Petites précisions sur les licences Creative Commons par Nina Paley

Nina Paley - CC-By-SaLes licences Creative Commons sont flexibles et puissantes. Extension naturelle de la GPL [1] à autre chose que du logiciel 10 ans plus tard, ce jeu de licences se présente comme le couteau suisse du droit d’auteur, déclinable en 6 versions de bases, plus quelques fantaisies récentes. Il en résulte que quelque soit votre envie, une déclinaison de licence Creative Commons devrait y répondre, seulement le résultat ne sera pas forcément « libre », une CC-By-NC-ND ne permettant par exemple pas de remixer une œuvre. Une autre conséquence est que la mention « Creative Commons » sans autre indication n’a pas de sens.

Malheureusement, cette flexibilité et cette richesse de possibilités semblent bien souvent perdre les créateurs de tout poils désireux de remixer des œuvres libres sans prendre le temps d’en comprendre le fonctionnement. C’est en tout cas ce que constate sur Nina Paley sur son blog, en proposant sa solution au problème.

Nina Paley - CC-By-SaEn quelques mots, Nina Paley c’est cette jeune cinéaste américaine, qui, suite à une mésentente avec les ayants droits de la bande son d’une œuvre qu’elle remixait avec brio dans son long métrage « Sita chante le blues » décida, après avoir été primée le Festival international du film d’animation d’Annecy, de libérer son film en Creative Commons By Sa.

Enthousiasmée par la Culture Libre qu’elle découvrait à cette occasion, elle n’a cessé depuis d’alimenter des blogs dédiés à ce mouvement, gagnant sa vie par des conférences et des produits dérivés.

Toutefois, il semblerait bien que la solution proposée par Nina Paley ne soit qu’un premier tâtonnement vers… la Licence Art Libre du collectif Copyleft Attitude. Cette licence sans ambiguïté, approuvée par l’OSI et recommandée par la FSF. D’ailleurs n’hésitez pas à en présenter la version anglaise à Nina, elle vous en remerciera.

La confusion des licences Creative Commons

Le fléau de mon existence

Creative Commons’ Branding Confusion

Nina Paley – 10 octobre 2010 – Blog.NinaPaley.com
Traduction Framalang : KooToX, Julien Reitzel, Siltaar

Il y a environ un an et demi, j’ai publié mon film « Sita chante le blues » sous la licence Creative Commons « By Sa » (Paternité – Partage à l’identique). Cette licence permet une vraie distribution libre, incluant l’usage commercial, tant que la licence libre reste en place. Mais d’après mon expérience, la plupart des gens voient les mots “Creative Commons” et pensent que la licence exclue les utilisations commerciales « Non-Commercial » – car la majorité des licences Creative Commons rencontrées interdisent en pratique l’usage commercial de l’œuvre protégée.

C’est un vrai problème. Des artistes ont redistribué des remixes de « Sita » sous la licence Creative Commons « NC ». De nombreux blogueurs et journalistes préjugent des restrictions d’usage commercial, même si la licence est bien nommée :

« Le film a été rendu public sous les termes de la licence Creative Commons By Sa, permettant à d’autres personnes de partager l’œuvre pour des utilisations non commerciales librement, tant que l’auteur de l’œuvre est bien crédité », d’après Frontline, un magazine indien national.

Au début, j’ai essayé d’expliquer ce que « Partage à l’identique » signifiait aux personnes qui remixaient « Sita » en CC-NC, en leur demandant gentiment de revenir à la licence originale, comme voulu par la licence Creative Commons « Partage à l’identique » sous laquelle je l’avais distribué. Je me suis sentie bête, je ne veux pas jouer les flics du droit d’auteur. Au bout d’un moment, les mauvaises identifications de la licence du projet étaient si nombreuses que j’ai arrêté d’essayer de les corriger. « Creative Commons » signifie « pas d’utilisation commerciale » pour la plupart des gens. Se battre contre est une tâche sisyphéenne.

Donc me voilà bloquée avec un problème représentation. Tant que j’utiliserai une licence Creative Commons quelle qu’elle soit, la plupart des gens penseront que j’interdis l’utilisation commerciale des remix de mon œuvre. Presque personne ne semble utiliser, et encore moins essayer de comprendre, la licence CC-SA. Pire, ceux qui remarquent l’option « partage à l’identique » la combinent aux restrictions « pas d’utilisation commerciale » dans leurs rééditions, ce qui ajoute à la confusion (CC-NC-SA est la pire des licences imaginables).

Le partage à l’identique est une solution imparfaite aux restrictions du droit d’auteur, parce qu’il impose lui-même une restriction, qui est l’interdiction d’imposer d’autres restrictions par la suite. C’est une tentative d’utiliser le droit d’auteur contre lui-même. Tant que nous vivrons dans un monde dans lequel tout est protégé par défaut, j’utiliserai le partage à l’identique ou d’autres équivalents Copyleft, pour essayer de maintenir un « espace libre de droit d’auteur » autour des mes œuvres. Dans un monde meilleur, il n’y aurait pas de droit d’auteur automatique et par conséquent aucune nécessité pour moi d’utiliser une quelconque licence. Si cette utopie se réalisait, je supprimerais toutes les licences accolées à mes propres œuvres. En attendant, j’essaye de limiter les droits des gens à limiter les droits des autres.

Il serait bien que l’organisation Creative Commons fasse quelque chose pour remédier à cette confusion d’image. Pour cela, nous avons proposé de renommer les licences « partage à l’identique » en CC-PRO [2], mais étant donné que la base la plus large des Creative Commons est constituée d’utilisateurs de licences sans utilisation commerciale, il semble peu probable (mais pas impossible !) qu’ils distinguent leur véritable licence Copyleft avec une étiquette « pro ».

Nina Paley - CC-By-Sa

Si seulement Creative Commons offrait cela !

Il serait aussi bien que tout le monde, y compris les représentants de l’organisation Creative Commons, fassent référence aux licences par leur nom, plutôt qu’un simple « Creative Commons ». « Merci d’utiliser une licence Creative Commons », m’ont-ils dit. De rien ; Je vous remercierais d’en parler comme d’une licence « partage à l’identique ». Quasiment tous les journalistes font allusion aux 7 licences en parlant de « licences Creative Commons ». Ainsi, dans l’imaginaire populaire, ma licence « partage à l’identique » n’est pas différente d’une licence CC-NC-ND « pas d’utilisation commerciale, pas de modification ».

Cette crise d’image a atteint un pic récemment quand la société Radio-Canada a interdit toutes les musiques sous licences Creative Commons dans leurs émissions :

« Le problème avec notre utilisation de musique Creative Commons est qu’une grande quantité de nos contenus est facilement disponible sur une multitude de plateformes, certaines d’entre elles étant réputées être « commerciales » par nature (par exemple, streaming avec publicités imposée en préalable, ou les téléchargements payants sur iTunes) et qu’actuellement une grande majorité de la musique disponible sous une licence Creative Commons interdit toute utilisation commerciale.

Afin d’assurer que nous continuons d’être en conformité avec les lois Canadiennes en vigueur concernant le droit d’auteur, et étant donné le manque d’un large éventail de musique possédant une licence Creative Commons permettant l’utilisation commerciale, nous avons pris la décision d’utiliser la musique de notre bibliothèque de production dans nos podcasts car à cette musique sont liés les droit d’utilisation appropriés. » [lien]

L’organisation Creative Commons veut obtenir de la SRC qu’elle sépare ses différentes licences. Elle pourrait apporter de l’aide en commençant par appeler ses différentes licences par leur nom. Si l’organisation Creative Commons elle-même les appelle toutes « licences Creative Commons », comment peut-elle attendre des autres qu’ils distinguent ces licences les unes des autres ?

En attendant, je me demande comment communiquer clairement que mon œuvre est COPYLEFT. En plus de la licence CC-SA, s’il y a de la place j’écris « GAUCHE D’AUTEUR, TOUS TORTS RENVERSÉS ». Malheureusement, le terme « Copyleft » est lui aussi de plus en plus vidé de son sens. Par exemple, le meilleur film de Brett Gaylor « RIP : A Remix Manifesto » dit plein de choses justes, mais il comprend et utilise incorrectement le terme « Copyleft ». Le « Copyleft » c’est :

«  possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (œuvre d’art, texte, programme informatique, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et/ou de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

L’auteur n’autorise donc pas que son travail puisse évoluer avec une restriction de ce droit à la copie, ce qui fait que le contributeur apportant une modification (une correction, l’ajout d’une fonctionnalité, une réutilisation d’une oeuvre d’art, etc.) est contraint de ne redistribuer ses propres contributions qu’avec les mêmes conditions d’utilisation. Autrement dit, les créations réalisées à partir d’éléments sous copyleft héritent de cette caractéristique. » – Wikipédia

Mais dans RIP ça signifie :

Nina Paley - CC-By-Sa

Vous voyez ce symbole dollar barré ? Ça signifie qu’il y a des restrictions « pas d’utilisation commerciale », qui sont incompatibles avec le Copyleft.

Nina Paley - CC-By-Sa

NC comme « Non Copyleft »

Quelqu’un qui rencontrera le mot « Copyleft » dans ce film ne saura pas ce que ça signifie finalement en termes de licence.

J’ai besoin d’une licence que les gens comprennent. Je suis tenté par la « WTFPL » (abréviation du nom anglais « Do What The Fuck you want to Public License », traduite en « Licence Publique Rien À Branler ») mais je devrais la forker pour y ajouter une clause « Copyleft ». La « Licence Publique Rien À Branler Mais N’Empêchez Pas Les Autres De Faire Ce Qu’Ils En Veulent ? » RBMNPAFV ?

Y a-t-il ailleurs d’autres licences Copyleft utilisables et qui ne sont pas associées à des restrictions non-commerciales ? Je suis ouverte aux suggestions.

Proposition de CC-PRO

Le travail professionnel mérite d’être reconnu.

CC-PRO est une licence Creative Commons conçue spécifiquement pour les professionnels : auteurs, artistes, musiciens. CC-PRO utilise la licence Creative Commons la plus puissante, pour assurer que les travaux de qualité soient transmis et reconnus comme partageables. Elle offre la meilleure protection contre le plagiat et la censure. Elle attire l’attention et invite à la collaboration et la reconnaissance de votre audience la plus importante : les autres professionnels.

Meilleure protection contre :
Le plagiat
La censure
Une exploitation abusive

Promeut :
La paternité de l’œuvre
Vos revenus
La pérennité de l’œuvre
Sa distribution
La collaboration avec d’autres professionnels

Le travail professionnel mérite d’être reconnu. Utilisez la CC-PRO.

Nina Paley - CC-By-SA

Notes

[1] La licence logicielle écrite par Richard Stallman et Eben Moglen qui formalisa la notion de logiciel « libre » en 1989.

[2] Traduite en dernière partie de ce billet.




Le contrôle des redirections

Kudumomo - CC BySi les redirections [1] sont à peu prêt aussi vieilles que le web, elles n’étaient, jusqu’à l’apparition des micro-blogs, que rarement utilisées, mises en place par les connaisseurs, lors du déménagement d’un document important.

Dans ce contexte, quand Kevin Gilbertson proposa en 2002 le premier service en-ligne de rétrécissement d’URL (TinyURL.com), permettant de créer à la demande, une redirection depuis une une adresse courte vers l’adresse de son choix, il n’eut qu’un succès modéré. L’initiative tomba presque dans l’oubli, et ce n’est qu’une demi-décennie plus tard, avec l’essor de Twitter que ce service rencontra d’un coup un large public. En effet, le principe de Twitter étant de proposer un blog dont les billets sont plus courts que des SMS, pouvoir réduire une URL devint un enjeu de taille, si j’ose dire. En effet, d’une part certaines URL sont simplement trop longues pour être gazouillées, et d’autre part, une fois l’adresse collée dans un micro-billet il ne reste plus beaucoup de place pour en expliquer l’intérêt.

TinyURL.com fut donc dans un premier temps directement proposé depuis l’interface du site de microblogage pour aider à la rédaction des messages. Puis devant le succès rencontré par cet intermédiaire, de nombreux concurrents vinrent occuper leurs parts de marché, tel que Bit.ly, qui se démarqua par les statistiques offertes sur l’utilisation des liens courts qu’il produit.

Et progressivement, chaque gros acteur du web se mit à proposer son propre service de rétrécissement, pour faire plaisir à ses utilisateurs avec un service techniquement trivial, ne pas dépendre d’un tiers et enfin pour mettre la main, chacun, sur sa parcelle de statistiques d’usage !

Car utiliser un raccourcisseur d’URL revient en fait à ajouter une barrière de péage d’autoroute entre les personnes auxquelles vous communiquez le lien court, et le document que vous souhaitiez porter à leur attention. Bien sûr, c’est une barrière pour laquelle tout le monde est abonné (pour l’instant), et elle ne fait que ralentir un peu le trafic, mais surtout, elle identifie au passage qui l’a franchi, quand et combien de fois.

Or, si cette information était jusque là collectée par l’émetteur du document de destination seulement, elle n’était pas aussi facilement recoupable et monnayable que si c’est un acteur central qui collecte toutes les visites effectuées suivant les recommandations des millions d’utilisateurs de Twitter, de Facebook ou de Google…

Et puis, d’un point de vue pragmatique, au-delà de la seconde d’attente ajoutée après le clic, ou du respect de la vie privée, un autre problème se pose, celui de la pérennité de ces étapes intermédiaires. Aujourd’hui, TinyURL.com se vante de servir des milliards de redirections par mois, mais ce service, qui n’est pas géré par une entreprise, est voué à disparaître, car son nom (qui avait besoin d’être explicite au début) est trop long pour être efficace aujourd’hui. Or, quand les serveurs de TinyURL seront éteints, c’est plus d’un milliard d’adresses qui, d’un coup, ne mèneront plus à rien.

Alors, quand on voit avec quel empressement les entreprises se sont mises à proposer ce gadget en apparence anodin, on peut avoir envie de ne pas se laisser enfermer nous non plus par une compagnie particulière, de suivre cet exemple en s’installant chacun son raccourcisseur d’URL à soi. Après tout, ça ne sera qu’une corde de plus à mettre à l’arc de la NoBox.

Toutefois, la question de la pérennité des redirections mises en place reste posée… En ce premier novembre, il est presque de bon ton de se demander ce qu’on fera du serveur personnel d’un défunt.

Mais pour l’heure, place au détail de l’enfer des redirections vers lequel on nous mène, et qui transforme progressivement le web en maison qui rend fou des 12 travaux d’Astérix… [2]

Le web se dirige-t-il vers un cauchemar de redirections ?

Is the Web heading toward redirect Hell?

22 septembre 2010 – Royal.Pingdom.com
(Traduction Framalang : Zitor, Barbidule, Daria, Goofy, Siltaar)

Google le fait. Facebook le fait. Yahoo le fait. Microsoft le fait. Et bientôt, Twitter le fera.

Nous parlons de la manie qu’ont tous les services web d’ajouter une étape intermédiaire pour échantillonner ce sur quoi nous cliquons avant de nous envoyer vers notre vraie destination. Ça dure déjà depuis un certain temps, et c’est progressivement en train de devenir un enfer de redirections. Cela a un coût.

Du trafic déjà en trop

Il y a déjà beaucoup de redirections en place, auxquelles vous ne songez pas forcément. Par exemple :

  • Chaque fois que vous cliquez sur un résultat de recherche dans Google ou Bing, il y a un passage obligé par les serveurs du moteur de recherche pour analyse avant d’être redirigé vers le site réellement ciblé;
  • Chaque fois que vous cliquez sur un titre dans un flux RSS Feedburner, vous êtes aussi redirigé avant d’arriver à la véritable cible;
  • Chaque fois que vous cliquez sur un lien sortant de Facebook, il y a une étape intermédiaire passant par un serveur de Facebook avant de vous rediriger vers où vous voulez aller.

Et ainsi de suite, et ainsi de suite, et ainsi de suite. C’est, bien sûr, parce que Google, Facebook et les autres sociétés en ligne aiment suivre les clics et le comportement de leurs utilisateurs. Vous connaître est une vraie ressource pour ces sociétés. Cela peut les aider à améliorer leur service, à le monétiser plus efficacement et dans de nombreux cas, ces données elles-mêmes valent de l’argent. Au final ce suivi de clic peut aussi être bon pour les utilisateurs finaux, en particulier s’il permet à un service d’améliorer sa qualité.

Mais…

Les choses sont en train de déraper

S’il ne s’agissait que d’une seule étape supplémentaire, cela pourrait aller. Mais si vous regardez autour, vous vous rendrez compte que ces redirections sont en train de s’empiler, chaque service interceptant des informations sur le clic lors du cheminement vers la destination finale. Vous savez, celle que l’utilisateur a vraiment demandée.

Cela peut vite devenir incontrôlable. Nous avons vu des scénarios où les liens sortants de Facebook, par exemple, vous redirigent d’abord vers un serveur Facebook, puis vers un racourcisseur d’URL (par exemple bit.ly), qui à son tour vous redirige vers une URL plus longue qui elle-même génère plusieurs redirections avant que FINALEMENT vous parveniez à la cible. Il n’est pas rare qu’il y ait plus de trois redirections vers différents sites qui, du point de vue de l’utilisateur, sont du trafic superflu.

Le problème, c’est que ce trafic supplémentaire n’est pas gratuit. Cela rallonge le temps nécessaire pour atteindre l’objectif, et cela rajoute d’autres liens (au sens propre !) dans la chaîne, ce qui peut la briser ou la ralentir. Cela peut même faire apparaitre des sites comme indisponibles alors qu’ils ne le sont pas, simplement parce que quelque chose sur le chemin est tombé en panne.

Et il semble que cette pratique soit de plus en plus répandue sur le Web.

Un exemple récent de cette « mode de la redirection » : Twitter

Vous souvenez-vous de cette vague de raccourcisseurs d’URL qui est venue quand Twitter a commencé à devenir populaire? C’est là que commence notre histoire.

Twitter a d’abord utilisé le déjà établi TinyURL.com comme raccourcisseur d’URL par défaut. C’était un partenaire idéal pour Twitter et sa limite de 140 caractères par message.

Puis vinrent Bit.ly et une pléthore d’autres raccourcisseurs d’URL, qui voulaient eux aussi surfer sur le succès grandissant de Twitter. Bit.ly a rapidement réussi à remplacer TinyURL comme réducteur d’URL par défaut pour Twitter. Grâce à cela, Bit.ly a mis la main sur une foule de données : la liste d’une bonne partie des liens postés sur Twitter, et de leur popularité, chaque clic pouvant être tracé.

Ce n’était qu’une question de temps avant que Twitter ne veuille garder ces données pour lui seul. Pourquoi s’en priverait-il ? Cela lui permet d’avoir le contrôle total de l’infrastructure nécessaire à son fonctionnement, tout en récupérant des informations sur ce que les utilisateurs aiment s’échanger, et ainsi de suite. Twitter a donc créé récemment son propre raccourcisseur d’URL, t.co. Dans le cas de Twitter, cela peut parfaitement se comprendre.

Cela est bel et bon, mais voici maintenant la partie la plus intéressante qui est la plus pertinente pour cet article : d’ici la fin de l’année, Twitter va rediriger TOUS les liens vers son raccourcisseur d’URL, y compris les liens déjà raccourcis par d’autres services comme Bit.ly ou Goo.gl, le raccourcisseur de Google. En canalisant tous les clics vers ses propres serveurs, Twitter va acquérir une connaissance précise de la façon dont son service est utilisé, et de ses utilisateurs. Cela lui donne le contrôle total sur la qualité de son service. C’est une bonne chose pour Twitter.

Mais qu’arrive-t-il quand tout le monde veut un morceau du gâteau ? Redirection après redirection après redirection avant d’arriver à notre destination ? Oui, c’est exactement ce qui se passe, et vous aurez à vivre avec ce trafic supplémentaire.

Voici ce à quoi le partage de liens pourrait ressembler une fois que Twitter aura commencé à soumettre tous les clics à son propre service :

  1. Quelqu’un partage un lien goo.gl sur Twitter, il est alors transformé en un lien t.co.
  2. En cliquant sur le lien t.co, l’utilisateur est alors redirigé vers les serveurs de Twitter pour convertir le lien t.co en lien goo.gl et se voit réorienté dessus.
  3. Le lien goo.gl dirige l’utilisateur vers les serveurs de Google pour y être résolu et ré-orienter enfin l’utilisateur vers la cible qu’il souhaitais atteindre.
  4. Rien n’empêche cette cible de n’être à son tour qu’une nouvelle redirection…

Vous en avez la tête qui tourne, hein ?

Encore plus de niveaux de redirection ?

Il y a un an, nous avons écrit un article sur les inconvénients potentiels des raccourcisseurs d’URL, et il s’applique parfaitement à ce scénario plus général avec de multiples redirections entre les sites. Les conséquences de ces redirections sur les performances, la sécurité et la confidentialité sont les mêmes.

Nous soupçonnons fortement que le chemin pris par Twitter (échantillonner et enregistrer les clics avant expédition vers la cible, avec ou sans raccourcisseurs d’URL) laisse présager des pratiques à venir chez les autres services Web qui ne le font pas déjà.

Et même quand les services principaux ne le font pas, de plus en plus d’intermédiaires et d’applications tierces, comme les raccourcisseurs d’URL, apparaissent tous les jours. L’autre jour, le fabricant d’antivirus McAfee a annoncé la version-bêta de McAf.ee, un raccourcisseur d’URL « sécurisé ». C’est peut-être super, qui sait, mais à la lumière de ce que nous vous avons dit dans cet article, il est difficile de ne pas penser : quoi, encore une autre niveau de redirection ? Est-ce vraiment vers cela que le Web évolue ? Est-ce vraiment ce que nous voulons ?

Notes

[1] Ce mécanisme du protocole HTTP permettant de faire rebondir la navigation vers une autre page au chargement d’une URL.

[2] Crédit photo : Kudumomo (Creative Commons Parternité)




Stallmania, la comédie musicale participative de Framasoft

Après LL de Mars, Gee et Harrypopof, Odysseus a tenu lui aussi à illustrer, avec humour, la campagne “1000 10 1” qui décidera du sort de l’association.

Et pour se dérider un peu en ces temps de crise, il a imaginé une nouvelle version de la comédie musicale Starmania, pourtant encore terriblement d’actualité 32 ans après sa sortie… Un peu plus geek que l’originale, la nouvelle version d’Odysseus a l’avantage de témoigner de 30 années de développement de l’informatique et du logiciel libre ! [1] [2]

Stallmania - Odysseus - Licence Art Libre

D’ailleurs, je vous invite à poster vos propres titres en commentaire !

Notes

[1] Crédit : Odysseus – Licence Art Libre

[2] PS d’Odysseus : Notez que l’image de Richard Stallman a été proposée sur Openclipart par casifish




Framasoft annonce deux nouveaux titres dans la collection Framabook

« Le C en 20 heures » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By SaAprès la traditionnelle mise à jour d’automne du best-seller de la collection Framabook, Christophe Masutti, notre coordinateur de collection, s’est fendu ce matin d’un fier communiqué de presse, dont je vous dévoile ici le contenu en avant-première.

En effet, après de longs mois de labeur au sein de l’association, avec les auteurs, les bénévoles et relecteurs, l’équipe technique de mise en page et l’éditeur, Christophe n’annonce pas un, mais bien deux nouveaux Framabooks, s’ajoutant à la mise à jour complète du « Simple comme Ubuntu ».

Sortir ces deux ouvrages nous a occupé un peu plus que d’habitude, notamment parce qu’il a fallu adapter notre chaîne éditoriale (la formidable application web libre “La Poule ou l’Oeuf”) car la mise en page d’un des ouvrages s’est révélée particulièrement riche et complexe à mettre en œuvre. Mais comme le rappelle avec philosophie l’éditeur Mathieu Pasquini :

Un livre s’écrit à la vitesse à laquelle poussent les arbres dont leurs pages sont faites…

Toutefois, le site Framabook a été mis à jour cette nuit pour accueillir les nouveaux ouvrages, et ces derniers sont aussi disponibles à l’achat chez InLibroVeritas.

Le 7e Framabook sera donc un manuel de formation à la programmation, proposant une méthode intense et originale pour apprendre « Le C en 20 heures ». Sous licence Creative Commons By Sa, il fut rédigé conjointement par Eric Berthomier et Daniel Schang que vous pourrez découvrir plus avant dans la reproduction du communiqué de presse qui suit. « Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Le 8e Framabook fut quant à lui rédigé par Vincent Lozano et s’intitule « UNIX. Pour aller plus loin avec la ligne de commande ». Comme le précédent livre de Vincent dans la collection Framabook, il est placé sous licence Art Libre.

Avec ces deux nouveaux Framabooks, Framasoft continue résolument sa collection d’œuvres libres, permettant à tout un chacun de soutenir ses talents d’autodidacte en informatique, pour que le monde demain regorge des bidouilleurs inventifs que l’éducation nationale peine à former avec son B2i©.

Et ce n’est pas fini. Comme annoncé avec notre campagne de don “1000 10 1”, l’équipe Framabook est toujours à pied d’œuvre sur d’autres ouvrages qui viendront rapidement compléter la collection. On retrouve ainsi parmi les plus avancés le « Producing Open Source Software » de Karl Fogel, traduit par Framalang, ainsi qu’ « Imagine there is no Copyright » traduit cet été lors d’un Traducthon mémorable aux RMLL et qui attend juste son tour pour être mis en page.

Annonçons encore un mystérieux ouvrage préparé en secret par l’ami MBen et un livre sur l’utilisation du gestionnaire de versions SVN, dont la traduction est elle aussi bien avancée.

Enfin, le comité éditorial de la collection fait actuellement le tri dans les nombreuses propositions d’ouvrages reçues par Framasoft. Tout ne cadre pas toujours avec la convention de la collection, mais déjà deux projets s’annoncent comme particulièrement prometteurs…

Pour l’heure, place au concret, avec une présentation plus détaillée des nouveaux Framabooks, issue du communiqué de presse officiel du coordinateur de la collection.

Framabook n°7 : Le C en 20 heures

« Le C en 20 heures » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Le langage C est un langage de programmation dont l’histoire nous ramène à l’époque de la création d’Unix, durant la première moitié des années 1970. Conçu pour permettre à un même programme de fonctionner sur plusieurs types de machines, ce langage à fois simple et efficace séduisait par la rapidité d’exécution des programmes qu’il permettait de générer, et par sa relative simplicité d’adaptation pour un nouveau type de matériel. Depuis lors, la majorité des systèmes d’exploitation des machines créés ultérieurement utilisèrent ce langage fiable, à la fois proche du matériel et des mathématiques. Il n’est donc pas étonnant de retrouver aujourd’hui ce langage partout, des super-calculateurs aux téléphones portables. Le Logiciel Libre lui doit aussi beaucoup. Quel héritage ! Et quelle longévité. Dans ces conditions, comment apprendre aujourd’hui et en 20 heures seulement, un langage porteur de presque quarante ans d’améliorations (dont le C++) et de développements spectaculaires (dont GNU/Linux) ? C’est la question à laquelle Le C en 20 heures répond, et par la pratique.

Eric Berthomier et Daniel Schang nous font ainsi partager au fil des pages le fruit de leurs expériences pédagogiques et professionnelles en accomplissant un effort de vulgarisation trop rarement rencontré dans la littérature du monde de la programmation. Destiné aux grands débutants, l’ouvrage n’est pas un manuel comme les autres. Son intérêt est d’être parcouru de A à Z en suivant l’adage : « j’apprends le code en écrivant le code ».

Ainsi, Le C en 20 heures n’est pas un ouvrage destiné à prendre la poussière sur une étagère en attendant que l’on s’y réfère un dimanche matin pluvieux. Il a été écrit pour être lu d’un bout à l’autre, dans l’ordre et pendant 20 à 30 heures d’apprentissage (en tout !) où l’on vous suggèrera, par des exercices et des exemples, de programmer tel jeu ou de tester tel calcul en mettant votre imagination au défi. En ce sens, l’ouvrage est orienté vers la pratique de la programmation et l’enseigne sans doute à la manière dont les auteurs l’ont apprise : devant un ordinateur, à essayer de programmer quelque chose.

Les auteurs

Ingénieur en Informatique, Eric Berthomier a débuté par le développement d’applications systèmes en C / C++ / Assembleur. Investi dans le Libre, il réalise alors des missions de développement, d’administration système et réseau et de formation. Depuis 2005, il travaille pour un ministère où GNU/Linux et la sécurité sont ses compagnons de tous les jours. Le C (et l’Assembleur) sont pour lui indispensables à la compréhension d’un système d’exploitation.

Docteur en informatique, Daniel Schang est enseignant-chercheur au sein du Groupe Eseo où il a acquis une longue et riche expérience de l’enseignement des langages informatiques. À l’écoute de ses élèves, c’est pour eux qu’il a pris contact avec Eric Berthomier afin de réécrire ce livre qui, sous sa forme embryonnaire, était un support de cours.

Framabook n°8 : Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande

« Unix. Pour aller plus loin avec la ligne de commande » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Unix sans jamais oser le demander

Nous sommes désormais des habitués de la formule de Vincent Lozano qui, après son excellent ouvrage sur l’usage de LaTeX, récidive ici avec un manuel sur le système Unix (et – donc – GNU/Linux).

Lors de la création d’Unix, au début des années 70, un de ses concepteurs établit trois règles pour concevoir les composants de la « boîte à outils » qui permit à Unix de s’étendre :

  • Écrivez des programmes qui font une chose et le font bien.
  • Écrivez des programmes qui peuvent communiquer entre eux.
  • Écrivez des programmes qui traitent des flux de texte car c’est l’interface universelle.

Aujourd’hui, Vincent Lozano vous propose à la fois de découvrir ces outils situés « sous le capot » de votre distribution Unix (GNU/Linux en est une) mais aussi de concevoir les vôtres.

Si vous appréciez votre système Unix et que vous pressentez qu’il existe des outils qui rendent votre système programmable, cet ouvrage est pour vous ! Le langage de commande d’Unix vous offre en effet la possibilité de piloter votre système d’exploitation – et donc votre ordinateur – par le biais de scripts. Pour planifier des tâches aussi précises que vous le souhaitez, vous aurez donc le loisir de passer des ordres, à la fois de manière souple et puissante, à votre système informatique.

Dans cet ouvrage vous découvrirez les liens qui unissent l’histoire d’Unix et le mouvement pour les logiciels libres. Vous vous plongerez dans les utilitaires classiques de votre système et apprendrez à les assembler. Vous serez donc à même d’ajouter de nouvelles pièces à la boîte à outils. L’auteur vous guidera également pour que vous parveniez à créer vos propres programmes écrits dans le langage du système d’exploitation : le langage de commande.

L’auteur

Vincent Lozano est maître de conférences en informatique à l’école nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne (Énise). Il y utilise GNU/Linux pour l’enseignement des systèmes d’exploitation, de la programmation et des bases de données. Il s’occupe également de l’informatisation du système d’information de l’Énise qui s’appuie sur des systèmes Unix.




« Simple comme Ubuntu » dans sa version 10.10 (.10) Maverick Meerkat

« Simple comme Ubuntu » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By SaAvec un dépôt légal daté du 10 octobre 2010, soit le 10/10/10, ce qui peut signifier 42 en binaire, cette 9e mouture du « Simple comme Ubuntu » s’approche un peu plus de la réponse à « La grande question sur la vie, l’univers et le reste » telle que définie par Douglas Adams dans Le guide de voyageur galactique.

Toutefois rassurez-vous, si Didier Roche l’auteur de ce Framabook est un geek invétéré et un hacker hors-pair, son livre n’en reste pas moins le Guide du débutant sous Ubuntu, qui veut savoir où cliquer pour faire ce dont il a besoin et comprendre ce qui se passe quand il clique quelque part.

Comme à chaque sortie d’une version d’Ubuntu, tous les 6 mois depuis 5 ans, le « Simple comme Ubuntu » a été revu en détail et en profondeur pour correspondre rigoureusement à la version d’Ubuntu livrée avec le livre lors d’une commande chez InLibroVeritas. Pour cette 9e édition, cela correspond entre autre à la ré-écriture complète du chapitre 2 « Procédure d’installation », ou encore à un accompagnement de la meilleure intégration dans Ubuntu 10.10 des services de microblogage aux outils de communication en voix sur IP et messagerie instantanée embarqués dans la distribution.

Enfin, ce « Simple comme Ubuntu » est la deuxième édition imprimée intégralement en couleur, ce qui est du plus bel effet sur les nouvelles captures d’écrans de cette nouvelle version, notamment celles des jeux vidéo 🙂 Voyez par vous-même avec ces deux extraits des 54 pages du chapitre 9 consacré aux jeux :

« Simple comme Ubuntu » - Didier Roche - page 234 - Creative Commons By Sa

« Simple comme Ubuntu » - Didier Roche - page 236 - Creative Commons By Sa

Voici donc « Simple comme Ubuntu 10.10 » :

« Simple comme Ubuntu » - couverture par Alexandre Mory - Creative Commons By Sa

Et pour finir sans déroger aux traditions, voici le changelog proposé par l’auteur [1] :

  • remplacement de toutes les références de l’ancienne à la nouvelle version, ainsi que le nombre d’inscrits sur le forum ubuntu-fr. Comme d’hab 🙂
  • plus de powerpc, ajout de ARM;
  • support de langue incomplet -> c’est maintenant une boîte de dialogue qui apparaît;
  • précision sur les définitions de pppoe et du câble ethernet;
  • f-spot est remplacé par shotwell;
  • Les “sources de logiciel” se lance maintenant depuis la logithèque Ubuntu et plus depuis de le menu;
  • grand remaniement et réécriture du chapitre 2 : mise à jour de la procédure d’installation, complètement changée pour cette version;
  • précision au chapitre 5 maintenant que le mp3 peut être installé dès l’installation de Ubuntu;
  • mise à jour des informations pour bien insister sur le fait qu’une partition /home n’est absolument pas supplémentaire;
  • chapitre 3: réécriture de la description du menu supérieure (suppression de yelp, explication de l’indicator son et indicateur de message, mis à jour du me menu);
  • Nombreux changements dans le menu Préférences:
    • Chiffrement et trousseaux s’appellle maintenant Mots de passe et clés de;
    • Clavier -> changement léger de l’interface;
    • Ajout de Comptes de messagerie et VoIP et de comptes de microblogage;
    • Ajout de Input Method Switcher et Keyboard Input Methods;
    • Micro-blogage -> Microblogage;
    • Suppression de Partage de fichiers personnels;
    • Ajout de OpenJDK Java 6 Policy Tool;
    • Ajout de Paramètres de messagerie.
  • ajout de détails sur indicateur son, indicateur message et retravail de la description de la partie supérieure;
  • Firefox est maintenant mis à jour à chaque version, même sur des versions stables;
  • Le mode spatial n’est plus le mode par défaut de GNOME depuis 2.30;
  • Extension foxmarks -> Xmarks (+ note bientôt appelé à disparaître);
  • Suppression de Glipper, ajout de Parcellite;
  • Description de la procédure pour ouvrir le lecteur de CD mécaniquement;
  • Le nom des paquets de childsplay a changé;
  • mise à jour des images, photos, etc. ainsi que des typos/”fôtes” corrigées! Merci à la communauté 🙂

Notes

[1] Et que vous pouvez retrouver dans les sources LaTeX de l’ouvrage.




« La mort d’ACTA » un rap militant par Dan Bull

Dan Bull - CC-by-saDan Bull, c’est un rappeur anglais annoncé comme l’un des « meilleurs jeunes auteurs de chanson » par le magazine anglais Is This Music ? après la sortie de son premier album en janvier 2009. C’est aussi un chanteur engagé, qui défend une vision de l’Internet faite de téléchargements gratuits, de partage et de remix. Il s’était d’ailleurs déjà illustré l’année dernière à se sujet en publiant un titre sous forme de lettre ouverte à la chanteuse Lily Allen, en réponse à la prise de position publique de cette dernière en faveur d’une loi anglaise singeant la riposte graduée de notre HADOPI.

La chanteuse effrontée, connue pour son titre « Fuck You » chanté avec candeur, avait en effet révolté son public à la suite de plusieurs maladresses vis-à-vis de ses fans, expliquant par exemple sur ses forums officiels que si elle avait elle-même utilisé des morceaux de musique d’autres artistes et proposé ses premiers titres en téléchargement libre sur son site, c’était parce qu’à l’époque elle ne se souciait pas de droit d’auteur, trop compliqué pour elle, mais qu’elle avait appris depuis, jugeant du coup avec dédain les méthodes qui l’ont pourtant fait connaître.

Devant la virulence des réponses de ses fans, la jeune chanteuse finit par fermer son site et annoncer qu’elle se retirait de la musique pour se consacrer au cinéma.

Parmi les voix à s’élever contre elle, il y avait donc Dan Bull, dont la lettre ouverte à Lily Allen fut visionnée plus de 350 000 fois sur YouTube depuis septembre 2009, inaugurant une série de 4 autres lettres toutes aussi bien senties…

Aujourd’hui, Dan Bull nous revient avec un nouveau titre consacré cette fois au sinistre accord commercial anti-contrefaçon ACTA, qui, négocié en secret (y compris par le France) depuis des mois, mélange à dessein contrefaçon industrielle, médicaments génériques et téléchargement sur Internet.

Annoncé il y a deux jours en Une du célèbre moteur de cherche de BitTorrent The Pirate Bay, ainsi que sur le twitter de l’auteur ou encore par le blog ReadWriteWeb France, ce nouveau titre a déjà été visionné plus de 100 000 fois sur YouTube.

RWW France proposait d’ailleurs une version française des paroles, mais cette version ne convainquit pas le blogueur Axx qui interpella Framalang [1] à ce sujet avec une autre version du texte. Une fois retravaillée et intégrée à Universal Subtitles dont nous vous parlions mardi dernier [2], sur une vidéo Framatube, voici une nouvelle adaptation [3] de « Death of ACTA » de Dan Bull :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Pour finir, même si Dan Bull (interpellé sur Twitter à ce sujet par votre serviteur) n’ose pas mettre sur ce morceau la licence libre qu’il mérite (pour cause de sample copyrighté dans la bande son), il propose tout de même le MP3 en téléchargement libre.

Notes

[1] Sur le canal IRC de l’association #framasoft sur le serveur irc.freenode.org

[2] Notons d’ailleurs que la vidéo de démonstration d’Universal Subtitles a été intégrée aujourd’hui à l’article.

[3] Adaptation Framalang : Goofy, Julien et Siltaar




Seabird : Un concept communautaire de téléphone portable

Mozilla CC-byEt si, en se regroupant pour partager nos rêves, nous tentions de faire émerger de cette tornade d’idées un nouveau concept de téléphone ? C’est l’expérience quelque peu décalée et pour le moins surprenante qu’a tentée Mozilla [1], au travers de ses Mozilla Labs.

Et qu’ont-ils inventés tous ensemble, un téléphone à glissière qui claque comme dans Matrix ? Un frigo satellitaire à antenne comme dans les séries américaines ? Un netbook avec clé 3G, webcam et Ekiga pour la voix sur IP ? Un N900 qui téléphone ? Un autre iPhone dépassé qui emprisonne ?

Quel serait le mieux que l’on puisse produire aujourd’hui ? Quelque chose à la fois contemporain dans sa plausibilité technique et avant-gardiste dans les fonctionnalités qu’il offre…

Et bien si l’OPLC a révolutionné le marché des ordinateurs portables en provocant la déferlante des netbooks, il nous reste à espérer que le Mozilla Seabird fera autant de vagues dans le secteur des téléphones mobiles !

À n’en pas douter, lire des livres libres sur cette incroyable (mais crédible) machine serait un plaisir, partageable !

C’est pourquoi, en tant que technophile, je n’ai pu résister au plaisir de partager avec vous mon enthousiasme pour ce petit concentré de bonnes idées, qui a suscité plus d’un millier de commentaires (au moment de la rédaction de ce billet) sur le blog original, et fut salué par plus de 25 journaux et sites en langue anglaise spécialisés dans les hautes technologies [2].

Concept Series : Seabird – Un concept communautaire de téléphone portable

Concept Series: Seabird – A Community-driven Mobile Phone Concept

Pascal Finette – 23 septembre 2010 – MozillaLabs.com
Traduction Framalang : Cheval_Boiteux, DonRico, @PierreTravers, Goofy, Siltaar et Zitor

Depuis que les Mozilla Labs ont lancé les Concept Series avec un appel à participation, des milliers de personnes nous ont rejoints, ont partagé leurs idées et développé des concepts autour de Firefox, des projets Mozilla et du Web ouvert dans son ensemble.

En réponse à notre appel ouvert du début 2009, Billy May a produit un concept de « Téléphone conçu pour le Web ouvert ». En travaillant directement à partir des retours de la communauté, Billy a depuis terminé son exploration avec son concept « Seabird ».

Le compte rendu suivant a été rédigé par Billy May et explore ce à quoi un téléphone Web ouvert pourrait ressembler :

Description générale

Le Mozilla Seabird, qui fait partie des Concept Series des Mozilla Labs, est une expérimentation portant sur les manières dont les utilisateurs pourraient interagir avec les contenus de leur téléphone mobile à mesure que les appareils et la technologie gagnent en performances. S’appuyant sur des idées fournies par la communauté Mozilla via le blog du projet, l’accent a rapidement été mis sur les limitations des interactions physiques. Alors que la connectivité, la puissance des processeurs mobiles et le développement des plateformes rattrapent ceux des ordinateurs de bureau, le manque de moyens disponibles pour saisir efficacement du contenu se fait de plus en plus sentir.

Mozilla CC-by

Interaction

Le Seabird présente donc quelques façons dont l’interaction utilisateur/appareil pourrait évoluer grâce aux innovations que connaît le secteur, conduites par les avancées en matière de projecteurs et de capture de mouvements. Premièrement, le Seabird montre comment une clé (un dongle) à usage multiple pourrait améliorer l’interface tactile encombrée en offrant plus de précision et une manipulation directe du contenu dans un espace en 3D.

Mozilla CC-by

Pico Projecteur

Avec des fabricants de téléphones portables comme Samsung, LG et Motorola qui se dirigent vers des applications d’affichage conçues pour les projecteurs, la technologie laisse le champ libre à l’extension de la surface offerte à l’utilisateur pour l’interaction et la saisie. Sur une surface plane, le Seabird permet une interaction d’une qualité équivalente à celle d’un netbook, en utilisant la distortion angulaire du projecteur pour fournir une interface plutôt que du contenu. Avec une station d’accueil, chaque projecteur peut travailler indépendamment et fournir ainsi un confort d’utilisation égal à celui d’un ordinateur portable.

Mozilla CC-by

Design

La conception de l’aspect visuel s’appuie sur des formes aérodynamiques, aviaires et résolument féminines. En position debout, le Seabird renvoie une impression d’équilibre, tandis que sa façon d’épouser les courbes de la main rend celui-ci compatible avec le désir qu’a l’utilisateur de maîtriser l’objet numérique. La courbure du dos joue également un rôle fonctionnel, car elle surélève les éléments de la lentille du projecteur quand le Seabird est posé à plat.

Mozilla CC-by

Seabird est une expérimentation gérée par la communauté et ne signifie pas que Mozilla envisage la production d’un système d’exploitation ou de matériel.

Mozilla CC-by

FAQ

Qui est à l’origine du projet ?

Seabird a été créé par Billy May, un membre de la communauté Mozilla Labs qui, au début de l’année 2009, a jeté une première ébauche de ce à quoi pourrait ressembler un téléphone mobile pour le Web Ouvert. Seabird est la suite du projet initial de Billy, auquel il a intégré les retours de la communauté étendue. Pour en apprendre plus sur Billy May, visitez sa page personnelle.

En quoi cela est-il lié à Mozilla et Mozilla Labs ?

Billy est un membre de la communauté Mozilla Labs et a créé Seabird sur son temps libre. Seabird n’est pas un projet de Mozilla Labs mais appartient aux Concept Series de Mozilla Labs. Les Concept Series fournissent à la communauté un espace pour créer et collaborer à des projets qui repoussent les frontières du Web et du navigateur.

La société Mozilla a-t-elle le projet de produire un téléphone portable ?

Non. Mozilla produit Firefox Mobile, le célèbre navigateur pour les systèmes de téléphonie mobile comme Nokia Maemo et Android. Vous pouvez en apprendre davantage sur Mozilla Firefox Mobile à cette adresse [3].

Notes

[1] Crédit photo : Mozilla Creative Commons Paternité

[2] En attendant que nous maîtrisions Universal Subtitles, je vous encourage également à visionner la vidéo en anglais présente sur le blog d’origine, elle sera très bien agrémentée par les textes traduits ici même.

[3] Le lien d’origine sans version française : http://www.mozilla.com/en-US/mobile/




Logiciel libre et développement durable, même combat ?

416style - CC-byAu détour d’une conférence sur les tendances 2010 de l’Open Source à l’OpenWorldForum, j’ai assisté à la présentation, captivante, des enjeux croisés de l’écologie et du logiciel libre, résumé en « FreenIT » par un duo peu ordinaire. En effet, l’un s’annonce comme journaliste et passionné d’environnement et l’autre (respectivement) comme ingénieur expert en « innovation ouverte et logiciel libre ». Leur présentation s’attachait à mettre en valeur les avantages intrinsèques des logiciels libres dans la quête d’une informatique écologiquement responsable vers laquelle l’industrie et les grandes entreprises se tournent enfin [1].

Enthousiasmé par leur démonstration, je pris contact avec eux à l’issue de la présentation, pour évoquer la possibilité de faire passer leur message jusqu’à vous chers lecteurs, dans la droite lignée de nos explorations de la société, à la recherche des applications de la culture du libre. Après les « AMAP », qui mettent de l’écologie dans les assiettes de collectifs qui s’auto-organisent pour échapper aux injonctions des grandes surfaces, voici donc le « Green IT » qui met de l’écologie derrière nos écrans.

On retrouve, dans ce texte de synthèse rédigé pour le Framablog, les notions clés du succès en matière de développement durable, tel que le fameux « penser global, agir local », que l’on retrouve dans le logiciel libre sous la forme d’un « bidouiller dans son coin, et penser aux autres », ou encore une évocation du « leadership par l’exemple » qui prévalut dès le début en matière politique sur Internet, cet espèce de laisser-faire, un peu utopique, sans laisser-aller. Enfin, je citerai encore la notion d’énergie grise, qui vient malheureusement contrebalancer les discours commerciaux des fabriquants en matière de décroissance de la consommation énergétique des nouvelles générations de composants informatiques.

Logiciel libre et Green IT : même combat ?

Frédéric Bordage et François Letellier – GreenIT.fr

Les connaissances des communautés open source et les principales caractéristiques des logiciels libres sont particulièrement bien adaptées à la profondeur et à l’urgence des enjeux du développement durable. Démonstration.

L’humanité fait face à trois problèmes environnementaux majeurs : le dérèglement climatique, l’écroulement de la biodiversité et l’épuisement des stocks de ressources non renouvelables. La prise de conscience a été (trop) longue, et l’urgence aujourd’hui est réelle : nous n’avons qu’une génération pour trouver et mettre en œuvre les solutions à ces défis. Quel rapport entre ce constat, iconifié par des personnages tels que le Commandant Cousteau, Al Gore ou Nicolas Hulot, et notre quotidien d’informaticiens ? Que peuvent les geeks face à ces enjeux planétaires ?

Toujours poussés plus loin vers les mondes virtuels, nous avons tendance à oublier qu’octets et instructions consomment substrats et énergie. Une consommation qui se traduit par des nuisances que notre écosystème ne peut pas absorber indéfiniment. Les informaticiens peuvent, s’ils le souhaitent, réduire rapidement l’empreinte de l’informatique sur l’environnement. Mais plus encore, la communauté du logiciel libre détient des savoirs transversaux qui font défaut aux acteurs du développement durable. Explication.

Freen IT as in Free & Green IT

Le courant de pensée du « Green IT » cherche à réduire l’empreinte écologique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Pour réduire l’empreinte des TIC, il faut se concentrer sur l’essentiel. Contrairement au discours marketing des éditeurs et des constructeurs, les phases de fabrication et de fin de vie d’un ordinateur consomment plus d’énergie et génèrent nettement plus de nuisances environnementales que la phase d’utilisation. En clair : si vous décidez de remiser tous vos serveurs et postes de travail, encore fonctionnels, pour les remplacer par d’autres nettement moins énergivores… vous faites fausse route. Les constructeurs vous remercieront, pas la planète. En effet, l’énergie grise liée aux équipements informatique ne cesse de croître, quand leur consommation en fonctionnement s’affiche à la baisse.

Les deux grands défis du « Green IT » consistent à :

  • prolonger la durée d’utilisation des matériels existants;
  • et à réduire les besoins, en termes d’énergie et de ressources, sur la phase d’utilisation.

Ce qui signifie mettre le holà à la gloutonnerie des logiciels. Microsoft Office 2010 sous Windows Vista nécessite par exemple 70 fois plus de ressources qu’Office 97 sous Windows 98… Les documents produits sont-ils 70 fois plus percutants ou créés 70 fois plus vite ? Non. La gabegie logicielle est indéfendable.

Le logiciel libre à la rescousse

C’est la couche logicielle qui pilote les besoins en ressources matérielles d’un ordinateur. Or, d’un point de vue technique, les logiciels libres sont architecturés autour d’un noyau qui répond à 80% des besoins essentiels. Autour de ce noyau viennent se connecter des extensions qui répondent aux besoins moins répandus. Cet écosystème évolue. Si une fonction devient incontournable, elle est intégrée au noyau. Cette architecture modulaire et évolutive minimise les ressources matérielles (puissance processeur, mémoire vive, etc.) nécessaires. On obtient donc des logiciels performants même sur des matériels modestes ou anciens, ce qui permet d’allonger la durée d’utilisation du matériel… ou de redonner une seconde vie à un matériel d’occasion.

Généralement alliée à une gratuité d’accès, la parcimonie des logiciels libres (systèmes d’exploitation en tête) rend viable la filière du reconditionnement des équipements d’occasion. Le « Libre » apporte une réponse pragmatique, ici et maintenant, aux deux premiers défis du « Green IT » : faire durer le matériel, économiser les ressources. En outre, le découplage entre logiciel et support technique (qui peut être fourni par différents acteurs de la communauté) évite l’obsolescence programmée imposée par des éditeurs propriétaires et monopolistiques. En raccourcissant la durée de leur support technique, ces derniers poussent en effet à la consommation de nouvelles versions de logiciels plus gourmands, et donc de matériels plus puissants pour les faire tourner.

Au delà des aspects techniques, les communautés du libre reposent sur une organisation pyramidale dont les processus sont transparents. Ces deux propriétés garantissent un travail rapide et efficace qui pousse les chefs de projet et les développeurs à bien faire leur travail (un code efficace par exemple) et à prendre leurs responsabilités. Le pouvoir du créateur du logiciel est contrecarré par le pouvoir des utilisateurs. Les utilisateurs peuvent « forker » un projet du jour au lendemain. On ne peut donc pas verrouiller les utilisateurs et leur imposer un rythme de mise à jour.

D’autre part, le modèle économique du libre est quantitatif. Seule l’adhésion du plus grand nombre garantit au créateur du logiciel des revenus confortables et pérennes. Les communautés open source ont dissocié les revenus liés au service d’une part, de ceux potentiels liés à la vente de copies du logiciel d’autre part. Ainsi distribué gratuitement, et facilement localisé, les logiciels open-source peuvent toucher rapidement le plus grand nombre. Ouverture et gratuité facilitent une adoption large et rapide.

Des principes valables pour le développement durable ?

A-t-on intérêt à appliquer ces principes – architecture modulaire, méritocratie éclairée par le contre-pouvoir des utilisateurs, standardisation, découplage des revenus directs du produit, etc. – aux problématiques du développement durable ? Tout porte à le croire.

D’une part, nous n’avons qu’une génération pour diviser notre empreinte écologique par un facteur 4 [2]. Jamais l’humanité n’a fait face à un défi d’une telle ampleur. Pour tenir ce pari, nous devons aller plus vite que jamais auparavant dans l’histoire humaine. Le modèle d’adoption – très rapide – des logiciels libres doit donc être une source d’inspiration pour les acteurs du développement durable.

Que nous apprennent les communautés open source ? Sans standard, point de salut. La (presque) totalité des logiciels libres s’appuient sur des standards reconnus (qu’ils ont contribué à faire émerger et / ou à forger) pour s’assurer de la pérennité des développements. On touche ici au caractère « durable » des développements. Pour s’imposer dans le temps, les solutions du développement durable devront s’appuyer sur la même approche de standards ouverts. Et ce d’autant plus que les problématiques sont mondiales. Par exemple, pour être efficaces (c’est à dire économiser de l’énergie), les compteurs électriques intelligents devront tous parler le même protocole. Or, seul un protocole normalisé et ouvert sera adopté rapidement.

D’autre part, pour aboutir rapidement, ces standards devront être forgés par une méritocratie éclairée. L’échec de Copenhague l’a démontré, la recherche d’un consensus mondial est impossible en l’état. En revanche, rien n’empêche un ensemble de pays de proposer une solution pertinente, dont l’évolution sera dictée par toutes les parties prenantes.

Enfin, d’un point de vue plus philosophique, l’architecture technique d’un logiciel libre montre que ses créateurs sont « près de leurs ressources ». Ces « décroissants du logiciel » montrent à leur façon qu’une débauche de moyens n’est pas toujours nécessaire pour atteindre un objectif. En d’autres termes, le développement ne sera réellement durable que s’il ponctionne le strict minimum des ressources disponibles. Cette ascèse est déjà une règle fondamentale d’un grand nombre de projets open source.

Pour conclure, il nous semble évident que :

  • les logiciels libres constituent une réponse pertinente pour réduire l’empreinte environnementale des TIC;
  • que les modes d’organisations des communautés correspondent bien aux enjeux mondiaux du développement durable;
  • et que les principes fondamentaux des projets open source garantissent une adoption rapide et durable des solutions, un point clé des enjeux du développement durable.

Votre avis ?

Frédéric Bordage et François Letellier contribuent au blog collectif GreenIT.fr qui fédère la communauté francophone des acteurs du Green IT.

Notes

[1] Crédit photo : 416style – Creative Commons Paternité

[2] Voir « Facteur 4 » dans le glossaire pointé.