent pas plus esclave de la matrice capitaliste.

Notre démarche n’aurait pas pu avoir lieu sans le travail et l’aide de millions de personnes qui ont construit des outils Libres, des documentations Libres, des conférences et autres vidéos Libres. Elle n’aurait pas eu lieu non plus sans l’inspiration de structures comme Framasoft ou la Quadrature du Net. Merci.

 🍎 La route est longue, la voie est libre, et sur le chemin nous y cueillerons des pommes bios et paysannes.  🍏

Encore un grand merci aux informaticiens du GRAP pour leur travail de documentation sur cette démarche. D’autres témoignages de Dégooglisation ont été publiés sur ce blog, n’hésitez pas à prendre connaissance. Et si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !

 




La dégooglisation du GRAP, partie 2 : Au revoir Google Agenda et Gmail

On vous a partagé la semaine dernière la première partie de la démarche de dégooglisation du GRAP qui vous invitait à découvrir comment iels avaient réussi à sortir de Google Drive. Voici donc la suite (mais pas la fin) de ce récit de dégooglisation qui nous permet de prendre conscience que ce n’est toujours facile de sortir des griffes de ces géants de la tech. Bonne lecture !

Dans l’épisode précédent…

En janvier 2020, après plus d’un an à avoir pris la décision de passer sur Nextcloud en remplacement de Google Drive, la migration était officiellement finie ! Mais voilà, nous passions encore pas mal de temps à ouvrir un onglet Google pour consulter nos agendas, ainsi que nos mails pour les personnes utilisant Gmail en ligne.

/2021/ Fini Google Agenda, go Nextcloud Agenda

Fin septembre 2020, nous décidons collectivement de passer sur l’agenda Nextcloud. Nous nous laissons 3 mois pour commencer l’année 2021 sur le nouvel outil. Quelques personnes (notamment le pôle informatique) vont alors tester en conditions réelles Nextcloud Agenda.

Le challenge est sympa car nous décidons de faire ça en pleine migration d’Odoo de version 8 à la version 12, qui est le résultat de pas moins de 1000 heures de temps de travail et 294 tests de non régression.

L’export de données de Google Agenda se passe relativement bien, et l’import sur Nextcloud Agenda aussi. Les seuls soucis viennent de soucis d’exportation d’évènements récurrents du côté Google. On demande alors de recréer ces évènements du côté de Nextcloud Agenda.

Début 2021, la migration n’est pas possible pour trop de monde dans l’équipe : nous décidons de nous donner du mou et de fixer une date de bascule au 29 mars 2021 après que certains temps collectifs soient passés (l’assemblée générale notamment).

Une procédure est écrite pour que chaque personne s’autonomise dans sa migration, mais la majorité de la migration se fait collectivement à la date choisie du 29 mars :

  • export de l’agenda Google
  • import dans l’agenda Nextcloud
  • partage de son agenda au reste de l’équipe
  • (optionnel) synchronisation de l’agenda avec Thunderbird
  • création des agendas partagés pour les salles de réunion

Tout est documenté ici : https://librairie.grap.coop/books/nextcloud/page/agenda-nextcloud

Depuis avril 2021, nous sommes donc officiellement toustes sur Nextcloud Agenda.

L’application reçoit régulièrement des mises à jour porteuses de fonctionnalités bien chouettes (corbeille, recherche d’évènements, recherche d’un créneau de disponibilité), ou de corrections de bugs.

/2021-22/ La transformation complète : sortir de Gmail

Nous voilà arrivé·es à la dernière étape qui nous permet de sortir des outils Google pour l’équipage (nouveau nom de l’équipe interne). La plus dure. Même si cette étape ne concerne « que » les membres de l’équipage, cette transformation fut la plus longue à mener.

Pourquoi ? Parce que :

  • le mail est l’outil principal de la majorité des salarié·es de l’équipe qui l’utilisent toute la journée
  • Gmail est très performant, notamment dans la recherche de mail
  • certain·es personnes ont jusqu’à 10 ans d’habitudes de travail avec Gmail

D’ailleurs, on l’a constaté empiriquement, les personnes les plus anciennes de Grap furent les personnes les plus compliquées à faire transiter. Autant du point de vue technique (transférer 10 ans de mail est forcement plus compliqué que pour une personne arrivée récemment) que des habitudes prises sur le logiciel.

Conseil n°1 : plus on s’y prend tôt à se dégoogliser, moins ça sera compliqué dans la conduite du changement de logiciel.

🌱 Été 2021 – Trouver la solution technique remplaçante

Gandi pour la gestion de l’hébergement de mail

Nous travaillons avec Gandi pour la majorité des activités de Grap afin de gérer leur nom de domaine et leurs mails. Pourquoi Gandi ?

  • Gandi est engagé depuis longtemps dans le respect de la vie privée
  • Gandi est une entreprise qui roule à priori bien sur laquelle on peut compter sur la durée
  • Gandi a un support de qualité qui répond rapidement à toutes nos demandes (et ce fut bien utile lors des moments de doute technique pour cette dégooglisation)
  • Gandi est une entreprise française qui paye à priori ses impôts en France  😉

Thunderbird comme logiciel bureau

Thunderbird va être notre pierre angulaire pour cette dé-gmail-isation. Autant pour permettre le transfert des mails de Google à Gandi, que pour travailler ses mails pour la suite. Ce fut une évidence de partir sur Thunderbird au début.

  • Ce logiciel libre est complet. Peut-être même trop complet, ce qui rend son ergonomie critiquable.
  • Ce logiciel est aussi assez ancien, ce qui lui donne une bonne robustesse. Peut-être trop ancien, ce qui rend son ergonomie critiquable  😉
  • Ce logiciel a une communauté importante qui développe de très nombreux modules complémentaires (à voir ici) qui viennent se greffer à Thunderbird pour apporter une myriade de possibilités.

Quelques mois plus tard, après la prise en main de certain·es utilisateur·ices, et de leur critique légitime, on s’est senti obligé de réaliser un banc d’essai (benchmark), qui validera définitivement ce choix.

Le benchmark pour choisir notre logiciel de bureau pour la gestion des emails

Les critères suivants ont été retenus :

  • logiciel libre
  • fonctionne sur Linux Ubuntu et Windows
  • communauté vivante et grande
  • modèle économique viable
  • installation simple
  • rempli les fonctionnalités de base demandées par les collègues (voir plus tard dans le texte)

🌿 Automne 2021 – Identifier les besoins et fonctionnalités utilisées

Pour être certain de pouvoir sortir de Google, il faut s’assurer que les collègues vont retrouver leurs petits, ou que l’on assume collectivement que l’on perdra des usages / fonctionnalités en passant sur Thunderbird.

Pour cela, nous envoyons un sondage qui nous permet d’y voir plus clair sur les fonctionnalités utilisées par l’équipe pour ajuster nos formations, documentations et recherches de modules complémentaires dans Thunderbird.

Réponse à la question « Quelles fonctionnalités mail utilises-tu actuellement ? »

 

Réponse à la question « Quelles fonctionnalités mail AIMERAIS-tu découvrir ou utiliser ? »

Sur la question « Sur une échelle de 0 à 6, est-ce que tu souhaites être précurseur·se de ce changement ? (0 : non / 6 : trop chaud·e)« , la moyenne et la médiane est à 3,5. Les gens sont donc.. moyennent chaud·es en général !

⚠️ Voici les points les plus bloquants pour un passage sur Thunderbird selon notre analyse :

  • les mails ne sont pas gérés sous la forme de fils de conversation
  • la recherche Thunderbird est laborieuse et pas aussi précise et rapide que Gmail
  • la peur de perdre des mails anciens
  • l’ergonomie de Thunderbird, notamment la différence de fluidité par rapport à une page web comme Gmail

Pour réussir ce changement de logiciel, il faut que les étapes soient claires et transparentes pour les utilisateur·ices. Cela leur permet de se projeter : « ok dans 6 mois / 1 an je change d’outil et je sais à peu près ce qui m’attend ! ».

Après ce premier sondage, un calendrier a donc été partagé, indiquant les différentes dates menant à la dégooglisation de tout le monde.

🪴 Automne – Hiver 2021 – Formation et Documentation Thunderbird

4 personnes sur 20 utilisent déjà Thunderbird. Pour les 16 autres, nous prévoyons d’étaler les formations par petits groupes sur 3 mois : les personnes les plus intéressées commencent dès mi-octobre, et les personnes les plus frileuses seront formées en janvier, ce qui nous laissera le temps d’avoir des retours, d’ajuster la formation et la documentation.

La formation suit le programme que vous pouvez retrouver ici :

  • une aide à l’installation de Thunderbird et du paramétrage du compte Gmail
  • une présentation globale de l’outil
  • une présentation des fonctionnalités de base
  • des conseils globaux d’utilisation et la présentation des meilleurs modules complémentaires.

La documentation va jouer un rôle très important dans la dégooglisation. Et dès septembre, on va mettre le paquet pour tout bien documenter.

✊ Dégooglisation – sortir de Gmail → https://librairie.grap.coop/books/mail/chapter/degooglisation-sortir-de-gmail
📪 Tutos Thunderbird 💻 → https://librairie.grap.coop/books/mail/chapter/tutos-thunderbird

Ce travail de plusieurs mois va être itératif : chaque formation apporte son lot de questions, ou de bugs, ou de besoins qu’il faut alors documenter et faire repartager à tout le monde. De nombreux points mails (ou des messages informels) sont envoyés à l’équipe pour leur faire part des retours, de l’avancée et des nouveaux modules complémentaires ou paramétrages trouvés pour faciliter l’utilisation de Thunderbird.

🙊 Une difficulté anticipée mais relou : le lien Thunderbird – Gmail

Thunderbird a des défauts indéniables. Mais dans cette dégooglisation, on n’est pas aidé par Gmail qui aime bien avoir des comportements… embêtants. Une de ses particularités est le traitement des mails dans un dossier appelé « Tous les messages ». Pour citer la doc officielle de Thunderbird :

Tous les messages : contient une copie de tous les messages de votre compte Gmail, en incluant le dossier « Courrier entrant », le dossier « Envoyé » et les messages archivés.

Donc si vous avez 10 000 messages entrants et sortants, Thunderbird va télécharger 20 000 mails. Sachant qu’on retrouve tous ses mails dans Courrier entrant et Envoyés, ce dossier ne sert donc à rien. Après plusieurs semaines d’utilisation, et certains ralentissements au lancement de Thunderbird, nous avons fini par conseiller aux gens de se désabonner de ce dossier.

D’autres conseils seront documentés par la suite ici : https://librairie.grap.coop/books/mail/page/thunderbird-et-gmail

☘️ Avril 2022 – Premier bilan et questionnement technique

Le calendrier des formations a été quasiment tenu. C’est seulement en janvier que certaines formations n’ont pas eu lieu, du fait de difficultés professionnelles rencontrées dans certains pôles de l’équipe. Il ne restait alors que 2 personnes à former.

Mais entre temps, Quentin qui est responsable de cette dégooglisation, est parti en congés sans solde en février-mars. La décision avait été prise de ne pas se presser avant son départ et de faire le point en avril, nous y voilà.

  • 2 personnes non formées en janvier + 2 arrivées
  • Certaines personnes de l’équipe n’ont pas pris le pli et sont revenues un peu / beaucoup sur Gmail
  • Un tableau partagé a fait remonter les problèmes soulevés :
    • La plupart peuvent être réglés par contournement ou par une meilleure documentation.
    • La recherche de mails est laborieuse.

Nous décidons de :

  • former les gens qui ne l’ont pas été
  • continuer à documenter et informer des meilleurs modules et petits paramétrages qui changent la vie
  • s’interroger sur pourquoi certaines personnes n’ont pas pris le pli
  • demander l’avis des membres de l’équipe sur Thunderbird et la dégooglisation en cours
  • faire un benchmark des solutions (voir si Thunderbird est vraiment le cheval gagnant)
  • s’assurer et valider le processus technique de bascule qu’il faudra faire (le voici)
  • prendre une décision lors de notre comité de pilotage informatique qui arrive

Conseil n°2 : Nous prenons aussi la décision que Quentin ne soit pas le seul porter ce projet. Il ressent une charge mentale et une certaine pression à gérer les retours des personnes en difficulté. Pour ne pas non plus tomber dans une posture de l’informaticien libriste qui impose le choix, et pour bien affirmer que nous prenons des choix collectivement, nous allons dé-personnifier le projet. Désormais le travail sera soutenu et partagé avec Sandie, et les mails signés par le pôle informatique.

⚡ Mai 2022 – La recherche boostée à notre rescousse !

Enfin ! Nous avons trouvé un moyen de répondre aux soucis de recherche sur Thunderbird. Avec un habile mélange de dossier virtuel et d’un module complémentaire de recherche avancée, nous parvenons à lier rapidité et complexité de recherche !

Nous le documentons dans la partie 4 de ce tuto : https://librairie.grap.coop/books/mail/page/recherche-mail-booste

🍀 Juin 2022 – Deuxième bilan : on y va, on sort de Google ?

Notre comité de pilotage ne prend pas une décision ferme. On continue juste à valider de travailler sur cette dégooglisation. En dehors de tous les aspects politiques, en sortant de Google, nous allons cesser de payer 2000€/an pour les comptes pros que nous avons, et c’est toujours ça de gagné dans un moment de crise économique !

Deux mois plus tôt, nous avions envoyé ce formulaire à l’équipe, commenté par cette phrase qui résume son intention « Vive le consentement, à bas la coercition 🌞 » pour prendre la température de l’équipe sur l’utilisation de Thunderbird. Voici notre analyse résumée des résultats :

🔴 les personnes n’ayant pas encore franchi l’étape Thunderbird sont :

  • une grande partie d’un pôle en surcharge
  • les « ancien⋅nes » qui sont là depuis longtemps

🔴 les difficultés principales vis-à-vis de l’outil sont :

  • la recherche de mail
  • le changement d’usage ergonomique
  • des problèmes liés à la connexion avec Google
  • des besoins spécifiques non fonctionnels (invitation Outlook)
  • des problèmes spécifiques réglés depuis (soucis d’antivirus, paramétrage mail d’absence, etc.)

✅ l’équipe est chaude pour sortir de Google !

✅ l’équipe se sent bien accompagnée à ce changement.

☑️ une minorité de l’équipe (3~4 personnes) ne se sent pas sécurisée ou perd quelques minutes par jour à l’utilisation de Thunderbird. Ces 3~4 personnes se recoupent avec les personnes utilisant Gmail. Nous pensons qu’avec l’usage et les améliorations du logiciel, nous parviendrons à améliorer ça.

⭕ les personnes revenues sur Gmail l’expliquent par :

  • « la flemme »
  • un mauvais timing / mauvais paramétrage au début
  • pôle ou personne avec grosse charge de travail

Nous décidons alors :

  • de réaliser deux sessions de formation à la recherche boostée  ⚡
  • de travailler sur la solution d’application smartphone adéquate pour sortir de l’application Gmail
  • de redonner une formation aux 5 personnes qui n’ont pas fait le switch afin qu’elles y arrivent
  • de fixer la date de sortie de Google : cela sera la 1ère ou 2ème semaine d’août
  • de commencer à créer toutes les boîtes mails et redirections mails nécessaires

Conseil n°3 : Nous avions 17 boîtes mails à recréer et 80 redirections de mails assez complexes à réaliser. C’est un travail fastidieux qui demande de se concentrer pour ne pas louper un mail dans la redirection mail créée. Car non, il n’existait pas d’export Google des « groupes Google » que nous utilisions. Le conseil est donc le suivant : partagez le travail 🙂 Merci Sandie pour ce gros taf !

🚀 Juillet 2022 – la bonne nouvelle : Thunderbird s’améliore

Alors que nous venions de fixer le créneau de départ de Google (début août), Thunderbird sort sa dernière version (la 102), le 29 juin. Cette version apporte de très nombreuses améliorations ergonomiques, rendant le logiciel bien plus agréable à utiliser. Et quand on utilise un logiciel toute la journée, ce n’est pas un petit détail que de pouvoir modifier la taille d’affichage, la taille de police, les couleurs des dossiers mails ou encore une gestion des contacts totalement re-désignée. Leur annonce officielle ici.

Et les bonnes nouvelles s’enchaînent :

  • Thunderbird annonce rejoindre le projet K-9 Mail pour une application libre sur Android qui va donc s’améliorer encore plus vite !
  • Et leur feuille de route de modifications futures sont très très prometteuses pour répondre aux soucis les plus courants :
    • des fils de conversations natifs !
    • une ergonomie qui s’améliore de jour en jour avec notamment l’affichage des mails sur plusieurs lignes
    • une synchronisation de son compte qui permettrait d’avoir deux Thunderbird sur deux ordis différents

🌸 Voici à quoi pourrait ressembler Thunderbird en mi-2023 🌸

🌲 9 Août 2022 – Le fil rouge sur le bouton rouge..

Depuis quelques mois, on discutait avec Gandi pour nous assurer que la procédure était la bonne. Quel plaisir d’avoir des gens qui répondent rapidement à ces demandes. Merci ! Nous étions donc plutôt prêts pour ce switch. Le mardi 9 août à 22h, alors que les collègues sont pour la plupart en vacances, on change les DNS du domaine grap.coop (DNS = règles techniques qui disent ce qui se passe avec grap.coop) pour débrancher Google et brancher Gandi.

Le mardi 9 août à 23h50, après quelques tests d’envoi et de réception de mails, j’annonce officiellement que tout semble fonctionner comme prévu. Les mails de Gandi partent bien. On reçoit bien les mails sur la nouvelle boîte mail. Le monde n’a pas cessé de tourner. Victoire !

Grap vs Google, allégorie

🙊 Une difficulté pas anticipée : l’envoi de mail par notre logiciel Odoo [tech]

En créant toutes les boîtes mails sur Gandi, nous nous étions rendu compte des cas particuliers (des personnes qui avaient un compte mail mais qui n’étaient pas ou plus dans l’équipe par exemple) mais ce n’est que tardivement qu’on a réalisé que la boîte mail serveurs <arobase> grap.coop servait de boîte d’envoi à l’ensemble des mails du logiciel Odoo utilisé par les 65 activités. Comment cela allait se comporter en passant chez Gandi ? Deux soucis sont encore en cours :

1 – L’usurpation d’identité
  • En fait, chaque activité envoie ses bons de commandes et factures depuis Odoo. Odoo utilise une seule boîte mail serveurs grap.coop mais lors de l’envoi, prend l’identité de l’activité qui envoie un mail.
  • Cette « usurpation d’identité » était bien acceptée car nous étions chez Google. Mais avec le passage chez Gandi, cette usurpation d’identité n’est plus acceptée par les boîtes mail à la réception si celles-ci sont chez Google.
  • L’activité a un mail d’envoi géré par Gandi → envoi par serveurs qui est géré par Gandi → OK
  • L’activité a un mail d’envoi géré par Google / OVH / Ecomail etc. → envoi par serveurs qui est géré par Gandi → NOK si à la réception la personne utilise Google.

La solution future : améliorer l’envoi de mail sur Odoo pour que chaque activité puisse envoyer avec les informations de sa vraie boîte mail.

2 – Les mails envoyés par les serveurs <arobase> grap.coop ne sont pas automatiquement enregistrés dans le dossier Envoyés
  • À priori, l’envoi de mail n’est pas totalement bien développé et il manque quelques informations dans le mail pour que celui-ci soit bien mis dans le dossier Envoyés.
  • Mais avec Google, cela fonctionnait. Il devrait réussir à comprendre qu’un mail partait de sa boite mail, et il le plaçait le mail dans le dossier Envoyés. Ce qui était pratique pour vérifier que le mail était bien parti.

La solution future : améliorer l’envoi de mail sur Odoo pour que le mail arrive dans le dossier Envoyés.

🙊 Un comportement pas anticipé : Google, le mort-vivant

Malgré la déconnexion technique du nom de domaine grap.coop avec Google, il était encore possible de se connecter à Gmail et d’envoyer des mails. Alors certes, les réponses n’arrivaient plus sur Gmail, mais cela permettait encore aux irréductibles de résister au changement ! 😛

Surtout, même après avoir supprimé le compte Google sur Thunderbird (n’ayant alors que le compte Gandi), un paramétrage technique (le serveur SMTP d’envoi) faisait que les mails envoyés l’étaient par le serveur Google.

Donc au moment de la suppression réelle du compte Google, l’envoi par Thunderbird était bloqué. Ce n’est pas un gros souci, mais nous avons documenté le petit changement à faire.

🐢 Septembre 2022 – La fin de la route est longue, mais la voie est libre

Après la dégooglisation technique, place à la dernière étape, supprimer réellement les comptes Google. Chaque personne devait suivre un tutoriel nommé « Google débranché 💃🕺 La suite ✌️ » comportant ces étapes :

  • 🧹 Nettoyer derrière soi
  • 🚪 Fermer la porte
  • 🔧 S’assurer que l’on envoie ses mails avec les bons paramétrages
  • 🫑 Embellir son nouveau jardin
  • 📫 Découvrir le webmail (logiciel en ligne) de Gandi
  • 📱 Connecter son ordiphone
  • 💥 Quitter définitivement Google

Il a fallu 2 mois pour que les 30 personnes concernées suivent réellement ce tutoriel – voire rattrapent leur « retard » pour sortir leur mail de Google. Ce fut l’une des étapes les plus chronophages en termes de relance, de suivi personnel, de questions / réponses, de gestion de cas particuliers (certaines personnes n’avaient pas pu transférer leur mail à cause d’une connexion Internet trop faible par exemple). C’est aussi à ce moment que l’on devait bien vérifier qu’aucune autre donnée n’était encore stockée sur Google Drive / Google Photos / Agenda etc., ce qui a ralenti quelques personnes.

Conseil n°4 : pour motiver chaque personne à passer le pas, communiquer de façon informelle et encourageante !

💀 Octobre 2022 – Au revoir Google, tu ne vas pas me manquer

Même si nous avons tout fait pour être coercitifs, certaines personnes ont besoin de date limite pour prioriser leur travail. Trois semaines avant, la date butoir du 07 octobre est donc fixée pour motiver les dernières personnes.

🎄 Novembre 2022 – Jusqu’au bout !

La première date butoir et les nombreuses relances n’ont pas suffi à faire remonter en priorité n°1 à tou·te·s les collègues de sortir de Gmail.

Comme nous ne sommes pas des grands méchants, et que nous comprenons les difficultés et calendrier de chacun·e, nous redonnons du rab : le mardi 23 novembre. La veille de la fête des 10 ans de Grap, cela semble une date symbolique et assez lointaine pour réellement partir. Pour de bon.

Le mardi 23 novembre, à 13h35, nous étions 5 à nous réunir autour d’un ordinateur, observant ce moment… un peu stressant, comme quand on part d’un lieu en espérant n’y avoir rien oublié. À 13h43, Google était derrière nous.  ✊

To be continued…

Dans la troisième (et dernière) partie, nous continuerons notre récit de dégooglisation en faisant le bilan de cette démarche. A la semaine prochaine !

Si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !




La dégooglisation du GRAP, partie 1 : La sortie de Google Drive

A l’été 2020, nous avons commencé à publier une série d’articles faisant le récit de démarches de transitions numériques éthiques réalisées au sein de plusieurs organisations. Nous avons mené les interviews de 3 structures (WebAssoc, l’Atelier du Chat Perché et la maison d’édition Pourpenser) et puis… ça s’est arrêté. Il y avait sûrement quelque chose de plus urgent à faire ensuite… ou peut-être que le second confinement fin 2020 nous a démotivé. Peu importe la raison en fait, l’important est qu’on s’y remette !

On a donc sauté sur l’occasion lorsque le GRAP (Groupement Régional Alimentaire de Proximité), une coopérative réunissant des activités de transformation et de distribution dans l’alimentation bio-locale, a publié le récit de sa dégooglisation. Nous reproduisons ici ce long texte en trois parties pour vous partager leur expérience.

 

De 2018 à cette fin 2022, nous avons travaillé à Grap à notre dégooglisation. Nous vous proposons ce long texte en trois parties pour vous partager notre expérience.

Son premier intérêt est de laisser une trace du travail fourni et d’en faire le bilan.
Le deuxième intérêt est de partager cette expérience à d’autres structures qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure.

Nous partageons dans ce texte les processus mis en place, les différentes étapes de cette dégooglisation, les difficultés rencontrées et quelques conseils.

Pour toute question ou retour, vous pouvez contacter le pôle informatique de Grap : pole-informatique <arobase> grap.coop

Bonne lecture et longue vie aux outils numériques émancipateurs et Libres !  🚲

Au début de Grap en 2012…

Il y a 10 ans, Grap naissait en tant que SCIC – Société Coopérative d’Intérêt Collectif. En 2012 est écrite une 1ère version du préambule des statuts qui décrit l’intérêt collectif qui réunit les associé·e·s de la SCIC. Ce préambule présentait alors que Grap aller « Contribuer au développement d’activités économiques citoyennes et démocratiques, c’est-à-dire […] travaillant dans une logique de partage des savoirs, en phase avec la philosophie Creative Commons ».

Cette 1ère référence au monde du Libre est complétée et enrichie 5 ans plus tard à l’occasion d’une révision du préambule des statuts, en 2017. Désormais le préambule des statuts indique que Grap entend :

Contribuer au développement d’activités économiques citoyennes et démocratiques […] promouvant l’économie des biens communs, c’est à dire :

  • Travailler dans une logique de partage des savoirs, en phase avec la philosophie Creative Commons
  • Promouvoir, contribuer et utiliser des logiciels libres au sens de la Free Software Foundation ; minimiser l’utilisation de logiciels sous licences privatives
  • Promouvoir, contribuer et utiliser des solutions informatiques qui n’exploitent pas de façons commerciales les données des utilisateurs et qui respectent leurs vies privées

Notre démarche de dégooglisation s’inscrit donc dans la continuité des choix politiques portés par les associé·e·s de la coopérative depuis sa création. Par dégooglisation, nous entendons ici le remplacement des logiciels propriétaires – qu’ils soient détenus par les GAFAM ou non – par des logiciels Libres.

Dès le début, il est décidé d’internaliser une partie de l’informatique au sein de l’équipe qui rend les services aux activités de la coopérative. [À Grap, nous utilisons le terme d’activité pour désigner les entreprises associées à Grap et les activités économiques de la Coopérative d’Activités et d’Emploi]. La majorité du temps informatique sera dédié au développement du progiciel libre OpenERP (nommé désormais Odoo) pour gérer la première activité d’épicerie (3 P’tits Pois à Lyon) de la coopérative.

Par pragmatisme économique et choix stratégique, les autres outils de la coopérative ne sont pas choisis par le critère de logiciel Libre ou non. Ainsi, la coopérative va utiliser Google Drive, Google Mail, Google Agenda, et aussi d’autres logiciels spécifiques comme EBP pour la compta ou Cegid Quadra pour la paie.

2018-2020/ Sortir de Google Drive pour Nextcloud

Après le départ d’un des cofondateurs et d’un informaticien en 2014, le service informatique va fonctionner avec 1 seule personne jusqu’à fin 2017. Sylvain Le Gal va alors consolider le périmètre existant (gestion d’une eBoutique, développements spécifiques à l’alimentaire dans OpenERP, connexion avec des balances client·es et migration de OpenERP 7.0 à Odoo 8.0).

Fin 2017, l’embauche de Quentin Dupont permet de gagner en temps de travail disponible et d’agrandir le périmètre des services du pôle informatique.

🌻 L’été 2018 pour valider l’alternative à Google Drive

Le choix du logiciel remplaçant se fait très facilement : Nextcloud est LA solution Libre qui s’impose autant par sa prise en main relativement simple pour des utilisateur·ices de tout niveau, que par l’engouement de sa communauté et son administration alors maîtrisée par le pôle informatique.

Il faut quand même s’assurer que toutes les fonctionnalités utilisées actuellement trouvent leur équivalent. Grâce aux différentes applications existantes sur Nextcloud, les différents besoins se retrouvent bien couverts.

🌸 À l’automne 2018, on prend la décision de sortir de Google Drive

Un changement de logiciel peut être l’occasion de revoir ses pratiques. Nous en profitons pour revoir notre arborescence de fichiers et de dossiers. Nous créons alors :

  • Un compte Nextcloud par :
    • personne physique de l’équipe interne
    • personne physique des activités qui ont des mandats particuliers (administrateur·ice au CA par exemple)
    • activité de la coopérative (donc par « personne morale ») et non pas par personne physique de la coopérative pour différentes raisons :
        • de nombreuses activités partagent réellement leurs ordinateurs tout au long de la journée
        • aucun intérêt à ce que chaque personne ait son compte, cela rajouterait une dose énorme de suivi de création de compte, de support, etc.
        • ce choix vient avec une limite : l’accès aux documents personnels avec le pôle social n’est pas possible
  • Un « groupe » Nextcloud pour chaque groupe autonome
    • un groupe par pôle de l’équipe interne
    • un groupe par mandat : DG, CA
    • un groupe par activité de la coopérative – regroupant le compte de la personne morale + les comptes des personnes physiques de cette activité qui ont des mandats particuliers.
  • Des dossiers communs pour travailler collaborativement
    • entre pôles de l’équipe
    • entre membres de la coopérative
    • entre mandataires (DG ou CA)

structure des dossiers NC au GRAP
La structure de dossiers présentée en nov. 2018 et qui est en place depuis.

Avec Nextcloud, nous avons donc pu créer une architecture plutôt simple pour les utilisateur·ices mais permettant de répondre aux complexités du travail collaboratif entre des profils bien différents.

Grâce aux droits d’accès paramétrables finement, le Nextcloud permet ainsi d’offrir plus de transparence et de collaboration dans la coopérative, que ce soit par les dossiers partagés totalement ou, à l’inverse, les dossiers dont l’accès n’est possible qu’en lecture sans possibilité de modifier.

💮 2019 – 2020 : la dégooglisation de 150 personnes dans 50 activités

Google Drive n’est pas seulement utilisé par l’équipe interne. L’outil est partagé à l’ensemble de la coopérative. C’est à dire à une cinquantaine – à l’époque – d’activités indépendantes, allant de l’entrepreneuse seule à la petite équipe de 10 personnes.

Il faut donc embarquer tout le monde dans ce changement.

  • Politiquement/théoriquement pas de soucis. Les méfaits de Google sont connus de la majorité des gens et théoriquement, nous n’avons jamais eu de désaccords sur l’idée de sortir de Google Drive.
  • En pratique, Google Drive s’avère être plutôt lourd à l’utilisation, pas bien maîtrisé ni maîtrisable, surtout concernant la gestion des partages qui est un véritable enfer (« Qui est le fichu propriétaire de ce fichier dont le propriétaire originel est parti de la structure / n’a plus de compte Google ? »).

En allant sur Nextcloud, nous allions maîtriser – et donc être responsables – des données de la coopérative, nous allions retrouver de la souveraineté et de la compétence sur le sujet.

Au printemps 2019, nous changeons aussi d’outil de documentation. Pour sa simplicité d’utilisation et son ergonomie générale, nous choisissons le logiciel Libre BookstackApp. Depuis, notre librairie tourne toujours aussi bien et héberge notre documentation informatique mais aussi toute la documentation stable de la coopérative.

Depuis 2020, la documentation informatique est librement consultable ici : https://librairie.grap.coop/shelves/informatique

💩 Une première difficulté : l’export des données de Google

L’export fut en effet très compliqué, trop compliqué pour un logiciel conçu par l’une des entreprises les plus puissantes au monde. L’export des données d’un Google Drive (à l’époque en tout cas) est extrêmement long et très peu sécurisant : Google fournit l’export en archives coupées en plusieurs parties (du style « ARCHIVE-PART01 » « ARCHIVE-PART02 »), archives dont une partie… pouvait être manquante (ex : on a la partie 01, 02, 04, 05 mais pas la partie 03), nécessitant de refaire un export entier.

Nous avons donc passé de nombreuses heures à exporter les données, puis nous les avons sécurisées sur un disque dur externe, avant de les envoyer sur notre Nextcloud.

🚀 Et tu formes formes formes, c’est ta façon d’aimer

Pour réussir à dégoogliser la coopérative, pas de miracle, on a enchaîné la formation des activités une à une, en mutualisant des formations par territoire géographique.

Chaque formation durait environ 1h30. En 2019, nous avons passé environ 150 heures de travail à la formation, l’accompagnement et la documentation de cette étape de dégooglisation (+ les heures techniques, voir bilan financier à la fin de ce récit). L’ensemble de la documentation – qui est un travail continu – est consultable ici : https://librairie.grap.coop/books/nextcloud

En janvier 2020, soit plus d’un an après la décision de passer sur Nextcloud, la migration était officiellement finie ! 🎉

🙊 Une difficulté pas anticipée : les limitations d’Onlyoffice pour les commandes groupées

Tout allait bien dans la dégooglisation progressive de la coopérative. Au cours de l’année 2019, la moitié de la coopérative utilise désormais Nextcloud au lieu de Google Drive !

Un des avantages de la coopérative pour les activités est de pouvoir mutualiser de nombreux sujets. Un de ces sujets est l’approvisionnement en produits artisanaux en circuits courts grâce à une logistique interne – Coolivri. Cette logistique s’appuyait à l’époque sur un GROS fichier tableur en ligne sur Google Drive.

Le 2 août 2019, une première commande groupée d’oranges et d’agrumes est lancée sur le Nextcloud et toutes les prochaines commandes groupées vont débarquer sur le Nextcloud, géré par l’application Onlyoffice.

Et c’est vers cette période que l’on se rend compte que l’application disponible d’Onlyoffice a une limitation : pas plus de 20 personnes connectées simultanément sur l’ensemble des fichiers collaboratifs du nuage ! À l’époque nous devions avoir une soixantaine d’utilisateur·ices et une équipe interne qui l’utilise toute la journée : ce n’était pas tenable.

mème limitations OnlyOffice

Cette limitation n’est pas technique, mais bien un choix délibéré de l’entreprise développant le logiciel pour amener à payer une licence permettant d’accéder au logiciel sans limitation. Un modèle freemium en soi. Cette question du modèle économique et de ce qu’est un « vrai » logiciel libre est bien sûr compliqué, et amènera de nombreux débats dans les forums de discussion de Nextcloud.

Fin 2019, nous nous questionnons réellement sur le fait de payer cette licence (coût à l’époque : ~1500€ en une fois pour 100 utilisateur·ices simultanées).

Après avoir écumé les Internets, contacté toutes les structures amies qui auraient la même problématique, la solution vient finalement de la communauté elle-même qui est partagée sur le fait de contourner cette limitation qui constitue le modèle économique de l’entreprise développant Onlyoffice. Un développeur bénévole a réussi à reproduire le logiciel (légalement car le logiciel est Libre) en enlevant cette limitation !

Depuis, nos commandes groupées ont été rapatriées sur Odoo grâce à un gros développement interne, en faisant un outil beaucoup plus résilient et solide. Et nous continuons d’utiliser Onlyoffice dans des versions communautaires trouvées par ci par là.

Google en 2022 s’inquiète 😉

To be continued…

Dans la seconde partie, nous continuerons notre récit de dégooglisation, nous permettant de nous débarrasser de Google Agenda puis du mastodonte.. Gmail !

Si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !




Frama.space : du cloud pour renforcer le pouvoir d’agir des associations

Framasoft souhaite mettre à disposition, d’ici 3 ans,  jusqu’à 10 000 espaces « cloud » collaboratifs, gratuitement, à destination des associations et collectifs militants. 40 Go et de nombreuses fonctionnalités à se partager entre 50 comptes sur un espace de type https://monasso.frama.space. Voici pourquoi nous nous lançons ce défi technique, humain, et politique.

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Basé sur la solution collaborative libre Nextcloud, votre espace Frama.space vous permettra de gérer (sur votre ordinateur ou smartphone) :

  • des fichiers de tous types et de les partager
  • des agendas, publics ou privés
  • des contacts
  • des photos (partageables sous forme d’albums)
  • des projets (méthode Kanban)
  • de la documentation (en mode wiki)
  • des visioconférences (jusqu’à une dizaine de personnes)
  • l’édition en ligne ou à plusieurs, de documents bureautiques (textes, feuilles de calculs, présentations, etc.)

Tout ça gratuitement.

Gif de Barack Obama faisant un mic drop

Mais derrière cet objectif technique déjà ambitieux (et coûteux : soutenez-nous !), un autre, politique, l’est plus encore : nous voulons accroître les capacités de collaboration numérique libre de ces structures, afin de renforcer leur pouvoir d’agir.

 

Soutenir ce projet

 

Image d'accueil du service Frama.space, avec une choupi-licorne (choupicorne ?) soufflant des bulles de liberté et de collaboration.
Page d’accueil du service Frama.space. Illustration CC by-sa David Revoy

 

Pourquoi Frama.space ?

Pour comprendre la volonté de Framasoft d’investir autant d’énergie dans un projet aussi ambitieux, il va nous falloir prendre un peu de hauteur et de recul historique sur la question associative.

D’abord, nous affirmons sans ambage que nous constatons, ces dernières années, une volonté politique de l’État de… dépolitiser le champ associatif.

Les gouvernements et les institutions n’apprécient que moyennement de voir des militant·es associatifs leur réclamer des comptes, les bousculer pour lever le voile et élever la voix sur les indignités et injustices. Qu’il s’agisse d’environnement, de logement, de santé publique, etc., les associations sont, depuis la loi de 1901, l’un des fers de lance des luttes sociales.

Afin de leur ôter cette épine du pied, nous assistons depuis des années à une forme de « ringardisation » du statut associatif par les grandes institutions publiques. Pour cela, elles n’ont pas hésité à supprimer les emplois aidés, à réduire le montant des subventions ou à les orienter sur du financement « d’investissement » en finançant des appels à projets spécifiques, plutôt que du financement de « fonctionnement » (participant par exemple aux salaires ou aux frais associatifs, et donc plus pérenne). Le discours ambiant et médiatique décrédibilise peu à peu le rôle et les actions des associations, actrices du contrat social.

À cela s’ajoute un mouvement de « marchandisation » des associations. Elles sont d’une part de plus en plus mises en concurrence, notamment par la communication qui devient un élément central — parfois au détriment des actions associatives — pour pouvoir être plus visibles et compenser la perte de subventions par des crowdfundings, collectes, et campagnes. Framasoft n’y échappe d’ailleurs pas.

D’autre part, le courant de l’entrepreneuriat social engage les associations à copier les modèles de l’entreprise privée jugée plus efficace, plus moderne, plus innovante…

Enfin, de belles saloperies et machineries comme les « contrats à impacts » transforment les associations en blanchisseuses sociales des entreprises du CAC40.

Schéma du Contrat à Impact Social
Vous avez bien compris ce schéma (officiel) du « Contrat à Impact Social » : ce sont des entreprises (pardon « des investisseurs privés » ) qui décident quelles sont les associations (pardon « acteurs sociaux » ) à soutenir, et vont financer leur action (pardon « besoin social » ). Mais cette action sera remboursée par l’État (pardon « puissance publique » ), donc avec nos impôts, à l’entreprise en cas de « succès » 😱 . Vous voyez venir les problèmes que cela pose ? Parce que nous, oui ! Ce fonctionnement dit tellement de choses sur notre société et sa façon de percevoir les associations qu’il mériterait un article à part entière.

 

Mème Drake : "Signer un Contrat à Impact Social" non. "Faire vivre le contrat social" : oui.

 

Mais en plus d’assécher les capacités d’action des associations, il y a maintenant la volonté de les faire « marcher au pas », par exemple en les contraignants à signer des textes tels que le « Contrat d’Engagement Républicain » , aux contours flous et sujet à interprétation, dans lequel les associations doivent s’engager formellement à respecter les lois et les symboles de la République sous peine de se voir refuser toute subvention publique. Cela place de facto toute structure qui, par exemple, refuserait de chanter la Marseillaise, dans une situation où elle pourrait perdre des financements publics.

Pour résumer, on peut dire qu’il y a une volonté à ne garder que les « bonnes » associations : celles qui se tiennent sages et ne viennent pas questionner les pouvoirs en place. Une espèce de paternalisme, si ce n’est de caporalisation, de la part de l’État envers le mouvement associatif. Pas de souci pour les collectivités à soutenir un club de bridge, ou une association sportive d’aïkido. Mais pour les associations d’aide aux migrants, ou pour une association de défense de l’environnement, l’État semble avoir acté que toute structure qui ne va pas dans le sens de sa politique est nécessairement contre lui, et devient potentiellement ennemie.

Dépolitisation, caporalisation, ringardisation, marchandisation sont autant d’attaques contre les libertés associatives, et donc contre leur capacité à faire évoluer le contrat social et la société toute entière.

mème du choix entre deux boutons. Bouton 1 "se vendre aux entreprises", bouton 2 : "se prosterner devant l'État" En dessous, les associations ne savant pas sur quel bouton appuyer.

Or, nous pensons que dans un monde où les crises se multiplient, et sont amenées à se multiplier encore, l’importance des actions de la société civile, et notamment des associations, permettent d’envisager des réponses réellement innovantes et résilientes, adaptées aux terrains, proches des citoyen⋅nes, impliquées, et éloignées des propositions tièdes et centralisées portées par les gouvernements (ex. : numéros verts, Grenelle de MachinTruc, …) ou le système capitaliste (ex : greenwashing, start-ups « à impact », tech « for good »…).

Framasoft est une association, fière de son statut, et souhaite soutenir — autant que possible et dans la mesure de ses moyens — les associations les plus fragiles, mais dont la société a radicalement besoin.

Mais… quel rapport avec le numérique ?

Aujourd’hui, les pratiques collaboratives numériques peuvent permettre aux associations d’être plus réactives et efficaces, en actionnant des réseaux et des personnes plus rapidement, en facilitant l’implication de bénévoles ou de partenaires, en permettant de mieux répartir les pouvoirs et la responsabilité, en encourageant la transparence, etc.

Cependant, ces collectifs et associations sont parfois à la peine avec les outils numériques, qui permettent parfois (ce n’est pas systématique) d’accroître leur pouvoir d’agir. Notamment, elles disposent rarement de parcours de formation adaptés à leurs besoins ou leurs moyens et elles doivent composer avec des niveaux de compétences numériques très différents dans leurs structures.

Par ailleurs, même lorsqu’elles ont des connaissances et des facilités avec le numérique, elles sont poussées à utiliser des outils toxiques (ex : Google Workspace, Microsoft 365, Zoom, etc) dont elles n’ont pas réellement la maîtrise, et qui, surtout, sont rarement en cohérence avec leurs objectifs et leurs valeurs.

Formulé autrement : les associations sont souvent consommatrices d’un numérique pensé par des acteurs qui veulent créer un monde dont les associations ne veulent pas. La réciproque est aussi vraie : le monde rêvé par ces acteurs du numérique ne veut pas d’associations puissantes, politiques, proposant d’autres façons de vivre ensemble.

En effet ces entreprises (notamment les GAFAM) ont une vision du monde très libérale où l’argent compte plus que la générosité. Où le succès compte plus que la solidarité. Où un profit immédiat vaut plus qu’un impact à long terme sur la planète.

Leurs outils comportent donc, dans leur code même, une partie de cette vision du monde. Et les utiliser revient non seulement à renforcer le pouvoir de ces entreprises et à leur donner raison, mais empêche aussi le développement de pratiques adaptées à des structures dont l’objet n’est pas la croissance ou le profit.

Les associations sont passées en « mode survie »

Les associations sont coincées entre ces entreprises qui les utilisent pour blanchir leurs pratiques, et l’État qui a rompu la confiance avec elles en jouant du bâton et de la carotte. Elles sont passées en mode « survie ».

Nous pensons qu’il s’agit réel danger pour une société bien portante et une démocratie vivante. Mais c’est peut-être, aussi, une occasion d’agir.

Alors : on fait quoi ?

On prend un risque.

On tire la langue au diable. On lui montre qu’on existe, qu’on est là, et qu’on est prêt à en découdre, comme à se lever et se casser. Qu’il ne nous impressionne pas. Qu’on est libres.

Pour Framasoft, à notre modeste hauteur, cela se traduit par un acte qu’on pense politique, une « recette » en quatre étapes : 1) rendre visibles les alternatives ; 2) faciliter leur découverte et leur usage ; 3) aider à faire émerger des communautés ; 4) participer avec humilité à leur donner du pouvoir, de la confiance, et soyons dingues – un peu d’espoir.

C’est ce que pratique Framasoft depuis 20 ans (Framalibre, Framakey, Framabook, etc), et sans doute plus encore ces 10 dernières années avec notre campagne « Dégooglisons Internet ».

Et c’est ce que nous comptons faire dans les prochaines années avec notre feuille de route « Collectivisons Internet / Convivialisons Internet » (COIN COIN pour les intimes), qui s’adresse particulièrement aux associations et collectifs militants.

Banquet simple, dans une jardin partagé, où des animaux mascottes du libre sont servis par des canards
Collectivisons, convivialisons – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

 

Dans ce cadre, si on applique la recette ci-dessus à une offre d’espace « cloud associatifs » cela pourrait se traduire comme suit.

1) Rendre visible Nextcloud

Le service Frama.space repose sur la suite collaborative libre Nextcloud. Il existe plusieurs logiciels libres pour faire du « cloud », mais aucun ne nous semble aussi riche en fonctionnalités et en promesses que celui-ci.

Partage de fichiers, agendas, gestion de tâches et de projets, documentations collectives, visio-conférences, … Nextcloud, même s’il est perfectible, permet de répondre immédiatement à un grand nombre de besoins.

Cependant, si vous prenez au hasard 100 personnes dans la rue, il est peu probable que plus de 5 (et encore, on est sympas) vous disent avoir déjà entendu parler de ce logiciel. D’ailleurs, si vous faites partie des 95%, rassurez-vous, la suite est justement faite pour vous 🙂

1️⃣ Donc, notre première mission sera de faire connaître et d’accroître la notoriété de Nextcloud aux personnes francophones. Par des conférences de sensibilisation, des webinaires, des ateliers, la production de vidéos et tutoriels ou… en offrant la possibilité d’utiliser gracieusement Nextcloud via le service Frama.space.

Graphique (en allemand) présentant les parts de marché des suites collaboratives en ligne en 2022. Microsoft 365 représente 48,1%, Google Apps 46,4%, "Autres" 4,2%. Sources : Statista, Enlyft
Bon, c’est de l’allemand certes, mais le graphique est plutôt parlant : sur les marchés des suites collaboratives en ligne en 2022, Microsoft 365 représente 48,1%, Google Apps 46,4%, « Autres » 4,2%. Nextcloud ne représentant lui même qu’un petit pourcentage de ces 4,2%. Duopole, vous avez dit ?

 

2) Faciliter l’accès à Nextcloud

Il existe déjà des centaines d’hébergeurs proposant une offre Nextcloud. De Gandi à OVH ou Hetzner (pour les « gros » hébergeurs), d’IndieHosters à Zaclys, en passant par Paquerette (pour les membres du collectif CHATONS).

Mais, dès qu’il s’agit d’avoir accès à un espace collaboratif dédié (pour une entreprise, une association, une collectivité), il faut être prêt à payer. Et c’est bien normal : libre ne veut pas dire gratuit, et ces hébergeurs ont des coûts (humains, matériels et financiers) qu’ils doivent bien répercuter.

Cependant, le problème financier reste entier pour les petites associations ou les collectifs militants que nous évoquions en début d’article. Certaines ont un budget inférieur à 1 000€ par an pour leurs actions, et ne peuvent tout simplement pas consacrer 10% ou 20% de ce budget à un outil numérique. Donc : elles utilisent massivement Microsoft 365 ou Google Workspace (souvent en version limitée gratuite, ou à prix cassé).

À Framasoft, nous sommes convaincu⋅es qu’il faut faire comprendre le prix des choses, mais nous sommes aussi convaincu⋅es que le prix ne doit pas être la barrière qui empêche les gens de s’émanciper. Nous avons donc mis en place sur Frama.space une infrastructure technique capable d’accueillir gratuitement des milliers d’espaces Nextcloud (type https://mon-asso.frama.space), à destination des structures qui n’ont pas ou peu de moyens.

Une licorne déguisée en cosmonaute (avec une passoire sur la tête) marche sur les nuages et souffle des bulles. Dans ces bulles, on retrouve des cubes symbolisant le travail en commun (dossiers, boite à outils, livres, machine à écrire, boulier, etc.).
Frama.space – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un autre frein identifié au passage au libre, est la relative difficulté technique à mettre en place et à maintenir une solution logicielle. Avec Frama.space, la gestion technique de votre espace est déléguée à Framasoft. Nous nous chargeons de fournir une instance à jour, correctement sécurisée, directement utilisable, et à la maintenir dans le temps.

Ces espaces Frama.space comportent la plupart des outils nécessaires pour collaborer entre membres, y compris une suite bureautique collaborative en ligne (par défaut Collabora Online), mais le référent du Frama.space pourra lui préférer OnlyOffice).

Pour préserver le modèle économique des entreprises ou CHATONS déjà en place, nous limiterons cette offre à des structures ayant des besoins mesurés (50 comptes max, 40Go d’espace tous utilisateurs confondus) et des moyens modestes (c’est-à-dire n’étant pas prêtes à franchir le cap de payer chez un autre hébergeur).

2️⃣ C’est pourquoi notre seconde mission est de mettre gratuitement à disposition, sur les trois ans à venir, jusqu’à 10 000 espaces Nextcloud, pour des petites structures associatives ou militantes.

Capture écran montrant le fonctionnement de Collabora Online au sein de Nextcloud
Les espaces Frama.space sont livrés avec Collabora Online par défaut (OnlyOffice en alternative), ce qui permet une collaboration à plusieurs au sein d’un même document bureautique (texte, tableur, présentation, etc)

3) Aider à faire émerger une communauté Nextcloud francophone

Nextcloud est un logiciel complet, mais parfois complexe (« Comment synchroniser mon agenda sur mon smartphone ? », « Comment faire pour partager mon budget prévisionnel en ligne ? » « Comment rédiger collaborativement le compte-rendu de notre Assemblée Générale ? »).

Il existe de nombreuses documentations en ligne. Mais encore faut-il les trouver, et pouvoir se les approprier. Par ailleurs, certaines personnes sont à l’aise avec les documentations écrites, d’autres avec les courtes vidéos explicatives, d’autres encore préfèrent être accompagnées par des formations.

Or, aujourd’hui, alors que Nextcloud compte plus de 40 millions d’utilisateur⋅ices dans le monde, il n’existe pas réellement de communauté francophone autour de ce logiciel. Il existe certes des espaces plutôt réservés aux personnes administrant techniquement le logiciel, mais reconnaissons qu’il ne s’agit pas vraiment de lieux d’entraide destinés aux personnes découvrant le logiciel.

Par ailleurs, chaque hébergeur et utilisateur a tendance à exploiter ses espaces Nextcloud « dans son coin ». Nous voudrions d’une part qu’ils puissent se connaître, partager leurs expériences (leurs difficultés comme leurs succès). Mais nous souhaitons aussi pouvoir réfléchir collectivement aux apports que cette communauté souhaiterait apporter au logiciel. Par exemple, pouvoir importer une liste d’utilisateurs sans passer par la ligne de commande, améliorer l’onboarding, c’est-à-dire l’accueil des nouveaux utilisateurs, etc. Discuter ensemble de nos besoins communs nous permettra d’améliorer ensemble Nextcloud pour qu’il corresponde mieux à nos attentes et nos pratiques.

3️⃣ C’est pourquoi notre troisième mission consistera à faire émerger une communauté Nextcloud francophone, notamment par le biais d’un forum d’entraide.

Capture écran du forum d'entraide de Frama.space
https://forum.frama.space : le forum d’entraide Frama.space, et plus largement autour des usages de Nextcloud

4) Utiliser Nextcloud comme outil d’empuissantement

Vous l’aurez compris, notre objectif est ici avant tout politique : fournir des planches, des marteaux et des clous à des associations, afin qu’elles puissent construire et développer leurs projets, leurs envies, sans être liées à des entreprises dont la vision du monde est aux antipodes de la leur.

Le fait que Frama.space ne s’adresse qu’à des petites associations ou collectifs permet aussi d’envisager d’autres possibilités intéressantes.

Par exemple, cela nous permet d’envisager de mettre les associations en contact entre elles beaucoup plus facilement, puisqu’elles utiliseront le même outil (petite parenthèse technique : Nextcloud est un outil fédéré, c’est à dire qu’il est simple de « connecter » entre eux différents espaces associatifs pour partager par exemple des dossiers privés pour une action ou des communiqués de presse en communs).

Cela nous permet aussi de faire circuler de l’information relative aux questions associatives très facilement (par exemple en informant sur un nouveau texte de loi, sur une mobilisation spécifique, etc.).

Par ailleurs, en interrogeant régulièrement les utilisatrices et utilisateurs par le biais de courtes enquêtes, Framasoft pourra développer, ou faire développer, de nouvelles fonctionnalités à Frama.space. Par exemple, en intégrant une application de gestion de membres et cotisations, ou une application de comptabilité basique. Notre volonté est de faire en sorte que l’outil corresponde au mieux aux besoins réels et exprimés des personnes qui utilisent Frama.space.

Enfin, nous souhaitons permettre à chacune et chacun d’améliorer sa capacité à collaborer et à coopérer. Nous savons qu’il faudra, pour cela, faire évoluer certaines pratiques. Par exemple, il existe de nombreux outils de prises de notes collaboratives (de Google Docs à Framapad, en passant par… Nextcloud), mais combien d’associations expérimentent au quotidien une situation de réunion à distance ? Une transparence radicale de l’information ? Une gestion de projet en ligne ?

Nous pensons que Frama.space peut être une formidable porte d’entrée pour réfléchir (avec d’autres ?) à ces changements de pratiques, sans pour autant laisser sur le carreau celles et ceux qui ont du mal avec les outils numériques.

L’objectif étant ici de faire en sorte que Frama.space ne soit pas qu’un simple outil numérique de plus, mais plutôt le support à l’expérimentation de pratiques numériques nouvelles, qui pourront se refléter dans des changements au sein de l’organisation (par exemple en finir avec Le-président-tout-puissant, ou La-secrétaire-qu’on-cantonne-aux-compte-rendus).

4️⃣ Notre quatrième mission (le boss de fin de jeu) sera donc d’accompagner les bénéficiaires de Frama.space vers un accroissement de leurs compétences coopératives, afin d’amplifier leur pouvoir d’agir.

Vidéo (© Nextcloud GmbH) de présentation de Nextcloud Hub, représentative des outils que vous pourrez retrouver dans Frama.space (hors Nextcloud mail).

Agrandir la taille du gâteau

Une autre façon de comprendre Frama.space, c’est que Framasoft ne souhaite pas prendre une part du gâteau du « marché de Nextcloud » : nous ne vendons rien, et nous souhaitons au contraire que l’écosystème autour de Nextcloud se développe et se renforce, y compris pour les structures commerciales.

Nous essayons plutôt d’agrandir la taille du gâteau, pour que chaque entreprise ou chaton puisse en avoir une part raisonnable.

Nous pensons en effet qu’en augmentant significativement la base d’utilisateur⋅ices de Nextcloud à l’aide de Frama.space, qu’en travaillant les aspects entraide et accompagnement, et qu’en favorisant les développements et améliorations du logiciel, cela crédibilisera cette solution libre par rapport à celles de Microsoft ou de Google.

Comment ça va se passer ?

Bien. Enfin… on l’espère !

Tout d’abord, si vous êtes un ou une responsable d’une association correspondant aux critères de sélection, vous pouvez d’ores et déjà candidater. Nous prévoyons d’ouvrir quelques centaines d’espaces d’ici fin décembre 2022, puis nous ferons une pause de 3 mois environ dans les inscriptions afin de stabiliser les choses, récolter les premiers retours, et apporter les corrections et améliorations les plus demandées.

Si la candidature de votre association correspond aux critères mais n’est pas validée, pas de souci : nous rouvrirons les inscriptions régulièrement à partir du second trimestre 2023 afin d’atteindre 10 000 espaces actifs fin 2025. Inscrivez-vous à la Newsletter Framaspace pour avoir les dates des périodes d’inscription.

Si vous êtes une entreprise, une école, une mairie, une « grosse » association, alors nous sommes sincèrement désolé·es, mais nous ne pouvons vous accueillir sur Frama.space. Cependant, comme nous vous le disions, de nombreuses autres alternatives à Frama.space existent ! Voir notamment cette réponse dans notre Foire Aux Questions qui pourra vous orienter.

Une fois votre candidature validée (le processus étant manuel, cela peut prendre jusqu’à 30 jours !), vous recevrez un lien vous permettant de vous identifier sur votre espace (de type https://mon-asso.frama.space) et commencer à utiliser votre espace Frama.space. Vos membres pourront s’y inscrire (par lien d’invitation) ou vous pourrez directement créer leurs comptes.

Par dessus les nuages un groupe de licornes volent et ont des activités que l'on peut avoir dans le cloud (lire, compter, clamer, faire de la musique, peindre, planter des graines, partager des fichiers, chercher, réparer, etc.)
Frama.space accueil – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Mais…

À ce stade, nous ne pouvons que vous féliciter de nous avoir lu jusqu’ici. 🙂 Cependant, nous imaginons qu’il vous reste pas mal de questionnements.

« Quelles sont les applications utilisables ? », « Comment protégez-vous mes données et mes utilisateurs ? », « Comment personnaliser mon espace ? », « Frama.space, c’est centraliser des données, mais je croyais que Framasoft voulait décentraliser Internet ?! »

Nous avons tenté de répondre à ces questions (et bien d’autres) dans notre Foire Aux Questions. N’hésitez pas à aller y jeter un œil. Si vous n’y trouvez pas votre réponse, posez nous vos questions en commentaire de cet article, nous tâcherons d’y répondre de notre mieux.

Découvrir Frama.space

Nous avons besoin de vous

Nous pensons qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.

Frama.space est, techniquement, le projet le plus ambitieux mené par Framasoft à ce jour.

C’est aussi le plus coûteux. C’est aussi une des raisons qui explique que, contrairement aux services « Dégooglisons Internet » type Framapad ou Framadate, nous ne pouvons pas l’ouvrir sans limite ni discrimination.

Offrir jusqu’à 10 000 espaces, pouvant accueillir jusqu’à 500 000 personnes, c’est clairement une prise de risque financière pour Framasoft.

Surtout quand nous voulons les offrir, justement, à un public désargenté. Ajoutez à cela des crises sociales, énergétiques, économiques qui ont déjà mis plus que le pied dans la porte, et vous comprendrez que ce projet se fera très probablement à perte pour Framasoft. Nous rappelons que 98% des ressources de l’association provient de vos dons.

Barre de dons de Framasoft au 15 novembre 2022 à 33821 € sur 200000€.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 166 200 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Nous avons donc besoin de votre soutien pour réussir le pari Frama.space, mais nous pensons sincèrement qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.

Si vous le pensez aussi, que vous bénéficiez d’un Frama.space ou pas, nous avons donc besoin de votre soutien, dès maintenant, afin de nous « aider à aider » ces milliers de structures non seulement à quitter les GAFAM et à mettre leurs outils en cohérence avec leurs valeurs, mais aussi et surtout à mieux agir, à mieux coopérer, à mieux créer du lien. À mieux faire société, ensemble.

🦆 Découvrir Frama.space 🦆 Soutenir ce projet

(Médias : lire notre communiqué de presse)




Nextcloud Sorts : un prototype d’application Nextcloud pour naviguer plus facilement dans vos fichiers

Et si Framasoft se penchait un peu sur la solution collaborative libre Nextcloud ?

NB : cet article existe aussi en version anglaise (traduction automatique)

 

Dans notre Lettre d’informations #28 (Automne 2021), nous vous parlions de Romain, stagiaire à Framasoft, dont nous savions que le sujet de stage allait tourner autour du logiciel libre Nextcloud.

Quelques semaines plus tard, nous invitions les structures « engagées » et utilisatrices de Nextcloud à répondre à un questionnaire (aujourd’hui fermé), conçu avec la designer Marie-Cécile Godwin, et La Fabrique à Liens.

Puis, une fois les résultats analysés (nous vous en proposons une version brute anonymisée et une analyse synthétique en fin d’article), nous avons pu identifier un besoin utilisateur non satisfait, sur lequel pourrait travailler Romain.

En effet, Nextcloud comporte de (très) nombreuses fonctionnalités, mais celle qui demeure centrale est probablement le stockage et partage de fichiers. Or, la navigation parmi les fichiers dans l’interface web est assez fastidieuse : un clic à chaque fois que l’on change de dossier, et donc un rechargement plus ou moins rapide de la page et de l’arborescence des dossiers et fichiers. Et parfois de nombreux clics pour passer d’un rameau de l’arborescence à l’autre.

Il y avait sans doute moyen de faire plus accessible et plus naturel.

Romain, qui ne connaissait ni le langage informatique PHP ni la solution Nextcloud au début de son stage, s’est donc lancé dans le développement d’un prototype d’application tierce, qui permettrait non seulement de pouvoir « développer l’arborescence de fichiers » au sein d’une même interface, mais aussi de pouvoir faire des recherches avancées.

Deux mois plus tard naissait le plugin « Sorts », dont nous vous racontons l’histoire ci-dessous.


Bonjour Romain, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Romain et j’ai 24 ans. J’ai grandi en Guadeloupe avant de venir étudier à Villeurbanne, à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, dont je serai diplômé en 2022 en tant qu’Ingénieur Télécom.

Quand je ne suis pas occupé par mes études, je passe pas mal de temps à bricoler et réparer des vieilles machines, et à m’investir dans des projets collectifs ! Je suis notamment très engagé au Karnaval Humanitaire, une asso étudiante qui organise un festival de musique dont j’ai été le régisseur site en 2021 et 2022.

Photographie de Romain, stagiaire INSA Lyon à Framasoft de Septembre 2021 à Février 2022

Concernant ton stage, tu as choisi Framasoft. Pourquoi ?

Je voulais un stage en accord avec mes valeurs de libre partage des connaissances, et en rupture avec le capital et les grandes entreprises !

Je connaissais déjà un peu les actions de Framasoft et notamment les services en ligne et le développement logiciel, et je savais que j’y trouverais des projets intéressants dans un cadre super… et je n’ai pas été déçu !

Venons-en au sujet de ton stage. Quel était l’objectif général ?

Mon stage s’est déroulé au début d’un projet plus large, dont le nom de code est « Framacloud » [Note de Framasoft : on vous reparlera de ce projet ambitieux à la rentrée], dont l’objectif est de permettre aux structures luttant pour le progrès social et la justice sociale de s’approprier, maîtriser et contrôler les processus de collaboration numérique.

Ce projet de Framasoft est centré sur un logiciel de collaboration en ligne et de partage de fichiers : Nextcloud.

Cependant, bien que ce soit une des solutions libres les plus abouties et complètes dans ce domaine, il est avant tout conçu pour répondre aux besoins des clients de « Nextcloud GmbH« , la société allemande éditrice du logiciel. Ces clients, ce sont de grosses structures, publiques, universitaires ou privées. Du coup, il y a un risque de différences entre les attentes des petites structures associatives et les priorités de développement de Nextcloud GmbH.

Le but de mon stage était donc de trouver comment améliorer ce logiciel afin de le rendre plus utile et plus accessible pour les structures alternatives.

OK, c’est un vaste sujet ! Comment t’y es-tu pris ?

Eh bien d’abord, il fallait à la fois que je me forme sur le développement de Nextcloud, et qu’on en apprenne davantage sur ce logiciel : son fonctionnement, ses défauts et surtout ce qui manquait aux utilisateurs qu’on visait.

Après plusieurs tests du logiciel et plusieurs hypothèses sur comment l’améliorer, on a décidé de se rapprocher de nos utilisateurs cibles. On a donc mis en place une enquête visant des personnes faisant parties de structures engagées pour le progrès social et la justice sociale qui utilisaient déjà Nextcloud. Cette enquête questionnait leurs usages de l’informatique collaborative au sein du collectif, leurs usages de Nextcloud, leurs frustrations et leurs attentes.

C’est grâce aux presque 200 réponses de cette enquête qu’on a décidé des développements logiciels que j’ai réalisés au cours de ce stage et qui ont abouti à la création d’un plugin Nextcloud appelé « Sorts » !

 

Arrêtons nous déjà sur ce travail d’enquête. Quels en ont été les résultats ?

Les préoccupations principales qui ressortaient de cette enquête étaient, au final, des préoccupations d’ordre plutôt général sur l’outil Nextcloud. Mais ça nous a permis de voir ce qui est important pour le public qu’on souhaite impacter.

Parmi la vingtaine de sujets que j’ai pu identifier dans les réponses, les deux premiers étaient des sujets sur lesquels on ne pouvait pas faire grand-chose : l’édition collaborative de documents et la « lenteur » générale de l’outil.
Par contre, parmi les sujets qui suivaient on avait plus de perspective pour aider à changer les choses en quelques mois de stage : prise en main et ergonomie du logiciel, problèmes de synchronisation ou encore aide aux utilisateurs pour s’y retrouver parmi les fichiers du collectif.

C’est cette dernière préoccupation de s’y retrouver dans l’arborescence des fichiers qui m’intéressait le plus, et qui m’a mené au développement de « Sorts« .

Pour ceux qui souhaitent jeter un œil aux détails de l’enquête, nous avons publié les résultats anonymisés, ainsi qu’une synthèse des différents sujets abordés que j’ai réalisée pour affiner le sujet du stage (c’est sans doute plus digeste que le tableur de résultats bruts).

[Note de Framasoft : Retrouvez les résultats de l’enquête en fin d’article]

Donc, tu es parti sur la création de l’application Nextcloud « Sorts » . Mais… il fait quoi, ce plugin, en fait ?

L’idée derrière Sorts, c’est d’aider les gens à retrouver les fichiers qu’ils cherchent et à comprendre comment les dossiers et les fichiers ont été organisés par le collectif dont ils font partie.

Pour régler le premier problème on a profité de toutes les informations relatives à chaque fichier que Nextcloud stockait déjà (date de modification, poids, « étiquetage » du fichier par l’utilisateur, …) et on a codé une interface qui permet de faire une recherche qui mélange ces différents attributs. Par exemple « Trouve-moi tous les fichiers dans le dossier « Subvention » et ses sous-dossiers qui sont marqués comme étant importants, et qui sont des .pdf ».

Recherche par filtres dans Sorts
Recherche par filtres dans Sorts

 

Pour régler le deuxième problème on a décidé de présenter les dossiers, sous-dossiers et fichiers d’une manière qui n’était pas encore présente dans Nextcloud : en liste arborescente. C’est-à-dire que lorsqu’on clique sur un dossier, au lieu de « rentrer » dans ce dossier et de ne voir que son contenu direct, le dossier est « déroulé » et on voit son contenu ainsi que les dossiers et fichiers qui sont « à coté » de lui. Cette liste arborescente prend plus de place qu’une liste simple mais elle permet de bien comprendre où on se situe dans les dossiers, ce qui aide à comprendre la façon dont ils sont rangés.

Navigation par arborescence
Navigation par arborescence : un clic sur un dossier ouvre le contenu de ce dossier sous forme arborescente.

 

Techniquement, tu as rencontré des soucis ?

Oui, comme dans tout processus de développement. Je pense qu’une des grosses difficultés a été de trouver quelle partie des API de Nextcloud utiliser, quelles étaient ses limites et comment faire avec. La recherche Nextcloud est pensée autour d’une recherche « groupée » (« unified search ») où l’utilisateur cherche une chaîne de caractères, et Nextcloud renvoie comme résultats tout ce qui correspond à cette chaîne de caractères parmi les ressources diverses et variées de Nextcloud (fichiers, todo, évènements, mails, conversations, …). Autant dire que ça ne correspond pas du tout à ce qu’on souhaite faire : chercher parmi les fichiers uniquement selon plusieurs conditions, dont certaines ne sont pas des chaînes de caractères (dates, nombres, …). Mais, heureusement pour nous, il y avait une autre API de recherche propre aux fichiers. Cette autre API paraissait très prometteuse parce qu’elle était déjà pensée pour permettre de combiner des conditions de recherches sur des attributs propres aux fichiers. Cependant, cette API était assez vieille et peu utilisée, ce qui m’a parfois donné un peu de fil à retordre.

De plus, je me suis rendu compte assez tard que l’API ne prenait pas en compte deux des différents attributs des fichiers : les « étiquettes » (tags) et les informations sur les partages de fichiers. Ces informations sont gérées dans des API totalement séparées. Je me suis donc retrouvé face à un dilemme : soit je réécris une API qui fait elle-même les requêtes en base de données avec tous les attributs, soit je complète l’API présente, soit je bricole quelque-chose où je fais 3 requêtes en base de données par recherche et je combine les résultats. La première solution m’aurait pris trop de temps et la deuxième solution aurait été refusée par Nextcloud GmbH (on ne modifie pas les APIs de Nextcloud à la légère), donc j’ai bricolé quelque-chose, et tant pis pour les performances de l’application.

As-tu eu des contacts avec la communauté Nextcloud ou son entreprise éditrice (Nextcloud Gmbh), et si oui, comment ça s’est passé ?

Oui bien sûr, lorsqu’on a commencé à avoir une bonne idée de ce qu’on souhaitait faire de Sorts j’ai écrit une note d’intention avec un lien vers un prototype sur le forum dédié au développement de plugin Nextcloud. Ça a mené à quelques échanges avec des développeurs salariés de Nextcloud qui étaient intéressés par le projet et qui m’ont fait quelques retours constructifs. On a même fait une réunion en visio avec eux pour discuter du plugin mais aussi du projet plus large, mais avec les plannings des uns et des autres cette réunion a eu lieu assez tard dans le développement de Sorts et elle n’a pas beaucoup impacté le plugin.

Et donc, la question qui pique : Sorts, ça marche ou pas ?

Eh bien OUI ! Sorts propose une vue de l’arborescence des fichiers « dépliante » et permet déjà de faire des recherches combinées sur une bonne variété des caractéristiques que peuvent avoir des fichiers !

Cependant, il s’agit d’une version Bêta qui présente quelques limites… J’ai dû faire quelques arrangements avec les problèmes techniques évoqués dans la question précédente, et si la version actuelle fonctionne sur des petites instances Nextcloud, elle aura sans doute du mal à « passer à l’échelle » pour fonctionner avec des instances réelles avec des centaines d’utilisateurs et des milliers de fichiers.

 

Vidéo de démonstration des fonctionnalités de Nextcloud Sorts 0.1.0-beta (source)

 

Et la suite ? C’est quoi à ton avis, et pour quand ?

Sorts est disponible sur https://packages.framasoft.org et sur l’app store Nextcloud en version beta !

Nous souhaitons continuer à maintenir cette application et à traiter et accepter toutes les contributions éventuelles, mais ni moi ni Framasoft n’avons prévu de développer à plein temps dessus pour le moment. Sorts rentre maintenant dans le monde du développement bénévole, ce qui veut dire que les développements portés par Framasoft et moi-même se feront au fil des envies et des disponibilités, sans agenda particulier (ce qui veut aussi dire que nous n’annoncerons pas de « date de sortie » quelconque).

On arrive à la fin de cette interview. Souhaites-tu nous partager un sentiment sur le travail effectué pendant ce stage ?

Résumer un stage en une émotion ? C’est difficile ! Développer un programme, c’est passer de la frustration quand ça ne marche pas, à l’excitation d’enquêter sur pourquoi ça ne marche pas, à la satisfaction de voir la fonctionnalité fonctionner quand on a trouvé.

Non, plus sérieusement, il y a eu quelques frustrations comme ne pas avoir beaucoup de temps pour développer ou ne pas retrouver autant de temps et de motivation que ce que j’aurais souhaité pour boucler le projet après le stage, mais je suis satisfait. Satisfait d’avoir fait quelque-chose qui marche mais surtout d’avoir pu concevoir ce plugin du presque début à la presque fin, en prenant le temps d’identifier ce qu’on pouvait faire d’utile, de réfléchir à quoi ça devait ressembler, et d’ensuite réfléchir à comment le réaliser techniquement.

Dernière question, récurrente dans nos interviews : quelle est la question que tu aurais aimé qu’on te pose, et quelle serait ta réponse ?

Mais pourquoi ne pas avoir publié Sorts plus tôt ?

C’est mon grand regret ! Et je pense que les personnes qui s’étaient intéressées à l’application lors de la note d’intention se sont aussi posées la question. Mais ma vie associative et personnelle était assez chargée après le stage et ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour m’occuper de Sorts, c’est aussi ça le développement bénévole.

Merci Romain ! Ainsi qu’à toutes les personnes qui auront rendu ce travail possible, notamment en répondant au questionnaire !

Rappel des différents liens évoqués dans l’article :