La campagne d’Obama et l’Open Source

Marcn - CC byLe sujet du jour c’est Obama et, j’ouvre les guillemets, « l’Open Source ».

Nombreux sont les observateurs qui ont en effet remarqué l’usage pointue des nouvelles technologies réalisé à cette occasion par le candidat victorieux. Certains allant même jusqu’à se demander dans quelle mesure cela n’a pas été un atout déterminant dans la campagne (contre McCain mais également contre Clinton). Déterminant aussi bien pour créer la dynamique, communiquer, faire adhérer au projet, coordonner les manifestations sur le terrain et, last but not least, lever des fonds.

Il y a souvent confusion entre Open Source et Web 2.0 mais il nous a semblé tout de même intéressant de solliciter Framalang pour d’abord un petit sous-titrage vidéo faisant une originale référence à l’un des ouvrages les plus célèbres du logiciel libre, la Cathédrale et le Bazar de Eric S. Raymond, puis ensuite un article plus détaillé au cœur des équipes techniques de la campagne[1].

La Cathédrale, le Bazar, et Obama

Le journaliste Alex Castellanos sur CNN le 5 novembre dernier :

—> La vidéo au format webm

(Sous-tirage : Xavier et Yostral)

La dynamique Open Source derrière la campagne d’Obama

The Open Source Force Behind the Obama Campaign

Doc Searls – 24 novembre 2008 – Linux Journal
(Traduction Framalang : Olivier et Yostral)

JFK a dit un jour « La victoire à cent pères, mais la défaite est orpheline ». Je viens donc aujourd’hui réclamer moi aussi la paternité du succès de la campagne d’Obama au nom de tous les fans de Linux. Les geeks n’étaient pas seuls évidemment, mais ils ont joué un rôle majeur.

J’étudie ce rôle depuis que j’ai couvert la campagne présidentiel d’Howard Dean en 2003-2004 pour le Linux Journal. Pour vous rafraichir la mémoire je vous conseille les lectures suivantes : Saving the Net, The Syndication Solution, Letters from the Campaign Pressure Cooker, Hacking Democracy, Lessons on Open Source Politics from the Campaign Forge, dans cet ordre.

Quand on s’est aperçu que les geeks étaient sérieusement impliqués dans la campagne d’Obama, une mission m’a été confiée : assurer la couverture de l’évènement pour le numéro de novembre 2008 du Linux Journal. Ce numéro devait sortir fin octobre, donc juste avant les élections.

Je m’y suis donc attelé. Après un intense travail de recherche et d’écriture et après avoir réduit ma prose à 3000 mots, nous nous sommes rendus compte que nous avions déjà largement assez d’articles traitant de Linux pour ce numéro et mon article a donc été mis de côté pour après les élections… et nous voici donc maintenant après les élections.

Plutôt que de mettre à jour l’article avec des données ou des citations plus récentes j’ai décidé de le publier tel que je l’avais écrit en août. A ma grande surprise son contenu n’est pas périmé. Je crois même qu’il touche à quelque chose d’important, une chose parmi tant d’autres, alors que l’Histoire était en marche. On s’en doutait à l’époque. On le sait maintenant.

Voici l’article :

Le 11 août 2008

Depuis l’avènement des médias de masse, le point crucial des campagnes politiques, surtout pour les campagnes présidentielles, a été de donner une image aux candidats. Vous dépeignez de vous-même un portrait flatteur tandis que vous dépréciez l’image de votre opposant. Durant le « cycle » de campagne présidentielle de 2008 (comme les professionnels le nomme), le candidat qui a réussi à se forger la meilleure image jusqu’à maintenant (au moment de l’écriture à la mi-août) est certainement Barack Obama. Advertising Age dit dans « What Obama can teach you about millenial marketing » (NdT : Une leçon de marketing ciblant la génération connectée par Obama) : « …la dévotion vouée à certaines marques par la génération connectée, que l’on parle de technologie, de boisson ou encore de mode, a fait de cette décennie un âge d’or du marketing pour ceux qui savent ce qu’ils font ». Et : « …concernant le marketing, la campagne de Barack Obama sait ce qu’elle fait. Le gestion de la marque Obama, du jamais vu lors d’une campagne présidentielle, montre une compréhension parfaite des rouages pour attirer les jeunes votants… Ce sont à la fois le produit à vendre et la manière de le vendre qui sont à l’origine de ce succès. »

Et c’est là que me revient à l’esprit la distinction que fait Isaac Asimov (dans le deuxième volet de la trilogie Fondation) entre « la réponse qui satisfait » et « la réponse qui était vraie ». Le succès de la campagne d’Obama jusqu’à maintenant ne repose pas entièrement sur la création d’une marque, sur la démographie ou même sur la politique telle que nous l’avons connue pendant trop longtemps, loin s’en faut. Il repose principalement sur l’usage de la technologie pour permettre à la démocratie de fonctionner.

L’histoire commence en 2001, quand un conseiller politique du nom de Joe Trippi s’est engagé en tant que conseiller de la firme Progeny, une entreprise dirigée par Ian Murdock donc le prénom est la deuxième moitié de Debian. Deux ans plus tard Joe dirigeait la campagne de Howard Dean. Le succès de cette campagne est largement dû a l’utilisation intelligente (et bon marché) d’Internet… et aussi à beaucoup de trucs open source de geeks. « Je me suis toujours demandé comment on pourrait transposer cette collaboration qui fait avancer Linux et l’open source pour l’appliquer ici », confiait Joe à Larry Lessig en 2003 au cours d’une interview. « Qu’est ce que cela donnerait si l’on pouvait y parvenir et qu’on implique tout le monde dans une campagne présidentielle ? » Quand Larry demanda à Joe si cela faisait de la campagne de Dean un campagne open source Joe répondit « Oui… je suppose qu’elle est aussi ouverte que peut l’être une campagne dans le monde politique actuel. »

Dans son blog, Ian Murdock écrit de Joe : « Après juste une heure de discussion avec lui, Joe comprenait le mouvement open source aussi bien que moi et il a aussi réussi à me faire voir des choses que je n’avais pas vues en 8 ans. »

La première fois que j’ai rencontré Joe c’était par vidéo interposée lors d’une session de chat. Le visage de Joe est apparu sur l’écran de mon portable en Californie tandis que le mien était sur le portable de Britt Blaser, l’ordinateur qu’il trimballait dans les couloirs et les salles de conférences du quartier général de campagne de Dean à Burlington dans le Vermont, un peu comme s’il était un serveur, mais avec un plateau qui parle. Cette visite a été si efficace que je me sentais déjà à l’aise dans le bâtiment quand j’y suis arrivé au plus profond de l’hiver, quand l’énergie de la campagne était à son paroxysme : mi-janvier 2004, la veille du caucus de l’Iowa.

Je garde en mémoire quelques souvenirs en particulier de cette visite. Par exemple celui de Nicco Mele qui s’occupait des racks de serveurs et d’autres appareils électroniques tournant sous LAMP et qui pestait contre le bordel que c’était de faire cohabiter les différents groupes au niveau des états et au niveau local sachant que chaque groupe possédait son propre système informatique créé de toute pièce, ce qui s’avéra être plus un problème qu’une solution. Je me souviens également de Zack Rosen, assis sur une boîte dans le coin d’un bureau avec trois ou quatre autres geeks entrain de hacker quelque chose dans Drupal. Zack s’est lancé dans la campagne avec le site HackersForDean (les hackers en faveur de Dean), qu’il a créé avec Josh Koenig. Un autre souvenir est celui de Daver Winer, il travaillait sur ce qu’il appelle « un projet de flux RSS très intéressant qui doit être lancé juste à temps pour les résultats du caucus de l’Iowa lundi soir ». Dans un message daté du même jour (le 17 janvier), Dave ajoute « Je reste neutre quant aux candidats à l’élection présidentiel. J’ai mes opinions, mais elles n’ont rien à faire dans mon travail technique. Je crois que les outils politiques doivent rester agnostiques. »

Maintenant que j’y repense je pense que j’ai assisté à l’équivalent en politique d’un club d’adeptes de trains miniatures ou d’un club de programmation maison. C’est là qu’est né un nouveau mouvement où l’on met vraiment la main à la pâte. Pour Britt Blaser c’est même « la première campagne dirigée comme un service Web plutôt que comme une campagne marketing disproportionnée ».

Dean s’est retiré de la course après avoir perdu l’Iowa, mais ce ne sont pas les techniciens ou leur code qui se présentaient. C’est à ce moment là que la « Diaspora Dean » s’est attelée à améliorer la démocratie grâce à des technologies libres et ouvertes.

L’un des membres de cette diaspora était Jascha Franklin-Hodge. « De retour à Boston j’ai commencé à reprendre contact avec des amis que j’avais ignoré pendant 6 mois » me racontait Jascha. « Et les gens n’arrêtaient pas de me dire : Ah, tu as travaillé pour Howard Dean, c’est super ! Je me suis rendu à des réunions et je suis devenu volontaire de l’antenne régional du partie démocratique. J’ai fait du porte à porte.. Ce sont des gens qui ne se sont pas contentés de supporter un candidat. Ils voulaient aussi trouver leur propre opinion politique, leur propre talent civique. »

Jasha a donc monté un petit groupe avec trois autres vétérans de la campagne pour Dean ; Clay A. Johnson, Joe Rospars, and Ben Self ; et il a lancé Blue State Digital. Dans un article paru dans le numéro de juin 2008, Business Week voyait Blue Stat Digital comme « l’arme secrète d’Obama ». En juillet, les efforts de Blue State étaient déjà à l’origine de plus de 200 millions de dollars de dons faits en ligne, de 75 000 évènements de campagne et comptaient plus d’un million d’utilisateurs. D’ici à ce que vous lisiez cet articles ces chiffres auront encore largement augmenté.

J’ai pris connaissance du travail réalisé par Blue State Digital pour la campagne Obama le 3 juin dernier par le biais d’un e-mail me redirigeant vers une publicité MyBO intitulée techinterest?foo. Cette publicité visait le recrutement de « développeurs Web exceptionnellement talentueux » possédant « une bonne connaissance des processus de développement LAMP et de leur bonne utilisation, expérience dans le déploiement à grande échelle d’applications Lamp, expérience requise dans la mise au point d’applications en PHP et MySQL et une bonne connaissance des performances de MySQL et de l’optimisation des requêtes » et enfin « utilisateur avancé voir expert en CSS, Javascript et Ajax ». L’e-mail précisait également que le site de campagne de McCain tournait sous Windows.

Mais Blue State n’avait pas vraiment besoin de cette publicité. Jasha me l’explique en ces termes : « Le travail que nous réalisons nous confère un énorme avantage lorsque nous sommes à la recherche de talents. Ce que nous faisons est bien plus important aux yeux de nombreux développeurs que de créer un logiciel pour une banque. Nous souhaitons que des geeks soient heureux en se réveillant le matin et qu’ils se disent Je construis aujourd’hui quelque chose que des millions de personnes utiliseront demain pour aider à changer le monde. »

La campagne Obama ne s’appuie pas trop sur les « réseaux sociaux » comme Facebook ou MySpace. Mais elle excelle dans l’utilisation du réseau pour rendre la campagne sociale dans le monde réel.

Quand je me rends sur MyBO et que je recherches les évènements qui ont lieu dans un rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 64 réponses. On y retrouve : des groupes organisant des rencontres, des concerts, des soirées discours, des réunions aux marchés du terroir et aux fêtes foraines, des levées de fonds auxquelles participent des grands noms, des pique-niques ou des barbecues paroissiaux, des marches pour s’enregistrer sur les listes de vote, du co-voiturage, des rallyes de groupes de jeunes, des cafés organisés par des anciens de l’école… la liste est interminable. Et tout ceci juste pour le mois à venir. Chaque évènement est repéré par un petit symbole sur une carte en ligne. Trois boutons surplombent la liste et la carte : un bouton KML vert pour Google Earth, un bouton XML orange pour les flux RSS et un bouton iCAL vert pour ajouter ces dates à votre calendrier.

À droite de la carte se trouve la colonne my.BarackObama. Du haut vers le bas on retrouve Mon tableau de bord, Mon quartier, Amis, Évènements, Messages, Groupes, Levée de fonds et Mon Blog. Les six derniers sont des menus accompagnés d’un petit « + ». Déroulez ces menus et vous découvrirez 18 façons d’entrer en contact avec d’autres personnes ou de vous engager dans la campagne… voire les deux. Et malgré tout il reste encore beaucoup d’espace inutilisé. La page est conçue pour être rapide, agréable, simple et propre.

Si je me rends sur le site Web de campagne de McCain et que je recherches les évènements se déroulant dans le même rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 16 réponses : 13 enjoignent les gens à s’engager dans des centres d’appels ou par d’autres manières et 3 concernent des fêtes organisées par des individus pour le même « jour national », chacune construite sur le même modèle.

Évidemment ces résultats sont très partiaux car le Massachusetts est non seulement un état très bleu mais c’est aussi là qu’est basé Blue State Digital.

J’ai donc refait le test pour le 85018, le code postal d’un quartier en plein centre de Phoenix : le cœur même du pays McCain. J’obtiens 23 réponses pour des évènements pour Obama et 16 pour McCain. On y retrouve la même variété pour Obama que dans les environs de Boston. Pour McCain on dirait qu’ils ont utilisé un tampon. 13 fêtes sont organisées (principalement par les gens eux-mêmes) pour le même « jour national » qu’à Boston. On dirait qu’ils sont tous sortis du même moule. Trois sont prévus à d’autres dates, parmi ceux-ci deux concernent les vétérans.

Quel est le secret de Blue State alors ? Et quelle est la part de Linux et de l’Open Source dans tout ça ? Voici la réponse de Jascha :

« Nos outils donnent la parole à la créativité des utilisateurs. Si on prend les systèmes d’organisation d’évènements par exemple. Par le passé ils étaient conçus pour qu’une association puisse mettre en ligne son calendrier officiel. C’est très bien, mais c’est loin d’être aussi intéressant que de permettre à vos supporteurs de créer leurs propres calendriers. Nous avons donc mis au point des outils dont la priorité première est d’aider les visiteurs du site à organiser une soirée, un grand ramassage d’ordures le long des routes en portant un t-shirt pour leur camp : de l’évènement le plus mondain au plus innovant. Nous voulions faciliter la création de manifestations, leur planification, augmenter leur visibilité, permettre la gestion des réponses et aider les gens à organiser leurs propres levées de fond.

Les deux services dont nous faisons le plus usage pour les évènements sont les cartographies de Google et de Yahoo ainsi que leurs API de géolocalisation. Nous utilisons votre adresse pour vous géolocaliser grâce à la longitude et la lattitude et nous mettons ces informations à profit pour vous communiquer les évènements proches de chez vous.

Nous possédons beaucoup de bases de données d’informations géographiques. Comme par exemple le centre d’un ZIP+4 désigné par sa longitude et sa lattitude. Nous rentrons également les congressional districts (NdT : zone électorale qui désigne un membre du congrès) pour y regrouper les codes postaux, les informations concernant les sondages, les tracts de sondages, les numéros des pâtés de maison… Si vous remplissez un formulaire d’inscription nous ne vous demandons pas de renseigner toutes ces informations. Si vous faites un don plus tard nous aurons votre adresse à ce moment là si vous ne souhaitez pas la donner tout de suite.

Nous travaillons avec LAMP : Linux, Apache, MySQL, PHP. Nous utilisons beaucoup de librairies et d’outils Open Source comme par exemple YUI et Ext qui sont des librairies d’interfaces utilisateur en javascript. Nous comptons parmi nous le créateur du projet Horde qui est un gros cadre de développement PHP Open Source.

On ne cherche pas à ré-inventer la roue. Par exemple, nous n’écrivons pas notre propre librairie de connexion à la base de données. Nous nous servons de ADOdb, l’une des librairies les plus populaires pour PHP, et de Python aussi. Nous utilisons PEAR, qui est la librairie d’outils PHP. Les modules PEAR nous rendent un fier service pour tout, depuis l’envoi d’e-mail à la mise en cache… On se sert aussi d’outils comme memcached et des utilitaires de surveillance Open Source.

Chez nous les flux RSS sont omniprésents : évènements, blogs… ils nous sont également utiles pour relier en interne des parties de notre propre système, comme par exemple partager des informations entre deux systèmes clients ou entre deux parties de notre système. A chaque fois que c’est possible nous tentons de construire ces points d’échange en respectant les standards. S’ils doivent être ouverts, ou si un client demande un accès direct, nous répondons : pas de problème, utilisez la librairie RSS de votre choix.

Si nous travaillons avec un outil et que nous y ajoutons une fonctionnalité importante ou que nous corrigeons un bogue, nous le partageons évidemment avec les développeurs du projet.

L’interface d’utilisation est, quant à elle, entièrement construite sur-mesure pour des organismes politiques ou à but non lucratif… ou n’importe-qui désirant s’engager dans un projet avec un but en tête. »

Alors que la campagne Obama monopolise l’attention, d’autres hackers de l’équipe initiale, celle de Dean, s’affèrent à travailler sur quelque chose que Obama et McCain ont tous les deux défendus en tant que sénateurs : une gouvernance transparente et responsable. Témoignage de Greg Elin, spécialiste des données à la Sunlight Foundation et pour tous les organismes qu’elle supporte (OpenCongress.org, Congresspedia.org, FedSpending.org, OpenSecrets.org, EarmarkWatch.org, LOUISdb.org…) :

« Presque tous nos projets sont Open Source, mais il arrive qu’on modifie un peu le code et ça prend du temps pour le publier. On n’est pas loin d’avoir convertit tous nos groupes à l’Open Source : MySQL, PostgreSQL, Apache, … La structure est rapidement adoptée : Rails, Django, Symfony…

Dernièrement je m’intéresse plus particulièrement aux scripts dynamiques, ce que j’appellerai des ensembles de données “débiter et terminer” en opposition à ce que Jeff Jonas appelle des ensembles de données entreposer et empiler. Les scripts dynamiques c’est ce qui fait Unix ! C’est à dire que chaque application a des données d’entrée et des données de sortie. Nous laissons derrière nous le monde des bases de données-créer-rapport pour entrer dans le monde des RSS en entrée et RSS en sortie.

Voici deux exemples de flux. Une base de données Sunlight, LouisDB.com, épluche le Congressional Daily Record quotidiennement, transformant son contenu en un fichier XML. Garrett Schure (développeur chez Sunlight Labs) et Josh Ruihley ont mis au point un algorithme de comptage de mot pour présenter le Mot du Jour du Congress et le microsite http://capitolwords.org, site qui date de 2001 et qui dispose d’un flux RSS, d’API et d’un widget que les gens peuvent incorporer à leur site. Louisdb.com facilite la recherche du contenu du Congressional Record. Un script est même disponible maintenant pour en faire du contenu pour Tweeter que d’autres peuvent utiliser aussi. Le deuxième exemple vient de MySociety: TheyWorkForYou. En analysant les archives quotidiennes du parlement et les votes il dresse un portrait de qui fait quoi au parlement. Et enfin, de nombreux sites s’appuient sur le travail de Josh Tauber http://govtrack.us b/c. Josh rassemble toutes les données qui ont trait aux lois votées au Congrès et les transforme en XML. Les données de Josh sont ouvertes, tout comme son code. C’est une contribution énorme. »

Et que devient Howard Dean ? Tout va bien pour lui, en 2005 il est devenu président du comité national démocratique. Son ancien site de campagne, DeanForAmerica, s’est doucement transformé en DemocracyForAmerica, qui soutient de nombreux candidats et non plus un seul. Jascha nous raconte : « Il a rassemblé toutes ces personnes, dont certaines avaient pris les rênes de leur antenne locale du parti démocrate, et les a aidé à canaliser cette énergie et cet esprit citoyen dans le but de faire élire les candidats défendant la démocratie et le progrès dans tout le pays. Ils ont fait des levées de fond. Ils ont mis en marche le bouche à oreille, coordonné les volontaire. Ici même à Boston un conseiller municipal, Sam Yoon, a emporté son siège haut la main grâce au formidable support de DFA. Tous ceux qui ont fait campagne pour Dean sont devenus des supporteurs de Yoon. »

Britt Blaser :

« Avant Dean, les hommes politiques ne savaient pas qu’Internet avait été créé par des “makers” et non pas par des “machers”, terme politique qui désigne ces personnes qui naviguent en politique grâce à leur influence, l’argent et l’intimidation. L’équipe de campagne de Dean, ses “makers”, est la graine d’une nouvelle classe d’experts en politique, une nouvelle classe qui se concentre sur les moyens et non sur la fin. Tout comme les hackers de Linux, les makers de Dean ont agi comme un guilde plutôt que comme des partisans et de la même manière ils se sentaient plus proches des personnes qui ne participaient pas à la campagne que de leurs supérieurs. Puisqu’ils sont tous volontaires, l’idée de supérieur ne signifiait pas grand chose à leurs yeux. Ils étaient à la recherche de collaborateurs en dehors de la campagne avec un objectif politique en tête. Mais les outils qu’ils ont élaborés s’accordent particulièrement bien avec les objectifs gouvernementaux puisque tout problème devient une loi après une campagne réussie pour les cœurs et les esprits et l’argent. »

Ce qui est très bien, mais est-ce suffisant. De tous les contacts que j’ai eu avec des anciens de la campagne de Dean, il y en a un qui se démarque des autres, celui avec Liza Sabater. Elle se plaignait du dernier né : CivicSpaceLabs (une création de Zack Rosen et d’autres personnes) et elle n’était pas la seule. Sa synergie avec Drupal a fait des merveilles et ce n’est pas tout.

« La vérité est qu’il n’existait aucun autre projet Open Source dont les promesses arrivaient à la cheville de celles de CivicSpaceLabs » nous dit Liza. « Et c’est là, à mes yeux, la différence fondamentale entre les élections de 2004 et de 2008. Malgré tout ce qu’on peut dire à propos de la campagne Obama, qu’elle s’appuie sur le net et qu’elle est avant-gardiste, le code du site est quand même propriétaire. Et je ne prédis pas d’ouverture du code pour que n’importe qui puisse répliquer ce qu’ils ont créé. Il en va de même d’ailleurs pour MoveOn.org, Democracy For America et même des outils d’organisations créés par le DNCC. »

Aucune des deux campagnes ne laissent une bonne impression à Phil Windley, ancien président de Utah : « Ce que je vois, c’est que le Net est perçu comme un grande média de diffusion de masse avec une tirelire intégrée. »

Greg Elin met ce déséquilibre en perspective :

« Les programmeurs et technologues qui ont grandit avec le Web et l’Open Source ont commencé à entrer dans l’arène politique, ou e-politique, ces dernières années et ils amènent avec eux les outils et les pratiques de l’Open Source et du Web 2.0. Ils collaborent, et des fois font concurrence, des technologues déjà en place qui était souvent des activistes qui ont appris à se servir d’abord des feuilles de calculs, des bases de données et de la publication et ensuite du Web pour faire passer leurs messages. Nous assistons donc à une geek-i-fication générale, des campagnes aux groupes gouvernementaux et même du gouvernement lui-même. Plus d’Open Source. Plus de structure. Plus de communication entre les développeurs. C’est encore loin d’être beau et lisse, mais une chose est sûr, on y arrive progressivement. Le point de non retour a été atteint maintenant en politique, la seule question qui reste en suspend concerne l’impact que cela aura. »

Dans une démocratie les candidats ne devraient pas être vendus comme des produits ou des marques. L’image compte, mais elle reste superficielle. La substance de la démocratie est ce que les hackers ont appris sur la durée : la liberté de faire, la liberté d’être, l’ouverture, la générosité et la responsabilité constructive. Le meilleur code n’est pas celui qui gagne, c’est celui qui marche. Il nous faut poursuivre cet effort maintenant et il nous faut l’enseigner aussi.

Notes

[1] Crédit photo : Marcn (Creative Commons By)




L’influence de Microsoft à l’école n’est-elle pas disproportionnée ?

Lettre aux enseignants - Offre Microsoft Office 2007Les enseignants doivent se sentir flattés d’un tel intérêt. En effet, en moins de six mois voici la troisième lettre qui leur est adressée par la société américaine Microsoft, et comme les précédentes missives nominativement dans leurs casiers de la salle des professeurs (vous en trouverez une image scannée en fin d’article).

Quel que soit son enrobage pédagogique cautionné par des associations d’enseignants complices de la manœuvre, le fond du sujet est toujours le même : la suite bureautique Microsoft Office 2007. On ne s’en cache pas du reste puisque l’objet de la lettre est texto : « Téléchargez Office 2007 chez vous sans frais ! ».

À croire que malgré la véritable machine de guerre déployée elle peine à être adoptée. Il faut dire qu’il n’y a pas que cette suite en jeu. Tapis derrière elle, c’est le nouveau système d’exploitation Windows Vista que Microsoft voudrait voir massivement installé dans les établissements scolaires (jackpot financier à la clé), alors que, répétons-le, absolument rien ne le justifie. Et encore plus loin c’est d’un véritable choix « culturel » qu’il s’agit. Souhaitez-vous que vos logiciels, formats, ressources, pratiques, échanges… soient majoritairement libres ou propriétaires ?

Vous connaissez notre réponse. Voici celle de Microsoft et ses acolytes avec cette nouvelle lettre aux enseignants qui a le mérite de synthétiser et d’exposer au grand jour toute la stratégie Microsoft en la matière. Nous vous proposons ci-dessous une petite lecture décryptée commentée. Pour finir pour nous demander en guise de conclusion si nous devons ou pouvons y faire quelque chose.

En route vers le B2i !

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification pédagogique…

C’est par ce slogan lancé par une charmante jeune femme que s’ouvre la lettre. Il est à noter que le Brevet Informatique et Internet (B2i) existe depuis plus de sept ans déjà mais qu’à cela ne tienne, allons vers… et allons-y gaiement et en confiance puisque Microsoft est justement là pour nous accompagner et nous faciliter la vie numérique.

Il y aurait beaucoup à dire d’ailleurs sur ce B2i, véritable fausse bonne idée de l’Éducation Nationale. Moins on a d’élèves et plus il est vanté, jusqu’à se montrer dithyrambique lorsque l’on a n’a plus d’élèves du tout ! Quitte au passage à donner mauvaise conscience aux collègues qui se permettraient de montrer quelques signes de perplexité quant à sa mise en application effective, accusés alors un peu vite de faire de la « résistance au changement ».

Il n’empêche que le B2i est là, qu’il y a désormais obligation de le valider, par exemple pour obtenir son Brevet en fin de collège, et qu’on doit donc faire avec et en l’état pour le moment. Et c’est plutôt bien vu de la part de Microsoft que de choisir cet angle d’attaque.

Depuis le mois de juin, vous avez le droit de télécharger sans frais Microsoft Office 2007 sur www.officepourlesenseignants.fr, comme tous les membres du corps enseignant des écoles, des collèges et des lycées, conformément à l’Accord cadre signé entre Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale.

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification contractuelle…

Tout ce passage est rédigé en gros et gras. On notera qu’on prend bien soin de ne pas prononcer le mot gratuit, le droit conféré est un « droit pour une installation sur votre PC à domicile pour votre usage professionnel ». Drôle de licence que voilà, quid d’un ordinateur portable qui sortirait du domicile et quid d’un enseignant qui souhaiterait ponctuellement en faire un usage non professionnel ?

En tout cas après le B2i, et c’est toujours aussi bien vu de la part de Microsoft, on va s’appuyer sur ce fameux Accord cadre contracté en décembre 2003 et reconduit depuis. Je vous invite à le parcourir dans son ensemble mais si l’on devait n’en retenir qu’une phrase ce pourrait être la suivante, qui apparait à même le très officiel site Educnet : « L’Accord cadre a pour objectif de rendre plus homogènes et d’actualiser les systèmes d’exploitation du parc de PC des écoles, collèges et lycées, en favorisant l’accès à la dernière version de la suite bureautique Microsoft Office. » On ne peut être plus clair, la mise à jour vers Vista trouvant ici un magnifique alibi. Et tant pis pour le logiciel libre.

Rapport Becta en main, il pourrait être facile de critiquer cette prise de position discutable et arbitraire du Ministère de l’Éducation Nationale. Sauf qu’on ne peut l’accuser frontalement de favoritisme puisqu’il existe d’autres Accord cadres (Apple, IBM, Intel, Sun…) dont un très particulier que l’AFUL présentait ainsi dans un récent communiqué : « Le 28 octobre 1998, le Ministère de l’Éducation nationale signait un accord avec l’Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres (AFUL), accord cadre permettant le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication auprès de l’ensemble des établissements d’enseignement français et des enseignants en ce qui concerne l’emploi des ressources informatiques libres et la disponibilité de ressources commerciales liées à l’informatique libre. Depuis dix ans, conséquences directes de l’accord cadre ou souvent simplement facilitées par son existence, de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux. »

Soit. L’AFUL met en valeur et c’est bien normal ce qui à l’époque constituait symboliquement une magnifique reconnaissance pour le logiciel libre à l’école. Il n’empêche qu’on se retrouve selon moi dix ans plus tard quelque peu piégé par la co-présence de ces deux Accord cadres que Microsoft fait bien plus fructifier que l’AFUL. Si ce constat est partagé, il conviendrait de voir ce que l’on peut faire ensemble pour remédier à cela.

Mais poursuivons la lecture de la lettre…

L’association d’enseignants Projetice vous propose plus de 120 formations réparties dans les Académies pour échanger et prendre en main des applications pratiques d’usages pédagogiques des TICE autour notamment des nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007.
http://www.projetice.fr/formations/formations_office.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent la bonne parole sur le terrain…

Et revoici l’association d’enseignants Projetice. J’en avais parlé l’année dernière sans que personne ne vienne m’apporter la contradiction sauf… Thierry de Vulpillières, directeur des partenariats éducation chez Microsoft France ! Mes hypothèses non encore infirmées étaient les suivantes : Projetice a été créée sous l’impulsion de Microsoft, Projetice est quasi exclusivement financée par Microsoft, et les prestations de ses membres ne sont pas bénévoles et donnent lieu à rémunération et couvertures de frais par l’association et donc indirectement par Microsoft.

Et parmi les prestations il y a donc désormais ces « plus de 120 formations ». Quelle force de frappe ! Un véritable réseau parallèle au très officielle plan de formation continue de l’Education Nationale. Une aubaine pour le Ministère qui cherche à faire des économies à tous les étages (dont celui de la formation continue justement). Et comme ce n’est pas Microsoft qui entre dans les établissements scolaires mais de vrais collègues, les portes se trouvent être bien entendu grandes ouvertes.

J’aimerais beaucoup recueillir ici-même quelques témoignages d’enseignants qui ont eu l’honneur d’assister à l’une des ces formations. Parce que là encore on mélange allègrement dans le libellé les « pratiques d’usages pédagogiques des TICE » avec les « nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007 ». On va finir par croire que l’un ne va pas sans l’autre ! La confusion venant de fait que les formateurs endossent simultanément leurs habits d’enseignants et de « VRP Microsoft ». Alors réelle formation pédagogique ou « publi-information » qui ne veut pas dire son nom ?

Les éditions Nathan vous propose l’ouvrage « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 » qui permet une prise en main rapide et simplifiée de la nouvelle suite bureautique Office 2007. Nathan s’associe également à une offre très attractive d’équipement des établissements disponible sur le site www.nathan.fr/Office2007

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire éditeur scolaire…

Il fallait bien aussi un grand éditeur. Je note au passage qu’avec le titre proposé, « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 », le rôle de Nathan ici est bien moins celui d’un éditeur scolaire que celui d’un éditeur informatique. Sachant que pour l’un comme pour l’autre, nous avons d’autres modèles à proposer comme par exemple Génération 5 pour le scolaire et… Framabook pour l’informatique 😉

Nathan nous offre lui aussi son petit service autour du B2i. Pas très conforme à son esprit du reste puisqu’il nous est proposé en ligne « d’évaluer et valider les connaissances de vos élèves » pour au final « délivrer l’attestation de réussite à chaque élève ». On se retrouve en fait avec une sorte de QCM que le Café Pédagogique devrait tout particulièrement apprécier. On remarquera par ailleurs que le site n’est pas non plus très conforme avec les standards du Web puisque « Attention, le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer ».

Curiosphere.tv (la web educative de France 5) vous propose désormais plus d’une centaine de vidéos à usage pédagogique et notamment à travers le site thématique consacré au B2i « tutoriels vidéos, se former au B2i »
http://www.curiosphere.tv/ressource/19636-tutoriels-video-se-former-au-b2i

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire institutionnel…

J’ai eu également déjà l’occasion de consacrer un billet (puis un deuxième) à Curiosphere.tv. La principale critique venant du fait qu’à parcourir les vidéos proposées, on hésitait entre formation B2i et formation aux logiciels Microsoft, l’un servant un peu de couverture à l’autre.

Comprenez-vous pourquoi par exemple la vidéo titrée « Tutoriel Word : modifier un schéma » se trouve être placée dans la catégorie « B2i > Adopter une attitude responsable » ? Et tout est à l’avenant. On participe à la réalisation de vidéos de promotion des produits Microsoft et après on les place aux forceps, un peu n’importe comment, dans les « cases B2i ». À trop vouloir tirer sur la corde de la justification pédagogique, elle finit par casser…

Mais arrêtons-nous quelques instants plus en détail sur ces vidéos. Si vous avez huit minutes, prenez le temps de regarder « Tutoriel Word : créer une frise chronologique » où un virtuose de Word vient nous montrer effectivement comment réaliser de but en blanc un tel objet. C’est franchement spectaculaire (et je ne crois pas qu’OpenOffice.org 3.0 dispose d’une telle fonctionnalité).

Le problème est double. D’abord on peut légitimement se demander si le jeu en vaut la chandelle pour un enseignant qui, si il se met à la tâche, passera certainement plus de temps que notre virtuose. Sans oublier que peut-être, après tout, notre enseignant était satisfait des frises qu’il proposait à ses élèves « du temps d’avant Microsoft Office 2007 ». Il s’agit donc déjà de faire la part des choses entre le gadget aussi clinquant soit-il et ses réels besoins.

Mais admettons qu’il estime que cette « frise qui fait jolie » mérite d’être insérée dans ses cours. On se retrouve alors face à un nouveau problème et non des moindres. En effet, il n’a pas, me semble-t-il, été prévu de mutualiser, échanger, éditer, modifier… collaborativement les ressources « pédagogiques » ainsi produites. Et ce n’est malheureusement guère étonnant car Microsoft n’a ni expérience ni culture en la matière. Ses formats de fichiers sont fermés et non interopérables, ses produits et ses ressources ne sont pas sous licences libres, et surtout la société ne s’est jamais appuyée sur des communautés d’utilisateurs pour « créer ensemble ». Elle n’a que des clients, et c’est aussi pour cela qu’elle se trouve parfois mal à l’aise voire parfois carrément en porte-à-faux lorsqu’elle aborde les rives du secteur éducatif.

Il n’y qu’à visiter les sites de Projetice et du Café Pédagogique, tous deux réalisés avec le concours de Microsoft, pour s’en convaincre. Les possibilités d’interactions avec le visiteur y sont minimales. Le plus emblématique étant le site du fameux Forum des enseignants innovants de Rennes qui « visait à faire connaître et à valoriser les nombreux projets pédagogiques innovants ». Que reste-t-il aujourd’hui sur le site de la centaine de projets sélectionnés ? Rien. Personne n’a pensé qu’il pouvait être a posteriori opportun de les mettre à disposition des collègues internautes qui n’ont pu se rendre à la manifestation.

Parce que c’est bien gentil mais pourquoi devrais-je réinventer la roue et créer de A à Z ma propre « frise qui fait jolie » ? Pourquoi ne me propose-t-on pas le document qui a permis de réaliser cette frise ? Cela me permettrait de ne pas démarrer à vide, de mieux comprendre comment le virtuose s’y est pris et surtout de pouvoir la modifier pour l’adapter à mes besoins. En lien et place on trouve sous la vidéo le texte suivant : « Extrait de : Office pour les enseignants – Word 2007 © 2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. » qui n’invite pas forcément à la collaboration.

On remarquera que le site de Microsoft dédiée à l’opération propose lui aussi la même vidéo. La seule différence c’est la possibilité de télécharger la vidéo (au format fermé .wmv) mais aussi de… « l’envoyer à un ami » ! Que la dimension collective se résume à prévenir un ami en dit long sur l’état d’esprit du projet.

J’ajoute que la mise à disposition du document source ayant permis de créer la « frise qui fait jolie » est une condition nécessaire mais non suffisante à une collaboration optimale. Il conviendrait en effet d’en proposer un format ouvert et pérenne (ce qui n’est malheureusement pas encore le cas du .docx) et de placer le tout sous une licence qui favorise le partage. Et puis, si l’on veut vraiment bien faire les choses, pourquoi ne pas regrouper toutes ces ressources sur un site dédié permettant aux enseignants de réellement communiquer avec leurs pairs ? Vous verrez qu’alors des synergies apparaîtront spontanément entre les collègues et des projets insoupçonnés se mettront en place.

C’est toute la différence entre la culture du logiciel libre et celle du logiciel propriétaire. Et c’est ici je crois que le logiciel libre a beaucoup à apporter à l’école. Ce que la société Microsoft, malgré sa pléthore de moyens et ses alliés de circonstance, est bien incapable d’imaginer, enfermée qu’elle est par son modèle économique traditionnel. Aujourd’hui, en l’absence de toutes ces considérations, la « frise qui fait jolie » demeure au niveau de la pure poudre aux yeux. Ce n’est plus de la pédagogie, c’est du simple marketing.

Réalisé par un collectif d’enseignants, le Café Pédagogique publie chaque jour « l’Expresso », un flash d’information sur l’éducation. Le « Café Mensuel » partage entre profs les « bonnes pratiques » et les ressources pédagogiques nouvelles dans votre discipline. Vous êtes déjà plus de 180.000 abonnés à ces éditions. Le « Guide de Web pédagogique » vous donne les clés pour faire entrer les TICE dans la classe. Le « Guide du BAC et du Brevet » aidera vos élèves dans leurs révisions.
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Entrezlestice.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent massivement la bonne parole sur internet…

Je me demande si parmi « les clés pour faire entre les TICE dans la classe », on ne trouve pas aussi celles de Microsoft.

Toujours est-il que le Café Pédagogique a lui aussi fait l’objet d’un billet dédié tout récemment. Je n’y reviens pas si ce n’est pour dire que la seule réponse obtenue fut un mail privé. La porte est fermée, le débat public refusé et je le regrette.

En vous souhaitant une bonne prise en main de ces offres, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos respectueuses salutations. Eric le Marois, Directeur Éducation et Recherche, Microsoft France.

Avec en bas de page, les logos de tous les partenaires (dont celui de Microsoft qui joue ici les modestes en se fondant avec les autres).

Voilà. Qu’ai-je voulu dire ici quitte à radoter pour la énième fois et irriter le lecteur avec mes idées fixes ?

Tout d’abord montrer la solidité et l’intelligence de la toile tissée par Microsoft au sein de l’Éducation Nationale. Je félicite sincèrement Thierry de Vulpillières pour cette politique d’entrisme menée de main de maître en fort peu de temps. L’école ayant de nombreux chats à fouetter, des difficultés budgétaires et peu d’expérience en matière « d’intelligence économique », elle ne pouvait clairement et momentanément pas lutter, surtout si l’on se permet de montrer patte blanche via un réseau de partenaires et d’associations d’enseignants financièrement dépendants du bailleur de fonds. Franchement, et n’en déplaisent à mes détracteurs, il est difficile, quand on regarde l’envergure et l’ambition de l’opération, de considérer Microsoft comme une société commerciale comme les autres. Et puis d’abord quelle est sa réelle légitimité pour venir nous parler de pédagogie ?

Mais je tenais également à témoigner, et ceci n’engage que moi, de la faiblesse actuelle de ceux qui souhaitent faire une plus juste place aux logiciels libres à l’école (« culture du libre » incluse !). Oui, comme le dit l’AFUL, et ce n’est pas le réseau Framasoft qui va la contredire, « de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux ». Mais oui aussi ces réalisations, aussi nombreuses soient-elles, sont éparses, pas encore assez structurées et organisées, et faiblement soutenues par l’Institution. Oui encore cette trop forte présence et prégnance de Microsoft à l’école freine non seulement le logiciel libre mais une certaine idée que l’on se fait des TICE. Et oui surtout nous ne sommes pas capable aujourd’hui de proposer des actions similaires d’une telle cohérence et d’une telle dimension. Non pas, comme certains aimeraient le croire, pour « bouter Microsoft hors de l’école », mais simplement pour faire entendre notre voix et, parce que l’indifférence amène l’ignorance, offrir ainsi à une majorité d’enseignants les conditions du choix. Un choix qui, nous le savons, va bien au delà de la praticité d’usage de tel ou tel logiciel.

Pouvons-nous adresser un courrier personnalisé dans le casier de chaque enseignant ? Pouvons nous proposer plus de cent formations non pas aux nouvelles fonctionnalités de la dernière version d’OpenOffice.org mais plutôt à l’utilisation pédagogique d’une suite bureautique illustrée par exemple avec OpenOffice.org ? (formations que l’Accord cadre avec l’AFUL autorisent pleinement du reste) Pouvons-nous, comme on nous y invite, réaliser plus d’une centaine de vidéos didactiques ? Pouvons-nous enfin communiquer d’un coup avec des centaines de milliers d’enseignants comme peut le faire le Café Pédagogique avec les produits de son partenaire ? (ce qui serait pratique par exemple pour diffuser le rapport Becta).

Malheureusement non. Rien nous oblige bien entendu à vouloir reproduire à l’identique cette manière de faire. Mais force est de constater qu’aujourd’hui nous ne pouvons rivaliser. On peut bien sûr décider de ne rien faire de plus que ce l’on fait actuellement (ne serait-ce que parce qu’on ne peut en faire plus) et s’en remettre à la sagesse et à la clairvoyance de nos collègues en se disant que jour après jour, dans l’ombre du terrain, le logiciel libre et son état d’esprit avancent et finiront par atteindre une telle masse critique qu’on ne pourra plus feindre de les ignorer.

Certes, mais on peut aussi être plus volontariste, surtout si l’on accepte le fait que ce qui est exposé dans cet article est potentiellement à même de nous faire reculer de dix bonnes nouvelles années ! Ce recul étant bien moins celui des logiciels que celui des mentalités. Si cela ne tenait qu’à moi, et si j’avais la moindre légitimité pour le faire, j’irai même jusqu’à convoquer d’urgence un… « Grenelle du Logiciel Libre dans l’Éducation » !

C’est une boutade, mais je crois sincèrement que, la balle étant dans notre camp, il y a là prétexte à se mettre en mouvement et unir nos quelques forces. Partout ailleurs dans l’administration publique, le logiciel libre est évalué et bien souvent adopté. Pourquoi en irait-il autrement à l’Éducation Nationale ? Parce qu’avec la complicité passive du Ministère, Microsoft aura fait acte héroïque de résistance en compagnie de quelques enseignants que le court terme aveugle ?

Je ne puis m’y résoudre et vous pose pour conclure la question suivante : Ce billet n’est-il qu’une nouvelle déclinaison de l’obsession paranoïaque d’un adepte de la théorie du complot ou bien au contraire sommes-nous face à un réel problème qui nécessite de réelles réponses ?




De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale

MK Media - CC byD’un côté vous avez le « copyright », qui donne à l’auteur un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) et qui s’applique par défaut en l’absence de toute autre mention.

C’est ce qu’a toujours connu l’Éducation Nationale avant l’apparition des nouvelles technologies, et mis à part le problème du « photocopillage qui tue le livre », tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. D’autant que l’on ne pouvait pas avoir conscience qu’il pouvait en être autrement. Et puis, il suffisait d’être patient et d’attendre que certaines œuvres tombent dans le domaine public.

Puis est arrivé le « copyleft », c’est-à-dire la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

Ce copyleft ouvre la voie aux Open Educational Ressources. Nous en avons un bel exemple chez nous avec Sésamath et ses « manuels libres », et rien que cette semaine j’ai noté deux nouvelles ressources scolaires dans la sphère anglophone : Collaborative Statistics, un manuel sous licence Creative Commons By-Sa et Chemical Process Dynamics and Controls édité à même un wiki et sous la même licence[1].

Question : Qui du copyright ou du copyleft est plus adapté aux situations d’enseignement à l’ère du numérique ?

Pour nous aider à répondre nous allons nous appuyer sur les accords issus du texte toujours en vigueur paru au Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007 concernant l’usage en situation scolaire de l’écrit, de la presse, des arts visuels, de la musique et de l’audiovisuel.

L’un des problèmes de ces accords c’est qu’il y a confusion et collusion entre « œuvres protégées » et « œuvres protégées sous le classique copyright ». Le copyleft, qui n’est à aucun moment mentionné, protège lui aussi les œuvres, par exemple en garantissant toujours la paternité des auteurs, mais pas de la même façon et pas dans le même but.

Toujours est-il que voici donc nos enseignants confrontés uniquement à des œuvres protégées sous copyright. Et là, tout petit hiatus, on ne peut a priori strictement rien faire avec de telles œuvres puisque l’auteur (ou les ayant-droits) en détient les droits exclusifs d’exploitation. Pour lever l’interdit il faudrait en théorie demander au cas par cas les autorisations. Vous imaginez un professeur d’histoire et géographie contactant tous les ayant-droits des illustrations qu’ils comptent montrer à ses élèves pendant toute l’année avec toutes ses classes ? Ce n’est pas réaliste.

Dans la mesure où « l’exception pédagogique » n’est parait-il qu’un mythe sans le moindre fondement juridique, l’Institution se devait de faire quelque chose et c’est ce qui fut fait avec ce texte officiel du BO, conséquence directe des négociations avec les ayant-droits de « l’industrie culturelle ».

En voici quelques extraits (évidemment choisis et commentés à dessein, donc je vous invite à le lire en intégralité, histoire de vous en faire une meilleure idée, c’est un peu indigeste mais juridiquement et aussi « culturellement » c’est fort instructif et pas seulement si vous faites partie de la maison).

Accrochez-vous et ayez une pensée compatissante pour nos enseignants qui doivent en connaître les détails sur le bout des doigts et ne surtout pas commettre d’erreurs dans leurs applications.

Mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche

C’est l’accord général qui fixe le cadre et donne le modèle.

Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel.

Louable intention.

Le champ de ces accords recoupe dans une large mesure celui de la clause introduite au e) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information parfois appelé aussi DADVSI.

Conformément aux principes fondamentaux du droit de propriété intellectuelle, constamment rappelés par la législation française, l’utilisation collective d’une œuvre protégée est soumise en principe au consentement préalable du titulaire des droits d’auteur. Pour répondre aux besoins du service public de l’enseignement et favoriser la diversification des supports pédagogiques, les cinq accords sectoriels proposent un cadre général pour les utilisations les plus usuelles. Les utilisations qui entrent dans le champ de ces accords et qui en respectent les clauses sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels n’aient à effectuer de démarches particulières.

C’est ce que j’évoquais plus haut. L’idée c’est d’obtenir une sorte de passe-droit pour ne plus avoir à demander d’autorisations. Bien entendu, comme nous le verrons plus bas, il y a quelques compensations.

La représentation dans la classe d’œuvres protégées est couverte de façon générale dès lors qu’elles illustrent le cours. Il en va ainsi de la projection d’une image, d’un document audiovisuel ou de la diffusion d’une chanson qui éclaire un point de l’enseignement ou qui en constitue l’objet principal. Cette représentation collective peut également intervenir pour illustrer le travail qu’un élève ou un étudiant présente à la classe.

Cette couverture est pleine de bon sens sauf si c’est le seul cas de couverture possible.

Les accords autorisent la représentation d’extraits d’œuvres lors de colloques, conférences ou séminaires organisés à l’initiative et sous la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les accords exigent que le colloque, la conférence ou le séminaire soit destiné aux étudiants ou aux chercheurs. Dans le cas contraire, la représentation d’œuvres sera subordonnée à l’accord préalable des titulaires de droit.

Le supérieur n’est pas très gâté. On lui fixe un cadre très précis et dans le cas contraire c’est interdit (sauf accord préalable…).

Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie :
– pour les livres : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20% de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5% de la pagination de l’ouvrage par classe et par an ;
– pour la presse : deux articles d’une même parution sans excéder 10% de la pagination ;
– pour les arts visuels : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400×400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.

Arbitraire et pour le moins alambiqué tout ça ! Limite ubuesque ! Rappelons, pour mémoire, qu’avec le copyleft il n’y aucune contrainte d’utilisation.

La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont incorporées.

Nouvelle barrière.

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Il y a donc obligation de déclarer chaque œuvre utilisée ! Ce qui, pour notre professeur d’histoire-géographie, peut prendre un certain temps. Mais ayez la curiosité de vous rendre sur le site de la déclaration. Aucune identification n’est demandée, je me suis imaginé renseignant une photographie et me suis retrouvé avec deux uniques champs : « Auteur » et « Nbre estimé d’élèves/étudiants destinataires ». On clique sur valider et c’est tout. Est-ce ainsi que l’on va redistribuer équitablement les droits ?

Accord sur l’utilisation des livres et de la musique imprimée à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas particulier des livres (et des partitions musicales). Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), agissant également au nom de la société de perception et de répartition de droits suivante AVA, sur mandat exprès de ces dernières, La Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) ci-après dénommés « les représentants des ayants droit ».

Le ministère réaffirme son attachement au respect des droits de propriété littéraire et artistique. Il partage le souci des ayants droit de mener des actions coordonnées pour sensibiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants et chercheurs – sur l’importance de ces droits et sur les risques que la contrefaçon fait courir à la vitalité et la diversité de la création littéraire et artistique.

J’ai déjà entendu cela quelques part…

Pour ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord : de parties d’œuvres musicales visées par l’accord dont la longueur sera déterminée d’un commun accord entre les Parties, en fonction des œuvres concernées et des usages appliqués ; à défaut d’accord particulier, l’extrait ne peut excéder 20 % de l’œuvre musicale concernée (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord ; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5 % d’une même œuvre musicale visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord.

Bienvenue dans le monde de la complexité…

En ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord, sont autorisées exclusivement les reproductions numériques graphiques temporaires exclusivement destinées à la représentation en classe par projection collective. Les reproductions d’œuvres musicales par reprographie ne sont en aucune manière autorisées par le présent accord ainsi que rappelé à l’article 4.2 ci-après. Il est précisé que le présent article n’autorise pas les reproductions numériques temporaires des œuvres musicales visées par l’accord disponibles uniquement à la location auprès des éditeurs concernés.

Un vrai terrain miné…

L’accord n’autorise pas la distribution aux élèves, étudiants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d’œuvres visées par l’accord.

C’est bien dommage parce qu’avec le copyleft l’élève peut tranquillement repartir de l’école avec l’œuvre numérique dans sa clé USB.

Les moteurs de recherche des intranets et extranets des établissements permettront l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, ou aux communications faites lors de colloques, conférences ou séminaires, mais ne comporteront en aucune manière un mode d’accès spécifique aux œuvres visées par l’accord ou aux extraits d’œuvres visées par l’accord ou une indexation de celles-ci.

De la recherche bridée en somme.

Le ministère informera les établissements du contenu et des limites de l’accord. Il s’engage également à mettre en place dans l’ensemble des établissements des actions de sensibilisation à la création, à la propriété littéraire et artistique et au respect de celle-ci. Ces actions, définies en liaison avec les représentants des ayants droit, interviendront au moins une fois par an et par établissement. Elles pourront prendre des formes diverses en partenariat avec des auteurs, des compositeurs, des éditeurs de livres ou de musique ou des artistes plasticiens.

Je veux bien participer 😉

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera au CFC et à la SEAM une somme de :
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC et la SEAM entre les titulaires de droits ou leur représentant qui leur ont donné mandat pour conclure l’accord.

C’est précis et non négligeable.

Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que, dans le cours de l’application de l’accord, les utilisations numériques d’œuvres visées par l’accord augmenteraient de façon significative, la rémunération définie ci-dessus devra être révisée en conséquence. Les Parties se rapprocheront pour fixer la rémunération adaptée.

Je suis curieux de savoir comment on peut réellement se rendre compte de cela. Via le formulaire de renseignement mentionné plus haut ? Je n’ose à peine le croire !

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Quand les « agents assermentés » des ayant-droits sont autorisés à pénétrer dans le sanctuaire scolaire… Je ne sais pas trop (ou trop bien) comment qualifier cela.

Accord sur l’utilisation des publication périodiques imprimées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas de la presse. Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) agissant au nom des éditeurs de publications périodiques imprimées.

En contrepartie des autorisations consenties par le présent accord, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche versera au CFC une somme de :
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC entre les titulaires de droits qui lui ont donné mandat pour conclure le présent accord.

Accord sur l’utilisation des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Passons aux œuvres des arts visuels (images, photos, illustrations, etc.). Accord signé entre le ministère et l’AVA, société de perception et de répartition de droits, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits suivantes sur mandat exprès de ces dernières : ADAGP, SACD, SAIF et SCAM, l’ensemble de ces sociétés étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera à AVA une somme de :
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par AVA aux titulaires de droits ou leur représentant.

Accord sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonors d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéomusiques à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Quant à la musique… Accord entre le ministère et La SACEM, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, agissant pour elle- même et au nom des sociétés de perception et de répartition suivantes sur mandat exprès de celles-ci : ADAMI, SACD, SCPP, SDRM, SPPF, SPRE, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la SACEM, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la SACEM une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la SACEM entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Et pour finir le cinéma. Accord entre le ministère et la PROCIREP, société des producteurs de cinéma et de télévision, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits assurant la gestion des droits sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ci- dessous désignées : ARP, ADAMI, SACD, SACEM, SCAM, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la PROCIREP, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

Est autorisée par l’accord la représentation dans la classe, aux élèves ou étudiants, de toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée par un service de communication audiovisuelle hertzien non payant (…) L’utilisation d’un support édité du commerce (VHS préenregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service de communication audiovisuelle payant, tel que, par exemple, Canal+, Canalsatellite, TPS, ou un service de vidéo à la demande (VOD ou S-VOD), n’est pas autorisée par l’accord, sauf dans le cas prévu à l’article 3.2.

Ne reste plus, si j’ai bien compris, que nos chères chaînes de télévision généralistes à voir uniquement en direct live.

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la PROCIREP une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la PROCIREP entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Je prends ma calculette… ce qui nous donne pour les seules années 2007 et 2008… quatre millions d’euros tout rond pour toutes « les sociétés de perception et de répartition de droits ». C’est pas mal, surtout si l’on se souvient des nombreuses clauses restrictives qui parsèment les accords (et puis, au risque de m’égarer, n’oublions pas également la taxe sur la copie privée, qui certes s’applique à tout le monde mais qui participe de la même logique).

Voilà. Dans un monde où n’existerait que le copyright, on se retrouve à négocier ainsi avec les ayant-droits de l’industrie culturelle pour le résultat que vous avez donc aujourd’hui sous les yeux. Reconnaissons que ce n’est pas toujours évident pour les enseignants (et leurs élèves) de s’y retrouver !

Il est à noter qu’à l’époque de la discussion de ces accords, c’est-à-dire en 2006 au fameux temps de l’examen de la loi DADVSI, certains enseignants n’avaient pas hésité à carrément prôner la « désobéissance civile ». Avec une pétition à le clé ayant regroupée pas moins de 5000 signataires.

Il y a cependant une bonne nouvelle. Tous ces accords se terminent le 31 décembre 2008. Nous attendons donc avec impatience (et fébrilité) les nouvelles directives 2009. Peut-être que cette fois-ci le copyleft aura doit de cité ? Dans le cas contraire, cela n’empêchera nullement les enseignants de s’y intéresser toujours davantage, pour finir par lentement mais sûrement construire ensemble les bases d’un nouveau paradigme.

Notes

[1] Crédit photo : MK Media (Creative Commons By)




USA – Obama – 3 principes pour assurer un gouvernement ouvert

Matthias Winkelmann - CC byDésolé d’en remettre une couche sur Barack Obama et son site de transition Change.gov mais il se passe décidément des choses bien intéressantes actuellement du côté des États-Unis.

Comment en effet ne pas mettre en lumière cette initiative (sous forme de lettre ouverte) qui propose trois principes clairs et plein de bon sens non seulement en direction de cette transition mais également pour le futur gouvernement.

Ne pas mettre de barrières juridiques et technologiques au partage dans un environnement qui garantit la libre concurrence (aussi bien entre les entreprises privées qu’entre le privé et le public), tels sont résumés ces trois principes qui valent pour le prochain gouvernement américain mais peut-être aussi pour d’autres pays ![1]

On en profite pour tacler au passage YouTube (qui l’a bien mérité).

Vous trouverez sur le site d’origine la liste des premiers signataires et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on y retrouve du beau monde : Mozilla, Cory Doctorow, Dan Gillmor, Internet Archive, Xiph.Org, Mitch Kapor, Tim O’Reilly, Jimmy Wales, etc.

Sans oublier Lawrence Lessig que je soupçonne d’être directement à l’initiative de la chose ne serait-ce que parce que c’est lui qui intervient dans l’allocution audio qui est également proposée sur le site (allocution qui a été placée sur blip.tv mais est aussi disponible en téléchargement direct et au format ouvert ogg theora, histoire d’être en parfaite cohérence avec les principes exposées).

Nombreux sont ceux qui prétendent que le gouvernement américain a eu souvent tendance à donner le mauvais exemple ces dernières années. Pour ce qui concerne les libertés numériques il se pourrait bien que dans un futur proche le mouvement s’inverse, surtout si ces principes se trouvent réellement mis en œuvre et respectés.

Principes pour une transition ouverte

Principles for an Open Transition

Collectif d’auteurs – 2 décembre 2008 – Open-Government.us
(Traduction Framalang : Eric Moreau)

Le futur Président, Barack Obama, s’est clairement engagé à changer la façon dont le gouvernement interagit avec le Peuple. Sa campagne a été une démonstration de la valeur d’un tel changement, et offert un aperçu de son potentiel. Son équipe de transition vient de franchir un pas décisif en rendant ce travail de transition légalement ouvert au partage, apportant ainsi la preuve que les valeurs qu’a prônées Obama sont celles qui guideront son administration.

Afin de soutenir plus avant cet engagement en faveur du changement et favoriser sa mise en œuvre, nous proposons tois « principes pour une transition ouverte » destinés à orienter cette équipe de transition dans l’usage qu’elle fera d’Internet pour produire ce qui se fera de mieux en matière de gouvernement ouvert.

1. Pas d’obstacles légaux au partage

Le contenu mis publiquement à disposition au cours de cette transition, telles que les vidéos du futur Président Obama, ou les projets politiques publiés sur le site Change.gov, devrait être placé sous licence libre de sorte que les citoyens puissent le partager, en citer des extraits, le retravailler ou encore le redistribuer sans être freiné par la complexité inutile qu’impose la loi.

Le sénateur McCain et le futur Président Obama se sont tous les deux prononcés en faveur de ce principe pour ce qui concernait les droits de diffusion du débat présidentiel. Ce même principe devrait être appliqué à la transition.

Le site Change.gov respecte à présent ce principe. Le contenu présent sur ce site est placé par défaut sous une licence Creative Commons Paternité, laquelle en autorise l’usage, à but commercial ou non, tant que la source du document est citée. Cette liberté est cohérente avec les valeurs promises par la nouvelle administration. L’application de droits d’auteurs restrictifs est parfois nécessaire pour créer une créativité productrice de valeur, mais dans le cas de discours politiques et de débats publics, celle-ci ne serait qu’un obstacle réglementaire superflu.

L’engagement de l’équipe de transition en faveur de ce principe est d’une importance capitale, et l’attention qu’elle porte à cette question, aussi rapidement, malgré d’innombrables problèmes urgents, est fort louable.

2. Pas d’obstacles technologiques au partage

Une liberté de partager et de modifier le contenu qui ne serait que juridique peut néanmoins être entravée par des limitations techniques. Le contenu mis à la disposition de tous devrait aussi être librement accessible, et non contraint par des obstacles technologiques. Les citoyens doivent être en mesure de télécharger du contenu en rapport avec cette transition de sorte qu’il soit aisé de le partager, d’en citer des extraits, de le modifier ou de le redistribuer. Il s’agit là d’une liberté numérique essentielle.

Par exemple, quand bien même ce contenu pourrait être mis en ligne sur un site donné tel que YouTube, ce dernier n’autorisant pas le téléchargement des vidéos présentes sur son site, le contenu créé par l’équipe de transition devrait être également mis à disposition sur un site qui lui le permet. Il serait par ailleurs inacceptable que les sites du gouvernement empêchent les copier/coller de texte mis à la disposition du public ; de la même façon, mettre en ligne des vidéos à l’aide d’un procédé ne permettant pas d’en extraire et d’en réutiliser des passages facilement et légalement en empêche l’accès et interdit la participation.

Nous encourageons donc fortement l’équipe de transition à faire en sorte que le matériau qu’elle a placé sous licence libre soit en outre librement accessible. Il existe un grand nombre de services, tel que blip.tv, qui en plus de permettre aux utilisateurs de télécharger librement du contenu sous licence libre indiquent clairement les libertés associées au contenu proposé. Quelle que soit la façon dont l’équipe de transition choisira de distribuer le contenu qu’elle créera, elle devrait s’assurer qu’un moins un canal de diffusion respecte cette liberté numérique essentielle.

3. La libre concurrence

Les gouvernements doivent rester neutres sur le marché des idées. Le contenu créé par l’équipe de transition devrait ainsi ne pas être publié de manière à avantager de façon déloyale une entité commerciale par rapport à une autre, ou des entités commerciales par rapport à des entités non commerciales.

Par exemple, si la vidéo d’une conférences de presse est fournie en temps réel à des chaînes de télévision, elle devrait mise à disposition sur le Web en simultané sous un format standard et universel permettant le téléchargament et le partage. La décision de l’équipe de transition de rendre les vidéos de conférences de presse sur son site est un pas dans la bonne direction. Enfin, pour s’assurer que les nouveaux médias puissent faire jeu égal avec les médias traditionnels dans le traitement des nouvelles à chaud, il serait souhaitable de diffuser en temps réel sur le site Web conférences de presse et autres évènements médiatiques en direct.

De la même façon, si l’équipe de transition choisit de mettre à disposition une vidéo sur YouTube, diffuser la même vidéo dans un format standard et universel permettra aux autres sites de vidéo de publier eux aussi ce contenu.

Dans l’idéal, ce format devrait être un format ouvert, non propriétaire. Mais le contenu étant placé sous licence libre (cf. Principe n°1), et l’accès libre à ce contenu étant garanti (Principe n°2), la conversion dans un autre format ne sera pas interdite. L’équipe de transition ne favorisera donc pas une plateforme à l’exclusion des autres.

Au cours de la campagne, nous avons tous été galvanisés par l’engagement du futur Président en faveur d’un gouvernement ouvert, idéaux qui ont en partie poussé une génération à l’action. Son équipe de transition vient de faire un pas important pour concrétiser cet engagement.

Ce pas en avant mérite des éloges sincères. Sans vouloir minimiser son importance, nous proposons cependant dans ce texte ces principes supplémentaires comme une manière concrète de rendre tangibles les valeurs que le Président désigné a défendu avec tant de verve. Nous sommes convaincus que ces valeurs devraient servir de guide pour toute son entreprise de transition, ainsi qu’au nouveau gouvernement. Nous sommes aussi convaincus qu’elles sont cohérentes avec les idéaux que le futur Président a placés au cœur de sa campagne.

Notes

[1] Crédit photo : Matthias Winkelmann (Creative Commons By)




Internet libre ou Minitel 2.0 ? – La conférence culte de Benjamin Bayart

Je ne sais ce qu’il en est pour les autres auteurs de blog mais pour ma part je pense arriver à mettre en ligne à peine 20% de ce que je souhaiterais réellement mettre en ligne. C’est d’ailleurs pas de bol pour le lecteur puisque c’est dans le 80% restant que se nichent certainement mes meilleurs billets 😉

Ainsi en va-t-il de Benjamin Bayart, personnalité de la communauté haute en couleur (surtout la cravate) qui figure en bonne place dans ma liste de billets en retard. Un sacré retard même puisque je vais vous présenter une conférence datant des Rencontre mondiales du logiciel libre de juillet 2007 !

Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle conférence, il s’agit d’une conférence qui est devenue une véritable référence, un peu comme celle d’Eben Moglen.

Désolé donc pour ceux qui l’ont déjà vue. Quant aux autres, vous avez bien de la chance parce que pour la même durée ça vous changera un peu de votre série américaine préférée qui ne vous a que trop pris de votre temps de cerveau disponible.

En voici le pitch : « Internet vient du libre, comme le libre vient d’Internet. Cependant l’évolution récente du réseau, essentiellement financière et commerciale, le fait dériver vers d’autres modèles sociaux et économiques. Comment décrypter cette évolution, son origine, ses conséquences ? Comment agir pour rectifier le tir ? »

—> La vidéo au format webm

Vous trouverez sur cette page une version AVI (100 Mo) de la vidéo mais également les slides de la conférence au format PDF.

Bonne séance, mais autant vous prévenir tout de suite je n’en ai pas encore tout à fait fini avec mon Bayart en retard car il faut absolument que je consacre un billet à FDN le seul (et unique en son genre) fournisseur d’accès à internet associatif.




Linux conquista América Latina

Vacacion - CC byCe blog propose souvent des traductions anglophones. Voici notre première traduction réalisée à partir d’un article en langue espagnole par Bertille (merci pour elle).

Comme pour l’anglais nous cherchons à constituer un petit groupe de traducteurs autour de l’espagnol. Il s’agirait non seulement de traduire mais également d’exercer une petite veille autour du « software libre », histoire de nous tenir au courant, comme ici, de ses avancées et péripéties dans le monde hispanophone[1].

Si vous souhaitez rejoindre l’équipe, inscrivez-vous directement à partir de cette page.

Linux conquiert l’Amérique Latine

Linux conquista América Latina

Miguel Angel Criado – 27 octobre 2008 – Publico.es
(Traduction Framalang : Bertille)

Les gouvernements sud américains poussent à l’utilisation du logiciel libre face au logiciel propriétaire, à la recherche de l’indépendance technologique, de la sécurité et du développement local.

Le logiciel libre est en train de conquérir l’Amérique Latine. La vague des victoires des partis de gauche se traduit, sur le plan technologique, par la substitution des programmes informatiques propriétaires par des autres à codes ouverts. Contrairement à l’Europe, les gouvernants d’Amérique Latine sont persuadés que la seule manière d’impulser la société de l’information pour en faire un levier pour le développement est d’utiliser Linux.

Du Brésil de Lula jusqu’au Vénézuela de Chávez, une migration de Windows à Linux est en train de se produire dans l’administration, les entreprises publiques ou les écoles. L’économie d’argent que suppose le non achat de licences pour l’utilisation de programmes privateurs n’est pas l’unique motif de ce changement. Les raisons que présentent les différents gouvernements sont l’indépendance technologique face aux multinationales, la sécurité qu’offre le logiciel libre en permettant de voir son code source, et l’intérêt de développer une industrie informatique locale.

Lors de la Conférence Internationale du logiciel libre qui eut lieu à Malaga la semaine dernière[2], les responsables technologiques de différents gouvernements d’Amérique Latine ont partagé leurs expériences et ont expliqué le fonctionnement de ce mouvement qui, avec ses rythmes et objectifs distincts, semble difficile à arrêter.

Vénézuela :

Le gouvernement le plus belliqueux à l’encontre du logiciel propriétaire est peut-être celui d’Hugo Chávez. Depuis l’adoption du décret 3 390 en décembre 2004, tout matériel informatique acheté par l’administration ou les entreprises publiques doit porter la mention logiciel libre.

Carlos Figueira, responsable du CNTI[3] du Ministère du Pouvoir Populaire pour les Télécommunications et l’Informatique du gouvernement du Venezuela, présente la souveraineté et l’indépendance technologique comme des raisons de passer à Linux. De même, il ajoute que « le logiciel libre incite à un modèle économique basé sur les services, ce qui favorise le développement des industries locales au détriment des grandes entreprises ».

Équateur :

Ce pays, où le président Rafael Correa fait partie du gouvernement depuis moins longtemps, a suivi une partie des étapes initialisées par son voisin vénézuelien. Ainsi, la promulgation du décret présidentiel 1 014 oblige les entités publiques à utiliser le logiciel libre.

Paraguay :

Le gouvernement de l’ex évêque Fernando Lugo (qui est arrivé au pouvoir en août dernier) ne peut pas se permettre le luxe de payer le coût des programmes propriétaires. Nicolas Caballero, directeur des Politiques TIC[4] du nouveau gouvernement, l’explique : « Une licence XP coûte 95 euros, le même prix qu’une tonne de soja. Combien de personnes se nourrissent avec une tonne de soja ? Et à qui cet argent profite ? Une société qui est on ne sait où. Cela cesse d’être un problème technologique pour se convertir en problème éthique ».

Brésil :

Le pays carioca dispose d’une des communautés de hackers[5] et de développeurs de logiciels libres les plus importantes au monde. C’est pour cela que, lorsque Lula est arrivé au pouvoir, GNU/Linux était déjà utilisé dans l’administration. Depuis, le changement est devenu stratégique. Au Brésil, comme l’explique Corinto Meffe, le Gérant des Innovations Technologiques du gouvernement du Brésil, « l’essentiel, ce n’est pas la gratuité mais l’indépendance ». Le Brésil, qui mise sur les programmes libres depuis plus de dix ans, voit en eux une façon de réduire la dépendance face aux technologies des autres pays.

Uruguay :

En Uruguay, la neutralité technologique compte ses jours. L’idée lancée par l’industrie du logiciel selon laquelle les gouvernements doivent être neutres dans le choix d’un système ou d’un autre est rejetée par le Parti Socialiste. Son conseiller, Fernando da Rosa, annonce qu’ils préparent un projet de loi qui exigera que le systèmes soient basés sur des standards ouverts. « Nous voulons que se produise une migration sûre, même si elle ne sera peut-être pas rapide. »

Cuba :

Le gouvernement cubain subit un « blocus informatique », comme l’explique Miriam Valdés, directrice d’analyse du Bureau pour l’Informatisation. Cuba ne peut pas acheter de licences de logiciels. De même qu’ils ne peuvent pas non plus télécharger les programmes libres hébergés sur les sites américains. « C’est pour cela que la migration est stratégique » dit-elle. Dans un pays où les cours d’informatique se donnent depuis la maternelle, 96 % des systèmes publiques utilisent déjà le logiciel libre.

Veiller aux droits et aux libertés

Analyse de Caroline Grau, directrice générale de CENATIC[6].

Ces dix dernières années, de nombreuses technologies ont vu le jour afin de favoriser la bien nommée « société de l’information ». Le logiciel libre et open-source est, sans nul doute, l’une des technologies qui démontre avoir le plus d‘influence pour favoriser ce développement, surtout dans le milieu des administrations publiques, conditionnées par leur profil de gestion d’information et de traitement des données.

Les administrations publiques doivent rester attentives aux changements et innovations qui se produisent dans le secteur du logiciel, et elles doivent encourager leur intégration à la structure de gestion afin d’optimiser le service qu’elles prêtent au citoyen et afin de veiller à leurs droits et libertés.

En ce sens, le logiciel libre et open-source permet aux administrations publiques de tenir leurs engagements de responsabilité face aux citoyens. C’est ce type de logiciel qui s’adapte le mieux à leurs nécessités techniques, tel que l’illustrent de nombreux rapports, comme le plan « Europe 2002 » ou bien le rapport « Logiciel open-source pour le développement de l’Administration Publique Espagnole », publié par le CENATIC.

L’ économie significative de coûts, en n’ayant pas à payer chaque copie d’un programme, est un des motifs les plus fréquemment avancés pour utiliser ce type de logiciel. À ceci s’ajoutent d’autres aspects, comme le libre accès au code des programmes et la possibilité de les adapter, de les modifier et d’éliminer progressivement leurs failles, sans dépendre pour cela du support exclusif d’une seule société (ce qui permet en plus de développer le tissu technologique local), qui sont de fortes raisons en faveur de son utilisation dans toute administration publique.

Une autre importante motivation pour son utilisation est le haut niveau de sécurité que ces programmes déploient généralement par rapport aux alternatives propriétaires, en bénéficiant de plus de révisions de code. Le critère de sécurité est, dans de nombreuses occasions, déterminant au moment de se décider pour l’utilisation du logiciel libre ou open-source dans des plateformes qui entreposent et administrent de l’information sensible.

Notes

[1] Crédit photo : Vacacion (Creative Commons By)

[2] NdT : Conférence Internationale du logiciel libre : du 20 au 22 octobre 2008 à Malaga, Espagne. http://www.opensourceworldconference.com

[3] NdT : CNTI : Centro Nacional de Tecnologias de Información / Centre National des Technologies de l’Information. http://www.cnti.gob.ve

[4] NdT : Politicas TIC : politiques des Technologies de l’Information et de la Communication.

[5] NdT : le hacker désigne un expert en informatique, et non pas un pirate.

[6] NdT : CENATIC : Centro Nacional de Referencia de Aplicación de las Tecnologías de la Información y la Comunicación / Centre National de Référence d’Application des Technologies de l’Information et de la Communication. http://www.cenatic.es




Quand l’éducation suisse quitte sa neutralité en faveur du logiciel libre

Fedewild - CC by-saTransition vers les standards ouverts et les logiciels libres, tel est le titre d’une récente directive du Département de l’instruction publique (DIP) du Canton de Genève[1], dans le cadre de son orientation stratégique en matière de logiciels informatiques (24 juin 2008).

Après un bref rappel de la définition d’un logiciel libre (selon la Free Software Foundation) et d’un standard ouvert (selon la Commission européenne), voici quelques extraits de ce que l’on peut y lire :

« Les logiciels dits libres ont atteint aujourd’hui un niveau de maturité technique qui en fait une alternative fiable, stable, adaptable et pérenne aux logiciels dits propriétaires »

Il a donc été décidé d’opérer une large migration au motif que :

« L’information gérée par l’État est une ressource stratégique dont l’accessibilité par l’administration et les citoyens, la pérennité et la sécurité ne peuvent être garanties que par l’utilisation de standards ouverts et de logiciels dont le code source est public.
Par ailleurs, même s’ils ne sont pas forcément gratuits, les logiciels libres permettent de réaliser des économies substantielles sur l’acquisition des licences. »

Par ailleurs :

« L’utilisation d’outils et de standards libres permet de garantir la sauvegarde et le partage des documents produits par les enseignant-e-s. La possibilité de fournir aux élèves pour leur usage externe à l’école les logiciels utilisés pour l’apprentissage représente un atout pédagogique et social d’importance.
Une large communauté éducative mondiale s’est développée autour des licences libres, produisant des ressources librement partagées adaptées aux besoins spécifiques de l’enseignement.
L’apprentissage est favorisé par des outils dont on peut étudier le fonctionnement. »

Ce qui donne, entre autres, les modalités d’applications suivantes :

« Lors des choix de solutions informatiques pédagogiques, les produits sous licence libre et les standards ouverts sont choisis par défaut.
Les migrations importantes qui sont prévues seront annoncées suffisamment à l’avance pour permettre l’accompagnement nécessaire au changement.
Tout choix de solutions propriétaires devra être dûment justifié par les demandeurs, en expliquant de façon détaillée les usages qui rendent indispensable l’acquisition d’un produit ou l’utilisation d’un standard non libre. »

Conclusions similaires à celles du fameux rapport Becta.

On notera également la présence d’une autre directive du DIP sur la Diffusion interne de documents dont voici quelques unes des préconisations :

Tout document qui ne demande pas une modification par le destinataire doit être diffusé en format PDF (Portable Document Format).
Pour les documents qui doivent être modifiés par le(s) destinataire(s), le format ouvert OpenDocument doit être privilégié. Ce format constitue en effet la garantie que le document pourra être relu en tout temps indépendamment du logiciel utilisé.

Cet engagement vers le Libre du DIP est fort bien raconté par Marco Gregori dans un article de la gazette interne du mois dernier (Les Clefs de l’École) intitulé Logiciels libres et pédagogie sans frontières. Il a de plus l’excellente idée d’insister sur un argument de poids que de trop nombreux enseignants ne peuvent ou ne veulent encore entendre : l’enjeu du logiciel libre à l’école est bien moins technique (ou financier) que pédagogique.

« Aux yeux du grand public, un logiciel libre se définit avant tout par sa gratuité. Pour le monde de la pédagogie, il est bien plus que ça: à la fois outil de transmission de la connaissance – notamment, il est vrai, par ses coûts réduits – et symbole même du savoir à partager sans barrières. »

Puis plus loin :

« Il y a quelques mois, le Service Ecoles-Médias du DIP publiait un texte dans lequel il soulignait la grande convergence entre l’éthique sur laquelle se fonde le mouvement libre et le système éducatif public: Dans sa volonté de rendre accessibles à tous les outils et les contenus, le « libre » poursuit un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication.
Démocratisation du savoir, autonomie, sens critique, autant de principes qui figurent dans la loi genevoise… sur l’instruction publique. Exagérée, la comparaison ? Pas vraiment si l’on considère les quatre critères majeurs d’un logiciel libre: il doit pouvoir être diffusé, utilisé, étudié et amélioré librement. »

Et l’article de s’achever sur un passage en revue des implications pédagogiques de ces quatre libertés que je vous invite vivement à lire et faire lire.

Bon, je ne voudrais pas donner l’impression de me répéter mais avec l’Angleterre ou encore l’Espagne, ça commence à faire pas mal de voisins qui, frappés du bon sens, s’interrogent et agissent officiellement en faveur du logiciel libre et des standards ouverts à l’école.

Anne, ma sœur Anne[2], vois-tu la même volonté venir du côté de la Rue du Genelle ? Ce serait d’autant plus simple que… y’a qu’à copier nos amis suisses et britanniques 😉

Liens annexes et connexes

Notes

[1] Edit : Le titre de mon billet est non seulement un peu facile mais surtout un peu maladroit puisqu’il laisse à penser qu’il s’agit de la Suisse dans sa globalité alors que seul le Canton de Genève est concerné ici (merci merinos d’avoir pointé cela et mea culpa).

[2] Crédit photo : Fedewild (Creative Commons By-Sa)




Hadopiraterisible !

Désolé pour ceux qui comme moi sont abonnés à leur flux RSS mais voici reproduite en intégralité la dernière dépêche de la Quadrature du Net.

Histoire de nous associer à l’indignation du collectif mais aussi peut-être sensibiliser quelques nouveaux lecteurs sur un sujet qui nous concerne tous. Prochain rendez-vous : l’Assemblée nationale.

The thing they call progress - Shutterhack - CC-by-nc-nd

"Création et internet" – Riposte graduée – Le Sénat déconnecté.

URL d’origine de l’article (CC by-nd)

Paris, le 31 Octobre 2008. La loi « Création et Internet » a été débattue et votée à toute allure en trois séances au Sénat, au terme d’un débat navrant, indigne des enjeux et des citoyens, mercredi 29 et jeudi 30 octobre. Sous le regard attentif des lobbyistes initiateurs et seuls bénéficiaires de cette loi (Vivendi, SACD, SACEM, SNEP, etc.)[1], le coûteux projet de loi décrété par Nicolas Sarkozy en novembre 2007 a été adopté sans aucune opposition. Les sénateurs ont plébiscité et voté à l’unanimité[2] l’usine à gaz administrative de la « riposte graduée » contre les partageurs sur Internet. Le Sénat français, tout entier au service de l’exécutif, contredit ainsi superbement l’Europe.

Un fossé générationnel au service de modèles économiques du passé…

Les sénateurs légiférant sur un domaine qu’ils ne maîtrisent pas, fossé générationnel et culturel aidant[3], ont pour beaucoup déchiffré, souvent mot à mot, des discours pré-mâchés par les industries du divertissement et leur ministre, Christine Albanel.

« Inconsistances, mensonges, amalgames et insultes que les industriels profèrent habituellement à l’encontre de leurs clients[4] servent de justification à des votes autistes, dans l’ignorance du débat public qui se tient dans la société française[5]. », résume Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net.

… sous contrôle de l’executif, sans opposition.

Jeudi matin, dans un frémissement, quelques mesures adoucissant vainement la « riposte » sont votées contre l’avis du gouvernement et du groupe socialiste. Quelques courageux sénateurs centristes et UMP tentent de faire remplacer par des amendes la coupure d’accès à internet, afin de réduire le caractère visiblement injuste et disproportionné de la « riposte graduée ».

La majorité reprend les choses en main à la faveur d’une opportune suspension de séance juste avant le scrutin tranchant cette question. Une poignée de frais représentants de l’UMP parmi la vingtaine de sénateurs présents et le renfort de Roger Karoutchi[6] permettent un vote de la loi en un temps record, sans heurts, sans surprise et sans aucune forme d’opposition. Christine Albanel, « réconfortée », recevra-t-elle un accueil aussi chaleureux lors de la suite de l’examen de la loi à l’Assemblée Nationale ?

« La seule option acceptable aurait été le rejet pur et simple de ce texte. Les quelques modifications cosmétiques, vaguement positives, votées avant que le gouvernement ne reprenne un contrôle qui commençait à échapper à Christine Albanel, n’y changeront rien. Le Parti Socialiste a même surmonté ses divisions afin d’unanimement[7] voter ce texte anachronique si cher à Nicolas Sarkozy ! » affirme Gérald Sédrati-Dinet, analyste pour La Quadrature du Net.

Un déni manifeste des citoyens français et de l’Europe.

Plus se précise la mise en œuvre pratique de la "riposte graduée", plus elle dévoile son incapacité intrinsèque à fonctionner sans mettre en place une surveillance automatique à grande échelle du Net. Les processus techniques qu’on a demandé aux sénateurs de prendre pour argent comptant sont facilement contournables. Ils occasionneront, inévitablement et à grande échelle, des sanctions d’internautes qui n’auront commis aucune contrefaçon (faux positifs) et n’inquiéteront pas la plupart des contrefacteurs (faux négatifs). Le droit à la défense des personnes suspectées n’existe donc pas, car on ne peut garantir ni son innocence ni sa culpabilité ; ce texte est donc manifestement anti-constitutionnel.

« Cette loi est scandaleuse et ne sert que quelques industries qui refusent l’évolution de la société. Le Sénat aide le gouvernement à s’asseoir sur la démocratie européenne et à nier les droits fondamentaux des citoyens. Ces manœuvress représentent la pire façon de faire de la politique et d’écrire la loi. Il faut mettre un terme à ce processus dans l’intérêt de tous, en France et dans le reste de l’Europe. » concluent, de concert, les représentants du collectif citoyen.

Notes

[1] Crédit photo : The thing they call progress de Shutterhack sous licence Creative COmmons By-Nc-Nd. Légendée ainsi par la Quadrature du Net : « Riposte graduée : une usine à gaz contre les citoyens. »

[2] À l’unanimité de tous les groupes votant, le groupe des sénateurs Communiste, républicains et citoyens (CRC) ayant revendiqué son « abstention combative »…

[3] À l’exception notable du sénateur Bruno Retailleau, seul à paraître familier de l’environnement numérique et de ses réalités économiques et sociales au travers de quelques interventions salutaires.

[4] Clients présents, potentiels futurs clients, et anciens clients pour qui le rejet des pratiques de ces industries se traduit par un refus d’achat…

[5] Des propositions sont pourtant avancées pour discuter enfin une solution au problème que ce projet de loi a oublié : financer la création culturelle à l’ère numérique.

[6] Émissaire du gouvernement auprès du Parlement, il remplace le zélé conseiller Henrard aux côtés de la ministre Albanel, le temps de s’assurer que la situation était maîtrisée.

[7] Au plus fort de la séance durant laquelle le texte a été voté, seuls 2 sénateurs sur la vingtaine présente en hémicycle étaient socialistes, votant pour tout leur groupe.