Les Connards Pro™, le système qui enferme les cons–
–sommateurs. Qui enferme les consommateurs. Ce dernier épisode inédit des Connards Professionnels™ vous explique les forces du capitalisme de surveillance, mais aussi ses faiblesses, et comment les consommateurs pourraient s’en émanciper (ce qui fait très très peur à nos chers Connards™).
L’ultime épisode inédit des Connards Pros™ sur le framablog !
Toute bonne chose a une fin, nous publions donc aujourd’hui le dernier des 4 épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
Le Guide du Connard Professionnel est un livre-BD scénarisé par Pouhiou et dessiné par Gee, placé dans le domaine public volontaire. Nos comparses viennent d’ailleurs de le publier en un joli livre, qui se télécharge librement mais s’achète aussi dans sa version papier si vous voulez soutenir les auteurs.
Réservez votre place pour la conf théâtralisée (8 déc. à Paris)
L’épisode que vous allez voir aujourd’hui est une adaptation de la conférence théâtralisée où les Connards Professionnels vulgarisent le Capitalisme de Surveillance et l’économie de l’attention.
Appuyez sur play pour voir l’extrait de la conférence correspondant à cet épisode
Depuis cette captation, Gee et Pouhiou ont intégralement retravaillé le texte de cette conférence théâtralisée, afin de le rendre moins dense, plus entraînant, bref : plus facile à aborder pour des personnes qui ne se passionnent pas forcément pour le numérique éthique !
Si les comparses comptent faire tourner cette conférence théâtralisée, nous n’avons pour l’instant que deux dates de programmées pour cette version Deluxe, Remasterisée, avec 13,37 % de connardise en plus garantie. Cela se passera sur Paris :
Nous espérons qu’il y aura des captations vidéos mais surtout d’autres représentations de cette conférence théâtralisée.
En attendant, voici le dernier épisode du guide, intitulé :
22. Conclusion : le SWOT de la connardise
Si vous regardez bien le capitalisme de surveillance, vous devez vous dire que ce système que j’ai peaufiné depuis des années est parfait.
Et vous avez raison, merci.
Pourtant, ce n’est pas parce qu’il est parfait qu’il est éternel. Pour qu’un système soit durable et résilient, il n’est pas inutile de revenir aux outils transmis en première année d’école du commerce, et de lui appliquer un bon vieux SWOT des familles.
Analysons donc ensemble les forces et faiblesses intrinsèques au capitalisme de surveillance (Strenghts and Weaknesses) ainsi que les opportunités et les menaces extérieures (Opportunities and Threats) dont nous devons nous préoccuper.
Une des grandes forces de ce système, c’est qu’il est très systémique : c’est-à-dire que tout se tient.
Ainsi, le pognon permet d’acheter de nouvelles technologies, pour capter plus de comportements, pour augmenter son influence culturelle et politique ce qui in fine rapporte plus de pognon.
C’est le cercle vertueux du capitalisme : tant qu’il y a des cons à essorer, y’a du liquide à se faire.
Or avec la surveillance par le numérique, l’essorage atteint des vitesses record. Parce que bon, mon papy, du temps béni de la Stasi, il gagnait déjà sa vie honnêtement en fichant ses congénères. Mais papy (respect et dividendes à lui ✊🤌) il fichait à la main, à l’ancienne : il faisait dans l’artisanal.
Si on compare son travail avec le fichage réalisé par la NSA aujourd’hui, on se rend compte que les services secrets des champions de la liberté sont beaucoup plus efficaces que ceux de la RDA.
L’autre force de ce système, c’est qu’il a désormais l’allure d’une évidence, d’une fatalité, d’une des lois naturelles qui régissent notre monde.
Car si l’informatique est partout et que ce que l’on code fait force de loi, alors pour contrôler le monde, il suffit de contrôler les petits cons qui codent.
Du coup, dès qu’on a un peu de pognon, on peut les acheter, les gamins. Et si vous ne voulez pas qu’ils se posent trop de questions sur les conséquences de ce qu’ils sont en train de coder, j’ai un secret : la méthode Agile.
Une des faiblesses qui existent dans notre beau système, ce sont ces va-nu-pieds en sandales bio qui prônent « l’hygiène numérique ».
Quand on leur donne le choix de la liberté entre Google Chrome, Apple Safari ou Microsoft Edge… ces salopiauds répondent « Firefox, parce que c’est pas fait pour le pognon ».
Quand on fait en sorte que leur téléphone Android ne soit plus qu’un gros capteur Google avec option agenda, ces malotrus répondent « non, j’ai un téléphone dégooglisé grâce à Murena ».
Heureusement qu’ils ne sont que quelques poignées d’hurluberlus, car ne nous cachons rien : c’est dégoûtant, l’hygiène numérique.
Une autre faiblesse que l’on doit éradiquer au plus vite : les bloqueurs de pub. Car la pub, c’est la base, c’est notre gagne-pain ! Sans la pub, tout le beau système de connard que j’ai construit s’effondre.
Or j’ai fait des efforts contre les bloqueurs de pubs. D’abord j’ai fait de la pédagogie pour bien faire rentrer dans le crâne des cons que bloquer la pub, c’est méchant. Que ça enlève le pain de la bouche des gratte-papier, qu’il faut que monde accepte de se javelliser le cerveau, sinon c’est tirer une balle dans le ventre creux des pauvres journaleux…
Puis j’ai carrément connardisé Adblock Plus. Pour bien expliquer aux cons : vous voulez bloquer la pub, prenez notre bloqueur de connards, c’est celui qui est le plus marketé, et promis : il ne laissera passer que la gentille pub.
Mais non : il se trouve toujours des hygiénistes dégoûtants pour dire aux cons d’installer Ublock Origin.
Heureusement, il reste de belles opportunités dans ce système de connard. Ainsi, la position de monopole permet de réécrire ce que doit être le numérique dans la tête des cons.
Ainsi, si vous dites « je veux une plateforme de diffusion de vidéos » à un informaticien, il pensera à PeerTube : un outil efficace pour faire un site où on peut créer des comptes, y mettre ses vidéos et les partager avec le reste du monde, sans avoir besoin d’une ferme de serveurs.
Mais si vous dites la même chose à un consommateur, il pensera monétisation, publicité, recommandations, suite du programme, émissions régulières… Bref, il pensera à une chaîne de télé, parce que c’est comme ça que fonctionnent les monopoles du domaine, à savoir YouTube et Twitch.
Une autre opportunité, c’est d’exploiter encore plus le petit personnel politique. Non parce qu’ils y prennent goût, à mes gros jeux de données. Ils ont bien compris que cela augmente la taille de leur petit pouvoir.
Car le pouvoir, c’est un peu comme le pognon : plus on en a, plus on en veut.
De fait le petit personnel politique, ça fait quelques piges qu’ils nous pondent deux lois sécuritaires par an. À vouloir copier mon beau modèle, ils finissent par le légitimer, et nous ouvrir la fenêtre des possibles.
Cependant, le Capitalisme de Surveillance est sous le coup de plusieurs menaces qui pourraient égratigner mon beau système : il s’agit donc de ne pas les ignorer.
En gros, ces menaces, ce sont tous les paltoquets, saligauds et autres pignoufs d’hygiénistes du logiciel libre, de l’anti-pub ou l’anti-surveillance… mais quand ils se multiplient entre eux.
Non parce que moi les libristes, tant qu’ils sont 15 dans leur slip en raphia, à se battre entre eux pour savoir si « Vim ou Debian », « Ubuntu ou chocolatine »… ça ne m’affole pas le pacemaker.
D’ailleurs, j’ai même essayé de récupérer leur mouvement d’un coup de rebranding. J’ai viré tous leurs bons sentiments politiques de « ouiiiii il faut que l’humain maîtrise l’informatique, il faut partager le savoir sous forme de communs », j’ai gardé la méthode de production, et j’ai collé un nom angliche qui pète bien : l’open source.
Alors ça a bien réussi, mon coup : l’open source est partout, le logiciel libre n’a plus une thune et est exsangue… Malgré ces efforts, tu as toujours des faquins de bisounours du code qui essaient de sortir du droit chemin des plateformes géantes.
Et voilà qu’ils te codent des PeerTube, des Mastodon, des Mobilizon, des NextCloud… des logiciels décentralisés que n’importe quel excité du clavier peut installer sur un serveur pour créer un cloud autonome, auto-géré, et synchronisé avec le reste de leur univers fédéré.
Non mais si ça prend leurs bêtises, les cons vont fuir les belles plateformes centralisatrices des géants du web pour aller héberger leurs vies numériques chez plein de petits hébergeurs à qui ils font confiance.
Une autre menace potentielle au capitalisme de surveillance, ce sont les associations qui s’organisent pour montrer les conséquences et les rouages de mon beau système.
Et que je peux pas vendre mes drones de surveillance à la police sans que La Quadrature du Net ne s’en mêle, et que je peux pas signer un contrat juteux entre Microsoft et l’Éducation Nationale sans que l’April ne gueule…
Or le capitalisme de surveillance est pudique : si l’on montre ses dessous, il devient timoré et peut presque (j’en frémis…) s’enfuir.
Alors certes, ces menaces sont réelles, mais pour qu’elles commencent à me faire peur, il faudrait que les cons se renseignent, se prennent en main, et rejoignent par milliers les zigotos qui font des associations d’utopistes : bref, faute de lutte collective à lui opposer, mon système de connard a de beaux jours devant lui.
C’est pourquoi, cher apprenti connard (et, ne nous interdisons aucune modernité : « chère apprentie connasse ») mon dernier mot sera pour toi : la balle est dans ton camp. Moi, c’est bon, j’ai construit mon bunker pour trinquer au frais lorsque le monde va cramer. Je te confie donc mon beau système.
C’est à toi désormais de prendre la relève. Ta mission, c’est de te sortir les doigts du fion, et de connardiser le digital pour que perdure le capitalisme de surveillance.
Les Connards Pro™, exploiter les données des cons–
–sommateurs. Les données des consommateurs. Ce nouvel épisode inédit des Connards Professionnels™ vous explique à quoi cela sert de capter un maximum de données, comment manipuler les masses, et ainsi comment gagner au grand jeu du capitalisme de surveillance.
Le retour des Connards Pros™ avec des épisodes inédits !
Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
Le Guide du Connard Professionnel est un livre-BD scénarisé par Pouhiou et dessiné par Gee, placé dans le domaine public volontaire. Nos comparses viennent d’ailleurs de le publier en un joli livre, qui se télécharge librement mais s’achète aussi dans sa version papier si vous voulez soutenir les auteurs.
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Pour réussir à votre tour dans la profession de consultant en connardise, vous pouvez :
lire les 22 épisodes du guide (dont 4 inédits) sur le site connard.pro, remis à neuf pour l’occasion ;
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L’épisode que vous allez voir aujourd’hui est une adaptation de la conférence théâtralisée où les Connards Profesionnels vulgarisent le Capitalisme de Surveillance et l’économie de l’attention.
Appuyez sur play pour voir l’extrait de la conférence correspondant à cet épisode
Depuis cette captation, Gee et Pouhiou ont intégralement retravaillé le texte de cette conférence théâtralisée, afin de le rendre moins dense, plus entraînant, bref : plus facile à aborder pour des personnes qui ne se passionnent pas forcément pour le numérique éthique !
Si les comparses comptent faire tourner cette conférence théâtralisée, nous n’avons pour l’instant que deux dates de programmées pour cette version Deluxe, Remasterisée, avec 13,37 % de connardise en plus garantie. Cela se passera sur Paris :
Nous ignorons s’il y aura des captations vidéos, donc nous vous conseillons vivement de réserver en signalant votre présence sur les événements Mobilizon ci-dessus (ou de les contacter, par email : leur pseudo chez connard point pro, pour voir à quelles conditions les faire venir près de chez vous !)
En attendant, voici un nouvel épisode du guide, intitulé :
21. Que faire de l’attention des cons ?
La pensée de connard systémique a ceci de beau qu’elle permet d’exprimer sa connardise à tous les niveaux.
Qu’il s’agisse de manipuler le langage en faisant passer des comportements sociaux pour des « données personnelles », de manipuler les consommateurs pour qu’ils nous offrent leurs interactions sur un plateau et se mettent à haïr le respect de leur consentement… Tout cela demande un soin du détail que seul un maître connard peut offrir.
Si vous réussissez cette première étape, bravo, vous êtes devenu Éleveur-Entrepreneur, responsable d’une belle usine qui gère 15 bestiaux au mètre carré. Et les cons dans tout ça…? Ben c’est le bétail !
En bon éleveur, vous l’avez gavé de votre foin attentionnel, produit localement par d’autres bestiaux (les créateurs de contenus), et enrichi à la pub. C’est ainsi que vous le trayez régulièrement pour avoir de bon gros jeux de données comportements tout frais.
Cependant, chacun son métier : vous êtes fermier, pas boucher ni fromager. Donc ces comportements tout frais, vous allez les confier au Marché. Ça tombe sous le sens.
Dans le milieu, ceux qui transforment les datas, ce sont les courtiers de données. Et si vous les regardez attentivement, ils ont tous une tête à s’appeler Adam. Ne me demandez pas pourquoi : c’est la loi du Marché.
Avoir de beaux jeux de données croisés entre plusieurs sources, c’est donc avoir des informations très précises sur les cons, leurs futurs votes, leurs futurs crédits, leurs futures baises, leurs futurs achats…
Alors qu’est-ce qu’on leur fourgue à tous ces consommateurs qu’on connaît si bien, comme si on les avait espionnés ? C’est quoi la base, le pain quotidien de tout connard digital ? C’est quoi le gras qui huile les rouages de notre système et arrondit nos ventres insatiables, hein…? C’est… la publicité.
La publicité, tout le monde y goûte, tout le monde en dépend. On a aiguisé les esprits, on a filé des arguments à gauche comme à droite, bref : la publicité, c’est inattaquable.
Alors la publicité c’est bien, mais ce n’est qu’une base à partir de laquelle on va commencer à élever le niveau de la connardise.
Ainsi, si on veut sortir des techniques de gagne petits de la data, ce qui marche bien en ce moment c’est d’aller vendre du consommateur aux banques et aux assurances.
Il faut dire que vu le pognon qu’elles brassent, ces entreprises n’aiment pas beaucoup le risque. Donc quand nous on se pointe devant elles avec des comportements tout frais, tout croisés, tout prédictibles… Pour elles c’est les moissons, Noël et la chandeleur en même temps… bref : c’est la fête du blé.
Quand votre niveau de pognon engrangé commence à faire honneur à votre niveau de connardise, et qu’au passage vous vous êtes faits quelques amis dans la finance… c’est le moment de passer aux choses sérieuses.
Par exemple en commençant à vous faire ami-ami avec les états en leur vendant vos services. Alors ils appellent ça « partenariat public-privé », mais pour nous c’est juste un moyen de leur vendre à prix d’or de quoi mieux espionner leurs cons à eux (ils appellent ça des contribuables, mais en bons connards nous ne jugeons pas : chacun ses perversions).
L’objectif, ici, c’est d’arriver à augmenter votre degré de connardise, améliorer votre influence et vos connaissances dans les services de l’État, pour finir par aller prendre le pognon chez ceux qui le captent le mieux : les politiques.
On l’a vu avec Cambridge Analytica, influencer des élections, telles que le Brexit ou l’accession de Trump au trône, c’est simple comme une pub Facebook. Encore faut-il trouver des laquais pour rémunérer pour notre connardise.
Or, les hommes et femmes politiques, c’est en quelque sorte notre petit personnel à nous. Un qui l’a bien compris, c’est le milliardaire Steve Bannon (respect et dividendes à lui ✊🤌), qui a commandité à Cambridge Analytica des expériences scientifiques pour trouver comment manipuler en masse les étatsuniens, puis qui a appliqué les résultats avec ses sites de propagande tels que BreitBartNews.
De moindres connards s’arrêteraient là, satisfaits d’avoir influencé des états, et la conscience politique de nations entières. Mais ce serait louper le coche, le point d’orgue, l’apogée d’une carrière de connard professionnel : la capacité d’influencer une culture toute entière.
Les champions sur la question, c’est Google. À l’époque où « blogosphère » était un mot moderne, ils ont inventé le score des blogs, le « blog rank », qui te permet de grimper dans les recherches Google. Pour faire grimper ton blog rank, il fallait faire grimper toutes les statistiques… mises en avant par Google.
Bref, il fallait souscrire à la course au clic. C’est ainsi que tout le monde s’est mis à écrire de la même manière, le fameux « web rédactionnel », qui fait que vous pouvez pas lire deux paragraphes tranquille sans qu’un truc vous saute aux yeux.
Le blog rank, et plus tard les affichages des visites avec Google Analytics, c’est au cœur de la méthode de Google. Donner des outils statistiques aux personnes qui créent et publient du contenu, et leur afficher bien en gros les courbes des statistiques qui intéressent Google et ses annonceurs.
Il n’en faudra pas plus à un homo numéricus normalement constitué : il n’aura plus d’autre envie que de voir les chiffres grossir.
C’est ce qu’il s’est passé avec le phénomène des YouTubers. Grâce à ses manipulations statistiques, Google a transformé une bande de joyeux drilles qui se croyaient revenus au temps des radios libres, en de jolies marionnettes, bien soumises au sacro-saint algorithme.
–sommateurs. Les données des consommateurs. Cet épisode inédit des Connards Professionnels™ vous invite à découvrir le monde merveilleux du capitalisme de surveillance, où l’on donne ce qui nous est le plus personnel : notre attention.
Le retour des Connards Pros™ avec des épisodes inédits !
Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
Le Guide du Connard Professionnel est un livre-BD scénarisé par Pouhiou et dessiné par Gee, placé dans le domaine public volontaire. Nos comparses viennent d’ailleurs de le publier en un joli livre, qui se télécharge librement mais s’achète aussi dans sa version papier si vous voulez soutenir les auteurs.
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Pour réussir à votre tour dans la profession de consultant en connardise, vous pouvez :
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réserver votre soirée sur une des deux représentations d’une version remaster deluxe edition de leur masterclass « Capter et exploiter l’attention des cons– »
En attendant, voici un nouvel épisode du guide, intitulé :
20. Capter l’attention des cons
Ce que l’on apprend lorsqu’on expérimente sur les humains, c’est que ce n’est qu’une première étape. C’est un marchepied, en quelque sorte, qui vous le mettra à l’étrier d’une aventure à laquelle tout Connard dans l’âme se doit d’aspirer : manipuler une culture, une civilisation entière.
Pour ce faire, il vous faudra œuvrer à façonner un système si complexe, si ingénieux, si empreint de tout votre art que tout apprenti connard ne pourra que vous considérer comme un Maître.
Le chef-d’œuvre qui m’a pris tout mon temps, durant ces quelques années de hiatus, a été nommé par des spécialistes le : « Capitalisme de surveillance ».
Il va de soi qu’un système aussi raffiné se doit d’être exhaustif et intègre. Il est ici nullement question de créer une mécanique dont moi et les miens serions exempts. Cela indiquerait aux rouages de ce système qu’ils pourraient s’en extraire, rendant tout le système caduc dès le départ.
Or, si l’on pense en bon connard, un bon système est un système où l’on se soustrait à toutes les contraintes, souffrances et autre pénibilités… en les faisant ruisseler sur autrui. Dans un système de type capitaliste, l’astuce consiste à être riche, pour se nicher au sommet de la pyramide, quitte à chier sur les épaules de ceux d’en dessous.
Ainsi, seuls les pauvres seront affectés par la pénibilité du système. Or, ne nous le cachons pas, ils l’ont bien mérité : ils (ou, pour user de leur argot vernaculaire : « iels ») sont pauvres.
Tout comme il est inutile de deviner qui de la poule ou de l’œuf… Ne perdons pas de temps à savoir qui était là en premier : la pauvreté ou la bêtise. Le fait est qu’il s’agit d’un cycle naturel où l’un entraîne l’autre.
C’est en profitant de ce cercle vertueux que j’ai pu imposer à la populace mes termes, mon vocabulaire. C’est ainsi grâce à ma connardise que l’on parle communément de « données personnelles ».
C’est intéressant d’appeler nos comportements des données. Cela fait penser à quelque chose que l’on donne. Comme si le commun des consommateurs avaient le pouvoir. Le choix. La responsabilité de leurs données.
En tant que connards professionnels, il ne faut jamais laisser nos cibles penser avec leurs propres mots : cela pourrait leur donner des idées. Ainsi, n’oublions pas que dans « données personnelles », j’ai ajouté le mot personnelles.
Voilà que le consommateur moyen va se dire que ses comportements sont ses données à lui, presque sa propriété. D’un simple mot, j’isole cette personne, je le condamne à être un individu, séparé des autres individus, ne pouvant plus s’allier à eux pour remettre collectivement en cause mon beau système.
Or, si l’on regarde d’un pur point de vue technique, le web a été fait par et pour des animaux sociaux, et n’existe que pour faire du lien. Aucun de vos comportements ne concerne que vous, ils racontent votre rapport aux autres, aux choses, au monde.
De votre date de naissance (qui indique ce que faisaient, ce jour-là, les corps qui vous ont fait naître), à votre géolocalisation (qui indique qui vous allez voir, avec qui, et souvent pourquoi), vos comportements sont quasi exclusivement sociaux.
De ces comportements sociaux, on peut très vite déduire un portrait assez fin de chaque personne dans sa relation aux autres. Dans le jargon, on appelle cela un « graphe social ».
Vous avez certainement, sur votre smartphone, des applications qui ont accès à votre carnet de contact (elles vous remercient, d’ailleurs). Ce qui signifie que si vous tournez autour d’un nouveau crush, cette application saura quand vous rentrez son 06 dans vos contacts.
Si, par ailleurs, j’ai accès à un autre fichier qui note la géolocalisation de téléphones identifiés par leur numéro, je peux donc savoir qui tourne autour de qui, quand est-ce que les téléphones passent la nuit ensemble et donc à quel moment leur faire afficher des publicités pour des sous-vêtements affriolants, des préservatifs ou des pilules du lendemain.
C’est bien là l’avantage des comportements sociaux : on peut noter ce que l’on veut sur qui l’on veut, car même les personnes qui n’ont pas de smartphone ou de comptes sur les plateformes ont des amis qui en ont.
Notez bien cependant qu’il est important de respecter la loi comme un connard. Ainsi, puisqu’en France il est interdit de ficher les opinions politiques ou orientations sexuelles, je m’interdis scrupuleusement de ficher quiconque comme « votant à droite » ou comme « pédé comme un sac à dos ». Par contre, j’ai beaucoup de monde dans les cases « souhaite la réduction de ces charges qui nous étouffent » et « intéressé par la culture gaie ».
Ne désespérons pas : la route est longue mais la loi change, et même un pas après l’autre : on avance. Récemment, le fichage des opinions politiques et orientations sexuelles a été autorisé à la police française. C’est là un signe d’espoir qui nous permet de rêver.
Il faut dire que, à l’instar de la délation et de la collaboration, le fichage est une tradition culturelle forte. Pour le web, cela a commencé avec les cookies. Le principe de base était simple : des nerds et des gratte-papier faisaient des sites web qui attiraient l’attention de gens, qui consommaient les contenus.
Les premiers connards du web s’en sont rendu compte, et sont allé à la source. Tiens petit nerd qui se dit webmestre, tu veux des belles statistiques pour savoir ce qui est lu ? Voici Bastards Analytics, tu le mets sur ton site web et ça ajoute juste un petit cookie. Et toi, gratte-papier, tu veux des jolies polices d’écriture pour ton blog ? Alors utilise mes Bastards fonts, y’aura juste un cookie, mais ce sera tellement joli.
Et puis… puis ça a explosé. Les cookies de mes copains installaient mes cookies, les pisteurs se partageaient des données entre eux… Ah, ça ! Quand on a pas connu on ne se rend pas compte, mais aux débuts du web marchand, y’en avait partout, c’était beau, c’était… hyper communautaire, en fait.
Et c’est là qu’est arrivée la tuile. LE truc que nos lobbyistes n’ont pas pu dérailler.
RGPD.
Il fallait demander aux consommateurs leur consentement, comme s’ils savaient ce qui est bon pour eux ! Alors oui, bien sûr, au début c’était la tuile, mais cela fut en fait un bon défi de connard. Comment faire en sorte que les consommateurs détestent le consentement au moins autant que nous ?
On peut vous dire que pour arriver à un tel résultat, y’a des années d’expérience et (oui, osons le mot) du talent.
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L’afflux récent d’inscriptions sur Mastodon, sous forme de vague inédite de cette ampleur, a largement retenti dans les médias.
Beaucoup se sont penchés sur le réseau social fédéré avec une curiosité nouvelle, pour expliquer (parfois de façon maladroite ou fragmentaire, mais c’est habituel1) de quoi il retourne aux nombreux « migrants » qui ont réagi vivement à la prise de contrôle de l’oiseau bleu par E. Musk.
L’événement, car c’en est un tant les réseaux sociaux sont devenus un enjeu crucial, a suscité, et c’est tout à fait sain, beaucoup d’interrogations, mais souvent selon une seule perspective : « Vous venez de l’oiseau qui a du plomb dans l’aile, que pouvez-vous trouver et que devez-vous craindre en vous inscrivant sur Mastodon ? ». Et en effet cela répond plus ou moins à une forte demande.
Cependant il nous est apparu intéressant d’adopter le temps d’un article une sorte de contre-champ : « que peuvent espérer ou redouter les mastonautes (ben oui on peut les appeler ainsi) avec de massives nouvelles arrivées ? »
C’est ce que propose d’analyser Hugh Rundle dans le billet que nous avons traduit ci-dessous. Il connaît bien Mastodon, dont il administre une instance depuis plusieurs années. Sa position pourra sembler exagérément pessimiste, car il estime qu’il faudra faire le deuil de Mastodon tel qu’on l’a connu depuis les débuts du Fédiverse. Qui sait ce qu’apporteront les prochains mois à la fédération de serveurs minuscules ou obèses qui par leur interconnexion fédèrent des êtres humains, hors de portée du capitalisme de surveillance ? Comme d’habitude, les commentaires sont ouverts et modérés.
Cette fois, on dirait bien que c’est arrivé. Alors que les sites d’information commençaient à annoncer qu’Elon Musk avait finalisé l’achat de Twitter, l’éternel septembre du Fediverse – espéré et redouté en proportions égales par sa base d’utilisateurs existante – a commencé.
Nous avons déjà connu des vagues de nouvelles arrivées – la plus récente au début de cette année, lorsque Musk a annoncé son offre d’achat – mais ce qui se passe depuis une semaine est différent, tant par son ampleur que par sa nature. Il est clair qu’une partie non négligeable des utilisateurs de Twitter choisissent de se désinscrire en masse, et beaucoup ont été dirigés vers Mastodon, le logiciel le plus célèbre et le plus peuplé du Fediverse.
Deux types de fêtes
À Hobart, à la fin des années 1990, il y avait essentiellement trois boîtes de nuit. Elles étaient toutes plus ou moins louches, plus ou moins bruyantes, mais les gens y allaient parce que c’était là que les autres se trouvaient – pour s’amuser avec leurs amis, pour attirer l’attention, pour affirmer leur statut social, etc. Ça, c’est Twitter.
J’avais un ami qui vivait dans une colocation au coin d’un de ces clubs populaires. Il organisait des fêtes à la maison les week-ends. De petites fêtes, juste entre amis avec quelques amis d’amis. Ça, c’est le Fediverse.
Déferlement
Pour ceux d’entre nous qui utilisent Mastodon depuis un certain temps (j’ai lancé mon propre serveur Mastodon il y a 4 ans), cette semaine a été accablante. J’ai pensé à des métaphores pour essayer de comprendre pourquoi j’ai trouvé cela si bouleversant.
C’est censé être ce que nous voulions, non ? Pourtant, ça ressemble à autre chose. Comme lorsque vous êtes assis dans un wagon tranquille, discutant doucement avec quelques amis, et qu’une bande entière de supporters de football monte à la gare de Jolimont après la défaite de leur équipe. Ils n’ont pas l’habitude de prendre le train et ne connaissent pas le protocole. Ils supposent que tout le monde dans le train était au match ou du moins suit le football. Ils se pressent aux portes et se plaignent de la configuration des sièges.
Ce n’est pas entièrement la faute des personnes de Twitter. On leur a appris à se comporter d’une certaine manière. À courir après les likes et les retweets. À se mettre en valeur. À performer. Tout ce genre de choses est une malédiction pour la plupart des personnes qui étaient sur Mastodon il y a une semaine. C’est en partie la raison pour laquelle beaucoup sont venues à Mastodon en premier lieu, il y a quelques années.
Cela signifie qu’il s’est produit un choc culturel toute la semaine, pendant qu’une énorme déferlement de tweetos descendait sur Mastodon par vagues de plus en plus importantes chaque jour. Pour les utilisateurs de Twitter, c’est comme un nouveau monde déroutant, tandis qu’ils font le deuil de leur ancienne vie sur Twitter. Ils se qualifient de « réfugiés », mais pour les habitants de Mastodon, c’est comme si un bus rempli de touristes de Kontiki venait d’arriver, et qu’ils se baladaient en hurlant et en se plaignant de ne pas savoir comment commander le service d’étage. Nous aussi, nous regrettons le monde que nous sommes en train de perdre.
Viral
Samedi soir, j’ai publié un billet expliquant deux ou trois choses sur l’histoire de Mastodon concernant la gestion des nœuds toxiques sur le réseau. Puis tout s’est emballé. À 22 heures, j’avais verrouillé mon compte pour exiger que les abonnés soient approuvés et mis en sourdine tout le fil de discussion que j’avais moi-même créé.
Avant novembre 2022, les utilisateurs de Mastodon avaient l’habitude de dire pour blaguer que vous étiez « devenu viral » si vous obteniez plus de 5 repouets ou étoiles sur un post.
Au cours d’une semaine moyenne, une ou deux personnes pouvaient suivre mon compte. Souvent, personne ne le faisait. Et voilà que mon message recevait des centaines d’interactions. Des milliers. J’ai reçu plus de 250 demandes de suivi depuis lors – tellement que je ne peux pas supporter de les regarder, et je n’ai aucun critère pour juger qui accepter ou rejeter. En début de semaine, je me suis rendu compte que certaines personnes avaient crossposté mon billet sur le Mastodon sur Twitter. Quelqu’un d’autre en avait publié une capture d’écran sur Twitter.
Personne n’a pensé à me demander si je le voulais.
Pour les utilisateurs d’applications d’entreprise comme Twitter ou Instagram, cela peut ressembler à de la vantardise. Le but n’est-il pas de « devenir viral » et d’obtenir un grand nombre d’abonnés ? Mais pour moi, c’était autre chose. J’ai eu du mal à comprendre ce que je ressentais, ou à trouver le mot pour le décrire. J’ai finalement réalisé lundi que le mot que je cherchais était “traumatique”.
En octobre, j’avais des contacts réguliers avec une douzaine de personnes par semaine sur Mastodon, sur 4 ou 5 serveurs différents. Soudain, le fait que des centaines de personnes demandent (ou non) à se joindre à ces conversations sans s’être acclimatées aux normes sociales a été ressenti comme une violation, une agression. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir ressenti cela.
Le fait que tous les administrateurs de serveurs Mastodon que je connais, y compris moi-même, aient été soudainement confrontés à un déluge de nouveaux inscrits, de demandes d’inscription (s’ils n’avaient pas d’inscription ouverte), puis aux inévitables surcharges des serveurs, n’a probablement pas aidé. Aus.social a cédé sous la pression, se mettant hors ligne pendant plusieurs heures alors que l’administrateur essayait désespérément de reconfigurer les choses et de mettre à niveau le matériel. Chinwag a fermé temporairement les inscriptions. Même l’instance phare mastodon.social publiait des messages plusieurs heures après leur envoi, les messages étant créés plus vite qu’ils ne pouvaient être envoyés. J’observais nerveusement le stockage des fichiers sur ausglam.space en me demandant si j’arriverais à la fin du week-end avant que le disque dur ne soit plein, et je commençais à rédiger de nouvelles règles et conditions d’utilisation pour le serveur afin de rendre explicites des choses que « tout le monde savait » implicitement parce que nous pouvions auparavant acculturer les gens un par un.
Consentement
Jusqu’à cette semaine, je n’avais pas vraiment compris – vraiment apprécié – à quel point les systèmes de publication des entreprises orientent le comportement des gens. Twitter encourage une attitude très extractive de la part de tous ceux qu’il touche. Les personnes qui ont republié mes articles sur Mastodon sur Twitter n’ont pas pensé à me demander si j’étais d’accord pour qu’ils le fassent. Les bibliothécaires qui s’interrogent bruyamment sur la manière dont ce “nouvel” environnement de médias sociaux pourrait être systématiquement archivé n’ont demandé à personne s’ils souhaitaient que leurs pouets sur le Fediverse soient capturés et stockés par les institutions gouvernementales. Les universitaires qui réfléchissent avec enthousiasme à la manière de reproduire leurs projets de recherche sur Twitter sur un nouveau corpus de pouets “Mastodon” n’ont pas pensé à se demander si nous voulions être étudiés par eux. Les personnes créant, publiant et demandant des listes publiques de noms d’utilisateurs Mastodon pour certaines catégories de personnes (journalistes, universitaires dans un domaine particulier, activistes climatiques…) ne semblaient pas avoir vérifié si certaines de ces personnes se sentait en sécurité pour figurer sur une liste publique. Ils ne semblent pas avoir pris en compte le fait qu’il existe des noms pour le type de personne qui établit des listes afin que d’autres puissent surveiller leurs communications. Et ce ne sont pas des noms sympathiques.
Les outils, les protocoles et la culture du Fediverse ont été construits par des féministes trans et queer. Ces personnes avaient déjà commencé à se sentir mises à l’écart de leur propre projet quand des personnes comme moi ont commencé à y apparaître il y a quelques années. Ce n’est pas la première fois que les utilisateurs de Fediverse ont dû faire face à un changement d’état significatif et à un sentiment de perte. Néanmoins, les principes de base ont été maintenus jusqu’à présent : la culture et les systèmes techniques ont été délibérément conçus sur des principes de consentement, d’organisation et de sécurité communautaires. Bien qu’il y ait certainement des améliorations à apporter à Mastodon en termes d’outils de modération et de contrôle plus fin des publications, elles sont en général nettement supérieures à l’expérience de Twitter. Il n’est guère surprenant que les personnes qui ont été la cible de trolls fascistes pendant la plus grande partie de leur vie aient mis en place des protections contre une attention non désirée lorsqu’elles ont créé une nouvelle boîte à outils pour médias sociaux. Ce sont ces mêmes outils et paramètres qui donnent beaucoup plus d’autonomie aux utilisateurs qui, selon les experts, rendent Mastodon « trop compliqué ».
Si les personnes qui ont construit le Fediverse cherchaient généralement à protéger les utilisateurs, les plateformes d’entreprise comme Twitter cherchent à contrôler leurs utilisateurs. Twitter revendique la juridiction sur tout le « contenu » de la plateforme. Les plaintes les plus vives à ce sujet proviennent de personnes qui veulent publier des choses horribles et qui sont tristes lorsque la bureaucratie de Twitter finit, parfois, par leur dire qu’elles n’y sont pas autorisées. Le vrai problème de cet arrangement, cependant, est qu’il modifie ce que les gens pensent du consentement et du contrôle de nos propres voix. Les universitaires et les publicitaires qui souhaitent étudier les propos, les graphiques sociaux et les données démographiques des utilisateurs de Twitter n’ont qu’à demander la permission à la société Twitter. Ils peuvent prétendre que, légalement, Twitter a le droit de faire ce qu’il veut de ces données et que, éthiquement, les utilisateurs ont donné leur accord pour que ces données soient utilisées de quelque manière que ce soit lorsqu’ils ont coché la case « J’accepte » des conditions de service. Il s’agit bien sûr d’une idiotie complète (les Condition Générales d’Utilisation sont impénétrables, changent sur un coup de tête, et le déséquilibre des pouvoirs est énorme), mais c’est pratique. Les chercheurs se convainquent donc qu’ils y croient, ou bien ils s’en fichent tout simplement.
Cette attitude a évolué avec le nouvel afflux. On proclame haut et fort que les avertissements de contenu sont de la censure, que les fonctionnalités qui ont été délibérément non mises en œuvre pour des raisons de sécurité de la communauté sont « manquantes » ou « cassées », et que les serveurs gérés par des bénévoles qui contrôlent qui ils autorisent et dans quelles conditions sont « excluants ». Aucune considération n’est donnée à la raison pour laquelle les normes et les possibilités de Mastodon et du Fediverse plus large existent, et si l’acteur contre lequel elles sont conçues pour se protéger pourrait être vous. Les gens de Twitter croient au même fantasme de « place publique » que la personne qu’ils sont censés fuir. Comme les Européens du quatorzième siècle, ils apportent la contagion avec eux lorsqu’ils fuient.
Anarchisme
L’ironie de tout cela est que mon « fil de discussion viral » était largement consacré à la nature anarchiste et consensuelle du Fediverse. Beaucoup de nouveaux arrivants ont vu très vite que les administrateurs de leurs serveurs se battaient héroïquement pour que tout fonctionne, et ont donné de l’argent ou se sont inscrits sur un compte Patreon pour s’assurer que les serveurs puissent continuer à fonctionner ou être mis à niveau pour faire face à la charge. Les administrateurs se sont envoyés des messages de soutien privés et publics, partageant des conseils et des sentiments de solidarité. Les anciens partageaient des #FediTips pour aider à orienter les comportements dans une direction positive. Il s’agit, bien sûr, d’entraide.
C’est très excitant de voir autant de personnes expérimenter des outils sociaux en ligne anarchistes. Les personnes intelligentes qui ont conçu ActivityPub et d’autres protocoles et outils Fediverse l’ont fait de manière à échapper à la prédation monopolistique. Le logiciel est universellement libre et open source, mais les protocoles et les normes sont également ouverts et extensibles. Alors que beaucoup seront heureux d’essayer de reproduire ce qu’ils connaissent de Twitter – une sorte de combinaison de LinkedIn et d’Instagram, avec les 4chan et #auspol toujours menaçants – d’autres exploreront de nouvelles façons de communiquer et de collaborer. Nous sommes, après tout, des créatures sociales. Je suis surpris de constater que je suis devenu un contributeur régulier (comme dans « contributeur au code » 😲) à Bookwyrm, un outil de lecture sociale (pensez à GoodReads) construit sur le protocole ActivityPub utilisé par Mastodon. Ce n’est qu’une des nombreuses applications et idées dans le Fediverse élargi. D’autres viendront, qui ne seront plus simplement des « X pour Fedi » mais plutôt de toutes nouvelles idées. Alors qu’il existe déjà des services commerciaux utilisant des systèmes basés sur ActivityPub, une grande partie des nouvelles applications seront probablement construites et exploitées sur la même base d’entraide et de volontariat qui caractérise actuellement la grande majorité du Fediverse.
Chagrin
Beaucoup de personnes ont été enthousiasmées par ce qui s’est passé cette semaine. Les nouveaux arrivants ont vu les possibilités du logiciel social fédéré. Les anciens ont vu les possibilités de la masse critique.
Mais il est important que ce ne soit pas la seule chose qu’on retienne du début de novembre 2022. Mastodon et le reste du Fediverse peuvent être très nouveaux pour ceux qui sont arrivés cette semaine, mais certaines personnes œuvrent et jouent dans le Fediverse depuis presque dix ans. Il existait déjà des communautés sur le Fediverse, et elles ont brusquement changé pour toujours.
J’ai été un utilisateur relativement précoce de Twitter, tout comme j’ai été un utilisateur relativement précoce de Mastodon. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis grâce à Twitter, qui a contribué à façonner mes opportunités de carrière. Je comprends donc et je compatis avec ceux qui ont fait le deuil de leur expérience sur Twitter – une vie qu’ils savent désormais terminée. Mais Twitter s’est lentement dégradé depuis des années – j’ai moi-même traversé ce processus de deuil il y a quelques années et, franchement, je ne comprends pas vraiment ce qui est si différent maintenant par rapport à il y a deux semaines.
Il y a un autre groupe, plus restreint, de personnes qui pleurent une expérience des médias sociaux qui a été détruite cette semaine – les personnes qui étaient actives sur Mastodon et plus largement le Fediverse, avant novembre 2022. La boîte de nuit a un nouveau propriétaire impétueux, et la piste de danse s’est vidée. Les gens affluent vers la fête tranquille du coin, cocktails à la main, demandant que l’on monte le volume de la musique, mettent de la boue sur le tapis, et crient par-dessus la conversation tranquille.
Nous avons tous perdu quelque chose cette semaine. Il est normal d’en faire le deuil.
Les Connards Pro™, l’épisode perdu (Facebook)
Les Connards Professionnels nous reviennent après des années d’absence. Découvrez aujourd’hui un épisode qui parodie et explicite le fonctionnement de Facebook, écrit en 2015 et pourtant jamais publié avant maintenant.
Les Connards Pros™ vous forment au capitalisme de surveillance !
Entre 2014 et 2015, Gee et Pouhiou ont écrit un OWNI (objet webesque non identifiable) mi roman, mi BD et mi guide managérial parodique, intitulé Le Guide du connard professionnel. Le principe est de former le lectorat au design de la malveillance, une activité hautement lucrative. Des ouvertures « faciles » rageantes aux dark patterns en passant par l’argent-dette : tout est de la faute des Connards™ !
Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
19. Donner de l’exercice à ses cobayes
Les expérimentations sur les animaux n’ont plus bonne presse, au grand dam des industries cosmétiques qui se sont vues obligées d’inventer le rouge à lèvres virtuel, le mascara pour bactérie ou la crème de jour pour cadavre… Par chance, pratiquer des tests sur les humains reste encore possible, pour peu que vous le fassiez dans une posture socialement acceptable. Sociologie, anthropologie, ethnologie : les sciences sociales nous offrent ce plaisir mais demandent un investissement coûteux (sous forme d’harassantes études) pour une rémunération de gagne-petit. Un bon connard préférera donc monter sa start-up du web.
On ne le répétera jamais assez, un bon connard est un flemmard intelligent (voir notre 6e leçon : Ne faites plus, faites faire). Votre travail ne doit consister, en somme, qu’à créer les règles du jeu, le code faisant Loi. Une application de réseau-sociotage fluide, belle, réactive ne suffit pas : il faut qu’elle attire le chaland. Si votre code-concept de base consiste à mettre en valeur les egos dans un positivisme aussi forcé que le sourire d’une hôtesse de l’air en plein crash aérien ; vous avez déjà fait beaucoup. Reposez-vous donc, et laissez les autres travailler pour vous en leur ouvrant votre outil, comme tout internaute débonnaire le ferait.
Parler avec des astérisques est un talent réservé aux connards professionnels de haut vol. Peu d’entre nous savent présenter leurs arguments sans qu’on n’y voie les conditions écrites à l’encre antipathique et lisibles au microscope atomique. Le jour où vous pouvez inclure l’intégralité du texte de Mein Kampf dans des Conditions Générales d’Utilisation et voir votre clientèle cliquer sur « je suis d’accord et j’accepte », c’est que vous êtes parvenu à une telle maîtrise de votre position dominante. Vous n’avez plus qu’à changer les conditions pour virer les projets extérieurs (ceux qui vous ont aidé à appâter le chaland) et garder les cobayes dans votre labyrinthe de plus en plus
Dès lors que vos cobayes sont piégés dans votre labyrinthe, libre à vous de les exploiter comme bon vous semble. Bien entendu, vous placerez de la publicité à chaque cul-de-sac et leur demanderez de plus en plus de données à chaque tournant… Mais, outre ce pré-requis de base, c’est là que vos expériences peuvent vraiment commencer. Par exemple, vous prenez deux groupes de cobayes identiques, et montrez des infos positives aux uns tandis que les autres ne verront que le pire des infos qui les entourent…
L’avantage d’avoir des cobayes piégés dans cette avalanche incessante d’informations nivelées et formatées, dans votre infinite scrolling, c’est que tôt ou tard ils participeront au bruit ambiant. Ainsi, leur moindre clic et statut vous permettra de récolter les données du résultat de votre expérimentation sociale.
« Du pain et des jeux… » voilà les besoins du bas-peuple, comme nous l’expliquait un antique Connard. Maintenant que nous sommes civilisés et connectés, on peut mettre à jour l’adage : « si vous avez assez de jeux, oubliez le pain ». Avoir le monde entier au creux de votre main n’est pas une responsabilité, c’est un hobby. Une fois leurs êtres et états bien rangés dans votre ferme de serveurs, vous n’avez plus qu’a vous assurer de repeindre régulièrement les murs de votre prison dorée afin qu’ils n’aient plus jamais besoin d’en sortir. Médias, infos, vidéos, sorties, articles, musiques, dialogues et coup de fil… pourquoi utiliser internet quand on a populr.com ?
Convivialisons Internet, 3 ans pour ouvrir un coin de web nature aux canards sauvages
Les projets Frama.space, Emancip’Asso, ECHO Network et Peer.Tube forment notre nouvelle feuille de route, nommée : « Collectivisons Internet / Convivialisons Internet ». Un vaste programme pour les 3 prochaines années de l’association Framasoft, qui va avoir besoin de tout votre soutien pour le réaliser.
« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »
Il y a deux articles qui présentent notre nouvelle feuille de route. L’article Convivialisons Internet 🦆 (celui-ci !) présente les actions que nous comptons mener. L’article Collectivisons Internet 🦆, quant à lui, situe les réflexions qui nous mènent à ces actions.
Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.
À Framasoft, nous aimons les plans d’actions sur 3 ans : ça nous permet de nous repérer, de nous donner des défis collectifs, mais aussi de prendre le temps pour expérimenter, apprendre et améliorer.
Si nous apprenons beaucoup lors de ces « campagnes », nous en gardons aussi des outils concrets qui, nous le constatons tous les jours, aident beaucoup de monde à se « Dégoogliser », c’est-à-dire à utiliser des outils numériques éthiques, qui ne participent pas au système du capitalisme de surveillance.
Ainsi, grâce au travail réalisé durant Dégooglisons Internet (2014-2017), nous proposons 16 outils en ligne (écriture collaborative, visio conférence, formulaires, agenda, etc.) qui aident chacun et chacune à utiliser des alternatives aux outils des géants du web.
De même, suite à notre travail sur la campagne Contributopia (2017-2022), nous développons ou contribuons à des outils décentralisés et fédérés (PeerTube, Mobilizon… mais aussi le collectif CHATONS) qui aident des communautés à s’émanciper en prenant en main la gestion de leur propre autonomie numérique.
Collectivisons, convivialisons – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0
Profiter de l’effet « maman canard »
Les outils que nous mettons à disposition s’adressent donc soit aux individus, isolés dans leur démarche d’émancipation numérique ; soit à des communautés formées, informées, qui ont déjà les moyens et les connaissances pour tenter de gérer mutuellement leurs propres ressources numériques.
Lors de nos rencontres, nous avons constaté qu’il existe aussi des petits collectifs qui ont envie de sortir des Google Workspace et autres, sans forcément avoir les moyens de se lancer dans l’infogérance c’est-à-dire à gérer des logiciels sur un serveur, avec les sauvegardes, les mises à jour, les dépannages… Ces collectifs, qui changent le monde chacun à leur niveau, partagent les valeurs du libre (émancipation, partage, solidarité).
Mais surtout, la grande force des collectifs, c’est que ce sont… des collectifs. Ils ont parfois, en interne, la capacité de s’entraider pour adopter de nouveaux outils numériques, avec une geek ou un débrouillard pour aider le reste du groupe. Or, même si cette personne manque souvent, le collectif a déjà mené le travail de la solidarité, du lien interne. C’est l’effet « Maman Canard » sur lequel nous souhaitons nous appuyer. En se regroupant, on peut sortir de la fatigue et de la solitude face aux outils des GAFAM.
Ensemble, on peut se sentir plus fort·es pour trouver comment changer nos habitudes numériques et adopter des outils web à la hauteur de nos valeurs.
Cette nouvelle feuille de route aurait dû commencer en 2020, sauf qu’une pandémie a mobilisé nos énergies autrement. Mais aujourd’hui, nous annonçons de nouveau notre ambition de poursuivre le mouvement émancipateur lancé par Dégooglisons, approfondi par Contributopia, en misant cette fois-ci sur la force des collectifs (pour en savoir plus sur notre stratégie et nos réflexions, c’est dans l’article Collectivisons Internet !)
4 actions pour casser 3 pattes à un GAFAM
Voici donc les quatre grandes actions que nous voulons entreprendre sur les trois prochaines années. Ce sont des actions au long cours, qui vont chacune connaître plusieurs itérations.
Emancip’Asso, favoriser l’émancipation numérique du monde associatif
Conçu en partenariat avec Animafac et copiloté par un grand nombre d’organisations, le projet Emancip’Asso a pour objectif de mettre en lien des CHATONS (et autres hébergeurs éthiques) avec des associations qui ont besoin d’accompagnement pour établir une stratégie numérique émancipatrice.
Le projet repose donc sur une formation qui permettra aux hébergeurs de monter en compétences (formation dont vous pouvez lire le programme ici), d’accompagner les associations dans l’élaboration de leur stratégie numérique, le diagnostic de leurs usages numériques et de leurs besoins, la recherche de financements et l’adoption d’outils web adaptés et ainsi de leur proposer une offre « tout en un ».
Ensuite, le site emancipasso.org permettra de recenser l’ensemble des hébergeurs qui proposent aux associations des offres sur mesure. Nous souhaitons aussi qu’il permette de publier des petites annonces (pour que des assos puissent exprimer et mutualiser le financement d’outils libres), ou encore de consulter un centre de ressources (pour faciliter la dégooglisation de son association), etc.
Cette formation fera l’objet d’une captation vidéo pour servir de base au deuxième module du MOOC CHATONS, afin que d’autres hébergeurs puissent en bénéficier et proposer à leur tour des offres d’accompagnement des associations dans leur transition numérique.
Enfin, nous comptons mener une campagne de communication à destination des associations pour les inciter à mettre en cohérence leurs valeurs et leurs outils numériques en les informant qu’elles peuvent se faire accompagner par des professionnels qualifiés. Cette campagne se fera aussi bien en ligne (pour faire connaître le site web) que lors d’interventions (conférences, ateliers, etc.) notamment en travaillant avec de grandes organisations dont l’objet est déjà d’accompagner les associations.
Attention, si la première partie du projet (la formation) est financée pour l’instant, les fonds manquent pour financer les autres étapes du projet, alors même que celles-ci sont indispensables. Vous pouvez donc soutenir spécifiquement le projet Emancip’Asso par un don, ou si vous représentez une structure, devenir partenaire du projet.
Avec Frama.space, Framasoft souhaite ouvrir des espaces numériques de partage, de travail et d’organisation à des collectifs qui n’ont pas les moyens d’en obtenir autrement. Basé sur le logiciel libre Nextcloud, Frama.space permettra d’obtenir :
Un espace moncollectif.frama.space ;
40 Go de stockage à se partager entre 50 comptes (maximum) ;
Une suite bureautique (au choix : OnlyOffice ou Collabora Online) ;
Synchronisation des agendas, contacts, notes, etc. ;
L’idée dans cette proposition est d’autonomiser les associations et collectifs militants. Framasoft recevra une demande de la part d’un·e responsable de ce collectif, lui confiera cet espace et ensuite… ce sera au collectif d’organiser son espace !
Qu’il s’agisse de gérer les 40 Go mis en commun, donc à partager entre toutes les membres du collectif, ou encore d’aider les autres à s’emparer de l’outil Nextcloud, nous misons sur le fait que ces collectifs seront solidaires entre eux, et pourront s’emparer des outils d’autoformation et d’entraide que nous mettrons à leur disposition.
Rien n’est jamais aussi parfait, et il y aura forcément besoin d’espaces communautaires. C’est pour cela que nous allons aussi ouvrir un forum afin que la communauté francophone utilisant Nextcloud puisse y partager ses astuces, ses frustrations, ses envies.
Écouter les collectifs bénéficiant de Frama.space nous permettra de comprendre comment Framasoft pourra contribuer au développement de Nextcloud pour faciliter son adoption par le milieu associatif. Qu’il s’agisse d’outils de facilitation (documentation, tutoriels, démonstrations, webinaires, etc.) ou d’améliorations dans l’ergonomie et les fonctionnalités : nous comptons bien profiter de ces retours pour améliorer régulièrement ce projet.
Faire communauté autour d’un outil et de pratiques communes est un aspect essentiel du projet Frama.space. C’est pourquoi, nous comptons régulièrement demander aux bénéficiaires de répondre à des enquêtes sur leurs usages… voire, d’ici la fin du projet de monter un Observatoire des Pratiques et Expériences Numériques Libres (nom de code : OPEN-L !).
De même, parce que des collectifs très divers vont avoir en commun un outil et des pratiques numériques, nous souhaitons que cela puisse permettre de tisser des liens entre eux. Qu’il s’agisse de pouvoir partager des informations sur les domaines d’expertise et les actions de chacun, ou de partager des outils, des manières de faire, etc. nous voulons faire en sorte que Frama.space permette aux collectifs qui s’en serviront de partager leurs horizons avec leurs voisins de service !
Pour arriver à relever l’ensemble de ces défis, Frama.space sera ouvert et offert de manière très, très progressive. Nous proposerons un formulaire d’inscription lors de chaque temps d’ouverture de nouveaux espaces. Vous pouvez rester informé·es de ces campagnes d’ouvertures en vous inscrivant à la newsletter Frama.space.
Cette progressivité permettra d’améliorer le service régulièrement mais aussi d’éviter la centralisation des besoins sur Framasoft. Ainsi, nous comptons ouvrir la bêta de ce service d’ici quelques semaines, mais pour cent ou deux cents associations « pionnières » qui testeront le service dans son plus simple appareil. Nous avons hâte de vous présenter Frama.space plus en détail à cette occasion.
Disons-le franchement, Frama.space est un très gros projet qui va largement nous occuper sur les trois prochaines années. Nous sommes cependant persuadées que par cette initiative les associations permettront à de très nombreuses personnes d’avancer concrètement dans leur dégooglisation. Frama.space est aussi un projet qui peut coûter beaucoup d’argent (infrastructure, infogérance, etc.) et pour lequel nous aurons besoin de votre soutien.
ECHO Network, comprendre les besoins de l’éducation populaire hors de nos frontières
Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network (Réseau autour de l’Éthique, les Communs, les Humaines et l’Open-source) est un projet, mais aussi un réseau associatif à échelle européenne. Mené par l’association d’éducation populaire des Céméa France, ce réseau se compose de 7 structures provenant de 5 pays européens :
Ce qui nous rassemble, c’est l’accompagnement des citoyen·nes : éducation populaire, éducation active, éducation nouvelle… Chacune des structures accompagne, à son niveau, des publics dans leur autonomie et leur émancipation. Mais comment accompagner cette émancipation dans (voire par) un monde numérique centralisé chez les géants du web ?
Est-ce que les arguments qui motivent à se dégoogliser en France fonctionnent également en Croatie ? Quelle est l’offre d’hébergement d’outils web libres en Allemagne ? Sur quelle communauté repose-t-elle ? Est-ce que les lois qui restreignent les libertés sur le Web sont les mêmes en Belgique et en Italie ? Comment, dès lors, construire un argumentaire à défendre auprès du Parlement européen ?
Pour dépasser ces interrogations, le projet ECHO Network se découpe en deux phases. Une première phase d’exploration de ces sujets aura lieu en 2023. Nous commencerons par un séminaire d’ouverture en janvier à Paris, puis des visites d’étude auront lieu dans chacun des 4 autres pays, organisées par la structure accueillante, sur un thème en particulier. Ainsi nous explorerons en :
France – Les enjeux du numérique pour les membres du réseau (présentation générale)
Allemagne – Les réseaux sociaux centralisés chez les jeunes, outil d’émancipation ou d’aliénation ?
Belgique – Pratiques d’Éducation Nouvelle pour sensibiliser aux outils éthiques
Italie – Entre présentiel et distanciel, quelle utilisation du numérique ?
Croatie – Inclusivité et accessibilité du Numérique
En 2024, nous passerons à la phase de mise en Communs. Chacun des membres du réseau produira une ressource appropriable et utilisable par d’autres associations européennes traversées par les mêmes questionnements. Évidemment, chacune de ces productions sera élevée dans les Communs par une licence libre.
Il s’agira aussi bien de lister les ressources d’éducation populaire à la transition numérique, que de cartographier les acteurs existants dans chacun des pays concernés, ou encore de créer un plaidoyer à l’intention de nos députées ainsi qu’un kit d’auto-défense numérique à l’intention des plus jeunes… la liste est longue (et elle continue !)
Nous sommes impatient·es d’avancer sur ce projet qui va nous permettre de mieux ouvrir nos horizons, de comprendre comment des circonstances différentes mènent à des expériences communes ou au contraire à des points de vue divergents sur l’émancipation via le numérique. Nous ne manquerons pas de partager chacune de nos avancées sur ce blog !
Peer.Tube, mettre en valeur le PeerTube pour lequel nous œuvrons
Alors non, nous ne parlons pas ici du logiciel PeerTube que nous développons pour que des geeks puissent l’installer sur un serveur et créer des plateformes fédérées de live et d’hébergement de vidéos… Nous parlons du site peer.tube, et plus exactement de l’ambition que nous avons pour ce site.
Le principe est simple : nous voulons en faire une vitrine des vidéos PeerTube qui nous enthousiasment. PeerTube pouvant être utilisé par toutes et n’importe qui, on peut parfois trouver tout et n’importe quoi dans cet univers de vidéos, dont des contenus qui ne nous correspondent pas du tout. Ce n’est pas notre rôle de les interdire, mais cela peut être notre rôle de promouvoir des vidéos sur PeerTube qui nous rendent fièr·es de tout ce travail que nous fournissons depuis plus de 5 ans sur ce logiciel.
Et au-delà de notre volonté, nous entendons régulièrement :
mais où est-ce que je peux aller voir des contenus intéressants, sur PeerTube ?
Nous souhaitons effectuer tout un travail de curation, de sélections de contenus, afin d’apporter notre réponse : essaye sur Peer.tube !
Ce projet démarrera réellement à partir de 2023 et va lui aussi évoluer en plusieurs étapes, mais nous envisageons d’ores et déjà que notre travail de sélection pourra prendre plusieurs formes :
se fédérer et donc montrer des chaînes, des comptes ou d’autres instances au contenu original,
partager nos choix de fédération pour que d’autres instances puissent les suivre,
permettre à des créatrices de contenus qui ne trouvent pas leur place sur d’autres instances de candidater pour avoir un compte sur peer.tube
tenter de faire communauté avec les administratrices et administrateurs d’autres instances qui ont établi leur ligne éditoriale…
Nous en sommes encore à imaginer tous les possibles, tant qu’ils concourent à notre but : faire de la fédération PeerTube un endroit où il est facile et agréable de partager et de regarder des contenus de qualité. PeerTube étant développé en anglais, le travail sera présenté d’abord dans cette langue (et, dans une moindre priorité, en Français). Ce projet et sa stratégie se développeront en restant à l’écoute des retours et idées de la communauté PeerTube (tout comme nous écoutons déjà vos idées pour améliorer le logiciel PeerTube !).
Et c’est marre ? Et Dégooglisons, PeerTube, Mobilizon… alors ?
Certes, 4 projets sur 3 ans, ça peut sembler maigre, on vous avait habituées à plus ;).
Seulement, il s’agit là de quatre très gros projets, que l’on va travailler progressivement sur 3 ans, en plusieurs itérations, en suivant un cycle qui fonctionne assez bien : proposer une première mouture, écouter les retours du premier public qui la teste, améliorer en fonction de ces retours, se relier à un public plus large et lui proposer une nouvelle version. D’ailleurs, si vous voulez en savoir plus sur nos méthodes, nos intentions et notre stratégie derrière cette campagne, on vous détaille tout cela dans l’article Collectivisons Internet.
Mais surtout ces quatre projets ne viennent pas remplacer les actions que nous menons déjà : ils s’y additionnent. Ainsi, pour les trois prochaines années, nous avons l’intention de :
accompagner le collectif CHATONS vers son auto-suffisance dans l’animation de sa communauté ;
renforcer les liens que nous avons créés avec d’autres associations, fédérations et collectifs au sein d’un archipel de valeurs communes (malgré des cultures et des feuilles de route diverses) ;
contribuer à la création de Communs culturels avec notre nouvelle maison d’édition Des Livres en Communs ;
et partager ce qui nous questionne comme ce que nous sommes, au travers du travail fourni ici, sur le Framablog.
Notre ambition, c’est que ces quatre projets au long cours viennent s’ajouter à toutes les propositions que nous avons construites, depuis près de vingt ans, dans le but que les humaines soient plus libres que le code.
Ce que nous avons construit toutes ces années, et l’ensemble des actions que nous menons, nous les menons grâce à vous.
C’est grâce à votre soutien, essentiellement grâce à vos dons, que Framasoft peut fonctionner. Notre budget 2021 représente environ 630 000 €, et celui de 2022 sera sensiblement le même, modulo l’inflation. Cet argent provient, à 98 % de vos dons, et nous permet de financer :
10 emplois salariés dans l’association
96 serveurs, sur 43 machines physiques
près de 100 conférences, ateliers et rencontres sur lesquelles nous nous déplaçons
2 logiciels importants dans le monde décentralisé et fédéré
16 services en ligne, parmi plus de 50 projets divers, dont bénéficient plus de 1 000 000 de personnes chaque mois
Framasoft représente aujourd’hui une des grandes forces dans le monde du numérique éthique, et une des plus libres pour expérimenter et démontrer que d’autres choix numériques sont possibles lorsque l’on a le courage de faire d’autres choix de société. Cette force et cette liberté, c’est vous qui nous les donnez.
Framasoft, aujourd’hui, c’est plus de 50 000 € de dépenses par mois. Nous avons clos l’exercice comptable 2021 avec un déficit de 60 000 € (que des dons plus généreux lors des confinements de 2020 nous ont, heureusement, permis d’absorber). À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 200 000 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.
Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.
« Dégoogliser ne suffit pas ! », et c’est avec cette affirmation dans la tête que nous sommes parti⋅es explorer les mondes de Contributopia. Cette aventure de 5 ans (déjà ?!) se termine, et c’est maintenant le moment de confronter nos attentes du voyage et ce qu’on y a vraiment fait. Cap sur ces mondes numériques où l’humain⋅e et ses libertés fondamentales sont respectées !
Planète des services : créer et proposer des outils
En commençant ce voyage, l’association avait vraiment envie de s’impliquer davantage dans la conception de services et d’outils conçus pour favoriser des échanges apaisés. L’envie, c’est bien, mais la réalité peut aussi être autre chose. On vous raconte point par point les différents éléments qui étaient sur notre feuille de route initiale (et aussi comment on a fait bifurquer la barque !)
PeerTube libère la vidéo
Alors là, on va se lancer quelques fleurs : PeerTube, c’est un succès !
Notre alternative aux grandes plateformes vidéos (YouTube pour n’en citer qu’une) est un logiciel libre et fédéré qui permet non seulement de visionner, publier et interagir avec des vidéos mais aussi de créer sa plateforme de vidéos. Un salarié de l’association (un seul !) est en charge de son développement, assisté en interne par d’autres salarié·es sur des aspects moins techniques.
La version 1.0 du logiciel, parue en octobre 2018, a remporté rapidement un vif succès. En quelques mois, on comptait déjà environ 14 000 comptes utilisateurs, et près de 100 000 vidéos réparties sur 350 installations recensées publiquement. Depuis, une nouvelle version majeure sort chaque année (la v5 est prévue pour la fin d’année 2022), et PeerTube va bientôt atteindre le million de vidéos hébergées.
On ne va pas refaire ici toute l’histoire de PeerTube (vous pouvez tout retrouver ici), mais dans les temps forts à mentionner : la possibilité de faire des vidéos en direct, le moteur de recherche Sépia Search permettant de chercher toutes les vidéos des instances publiques, la personnalisation de l’interface et de nombreuses améliorations réalisées aussi grâce à vos retours (merci !).
Sépia, mascotte de PeerTube
Mobilizon, pour faciliter rencontres et mobilisations
Pendant ce voyage en Contributopia, Mobilizon fut le deuxième logiciel libre et fédéré développé par l’association (par un seul salarié, là encore). Mobilizon est une alternative aux événements et groupes Facebook qui permet de facilement organiser ses événements et rencontres, sans passer par une entreprise qui raffole de surveillance.
La version 1.0 de Mobilizon, sortie pendant le confinement d’octobre 2020, n’a pour ainsi dire pas bénéficié de l’entrain espéré (Quoi ? Organiser des événements pendant un confinement, c’est pas une bonne idée ?). L’accueil du logiciel a toutefois été très positif. Comme PeerTube, une nouvelle version majeure sort chaque année, et la v3 est prévue pour fin 2022 (vous trouverez toutes les actualités par ici).
Quelques temps forts à mentionner : l’amélioration de l’accessibilité (un travail avec Koena), l’export de liste des participant·es (pratique !), la prise en compte des fuseaux horaires ou encore l’ajout possible de métadonnées pour mettre en avant certaines informations essentielles. Nous avons aussi rapidement décidé de mettre en place une instance dédiée et ouverte au public francophone : mobilizon.fr (essayez donc pour organiser votre prochaine fête d’anniversaire, rencontre-tricot ou manif-climat !).
Rȯse, mascotte de Mobilizon
Pytition : faire entendre les opinions
Après une rencontre bienvenue avec l’équipe de Résistance à l’Agression Publicitaire en 2017, nous avons décidé de ne pas entamer le travail de développement prévu sur un outil de pétitions en ligne. En effet, un de leurs administrateurs avait déjà avancé sur le développement d’un tel outil : Pytition.
L’enjeu restant pour nous particulièrement important, nous avons décidé de soutenir leur travail, plutôt que de créer un n-ième « Framatruc » (et ainsi ne pas tout centraliser chez nous). Framasoft a donc affecté un budget à Pytition. Cela a permis de financer une prestation de design, une partie du travail de développement (faire du temps bénévole investi de véritables journées de travail rémunérées) et la mise à disposition d’une machine virtuelle pour héberger le proto site web.
Cependant les emplois du temps de chacun (y compris du côté de Framasoft) n’ont pas concordé, et « l’usure » due à la pandémie s’est fortement ressentie. Le développement prend donc du temps, et, même si le Pytition actuel est « fonctionnel », il reste trop « frais » pour être proposé à tous les publics.
Nous qui pensions que gérer des projets de développements « extérieurs » nous prendrait moins de temps que des développements en interne, on a appris : l’accompagnement prend du temps, et il est indispensable. Cela nous a ainsi questionné⋅es : quelle énergie sommes-nous capables d’investir dans de tels projets ?
On se sentirait presque comme ces petits poissons dans l’eau, non ?
Framasite ou comment créer simplement son site (spoiler : ça n’existe plus !)
Permettre aux gens de créer leur propre site internet sans passer par une plateforme privée, ça donne envie non ?
Nous avons ouvert Framasite, service d’hébergement et de création de sites web, en 2018 et ainsi proposé un lieu d’expression libre en ligne, sans nécessité de connaissances techniques préalables.
Seulement, Framasite, c’était un service complexe qui reposait sur 3 logiciels libres et une surcouche maison, ce qui le rendait particulièrement difficile à maintenir sur la durée. Ainsi, malgré l’enthousiasme et l’utilité du service, nous nous sommes vite rendu compte qu’en laissant faire, le service pouvait croître de manière illimitée et infinie. Et le problème c’est que plusieurs de nos services en ligne nous ont amenés à cette même conclusion : la situation devenait ni tenable, ni gérable pour notre petite association.
Après de nombreux questionnements et réflexions, Framasoft a pris position en décidant de fermer progressivement certains de ces services, de manière planifiée (on vous en parle plus en détail en dernière partie de cet article). Framasite a donc fermé en juillet 2021.
Planète de l’essaimage : transmettre les savoir-faire
Un monde où chacun et chacune peut acquérir et approfondir son indépendance numérique, nous ça nous fait rêver. Nous avons souhaité favoriser des actions qui encouragent l’autonomie numérique, pour mettre à la portée du plus grand nombre un hébergement de confiance solidaire de nos vies numériques. Une belle vision, même si pas toujours facile à mettre en œuvre.
Des CHATONS pour favoriser les petits hébergeurs locaux
C’est suite à l’embauche d’Angie en 2019 que la dynamique du collectif aura réellement pris : un tiers de son temps de travail est consacré à animer les échanges entre les membres et à donner davantage de visibilité au collectif et aux structures qui le composent.
Le collectif CHATONS, maintenant reconnu comme solution de confiance pour trouver un hébergeur éthique et des services libres, nous a permis d’essaimer notre projet « Dégooglisons Internet » et d’ainsi explorer d’autres horizons.
Le temps d’animation restant important pour Framasoft, la prochaine étape est la reprise en main progressive de l’animation du collectif… par le collectif lui-même ! Et il se trouve que le sujet est justement en pleine discussion parmi ses membres. Affaire à suivre…!
Trois chatons en pleine exploration
YunoHost ou l’auto-hébergement facile
YunoHost, c’est génial ! C’est un système d’exploitation pour serveur permettant d’installer des services (et leurs mises à jour) en auto-hébergement, facilement, par un clic. Le but de ce projet libre ? Permettre à quiconque d’auto-héberger ses services avec un minimum de connaissances techniques.
Pour soutenir ce projet bénévole, Framasoft, dès janvier 2017, a consacré du temps salarié au développement de YunoHost pour qu’un maximum de services libres de notre campagne « Dégooglisons Internet » puisse être disponible dans cette solution. En 2019 la majorité de ces services y sont présents (mission accomplie !).
Sauf que, si YunoHost a réussi à faciliter grandement l’auto-hébergement, le choix de gérer son propre serveur reste encore difficilement accessible à la majorité des personnes. Nous n’avons donc pas contribué davantage à ce projet pour consacrer nos énergies à explorer d’autres possibles. Et ça aussi, ça fait partie du voyage !
Quand la technique est poétique
Partager notre expérience hors des frontières
« Dégooglisons Internet » est un projet que nous avons volontairement ouvert exclusivement à un public francophone : une petite association française comme la nôtre n’avait pas les épaules pour prendre en charge les données du monde entier, et encore moins l’envie. Seulement, au vu de l’engouement qu’a généré « Dégooglisons Internet » et les questionnements particulièrement riches qu’il a amenés, nous nous sommes mis à rêver. Et si un projet comme « Dégooglisons Internet » pouvait essaimer dans d’autres pays, s’adapter à d’autres cultures, dans d’autres langues et inspirer d’autres collectifs ? Et si « Dégooglisons Internet » devenait un commun international ? (Rien que ça ?!)
Traduction. Le premier pas à franchir est la barrière de la langue : traduire certains contenus a donc été indispensable. Nous avons mené un gros chantier pour rendre différents supports multilangues : articles de blog, pages d’accueil de nos services, site du collectif CHATONS.
Conception d’outils comme des communs internationaux. Nous avons décidé de développer PeerTube et Mobilizon en anglais, puis de les traduire en français. Tout contenu en rapport avec ces logiciels (utilisation du logiciel, actualités, etc.) peut ainsi toucher un public non francophone. Nous avons aussi coordonné la vidéo « What is the Fediverse » en anglais (qui a rapidement été traduite par de nombreuses contributions – merci !). Nos tentatives d’animations sur le réseau social Reddit sont une autre initiative allant dans ce sens.
Interventions en anglais. Nous sommes intervenus en anglais à différentes reprises pour partager notre expérience assez unique : réussir à informer sur les enjeux actuels du numérique tout en proposant des alternatives à une si large échelle tout en restant une structure indépendante du monde capitaliste (sans se la péter, hein !). Nous continuons ces interventions en anglais (tout en assumant notre bel accent), que vous pourrez en partie retrouver sur notre Framatube.
On partait de (vraiment) loin, mais savoir vers où on avait envie d’aller, ça nous a aidées. Le but de tous ces efforts ? Fournir un compost riche, pour que les expérimentations de Framasoft puissent faire germer d’autres initiatives, un peu partout !
Le partage d’expérience, c’est toujours riche !
Contribulle : contribuer au libre
Alors même si on avait trouvé le super slogan « winter is coding », nous n’avons jamais réalisé le projet « Framasoft Winter of Code », un contrepied (de nez) au programme de formation « Google Summer of Code ». À la place, nous avons contribué à Contribulle, un projet qui a pour objectif d’informer sur les nombreuses manières de contribuer au Libre (sans forcément savoir coder) et de mettre en relation les talents et les besoins.
Derrière Contribulle, il y a le groupe de travail « Design et Libre » dont fait partie l’une des membres de Framasoft. Le groupe de travail a exprimé sa volonté de garder une certaine indépendance sur le niveau d’implication de Framasoft dans ce projet (et nous, on trouve ça super !). Nous fournissons ainsi l’infrastructure technique nécessaire à la bonne réalisation du projet (nom de domaine et machine virtuelle pour l’hébergement du site web).
Planète de l’éducation populaire : inspirer les possibles
Pour nous, l’éducation populaire, c’est la liberté de chacune et chacun de partager les connaissances et d’y accéder : la base d’un monde meilleur, quoi !
Actions de médiation pour faciliter l’accès à un web éthique
Notre constat de départ : trouver un service web libre et éthique qui corresponde à ses usages demande de nombreuses connaissances et reste difficile d’accès aux personnes les moins à l’aise avec l’outil numérique.
Nous avons donc continué et renforcé nos interventions et ateliers sur le sujet (en présentiel ou en ligne) pour garder un contact humain avec les personnes (c’est toujours bien plus impactant). Vous trouverez quelques-unes de ces interventions sur notre chaîne Framatube.
Nous avons aussi rédigé, soutenu ou participé à de nombreux contenus de sensibilisation et/ou pédagogiques autour du numérique. En voici quelques exemples :
[RÉSOLU] : fiches théoriques permettant d’illustrer les enjeux d’un changement des usages numériques dans le contexte de l’ESS
entraide.chatons.org : 9 services en ligne alternatifs sans inscription en accès libre proposés par le collectif CHATONS
Au fil du temps, nous avons pris conscience que soutenir, participer et réaliser de tels contenus est un levier essentiel pour une émancipation du plus grand nombre, même si un accompagnement humain reste probablement le moyen le plus efficace…
Annuaire « médiation numérique », pratique !
Contribateliers : contribuer au libre
Les Contrib’ateliers sont des rendez-vous de découverte de la contribution au logiciel libre, selon ses compétences et ses envies, et pas seulement sur du code (oui, c’est possible !). Ces ateliers ont commencé sans attente particulière, mais vraiment en se disant « on verra bien si ça prend » – et ça a pris !
Comment ça se passe ? Les co-organisateur·rices réfléchissent à des propositions (des pôles d’activités). Les participant·es choisissent à quel projet libre contribuer parmi ces pôles. Quelques exemples de Contrib’ateliers : participer à la cartographie libre OpenStreetMap, au projet de reconnaissance audio libre Common Voice, à la traduction de logiciels, mais aussi à des discussions autour de la vie privée en général…il y en a pour tous les goûts !
La pandémie passant par là, cette belle dynamique a été un peu chamboulée, mais, continuant sur sa lancée, l’équipe d’organisation a proposé des Confin’ateliers, la version en ligne des Contrib’ateliers.
L’expérimentation a été réellement intéressante, même si le rythme s’est, aujourd’hui, un peu essoufflé. Si l’envie vous prend de rejoindre l’aventure des Contrib’ateliers, sachez que toute l’équipe vous accueillera à bras ouverts !
Un Contrib’atelier pas si commun
MOOC CHATONS : saisir les enjeux des géants du web sur nos vies
Ce fut particulièrement stressant pour nous de faire en sorte de respecter nos engagements avec notre partenaire (la Ligue de l’Enseignement) et le financeur (la fondation Afnic), tout en faisant face à de nombreux obstacles. Nous avons à différents moments pris de mauvaises décisions (sur la manière d’ordonner nos idées et de nous organiser à plusieurs) et nos équipes (Framasoft et la Ligue) se sont retrouvées en effectif réduit : des conditions non optimales qui nous ont fait prendre un an dans la vue. La sortie du MOOC a donc eu lieu quelques semaines avant l’annonce du tout premier confinement : les équipes de Framasoft ont très rapidement eu beaucoup d’urgences à traiter, prenant la priorité sur la promotion et l’animation du MOOC. Nous n’avons donc pas pu prendre soin du projet ou de sa communauté autant que nous l’aurions voulu.
Toutefois, nous sommes fier⋅ères du travail réalisé et du contenu créé qui correspondent tout à fait au discours porté par l’association autour des enjeux du numérique, et notamment celui de la toxicité des GAFAM.
L’objectif ? Contribuer (à notre échelle) à rendre la société plus juste et notre monde plus vivable, en misant sur la formation des citoyen⋅nes par les citoyen⋅nes. Les sujets traités sont vastes, on inclut ainsi « tous les sujets qui intéressent la société », mais pour le moment surtout en lien avec le numérique (parce que c’est la génétique de Framasoft) et l’écologie (parce que c’est inévitable).
Les principaux projets que l’on trouve dans UPLOAD :
UPLOAD est ainsi un projet expérimental, où, pour le moment, la production de ressources et le tissage de liens prennent volontairement le pas sur la structuration formelle du projet.
Un voyage riche en apprentissages
Comme tout voyage, l’exploration des planètes de Contributopia nous a beaucoup appris. On a expérimenté, essayé, changé d’avis. On s’est formé, on s’est entraidé, on a partagé. Et on a aussi profité de tous ces moments, parce que c’est ça aussi le voyage !
État des lieux de Framasoft en 2022
« Déframasoftisons Internet » : une étape nécessaire et maintenant terminée !
Au fur et à mesure de notre exploration, nous nous sommes rendu compte que rester une petite association à taille humaine (moins de 40 membres dont 10 salarié⋅es) et continuer à un rythme si intense (près de 40 services en ligne à maintenir), ce n’est pas compatible. Nous tenons à notre petite taille, à la qualité des liens que nous avons entre membres et avec le public de l’association. Nous tenons surtout au soin que l’on peut s’apporter les un⋅es aux autres. Grossir n’étant pas une option, nous avons choisi une toute autre stratégie.
Nous avons ainsi, en 2019, annoncé une nouvelle étape : «Déframasoftisons Internet ». Une fermeture planifiée (jusqu’en 2022) de certains services, pour progressivement réduire la charge qui pesait sur nos épaules (tout en proposant des alternatives !). Nous avons pris le temps de détailler nos raisons (en ayant conscience qu’elles pouvaient paraître parfois contre-intuitives).
Maintenant, « Déframasoftisons Internet », c’est fini ! Les différentes fermetures ou restrictions de services sont bel et bien terminées. Nous avons ainsi mis à jour le site degooglisons-internet.org pour laisser une vitrine à l’ensemble de nos services libres et gratuits, à disposition de toutes et tous. Vous trouverez également les alternatives aux services expérimentaux dorénavant fermés sur la page alt.framasoft.org.
Quand Framasoft renvoie vers d’autres hébergeurs éthiques
Nos intentions ont évolué
En expérimentant généreusement sur la planète de l’éducation populaire, nous nous sommes rendu compte que l’association était en pleine mutation, et qu’il était temps de l’officialiser.
Ainsi, notre objet social a évolué pour passer « d’association de promotion de la culture libre en général et du logiciel libre en particulier » en « association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels ».
Selon nous, le logiciel et la culture libre restent au cœur des actions de l’association, mais deviennent un moyen, et non une fin. L’objectif devient alors de réfléchir et mettre en place des actions diverses qui facilitent l’émancipation des internautes.
L’association réalisant qu’il est temps de changer l’objet social
Framasoft n’est pas bonne partout…
…et on l’assume !
On ne sait pas accueillir la contribution. Le comble ! Dans l’association, beaucoup de projets avancent en parallèle, menés par des membres qui sont déjà sur différents fronts. Nous sommes peu nombreux et nombreuses, nos énergies sont limitées, et quand on nous dit « J’aimerais vous aider », on ne sait jamais quoi répondre. Et c’est en partie parce que l’on sait qu’un accompagnement de qualité demande du temps, et on a plutôt tendance à en manquer !
On ne fait pas émerger une communauté comme par magie. On a voulu laisser Yakforms à la communauté, mais sans l’animer, ça ne fonctionne pas ! En 2020, nous avons fait le choix de séparer clairement Yakforms (le logiciel) et framaforms.org (l’instance de Yakforms gérée par Framasoft), pour faire émerger une communauté pouvant le maintenir quand nous n’en aurions plus les moyens. Seulement, à une période où l’équipe était déjà épuisée, nous n’avons pas eu l’énergie de « pousser » Yakforms pour justement faire émerger cette communauté. Raté !
On a du mal à avancer au rythme des autres. À Framasoft, on aime expérimenter, et en expérimentant souvent on va vite, on essaye, on se plante, on réessaye, on y arrive (ou pas !). En tout cas, les expériences de travail avec d’autres collectifs ou partenaires nous ont appris que souvent nous n’avons ni le même rythme, ni la même façon de travailler, et que ça peut être très frustrant (parce que nous on aime avancer plutôt vite, quitte à se planter…).
Oups !
Archipélisation : les liens avec les autres sont essentiels
Chacun⋅e son identité, sa culture, sa raison d’être, ses objectifs, ses moyens.
Mais on se retrouve sur des valeurs ou des stratégies communes.
On fait le choix de coopérer, même ponctuellement.
Le problème général de notre société étant le système (capitalisme de surveillance), contribuer à un autre système (qui favorise les communs) nous semble une voie d’espoir. Alors, l’idée d’accompagner celles et ceux qui veulent changer le monde vers des usages numériques cohérents avec leurs valeurs, ça nous plaît !
Nous avons ainsi beaucoup expérimenté et tissé de liens avec d’autres acteurs et actrices dont l’objet social n’est pas nécessairement le numérique. Interconnecter différentes militances apporte énormément au savoir commun, et par ricochet au bénéfice commun.
La contribution aux communs, ça génère une sacrée énergie !
L’énergie humaine est la plus précieuse
On a beau s’investir et travailler sur des sujets en rapport avec le numérique, on se rend très bien compte que l’énergie des femmes et des hommes est indispensable.
Dans la force de notre collectif. Framasoft ne souhaite pas grossir pour bien des raisons, et prendre soin de ses membres est une des plus importantes. Garder des relations privilégiées où on peut échanger, débattre, ne pas être d’accord, s’écouter, prendre le temps de se comprendre, et avancer, c’est pour nous essentiel.
Dans l’animation de collectif et de communautés. Pour qu’une dynamique commune prenne, il faut y mettre de l’énergie et de l’énergie humaine ! CHATONS est un collectif qui a pris une fois qu’une personne y a consacré une partie de son temps. La communauté Yakforms n’a pas émergé, car pour le moment personne n’a pris les devants. Comme toute relation qui s’entretient, la vie d’un collectif doit être prise avec soin, où chacun⋅e y met de soi.
Dans l’accompagnement au changement d’outils. Un changement d’outil numérique, c’est un changement d’habitudes, et changer son quotidien c’est difficile. Nous nous rendons compte qu’un accompagnement humain est souvent plus « efficace », moins déstabilisant et plus facile à appréhender. Mais comment trouver un bon équilibre entre accompagner les bénéficiaires et les autonomiser ? Sans trop vous en dire, on va travailler sur la question prochainement.
Petits humain⋅es chatons très investis
Besoin d’affirmer à l’extérieur du pourquoi on fait tout ça
Ce long voyage nous a permis, en tant que collectif, de nous affirmer, d’évoluer et de donner du sens à notre projet associatif. Nous faisons des choix qui ne plaisent pas à tout le monde mais qui sont en accord avec le monde que l’on désire (eh oui, on va continuer à assumer l’écriture inclusive !), une dose de déconne ça nous motive à avancer (framaprout c’est la concrétisation d’une bonne blague), et notre positionnement politique se clarifie (on a de plus en plus envie de s’adresser à celles et ceux qui œuvrent pour plus de progrès social et de justice sociale).
Seulement, ces convictions internes ne sont pas toujours connues par nos bénéficiaires, et parfois en total décalage (non, nous ne sommes pas neutres : nous ne « devons » ni ne voulons cette place !). C’est pour clarifier tout ça au monde (rien que ça ?) que nous avons travaillé dernièrement à l’élaboration d’un manifeste qui exprimera clairement et sincèrement nos intentions aux yeux de toutes et tous. Et on nous glisse dans l’oreillette que très bientôt vous en verrez le bout du nez…
Framasoft, auto-portrait (presque) réaliste
Et maintenant ?
Ce passionnant voyage nous a permis d’expérimenter, d’essayer, de nous tromper, de réessayer, d’être plus à l’écoute de ce que nous voulons, ce à quoi nous aspirons, et ce vers quoi nous voulons aller.
On a maintenant envie d’embarquer toute la basse-cour sur notre radeau, parcourir les ruisseaux, les mares, les rivières. Prendre aussi le temps de barboter, de se prendre le bec ou de profiter. Aller plus loin avec celles et ceux qui partagent nos valeurs. Inviter les contributopistes à notre table, préparer ensemble le repas et confronter nos points de vue.
Bref, quelque chose de plus collectif, de plus convivial. Et on vous en parle très vite.
Contra Chrome : une BD décapante maintenant en version française
Il y a loin de la promotion du navigateur Chrome à ses débuts, un outil cool au service des internautes, au constat de ce qu’il est devenu, une plateforme de prédation de Google, c’est ce que permet de mesurer la bande dessinée de Leah,
Contra Chrome est un véritable remix de la BD promotionnelle originale (lien vers le document sur google.com) que Leah Elliott s’est évertuée à détourner pour exposer la véritable nature de ce navigateur qui a conquis une hégémonie au point d’imposer ses règles au Web.
Nous avons trouvé malicieux et assez efficace son travail qui a consisté à conserver les images en leur donnant par de nouveaux textes un sens satirique et pédagogique pour démontrer la toxicité de Google Chrome.
La traduction qui est aujourd’hui disponible a été effectuée par les bénévoles de Framalang et par Calimero (qui a multiplié sans relâche les ultimes révisions). Voici en même temps que l’ouvrage, les réponses que Leah a aimablement accepté de faire à nos questions.
Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour nos lecteurs et lectrices… Je m’appelle Leah et je suis autrice de bandes dessinées et artiste. J’ai une formation en art et en communication, et je n’ai jamais travaillé dans l’industrie technologique.
Est-ce que tu te considères comme une militante pour la préservation de la vie privée ?
Eh bien, le militantisme en matière de vie privée peut prendre de nombreuses formes. Parfois, c’est être lanceur d’alerte en fuitant des révélations, parfois c’est une bande dessinée, ou la simple installation d’une extension de navigateur comme Snowflake, avec laquelle vous pouvez donner aux dissidents des États totalitaires un accès anonyme à un internet non censuré.
Dans ce dernier sens, j’espère avoir été une militante avant de créer Contra Chrome, et j’espère l’être encore à l’avenir.
Comment t’es venue l’idée initiale de réaliser Contra Chrome ?
Ça s’est fait progressivement.
Lorsque la bande dessinée Chrome de Scott McCloud est sortie en 2008, je n’avais qu’une très vague idée du fonctionnement d’Internet et de la façon dont les entreprises récoltent et vendent mes données. Je me figurais essentiellement que je pouvais me cacher dans ce vaste chaos. Je pensais qu’ils récoltaient tellement de données aléatoires dans le monde entier qu’ils ne pouvaient pas espérer me trouver, moi petite aiguille dans cette botte de foin planétaire.
Et puis les révélations de Snowden ont éclaté, et il a dit : « Ne vous y trompez pas », en dévoilant tous les ignobles programmes de surveillance de masse. C’est alors que j’ai compris qu’ils ne se contenteraient pas de moissonner le foin, mais aussi des aiguilles.
Depuis, j’ai essayé de m’éduquer et d’adopter de meilleurs outils, découvrant au passage des logiciels libres et open source respectueux de la vie privée, dont certains des excellents services proposés par Framasoft.
Lorsque j’ai retrouvé la bande dessinée de McCloud quelque temps après les révélations de Snowden, j’ai soudain réalisé qu’il s’agissait d’un véritable trésor, il ne manquait que quelques pages…
Qu’est-ce qui t’a motivée, à partir de ce moment ?
L’indignation, principalement, et le besoin de faire quelque chose contre un statu quo scandaleux. Il y a un décalage tellement affreux entre la société que nous nous efforçons d’être, fondée sur des valeurs et les droits de l’homme, et les énormes structures d’entreprises barbares comme Google, qui récoltent agressivement des masses gigantesques de données personnelles sans jamais se soucier d’obtenir le consentement éclairé de l’utilisateur, sans aucune conscience de leurs responsabilités sur les retombées individuelles ou sociétales, et sans aucun égard pour les conséquences que cela a sur le processus démocratique lui-même.
En lisant Shoshana Zuboff, j’ai vu comment ce viol massif de données touche à la racine de la liberté personnelle de chacun de se forger sa propre opinion politique, et comment il renforce ainsi les régimes et les modes de pensée autoritaires.
Trop de gens n’ont aucune idée de ce qui est activé en continu 24 heures sur 24 au sein de leur propre maisons intelligente et sur les téléphones de leurs enfants, et je voulais contribuer à changer ça.
Certains aspects de la surveillance via le navigateur Chrome sont faciles à deviner, cependant ta BD va plus en profondeur et révèle la chronologie qui va des promesses rassurantes du lancement à la situation actuelle qui les trahit. Est-ce que tu as bénéficié d’aide de la part de la communauté des défenseurs de la vie privée sur certains aspects ou bien as-tu mené seule ton enquête ?
Comme on peut le voir dans les nombreuses annotations à la fin de la bande dessinée, il s’agit d’un énorme effort collectif. En fin de compte, je n’ai fait que rassembler et organiser les conclusions de tous ces militants, chercheurs et journalistes. J’ai également rencontré certains d’entre eux en personne, notamment des experts reconnus qui ont mené des recherches universitaires sur Google pendant de nombreuses années. Je leur suis très reconnaissante du temps qu’ils ont consacré à ma bande dessinée, qui n’aurait jamais existé sans cette communauté dynamique.
Pourquoi avoir choisi un « remix » ou plutôt un détournement de la BD promotionnelle, plutôt que de créer une bande dessinée personnelle avec les mêmes objectifs ?
En relisant la BD pro-Google de McCloud, j’ai constaté que, comme dans toute bonne bande dessinée, les images et le texte ne racontaient pas exactement la même histoire. Alors que le texte vantait les fonctionnalités du navigateur comme un bonimenteur sur le marché, certaines images me murmuraient à l’oreille qu’il existait un monde derrière la fenêtre du navigateur, où le contenu du cerveau des utilisateurs était transféré dans d’immenses nuages, leur comportement analysé par des rouages inquiétants tandis que des étrangers les observaient à travers un miroir sans tain.
Pour rendre ces murmures plus audibles, il me suffisait de réarranger certaines cases et bulles, un peu comme un puzzle à pièces mobiles. Lorsque les éléments se sont finalement mis en place un jour, ils se sont mis à parler d’une voix très claire et concise, et ont révélé beaucoup plus de choses sur Chrome que l’original.
Lawrence Lessig a expliqué un jour que, tout comme les essais critiques commentent les textes qu’ils citent, les œuvres de remixage commentent le matériel qu’elles utilisent. Dans mon cas, la BD originale de Chrome expliquait prétendument le fonctionnement de Chrome, et j’ai transformé ce matériel en une BD qui rend compte de son véritable fonctionnement.
Est-ce que tu as enregistré des réactions du côté de l’équipe de développement de Chrome ? Ou du côté de Scott Mc Cloud, l’auteur de la BD originale ?
Non, c’est le silence radio. Du côté de l’entreprise, il semble qu’il y ait eu quelques opérations de nettoyage à la Voldemort : Des employés de Google sur Reddit et Twitter, se sont conseillé mutuellement de ne pas créer de liens vers le site, de ne pas y réagir dans les fils de discussion publics, exigeant même parfois que les tweets contenant des images soient retirés.
Quant à Scott, rien non plus jusqu’à présent, et j’ai la même curiosité que vous.
Ton travail a suscité beaucoup d’intérêt dans diverses communautés, de sorte que les traductions plusieurs langues sont maintenant disponibles (anglais, allemand, français et d’autres à venir…). Tu t’attendais à un tel succès ?
Absolument pas. Le jour où je l’ai mis en ligne, il n’y a eu aucune réaction de qui que ce soit, et je me souviens avoir pensé : « bah, tu t’attendais à quoi d’autre, de toutes façons ? ». Je n’aurais jamais imaginé le raz-de-marée qui a suivi. Tant de personnes proposant des traductions, qui s’organisaient, tissaient des liens. Et tous ces messages de remerciement et de soutien, certaines personnes discutent de ma BD dans les écoles et les universités, d’autres l’impriment et la placent dans des espaces publics. Ça fait vraiment plaisir de voir tout ça.
Il y a une sorte de réconfort étrange dans le fait que tant d’êtres humains différents, de tous horizons et de tous les coins de la planète, partagent ma tristesse et mon horreur face au système du capitalisme de surveillance. Cette tristesse collective ne devrait pas me rendre heureuse, et pourtant elle me donne le courage de penser à un avenir très différent.
Quel navigateur utilises-tu au lieu de Chrome ? Lequel recommanderais-tu aux webnautes soucieux de préserver leur vie privée ?
Je suis peut-être allée un peu loin désormais, mais je pratique ce que je prêche dans la BD : pour 95 % de ma navigation, j’utilise simplement le navigateur Tor. Et lorsque Tor est bloqué ou lorsqu’une page ne fonctionne pas correctement, j’utilise Firefox avec quelques modifications et extensions pour améliorer la confidentialité.
Donc généralement, que je cherche des recettes de muffins, que je vérifie la météo ou que je lise les nouvelles, c’est toujours avec Tor. Parce que j’ai l’impression que le navigateur Tor ne peut prendre toute sa valeur que si suffisamment de personnes l’utilisent en même temps, pour qu’un brouillard suffisamment grand de non-sens triviaux entoure et protège les personnes vulnérables dont la sécurité dépend actuellement de son utilisation.
Pour moi, c’est donc une sorte de devoir civique en tant que citoyenne de la Terre. De plus, je peux parcourir mes recettes de muffins en ayant la certitude qu’il ne s’agit que d’un navigateur et non d’un miroir sans tain.
Merci Leah et à bientôt peut-être !
Cliquez sur l’image ci-dessous pour accéder à la version française de Contra chrome