La Blockchain, au-delà du Bitcoin

Il existe déjà sur le Bitcoin et la nombreuse famille des monnaies virtuelles une abondante littérature qui évoque les espoirs et les fantasmes que génèrent les crypto-monnaies. Mais pour qui n’est encore ni utilisateur dans ses paiements ni prosélyte convaincu, il n’est pas si facile de comprendre le principe de fonctionnement qui sous-tend le succès grandissant de cet argent dématérialisé sans intermédiaire.

Pour savoir ce qui se passe en coulisses, il est nécessaire d’appréhender correctement ce qu’est la blockchain. C’est bien délicat, et rares sont les explications limpides qui nous permettent de saisir l’essentiel. L’article « Chaîne de blocs » de Wikipédia utilise très vite des prérequis dont ne disposent probablement pas les Dupuis-Morizeau : « système cryptographique », « base de données distribuée », « nœud de stockage », etc.

Heureusement, il arrive que nous rencontrions un article qui présente des qualités de clarté telles que nous nous faisons un devoir de le partager. Qui plus est, nous y découvrons que le bitcoin n’est qu’un exemple aujourd’hui notoire des très nombreuses possibilités d’application de la blockchain dans des domaines très variés, ce qui pourrait à moyen terme changer beaucoup de choses dans notre vie quotidienne…

L’auteur, Jean-Paul Delahaye est un universitaire, mathématicien et informaticien, chercheur à l’Université de Lille 1. Nous le remercions d’avoir accepté que nous reprenions ici, mis à jour pour les données numériques, son texte déjà publié en 2014 sur le blog de Scilogs.

La puissance de la blockchain

jp_DelahayeImaginez qu’au centre de la place de la Concorde à Paris, à côté de l’Obélisque on installe un très grand cahier, que librement et gratuitement, tout le monde puisse lire, sur lequel tout le monde puisse écrire, mais qui soit impossible à effacer et indestructible. Cela serait-il utile ?

Il semble que oui.

– On pourrait y consigner des engagements : « je promets que je donnerai ma maison à celui qui démontrera la conjecture de Riemann : signé Jacques Dupont, 11 rue Martin à Paris ».

– On pourrait y déposer la description de ses découvertes rendant impossible qu’on en soit dépossédé  : « Voici la démonstration en une page que j’ai trouvée du Grand théorème de Fermat …».

– On pourrait y laisser des reconnaissances de dettes qui seraient considérées valides tant que celui à qui l’on doit l’argent n’a pas été remboursé et n’est pas venu l’indiquer sur le cahier.

– On pourrait y donner son adresse qui resterait valide jusqu’à ce qu’une autre adresse associée au même nom soit ajoutée, annulant la précédente.

– On pourrait y déposer des messages adressés à des personnes qu’on a perdues de vue en espérant qu’elles viennent les lire et reprennent contact.

– On pourrait y consigner des faits qu’on voudrait rendre publics définitivement, pour que l’histoire les connaisse, pour aider une personne dont on souhaite défendre la réputation, pour se venger, etc.

Pour que cela soit commode et pour empêcher les tricheurs d’écrire en se faisant passer pour vous, il faudrait qu’il soit possible de signer ce qu’on écrit. Il serait utile aussi que l’instant précis où est écrit un message soit précisé avec chaque texte déposé sur le grand cahier (horodatage).

Imaginons que tout cela soit possible et qu’un tel cahier soit mis en place, auquel seraient ajoutées autant de pages nouvelles que nécessaire au fur et à mesure des besoins. Testaments, contrats, certificats de propriétés, récits divers, messages adressés à une personne particulière ou à tous, attestations de priorité pour une découverte, etc., tout cela deviendrait facile sans avoir à payer un notaire, ou un huissier. Si un tel cahier public était vraiment permanent, infalsifiable, indestructible, et qu’on puisse y écrire librement et gratuitement tout ce qu’on veut, une multitude d’usages en seraient imaginés bien au-delà de ce que je viens de mentionner.

Un tel objet serait plus qu’un cahier de doléances ou un livre d’or, qui ne sont pas indestructibles. Ce serait plus qu’un tableau d’affichage offert à tous sur les murs d’une entreprise, d’une école ou d’une ville, eux aussi temporaires. Ce serait plus que des enveloppes déposées chez un huissier, coûteuses et dont la lecture n’est pas autorisée à tous. Ce serait plus qu’un registre de brevets, robuste mais sur lesquels il est coûteux et difficile d’écrire. Ce serait plus que les pages d’un quotidien qui sont réellement indestructibles car multipliées en milliers d’exemplaires, mais sur lesquelles peu de gens ont la possibilité d’écrire et dont le contenu est très contraint.

Place de la Concorde ?

Bien sûr, ce cahier localisé en un point géographique unique ne serait pas très commode pour ceux qui habitent loin de Paris. Bien sûr, ceux qui y rechercheraient des informations en tournant les pages se gêneraient les uns les autres, et gêneraient ceux venus y inscrire de nouveaux messages. Bien sûr encore, faire des recherches pour savoir ce qui est écrit dans le cahier (telle dette a-t-elle été soldée ? Telle adresse est-elle la dernière ? etc.) deviendrait vite impossible en pratique quand le cahier serait devenu trop gros et que ses utilisateurs se seraient multipliés.

Ces trois inconvénients majeurs :
a) localisation unique rendant l’accès malcommode et coûteux ;
b) impossibilité de travailler en nombre au même instant pour y lire ou y écrire ;
c) difficulté de manipuler un grand cahier…
… peuvent être contournés. L’informatique moderne avec la puissance de ses machines (y compris les smartphones) et ses réseaux de communication est en mesure de les surmonter.

D’ailleurs cette idée d’un grand cahier informatique, partagé infalsifiable et indestructible du fait même de sa conception est au cœur d’une révolution qui débute. Nous la baptiserons la  «révolution de la blockchain » (nous allons expliquer pourquoi) ou plus explicitement et en français : « la révolution de la programmation par un fichier partagé et infalsifiable ».

L’idée de Nakamoto

Le nom proposé vient de la blockchain du bitcoin, la monnaie cryptographique créée en janvier 2009, et qui a depuis connu un développement considérable et un succès réel très concrètement mesurable : la valeur d’échange des devises émises en bitcoins dépasse aujourd’hui 5 milliards d’euros. Au cœur de cette monnaie, il y a effectivement un fichier informatique infalsifiable et ouvert. C’est celui de toutes les transactions, baptisé par Satoshi Nakamoto son inventeur : la blockchain. C’est un fichier partagé, tout le monde peut le lire et chacun y écrit les transactions de bitcoins qui le concerne, ce qui les valide. La blockchain existe grâce à un réseau pair à pair, c’est-à-dire géré sans autorité centrale par les utilisateurs eux-mêmes. Certains de ces utilisateurs détiennent des copies de la blockchain, partout dans le monde. Ces centaines de copies sont sans cesse mises à jour simultanément, ce qui rend la blockchain totalement indestructible, à moins d’une catastrophe qui toucherait en même temps toute la terre. Ce fichier a été rendu infalsifiable par l’utilisation de procédés cryptographiques qui depuis sa création en 2009 se sont révélés résister à toutes les attaques : personne jamais n’a pu effacer ou modifier le moindre message de transaction auparavant inscrit dans la blockchain du bitcoin.

Bitcoin_Block_Data

C’est possible, cela existe !

Le rêve du grand cahier de la place de la Concorde est donc devenu possible, et en réalité ce que l’informatique moderne, les réseaux et la cryptographie ont su créer dans le monde numérique est bien supérieur à tout ce qu’on aurait pu tenter de faire avec du papier, du métal ou tout dispositif composé d’objets physiques. En particulier :

a) l’accès à la blockchain, grâce aux réseaux, se fait instantanément de n’importe où dans le monde, pourvu qu’on dispose d’un ordinateur ou simplement d’un smartphone ;

b) des milliers d’utilisateurs peuvent y lire simultanément sans se gêner ;

c) chacun peut gratuitement et sans limitation ajouter de nouveaux messages de transactions selon un procédé qui assure la cohérence et la robustesse du fichier blockchain.

La taille de la blockchain du bitcoin s’accroît progressivement, mais reste manipulable par les formidables machines dont nous disposons tous aujourd’hui. Elle comporte aujourd’hui 54 giga-octets (5,4 10^10 caractères), ce qui est l’équivalent d’environ 54 000 ouvrages de 200 pages. Cela semble énorme, mais nos ordinateurs sont maintenant assez puissants pour cela.

L’exploration par son ordinateur de ce qui est inscrit donne librement accès à tout le contenu de cette blockchain quasi-instantanément de n’importe quel endroit du monde. C’est d’ailleurs, dans le cas du bitcoin, ce qui permet de calculer le solde des comptes. Les systèmes de signatures cryptographiques garantissent que les messages de transaction que vous inscrivez sur la blockchain concernant vos comptes ont été écrits par vous. L’ordre des inscriptions fournit aussi une datation (horodatage) des transactions et donc les ordonne. Tout cela est fait, sans qu’aucune autorité centrale ne s’en occupe, puisque ce sont certains des utilisateurs (appelé « mineurs » dans le cas du bitcoin) qui en opèrent la surveillance, et qui se contrôlent mutuellement, assurant l’honnêteté des sauvegardes et leur cohérence.

L’exemple d’une monnaie est la plus spectaculaire et la plus visible aujourd’hui des merveilles que réalise une blockchain. Qu’on ait pu ainsi créer une monnaie, grâce à un fichier partagé, semble incroyable. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une monnaie d’un nouveau type : elle ne repose sur aucune autorité émettrice, autorise des transactions quasi-instantanées gratuitement d’un point à l’autre du globe.

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De nombreuses variantes

Au-delà du miracle que constitue cette monnaie (nous ne reviendrons pas sur le détail de son fonctionnement), c’est l’ensemble de tout ce que rend possible ce type d’objet qu’est une blockchain que nous voulons évoquer, car il semble bien qu’un nouveau monde économique, social, législatif, politique et monétaire en résulte. Aujourd’hui, nous n’en avons pas pris la mesure.

Le bitcoin utilise une blockchain qui lui est propre et ne sert a priori qu’à inscrire des transactions, mais l’idée de cette blockchain peut se décliner d’une multitude de façons donnant naissance à autant d’applications nouvelles. Nous avons sans doute pour l’instant entrevu que quelques aspects de ce que de tels dispositifs autorisent. Il s’agit rien moins que de l’apparition d’un nouveau type d’objets réels, aussi durs que le métal, contenant des informations d’une complexité sans limites. Nos ordinateurs aux extraordinaires capacités de calcul y accèdent instantanément grâce aux réseaux, explorant rapidement ce qui s’y trouve, y déposant de nouveaux messages éventuellement cryptés, et les extrayant aussi rapidement. Ces nouveaux objets du fait de leur nature numérique et de leurs propriétés de robustesse et d’ubiquité — ils existent partout dans le monde à la fois — ont des propriétés qu’aucun objet du monde n’a jamais possédées.

Il existe aujourd’hui des centaines de variantes du modèle bitcoin. Ce sont essentiellement d’autres monnaies — on parle de crypto-monnaies — qui chacune s’appuie sur une blockchain particulière. Cependant depuis qu’on a compris que l’idée de Nakamoto était beaucoup plus générale, d’autres systèmes avec blockchain sont apparus ou sont en cours de développement.

Une révolution en marche

Certaines des idées évoquées au départ peuvent se mettre en place soit grâce à une nouvelle blockchain, soit en essayant d’utiliser la blockchain du bitcoin qu’on détournera de sa fonction première pour lui faire réaliser des opérations non prévues par Nakamoto. Dom Steil un entrepreneur s’occupant du bitcoin et auteur de nombreux articles sur les nouvelles technologies a exprimé assez clairement l’idée de cette révolution :

« La blockchain est intrinsèquement puissante du fait que c’est la colonne vertébrale d’un nouveau type de mécanisme de transfert et de stockage distribué et open source. Elle est le tiers nécessaire pour le fonctionnement de nombreux systèmes à base de confiance. Elle est la feuille universelle d’équilibrage utilisée pour savoir et vérifier qui détient divers droits numériques. De même qu’Internet a été la base de bien d’autres applications que le courrier électronique, la blockchain sera la base de bien d’autres applications qu’un réseau de paiement. Nous en sommes aux premiers instants d’un nouvel âge pour tout ce qui est possible au travers d’un réseau décentralisé de communications et de calculs. ». Voir ici.

Jon Evans un ingénieur informaticien et journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies partage cet enthousiasme :

« La technologie blockchain au cœur du bitcoin est une avancée technique majeure qui, à terme, pourrait révolutionner l’Internet et l’industrie de la finance comme nous les connaissons ; les premiers pas de cette révolution en attente ont maintenant été franchis. »

« La « blockchain » —le moteur qui sert de base au bitcoin— est un système distribué de consensus qui autorise des transactions, et d’autres opérations à être exécutées de manière sécurisée et contrôlée sans qu’il y ait une autorité centrale de supervision, cela simplement (en simplifiant grossièrement) parce que les transactions et toutes les opérations sont validées par le réseau entier. Les opérations effectuées ne sont pas nécessairement financières, et les données ne sont pas nécessairement de l’argent. Le moteur qui donne sa puissance au bitcoin est susceptible d’un large éventail d’autres applications. »  ( ici et ici )

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La machine qui inspire confiance

comment la technologie derrière le Bitcoin pourrait changer le monde

Namecoin, Twister, Ethereum

Parmi les blockchain autres que celle du bitcoin et ayant pour objets des applications non liées à la monnaie, il faut citer le Namecoin un système décentralisé d’enregistrement de noms : on écrit sur la blockchain du Namecoin des paires (nom, message). Un des buts de Namecoin est la mise en place d’un système d’adresses pour les ordinateurs connectés au réseau internet qui pourrait se substituer au système actuel DNS (Domaine name system) en partie aux mains d’organisations américaines. Les créateurs de cette blockchain affichent les objectifs suivants : protéger la libre parole en ligne en rendant le web plus résistant à la censure ; créer un nom de domaine «.bit» dont le contrôle serait totalement décentralisé ; mémoriser des informations d’identité comme des adresses email, des clefs cryptographiques publiques. Ils évoquent aussi la possibilité avec cette blockchain d’organiser des votes ou des services notariés. Malheureusement cette blockchain est peu commode car les dépôts d’informations y sont payants (en namecoin), et même si les coûts sont très faibles, ils compliquent beaucoup son utilisation. Voir ici.

Plus récemment a été créé Twister, un système concurrent de Twitter (le système de micro-blogging bien connu) mais totalement décentralisé et donc libre de toute censure ou contrôle. La blockchain de Twister ne sert dans ce cas pas à stocker toute l’information de la plateforme de micro-bloging  (qui est distribuée sur un réseau pair à pair évitant que les nœuds du réseau aient à gérer de trop gros volumes de données)  mais seulement les informations  d’enregistrement et d’authentification. Voir ici.

Un projet plus ambitieux car se voulant le support possible d’applications complexes basé sur une notion de contrat (smartcontract) est en cours de développement : il se nomme Ethereum. La blockchain associée à Ethereum émettra une monnaie (l’éther) sur le modèle de bitcoin, mais ce ne sera qu’une des fonctions de cette blockchain. Voir ici.

Une autre avancée toute récente a été proposée par Adam Back, inventeur déjà d’une monnaie électronique précurseur du bitcoin. Back a constaté que le bitcoin ne peut évoluer que très lentement car les décisions pour ces évolutions se font selon un processus qui exige un accord difficile à obtenir de la part de ceux qui travaillent à le surveiller et qui ne sont pas organisés en structure hiérarchique —c’est un problème avec les applications totalement décentralisées dont le contrôle n’est aux mains de personne. Il a aussi noté que beaucoup d’idées innovantes proposées par des blockchain nouvelles n’ont qu’un succès limité. En valeur, le bitcoin reste très dominant parmi les monnaies cryptographiques. Avec une équipe de chercheurs, il a mis au point une méthode liant les blockchains les unes aux autres. Ce système de « sidechain » permettra de faire passer des unités monétaires d’une chaîne A vers une autre B. Elles disparaîtront de la chaîne A pour réapparaître sur la chaîne B et pourront éventuellement revenir dans A. Chaque blockchain est un petit univers où il est utile de disposer d’une monnaie (par exemple sur Namecoin, il y a une monnaie). Cependant faire accepter une nouvelle monnaie et stabiliser son cours est difficile et incertain. De plus chaque blockchain est une expérience comportant des risques qui sont d’autant plus grands qu’elle est récente et innovante. Le système des sidechain une fois mis en place (ce n’est pas si simple et aujourd’hui aucune sidechain ne fonctionne) permettra de tester rapidement de nouvelles idées. Chacune pourra « importer » la monnaie d’une autre blockchain, sans doute la monnaie bitcoin qui est la mieux installée et celle pour laquelle la confiance est la plus forte. Le système est conçu pour que la chaîne qui « prête » de l’argent à une autre ne risque pas plus que ce qu’elle prête et donc ne prenne qu’un risque limité.

« Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement »

On le voit, la complexité (de nos puces, de nos machines, de nos applications, de nos réseaux informatiques) a créé un univers où les nouveaux objets indestructibles que sont les blockchains changent les règles du jeu : moins de centralisation, moins d’autorité, plus de partages sont possibles. Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement. Le monde qui en sortira est difficile à imaginer, mais il se forme et même si on peut le craindre autant que certains l’appellent de leurs vœux, il sera là bientôt.

 

Liens mentionnés par l’auteur de l’article
D’autres liens intéressants sur la question et autour

Crédits Images

  • « Bitcoin accepted here », Francis Storr (CC BY-SA 2.0)
  • Schéma des blocs par Matthäus Wander (CC BY-SA 3.0) via Wikimedia Commons
  • The trust machine, image de couverture du magazine The Economist du 30 octobre 2015,



Apprenez à lire une URL (et sauvez des chatons)

Vous voulez sauver des chatons ? Nous aussi. Tout le monde aime les chatons. Cet article ne vous dira pas comment faire. Mais il vous apprendra (ou vous permettra d’apprendre à votre neveu) comment lire une adresse web. Ce qui est, n’en doutons pas, indispensable lorsque l’on veut sauver des chatons.

Nous avons donc décidé de piller sauvagement le blog Grise-Bouille de Gee, dessinateur libriste, chanteur yukuléliste, et framasoftien chevronné… parce qu’il a dessiné là un article d’utilité publique qui mérite d’être partagé (rappel : si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour les chatons !)

URL über-lue

Aujourd’hui, parlons de l’une de ces nombreuses choses auxquelles on ne prête pas d’attention parce qu’elles semblent trop compliquées… alors qu’elles peuvent nous aider énormément : l’URL.

Je précise que cet article est une introduction pour novice et qu’il ne vise pas l’exhaustivité (on ne parlera pas de protocoles FTP, de ports ou de résolution DNS). En plus, il est déjà assez long comme ça !

Bonne lecture 😉

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Lien vers l’article original.




Accord Microsoft-Éducation nationale : le Libre offre déjà des alternatives.

Mise à jour 3 décembre 2015 : Framasoft co-signe, avec de nombreuses associations et syndicats, un communiqué de presse dénonçant un partenariat indigne des valeurs affichées par l’Education Nationale.

C’est depuis les années 1970-1971 que le gouvernement français élabore et met en œuvre des plans informatiques (« numériques » dit-on aujourd’hui) pour l’Éducation Nationale. L’année la plus marquante, qui a fini par introduire vraiment des ordinateurs entre les murs de nos écoles, ce fut 1985 avec le lancement du plan Informatique Pour Tous (IPT) par L. Fabius.

La firme Microsoft a petit à petit avancé ses pions au cœur de l’Éducation nationale et, depuis lors, nous assistons à des accords réguliers entre le ministère et Microsoft, chiffrant l’usage de ses produits à plusieurs millions d’euros à chaque fois… avec un succès pour le moins mitigé. À tel point que les citoyens se sont récemment mobilisés autour de cette question en plébiscitant l’usage de logiciels libres dans les services publics lors de la consultation numérique initiée par la ministre Axelle Lemaire.

Et pourtant, comme un pied de nez à cette consultation, la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a signé pas plus tard qu’hier un énième accord avec Microsoft. 13 millions d’euros pour s’assurer que les collégiens et collégiennes utilisent quotidiennement des logiciels et comptes Microsoft (quitte à fournir les tablettes). Cet argent servira donc à épier le comportement des élèves (pour leur fournir un « service personnalisé ») ainsi qu’à la formation de leurs enseignant-e-s à ces logiciels privateurs.

Tweet (im)pertinent et parodique de JcFrog en réaction à cette annonce
Tweet (im)pertinent et parodique de JcFrog en réaction à cette annonce
https://twitter.com/jcfrog/status/671394109974814720

En somme, un pas supplémentaire est donc effectué par Microsoft dans le monopole de l’informatique à l’école, jusqu’à saturer les élèves et les enseignants de solutions exclusives, centralisant et analysant les données des élèves selon des algorithmes dont le ministère n’a pas réclamé les clés (pas d’engagement à l’interopérabilité, ni à l’ouverture du code source).

Or, les enseignants ne manquent pas pour expérimenter et mettre en œuvre des solutions basées sur des logiciels libres. Des solutions plus ouvertes, plus malléables, et plus efficaces pour atteindre les objectifs d’un réel apprentissage de l’informatique par les élèves et une appropriation des outils dans leurs diversités et leurs logiques. Par exemple, les tablettes Tabulédu sont une solution pensée pour les classes de primaire dans le respect des données et des libertés des élèves.

Tabulédu en image.
Tabulédu en image.

Pour le collège, c’est en Espagne qu’on peut trouver de l’inspiration. En Mai 2014, le Framablog publiait Fin du support XP, un collège espagnol migre vers Ubuntu. Ce samedi 24 novembre 2015, Fernando Lanero, l’enseignant à l’origine de cette migration était invité à l’Ubuntu party parisienne pour y donner une conférence, interprétée dans sa version Francophone par Framasoft en la personne de Genma.

Dans son discours, Fernando nous montre que la migration n’est pas une question technique (une personne ayant les compétences et le temps peut le faire), mais bel et bien un enjeu d’éducation. Quel modèle d’éducation voulons-nous pour les enfants? Quelles valeurs souhaitons nous leurs transmettre? Les valeurs du logiciel propriétaire et privateur, pour lequel copier c’est voler, comprendre c’est tricher ? Ou bien celles du logiciel libre, celle du partage et de l’appropriation des connaissances ?

Le texte ci-dessous est une synthèse de son discours, reprenant les principales idées.

Ubuntu pour libérer les écoles – Linux pour l’éducation

Utiliser Ubuntu au sein d’une école augmente grandement les ressources éducatives et emmène les élèves au sein d’une nouvelle dimension éducative.

Capture du 2015-12-01 21:03:28

Pourquoi choisir le logiciel libre ?

Le logiciel libre, c’est non seulement une question technique ; mais il s’agit avant tout d’une question d’éthique, sociale, et politique. Ces aspects-là sont beaucoup plus importants que l’aspect technique.

Pour des raisons techniques :

  • auditable : toute personne qui en a les connaissances peut lire le code source du logiciel libre;
  • résistant aux malwares : en optant pour Linux, les virus informatiques, la dégradation du système et de nombreux problèmes techniques divers ont disparu instantanément;
  • sain et sécurisé : parfait pour un usage par des enfants;
  • il permet de réutiliser du matériel. Ubuntu est en général bien plus performant que Windows sur du vieux matériel, nous n’avons pas de nécessité à être constamment en train d’acheter du nouveau matériel;
  • un grand support via sa communauté.

Ce changement permet également à l’école économiser de l’argent. Ne pas avoir à acheter des licences pour les systèmes d’exploitation propriétaires, les suites bureautiques et des outils anti-virus a déjà permis à l’école d’économiser environ 35 000 euros dans l’année 2014-2015.

« Évidemment, il est beaucoup plus intéressant d’investir cet argent dans l’éducation. »

Pour des raisons non-techniques :

  • augmentation de la dimension éducative de l’Informatique;
  • la liberté du logiciel joue un rôle fondamental dans l’éducation ; le logiciel libre diffuse la connaissance humaine;
  • le logiciel libre soutient l’éducation, le logiciel propriétaire au contraire l’interdit;
  • il y a transmission d’un esprit de collaboration et de coopération;
  • le code source et les méthodes du logiciel libre font partie de la connaissance humaine. Au contraire, le logiciel propriétaire est secret, la connaissance restreinte, ce qui est à l’opposé de la mission des établissements d’enseignement;
  • pour plus de cohérence avec les valeurs de l’école. Le choix du logiciel libre est non seulement une question technique ; il est également une question d’éthique, sociale et politique.

« La liberté et la coopération sont des valeurs essentielles du logiciel libre. Le système GNU implémente la valeur du partage ; le partage étant bon et bénéfique au progrès humain. »

Avec quoi ?

  • les logiciels libres permettent de comprendre notre environnement technique quotidien;
  • les logiciels libres sont une forme d’éducation en eux-mêmes, d’une certaine façon;
  • Ubuntu offre une large gamme de logiciels éducatifs et de matériels certifiés;
  • Ubuntu fournit un accès sécurisé et accessible aux étudiants, enseignants et administrateurs scolaires.

Quand changer ?

Maintenant.

  • Windows XP est un système propriétaire et obsolète;
  • la majorité des problèmes rencontrés avant la migration étaient liées à la transmission des virus via les clefs USB utilisées pour les documents.

« Pourquoi amener Ubuntu à l’école? Parce que les enfants sont l’avenir d’une société. S’ils savent ce qu’est Ubuntu, ils seront plus « ouverts » et plus « libres » quand ils deviendront adultes. »

Pour qui ?

  • pour les élèves les enfants sont naturellement curieux, ils ne sont pas du tout réticents au changement car ils cherchent la nouveauté et le changement;
  • pour les enseignants et professeurs

« Quand un professeur enseigne avec une application propriétaire, il est face à un véritable choix. Il oblige les élèves à acheter des logiciels ou à les copier illégalement. Avec les logiciels libres, les professeurs ont le contrôle de la situation et ils peuvent alors se concentrer sur l’éducation. »

Capture du 2015-12-01 21:03:53

Comment migrer ?

  • impliquer au sein du projet les personnes qui croient dans ce modèle d’éducation globale;
  • solliciter la communauté du logiciel libre;
  • utiliser toutes les ressources disponibles.

Quelles étapes ?

  • prendre une grande inspiration : une migration ce n’est pas facile et vous trouverez face à beaucoup plus de problèmes que vous n’imaginiez au début ;
  • évaluer les besoins, les coûts, les économies ;
  • commencer les migrations doucement, très doucement. Commencer en remplaçant programmes propriétaires sur Windows par du logiciel libre. Le changement pour Ubuntu se fera de façon naturelle ;
  • former les enseignants à l’utilisation d’Ubuntu et des nouvelles applications ;
  • faire de la pub (beaucoup) Vous devez expliquer ce que vous faites et pourquoi c’est une bonne chose.

Construire ?

Choisir la bonne option pour les besoins de votre école n’est pas facile, mais la mettre en œuvre est encore plus difficile :

  • évaluer les machines que vous allez migrer et la prise en charge du matériel ;
  • choisir la bonne version d’Ubuntu (envisager par exemple l’usage de la version dédiée à l’éducation, Edubuntu) ;
  • utiliser la même interface graphique sur chaque ordinateur ; l’interface utilisateur doit être homogène ;
  • il faut adapter la distribution aux besoins scolaires et toujours garder à l’esprit les besoins de l’école. Le plus important est l’expérience de l’utilisateur final ;
  • il faut toujours garder en tête que les utilisateurs finaux, ce sont les élèves. Ce qui compte vraiment, c’est leur éducation. Les changements doivent donc se concentrer sur eux. Le passage au logiciel libre doit permettre d’améliorer leur éducation.

Rappelez-vous, nous ne nous battons pas contre Microsoft. Nous nous battons contre une mauvaise expérience éducative. Notre mission est de diffuser la connaissance humaine et de préparer les élèves à être de bons membres de leur communauté.

Résultats de cette migration

Ce sont :

  • plus de 120 ordinateurs migrés durant 2014-2015;
  • plus de 1 200 étudiants ayant un contact avec Ubuntu par an;
  • autour de 35 000€ qui ont pu être investis dans l’éducation, et non plus dans des licences Microsoft ;
  • des ordinateurs plus fiables et donc cela laisse plus de temps pour faire de l’éducatif.

« L’open source est une puissante alternative aux logiciels propriétaires. La preuve en est que de nombreuses municipalités, de gouvernements et d’entreprises sont en train d’adopter les solutions open source. Il est donc temps que les écoles et les universités fassent de même. »

Capture du 2015-12-01 21:07:10

Merci à Fernando Loreno pour son partage d’expérience,

Et à Genma pour la traduction.

Chère Éducation nationale…

Via son fil Twitter, le ministère incite le monde du Libre à proposer des solutions… en feignant d’oublier que cela fait des années que les acteurs du Libre s’échinent à se faire entendre des décideurs politiques.

Cher ministère… mais surtout chères académies, rectorats, enseignant-e-s et personnel encadrant : ces solutions existent déjà et vous êtes à l’origine de nombre d’entre elles. Nous nous permettrons simplement d’en énumérer quelques unes avec ces liens :

Cette liste est loin d’être exhaustive.

Il faut changer de paradigme

« Il faut changer de logiciel », dirait-on dans la novlangue actuelle. Au-delà de la question – importante – de l’usage des logiciels libres à l’école, et des coûts de migration, l’Éducation Nationale doit se poser la question de son rôle : former de futurs citoyens éclairés libres de leurs opinions et de leurs choix, ou de futurs travailleurs-consommateurs ? Sous-traiter à Microsoft (ou Apple, ou Google) le champ du numérique éducatif, c’est refuser aux élèves la capacité d’être acteurs du numérique de demain, en leur proposant uniquement une place de figurants.

L’enjeu central se porte aujourd’hui sur les valeurs que l’école souhaite porter : le Ministère de l’Éducation Nationale est il prêt à encourager réellement le développement des ressources libres à l’école ? En accompagnant les enseignants à publier sous licence Creative Commons, en travaillant avec les communautés pour améliorer les logiciels existants ou en créer de nouveaux, en se positionnant clairement du côté du bien commun et du partage de la connaissance, etc.

Ou préfère-t-elle laisser la place à des acteurs – spécialistes de « l’optimisation fiscale » – dont l’objectif n’est pas l’émancipation des élèves et enseignants, mais au contraire leur enfermement dans des usages et des formats leur permettant de faire perdurer une économie de la rente ?




La question des bonnes pratiques au sein d’une communauté

Sarah Sharp, dont nous avons traduit récemment le billet d’adieu à l’équipe du noyau Linux ne se contente pas de pointer ce qui dysfonctionne dans les rapports humains au sein des équipes de développement. Elle propose ici toute une série de bonnes pratiques, selon elle nécessaires, qui visent à améliorer la qualité des échanges quotidiens, du moins à rendre vivable et acceptable le travail ensemble.
Il est certain qu’une liste aussi copieuse peut surprendre, et même être rejetée d’un haussement d’épaules au motif que c’est typique du « politiquement correct » à l’américaine… Cette longueur et cette précision s’expliquent sans doute par l’expérience désagréable de Sarah : les situations qu’elle a vécues lui ont imposé d’aller bien plus loin qu’un simple code de conduite, qui sert trop souvent d’alibi aux communautés.
On trouvera donc un peu de tout dans ces recommandations classées par étapes progressives : du simple bon sens dont on s’étonne qu’il soit nécessaire de le formaliser (mais justement ce bon sens ne va plus de soi, parfois), mais aussi des vues très pertinentes sur le fonctionnement optimal d’une communauté qui rappellent l’ouvrage de Karl Fogel Produire du logiciel libre (un Framabook !).
Ces propositions, malgré leur caractère un peu idéaliste, nous amènent à interroger nos pratiques, car les communautés libristes, si elles sont loin d’être des champs de bataille, sont rarement de longs fleuves tranquilles.

Qu’est-ce qui fait une bonne communauté ?

Billet original de Sarah Sharp publié sur son blog : What makes a good community

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Photo © Sarah Sharp licence CC-BY-NC-SA

Parvenir à faire vivre une communauté hétérogène est un processus progressif. Il n’existe pas de raccourci. En ce qui concerne le changement culturel, chaque niveau doit être atteint avant de passer au suivant. Il vaut également la peine de préciser que chaque étape doit bénéficier à l’ensemble des membres de la communauté et pas uniquement à quelques contributeurs.

Niveau 0 : respect fondamental de l’humain

Pour pouvoir attirer des participants très divers, vous devez avoir la réputation d’être une communauté accueillante, régie par une série de règles sociales explicites et acceptées. Il ne suffit pas d’avoir un code de bonne conduite. Ceux qui pilotent la communauté doivent le soutenir et il doit être imposé.

Une communauté accueillante de niveau 0 fait preuve des caractéristiques suivantes :

  • chacun est encouragé à faire des retours sincères et directs sur les questions techniques ;
  • les contributeurs sont invités à résoudre les conflits entre personnes de manière saine ;
  • les interactions quotidiennes dans la communauté sont généralement au niveau DISCON 1(*) (c’est super, tout va bien), et tombent occasionnellement au niveau DISCON 2 (insultes non personnelles) ou DISCON 3 (utilisation de grossièretés) ;
  • les contributeurs qui atteignent régulièrement le niveau DISCON 4 (insultes personnelles) sont encouragés à modifier leur comportement ;
  • les contributeurs qui atteignent le niveau DISCON 5 (menaces) sont fermement invités à cesser leur participation ;
  • les harceleurs récidivistes sont exclus des conférences et bannis des réseaux de discussion ;
  • les petits nouveaux et petites nouvelles sont informé.e.s sur les « brebis galeuses » et sur les personnes dont les retours sont sans intérêt ;
  • un code de conduite explique clairement quels sont les comportements encouragés et les comportements dissuadés ;
  • dès que de petites hostilités apparaissent, les membres de la communauté arrêtent ce qu’ils font, écoutent et s’excusent ;
  • la communauté dans son ensemble, y compris les responsables et les community managers, fait respecter les normes de communication.

Niveau 1 : embarquement

La phase suivante pour améliorer la diversité est de comprendre comment embarquer de nouveaux passagers. Si seulement entre 1 et 10 % des nouveaux venus ont une personnalité originale et que 90 % des personnes sont boulées dès leur première contribution, eh bien, vous ne pouvez pas espérer que toutes sortes de gens adhèrent à la communauté, n’est-ce pas ? Il est donc essentiel d’expliquer le mode de fonctionnement implicite de votre communauté, de sorte que les candidats de toute origine (qui sont souvent effrayés à l’idée de bouleverser l’ordre établi) sachent où ils mettent les pieds.

Dans une communauté accueillante de niveau 1, on trouve :

  • une documentation précisant par quels moyens interagir avec la communauté (irc, liste de diffusion, suivi des tickets (bug tracker), etc.) ;
  • des réunions dans la vraie vie pour encourager le travail en réseau avec les nouveaux membres ;
  • des discussions par vidéo ou en direct pour mettre un visage sur les noms et encourager l’empathie et la camaraderie ;
  • une documentation de base concernant les contributions relatives à la compilation, au fonctionnement, aux tests et au perfectionnement ;
  • un système de tests facilement accessible sur le Web pour les nouvelles contributions ;
  • des tutoriels détaillés et maintenus à jour ;
  • un guide de bonnes pratiques pour le code (ce qui est demandé, ce qui est facultatif et qui écouter quand il y a un désaccord entre les développeurs) ;
  • le planning des sorties (les releases des produits) et des dates-limites pour ajouter des fonctionnalités ;
  • des moyens pour faire un retour sur les contributions ne concernant pas le code (rapport de bug, documentation, tutoriels, tests, planification d’événements, graphismes).

Niveau 2 : contributions significatives

L’étape suivante consiste à savoir quoi faire de ces nouvelles recrues motivées. Si elles sont arrivées là en dépit d’une culture technologique malsaine, il y a de grandes chances pour qu’elles soient persévérantes, intelligentes, et à la recherche d’un défi. Si vous n’avez pas de vastes projets significatifs auxquels elles pourraient contribuer, elles s’en iront vers des cieux plus brillants.

Dans une communauté accueillante de niveau 2, on trouve :

  • des listes de tâches réservées aux nouveaux ;
  • de gros projets indépendants ;
  • des mentors accueillants et disponibles ;
  • des programmes pour payer les nouveaux venus (des stages, un summer of code, etc.) ;
  • des contributeurs chaleureusement remerciés, avec la reconnaissance explicite de ce qui a été réussi et de ce qui pourrait être amélioré ;
  • un canal de communication informelle pour trouver des idées avec les nouveaux (irc, liste de diffusion… n’importe quoi tant que ça fonctionne) ;
  • un code de conduite qui encourage les développeurs à être animés de bonnes intentions.

Niveau 3 : accompagnement

L’étape suivante pour une communauté, c’est de se demander comment retenir de nouveaux participants très divers. Comment allez-vous promouvoir ces nouveaux profils originaux afin de leur permettre d’avoir un impact sur la communauté au niveau de la gouvernance ? Si vos dirigeants ont atteint leur date de péremption, si l’on voit toujours les mêmes vieilles têtes, les gens partiront dès qu’ils voudront être plus présents dans la prise de décisions. Si des personnes brillantes quittent votre communauté, vous devriez peut-être mettre au point une façon de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 3 :

  • les avis critiques sont récompensés et les questions des nouveaux sur les points flous sont encouragées ;
  • les responsables et/ou les personnes qui font la maintenance tournent selon un planning défini ;
  • les arrêts et les vacances sont encouragés, ainsi les nouveaux « mainteneurs » ont plus de chance d’acquérir de nouvelles compétences ;
  • Les membres de la communauté rédigent des tutoriels sur la revue des correctifs (patch), la gestion des diffusions, et l’aspect social du développement de logiciel ;
  • des mentors pour les nouveaux intervenants lors des conférences sont épaulés par des mentors ;
  • le code de conduite encourage à éviter le burn-out et aussi à respecter les personnes qui quittent le projet.

Niveau 4 : empathie et vigilance

Une fois que vous avez réglé le problème des départs et que des moyens sont mis en œuvre pour éviter le burn-out des développeurs, il est temps de s’attaquer au problème qu’évite la majorité des geeks : la question des relations sociales. Vos leaders ont des opinions différentes, comme cela devrait être le cas dans toutes les bonnes communautés ! Néanmoins, il faut prendre des garanties pour éviter que celui qui parle le plus fort finisse par gagner par épuisement des autres, et pour que les personnes moins connues ou minoritaires puissent être entendues.

Dans une communauté accueillante de niveau 4 :

  • les développeurs, les chasseurs de bugs et tous les autres contributeurs sont sur un pied d’égalité ;
  • on effectue des mises au point sur des questions non techniques, telles que des discussions sur des problèmes culturels ou politiques avec un suivi clair de la part des responsables ;
  • la documentation est en constante amélioration ;
  • les dirigeants montrent leur capacité à reconnaître leurs erreurs et à modifier leur comportement face aux critiques ;
  • les community managers font des rappels au code de conduite quand c’est nécessaire ;
  • le code de conduite insiste sur la nécessité d’écouter les différents points de vue ;

Niveau 5 : diversité

Une fois que vous avez mené tous ces changements culturels, vous pouvez chercher activement encore plus de personnes originales et avoir l’espoir de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 5 :

  • le comité décisionnaire (quel que soit son nom) comprend au moins 30 % de nouveaux, et il y a une rotation des habitués ;
  • la recherche de nouveaux leaders se fait en dehors des réseaux et des têtes connues ;
  • la communauté participe à des programmes promouvant la diversité ;
  • la diversité n’est pas seulement une action de relations publiques, les développeurs cherchent réellement de nouvelles perspectives et s’efforcent de reconnaître leurs propres privilèges ;
  • lors des conférences, le genre de l’intervenant ne doit pas être un problème ;
  • lors des conférences, on peut s’occuper des enfants, savoir si les plats sont végétariens ou pas, et lire un règlement intérieur clair ;
  • la politique concernant l’alcool encourage les participants à prendre du bon temps plutôt qu’à se saouler ;
  • le code de conduite protège explicitement la diversité parmi les développeurs et présente l’éventail de leurs droits ;
  • le comité chargé de faire s’appliquer le code de conduite inclut des représentants de la diversité issus de la communauté.

Ce qui m’agace le plus c’est quand une communauté saute des étapes. « Hé, nous avons un code de conduite et on accueille les enfants mais les harceleurs notoires sont invités à nos conférences ! », « Nous voulons participer à un programme pour la diversité, mais nous n’avons aucun mentor ni aucune idée de ce qu’un contributeur pourrait faire sur le long terme ! ».

— Eh bien, faites d’abord votre révolution culturelle, s’il vous plaît !

Sarah-Sharp
Photo Sarah Sharp  © pcofficina.org licence CC BY-NC-ND

—-

* DISCON (DEFCON Insult Scale for DIScussion – Échelle d’insulte DEFCON pour les discussions) est une échelle fictive qui s’inspire de DEFCON (le niveau d’alerte militaire des forces armées des États-Unis).




Libre@Toi, une webradio libre et bien davantage

Dans le milieu associatif et libriste, Libre@Toi commence à se faire un nom. Bien que sa visibilité publique soit encore récente, ce jeune projet est prometteur et représente l’aboutissement de l’activité opiniâtre d’une petite équipe qui met son énergie à concrétiser ses idéaux, depuis plus d’un an.

On peut déjà par exemple revoir des émissions comme l’atelier de Genma sur le chiffrement, parcourir la série des Liberté, égalité, surveillés d’Olivier…

Vous vous en doutez, lecteurs du Framablog, une association qui veut porter les valeurs du logiciel libre sur d’autres domaines de la société, ça nous parle… C’est pourquoi, à l’occasion d’un évènement prochain qui inaugurera ses activités, nous avons proposé à ses membres une petite centaine de questions. Ils ont tenu à répondre à plusieurs voix, et c’est tant mieux.

0.1 C’est quoi Libre@toi ? Faut mettre un astérisque au bout peut-être ?

Olicat : Libre@Toi*, c’est une plate-forme d’échanges, de partages et de pratiques. C’est un éventail étendu de possibles à s’approprier et à redistribuer. C’est aussi une invitation, d’où l’ *. Libre@Toi*
– *de créer,

– *d’inventer,

– *de t’informer,

– *de démonter,

– *de ne rien faire…

En gros, le principe est de fournir un cadre expérimental et pratique qui permettrait à quiconque de reprendre le contrôle des outils, concepts et techniques. Ce qu’on vise, c’est que chacun dispose des éléments qui lui permettront de se déterminer, peu importe le sujet. Se déterminer, c’est à dire faire un choix, adopter un positionnement politique. Or, ce qu’on observe, c’est qu’aujourd’hui la plupart des choix sont opérés par défaut, en déni des alternatives et possibles disponibles. Nous voulons être l’écho de ces possibles.

Pour arriver à ça, on a imaginé une plate-forme transmédia, un outil, qui distribue un contenu différent et adapté au support utilisé, chacun se répondant de façon cohérente et permettant de prolonger l’expérience et inscrire dans la durée les informations et ou compétences transmises.

Ainsi, une émission de radio abordant un thème particulier sera « éditorialisé » sur le site web et pourra donner lieu à une conférence, ou encore un atelier. Les travaux réalisés en atelier pourront eux aussi alimenter un wiki tandis que la conférence, filmée, alimentera les contenus multimédias du site.

J'ai fini par trouver la sortie du labyrinthe, l'équipe de Libratoi m'a aidé.
goofyPetitJ’ai fini par trouver la sortie de ce labyrinthe, l’équipe de Libr@Toi* m’a aidé.

4.21 C’est qui le chef ? Vous seriez pas un peu anarchistes quand vous parlez d’« horizontalité » plutôt que de « verticalité » ?
Clara : on est tous directeurs, comme ça y a pas de soucis hiérarchiques, chacun est responsable de lui-même, c’est déjà beaucoup.

Alexandre : les décisions sont prises en groupe. En fait, selon les sujets abordés, un chef naturel se dégage le temps du traitement du dossier. Chacun ses compétences, pas de lutte de pouvoir.

OliCat : la direction de l’association est collégiale, le système induit est donc l’autogestion. Comme le dit Alexandre, et compte tenu des compétences spécifiques de chacun, une personnalité prend assez naturellement le lead sur les autres en fonction des sujets. En revanche, les angles de traitement sont toujours déterminés de façon collégiale, peu importe le support qui sera envisagé (radio / web / conférence). Après, j’ai rien contre le fait d’être taxé « d’anarchistes ».

libratoi_changer-le-monde

5. Vous venez d’horizons assez différents, qu’est-ce qui vous motive pour avancer ensemble ?

Clara : tout à fait modestement, l’idée de changer le monde

Alexandre : tout comme Clara…et montrer à ceux qui se sentent isolés dans leurs valeurs que d’autres pensent comme eux et sont prêts à agir!

OliCat : Changer le monde est en effet le résultat visé. 🙂 Mais au fond, ce que nous croyons, c’est surtout que le monde a déjà changé, mais que les dynamiques qui lui permettraient d’émerger sont écrasées par les structures dominantes (idéologiques, intellectuelles, religieuses, politiques…) déjà obsolètes, mais qui s’accrochent…

7. C’est quoi votre « tiers-lieu », c’est où ça ? (à Paris, je parie)

Alexandre : à Paris, effectivement, mais nous avons pour ambition de nous déplacer dans toute la France… Les locaux sont à Paris mais l’avantage du web par rapport à la FM c’est que nous sommes audibles partout !

En fait, pour être précis, ce qu’on désigne par le tiers-lieu au fond, c’est la plate-forme elle même qui intègre le lieu, la radio, le site web (les sites en fait).

42. Qu’est-ce que c’est,  un lieu « libre et open source  » ? Un endroit pour boire des bières ?

Clara : on n’allait pas avoir un lieu privé et sous licence (IV) quand même ! vive la bière libre !

Alexandre : open-source de bière, littéralement, ça fait rêver !

OliCat : on parle de Libre et d’OpenSource parce qu’on a tous fait une école de commerce, et il paraît que c’est porteur…
Plus sérieusement, libre et open source parce que chacun des deux concepts exprime exactement la vision du monde que nous avons et que nous souhaitons promouvoir. C’est aussi pour que toutes les idées et compétences se croisent. Mais attention hein ! Après, c’est libre@toi d’adhérer ou pas. Notre credo, c’est que peu importent les choix, ils doivent être opérés en conscience de ce qui existe par ailleurs. Et enfin, oui ! J’espère qu’on y boira plein de bières.

42bis. Que représentent pour vous les valeurs du Libre ? Vous pensez qu’elles peuvent investir d’autres champs que celui du logiciel ?

OliCat : Oui, nous pensons vraiment que l’intérêt que certains portent par exemple aux problématiques environnementales procède des mêmes ressorts idéologiques que l’utilisateur de logiciels libres. Et là encore, pour nous, il s’agit de politique. Les valeurs du libre sont pour nous, le ciment du monde à construire.

Clara : ben oui, la conso par exemple, alimentaire ou autre :  savoir exactement ce que tu consommes, savoir  que ça va pas t’empoisonner, que ça a pas été fabriqué par des esclaves à l’autre bout de la planète ou que ta carte de fidélité à Supermarkettruc va pas servir à t’envoyer des pubs-à-la-con à ton insu, par exemple… La santé, aussi : on dit qu’on te soigne ou qu’on prévient tes maladies, mais qu’est-ce qui te garantit que t’es pas un produit du marché par la même occasion ? Aujourd’hui, on te brandit le spectre de l’épidémie pour te forcer la main sur les vaccins, celui de la chimio pour le cancer, ou des antilipidiques pour ton cholestérol,  en te disant que t’es un mauvais citoyen si tu te rebelles ! Tu fais surtout partie de marchés captifs qui génèrent le plus de thunes à la big pharma… L’environnement aussi : quelle est ta capacité réelle à choisir  l’air que tu respires, l’eau que tu bois, la terre sur laquelle tu veux faire pousser tes légumes, l’électricité qui fait tourner ton ordi, le carburant que tu mets dans ton réservoir de voiture ?

12. Oui hein soi-disant vous voulez libérer des tas de trucs et puis si on regarde bien dans vos projets, vous voulez faire des *ateliers* ! Bravo la mentalité du XIXe siècle, vous voulez nous faire travailler en fait ?

Alexandre : ouaip!

Clara : façon de lutter contre la société de consommation, la reine du prêt-à-penser massmédiatique avec ses guide-lists où on te donne point par point ce qu’il faut faire ou ne pas faire..et pis, l’union fait la force…et pis , on n’est pas des gourous…

OliCat : oui, c’est vrai qu’on est super réac sur le coup. Pas très tendance 2015 où les choses se gobent. Même la ministre de l’Éducation Nationale veut « offrir l’excellence à tous ». Pour Libre@Toi*, en effet, acquérir de l’autonomie, surtout dans le contexte actuel, ça implique des efforts. Et nous sommes convaincus que la promesse d’acquisition de plus de contrôle et d’autonomie est un moteur suffisant pour intégrer l’effort comme une nécessité finalement attrayante.

Par exemple, nous allons proposer un atelier « brique internet » avec nos amis de Franciliens.Net (fournisseur associatif d’accès à l’Internet), un bon moyen d’appréhender plein de notions (un peu de réseau, qu’est-ce qu’un VPN, que signifie s’autohéberger, etc.) qui elles-mêmes pourront se décliner en ateliers dédiés. Coté électronique fun, après sondage, il semble que ça amuserait pas mal de monde de fabriquer la télécommande conçue par Mitch Altman, celle qui coûte 10$ de matériel et permet d’éteindre toutes les TV. On aura également des initiations à Linux et aux logiciels libres, à la cryptographie. Il y aura différentes formes d’atelier. Des courts, et d’autres qui permettront de conduire la réalisation d’un projet sur deux ou trois séances. Sur les autres thématiques que celles informatiques et numériques que nous aborderons, nous avons quelques idées que nous devons formaliser en lien avec nos partenaires et intervenants.

33. Que pensez-vous apporter de plus par rapport à d’autres lieux associatifs parisiens ? Vous allez organiser des conférences, vous trouvez qu’il n’y en a pas assez déjà ?

Alexandre : nous allons organiser des conférences, mais à taille humaine, avec beaucoup d’interactivité. Notre plus est la diffusion de ces conférences sur la Voix du L@T. Et puis nous frayons depuis assez longtemps dans le secteur pour promettre à tous de beaux rendez-vous.

OliCat : précisément, Libre@Toi* est né du constat que les initiatives, certaines pertinentes, d’autres moins, existent et adressent toutes les problématiques et thèmes qui nous portent. Seulement, le système que toutes ces structures constituent est atomisé, presque exclusif. Les geeks parlent aux geeks, les pros environnement ou écolos s’adressent aux écolos. Chacun ses codes, ses lieux et souvent une communication clivante. Ce que nous souhaitons, c’est unir au maximum ces énergies très positives en faisant qu’au L@T* (le lieu physique), madame Michu (la fameuse) Mme Dupuis-Morizeau qui bouffe bio rencontre Goffi qui développe SaT, un système de communication Libre et décentralisé. Les luttes — c’est de cela qu’il s’agit dans les deux cas – n’ont pas convergé, c’est le défi de Libre@Toi* d’y parvenir.

6. oh les Libre@toi, je vois le nombre de domaines que vous voulez aborder pour changer le monde : « informatique libre, cyberculture, nouvelles technologies, écologie, arts nouveaux, alter-consommation, initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire… », vous avez un planning, une toudouliste ? Quelles sont les priorités ? Parce que la libération du monde c’est pas pour demain matin…

OliCat : Si en fait, c’est pour demain. Le lancement de la plate-forme Libre@Toi*

Clara : si déjà chacun prend conscience de sa capacité à choisir, ou plutôt de ce que ses choix impliquent pour le monde, il se libère déjà lui-même, non?

Alexandre : le truc génial dans le libre c’est que tous les sujets se rejoignent à un moment donné… parce que le but est le même ! Et ce qui est encore mieux c’est que chacun d’entre nous est familier avec un ou plusieurs de ces secteurs.

10. Est-ce qu’il faut adhérer à votre association pour participer aux événements/actions/conférences/ateliers ?

Alexandre : Il y aura bien sûr une adhésion proposée avec différents niveaux d’implication et d’évènements proposés. Mais ce serait contraire à nos valeurs de réserver nos différentes activités aux seuls membres !

libratoi_webradio

13. Pourquoi commencer par une webradio, vous voulez retrouver l’esprit des radios libres ? C’est pas un peu has been ?

Clara : d’abord c’est sur une radio libre qu’on s’est rencontrés, c’était même une radio pirate à ses tout débuts (avant qu’on naisse ou presque, hein), et on a l’esprit d’équipe. Ensuite, la radio, tu peux l’écouter en faisant autre chose en même temps, c’est quand même un avantage certain pour un cerveau soumis de plus en plus à des contraintes multitâches.

Alexandre : Radio Libre ça n’existe pas, en fait il y a toujours une direction d’antenne, quelle que soit sa forme. Pour répondre, la radio est notre porte-voix, le moyen de faire connaître à tous et mettre en avant les sujets que nous défendons, que nous débattons… Et puis cela permet de sortir d’une localisation parisienne pour parler aussi bien aux Parisiens, qu’aux Marseillais, Nantais, etc.

OliCat : oui, tout ça. Et puis c’est vrai qu’on aime bien causer dans le micro. Sinon, comme le disait en clôture des assises de la radio en novembre 2013, on pense que  « La radio est un outil démocratique majeur et indispensable à notre société. La mission d’informer sur les grandes fractures et évolutions du monde, exige toujours de l’engagement et souvent du courage. » (discours de clôture des Assises de la radio, organisées le 25 novembre 2013)

99. Qui c’est qui va causer, dans la webradio ? Vous cherchez des zanimateurs ?

Alexandre : l’équipe de départ est déjà formée, et nous en sommes très fiers. Nous sommes des amis et nous nous connaissons depuis longtemps, nous avons beaucoup de points communs et beaucoup de différences ! La base est solide pour commencer, c’est très important, et la communication est très active entre nous. Au fur et à mesure nous ferons venir effectivement de nouveaux animateurs pour proposer l’antenne la plus riche possible.

OliCat : bien sûr, la grille accueillera à terme de nouveaux animateurs. Nous discutons actuellement avec des membres de certaines structures qui partagent nos valeurs et qui souhaitent contribuer aux programmes de Libre@Toi. Je ne les citerai pas pour le moment mais j’espère des annonces prochaines.

105.5 Vous allez diffuser la radio sur le web dans un format accessible et téléchargeable ? il faudra un lecteur particulier ou bien le navigateur suffira ? Ce sera des podcasts, du streaming ? du direct ? Et on pourra l’écouter sur un smartphone ? (une appli est prévue ?)

OliCat : bien sûr, écouter la webradio ne nécessitera rien de particulier côté client. Le site web intègre un player et l’ensemble est responsive. Peu importe le smartphone, l’écoute des programmes est possible pour tous sans avoir à installer quoique se soit. Par ailleurs, il est également possible de sélectionner son flux (ogg / mp3) et d’utiliser son player favori. VLC pour n’en citer qu’un 🙂

Nous prévoyons le développement d’une application Libre@Toi dans le futur mais qui ne se résumera pas à un player radio. Quand nous en serons à cette étape, cela signifiera que nous aurons acquis une légitimité et une audience suffisante. Nous avons hâte d’y être 🙂

87.5 Avec quels outils techniques vous faites fonctionner la radio ? Vous avez tout  monté vous-mêmes ? Vous avez un hébergeur qui va pouvoir servir vos 512 000 auditeurs ?

OliCat : Le cœur de la radio, c’est Airtime, une plate-forme open source qui permet de diffuser la radio en streaming en source directe ou planifiée. Il repose sur les librairies liquidsoap, le serveur de diffusion est icecast.

Concernant le site lui-même, nous avons opté pour Newscoop, un CMS open source qui provient du même éditeur, Sourcefabric. Newscoop est un très beau produit qui s’adresse tout particulièrement aux rédactions avec une structure et une gestion des contenus qui cadrent exactement avec notre volonté de mixer sons / images /vidéos et texte pour décliner les thèmes abordés.

L’améliorer et le modifier est de mon point de vue à la portée de n’importe quel développeur ou intégrateur web. Pour moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, c’est un peu plus compliqué 🙂 En revanche l’intégration d’Airtime (player, planning dynamique, etc) est super simple.

Concernant l’hébergement, il est assuré par la société D4 dont William, l’un des fondateurs de Libre@Toi est le co-fondateur. Nous sommes ambitieux mais pas non plus (trop) mégalos. En fonction des premières statistiques d’écoute et de leur progression, nous ferons le nécessaire pour satisfaire les besoins en bande passante. D’autant que l’enrichissement de notre grille va être progressif, septembre sera pour nous un premier palier. Nous visons une grille complète d’ici la fin de l’année. C’est ensemble que le 02 avril 2015 nous avons signé et transmis nos statuts en préfecture, cette projection nous semble cohérente..

Et pour finir, oui, nous avons tout monté tout seuls !

8. Vous pensez pérenniser l’activité au point d’en faire une SCOP ou SCIC — comment comptez-vous financer le projet à moyen et long terme ?

OliCat : Le souhait de pérenniser l’activité est inscrit dans les statuts de l’association que nous publierons dans la version à venir du site. Le but, en effet, est d’être les propres incubateurs du modèle qui nous permettra, demain, de contribuer aux financements de projets libres (logiciel, hardware, sociaux…), salarier des gens, etc.  l’association a été créée pour cela. Au final, nous construirons peut-être une coopérative d’activités. Honnêtement, on ne sait pas quelle forme ça prendra. Le modèle économique, pour l’instant, est de croiser les sources de financements possibles des structures associatives, avec des propositions de services, qui eux seront payants. Plus tard, nous souhaitons que Libre@Toi puisse offrir un espace dédié à l’accueil de conférences organisées par d’autres associations issues du monde du libre et des alters.

11. Il est où, le crowdfunding ? Z’avez pas fait un crowdfunding ?

OliCat : En fait, on a fait le pari assez con de solliciter de la part de ceux qui rencontreraient le projet décrit sur libratoi.org, une adhésion #oupas à ce qu’on racontait, avec un objectif de démarrage de 3000€. Passer par une plate-forme de crowdfunding a été une option vite évacuée. Le côté ultra codifié du machin nous a saoulé. Et surtout, on avait rien à donner en contrepartie sinon la promesse de démarrer le projet libre@toi.

Eh bien l’histoire nous a donné raison, le délai ultra court de 3 semaines nous a effectivement permis de réunir la somme de 3000€ et même plus, le site web n’incrémentant que les dons paypal. Nous allons publier les comptes à l’issue de cette période de souscription et détailler chacun des postes de dépense. Cette expérience a été géniale et encourageante, nous avons eu des soutiens très hétérogènes, à l’image de ce qu’on veut faire de Libre@Toi.

12. Aux dernières nouvelles, vous avez trouvé des locaux pour diffuser la Voix du L@t, et héberger les évènements divers, mais aussi des actions à mener avec d’autres associations ?

Oui ! L’association va s’installer au cœur du projet « Les Grands Voisins » porté par l’association Aurore qui a signé avec l’APHP et la mairie de Paris, une convention d’occupation des 3,5ha, soit 60000m2 de locaux laissés vacants suite à la fermeture de l’Hôpital Saint-Vincent de Paul dans le 14ème arrondissement.

Nous allons donc disposer de 35m2 pour accueillir notre salle de rédaction ainsi que notre studio de radio. Par ailleurs, en vue de l’organisation des événements Libre@Toi* (ateliers, formations, tables rondes et autres conférences) nous utiliserons des espaces mutualisés gérés par l’association YesWeCamp qui est en charge de l’animation du lieu.

L’idée derrière cette organisation consiste en ce que les événements ne soient pas privatisés au seul bénéfice des associations ou collectifs organisateurs présents sur le site, mais qu’ils contribuent à la dynamique d’ensemble du lieu qui se veut participatif et ouvert sur la ville.

Nous avons aussi engagé les démarches pour qu’une branche de Libre@Toi* soit certifiée organisme de formation. Une envie que nous avions qui se justifie désormais avec notre arrivé sur ce site puisque qu’en coordination avec Aurore, nous allons organiser des ateliers d’insertions, notamment par la radio. À savoir, Aurore gère sur place un centre d’hébergement de 600 places.

Parmi les autres projets que nous mènerons en parallèle du développement de La Voix du L@T et nos différentes activités, il y a la mise en place d’une radio interne au lieu. De la mise en place technique à la formation des personnels d’Aurore et d’autres intervenants, l’objectif est de les rendre autonomes sur la gestion de ce média.

Enfin, concernant notre installation, nous avons imaginé un dispositif de co-construction participatif de notre mobilier à base de matériel de récupération et de déchets qui grâce à l’impulsion de Zone-Ah sera porté par l’association UpCycly. Nous souhaitons conclure par une grosse fête d’inauguration qui mixera tables rondes, happenings, mini-concerts, etc.

1515. Et c’est pour quand ce grand lancement ?

L’inauguration aura lieu autour du 15 octobre. Pour en savoir plus le moment venu, stay tuned, comme on dit à la radio : restez à l’écoute de La Voix du L@T !

Nous à Framasoft, nous sommes très heureux quand des initiatives comme la vôtre se concrétisent et se développent en synergie (novlang alert!) avec d’autres courants libristes. Un plein succès à Libr@Toi et ses nombreux projets !




Mon courrier sécurisé ? — C’est dans la boîte !

Ne plus dépendre de Gmail, Yahoo ou Outlook.com, ne plus avoir toutes ses conversations stockées et centralisées sur les serveurs des géants du web étasunien… C’est un peu le Graal des Dupuis-Morizeau.

Mais comment faire, lorsqu’on a peu de connaissances en informatique, pour avoir une boite email vraiment indépendante et pouvoir chiffrer ses échanges ?

Les barbu-e-s du logiciel libre le savent, la solution la plus sensée réside dans l’auto-hébergement, et c’est souvent complexe à mettre en place.

Mais des solutions innovantes, à base de logiciel et de matériel libre, naissent pour aider notre famille témoin à reprendre le contrôle de leurs emails sans se fouler le clavier.

Aujourd’hui, nous interrogeons Pierre Parent, co fondateur de Own-Mailbox : un petit boîtier qui pourrait bien être une solution simple, respectueuse et efficace pour tous les Dupuis-Morizeau qui nous entourent.

Découvrez la Own-Mailbox en cliquant sur l'image
Découvrez la Own-Mailbox en cliquant sur l’image

Salut, tu peux expliquer d’où vient le projet, tout ça ? Les membres sont, cocorico, français ?

Salut,

Donc tout d’abord, je me présente : Pierre Parent, cofondateur de Own-Mailbox.

Le projet a pour origine tout d’abord mon engagement et mon attachement au logiciel libre et à la vie privée sur Internet.
J’ai découvert les logiciels libres en 2007 grâce à un professeur de l’Insa de Rouen où j’ai fait mes études.

Le projet a aussi pour origine ma volonté de me libérer du travail subordonné et donc salarié. J’ai cette pulsion de liberté qui me pousse à rêver de pouvoir travailler librement sur des choses que je juge moi-même bonnes pour le monde et pour les autres ; ou à défaut, a minima obéir à des décisions collectives et démocratiques auxquelles j’aurai moi-même pris part.

Dès lors, de nombreuses idées de produit pouvant permettre le lancement d’une création d’entreprise me sont venues.
Own-Mailbox a été la plus consistante. J’ai donc continué dans cette cette voie pour améliorer l’idée et aller plus loin.

Romain Kornig, un ami de l’Insa de Rouen, a tout de suite été très enthousiaste quand je lui ai parlé de l’idée de Own-Mailbox,

Un peu plus tard quand le projet a commencé à prendre forme et que j’ai senti que cela pouvait déboucher sur quelque chose de sérieux, je me suis rendu compte que je ne pouvais faire ce projet tout seul. J’ai proposé à Romain de me rejoindre, et il a tout de suite dit oui !

Nous avons fondé tous les deux la boite (sans jeux de mots !) à Rennes.

Own-Mailbox, c’est un boîtier qu’on met entre Internet et sa machine ?

Non. Own-Mailbox, c’est un tout petit serveur mail que l’on branche chez soi, qui se configure automatiquement, et qui devient alors accessible depuis partout dans le monde. On peut alors y accéder via un webmail (HTTPS) ou en IMAPS, depuis chez soi, mais aussi depuis partout dans le monde. Le serveur permet de chiffrer les emails de manière très simple, afin d’éviter d’être espionné.

Own-Mailbox remplace un peu les serveurs de Gmail, mais en tout petit, chez soi, et hors de portée de la NSA.

Et comment ça se branche, ce boîtier, il faut une prise spéciale ? Et une fois le truc branché, mon ordinateur va le reconnaître tout de suite ou bien il y a un logiciel à installer, des paramètres à régler, une authentification à opérer, etc. ?

C’est très simple. On branche un câble Ethernet entre la Own-Mailbox et sa box internet, et on la relie au secteur via le transformateur fourni. Voilà.

Aucun logiciel supplémentaire n’est nécessaire, on accède à la Own-Mailbox via un navigateur web (comme Firefox) ou un client mail (comme Thunderbird)

Ça veut dire qu’il faut se promener partout avec ?

Non, la Own-Mailbox doit rester chez vous.

Je te préviens, s’il faut que je me mette à Linux et à la ligne de commande, compte pas sur moi.

Pas du tout, c’est très simple, comme tu peux le voir notre vidéo de démonstration (en anglais) :


Vidéo « Own-Mailbox »

Par les temps qui courent, on comprend bien l’intérêt de protéger sa correspondance, mais ça ne rend pas les choses un peu compliquées ? Notre famille-test, les Dupuis-Morizeau, ils vont s’en sortir ?

Own-Mailbox est précisément conçue pour rendre le chiffrement et l’auto-hébergement accessibles à tous. Nous nous assurons qu’à aucun moment l’utilisation d’une Own-Mailbox ne demande une quelconque compétence technique.

En revanche la question serait plutôt : est-ce que notre famille-test va accorder assez d »importance à la vie privée pour investir le minimum (temps et argent) nécessaire à sa défense ? Je ne connais pas encore la réponse…

Pourquoi les gens qui s’y connaissent me cassent les pieds avec la différence entre « chiffrer » et « crypter ». Ça ne veut pas dire « rendre illisible » dans les deux cas ?

Ha ha! Il y a quelques années je disais tous le temps « encrypter » jusqu’à ce que l’on me reproche tellement, et que l’on me dise que ça n’est pas français, que j’ai commencer à dire « chiffrer ».

Explique plus doucement, je n’y comprends rien. Ces histoires de clé privée / clé publique. Je ne sais jamais si je publie la bonne… Et si je l’efface par mégarde, ma clé, je ne pourrai plus lire mes vieux mails ?

Bon à mon avis il faut publier la clef… publique ! Après je ne suis pas sûr sûr… 😉

Plus sérieusement Own-Mailbox publiera pour toi la clef publique donc pas besoin de t’embêter avec ça !

Avec Own-Mailbox tu ne pourras pas effacer ta clef par erreur, à moins d’avoir les compétences techniques nécessaires (console linux, ssh, etc.)

Si ça n’est pas le cas, ou si tu ne bidouilles pas ta Own-Mailbox, tu n’as rien a craindre ! 😉

C’est vraiment sûr et garanti, le chiffrage ? Nan, passque quitte à se faire suer, autant que ça marche, hein… La NSA, elle peut peut-être lire quand même ? On peut le pirater, ce boîtier ?

Le chiffrement de Own-Mailbox se base sur des logiciels libres reconnus, testés et éprouvés depuis des années (la technologie GPG).

Eux-mêmes reposent sur des algorithmes mathématiques qui rendent le déchiffrement par des tiers tellement coûteux en temps de calcul qu’il paraît impossible.

Edward Snowden a fait confiance à ces logiciels à des moments où sa vie était en jeu.

Après, un bug est toujours possible, mais le code des logiciels de chiffrement étant ouvert il est constamment relu par de nombreuses personnes ce qui réduit le risque de bug, et le cas échéant réduit le délai avant qu’il ne soit corrigé.

Soutenez Own-Mailbox et précommandez la vôtre en cliquant sur l'image
Soutenez Own-Mailbox et précommandez la vôtre en cliquant sur l’image

Il va falloir que je retienne un mot de passe de vingt caractères, avec des chiffres et des caractères spéciaux ? Pfou !

Non, avec la Own-Mailbox un mot de passe de 10 caractères est sûr.

Des mesures sont prises de manière à ce que l’interface de connexion ne puisse être piratée avec un mot de passe de 10 caractères

(Empêcher le brute force, voir notre FAQ).

Comment dialoguer avec un-e correspondant-e qui ne chiffre pas ses mails ? Comment ille fait pour lire ce que je lui écris ?

Alors soit ce que tu veux lui envoyer n’est pas confidentiel, et tu as toujours la possibilité de le lui envoyer en clair.
Soit tu veux lui envoyer un message confidentiel, eh bien nous avons conçu un système basé sur un lien HTTPS, en le cliquant la personne destinataire du message pourra le visualiser ton message sans risque d’être espionnée.

Une dernière solution est aussi de la convaincre de commencer à chiffrer ses emails et/ou utiliser une Own-Mailbox !

Et si j’écris à quelqu’un-e qui utilise une boite mail fournie par Google ou Microsoft, ça sert à quelque chose de chiffrer ?

Oui, le principe du chiffrement est justement que les intermédiaires (Google ou Microsoft), ne peuvent pas déchiffrer le contenu, seul le destinataire le peut.

Je vois dans la partie « Fonctionnalités » du site web l’annonce suivante : « Integrated Framasoft services, to provide you with private large file sharing, event scheduling, shared spreadsheet and documents. », ça veut dire quoi ?

Cela veut dire que l’on planifie d’ajouter de manière pré-installé sur notre boîtier, une partie des services proposées par Framasoft pour « dégoogliser » Internet( http://degooglisons-internet.org/liste/ ) afin de fournir des services connexes aux mails tel que le partage de gros fichier, les tableurs partagés, l’organisation de réunions, le tout de manière totalement confidentielle.

Vous aussi, vous vous lancez dans le crowdfunding ? Forcément, on vous imagine mal demander des subventions au Ministère de l’Intérieur. 🙂

Pour que Own-Mailbox puisse être utilisable par tous il faut qu’elle soit « All-In-The-Box » et « Plug-And-Play ». Cela implique que nous
produisions des boîtiers physiques pré-configurées.

Nous ne pouvons évidement pas financer de notre poche les premières séries de production, et les banques et autres investisseurs traditionnels ont du mal à se projeter dans ce type de projet un peu hors-système.

Le crowdfunding paraît donc la solution optimale pour ce type de projet, et vous retrouverez notre campagne ici, sur kickstarter.

N’hésitez pas à participer, la campagne ne dure que jusqu’au 5 Octobre 2015.

L’étape d’après, c’est quoi ?

Alors tout d’abord l’étape la plus importante, c’est de livrer les Own-Mailbox aux contributeurs sur Kickstarter, puis aux clients qui suivront !

Lorsque la Own-Mailbox sera bien lancée nous allons sortir une version PME de Own-Mailbox. Car l’espionnage industriel implique de grosses pertes pour les entreprises française comme l’a révélé Wikileaks il y a quelques mois (à hauteur de 200 millions par an).

Par la suite nous avons beaucoup d’autres projets de produits dans les cartons, mais pour l’instant nous gardons cela pour nous !

Pour soutenir ce projet et avoir votre Own-Mailbox avant tout le monde, allez sur leur page Kickstarter.




Ne plus supporter la pub sur le Web

C’est un débat déjà ancien et qu’on croyait devenu de basse intensité, mais qui prend ces derniers temps une acuité nouvelle : la publicité sur le Web, toujours plus intrusive, toujours plus vorace, toujours plus dévoreuse de notre confidentialité, est-elle une sorte de mal nécessaire ou une pure nuisance à éradiquer ?

La publicité est le plus souvent justifiée par son pouvoir économique. Publier sur le Web n’est pas gratuit, que ce soit pour les médias d’envergure, les associations ou les particuliers. La tentation est donc grande de disposer sur les pages web avec une discrétion variable des bandeaux publicitaires, des annonces adsense, des calamités visuelles de toutes sortes… car l’inventivité des agences de pub est illimitée.

Rien d’étonnant que de nombreux internautes installent systématiquement un bloqueur de pub, en une course elle aussi perpétuelle pour remplacer Adblock Plus par Adblock Edge puis par uBlock puis par uBlock origin (et puis je vous mets une pincée de Ghostery ?) et puis… mesures et contre-mesures se succèdent dans un paysage visuel qui ressemble à un champ de bataille : des sites demandent gentiment — ou intiment l’ordre — de désactiver les bloqueurs, tandis que le petit peuple du Libre échange frénétiquement les adresses des adbloqueurs les plus efficaces.

Faut-il se résigner à cette guerre fastidieuse et accepter qu’une part au moins du web, puisse dépendre de la publicité comme le suggère Tristan Nitot dans un article récent ? Ou bien faut-il faire table rase de tout argument en faveur de la publicité sur le web,  comme Clochix dans le « coup de gueule » qu’il publie sur son blog en réponse à Tristan ?

C’est la diatribe de Clochix que nous reproduisons ici, non pour attiser une polémique (car les contradicteurs se connaissent bien et s’apprécient) mais pour permettre un échange dans nos colonnes et en commentaires.

Deux précisions importantes :

  • Clochix après le petit buzz qu’il a créé reconnaît volontiers que son article n’est pas complet, en particulier parce qu’il n’a a pas pris le temps d’aborder les modes de monétisation alternatifs. S’il désire ajouter des éléments, nos colonnes lui seront ouvertes. [MISE À JOUR] Nous avons à peine le temps de publier que déjà Clochix vient de compléter avec un nouvel article : Comment se protéger, comment participer.
  • Tristan quant à lui a reconnu qu’il aurait dû préciser que sa défense (relative) de la publicité concernait essentiellement les grands sites de médias, la presse en ligne. Il va sans dire que ses commentaires et réactions sont bienvenus ici ou naturellement sur son blog.

— mais c’est surtout vous lecteurs du Framablog dont nous attendons que vous participiez à ce débat : bloquez-vous tout ou partie des publicités, pourquoi ? Avez-vous recours au financement par la publicité de votre présence sur le Web ? Avez-vous trouvé des modes de financement alternatifs qui vous permettent de vous dégoogliser ?

Nous vous rappelons que le Framablog ainsi que tous le services de Framasoft vous sont proposés débarrassés de toute pollution publicitaire, grâce aux donateurs qui sont l’unique ressource de l’association. Merci de votre soutien !

 

Faut-il bloquer les publicités ?

par Clochix

clochix_himselfJ’ai été si outré par quelques phrases portées à ma connaissance cette semaine que je reprends le clavier le temps d’un rapide coup de gueule. Dans le 28e chapitre de son prochain livre, qu’il prépublie sur son carnet, Tristan conseille de ne pas bloquer la réclame dans son navigateur. Une fois n’est pas coutume, je ne peux pas être moins d’accord avec lui, surtout au vu de ses arguments.

J’encourage pour ma part tou·te·s les internautes à bloquer par tous les moyens les publicités qui envahissent certains sites. Quelques raisons en vrac de refuser la réclame sur le Web :

  • la publicité est bien plus efficace si elle est ciblée. De ce fait, nombre de régies publicitaires ne se contentent pas d’afficher des bandeaux colorés, mais tracent toutes vos habitudes, afin de cerner votre profil et d’augmenter la probabilité que vous cliquiez sur leurs affiches. Par exemple en vous bombardant de réclames pour des régimes si elles détectent que vous complexez sur votre poids. Les publicités espionnent ce que vous faites, vous traquent de site en site. Pour préserver votre intimité, bloquez les publicités !
  • grâce à ces profils, les publicités créent des envies, déclenchent des actes (des achats par exemple) que vous n’aviez pas décidés consciemment. C’est une forme de manipulation, de viol de votre libre-arbitre. Pour conserver votre libre-arbitre, bloquez les publicités !
  • les publicités rendent la navigation sur de nombreux sites désagréables. Leur poids ralentit considérablement le chargement, leurs couleurs criardes, voire leurs animations, distraient l’œil de sa lecture. Parfois une publicité apparue soudainement intercepte un de vos clics et vous entraîne sur un site que vous ne souhaitiez pas visiter. Lorsque votre connexion internet est de faible qualité, par exemple sur un ordiphone, la publicité rend la navigation particulièrement désagréable. Pour votre confort, bloquez la publicité !
  • le poids de publicité ralentit le chargement des pages, mais augmente aussi la quantité de données téléchargées. Si vous n’avez pas une connexion illimitée (sur mobile), vous risquez de payer pour le chargement des publicités. Et même si vous avez une connexion illimitée, ces publicités pèsent dans le trafic réseau de votre opérateur, consomment beaucoup de bande passante, qu’à un moment ou un autre il faut bien payer. Pour le bien-être de votre porte-monnaie, bloquez la publicité ! (et pour les ours polaires, car afficher les bannières Flash consomme de l’électricité, donc contribue au réchauffement de la planète) ;
  • la publicité affiche sur des sites auxquels vous faites confiance des contenus créés par des tiers qui eux ne sont pas forcément de confiance. Des ordinateurs sont régulièrement infectés par des logiciels malveillants diffusés via des publicités piégées affichés sur des sites anodins. Récemment encore, des sites de Yahoo ont diffusé à leur insu de tels logiciels malveillants. Bloquer Flash réduit considérablement la menace, mais pas totalement. Pour votre sécurité, bloquez la publicité !
  • TF1 est une entreprise qui vend à des annonceurs du temps de cerveau de ses téléspectateurs. Dans un modèle économique basé sur la publicité, vous devenez le produit dont le site fait commerce. Si un site vit essentiellement de la publicité, alors c’est que vous êtes la marchandise qu’il vend. (un célèbre évangéliste francophone utilise une métaphore porcine pour rappeler ce fait et encourager les internautes à payer les services qu’ils utilisent) Pour ne pas être une marchandise, bloquez la publicité !
  • certains médias dépendent de la publicité. Leur but est donc de maximiser le nombre de lecteurs de leurs articles. Quitte à recourir à des méthodes putassières, comme les titres sensationnalistes sans rapport avec le fond de l’article. Parfois, la rémunération des auteurs dépend du nombre de lecteurs de leurs articles. Dans certains médias, les journalistes sont donc encouragés à écrire des articles générant le plus de vues possibles. La qualité ne payant pas toujours, c’est le plus souvent un encouragement au sensationnalisme, aux approximations, à la création et monté en épingle de polémiques… À terme, tout cela décrédibilise les sites d’information et les journalistes dans leur ensemble. Un journaliste ne devrait pas être évalué sur sa capacité à faire gagner de l’argent aux annonceurs. On a vu également que certains annonceurs influent sur la ligne éditoriale des médias. Apple par exemple ne veut pas que ses publicités soient à côté d’informations tragiques. Va-t-on arrêter d’informer sur les guerres et autres catastrophes pour faire plaisir aux annonceurs ? Pour la survie du journalisme, bloquez la publicité !
  • un des gros problèmes du Web est la difficulté à rémunérer les auteurs qui le souhaitent. Il n’existe toujours pas de mécanisme simple, universel, respectueux de la vie privée, largement déployé, permettant de rémunérer l’auteur d’un article. Je suis persuadé que c’est une des plus grandes faiblesses actuelles du Web. Elle perdure notamment parce que le besoin n’est pas criant : la publicité joue ce rôle pour de nombreux sites, donc ils n’ont pas besoin d’inventer un meilleur système. Si de nombreux internautes bloquaient les réclames, le besoin d’inventer de nouveaux modèles économiques se ferait plus pressant. Et j’espère que ces modèles seraient plus vertueux. Pour encourager le Web à évoluer, bloquez la publicité !
  • je vous épargne le couplet politique rappelant que la publicité est un moyen de propagande pour un modèle de société suicidaire et encourage les discriminations en véhiculant d’innombrables clichés. Si vous avez du cœur, bloquez la publicité !

stoplapub

Je trouve par ailleurs discutables les arguments de Tristan pour encourager ses lecteurs et lectrices à ne pas remettre en question les modèles économiques fondés sur la vente de l’attention des citoyens :

« En effet, la publicité est la principale si ce n’est l’unique façon pour l’immense majorité des sites Web de se rémunérer »

Je brandis aussitôt ma pancarte pour demander les chiffres permettant d’affirmer que « l’immense majorité des sites Web » se rémunère grâce à la réclame. Wikipédia ne fait à ma connaissance pas appel à la publicité, pas plus que des millions de sites personnels, les sites vitrines qui présentent une entreprise, une association ou autre. Je ne suis pas sûr que l’existence de la majorité des sites Web dépende de la réclame. Le Web ne mourra pas si demain nous bloquons toutes et tous les réclames. Si j’ai bonne mémoire, la publicité était absente des premiers sites qui m’ont fait aimer le Web, qui m’ont fait découvrir ses potentialités pour la liberté d’expression, le débat d’idée ou le partage de connaissances. Le Web peut parfaitement se passer de la publicité.

« En bloquant la publicité (…) les sites n’auront plus les moyens de publier du contenu original et de qualité ».

Je ne suis pas du tout sûr du lien entre la publication de contenu « original et de qualité » et les sites vivant de la vente de temps de cerveau disponible. Intuitivement (oui, ça n’est pas scientifique), j’aurais plutôt l’impression que les sites tirant l’essentiel de leurs revenus de la publicité sont plutôt des fermes à contenu, qui ne publient rien d’original mais pompent des informations publiées par d’autres en les affublant de titres putassiers pour « faire du clic ».

C’est d’autant plus gênant que l’histoire prouve que la presse indépendante est une condition essentielle pour avoir une démocratie en bonne santé…

Euh, quel est le rapport entre le financement de sites Web par la publicité, une presse indépendante, et la choucroute ? Le Canard enchainé, symbole de la presse indépendante française, a publié il y a quelques jours son bilan financier 2014. Le journal est toujours en excellente santé. Or, il ne me semble pas qu’il se rémunère en infligeant des placards publicitaires à ses lecteurs. Sur le Web, l’équivalent du Canard, Mediapart, est également résolument sans publicité, et n’a pas l’air de s’en porter plus mal. Tout comme des dizaines de médias indépendants qui enquêtent et informent, Basta, CQFD, Fakir, Politis et tant d’autres. Bien sûr, de nombreux sites de diffusion d’information, comme Le Figaro, Libération ou le Monde, affichent de la publicité, et en dépendent en partie. Mais peut-on qualifier ces entreprises, propriété d’oligarques, de médias indépendants essentiels à la démocratie ? Lorsqu’un marchand d’arme ou un quelconque affairiste s’achète des médias, le fait-il afin de garantir l’existence d’un des piliers indispensables de la démocratie, ou pour défendre ses intérêts ? Le ménage en cours dans les médias du groupe Bolloré n’est que le dernier exemple de l’indépendance toute relative des organes contrôlés par des financiers. Par ailleurs, bien conscients de l’importance des médias pour la démocratie, les citoyens français consacrent une partie de leurs impôts à financer la presse. D’après Wikipédia, nous avons versé en 2012 1.2 milliards d’aides à la presse. Le Figaro de Serge Dassault a été subventionné à hauteur de 18.2 millions d’euros. Nous participons donc déjà, via ces aides, via la redevance audio-visuelle, à la survie de la presse (et à l’enrichissement d’éditocrates qui nous crachent à la gueule à longueur de temps). Est-il indispensable, pour sauver la démocratie, de s’infliger également les encarts promotionnels qui débordent de leurs sites ?

Je m’égare un peu, et ne voudrais pas y passer toute la journée, donc, pour conclure, un dernier conseil : bloquez les publicités ! Merci de votre attention.




Le Libre et les Makers s’invitent à la fête de l’Humanité 2015 (et ont besoin de vous !)

L’an passé, Framasoft participait à la Fête de L’Humanité.

Nous avions alors longuement interviewé Yann Le Pollotec (informaticien, membre du conseil national et animateur de la réflexion sur la révolution numérique au Parti Communiste Français) à qui nous avions posé de nombreuses questions, notamment sur le positionnement du Parti Communiste vis-à-vis du logiciel libre.

Cette année, l’initiative est renouvelée… mais en plus grand ! Avec un « Espace du libre, des hackers et des fablabs ».

L’occasion pour nous de demander à Yann quelles sont les nouveautés de cette année 2015.

L'espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l'Huma 2014
L’espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l’Huma 2014

Bonjour Yann, exceptionnellement, nous n’allons pas te demander de te présenter, ni de nous parler du rapport PCF/Logiciel libre, car tu nous avais déjà répondu l’été dernier. En revanche, peux-tu nous en dire plus sur cette version 2015 de l’Espace du libre ?

Cette année l’Espace du libre et des fablabs double sa superficie avec de nouveaux venus : l’association La Mouette qui présentera la dernière version de Libre office, Mozilla France, APEDEC Ecodesign Fab Lab, l’Electrolab, Marker Girls, Bionico Hand. Nous aurons un grand débat sur le « big data et digital labor » avec Yann Moulier Boutang le samedi 12 septembre à 10h30.

Un autre débat  aura lieu le vendredi 11 à 17h30 sur « les libertés et les droits sur l’Internet après les lois anti-terroristes et renseignement », avec Cécile Cukierman sénatrice, Véronique Bonnet de l’April, la Quadrature du Net et la CNIL. Enfin Nicolas Huchet avec sa prothèse de bras intelligent « open hardware » qu’il a développée, sera présent.

Un mur entier sera consacré à l’exposition pédagogique sur le logiciel libre et ses enjeux, installation conçue pour cet événement  par le collectif Tiyounim.

Garder une place pour les mouvements du Logiciel Libre, des Makers, Hackers et Fablabs à la fête de l’Huma a un sens… Quels ont été les moteurs de cette décision ?

Ce qui motive notre décision c’est que ces mouvements avec leurs contradictions, et parfois leurs difficultés à créer des écosystèmes viables, sont fascinants, et leurs acteurs jouent le rôle des accoucheurs passionnés et tourmentés du monde de demain et d’un autre rapport au travail, à la propriété et à la création.  Ils préfigurent à bien des égards une société post-capitaliste fondée sur la notion de Commun, d’une manière certes encore minoritaire, fragile mais résiliente, balbutiante mais virale.

Tout cela ne se fait pas sans contradictions, et difficultés pour créer des écosystèmes viables, avec un « capitalisme cognitif » pour reprendre l’expression de Yann Moulier Boutang qui a à la fois besoin de ces communs numériques que sont par exemple les logiciels libres mais qui, en même temps, entrave leur développement en tentant de s’accaparer le bien commun en posant de nouvelles enclosures.

C’est, une fois de plus, un gros village associatif qui sera proposés aux visiteuses et visiteurs. Quels acteurs seront présents ?

Dans l’ordre alphabétique : APEDEC Écodesign Fab Lab, April, Bionico Hand, Camille Bosqué, Carrefour numérique au carré, Electrolab, Collectif Emmabuntüs, FDN, Franciliens.net, Framasoft, Licence Creative/Creative Commons France, Marker Girls, La Mouette (Libre office), Mozilla, Open-Edge, Les Ordis libres, Parinux, Petits Débrouillards Idf, La Quadrature du Net, Ubuntu.

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Organiser une telle rencontre entre le Libre et les visiteurs et visiteuses de la fête de l’Huma, ce doit être un sacré travail… Tu peux nous expliquer à quoi ressemble tes (et vos) heures passées dessus ?

C’est d’abord un travail collectif avec tous les acteurs qui seront présents sur l’espace et qui l’auto-gèreront. C’est un travail de contacts, de communication, d’explication, de promotion, de pédagogie et de conviction. Il s’agit aussi et surtout d’organiser la coordination avec toutes les parties prenantes de la fête : architecte, programmateurs, régisseurs, services techniques, sécurité, prestataires de services et militants.

Afin de financer une partie des frais, vous avez initié une campagne de financement participatif. Pourquoi ce choix de la collecte et à quoi va servir cet argent ?

La fête de l’Huma met à disposition pour notre Espace une surface de 300m² qu’elle loue au Parc des expositions du Bourget. En échange, par le financement  participatif nous assurons la réalisation et l’impression du mur d’expo sur les logiciels libres et les flyers présentant l’Espace, les frais liés à la venue de Rennes à la fête de Bionico Hand, l’électricité, l’accès l’internet haut-débit, la location de mobiliers, les parkings pour les livraisons, et une caisse de solidarité sur les passes d’entrée à la fête de l’Huma afin de permettre la participation des bénévoles nécessaires au fonctionnement des associations parties prenantes et de couvrir une partie des frais de location de surface engagés par la fête de l’Huma. Nous avons choisi le crowdfunding car il représente pour financer un projet la possibilité d’échapper aux banques et aux contraintes de la subvention publique, en s’émancipant de décideurs publics ou privés souvent au mieux indifférents ou étrangers à ce qu’on leur présente.

Alors pour faire vivre l’espace des logiciels libres, des hackers et des fablabs à la fête de l’Humanité,  contribuer ou faites contribuer sur : https://fr.ulule.com/logiciellibre-fablab/  (clôture de la campagne le 6 septembre à minuit).

Un petit mot pour la fin ?

Nous avons la volonté de faire de cet espace co-produit part des acteurs du mouvement des logiciels libres et des fablabs, un lieu d’appropriation sociale et politique par le « faire », le ludique et le débat des enjeux cruciaux du numérique. Il s’agit, dans une démarche d’éducation populaire de faire toucher du doigt au public de la fête de l’Huma les potentialités émancipatrices comme les dangers de la Révolution numérique pour l’avenir de notre société.

Vous avez jusqu’à dimanche (6 septembre) pour soutenir et faire vivre cette initiative, en finançant et/ou partageant la collecte sur Ulule.