On <3 le logiciel libre !

Aujourd’hui, ce n’est pas un jour comme les autres. Journée de l’amour pour les uns, journée commerciale à bougonner pour les autres, elle ne laissera personne indifférent. Pourquoi ne lui donner une dimension toute différente, en en profitant pour déclarer notre amour aux logiciels libres, et aux développeurs du libre que nous torturons à longueur d’année, en bons utilisateurs exigeants et spécialistes du yakafokon que nous sommes.

C’est ce que nous propose la FSF avec sa campagne I love Free software, reconduite cette année. Il est important parfois de savoir lâcher prise pour clamer haut et fort que nous les aimons, ces logiciels libres.

Nous avons choisi pour notre part de vous proposer un fork de poèmes que vous devez tous connaître… Demain dès l’aube, de Victor Hugo et Le dormeur du Val d’Arthur Rimbaud.

 

ilovefs-banner-extralarge

Demain dès l’aube (v1.337)

Demain, dès l’aube, à l’heure des châteaux en Espagne,
Je râlerai. Vois-tu, je sais que tu m’entends.
De toi j’exigerai de coder des montagnes.
Je ne puis retenir mes commits plus longtemps.

Ce jour, je te le souhaite sans bug à obvier,
Nulle exigence en moi, nulle attente s’induit,
Seul, ton labeur, le dos courbé, mains au clavier,
Fier, voit le fruit de l’écran qui a blanchi tes nuits.

Je ne t’apporterai ni les bitcoins qui tombent,
Ni le vert des dollars qui ternit leur valeur,
Mais bientôt avec toi nous ferons la bombe
Une main sur la bière et l’autre sur le cœur.

 

Le codeur d’eval()

(v. 4.2)

Dans un réduit obscur il chante une rengaine
Enchaînant follement les semaines aux semaines,
Content quand des lignes obscures s’empilent
Et il boit du maté quand son code compile.

Un codeur jeune, Git ouvert, tête nue
Et la face baignant dans de frais rayons bleus
Dort ; il est vautré dans le PHP chenu
Pâle dans son t-shirt geek au Tux globuleux

Les mains dans le cambouis, il dort. Souriant comme
Sourirait un géant, ce n’est pourtant qu’un homme :
Le livreur de pizzas seul nourrit cet ermite.

Les crashtests, il s’en est déjà bien trop nourri ;
Il dort sur son clavier, la main sur la souris,
Tranquille. Il a deux bugfix dans son commit.

ilovefs-heart-px

Plein de datalove à vous !

Chez Framasoft, on ne code pas (ou très peu). On utilise le code développé par des personnes formidables, par des communautés de passionné-e-s, et on le propose au grand public sous forme de services libres et gratuits.

Nous tenons donc aujourd’hui à déclarer notre amour aux équipes développant Etherpad (Framapad), Ethercalc (Framacalc), studs & le fork framadate, Wisemapping et Mindmaps (FramindMap), SVG-Edit (Framavectoriel), TinyTinyRSS (Framanews), Wallabag (Framabag), Diaspora* (Framasphère)… et tant d’autres !

Et un spécial chaton d’amour aux équipes (et à la fondation Mozilla) derrière FireFox qui vous permettent  d’utiliser ces applications web depuis un navigateur Libre.




Sensibilité, fraternité, logiciel libre

Le programmeur, et tout particulièrement celui qui se reconnaît dans les valeurs du Libre comme un hacker, est souvent perçu comme l’acteur d’une contre-culture. Il existerait un monde underground où une joyeuse bande de drôles de petits bonhommes (voir ce qu’en aurait dit Paracelse, ci-dessous) s’agiteraient autour de vaines activités plus ou moins gauchistes, idéalistes, utopistes, en tout cas très éloignées des préoccupations de ce bas-monde (du monde sensible, donc). Les assassinats terroristes subis en ce début de janvier 2015 ont montré qu’au contraire les libristes sont non seulement sensibles, mais mettent aussi à l’épreuve des faits les principes de liberté, d’égalité et de fraternité auxquels ils adhèrent.

Tel est le propos, tenu en profondeur par Véronique Bonnet, philosophe, dans le texte que nous publions aujourd’hui[1].

Sensibilité, fraternité, logiciel libre

(ou en quoi une tragique actualité récente en appelle plus que jamais aux valeurs de l’informatique libre)

Une tribune libre de Véronique Bonnet.

« Cerises d’amour aux robes pareilles », tendres proies, chairs à fusil… Abattues par une détermination glacée. La chanson Le Temps des cerises fut dédiée par Jean-Baptiste Clément, en 1871, à une infirmière courageuse, Louise, fusillée pendant la semaine sanglante. « Cerises d’amour aux robes pareilles, tombant sous la feuille en gouttes de sang […] J’aimerai toujours le temps des cerises, c’est de ce temps-là que je garde au cœur une plaie ouverte… ». Clément conjugue synergie citoyenne et sympathie, fruits qui se cueillent, eux aussi, en rêvant. Ni liberté ni égalité sans fraternité.

Toutes proportions gardées, eu égard à la gravité de cette actualité récente, rappelons la centralité, dans l’éthique du logiciel libre, de cette composante fraternelle. Soit de l’appartenance commune à l’humaine condition. Ces jours difficiles ne peuvent que nous donner l’énergie de persévérer dans cette sympathie, la synergie du ressenti, qui caractérise l’idéal du Free Software.

Dans sa déclinaison de la triade de la République, « liberté, égalité, fraternité », Richard Matthew Stallman, fondateur en 1983 du projet GNU, rappelle ce ciment de la communauté des utilisateurs. La fraternité n’y est pas la cinquième roue du carrosse mais l’horizon sensible qui anime l’esprit libriste, partageux. D’aucuns disent datalove, d’autres common data, d’autres encore Commons, patrimoine inaliénable de ce que l’ingéniosité humaine a pu produire de plus beau, lignes de codes, patrimoine intellectuel et esthétique.

La fondation de Richard Stallman, la Free Software Foundation, dont la petite sœur francophone est l’April (Association francophone de promotion et défense du logiciel libre), vise à protéger l’informatique d’appropriations privatrices, et prend toutes dispositions pour laisser à l’utilisateur sa sensibilité cosmopolitique et les moyens informatiques de ses aspirations au partage. Eben Moglen, juriste décisif, concepteur de la GNU GPL, archétype des « gauche d’auteur », côté cœur, a œuvré pour la cause de l’inaliénable.

Rappelons quelques paroles de la chanson du logiciel libre, la Free Software Song, de Richard Stallman lui-même, filk musical, ou copie reconfigurée, d’une chanson bulgare, qui mettent au premier plan le voisin, le prochain :

Join us now to share the software,
and you’ll be free, hackers, you’ll be free […]
Hoarders can get piles of money,
That is true, hackers, that is true.
But they cannot help their neighbors;
That’s not good, hackers, that’s not good.

[« Rejoins-nous pour partager les logiciels, et vous serez libres, hackers, vous serez libres […] Les affairistes peuvent gagner des tas d’argent, c’est vrai, hackers, c’est vrai. Mais ils ne peuvent pas aider leurs voisins ; et c’est pas bon, hackers, c’est pas bon. »]

En ce début de XXIe siècle, les pratiques informatiques peuvent-elles faire l’économie de la fraternité ? Au nom d’un rêve d’autosuffisance, d’auto-fécondité, qui croirait pouvoir se passer de sensibilité ?

L’informatique se présente initialement comme une entreprise audacieuse de mécanisation des opérations de l’être parlant, l’humain. Cherchant à implémenter dans les scripts, les lignes de commande, des instructions mimant les rouages de l’intellect. Sans jamais rencontrer la confusion d’une incarnation. Évacuer le sensible de l’informatique, au seul profit de l’intelligible ? Abstraire, certes, aller du vécu au pensé, pour coder. Mais réintégrer la chair du monde, et de ceux qui l’habitent, pour laisser étudier le code, le copier, l’améliorer, le partager.

Philippe Breton, dans son Histoire de l’informatique[2], souligne déjà l’un des traits de l’évitement de la différence, à travers une symbolique sexuelle qu’il relie au Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, et fait remonter à Paracelse : celle de l’économie du féminin, soit, dans des conceptions anté-génétiques, la mise entre parenthèses de l’être pourvoyeur de matière. Pour laisser le champ libre au masculin, être pourvoyeur de formes. Et en faire un programmeur de code, de chaînes abstraites suffisamment complexes pour se reconfigurer elles-mêmes, comme le ferait un vivant. Il fait remonter ce rêve à Paracelse, et à sa théorie des « homoncules », soit des petits humains.

Philippe Breton écrit, p. 35 de son ouvrage : « Les homoncules de Paracelse constituent une tentative intéressante pour constituer des répliques de l’homme sans avoir recours à un utérus féminin. Ces nains monstrueux employés comme agents puissants et connaissant des choses secrètes qu’autrement les hommes ne pourraient pas savoir (conformément au thème de l’imperfection de l’homme) sont formés à partir de sperme et de sang selon l’ancienne croyance (Aristote et Pline, par exemple). Leur fabrication était liée à la théorie spermiste de la préformation qui supposait que toute l’espèce humaine était préformée dans les reins du premier homme et dans les ovaires de la première femme. Le projet de se passer des femmes comme génitrices n’est sans doute pas étranger à toutes les tentatives ultérieures de créer des « intelligences artificielles. »

Nous pourrions compléter cette piste ouverte par Philippe Breton en indiquant que lorsque Mary Shelley écrit, au bord du lac Léman, son Frankenstein, elle est inspirée par les lectures et conversations sur le galvanisme, dispositif dont on espère qu’il ravive. Usage de l’éclair dont elle va imaginer qu’il mette en vie, qu’il érige en organisme homogène des éléments hétérogènes. Ces élaborations sont perpétrées par un cercle d’intellectuels qui compte alors lord Byron. Ce dernier aura pour fille… une certaine Ada, bien connue de la communauté de programmeurs sous son nom d’épouse, Ada Lovelace, mathématicienne, considérée comme la première programmeuse, pour avoir rédigé un algorithme permettant de faire exécuter un calcul des nombres de Bernoulli par la machine analytique de Charles Babbage. Penser alors l’engendrement de l’intelligence artificielle comme formalisme univoque ? Dans l’évitement et du féminin et de la dimension de l’être symboliquement associée au féminin, depuis Aristote, qui s’appelle la sensibilité ?

Il est intéressant qu’une femme écrivain, Mary Shelley, démiurge à sa manière, créatrice autarcique, dans son Frankenstein, représente un homme, le Docteur Frankenstein, donnant vie, par l’énergie de la foudre, à un composé d’hommes, sa créature, pour laquelle il ne parviendra pas à éprouver de sentiment paternel, d’où la suite. Et qu’une mathématicienne, Ada, fille de mathématicienne, Anabella, celle-là même que Lord Byron appelait « la princesse des parallélogrammes », aille plus loin que Babbage lui-même dans la pratique de l’abstraction. L’informatique va-t-elle jusqu’à revendiquer un formalisme désincarné, en plus de neutraliser les aspérités sensibles des langues dans le code ?

Le Libre, l’informatique qui « rend sensible au cœur » l’inaliénabilité des outils logiciels et des créations qu’ils permettent, remet l’humain au centre, dans toutes ses dimensions, contre la brutalité abstraite de ce qui le nie. Douceur, l’autre soir, du dessin de Gee. Chaleur d’une communauté libriste, qui ne fait jamais humanité à part.


[1] En réalité Véronique Bonnet nous a proposé son texte voilà plus d’une semaine. Or Framasoft a connu de grosses difficultés avec les serveurs qui hébergent nos sites et services, ce qui explique ce retard. Nous tenons à nous en excuser ici une nouvelle fois.

[2] Philippe Breton, Histoire de l’informatique, Paris : Seuil, 1990.


Image de l’en-tête : What is art?, par Steve Jurvetson (Licence CC-By).




Vu à la télé : le lobbying de Microsoft à l’école dévoilé dans un documentaire

Alexis Kauffmann - Spécial Investigation - Canal+« Le logiciel libre, c’est la hantise des entreprises high-techs… »

Le 8 septembre a été diffusé sur Canal+ le documentaire « École du futur : la fin des profs ? » dans le cadre de l’émission Spécial Investigation. Il nous montre des expériences innovantes dans des classes en France et aux USA, s’intéresse aux marchés des manuels scolaires et accorde une large part à l’offre et aux stratégies commerciales de géants comme Apple ou Microsoft.

Pour avoir, ici-même sur le Framablog, souvent dénoncé des liens trop forts entre Microsoft et l’éducation au détriment de la nécessaire et légitime place à donner au Libre, j’ai été contacté par la réalisatrice Pascale Labout. Du coup j’apparais dans le documentaire (dont vous trouverez un extrait signifiant ci-dessous), tout comme la députée Isabelle Attard qui fait partie de ces trop rares politiques qui prennent le relais et interpellent les pouvoirs publics sur ces questions (le travail d’une structure comme l’April n’y étant pas pour rien).

Merci à la journaliste d’avoir estimé qu’il était important d’informer sur certaines pratiques un peu troubles, de questionner le ministère à ce sujet et d’accorder une place au logiciel libre dans son travail d’enquête.

Un extrait à voir et faire circuler si vous pensez comme nous que cela a assez duré.

Transcript

URL d’origine du document
Merci au groupe de travail transcriptions de l’April

Prof devant TBI : Vous ne voyez pas très bien, j’en suis navré. OK. Ces verbes sont au présent

Journaliste : La France entame aujourd’hui son virage numérique. Il va donc falloir acheter du matériel informatique : tablettes, ordinateurs, tableaux interactifs, mais aussi des logiciels éducatifs quasiment inexistants dans l’hexagone. Le marché anglo-saxon, en revanche, en déborde déjà. Nous sommes à Londres, au BETT, le salon des technologies de l’éducation. Tout le monde du numérique à l’école s’y est donné rendez-vous.

Des élèves anglais, en uniforme, chantent autour de tablettes.

Journaliste : On y retrouve madame Becchetti-Bizot, la toute nouvelle responsable du numérique au sein de l’Éducation nationale.

Intervenant : Je vous présente la société Education City.

Journaliste : Elle est venue découvrir ce qui pourrait demain équiper nos écoles.

Jamie Southerington, commercial d’Education City : Je voudrais vous montrer ce qu’on peut proposer en français. On a des activités pour les élèves de trois ans. Si vous avez un tableau blanc interactif dans vos classes, on a ce logiciel qui permet aux enfants d’apprendre l’alphabet en chantant. Voilà, il suffit d’appuyer là.

Catherine Becchetti-Bizot, responsable de la direction pour le numérique éducatif : Je suis très surprise par la richesse et la diversité de ce qui est proposé, par la vitalité des petites entreprises qui sont là et qui cherchent vraiment à s’adapter aux besoins de la communauté enseignante.

Journaliste : Aujourd’hui le ministère de l’Éducation nationale est prêt à fournir tous les enfants en tablettes ?

Madame Becchetti-Bizot : Le Ministère n’est pas prêt à acheter pour l’ensemble, ce serait impossible, vous imaginez le prix que ça représenterait ! En revanche il est prêt à nouer des partenariats, à imaginer des consortiums avec les collectivités et les entreprises, peut-être, peut-être ! Je ne sais pas si on va le faire, mais on va essayer de faire ça, pour qu’effectivement on puisse encourager, faciliter l’équipement.

Journaliste : Des partenariats qui font rêver les industriels car le marché à conquérir est énorme. Sur le plan mondial, il est estimé à 100 milliards d’euros et les prévisions de croissance donnent le tournis : plus de 1500 % pour les dix ans à venir.

Aujourd’hui le leader sur le marché de la tablette éducative, c’est Apple. Pourtant la marque n’a pas de stand officiel sur le salon, elle préfère mettre en avant ses partenaires fournisseurs de contenus, les fameux logiciels éducatifs.

Pourquoi la société Apple est-elle absente du salon ?

Mark Herman, directeur d’Albion : Parce qu’on n’a plus besoin d’expliquer ce qu’est un iPad. Tout le monde sait ce que c’est. En revanche on doit prendre les gens par la main et leur faire des démonstrations pour leur montrer le potentiel éducatif de nos logiciels. Ensuite ils pourront décider si ça les intéresse ou s’ils veulent acheter chez nos concurrents et c’est là qu’on est utile. On est là pour conseiller des écoles, pas pour leur forcer la main. Mais vous savez, dans les écoles qu’on a équipées, on a pu constater des changements incroyables et c’est une vraie motivation pour nous.

Journaliste : Pour les industriels, ces logiciels sont les meilleurs moyens d’attirer les clients dans leurs filets. Une fois achetés, vous devenez dépendants de leur système informatique. Dans la plupart des cas, votre logiciel Mac, n’est utilisable que par un ordinateur ou une tablette Mac. Idem pour les PC. Nous sommes allés voir l’autre géant du numérique, Microsoft. Pour découvrir leur stratégie de vente, ils nous invitent dans un showroom de logiciels et matériels éducatifs à Paris. Ce lieu a été baptisé la classe immersive.

Enseignante : Voilà. Vous vous asseyez par parterre, là.

Journaliste : Mis en place il y a deux ans au siège de l’entreprise, ici les profs et leurs élèves sont invités à découvrir l’école de demain selon Microsoft.

Robot Nao : Bonjour. Je suis Nao, un robot humanoïde. Je viens de la planète Saturne.

Journaliste : Ce jour-là, une prof à la retraite, engagée par la multinationale, nous fait une petite démonstration devant quelques cobayes.

Prof : Qu’est-ce que c’est ça ?

Enfants : C’est la terre.

Prof : Il va falloir écrire le nom des planètes. Vous prenez ce stylo,là, vous choisissez une couleur.

Journaliste : Le but : séduire les élèves et leurs profs pour vendre aux établissements scolaires une classe du futur, clefs en main.

Prof : On va aller sortir une image d’un livre.

Enfants : Oh ! De la lave et de la fumée !

Prof : Voilà, qui sort. Après ça sort d’où ?

Journaliste : L’homme qui a eu l’idée de showroom c’est Thierry de Vulpillières, le responsable éducation chez Microsoft France.

Thierry de Vulpillières, responsable éducation de Microsoft France : On est chez Microsoft. Notre sujet c’est d’aider la passion pour l’éducation des enseignants et des élèves. 55 % des enfants français s’ennuient à l’école. C’est dommage. Eh bien c’est parce qu’on va déplacer la façon d’enseigner et on va impliquer davantage les élèves que ces outils viennent naturellement s’insérer dans ce nouveau mode d’apprentissage. Ce qu’on souhaite c’est qu’effectivement l’ensemble des élèves puisse bénéficier du numérique. Moi je serais enchanté qu’il y ait 11 millions de tablettes entre les mains de chaque élève.

Journaliste : La difficulté pour Thierry de Vulpillières : la loi interdit de faire de la pub dans les écoles. Alors pour contourner le problème, Microsoft a trouvé une autre stratégie. Nous allons vous montrer comment, depuis des années, l’entreprise américaine noyaute l’Éducation nationale pour vendre ses produits. L’homme qui a découvert le pot aux roses, c’est Alexis Kauffmann, un professeur de mathématiques. En 2008 il se rend sur le site du forum des enseignants innovants, un forum, parrainé par l’Éducation nationale, où les profs présentent des projets pédagogiques. Alexis y découvre une photo qui l’intrigue, celle de cette petite fille asiatique assise dans une classe.

Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques : J’ai pu montrer que le site du premier forum des enseignants innovants utilisait les images qu’on retrouvait sur les sites officiels de Microsoft. On voit qu’ils ont un petit bâclé le travail, ils n’ont même pas pris le soin de maquiller, le soin de changer les images.

Journaliste : Ah si, ils l’ont renversée.

Alexis Kauffmann : C’est vrai ils l’ont renversée.

Journaliste : Alexis veut savoir pourquoi une photo de Microsoft se retrouve sur le site. Il découvre alors que la multinationale est à l’origine de ces forums et qu’elle continue de les financer en toute discrétion.

Nous nous sommes rendus au dernier forum des enseignants innovants. Cette année il se tient au Conseil régional d’Aquitaine. Dans le hall, des professeurs présentent leurs projets.

Enseignant : Il n’y a pas de classe, en fait, c’est un espace qui est totalement ouvert sur la vie. On sort dans la vie…

Journaliste : Sur l’estrade des représentants des professeurs, du Conseil régional et du ministère de l’Éducation nationale

Jean-Yves Capul, sous-directeur du développement numérique, Éducation nationale : La direction du numérique pour l’éducation a été voulue par le ministre comme une direction à vocation pédagogique. C’est la pédagogie et pas la technique qui est au cœur de cette direction, même si l’ambition était de réunir les deux aspects, la pédagogie et les systèmes d’information et la technologie.

Journaliste : Dans l’auditoire, au premier rang, assis derrière la plante, Thierry de Vulpillières, monsieur Microsoft. Alexis Kauffmann est venu lui demander plus de transparence sur l’implication financière de la multinationale dans le forum.

Alexis Kauffmann : Quelle est la somme allouée par Microsoft à ce type d’événement, par exemple ?

Thierry de Vulpillières : Moi je ne donne pas de chiffre. La somme est marginale aujourd’hui sur l’organisation de ce forum. Malheureusement. Je suis très content que tu me demandes…

Alexis Kauffmann : Puisque la première fois, Serge Pouts-Lajus avait lancé un chiffre, c’était quasiment 50 % du budget.

Thierry de Vulpillières : Je pense qu’on n’a jamais excédé les 50 %, mais effectivement on a été dans l’ordre de 50 %.

Alexis Kauffmann : C’est quand même assez fort !

Thierry de Vulpillières : Absolument ! Et on est très fier de soutenir cet événement-là.

Alexis Kauffmann : D’accord.

Journaliste : Thierry de Vulpillières n’en dira pas plus. Son parrainage reste discret. Certains professeurs n’en ont même pas connaissance.

C’est un événement qui est en grande partie financé par Microsoft. Ça vous inspire quoi ?

Christophe Viscogliosi, professeur d’économie : Ça je ne savais pas, déjà, d’une part. Et d’autre part ça aurait été mieux que l’Éducation nationale finance intégralement ce type de forum.

Journaliste : Pourquoi ?

Professeur d’économie : Il y a un risque de conflit d’intérêt. Je n’ai pas envie nécessairement d’être obligé d’utiliser les produits Microsoft en cours.

Journaliste : Thierry de Vulpillières est le seul industriel du monde numérique présent ici. De stand en stand, il entretient son réseau avec le corps enseignant.

Thierry de Vulpillières : Laurence Juin. Ce n’est pas son premier forum.

Laurence Juin, professeur de français : Non.

Thierry de Vulpillières : Et donc paradoxalement on a l’impression qu’on est dans un stand de travaux manuels. Vous voyez des fils et de la laine. C’est une enseignante qui a été une des premières enseignantes à utiliser Twitter.

Professeur de français : Twitter ça permet aux élèves de communiquer, c’est-à-dire qu’on est dans une salle de classe mais ça permet d’ouvrir. On a fait des projets de communication où on communiquait avec des hommes politiques, des écrivains, des journalistes. Des échanges courts, qui nous ont amenés à faire des projets plus larges, des rencontres, des écrits, des échanges.

Journaliste : Adepte d’Internet, l’enseignante devient une cible pour le représentant de Microsoft. Ce matin même il a offert dix tablettes à sa classe Professeur de français : On a la chance d’avoir quinze postes informatiques, ce n’est pas le cas tout le temps. On va peut-être avoir des tablettes.

Journaliste : Microsoft ?

Laurence Juin, professeur de français : Oui.

Thierry de Vulpillières : Les petites surfaces vont débarquer chez elle.

Professeur de français : Les bonnes nouvelles. Les forums permettent aussi ces échanges-là.

Journaliste : Dix tablettes offertes pour essayer d’emporter le marché dans un établissement de sept cents élèves. Microsoft a mis en place un lobby bien rodé avec le corps enseignant et sa hiérarchie. Nous avons pu récupérer cette invitation envoyée à certains fonctionnaires de l’Éducation nationale. L’académie de Paris les invite à découvrir l’innovation numérique au siège de Microsoft. Au programme la classe immersive. Souvenez-vous, le showroom de Microsoft, inventé pour faire la promo de la classe du futur. Pour Alexis Kauffmann c’est la neutralité de l’école qui est mise à mal.

Alexis Kauffmann : Ce qui est scandaleux c’est qu’une journée académique d’information, formation, étude, autour du numérique se retrouve chez Microsoft. Elle n’a absolument rien à faire chez Microsoft, tout simplement. Est-ce qu’on imagine le ministère de l’Agriculture organiser ses journées d’étude chez Monsanto par exemple ? Non !

Journaliste : Nous sommes allés présenter l’invitation à la nouvelle directrice du numérique éducatif.

Le 28 mai il y avait l’académie de Paris qui organisait une journée sur l’innovation au siège de Microsoft.

Catherine Becchetti-Bizot : Oui, effectivement, le rectorat de Paris a fait cette manifestation au siège de Microsoft.

Journaliste : Vous ne trouvez pas que ça fait un peu beaucoup, il y a peut-être une collusion d’intérêt.

Catherine Becchetti-Bizot : Effectivement, moi je l’ai découvert le jour même.

Journaliste : Vous y étiez ?

Catherine Becchetti-Bizot : Ah je n’y étais pas ! Je n’y serais pas allée, parce que je pense que là on une confusion des genres. Je ne désapprouve pas le recteur, je pense qu’il y a une forme de naïveté, qu’il n’y avait pas la volonté de promouvoir Microsoft. Journaliste : Mais vous êtes contre ?

Catherine Becchetti-Bizot : Je ne suis ni pour ni contre. Je pense que ça n’est pas du tout une politique du ministère de l’Éducation nationale que d’organiser, avec Microsoft en particulier, des choses de ce type-là, et qu’il faudra cadrer effectivement. Ça fait d’ailleurs partie des projets immédiats que j’ai en ouvrant cette direction, c’est de cadrer clairement nos partenariats avec les entreprises.

Journaliste : Les multinationales ont des lobbies puissants et rien ne semble les arrêter dans leur conquête de l’école du futur. Récemment ils se sont attaqués à un amendement de la loi de refondation de l’école. L’amendement proposait que notre école utilise en priorité les logiciels libres. Les logiciels libres c’est la hantise des entreprises high-tech. Ils peuvent être créés, partagés, et modifiés par n’importe qui et ils sont presque toujours gratuits. Un système qui vient concurrencer les géants du numérique. C’est la députée écologiste Isabelle Attard qui propose à l’Assemblée cet amendement en faveur des logiciels libres.

Isabelle Attard, députée du Calvados : Cet amendement a été entièrement validé par la Commission culture et éducation en première lecture à l’Assemblée, au Sénat également. Et lorsque le texte revient en deuxième lecture à l’Assemblée, on s’aperçoit que le syndicat du secteur du numérique, le Syntec, vient d’envoyer un communiqué de presse qui alerte, justement sur cette amendement accepté par l’Assemblée et le Sénat, sur la loi refondation de l’école.

Journaliste : Voici ce communiqué du syndicat des entreprises du numérique. Un communiqué très alarmiste : « Ces dispositions handicaperont gravement la plupart des entreprises déjà présentes sur cette filière ». Il a été envoyé à la presse, à tous les députés et au ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Vincent Peillon. Alors que l’amendement d’Isabelle Attard aurait permis à l’État de faire des économies importantes, Vincent Peillon recule.

Comment vous expliquez cette situation ?

Isabelle Attard : Parce qu’il y a un lobby et une pression incroyable de la part des plus gros éditeurs de logiciels propriétaires et, comme je le disais, Microsoft est le plus gros.

Journaliste : Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre l’ancien ministre pour qu’il nous explique sa marche arrière. Il a refusé.

Quelques liens connexes pour aller plus loin

Alexis Kauffmann




La bidouillabilité à l’école : une expérience Suisse autour du Raspberry Pi

Faire entrer le logiciel libre à l’école reste un défi.

Si l’on se réfère aux nombreux articles publiés sur le sujet sur le Framablog, il apparaît que les initiatives individuelles en faveur du libre, portées par des enseignants motivés et volontaires, se multiplient. Mais aussi que celles-ci se heurtent à une administration pas toujours bienveillante et parfois sclérosée par une mentalité difficile à faire évoluer («Un PC, ça fonctionne avec Windows. », « Le traitement de texte, c’est Word. »). Il faut dire que les services de Microsoft restent très présents et actifs pour promouvoir leurs produits[1][2][3].

Sachant cela, quelle porte d’entrée trouver pour montrer aux enfants que l’informatique ne se résume pas plus à Microsoft qu’internet ne se résumerait à Facebook, Twitter ou Google ?

Christophe Lincoln, un enseignant suisse, propose un projet éducatif original et innovant, basé sur des Raspberry Pi. Certes, il ne s’agit pas (encore) de matériel libre, mais au moins peut-on y voir un premier pas vers une découverte de la « bidouillabilité » chère à Tristan Nitot et qui permettrait (enfin ?) de faire entrevoir aux jeunes générations la face immergée de l’informatique.

piclass-leds.png

Bonjour Christophe, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis un passionné et j’aime être en projet ! Mon premier projet open-source d’envergure est la distribution SliTaz GNU/Linux. Le projet SliTaz a l’âge de mon fils, c’est à dire 8 ans et me permet de vivre une expérience géniale dans le monde du libre. Je suis aussi enseignant dans des classes primaires de l’établissement d’Entre-Bois à Lausanne en Suisse romande.

Et PiClass alors, qu’est-ce que c’est ?

Le but du projet est de proposer un atelier informatique et robotique itinérant et utilisant des Raspberry Pi. L’atelier PiClass pourra prendre en charge une demi classe, c’est à dire 10 à 12 élèves. C’est par un projet Pilote que PiClass démarre : proposer un outil informatique au service des disciplines scolaires en utilisant les dernières technologies et du matériel conçu pour l’éducation. Le projet pédagogique répond aux objectifs du PER (Plan d’Etudes Roman) et il est destiné à tous les élèves de l’établissement primaire d’Entre-Bois à Lausanne.

Quels sont les avantages de la mise en œuvre d’un tel projet, et quel est son rapport avec le libre à l’école ?

Les classes Lausannoise (et ailleurs dans le monde) n’ont souvent qu’une seule machine à disposition et pas de salle informatique. Avec PiClass on a une salle informatique pour 10-12 élèves qui peut se déplacer d’un bâtiment scolaire à un autre. L’avantage c’est qu’il n’y a pas besoin d’équiper toutes les classes ou tous les bâtiments. L’autre gros avantage d’une PiClass c’est le coût du matériel : imbattable !

Son rapport au libre à l’école est simple, le Raspberry Pi ne tourne que sous GNU/Linux ! Les élèves utilisent donc un OS libre et uniquement des logiciels libres, que ce soit pour la bureautique, les jeux éducatifs ou la programmation avec Scratch et Python.

En France, le débat est maintenant ouvert sur le “codage”[4][5] à l’école. Quelle est ton opinion sur le sujet ?

Je pense que coder c’est structurant : il faut suivre le code ! Si on veut obtenir quelque chose il faut suivre des règles précises, c’est comme dans la vie, il y a des règles. Ensuite coder c’est apprendre à utiliser le clavier, c’est constamment avoir recourt aux mathématiques, c’est apprendre l’anglais et développer la pensée créatrice des élèves. Je pense vraiment que coder avec les élèves est pédagogique et cela apporte un coté concret et ludique que les élèves apprécient beaucoup.

Pour l’instant, un projet-pilote est prévu à Entre-Bois. Comment imagines-tu la suite ? Ce projet est-il suffisamment rémunérateur, non seulement pour toi, mais pour inciter d’autres enseignants à faire “tâche d’huile” ?

Si le projet pilote passe la rampe à Entre-bois, il y a des chances pour que des PiClass s’ouvrent dans tous les établissement de la ville de Lausanne.

Avec le projet pilote j’aurais 4 classes sur les 150 de l’établissement et les 6 périodes d’enseignements par semaine me seraient payées. Si le projet passe, Piclass pourra être rémunérateur pour plusieurs enseignants sur Lausanne vu le nombre de classes que cela fait pour toute la ville !

Le projet PiClass a aussi une visée internationale et humanitaire. Nous sommes déjà en discussion pour une PiClass au Brésil pour 2015.

Christophe, merci ! Un dernier mot pour la fin ?

Mais merci à vous ! Je me réjouis de vous revoir dans un salon ou lors d’une opération libre pour vous faire un câlin ! Au delà du code, le libre c’est un grand projet humain.




Promenons-nous sur le chemin de l’évolution des espèces

Depuis le 15 août, une nouvelle web-série vient de voir le jour sur la toile. Il s’agit d’un documentaire scientifique et pédagogique sur l’évolution des espèces : « Promenades en Évolution ». Dans ce premier épisode, consacré à l’arbre du vivant, nous découvrons les liens de parentés entre différentes espèces rencontrées lors d’une promenade en forêt.

promenade-4.jpg

Cette série est produite par le Mithril Studio en association avec le Centre de Vulgarisation des Connaissances de l’université de Paris XI. Rencontre avec Virginie Népoux, une des principales protagonistes de ce projet.

Bonjour Virginie, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour ! Je suis biologiste, j’ai soutenu ma thèse de doctorat en biologie évolutive il y a trois ans à l’université de Lausanne après un cursus réalisé aux universités de Paris XI et Paris XIII (master de biologie du comportement). Ma thèse portait sur la variation naturelle des capacités d’apprentissage des drosophiles, ces petites mouches qui viennent l’été sur les fruits trop mûrs… Oui oui, les mouches sont capables d’apprendre des choses ! J’ai également eu l’occasion de travailler sur des espèces différentes : la perruche ondulée, la mouette tridactyle, la grenouille agile… Et sur des sujets variés, comme la communication acoustique ou la sélection sexuelle. Je suis aussi naturaliste, j’ai fait de l’« animation nature » pour des écoles, colonies de vacances, réserves naturelles ou pour des associations naturalistes comme celle du campus d’Orsay, Clématis, dans laquelle je suis restée investie plusieurs années. Je suis allée jusqu’en Guyane pour échantillonner des libellules pour une réserve naturelle. Je suis la rédactrice et présentatrice du documentaire. Léo Sigrann et moi nous partageons la caméra, qui est un appareil photo, la réalisation et le montage.

promenade-2.jpg

Vous êtes à l’origine de cette nouvelle série documentaire « Promenades en Évolution ». Comment ce projet est-il né ?

Depuis plusieurs années, je suis assez active sur certains forums, notamment au niveau de discussions sur l’évolution – souvent avec des créationnistes. Je me suis rendue compte que les mêmes questions revenaient régulièrement, traduisant des incompréhensions basiques et récurrentes. J’ai écrit un petit texte pour reprendre ces bases sans avoir à me réexpliquer à chaque fois, histoire de permettre aux discussions d’aller plus loin, puis ce texte est devenu un petit livre en 2009, « L’évolution du vivant expliquée à ma boulangère », publié par Inlibroveritas sous licence cc-by-sa (et en lecture libre chez Inlibroveritas et Atramenta). Le projet « Promenades en Évolution » part de la même envie de partage. Je me suis dit que le changement de support pourrait peut-être toucher un public différent. Et puis j’avais envie de répondre à ce qui me semble être un manque dans le monde des documentaires. Il me semble que les documentaires francophones sur la nature que l’on voit à la télévision, s’ils sont souvent époustouflants au niveau des images, n’abordent que rarement les problématiques de fond qui me sont chères. Les questions d’évolution ne sont qu’effleurées, et souvent assez mal, ce qui peut contribuer à entretenir les clichés dans l’esprit des gens (ex: l’évolution, c’est « la survie du plus fort »). En outre, j’ai aussi l’impression que les documentaires sont plus volontiers consacrés aux milieux exotiques, aux gros animaux, qu’à la vie qui foisonne à nos portes. C’est une excellente chose de connaître la vie des lions ou des manchots, mais il ne faut pas ignorer les merveilles qui se trouvent à nos pieds, et que l’on n’a qu’à se baisser pour admirer… Quand je fais une sortie naturaliste avec des gens qui n’en ont pas l’habitude, ils sont souvent très étonnés de la multitude de choses que l’on peut observer après environ trois pas dans n’importe quel petit bois. J’avais également envie de transmettre ça dans le documentaire.

Quel est le public visé ?

Le plus large possible, surtout les gens qui n’ont pas de connaissances particulières en biologie, ceux qui utilisent les parcs, les bois et les champs pour leurs pique-niques, leurs footings, mais oublient un peu de regarder ce qui s’y passe. J’aimerais aussi que ce documentaire puisse être utilisé par les professeurs de collège ou de lycée pour illustrer leurs cours.

Vous avez publié deux livres chez Atramenta, un sous licence cc-by-sa, un autre sous cc-by-nc-sa. Pour la web-série, vous avez opté pour notre plus grand plaisir, pour la creative commons by-sa. Qu’est-ce qui a fait pencher la balance vers une licence complètement libre ?

Nous avons pensé que c’était le plus approprié pour un outil à vocation pédagogique, favoriser un partage maximal. Pour tout vous dire, le framablog n’est pas entièrement étranger à cette décision. J’ai lu l’article de Richard Stallman sur l’usage des licences cc-by-nc-sa pour les documents pédagogiques et je suis d’accord avec lui. Du coup, voilà, nous avons opté pour une cc-by-sa pour le documentaire. Autant ne pas faire les choses à moitié. En outre, l’évolution du vivant reste un sujet très mal compris de nos jours, sur lequel on dit tout et n’importe quoi. Même si ça fait plus de 200 ans que le livre fondateur de Darwin est paru, des idées fausses circulent toujours, et souvent plus efficacement que les idées justes. Il est urgent d’inverser la tendance! Je rêve d’un monde où les scénaristes de comics et de films soient suffisamment bien informés sur l’évolution pour ne pas faire saigner les oreilles ou les yeux des biologistes qui visionnent ou lisent leurs œuvres…

Est-ce que pour un sujet sensible comme la théorie de l’évolution, combattu encore actuellement par de nombreux créationnistes à travers le monde, le fait de pouvoir diffuser, distribuer librement ce documentaire a été un argument dans le choix définitif de la licence ?

Tout à fait. Le créationnisme (au sens large, du fixisme à l’intelligent design en passant par tout un tas d’idées farfelues) gagne de plus en de terrain. Pourtant, quand il est accessible à la raison et ne s’appuie pas uniquement sur une foi aveugle, il repose vraiment sur des incompréhensions basiques. Il est à la portée de tout le monde de repérer les failles dans les « raisonnements » des créationnistes, pour autant que l’on sache de manière un peu précise ce qu’avait dit Darwin déjà à son époque, et comment les études modernes l’ont confirmé. Il faut simplement prendre le temps de comprendre comment fonctionne la démarche scientifique. Mais il y a des créationnistes qui disposent de beaucoup de moyens pour diffuser leurs ouvrages (distribution gratuite de livres dans les universités, écoles etc.), quand bien même leur contenu est parfois à la biologie ce que la blague carambar est à la philosophie. Nous n’avons pas ces moyens financiers, mais nous avons un outil beaucoup plus puissant pour partager: les licences libres !

Ce documentaire est produit par le Mithril Studio. Pourquoi avoir choisi ce studio ?
Parce que c’est le studio que mon compagnon et moi-même avons monté, à la base pour réaliser nos projets. C’est un studio composé surtout d’amateurs bénévoles pour l’instant (« Promenades en évolution » est le premier projet pour lequel nous avons eu un petit financement). Nous avons peu de moyens, mais nous sommes libres de prendre les décisions que nous voulons.

Celui-ci était jusqu’ici connu pour The Fumble Zone http://fumblezone.net une web-série sur les jeux de rôle. Vous voyez un lien spécifique entre l’univers des jeux de rôle et les licences libres ?
Bien sûr ! Les jeux de rôle, sur le principe, sont des outils pour raconter des histoires à plusieurs. L’idée de partage est fondamentale. En outre, chaque meneur de jeu modifie les règles, les univers « à sa sauce », chaque groupe de joueurs invente ses histoires sur les bases de scénarios ou romans existants. Tout cela fait que les licences libres sont à mes yeux un outil idéal pour permettre à tout le monde de s’exprimer et publier ses créations. Les idées d’ouverture font petit à petit leur chemin, peut-être que les jeux sous licence libre, comme Tigres Volants vont finir par fleurir plus nombreux ?

Le studio semble utiliser le plus possible des logiciels libres. Lesquels ont été utilisés pour réaliser ce documentaire ? À quel moment de la création ont-ils servi ?
Léo et moi travaillons avec Kubuntu. Le documentaire a été monté avec Kdenlive et les petites animations réalisées avec Gimp. Le son est le seul élément qui, pour l’instant, n’a pas été traité avec des logiciels libres.

promenade-1.jpg

« Promenades en Évolution » est réalisé en association avec le Centre de Vulgarisation des Connaissances de l’université de Paris XI. Quel est le rôle du CVC ?
Le CVC a apporté son financement, ce qui nous a permis de nous consacrer pleinement à la réalisation de ce premier épisode et nous a fait profiter de sa grande expérience en matière de pédagogie. Nous sommes très reconnaissants de toute l’aide que les gens du CVC nous ont apportée, et des conseils qu’il nous ont donnés.

Sauf erreur de ma part, il s’agit du premier projet sous licence libre du CVC. Quelle a été leur réaction ? Réfractaires ou bien intéressés ?
Intéressés, car la vocation première de ce documentaire est d’être partagé.

Parlez-nous un peu de Rachel Nusbaumer qui a composé cette jolie bande-son entêtante.
Nous avons rencontré Rachel sur Internet, via le forum des vidéastes amateurs, et elle a tout de suite été d’accord pour travailler sur des projets sous licence ouverte/libre. Elle compose pour le studio depuis plusieurs années, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés ! Rachel a commencé la musique à 4 ans, avec le solfège et la flûte à bec qui lui a fait découvrir la musique baroque, puis la musique de chambre. Elle a ensuite découvert le hautbois à 15 ans. Elle a étudié la musique au Conservatoire de Delémont (Jura Suisse) puis à Genève. En parallèle à sa formation classique, elle a commencé à composer sur ordinateur, en autodidacte, aidée par un réseau de musiciens sur Internet. Elle s’est ainsi tournée vers l’électro. Ses influences ? Aussi bien Bach ou Corelli, que Jean-Michel Jarre, ou Ennio Morricone. Elle a travaillé avec les Studios Banshee (UK) pour réaliser les musiques de leurs jeux vidéo et a également réalisé des musiques pour des clips promotionnels et des bandes-son pour des courts-métrages (Euphoria, Holiday Bloodyday…). Son site internet : http://www.rachelnusbaumer.com

Le premier épisode vient donc de paraitre le 15 août. Avez-vous déjà préparé les prochains ?
En partie. Nous avons commencé à tourner, mais nous n’avons plus de financement pour l’instant donc c’est moins évident de trouver le temps quand on est purement bénévoles. Mais les choses avancent quoi qu’il en soit. Idéalement, et même sans moyens supplémentaires, nous aimerions sortir un autre épisode avant la fin de l’année.

promenade-3.jpg

Si tout se passe comme prévu, combien d’épisodes composeront cette web-série ?
Ça n’est pas fixé. Il y a énormément de sujets à aborder ! Nous ferons ce que nous pourrons.

Si des lecteurs du blog ont envie de vous aider que peuvent-ils faire et comment ?
Partager ! Plus nous parviendrons à nous diffuser efficacement, plus il nous sera possible de récolter des financements pour tourner la suite (et bien sûr, si quelqu’un veut se débarrasser d’une caméra full HD, ou d’un objectif pour appareil photo Canon EOS…)




Un abécédaire libre et contributif par et pour les enfants

Nous saluons aujourd’hui une initiative exemplaire qui conjugue les démarches auxquelles nous sommes attachés : un projet éducatif à destination des enfants d’écoles primaires et de leurs enseignants, qui les fait participer et aboutir à un ouvrage qui sera utile à d’autres… car placé en licence libre ! Avec Éric que nous interviewons ici, une équipe de contributeurs petits et grands convaincus que la culture libre, c’est bien d’en parler, mais c’est encore mieux de la créer et de la diffuser !

Une Interview d’Eric Querelle aka Odysseus

Bonjour, Odysseus… qui se cache derrière ce pseudo homérique ?
Je suis professeur de néerlandais dans l’enseignement secondaire belge. Je griffonne à mes heures perdues, lorsque l’occasion se présente ou lorsque j’ai une idée. Au départ ce choix de pseudo n’était pas guidé par Homère mais par le vaisseau d’Ulysse… 31 dont j’étais un grand fan. Ce qui donne une idée approximative de mon âge 😉

Il me semble que tu n’en es pas à tes débuts dans l’illustration d’ouvrages libres à destination des plus jeunes, qu’est-ce qui t’intéresse dans ce genre de réalisations ?
En effet, depuis quelque temps j’écris et illustre en amateur de petites histoires pour enfants que je propose en téléchargement. Ainsi, 4 petites histoires sont déjà disponibles : Petit Vénusien raconte l’histoire d’un extra-terrestre qui a un besoin urgent, Bonne nuit Doudou Lapin, une histoire très très courte, Ne pleure pas Monsieur le Loup qui évoque la phobie des ongles coupés et Super Héros, une histoire déclinée en deux versions qui aborde le thème du cauchemar.

Pour le reste, je dessine au gré de mes envies et de mes idées ou propose d’autres bidules comme un petit jeu de dominos ou une lecture de 12 fables de La Fontaine, par exemple.

Ce goût des histoires et celui du dessin se combinent bien. La simple idée de savoir — et de voir — que ceux-ci sont utilisés, exploités de manière individuelle, en classe et sur AbulEdu est un très beau cadeau, une belle récompense.

De manière plus générale, l’école est pour moi le lieu le plus adéquat pour faire découvrir et assimiler ces notions de partage, de respect, de diffusion et de valorisation du bien commun.

Comment est né ce projet d’abécédaire ?
Ce projet est né sur Babytwit, une plateforme libre de microblogging proposée par l’association AbulEdu-fr à destination principale des écoles primaires. Jonathan Tessé mainteneur de la plateforme et animateur Tice dans la région dijonnaise a lancé l’idée et un groupe de personnes ultra-motivées s’est rapidement formé pour la concrétiser. Quatre mois après, nous y voilà ! 🙂

Lien direct en cliquant sur l’image de couverture – PDF 14,1 Mo

couverture abécédaire libre

Ce sont les enfants de diverses écoles qui t’ont envoyé des phrases cocasses pour chacune des lettres. Ça t’a compliqué la tâche ?
Oui, six groupes-classes ont participé à ce projet et leur implication a été maximale. L’idée que je me faisais au départ était celle d’un travail tranquille et je m’attendais à des phrases simples du genre « L’éléphant est près de l’étang ». C’était sans compter l’imagination débordante des enfants coachés par des professeurs gonflés à bloc qui ont pris un plaisir malin à me pousser dans mes derniers retranchements :

En faisant du xylophone, Baba Yaga et son yorkshire dévorent un yaourt au Xérès accompagné d’yeux de yéti et d’ailes de xylocope.

Un plaisir vite partagé et chaque nouvelle phrase était une vraie belle surprise !

E comme Elephant

J’ai eu également l’immense plaisir de rencontrer une classe (celle de Bordeaux). Ça a vraiment été un moment très intense : j’étais venu avec mes dessins déjà réalisés, beaucoup de questions ont été posées par les enfants (qui m’appelaient Odysseus car ils ne savaient rien d’autre que mon pseudo), des remarques adorables… et puis planait aussi ce sentiment inexplicable de rencontrer en chair et en os des personnes que l’on « connaît » uniquement virtuellement.

Concrètement, les 6 classes participantes se sont partagées les lettres de l’alphabet. Lorsque leurs phrases étaient prêtes, elles me les transmettaient via le groupe dédié #abécédaire. Les phrases étaient commentées. Il m’est très souvent arrivé de devoir faire des recherches (pour des mots comme : xylocope, Baba Yaga, urubu…). Je leur montrais le dessin ou un extrait de celui ci pour maintenir un certain suspense. J’avais des retours satisfaits ou quelquefois des remarques du genre « son nez est trop gros » ou « le bouc est trop petit », « son nez n’est pas assez crochu » ou encore « ta hyène on dirait un ours » :-D.

Bref un véritable suivi de la part des enfants. Dans toutes les classes, un travail de fond pédagogique a été réalisé quant au contenu (la recherche lexicale), la forme (ne pas dépasser 140 caractères)… et le fonctionnement du microblogging, ses codes. Cela a largement dépassé le simple cadre de l’alphabet.

La licence « art libre », c’est important pour toi ? Est-ce que ça signifie que toutes les écoles primaires peuvent se servir librement de cet abécédaire ?
Oui, et j’en ai pris conscience lors d’un événement précis : il y a quelques années j’ai posé sur mon blog de l’époque un dessin intitulé « Bulle spéculative » déjà sous licence Art Libre car j’avais découvert cet univers via Framasoft. J’ai reçu un mail d’un certain Antoine Moreau qui était à la recherche d’une bulle pour son texte de Paule et Paul qu’il publiait dans un petit livret sur l’Art. C’était la première fois qu’on me demandait l’autorisation d’utiliser un dessin. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu dans ma boîte aux lettres ledit livret avec une partie de mon dessin (rien que la bulle). Je découvrais et vivais ce fameux : « Copyleft: cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre  ».

Aussi, je suppose (et espère) que quelqu’un qui copie, diffuse, modifie, utilise mes dessins l’apprécie et je considère donc cela comme une reconnaissance.

L’abécédaire est sous Licence ArtLibre 1,3 (LAL 1,3) Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur. Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège.

Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression. Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux œuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise.

L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des œuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun. La licence complète est à lire ici.

Cela signifie donc effectivement que les écoles primaires et toute personne intéressée par cet abécédaire peuvent le télécharger et l’imprimer librement. Je mets également toutes les sources à disposition (images brutes, .png, .svg, le document .odt et le .pdf) pour permettre à qui le souhaite de « jouer » avec les dessins, personnaliser l’abécédaire en supprimant les phrases pour une activité de classe par exemple ou en colorisant les images.

Une version en couleurs est prévue ?
Oui, au départ, nous étions partis pour une version colorisée. Mais impossible à réaliser en quatre mois de temps. Tenant absolument à donner aux enfants un résultat concret de leur travail avant la fin de l’année scolaire, nous avons laissé la colorisation de côté pour nous concentrer sur un produit fini en noir et blanc.

Dans l’idée de garder l’idée de travail collectif, j’ai donc lancé un appel à l’aide à la colorisation et quelques personnes se sont vaillamment lancées dans l’aventure. Cela avance bien, très bien même. Mais comme plus on est de fous plus on rit, cet appel reste tout à fait d’actualité.

Déjà un autre livre pour enfants en projet ?
J’ai quelques idées mais j’ai souvent besoin d’un certain temps pour les laisser percoler. Mais il m’arrive aussi d’avoir l’idée qui tombe de je-ne-sais-où.

Alors, un livre en projet, pour le moment non. Mais qui sait ? Peut-être demain…

Au fait, si des gens (une école, des particuliers…) veulent te remercier par un don financier ?
C’est une option que je n’envisageais pas car je ne propose évidemment pas mes histoires dans ce but et puis cela me rendait plutôt mal à l’aise.

Cependant, pour le faire moi-même aussi quelquefois pour d’autres projets, je peux comprendre que l’on souhaite ou préfère soutenir un projet financièrement . Alors si les gens tiennent vraiment à me remercier, me soutenir pour mes histoires de cette manière pourquoi pas ?

Merci Éric, et à bientôt !

Liens

Dans les coulisses de l’abécédaire

  • Phrases : Les phrases ont été généreusement imaginées par les élèves des classes :
    • Bibliosaigebib : Atelier informatique en bibliothèque, près de Bordeaux
    • maternelle gilly : Classe de GS de maternelle, Près de Dijon
    • les gribouilloux : Classe de MS GS de maternelle, près de Reims
    • cm1 curie : Classe de CM1, près de Bordeaux
    • brossocm : Classe de CM1 près de Nancy
    • cm1 teacher : Classe de CM1 à Pacé, près de Rennes
  • Dessins : Eric Querelle aka Odysseus
  • Polices de caractère : DejaVu Sans – Liberation Sans – Bromine Regular Font – Thickhead Regular Font



Microsoft et l’Éducation nationale : le scandale continue…

Microsoft Académie de Paris

Le 28 mai prochain, l’académie de Paris organise sa « Journée 2014 de l’innovation et du numérique éducatif ».

Cette journée est ouverte à tout le personnel, à savoir « encadrement, formateurs, enseignants du premier et du second degrés, CPE de l’académie de Paris ». Et pour finir la journée (en beauté) : « Clôture par Monsieur le recteur de l’académie de Paris ».

Elle est ainsi présentée : « Le numérique vivifie la pédagogie, facilite l’accès au savoir et favorise le travail collaboratif. Bref, le numérique peut changer l’école. Comment alors s’y préparer ?

Faciliter l’accès au savoir et favoriser le travail collaboratif… Naïvement on pense naturellement au Libre.

Il n’en sera rien puisque cette journée se déroulera au siège de Microsoft France !!! (qui en profite au passage, dans le programme, pour y glisser sa « Classe immersive »).

Faut-il que l’académie de Paris manque à ce point de locaux pour devoir organiser cette journée chez Microsoft ? Accepterait-on que le ministère de l’Agriculture organise son colloque chez Monsanto ?

Ce n’est pas le première fois que Microsoft invite ainsi nos fonctionnaires : en 2011 Les inspecteurs de l’éducation nationale convoqués chez Microsoft, et en 2013 L’école selon Microsoft : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer l’éducation privatrice et fermée.

Nous sommes en 2014 et l’Éducation nationale baigne toujours dans une culture propriétaire. C’est bien joué de la part de Microsoft. Beaucoup moins de la part d’une institution qui s’égare une fois de plus dans sa mission de service public, au détriment de ses élèves et de nos enfants.

Edit du 22 mai : la réponse Twitter de l’académie de Paris qui évoque un « choix technique » assez peu convaincant.

Réponse Académie de Paris

Edit du 30 mai : Basta! (Les profs réfléchissent sur le numérique à l’école… chez Microsoft !) et le site de l’Humanité (Quand l’éducation nationale se fait « sponsoriser » par Microsoft (SNUipp-FSU Paris)) ont consacré un article à ce sujet.

Sources :




Fin du support XP, un collège espagnol migre vers Ubuntu

Migrer vers Ubuntu pour un utilisateur habitué à Windows est aujourd’hui une opération relativement aisée, en particulier parce que l’on bénéficie de l’aide de la communauté à chaque étape (n’hésitez pas à rejoindre l’Ubuntu party à la Villette et des évènements libristes partout en France). Cependant, le seul fait de changer d’habitudes demeure un peu délicat et demande un temps d’adaptation à chacun. Imaginez ce que doivent être ces petites difficultés lorsque une communauté scolaire entière franchit le pas : institution, enseignants, élèves, matériels… autant d’écueils sur la voie Libre qu’un collège espagnol est en train de franchir, grâce à un activiste convaincu et passionné.

Choisir la migration c’est d’abord lutter contre une inertie de l’institution, plus prompte à conclure des contrats léonins avec Microsoft qu’à s’embarrasser de scrupules. C’est aussi s’efforcer d’échapper à une alternative pénible : être soumis à l’obligation de payer de coûteuses licences ou inviter les utilisateurs à l’illégalité en les piratant plus ou moins discrètement.

Les conditions de cette migration, telles qu’évoquées dans l’article ci-dessous, sont probablement tout à fait similaires de notre côté des Pyrénées. N’hésitez pas à nous livrer votre expérience, nous le publierons ici en commentaire ou pourquoi pas sous forme d’un autre témoignage : faire connaître les difficultés et les réussites est aussi un bon moyen d’avancer sur la voie du Libre.

Interview : migration d’un collège de Windows XP à Ubuntu

Source : Entrevista: Migración de un colegio desde Windows XP a Ubuntu

Traduction Framespagnol : Diab, TV, rou, Omegax + anonymes [rejoindre ce groupe de traduction]

La fin du support de Windows XP met certaines institutions informatiques et leur système informatique face à un vrai dilemme. Un système éducatif à l’avant-garde se doit de passer à Ubuntu.

Fernando Lanero, pour ceux qui ne le connaissent pas, est professeur et responsable TIC du collège des Augustins à León (España). Un activiste du logiciel libre qui s’est attelé à la migration d’un collège de 1200 élèves vers le système d’exploitation Ubuntu. Je vais discuter avec lui pour qu’il nous raconte de première main où en est cette intéressante eXPérience, dont les enjeux sont multiples.

Marcos Costales : Bonjour Fernando. Comment vas-tu ? Raconte-nous comment tu as débuté dans le petit monde de l’informatique et quand est née ta prise de conscience pour les logiciels libres et plus particulièrement pour Ubuntu…

Fernando Lanero : Bonjour ! Alors, j’ai commencé dans le monde passionnant de l’informatique avec un ordinateur 8086 que m’ont acheté mes parents en CM1 pour avoir réussi tous mes examens. C’était un Olivetti qui devait avoir 16Ko de RAM, un disque dur de 20Mo, un écran monochrome vert fourni avec MS-DOS que j’ai supprimé moins d’un mois après sans le faire exprès (del *.* dans le répertoire racine, tu vois ce que je veux dire). À partir de là j’ai eu des amis avec des ordinateurs et je suis devenu accro, vous imaginez facilement combien d’heures j’y ai passé.

En ce qui concerne le logiciel libre j’ai commencé en 1997 ou 1998. Années où il y eu un boom pour Linux, avec une grande quantité de revues qui incluaient un CD avec des distributions. Là, j’avais un pentium cadencé à 120 Mhz. Mes tentatives d’installation furent un désastre complet, j’étais encore à l’école, il n’y avait pas internet et tout ce que je pouvais faire était de lire et relire la revue et essayer d’en tirer quelque chose qui tienne debout. Mes débuts en ligne de commande, bien que je vienne de MSDOS, furent aussi un désastre complet. Au final, oui, j’ai pu en installer une, je serais maintenant incapable de te dire laquelle. Probablement Slackware ou Fedora.

Ensuite je l’ai abandonnée et suis retourné du côté obscur avec Microsoft et son Windows 98. Dix ans plus tard, aux alentours de 2007, je suis revenu à Linux par le biais de Ubuntu, grâce aux bonnes indications et commentaires de Ricardo Chao, professeur et camarade de classe et grand ami.

Vous avez déjà commencé la migration ?

Pas encore, nous allons attendre la version définitive d’Ubuntu 14.04. Nous faisons actuellement des tests, au départ avec les versions alphas et maintenant avec les bêtas.

Quel système d’exploitation utilisez-vous actuellement et pourquoi avez-vous décidé d’en changer ?

Au collège tous les ordinateurs sont actuellement équipés de Windows, 90% sont sous Windows XP et les plus récents tournent sous Windows 7. Celui du Directeur est sous Windows 8 car c’est le dernier qui ait été acheté. La raison pour laquelle ce logiciel est utilisé est uniquement due au fait qu’il était pré-installé.

De combien d’ordinateurs parlons-nous et quelles sont leurs caractéristiques ?

Il y a deux ordinateurs, ceux du Secrétariat, que nous ne migrerons pas pour des raisons administratives mais nous allons migrer les 98 ordinateurs restants. En réalité, de mon point de vue, c’est un nombre de machines considérable vu qu’il s’agit d’un environnement comme la province de León, une région dépourvue de grandes entreprises technologiques de pointe.

A quoi servent ces 98 ordinateurs ?

Ils sont utilisés pour des activités pédagogiques en classe, pour l’usage des professeurs lors de projections vidéos, de tableaux numériques, pour le dessin technique etc. Il y a également 60 ordinateurs répartis entre la salle informatique et les salles de langues.

Quels programmes utilisez-vous aujourd’hui avec les élèves? As-tu une idée approximative du coût de ces programmes pour le centre?

Le programme phare est Microsoft Office sans aucun doute. Et nous devons renouveler les licences de cette suite logicielle chaque année, comme un loyer. Le coût annuel de renouvellement des suites Office avoisine les 3000€ à 4000€ pour l’ensemble des ordinateurs.

Crois-tu que les élèves puissent utiliser ces programmes chez eux en payant eux-mêmes leur licence ?

C’est bien le problème. Ça c’est le piège du logiciel privatif. Dans tes cours tu enseignes avec le logiciel dont tu as besoin pour ton activité d’enseignement. Mais que se passe-t-il ? Si tu enseignes à l’élève à travailler avec un programme privatif, au jeune tu lui apprends à maîtriser ce programme, et ce que tu fais c’est que tu crées un utilisateur de ce programme pour le compte de cette entreprise (car il devient un client potentiel). la contrepartie logique de ce processus c’est que tu risques de l’inciter à pirater ce programme et du coup, à aller à l’encontre de la loi lorsqu’elle ne lui convient pas (tu en fais un délinquant potentiel). Il n’y a pas d’alternative possible à ces deux options avec le logiciel privatif.

classe avec ordis

Tu formes des consommateurs pour une multinationale ou des pirates informatiques, en apprenant aux élèves à enfreindre les lois lorsqu’elles ne conviennent pas. C’est le plus gros danger. Les gens se plaignent en Espagne de cette culture de la tricherie ou du vol dans notre société. Et c’est pourtant ce qui se fait dans de nombreuses écoles, enseigner à tricher de manière indirecte à travers les logiciels privatifs. Si par exemple tu enseignes Photoshop, le centre dispose d’une licence achetée, parfait. Mais, l’élève va-t-il acheter le programme pour faire ses devoirs à la maison ? Impossible ! Et que va-t-il se passer ? Ou tu le lui passes sous la table ou tu l’encourages à aller le télécharger avec un crack. Tu es déjà en train de créer des délinquants, parce que tu les incites à outrepasser la loi.

As-tu vérifié s’il existe des logiciels libres susceptibles de remplacer les logiciels privateurs que vous utilisez actuellement ?

À 100%. Pour Photoshop et MS Office nous pouvons passer à Gimp et LibreOffice sans problème. Nous avons aussi commencé à entrer en contact avec les éditeurs. Maintenant tous les manuels scolaires sont accompagnés d’un logiciel de soutien pour les classes numériques. Ainsi tu travailles avec les élèves de la classe de manière interactive, surtout avec les manuels de langues, d’histoire, dans les cycles maternelle et primaire. Que se passe-t-il ? Elles ont toutes un logiciel pour Windows, mais aucun pour Linux. En discutant avec eux, je leur ai expliqué que nous allions migrer sous Linux et que si leur logiciel ne fonctionnait pas sous Linux nous changerions les manuels scolaires pour d’autres qui nous faciliteraient leur utilisation ou simplement qui disposeraient de logiciels multi-plateformes. Ou ils se démènent pour que leurs produits fonctionnent sous Linux ou nous chercherons des alternatives.

As-tu détecté d’autres problèmes d’utilisation de Windows XP à part le coût des licences ?

Oui, le principal problème de la migration est l’administration de Castilla León. Que se passe-t-il ? Le conseil de Communauté autonome a signé en 2011 un accord avec Microsoft pour utiliser leurs logiciels pendant 5 ans (bien entendu sans appel d’offres d’aucune sorte). La nouvelle a été publiée par les médias, la directrice de Microsoft Iberia est venu, il y a eu une réunion avec Bill Gates…

Le problème de cet accord est que toutes les applications web qui sont développées doivent fonctionner avec des logiciels de Microsoft et sont uniquement accessibles avec Internet Explorer. Ce qui est un énorme problème ; c’est notre principal inconvénient et la raison pour laquelle nous ne migrons pas les deux ordinateurs du secrétariat, parce que c’est notre seule manière de communiquer avec le conseil de communauté autonome : via Internet Explorer, lequel ne fonctionne bien entendu que sur les systèmes Windows.

Quand tu as envisagé la migration suite à l’obsolescence de Windows XP, je suppose que tu as envisagé la possibilité de passer au système d’exploitation Windows 8. As-tu subi un quelconque type de pression de la part du collège ou du conseil pour que, parmi les différentes alternatives envisagées, tu optes pour Windows 8 ? La question vaut aussi pour Windows 7.

Le processus de migration s’est décidé lors de l’annonce de la fin du support et des mises à jour de Windows XP de la part de Microsoft pour cause d’obsolescence. Au collège le principal problème au niveau de la sécurité concerne la transmission des malwares via des dispositifs amovibles de stockage, parce que les gens fonctionnent principalement avec des clefs USB pour le transfert de documents, c’est un authentique incubateur de virus. Il y a quelques années nous avons eu un grave problème dû à un malware qui se transmettait par les clés USB et qui avait échappé aux mailles de l’antivirus de notre collège ; ça a été la folie jusqu’à ce que nous arrivions à tout éradiquer.

Je n’ai pas subi de pression, j’ai eu beaucoup de liberté et en me demandant quelle direction prendre face au problème qui se présentait à nous, je leur ai dit qu’on ne pouvait plus continuer avec XP. Mon premier choix a été de changer pour Windows 7 qui fonctionnait bien, ils m’ont donné leur accord et nous avons demandé un devis. La surprise a été que Windows 7 avait déjà été supprimé du catalogue et que Microsoft ne fournissait déjà plus de licences pour ce logiciel.

On ne peut déjà plus l’acheter ?

Tu ne peux plus l’acheter, Windows 7 n’est plus en vente. Et bien sûr en version piratée tu ne peux pas l’installer pour toutes les raisons que j’ai citées précédemment, au delà des questions légales. Nous avons donc demandé au fournisseur un devis pour la migration vers Windows 8, qui s’est avéré complètement hors de prix : environs 12.000€ pour changer toutes les licences, c’est à dire la moitié du budget du collège pour toute l’année scolaire. C’est ingérable pour un centre éducatif. Et ce prix inclut la remise de 50% pour l’éducation.

L’interface en mosaïque proposée par Windows 8 avec Métro n’est pas non plus adéquate pour un environnement d’enseignement. L’interface avec laquelle tu travailles qui te met la météo de la région de León, l’horoscope et les dernières nouvelles. Cela n’a aucun sens au sein d’une classe. Windows 8 pour l’éducation n’est absolument pas viable selon moi. Il ne me paraît pas utile. De plus les ordinateurs n’ont pas la capacité de faire tourner cette version de manière fluide et en ajoutant la mise à jour du matériel pour migrer avec succès aux nouvelles versions de Windows 8, le budget aurait pu tranquillement monter à 25.000€. Le collège était disposé à le financer si nous n’avions aucun autre recours et c’est là que je leur ai proposé de passer au logiciel libre.

Combien coûte une seule licence Windows 8 pour le collège ? Il pratiquent des remises?

120 € avec la remise de 50% pour l’éducation. Incroyable.

Beaucoup d’administrations d’Espagne appuient et promeuvent le logiciel libre, tu connais la position du conseil de la communauté autonome de Castilla León à ce sujet ? ” Le conseil appuie le logiciel libre à 0 %. Ils ne veulent rien savoir là-dessus. Nous sommes David contre deux Goliath : le conseil de Castilla León et Microsoft.

Quelles autres alternatives as-tu étudiées pour la migration ?

Au vu du matériel, j’ai aussi testé Xubuntu et Lubuntu. Lors de la publication par Canonical de la première version Alpha de Ubuntu 14.04, je l’ai essayé sur l’ordinateur le plus ancien, Unity étais complètement fluide alors j’ai installé Ubuntu 14.04 sur les autres.

Quel est le plus gros avantage d’utiliser Ubuntu au collège ? Pourquoi Ubuntu et pas d’autres distributions ?

Le plus grand avantage c’est que dans le collège toute la communauté associe déjà le logiciel libre à Ubuntu, tous connaissent Ubuntu et en ont entendu parler à un moment ces dernières années.

L’autre grand avantage est le support de pilotes que propose Ubuntu. J’ai essayé beaucoup de distributions et aucune ne propose un support aussi important. Pour une centaine d’ordinateurs de configurations matérielles diverses on ne voulait pas avoir de problème avec le fonctionnement de la carte graphique, de la carte audio, de la connexion réseau… Nous avions besoin d’une distribution qui fonctionne à 100% dès le début sur tous les ordinateurs.

As-tu rencontré un problème concret pour choisir Ubuntu ?

Oui, les gens. Les gens sont réticents à changer pour Linux. Ils sont réticents à changer en général. « Et ça comment ça va m’affecter ? » Je leur réponds que ça ne va pas fondamentalement les affecter, qu’ils vont pouvoir continuer à effectuer leurs tâches de la même façon, voire de façon plus efficace. La suite bureautique LibreOffice peut leur donner quelques problèmes parce que tout le monde fonctionne avec Microsoft Office et lors de l’import de documents des dernières versions l’apparence change et ça les rends fous. Mais ça ne me préoccupe pas beaucoup, nous avons un bon support au collège !

un libriste espagnol qui migre son collège vers ubuntu

Quel sera le coût économique de migrer vers Ubuntu ? Vous avez envisagé de payer le support officiel de Canonical ? Pourquoi ?

Pour le moment nous ne pensons pas payer le support officiel, même si cela pourrait être une bonne option. Le coût réel est de 0€, vu que nous allons l’installer nous-mêmes.

100 ordinateurs représentent beaucoup d’équipements. Auront-ils tous la même configuration ? Comment allez-vous faire ?

Nous allons faire une ISO spécifique pour le collège en unifiant certaines choses. Pour ceux qui sont sur le même réseau, nous les installeront par le réseau… et ceux qui ne le sont pas, nous les installerons un par un.

Combien de temps va prendre la migration ?

Environ 2 mois.

Avez-vous des problèmes de pilotes avec les tableaux numériques interactifs ?

Oui, nous avons des problèmes, mais Hitachi nous donne le code source et c’est beaucoup plus simple. Il y a un groupe d’un autre collège de Barcelone emmené par Francisco Javier Teruelo qui nous aide beaucoup sur ce sujet avec l’idée finale de créer un paquet d’installation pour tout automatiser.

En plus du gain économique, que gagneront le corps professoral, les élèves et les parents avec Ubuntu? Y a-t-il un avantage par rapport à l’utilisation de Windows 8 ?

Ce qu’ils vont gagner c’est la tranquillité à 100%, surtout en supprimant tous les malwares qui pullulaient, ce qui au collège devient une véritable paranoïa. La conversation typique du collège ressemble à ceci :

— Tous les ordinateurs sont remplis de virus. — mmmh attends, avec ton ordinateur à la maison, depuis combien de temps tu n’as pas actualisé l’antivirus ? — Je ne sais pas. J’ai acheté l’ordinateur et l’antivirus était livré avec, je n’y ai plus jamais touché. — Et il a quel âge ? — Six ans — Ok, donc d’où viennent tous les virus du collège ? De ton ordinateur.

Au collège nous avons un antivirus totalement actualisé et même comme ça nous avons le problème dont je te parlais de contagion par USB.

Plus d’avantages ? La rapidité du réseau. Suite à la récente migration à la fibre optique et la configuration du réseau en Gigabit, tout va être beaucoup plus rapide et encore plus avec Linux. Parce que sincèrement, je ne sais pas ce que fait Windows, mais il ralentit n’importe quel réseau de 10% à 15% en comparaison d’un réseau fonctionnant avec Linux. Ou alors la NSA nous espionne…

On nous a dit que les professeurs étaient un peu réfractaires au changement, les élèves aussi ?

Les élèves sont intéressés. Les enfants sont curieux par nature. Parmi eux il y a une culture pro-Linux. Au fil des ans j’ai réussi à faire germer l’idée que Linux « déchire », qu’il est utilisé par les gens qui ont un réel intérêt pour l’apprentissage et la connaissance du fonctionnement réel des choses et les jeunes sont très attirés par cette idée. Ils ne sont en rien réfractaires au changement. Ils recherchent la nouveauté et le changement.

On dirait que l’initiative citoyenne a des années-lumière d’avance sur l’administration, surtout en lisant des nouvelles qui disent que l’Administration migrera vers Windows 8 sans appel d’offre. Que dirais-tu à tous ceux qui disent qu’une migration vers Ubuntu est complexe, aussi onéreuse que vers Windows 8, non viable ou mille autres boniments ?

Boniment, tu l’as dit. La phrase exacte est « boniments vendus par la propagande des grandes multinationales ». Ces circonstances que tu viens de citer c’est ce que te vend Microsoft, qui a fait une publicité subliminale impressionnante pour te faire voir que ce qui est bien c’est Windows. Windows m’a apporté mille problèmes pendant des années sur les ordinateurs du collège avec son manque de support pour les vieilles cartes ATI. Avec Linux, tu as beaucoup plus de compatibilité sur du vieux matériel. Tout est plus simple.

En ce qui concerne le coût, qu’ils ne viennent pas nous en parler. Nous sommes passé de 12.000€ à 0€. Parce que nous l’installons nous-mêmes, et si nous ne l’avions pas installé il aurait fallu faire appel à une société pour l’installation, mais celle-ci ne nous aurait pas facturé 12 000€ pour l’installation, loin de là.

S’il avait fallu employer une entreprise ça aurait également créé de l’emploi local.

Tout à fait. Beaucoup mieux. Tu aurais des gens qui travaillent dans ton entourage et pas qui touchent des aides par manque d’emploi.

La fin du support a-t-elle servi à se demander quelles seront les prochaines technologies qui seront utilisées, avec l’objectif d’être plus ouvertes et moins dépendantes d’une société en particulier ?

C’est sûr. Tout est bon pour envisager d’autres alternatives technologiques. Un article dans le Quotidien de León sur cette migration a suscité beaucoup d’intérêt dans notre entourage. Voir qu’il existe d’autres alternatives. Bien supérieures et avec une philosophie ouverte du partage d’égal à égal. Linux a commencé à s’associer à l’avant-garde… grâce au travail de toute la communauté. Android a aussi fait beaucoup de bien à Linux. Bien que ce ne soit pas une alternative 100% libre, les gens entendent parler de LINUX. Leur téléphone fonctionne très bien et ça c’est bien !

Quand j’étais petit, il y avait un ordinateur par foyer, avec de la chance. J’avais une vraie passion pour les films comme WarGames, Internet n’existait pas et je lisais avec ferveur les peu de revues qui racontaient comment les vrais hackers volaient du temps de travail pour programmer les gros ordinateurs de leurs universités… Maintenant nous avons facilement 2 ordinateurs par personne, une tonne de documentation, un accès bien plus facile à la technologie… Les vrais natifs numériques sont les élèves d’aujourd’hui… Ont-ils cet intérêt que nous avions dans le temps pour l’informatique ? Tu les crois passionnés par Ubuntu ? Ils l’utilisent chez eux ?__

Oui. C’est vrai que maintenant beaucoup plus de gens se servent de l’informatique et c’est beaucoup plus accessible, mais le niveau d’utilisation est plus superficiel. Quand nous étions petits nous approfondissions beaucoup plus, je me souviens que j’avais un manuel de 300 pages sur MS-DOS avec les commandes et je l’étudiais parce que j’adorais ça. Maintenant c’est impensable. La majorité des enfants utilisent surtout les réseaux sociaux, il ne s’agit pas de l’intérêt pour l’informatique en soi que nous avions. C’est un intérêt focalisé sur les applications. Je dois reconnaître qu’avec le 8086 je jouais à Monkey Island, mais si tu avais un problème avec le son tu devais te débrouiller pour trouver ce qu’il se passait. Maintenant si quelque chose ne fonctionne pas, ils changent d’appareil.

Disons qu’avant ils étaient là par choix et qu’aujourd’hui ils sont là par obligation…

Aujourd’hui c’est parce qu’ils l’ont et comme ils l’ont, ils l’utilisent. Nous avons un peu perdu l’esprit des « pionniers » que nous avons connu.

J’ai pourtant vérifié in situ avec le Linux & Tapas à León où beaucoup de tes élèves sont venus, qu’ils ont une réelle passion pour le logiciel libre…

Oui, c’est vrai qu’à eux autant qu’à d’autres j’ai toujours essayé de montrer les bienfaits de l’utilisation de systèmes libres… de leur faire voir que la voie, c’est le partage avec les autres, l’entraide. La philosophie Ubuntu dans un système éducatif est fondamental. A la fin de l’année scolaire, j’ai toujours une dizaine d’élèves qui l’installent pour leur propre compte, autant que je sache.

Merci beaucoup Fernando d’avoir partagé avec nous cette expérience et bonne chance pour la migration.

Article sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0