PeerTube bêta : une graine d’alternative à YouTube vient d’éclore

Le 21 novembre dernier, nous annoncions notre volonté de développer PeerTube, un logiciel libre qui pose les bases d’une alternative aux YouTubes et autres plateformes centralisant les vidéos.

Parmi toutes les actions de notre feuille de route Contributopia, celle-ci a reçu une attention et un soutien tout particulier. Il est temps de vous montrer les premiers résultats, de faire un premier point d’étape à l’occasion de la sortie publique de la version bêta de PeerTube.

« Bêta », cela signifie que ceci n’est qu’un début ! Nous espérons que vous verrez combien il est prometteur.

 

 

PeerTube…? C’est quoi ce « PeerTube », là…?

Tout le monde ne suit pas assidûment les nombreux projets de Framasoft, alors on s’explique !

Nous allons parler ici des principes au cœur de PeerTube : un logiciel libre qui allie fédération d’hébergements et diffusion en pair à pair pour publier des vidéos en ligne de manière décentralisée.

Vous n’avez pas compris cette phrase…? Tout va bien : on l’explique juste en dessous 😉 (sinon, cliquez ici pour passer à la partie suivante, et le sommaire est là.)

Pour qui sait administrer un serveur, PeerTube c’est…

C’est un logiciel que vous installez sur votre serveur pour créer votre site web d’hébergement et de diffusion de vidéos… En gros : vous vous créez votre propre « YouTube maison » !

Il existe déjà des logiciels libres qui vous permettent de faire cela. L’avantage ici, c’est que vous pouvez choisir de relier votre instance PeerTube (votre site web de vidéos), à l’instance PeerTube de Zaïd (où se trouvent les vidéos des conférences de son université populaire), à celle de Catherine (qui héberge les vidéos de son Webmédia), ou encore à l’instance PeerTube de Solar (qui gère le serveur de son collectif de vidéastes).

Du coup, sur votre site web PeerTube, le public pourra voir vos vidéos, mais aussi celles hébergées par Zaïd, Catherine ou Solar… sans que votre site web n’ait à héberger les vidéos des autres ! Cette diversité dans le catalogue de vidéos devient très attractive. C’est ce qui a fait le succès des plateformes centralisatrices à la YouTube : le choix et la variété des vidéos.

Mais PeerTube ne centralise pas : il fédère. Grâce au protocole ActivityPub (utilisé aussi par la fédération Mastodon, une alternative libre à Twitter) PeerTube fédère plein de petits hébergeurs pour ne pas les obliger à acheter des milliers de disques durs afin d’héberger les vidéos du monde entier.

Un autre avantage de cette fédération, c’est que chacun·e est indépendant·e. Zaïd, Catherine, Solar et vous-même pouvez avoir vos propres règles du jeu, et créer vos propres Conditions Générales d’Utilisation (on peut, par exemple, imaginer un MiaouTube où les vidéos de chiens seraient strictement interdites 🙂 ).

Pour qui veut diffuser ses vidéos en ligne PeerTube permet…

Il vous permet de choisir un hébergement qui vous correspond. On l’a vu avec les dérives de YouTube : son hébergeur, Google-Alphabet, peut imposer son système ContentID (le fameux « Robocopyright ») ou ses outils de mise en valeur des vidéos, qui semblent aussi obscurs qu’injustes. Quoi qu’il arrive, il vous impose déjà de lui céder -gracieusement- des droits sur vos vidéos.

Avec PeerTube, vous choisissez l’hébergeur de vos vidéos selon ses conditions d’utilisation, sa politique de modération, ses choix de fédération… Comme vous n’avez pas un géant du web en face de vous, vous pourrez probablement discuter ensemble si vous avez un souci, un besoin, une envie…

L’autre gros avantage de PeerTube, c’est que votre hébergeur n’a pas à craindre le succès soudain d’une de vos vidéos. En effet, PeerTube diffuse les vidéos avec le protocole WebTorrent. Si des centaines de personnes regardent votre vidéo au même moment, leur navigateur envoie automatiquement des bouts de votre vidéo aux autres spectateurs.

Mine de rien, avant cette diffusion en pair-à-pair, les vidéastes à succès (ou les vidéos qui font le buzz) étaient condamnés à s’héberger chez un géant du web dont l’infrastructure peut encaisser des millions de vues simultanées… Ou à payer très cher un hébergement de vidéo indépendant afin qu’il tienne la charge.

Illustration : CC-By-SA Emma Lidbury

Pour qui veut voir des vidéos, PeerTube a pour avantage…

Un des avantages, c’est que vous devenez partie prenante de la diffusion des vidéos que vous êtes en train de regarder. Si d’autres personnes regardent une vidéo PeerTube en même temps que vous, tant que votre onglet reste ouvert, votre navigateur partage des bouts de cette vidéo et vous participez ainsi à une utilisation plus saine d’Internet.

Bien sûr, le lecteur vidéo de PeerTube s’adapte à votre situation : si votre installation ne permet pas la diffusion en pair-à-pair (réseau d’entreprise, navigateur récalcitrant, etc…) la lecture de la vidéo se fera de manière classique.

Mais surtout, PeerTube vous considère comme une personne, et non pas comme un produit qu’il faut pister, profiler, et enfermer dans des boucles vidéos pour mieux vendre votre temps de cerveau disponible. Ainsi, le code source (la recette de cuisine) du logiciel PeerTube est ouvert, ce qui fait que son fonctionnement est transparent.

PeerTube n’est pas juste open-source : il est libre. Sa licence libre garantit nos libertés fondamentales d’utilisateurs ou d’utilisatrices. C’est ce respect de nos libertés qui permet à Framasoft de vous inviter à contribuer à ce logiciel, et de nombreuses évolutions (système de commentaires innovant, etc.) nous ont déjà été soufflées par certain·e·s d’entre vous.

PeerTube, expliqué par MrBidouille, sur PeerTube.

Et sinon, Framatube, ça avance…?

En novembre dernier, la campagne « Framatube » avait pour objectif de permettre à Framasoft d’embaucher Chocobozzz, le développeur de PeerTube, pour qu’il puisse enfin consacrer son temps professionnel à ce projet personnel.

On va pas se mentir : nous avons mis du « Frama » dedans pour mieux faire connaître le projet et susciter les contributions, financières et humaines. Si nous avons voulu mettre notre réputation (et nos savoir-faire) au service de PeerTube, ce n’est clairement pas Framasoft qui importe ici.

Ce qui compte, ce que l’on va raconter ci-dessous, c’est l’évolution qu’a pu connaître le projet PeerTube. Une évolution technique comme pratique, qui a été rendue possible grâce aux personnes qui se sont impliquées dans le projet (et si vous avez déjà tout suivi, passez à la suite en cliquant ici et le sommaire est là).

Sous le capot, le code

Une des plus grosses évolutions du code de PeerTube a été de le rendre plus visuel, et plus agréable. En effet, le logiciel que Chocobozzz a écrit sur son temps libre permettait déjà de nombreuses choses : créer une instance, des comptes pour les vidéastes, etc. Mais une partie de tout cela se faisait en ligne de commande, dans un terminal. Aujourd’hui, l’interface web permet (presque) tout.

On dit « presque », car la nouvelle fonctionnalité d’import de vidéos en masse depuis d’autres plateformes (YouTube, mais aussi Viméo, Dailymotion, et plein plein d’autres) se fait encore en ligne de commande… Si son utilisation reste réservée aux initié·e·s, l’outil reste bien pratique pour qui veut copier sa chaîne YouTube sur son instance PeerTube ;).

Suite à de nombreux échanges sur notre forum des contributions, le système de fédération a été entièrement revu pour adopter le protocole ActivityPub, qui est utilisé, par exemple, par Mastodon (l’alternative à Twitter libre et fédérée). Concrètement, cela permet à PeerTube de communiquer de manière standardisée avec d’autres logiciels fédérés… qui ne font pas forcément de la vidéo (comme Mastodon !). Pour l’instant, les échanges sont expérimentaux, mais ces tests sont prometteurs.

Enfin, nous avons accompagné Chocobozzz afin qu’il puisse mieux définir des cas d’utilisation, ce qui lui a permis de coder divers rôles d’utilisateurs d’une instance PeerTube. Désormais, l’hébergeur d’une instance peut désigner des admins, des modos, et ainsi créer une communauté autour de son instance et des règles qui ont été adoptées.

Illustration : CC-By-SA Emma Lidbury

Des outils pour faciliter les échanges

Cette fonctionnalité de rôles va de pair avec de meilleurs outils pour gérer les utilisateur·ice·s. Par exemple, un hébergeur peut définir un quota d’espace disque par vidéaste, afin de ne pas avoir une personne prenant tout les gigas disponibles sur son serveur. Les hébergeurs ont aussi la possibilité de définir le nombre de comptes disponibles sur leur instance (une fois dépassé, les inscriptions sont fermées).

Tout cela, bien entendu, dépend des règles que chaque instance aura définies. C’est là qu’intervient un nouvel outil qui permettra de décrire le but de son instance (généraliste, réservée à tel types de vidéos, ou de communauté, etc.) et surtout les règles qui régissent cet hébergement dans les conditions générales d’utilisation. Une fédération d’instances diverses ouvre la porte à une diversité de gouvernances et d’identités : mieux vaut avoir un outil pour afficher tout cela en toute transparence !

Les échanges se font aussi en dessous des vidéos. Pour cela, un outil de commentaires a été créé. Grâce au protocole de fédération ActivityPub, les commentaires de votre compte PeerTube sont automatiquement « pouettés » (un Pouet, c’est comme un Tweet qui se serait libéré de Twitter). Si les commentaires sont fonctionnels, ils sont voués à évoluer, car de nombreuses améliorations sont déjà discutées sur notre forum des contributions (merci à Rigelk et Thoumou au passage !).

Enfin, PeerTube a connu une grosse évolution graphique. On peut évoquer l’outil pour envoyer une miniature personnalisée sur sa vidéo, ou de celui qui permet de définir le contenu comme « Not Safe For Work » (« réservé à un public averti »)… Mais c’est surtout la contribution d’Olivier Massain qu’il faut souligner. Ce dernier a repensé le design de PeerTube et a créé les maquettes visuelles que Chocobozzz a intégré dans cette version bêta du logiciel. Désormais, PeerTube est plus évident à utiliser tout en gagnant une identité visuelle claire.

La dimension humaine de PeerTube

On l’oublie souvent mais un projet logiciel, surtout lorsqu’il est contributif, c’est avant tout des personnes qui y mettent de leur temps, de leurs envies, et de leur talent dedans. Suite à sa proposition initiale de design, Olivier Massain a poursuivi son travail avec Chocobozzz, lorsqu’il fallait créer de nouvelles visualisations, et on ne peut que l’en remercier chaleureusement.

De même, la catégorie « PeerTube » de notre forum des contributions s’est enrichie d’un contributeur de qualité en la personne de Rigelk. Sa présence, sa bienveillance et sa pertinence ont alimenté de nombreuses discussions avec pour résultat des propositions collaboratives vraiment intéressantes. De telles contributions permettent à Chocobozzz de gagner du temps qu’il peut consacrer au développement de PeerTube.

Ce ne sont là que deux exemples de personnes qui ont grandement contribué à PeerTube (sans forcément apporter du code, d’ailleurs ^^). Il nous serait impossible de citer toutes les personnes ayant participé par leurs échanges, apports, questionnements, etc. Sachez simplement que PeerTube ne serait pas le même si nous l’avions fait juste « dans notre coin », alors merci à vous.

D’ailleurs, vos contributions financières à notre campagne de dons 2017 nous ont permis de renouveler le contrat de Chocobozzz, initialement embauché pour quatre mois. L’avoir avec nous jusqu’à fin 2018 nous permet d’envisager la poursuite du projet PeerTube jusqu’à une version 1, même si cela reste un pari financier pour Framasoft. Mais sa joyeuse présence, son professionnalisme (et ses connaissances en NodeJS) sont un apport indéniable à notre équipe salariée.

Et pis Chocobozzz, il montre même sur PeerTube comment marchent les commentaires PeerTube.

PeerTube : aujourd’hui et demain

Alors non : ce n’est pas aujourd’hui que vous allez brûler vos comptes YouTube ni libérer vos vidéos des chaînes de Google (quoique… sentez-vous libres ^^). Si la sortie de cette bêta n’est pas une révolution, elle marque une étape importante, une première marche essentielle vers une alternative crédible aux plateformes centralisatrices.

Ici, on va parler ensemble de la base commune que nous avons, expliquer pourquoi PeerTube ne répond pas encore à toutes les attentes (nombreuses et pressantes), et nos envies pour cheminer vers la version 1 de ce logiciel (pour aller direct à la conclusion, c’est ici et le sommaire est là).

De beaux débuts communautaires

C’est un bonheur de l’annoncer : le pari est réussi. PeerTube est un logiciel qui marche, et permet de fédérer des sites hébergeant des vidéos diffusées de pairs à pairs. Vous pouvez regarder, commenter, approuver (ou désapprouver) des vidéos, et même découvrir comment soutenir la personne qui les a mises en ligne (si elle a rempli le texte qui se cache derrière le bouton soutenir ou «support»).

Vous pouvez aussi, si vous en avez les capacités techniques, installer cette solution sur votre serveur et rejoindre la communauté naissante des hébergeurs PeerTube. À ce jour, nous comptons près d’une vingtaine d’instances d’hébergement avec qui nous avons travaillé pour mettre en place une proto-fédération. Une mailing-list et un wiki ont d’ailleurs vu le jour pour partager les expériences et mettre en commun les savoirs de chacun·e, tout est sur le site joinpeertube.org

Les vidéos disponibles sont extrêmement variées : du hacking (matériel comme social) à l’éducation populaire, des conférences gesticulées au let’s play, du data-journalisme au librisme… Il y en a tellement pour tous les goûts que nous allons vous détailler cela dans un autre article !

Par contre, peu d’instances d’hébergement vont ouvrir leurs portes à vos vidéos… Car c’est un travail titanesque que d’héberger, modérer, et prendre la responsabilité de mettre sur son serveur le contenu d’autrui. Si votre envie est de publier vos vidéos sur une instance PeerTube, il va falloir que vous dénichiez une instance d’hébergement qui vous va… ou que vous vous organisiez pour le faire vous-même.

Illustration : CC-By-SA Emma Lidbury

Et il est où le Framatube de mes rêves ?

Alors Framatube est là : https://framatube.org , mais le Framatube de vos rêves risque fort d’être… dans vos rêves. Nous l’avions annoncé : Framasoft n’ouvrira pas son hébergement aux vidéos du public. Non seulement par crainte de devenir un point de centralisation dans une solution qui prône la décentralisation, mais aussi parce que nous n’en avons pas les épaules. Entre passer notre énergie à modérer et diffuser vos contenus, et s’investir pour que vous puissiez le faire en toute indépendance, nous avons choisi : nous voulons améliorer l’outil.

Car PeerTube est loin d’être parfait. Déjà, son interface n’existe qu’en anglais. Oui, cela fait râler les amoureuxses du Français que nous sommes (hihi ^^), mais si nous voulons une solution ouverte sur le monde, l’anglais est une base indispensable (et PeerTube dépasse déjà la simple francophonie). Or, le travail d’internationalisation (préparer un logiciel pour pouvoir traduire son interface en plusieurs langues) n’est pas encore fait… (mais on a des idées pour ça aussi, vous verrez !)

De même, nous avons bien compris que la monétisation des vidéos est un sujet qui vous titille. C’est d’ailleurs étrange de noter combien Google a formaté nos façons de voir la diffusion de vidéos en ligne, à ce sujet… Pour l’instant, la seule solution proposée aux personnes qui mettent en ligne des vidéos est de mettre un texte et un lien qui apparaîtront dans le bouton soutenir («Support») sous la vidéo.

Nous ne sommes pas allé·e·s plus loin car favoriser une solution technique serait imposer une vision des partages culturels et de leurs financements. Or nous avons ici une version bêta : de nombreuses améliorations sont à prévoir… Dont celles qui vous permettraient de créer (et choisir) vous-même les outils de monétisation qui vous intéressent !

En route pour la version 1 !

On aimerait bien pouvoir dire à Chocobozzz « Bon, maintenant, va faire une petite sieste jusqu’à la prochaine ère glacière », mais… Il reste tellement de choses à faire ! Déjà, parce qu’avec la sortie d’une version bêta viennent les retours des bêta-tests. Ensuite parce que nous comptons avancer pour proposer une version 1 d’ici la fin de l’année

Or ce ne sont pas les envies qui manquent pour améliorer PeerTube vers sa V1 : stabiliser le code, bien sûr, mais aussi travailler sa capacité à passer à l’échelle (comment se comporte PeerTube sur un petit RaspberryPi ou sur des grrrrrrrrros serveurs). Nous souhaitons aussi avoir un système d’internationalisation pour pouvoir traduire l’interface du logiciel, un outil pour mettre en ligne des sous-titres sur les vidéos, travailler le module de commentaires innovant imaginé sur le forum des contributions…

Dans nos rêves les plus fous, il y a aussi des outils statistiques plus poussés, un système de hooks ou de plugin qui permettent de personnaliser son instance PeerTube (changer l’apparence, ajouter un bouton ici ou là, etc.), une application mobile… Mais tout cela dépendra des énergies qui nous rejoindront comme de notre capacité à les accueillir et à collaborer ensemble.

Car tout cela a un coût : humain, associatif et financier. Si nous avons pu prolonger le contrat de Chocobozzz, c’est grâce à des dons qui ont été faits pour l’ensemble des actions de Framasoft. Ainsi, son temps de développement ne sera plus exclusivement consacré à PeerTube, car d’autres logiciels libres ont aussi besoin de ses talents (rassurez-vous, hein : il va quand même continuer à travailler sur son beau bébé ^^).

Longue vie à PeerTube !

Le fait est que nous allons devoir trouver comment pérenniser le poste de Chocobozzz et le projet PeerTube, qui nous semble avoir toutes les qualités pour proposer, à terme, une alternative éthique et astucieuse aux géants de la vidéo sur le web. Si nous cherchons encore comment faire, nous savons que nous ne voulons pas uniquement nous reposer sur la générosité de la communauté francophone.

En attendant, c’est aujourd’hui le jour où nous pouvons rendre publics les efforts qui ont été menés jusqu’à présent, en espérant que cela titille au moins votre curiosité… et au mieux vos envies de contribuer à cette belle aventure (ça se passe sur notre forum !).

Car oui, la route vers une alternative à YouTube est longue… Mais on vient d’en défricher la voie, et on vous assure qu’elle est Libre !

L’équipe Framasoft, qui lève son chapeau à Chocobozzz.

Pour aller plus loin




Framatube : fédération et design de PeerTube

Cela fait quelques semaines déjà que Chocobozzz a rejoint notre équipe pour se consacrer au développement de PeerTube, le logiciel que l’on vous présente sur Framatube.org.

L’occasion de faire un premier point d’étape, avec quelques belles nouvelles à vous annoncer !

Fédérer c’est bien, bien fédérer c’est mieux.

Pour rappel, Framatube ne sera qu’une des portes d’entrée des fédérations PeerTube. Et Framatube n’hébergera pas vos vidéos : nous préférerons vous accompagner pour créer votre propre hébergement PeerTube (ou rejoindre un existant), afin que se multiplient ces portes d’entrées, ces instances de PeerTube.

Car c’est un des gros intérêts de PeerTube, pouvoir faire en sorte que chacune de ces instances, que chacun de ces sites d’hébergement de vidéos puisse se relier aux autres, se fédérer. Le tout est de savoir comment fédérer !

Pour cela, PeerTube vient d’implémenter une première version du protocole ActivityPub [EN]. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, il s’agit d’un protocole de fédération développé par le W3C. C’est-à-dire qu’on standardise la manière dont différentes instances communiquent. Si deux plateformes différentes savent parler la même langue, alors elles peuvent s’échanger des données. Ça n’a l’air de rien comme ça mais ça ouvre des possibilités immenses aux logiciels décentralisés.

Imaginez que demain MediaGoblin implémente le protocole ActivityPub (et ce sera normalement le cas !) et soit compatible avec PeerTube, alors votre ami qui avait installé ce logiciel sur son serveur pourra envoyer l’index de ses vidéos à votre serveur PeerTube et vice versa. Vous pourrez chercher n’importe quelle vidéo stockée sur son serveur (ou encore d’autres serveurs !) en restant tranquillement sur votre interface web PeerTube. Au lieu d’avoir des plateformes concurrentes, nous avons un réseau fédéré encore plus puissant à l’aide de la collaboration. Et c’est une valeur qui nous est chère, dans le libre.

Illustration : CC-By-SA Emma Lidbury

 

Mais ça, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Là où ça devient vraiment très excitant, c’est lorsque deux plateformes n’ayant pas la même fonction communiquent entre elles. Imaginez une instance Mastodon, qui est une alternative décentralisée à Twitter avec plus d’un million de comptes et qui implémente déjà le protocole ActivityPub. Imaginez maintenant une instance PeerTube avec un vidéaste que vous appréciez et qui poste régulièrement des vidéos. Est-ce que ce ne serait pas génial de pouvoir le suivre via votre interface Mastodon, et de voir des statuts dans votre fil d’actualité contenant directement la vidéo à chaque fois qu’il en publie une ? Eh bien ce sera possible.

Mais là ou ça deviendra vraiment très, très excitant, c’est que lorsque vous répondrez au statut de la vidéo sur Mastodon, le message sera envoyé ensuite à l’instance PeerTube. Votre réponse sera donc visible en dessous de la vidéo, dans l’espace commentaire. Bien sûr si une autre personne à l’autre bout du monde répond à votre commentaire via son instance PeerTube ou Mastodon, vous le verrez comme une réponse à votre statut dans Mastodon. Si demain Diaspora (l’alternative à Facebook derrière Framasphere) implémente ActivityPub, ce sera la même chose. Nous aurons une multitude de plateformes capables de fédérer les commentaires.

Il a l’air balourd, mais ce vieux mastodonte pourrait bien écrabouiller Twitter, si nous nous laissions aller à le choisir…

 

On reproche souvent à raison aux alternatives libres de ne pas avoir de valeur ajoutée par rapport aux plateformes centralisées. Avec ActivityPub, voilà notre premier gros avantage. Car avec les plateformes centralisées, vous aurez du mal à avoir sous votre vidéo YouTube les réactions des personnes qui auront commenté sur Facebook, Twitter, DailyMotion, etc. 😉

Bien sûr, nous n’y sommes pas encore.

Il reste un peu de travail dans PeerTube pour améliorer l’implémentation d’ActivityPub, puis tester la communication avec les autres plateformes. Mais les premiers retours sont très encourageants :). En revanche, il nous semble important de dire que les implémentations d’ActivityPub dans PeerTube et Mastodon ne vous permettront pas de vous créer un compte sur une instance PeerTube depuis votre compte Mastodon, ou vice versa.

Le design, c’est un métier !

Au milieu des questions que vous nous avez posées sur le forum FramaColibri, Olivier Massain s’est proposé de nous donner un coup de main pour améliorer le design de PeerTube (et y’en avait besoin !). Les maquettes créées sont magnifiques. Nous avons donc décidé de partager avec vous en avant-première l’intégration de son fantastique travail, avec un petit « avant/après » ! Un énorme merci à lui.

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La contribution, c’est la clé

Framatube, illustré par David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Utiliser le protocole ActivityPub revenait très souvent dans les questions les plus techniques que vous nous avez posées sur PeerTube. D’ailleurs, l’ensemble de vos questions nous ont permis d’améliorer la présentation de PeerTube, en proposant de découvrir Framatube en 10 réponses.

C’est, encore une fois, dans ce même espace d’échanges et de discussion qu’Olivier Massain s’est proposé de contribuer au design de PeerTube. Voici donc la preuve, s’il en fallait une de plus, que la contribution est la clé de la réussite des projets Libres. Ce n’est pas pour rien si nous avons placé Framatube dans le paysage du premier monde de Contributopia : c’est parce que nous savons que nous ne pourrons y arriver que si nous le faisons ensemble.

Une autre manière de contribuer est de participer au financement des activités de Framasoft, et, là aussi, nous devons vous dire combien nous sommes émerveillé·e·s du soutien que vous nous accordez. Le 21 novembre dernier, nous avons associé l’annonce de Framatube avec notre appel aux dons, car il nous manquait alors 90 000 € pour boucler le budget 2018 de l’association. Nous avons découpé cette somme en trois paliers :

 

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le deuxième palier est presque atteint ! Alors oui, il reste un effort à faire et rien n’est gagné, mais d’ores et déjà, nous tenons à vous remercier de cette confiance que vous nous portez et nous souhaitons tout faire pour nous en montrer dignes. Petit rappel aux personnes qui paient des impôts sur le revenu en France : il vous reste jusqu’au 31 décembre pour faire un don à Framasoft qui puisse être déduit de vos revenus 2017 (sachant qu’un don de 100 € revient, après déduction, à 34 €).

Si vous le voulez et le pouvez, pensez à soutenir Framasoft , et/ou à faire passer cette information autour de vous !

 Pour aller plus loin :




PeerTube : les réponses à vos questions techniques !

Attention, ici ça parle technique ! Voici un florilège des questions les plus pointues que vous avez posées lors dans notre foire aux questions concernant PeerTube, le logiciel qui propulsera Framatube.

Si vous cherchez des réponses à des questions moins techniques et plus pratiques, nous avons un autre article sur les questions qui ne parlent pas de code, protocoles et autres serveurs ^^. Sachez que, sauf mention contraire, toutes les réponses sont de Chocobozzz, le développeur que nous avons accueilli dans notre équipe salariée afin qu’il puisse finaliser le code de PeerTube. De même, la plupart des questions ont été raccourcies ou reformulées pour plus de lisibilité, mais l’intégralité des échanges se trouve sur notre forum !

Illustration : CC-By-SA Emma Lidbury

Sous le capot, la techno

Skippythekangoo

— J’ai actuellement un petit serveur de 10 Go, mais qui grossira l’année prochaine, qui tourne sous Archlinux. Quelle méthode utiliser pour partager une partie de mes ressources pour le projet peertube ?

Pour l’instant le projet n’est pas encore en bêta donc attendre quelques mois. 😉

— Qu’utilisez-vous, python, ruby, asm… 🙂 ???

Le projet tourne via NodeJS/PostgreSQL, un peu de Shell et aura besoin de ffmpeg pour générer les miniatures et faire le transcoding (qui est en option).


Guyou

— Est-ce que le pari c’est que tout le monde regarde la même vidéo en même temps ? Mon usage de Youtube consiste à regarder, de temps à autre, des vidéos de 15-30 minutes. Mais ces vidéos ne font pas forcément l’objet du buzz du moment. Parfois, j’imagine même que Youtube doit commencer à fouiller son disque pour la retrouver.

Sinon, on va vite se retrouver avec de petits serveurs qui reçoivent plein de demandes pour différentes vidéos et qui se retrouvent vite dans l’impossibilité de servir tout le monde à cause de leur propre bande passante limitée.

Tu as tout à fait raison. Pour l’instant l’aspect P2P limite le facteur bande passante mais c’est pas une recette miracle : si 1000 personnes regardent 1000 vidéos différentes le serveur tombera.

— Est-il envisagé/envisageable de faire évoluer le modèle pour que chaque serveur du réseau puisse à son tour se joindre au réseau P2P d’une vidéo demandée par l’un de ses utilisateurs ?

À court terme il n’est pas prévu d’améliorer cet aspect. En revanche si la campagne de dons est un grand succès, on peut espérer que Framasoft continue de financer le projet pour ajouter de la redondance dans PeerTube → un autre serveur télécharge la vidéo puis la seed pour aider le serveur d’origine.

Du coup tout dépendra des donateurs. 🙂


ropoussiere

— On parle de fédération mais grosso-modo, j’imagine qu’il y aura une seule fédération non ? (comme Diaspora ou Mastodon)

Ce sera une fédération comme Mastodon, oui, à l’exception que ce seront les administrateurs de serveurs qui choisiront quel(s) serveur(s) suivre. Ça leur donne le contrôle sur les vidéos indexées (et donc affichées) sur leur serveur. Il sera possible de copier les « follows » d’autres serveurs bien sûr, sinon ça risquerait vite d’être pénible.

— Je suis jeune hébergeur, comment je trouve des amis qui veulent bien héberger les vidéos de mon instance pour la soulager / comment je suis tenu au courant des vidéos qui viennent d’être ajoutées sur les instances de mes amis, ça peut se faire automatiquement ?

Il n’y a pas pour l’instant de système de redondance donc pas moyen de choisir quelles vidéos tu veux redonder. À l’heure actuelle les vidéos « uploadées » sur ton serveur restent sur ton serveur, et seul ce dernier possède les fichiers physiques.

— Je viens de regarder une vidéo. À partir de quel moment je cesse de la partager ? (quand je quitte le site ? quand je ferme mon navigateur ? quand je redémarre mon pc ?)

Au moment où tu quittes la page de la vidéo (là où y’a le lecteur).

— On peut supposer que Framatube sera une instance PeerTube très majoritairement utilisée et qu’une très grande partie des utilisateurs ajouteront leurs vidéos via Framatube sans trop se poser de questions. Est-ce qu’un mécanisme est prévu pour téléverser la vidéo directement sur une autre instance pour ne pas remplir le disque dur de Framatube de vidéos de chats en quelques jours ?

À voir si Framatube ouvre et s’ils ouvrent à tout le monde pour n’importe quelles vidéos (je ne peux pas personnellement répondre), mais non il n’y a pas de mécanisme pour téléverser des vidéos sur d’autres instances. Par contre on peut fermer les inscriptions lorsqu’on atteint un certain nombre d’utilisateurs, et mettre un quota en octets par utilisateur. Si tu fais bien ton calcul tu peux donc gérer ton serveur sans remplir totalement le disque. Après à toi de voir si tu veux ouvrir d’autres instances pour accueillir de nouveaux utilisateurs.

— Suggestion : une interface pour ajouter des sous-titres ?

Ça tombe bien y’a une issue 🙂

— Autre suggestion : flux RSS sur des catégories ou un auteur ?

Ça tombe bien y’a aussi une issue 🙂


Chilperik

— Bonjour, l’installation sur un raspberry3 est-elle possible ? Viable ?

J’ai jamais testé mais « normalement » ça devrait être possible. Les seuls points bloquants pourraient être la compilation de certains modules Node (mais y’en a pas tant que ça).

— Est il possible d’utiliser un autre répertoire pour les médias ? Où sont ils stockés ?

Il stocke les vidéos dans le dossier spécifié dans la configuration.


JonathanMM

— Pourquoi ne pas se reposer sur le protocole torrent, qui propose déjà un catalogue et un réseau déjà pas mal ? Le lecteur vidéo ne serait alors qu’un client comme un autre, et le serveur servirait à la fois de serveur de trackers (et même aussi d’un client comme un autre, histoire d’augmenter les peers).

Ce serait bien mais malheureusement :

  • la plupart des vidéos sont dans un format incompatible avec le Web (.avi, .mkv etc.) ;
  • le navigateur ne peut se connecter aux autres pairs que via WebRTC, pas directement en TCP/UDP. Donc ton navigateur ne peut pas se connecter à un client Transmission/uTorrent par exemple ;
  • ça reste le protocole BitTorrent mais sur WebRTC, donc si les principales librairies de torrent ajoutent le support de WebRTC il sera possible de « seeder » une vidéo via un client torrent classique pour ton navigateur. Une issue est en cours pour suivre les évolutions d’implémentation de WebRTC dans les principales librairies torrent ;
  • encore une fois l’aspect P2P dans PeerTube c’est du BitTorrent, donc chaque serveur a effectivement un tracker (ton navigateur s’y connecte via websocket).

JonathanMM

— Ok, je comprends mieux […] Après, un truc qui je pense pourrait-être sympa serait d’avoir pour l’admin un système d’ajout rapide d’une vidéo sur le serveur, où on balance un lien ou un fichier torrent, et le système regarde si la vidéo est OK ou pas avant de la mettre sur son réseau. Ça permettrait d’avoir déjà une base de sources pour le jour où les libs utiliseront le WebRTC. Voir ça permettrait aux serveurs de s’échanger entre eux des vidéos ?

Yep, un import via torrent ou via URL serait utile. Un import via YouTube serait aussi le top.


Aitua

— Faut-il avoir son ordinateur connecté 24h/24 pour que la vidéo que l’on héberge soit disponible à tout moment ? Ou le serveur fait le relais ?

Le serveur fait relais, c’est lui qui s’occupe de constamment « seeder » la vidéo pour qu’elle soit toujours disponible. Pour info, il seed la vidéo via HTTP (ce qui ne demande aucun effort constant) via l’extension WebSeed du protocole BitTorrent


CamilleKaze57

— Est-ce que Peertube utilisera le protocole ActivityPub pour se fédérer avec Mastodon et GnuSocial ? Une vidéo pourrait apparaître sous la forme d’une publication et les commentaires comme des réponses. Je rappelle qu’Activitypub est soutenu par le W3C et a vocation à devenir un standard. En plus pouvoir se connecter avec son compte Mastodon ce serait génial !

Oui, PeerTube utilisera ActivityPub.

Donc, oui, en théorie on pourra se fédérer avec Mastodon et consorts (ça demandera quand même des adaptations au niveau code), et c’est tout ce qu’on espère. 🙂


Olivier Massain a profité de notre foire aux questions pour proposer son aide sur le design de PeerTube : ça va péter la classe !

« Ça ressemblerait pas un peu à… »

sossa

— Connaissez-vous BitChute qui fonctionne sur exactement le même principe ? Y-a-t-il un problème inhérent à BitChute qui vous pousserait à créer un autre outil ?

BitChute n’est pas libre, pas installable sur son serveur et pas fédéré.

Le seul point commun avec PeerTube est qu’il utilise WebTorrent, afin de soulager la bande passante pour ses propres besoins.

sossa

— OK, c’est très clair, merci ! Il est vrai que je l’avais regardé à son lancement, où ils parlaient d’ouverture et « d’installabilité », et deux ans après, rien n’a bougé, ce qui est au minimum suspicieux.


hyamanieu

— Je me demandais si vous aviez remarqué qu’il y a un projet similaire, dont le premier commit date d’août 2015 (quelques mois avant vous), et qui a beaucoup plus d’élan? Ils sont toujours en bêta (vous alpha), mais ils ont déjà ramené beaucoup de YouTubers anglophones et bientôt des francophones : lbry

Je ne connaissais pas lbry, que je viens de découvrir.

Si j’ai bien compris il s’agit plus d’un protocole, s’utilisant via un démon que tu lances et qui écoute sur un port particulier ? Et ils veulent utiliser un plugin pour pouvoir être disponible via le web. Le projet veut faire de la décentralisation avec un système de financement pour les créateurs.

PeerTube quant à elle est une application web donc difficilement comparable à lbry. De plus notre idée est de pouvoir faire communiquer différentes plateformes web (MediaGoblin, Mastodon etc) via ActivityPub, pas de s’enfermer dans un protocole particulier (que je ne remets pas en question, hein :)).

hyamanieu

— En effet, il s’agit d’un protocole. Quelles que soient les solutions techniques envisagées, ce qui compte est l’utilisation finale. Mais je ne pense pas que ça cause de grands problèmes la compétition, peut-être même l’inverse. Sur des projets open source c’est un peu dommage, c’est tout.

Je suis bien d’accord, c’est pour ça qu’on migre le protocole de fédération vers ActivityPub pour avoir une coopération entre plateformes différentes plutôt que de la compétition.


www

— Que pensez-vous de DTube ? (basé sur STEEM et IPFS)

Je n’en pense pas grand-chose, je ne connais pas assez les deux technos.

J’ai juste l’impression qu’IPFS n’est pas tout à fait prêt (d’où leur ajout de WebTorrent en secours si j’ai bien compris) et assez complexe (faut mettre en place des passerelles etc.).

Il ne me semble pas que DTube soit libre non plus.

Mais je suis le projet, c’est assez innovant comme manière de fonctionner.


 Pour aller plus loin :




Khrys’presso du lundi 29 avril 2024

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.


Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer votre bloqueur de javascript favori ou à passer en “mode lecture” (Firefox) 😉

Brave New World

Spécial Palestine et Israël

Spécial femmes dans le monde

Spécial France

Spécial femmes en France

Spécial médias et pouvoir

Spécial emmerdeurs irresponsables gérant comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial recul des droits et libertés, violences policières, montée de l’extrême-droite…

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Spécial Foutons le Zbeul

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les trucs chouettes de la semaine

Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).




Comment Framasoft sensibilise les acteurices de la médiation numérique aux pratiques numériques éthiques

À l’occasion de la publication de la synthèse de l’atelier Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ? proposé aux médiateurices numériques en octobre dernier lors de l’événement NEC [Numérique en communs], on vous propose un point d’étape sur les différentes actions que Framasoft mène au sein de l’écosystème de la médiation numérique.

Un constat : trop de GAFAM dans ce secteur !

Ces dernières années, chez Framasoft, nous déplorons que, sous couvert d’accompagner les personnes dans la découverte et la prise en main d’outils numériques, l’écosystème de la médiation numérique (ou inclusion numérique) évacue souvent un peu trop vite certaines questions : quels sont ces outils ? Quels sont leurs impacts sur celleux qui les utilisent ?

Ainsi, nous avons constaté à de multiples reprises qu’une nouvelle génération d’aidant⋅es et de conseiller⋅es numériques recommandaient à leurs bénéficiaires l’utilisation d’outils et services numériques privateurs sans les informer de l’existence d’alternatives plus éthiques. Et cette situation nous pose problème.

Ces bénéficiaires, qui sont dans leur grande majorité en situation de fracture numérique et d’illectronisme (difficultés d’accès et d’usage), sont aussi, la plupart du temps, des personnes fragilisées (en situation de précarité sociale, peu diplômées, aux revenus modestes ou isolées), premières victimes potentielles de l’appétit des géants du web. N’ayant pas ou peu connaissance des enjeux liés aux usages du numérique, elles ne sont pas en mesure de questionner les recommandations qui leur sont faites (surtout si ce sont des professionnel⋅les qui les leur font), et vont donc les appliquer à la lettre, contribuant ainsi à se maintenir dans une situation de dépendance (technologique cette fois-ci).

Au cours de la rédaction de cet article, nous avons découvert sur LinkedIn (réseau social où l’écosystème est très actif) cette publication de Florent Salem qui synthétise bien la situation :copie d'une publication LinkedIn de Florent Salem qui explicite le rapport des acteur⋅ices de la médiation numérique aux outils privateurs

Cette situation nous rappelle aussi qu’une partie des professionnel⋅les amené⋅es à aider ces personnes n’a pas été correctement formée aux enjeux du numérique. La formation initiale du dispositif CNFS (Conseiller⋅e numérique France Service) est basée sur le bloc de compétences « Accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques » du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique), mais la liste des compétences à développer n’est pas détaillée. Ainsi, rien n’oblige les organismes de formation en charge de cette formation initiale à former aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux du numérique. Si certains (coucou Zoomacom !) s’en sont emparés, beaucoup de CNFS n’en ont jamais entendu parler !

capture du bloc de compétences RNCP34137BC01 (titre pro REMN)
bloc de compétences du titre professionnel REMN

Du côté des offres ciblées de formation continue à destination des CNFS, ce n’est pas mieux. Par exemple, l’ARNia (Agence Régionale du Numérique et de l’intelligence artificielle en Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la mission régionale pour la médiation numérique en Bourgogne-Franche-Comté) propose au sein du catalogue de formation pour les CNFS la formation Créer, utiliser une boîte email et gérer ses courriers dont on peut trouver au programme :

extrait du catalogue de formation pour CNFS
Vous vous en doutez, ça nous hérisse les poils de lire que les CNFS qui suivront cette formation ne se verront présenter que deux services de messagerie, dont aucun ne peut être considéré comme éthique !

Souhaitant agir sur cette situation, Framasoft s’est rapproché de l’écosystème de la médiation numérique ces dernières années afin de sensibiliser les acteurices aux pratiques numériques éthiques.

Approcher l’écosystème de la médiation numérique

Jusqu’à il y a peu, chez Framasoft, on ne pensait pas être des acteur⋅ices de la médiation numérique. Alors que pourtant, nous aussi, nous concevons et produisons de ressources pédagogiques et documentaires pour différents supports (ateliers, manuels, cours en ligne, etc.) et élaborons des actions de sensibilisation aux enjeux du numérique pour faciliter l’appropriation de savoirs et de nouvelles pratiques numériques. D’ailleurs, chaque année, nous accompagnons plusieurs centaines de personnes à questionner leurs pratiques et nous leur proposons de s’en émanciper en adoptant des outils numériques plus éthiques.

Depuis 2019, nous nous sommes rapproché⋅es petit à petit de cet écosystème en participant à plusieurs événements du secteur :

  • atelier Médiation numérique et contribution aux logiciels libres lors de la 2ème édition de NEC [Numérique en Communs] organisée les 17 & 18 octobre 2019 à Marseille ;
  • intervention sur les enjeux de médiation et de culture numérique pour tous et atelier Peut-on se passer des GAFAM ? lors du NEC Haute-Savoie organisé le 26 novembre 2021 à Annecy (téléchargez le carnet en faisant la synthèse) ;
  • atelier Pratiques numériques éthiques dans l’accompagnement des usagers pour les acteurs de la médiation numérique du bassin Chambérien accompagnés par le projet Transistor – incubateur numérique inclusif de l’Agence Alpine des territoires le 10 mars 2022 à Chambéry ;
  • pitch pour présenter PeerTube lors de la 4ème édition de NEC organisée les 28 et 29 septembre 2022 à Lens.

Nous avons aussi cherché à développer nos relations avec les acteurices historiques de la médiation numérique. En septembre 2022, nous avons rejoint le sociétariat de la MedNum, la coopérative des acteurs de la médiation numérique pour y porter la voix d’un numérique émancipateur. Nous sommes ainsi en contact avec les différentes organisations de l’écosystème et avons développé des relations plus poussées avec certaines d’entre elles (coucou Coll.In, Hubikoop, Zoomacom, etc.). Nous incitons ces organisations à s’emparer du sujet, à modifier leurs pratiques numériques en interne et à sensibiliser leurs bénéficiaires.

Et c’est suite à de nombreux échanges avec Yann Vandeputte, en charge du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique) au sein de l’AFPA, que nous avons publié la série d’articles Lost in médiation en mars et avril 2023.

Un parcours pour acculturer aux enjeux et outils numériques éthiques avec Hubikoop

Fin 2021, Marley Nguyen-Van, chargé de développement territorial au sein de Hubikoop (Hub territorial pour un numérique inclusif de la région Nouvelle-Aquitaine), nous contacte afin de développer des actions en commun. De ces échanges émergera rapidement le projet de proposer aux conseiller⋅es numériques de la région Nouvelle Aquitaine un dispositif pour les acculturer aux enjeux, dispositifs et ressources en matière de pratiques numériques éthiques, afin qu’iels puissent à leur tour transmettre leurs connaissances à leurs équipes, leurs partenaires et même en faire bénéficier leurs publics.

Nous concevons un parcours pédagogique en 8 webinaires d’une durée de 2h que nous intitulons Parcours d’accompagnement à la découverte des services numériques éthiques (oui, on n’a pas été super originaux sur ce coup là ^^) et dont l’articulation est la suivante :

– webinaire 1 – C’est quoi le problème avec les géants du web ?
– webinaire 2 – Alternatives et résistances : comment se réapproprier Internet ?
– webinaire 3 – Logiciels et services libres, de quoi parle-t-on ?
– webinaire 4 – Dégooglisons Internet : une offre de services libres
– webinaire 5 – Protéger sa vie privée sur Internet
– webinaire 6 – Libérer son smartphone Android
– webinaire 7 – Des outils libres pour collaborer
– webinaire 8 : Des outils libres pour communiquer

Un calendrier est proposé pour des webinaires répartis entre avril et juin 2022. Il est convenu que Framasoft prendra en charge l’animation de ces webinaires et fournira l’outil technique (un salon dédié sur notre instance Big Blue Button). Hubikoop se chargera de l’organisation de l’action et du ciblage des potentiel⋅les participant⋅es. Cependant, nous recontrons des difficultés à mobiliser des participant⋅es et le parcours sera finalement reprogrammé à la rentrée scolaire (entre septembre 2022 et février 2023).

Le premier webinaire, programmé le 20 septembre, réunit une cinquantaine de personnes et au final, le parcours sera suivi en intégralité (les 8 webinaires) par une trentaine de professionnel⋅les de l’inclusion numérique. Certain⋅es ne suivront pas tous les webinaires, mais la fréquentation sera tout de même de 37 personnes en moyenne. Tous les webinaires ont été enregistrés et il est désormais possible de les visionner sur Framatube.
Au regard du nombre de participant⋅es,l’action est considérée comme une réussite. Afin d’en savoir plus, nous leur avons envoyé un questionnaire pour recueillir leur avis sur le parcours et l’impact que celui-ci avait sur leurs pratiques professionnelles. Seulement 13 d’entre elleux y ont répondu malgré les nombreuses relances et iels ont toustes indiqué être satisfait⋅es de manière générale du parcours. Iels sont 94% à préciser que le parcours a répondu à leurs attentes, 82% à exprimer leur satisfaction concernant la durée du parcours d’accompagnement et 88% à être satisfait⋅es du niveau d’explication donné par les intervenant⋅es.

Graphiques présentant les taux de satisfaction des participant⋅es au parcours

Ce parcours semble donc avoir répondu aux besoins et attentes des participant⋅es, qui précisent les points forts suivants :

  • des modules très riches en informations et explications (enjeux et outils) ;
  • un argumentaire permettant de convaincre ;
  • la posture des intervenant⋅es ;
  • la diversité des thématiques abordées ;
  • le partage des supports et des replays.

Ce qui nous importait aussi, c’était de savoir si les connaissances acquises allaient être utilisées dans leur contexte professionnel. Iels sont 64% à indiquer que le parcours leur a permis de renforcer leurs pratiques professionnelles et 76% à souhaiter mettre en place des ateliers sur les thématiques abordées. Mais iels ont aussi indiqué que le format webinaire ne permettait pas de réellement mettre en pratique et ont suggéré que soient organisés des temps d’échanges permettant d’identifier les activités et postures pour porter ces sujets auprès des publics accompagnés.

Des ateliers pour identifier pratiques et postures de médiation afin d’accompagner les pratiques numériques éthiques

Si ce parcours a permis aux participant⋅es de mieux comprendre la toxicité des géants du web et de découvrir de nombreuses alternatives à leurs services, il n’y était en effet pas inclus de temps dédié aux méthodes de médiation sur ces questions. Car c’est une chose de comprendre les enjeux et de savoir utiliser soi-même les outils, ça en est une autre d’accompagner des personnes ayant peu de maîtrise du numérique dans cette voie.

Avec Hubikoop, nous avons donc envisagé de proposer à toutes les personnes ayant suivi le parcours de se retrouver pendant une journée complète avant l’été 2023 afin d’échanger sur les différentes modalités de médiation au numérique éthique. Comme les participant⋅es étaient géographiquement assez éloigné⋅es (c’est grand la Nouvelle Aquitaine !), on pensait proposer cette journée en amont ou en aval d’un événement professionnel. Ceci n’a finalement pas pu se faire immédiatement. Apprenant que le NEC national allait avoir lieu à Bordeaux en octobre 2023, nous y avons vu l’opportunité de programmer cette journée la veille de l’événement. Mais nous avons sû très vite que ça ne serait pas possible vu que les CNFS étaient déjà mobilisés ce jour là. Afin que le sujet puisse tout de même être abordé, nous avons proposé un atelier plus court afin qu’il soit intégré au programme du NEC.

visuel atelier au NEC

Intitulé Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ?, l’atelier proposait aux participant⋅es de réaliser un état des lieux de leurs pratiques de médiation aux outils numériques éthiques et de questionner les postures de médiation spécifiques à cette thématique. Après une introduction rappelant le contexte de l’atelier (suite du parcours) et reprécisant ce qu’est le numérique éthique, les participant⋅es ont partagé en groupes les différentes façons dont iels portent la question du numérique éthique. Afin de garder une trace de ces échanges, il était proposé de compléter des fiches (1 fiche activité / dispositif formalisé et 1 fiche accompagnement informel). La seconde partie de l’atelier a permis de mettre en commun des éléments les plus signifiants de chaque groupe et de questionner les participant⋅es sur la reproductibilité de ces pratiques.

Ce même atelier a été aussi proposé lors de l’événement NEC Hauts de France Les Communs pour un numérique au service de tous le 7 novembre 2023 à Lille et le sera aussi lors du NEC Grand Est #1 Libertés numériques le 9 avril prochain à Strasbourg (il est encore temps de s’inscrire, mais ne tardez pas !).

Une synthèse de l’ensemble des dispositifs de médiation numérique partagés lors des deux ateliers a été réalisée. Nous avons proposé aux personnes ayant participé à ces ateliers et à celles ayant suivi le parcours un nouveau webinaire le 24 janvier 2024 durant lequel nous avons commenté et enrichi collectivement cette synthèse, laquelle a été mise en forme afin d’être diffusée au plus grand nombre.

Illustration de la couverture de la synthèse de l'atelier
Cliquez sur l’image pour télécharger la synthèse de l’atelier

Ce document, après avoir rappelé ce qu’on entend par numérique éthique, présente sous deux angles les dispositifs de médiation aux pratiques numériques éthiques. La première partie propose plusieurs pistes pour susciter la curiosité des bénéficiaires sur la thématique, que ce soit en outillant les espaces de médiation numérique, en fournissant de la documentation ou en accompagnant au cas par cas les usages. La seconde partie regroupe, elle, plusieurs pistes d’activités pour inviter les bénéficiaires à s’emparer de la question, telles que des temps de réflexions-discussions ou l’organisation d’ateliers spécifiques pour découvrir et manipuler ces outils.

Si vous avez mis en place ou avez connaissance de dispositifs de médiation qui n’apparaissent pas dans ce document, n’hésitez pas à nous l’indiquer en commentaire afin qu’on l’enrichisse. Nous espérons que les acteur⋅ices de la médiation numérique s’appropriront ces différents dispositifs et qu’iels nous partagerons leurs retours d’expérience.

Et la suite ?

Dans les mois et années à venir, Framasoft souhaite continuer à s’intégrer dans l’écosystème de la médiation numérique, que ce soit en intervenant lors des événements de la communauté, en produisant des ressources afin d’aider les médiateur⋅ices à mieux appréhender ces questions du numérique éthique ou en développant de nouveaux projets avec les organisations du secteur.




MLC44, une association et une monnaie locale en cours de libération des géants du numérique

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de MLC44, qui porte la monnaie locale Moneko. Merci à Thibaut pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Thibaut, 41 ans. De formation ingénieur en informatique et travaillant dans une ESN spécialisée dans l’open-source au civil 😉 J’ai débuté comme développeur web PHP, évolué dans le pilotage de projet et la direction d’un centre de production et suis actuellement dans des fonctions plus commerciales, toujours dans la même ESN.

Au sein de l’association MLC44, je suis bénévole : membre élu du collectif qui pilote l’association et aidant sur toutes les problématiques liées aux outils informatiques à travers la commission support (c’est un groupe de travail, rassemblant bénévoles et certains membres de l’équipe salariée, chargé de donner les moyens et outils à l’association pour remplir ses objectifs).

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ?

MLC44 est l’association qui porte Moneko, une monnaie locale et citoyenne qui circule dans le département de la Loire-Atlantique. La monnaie circule au sein d’un réseau de particuliers et de structures partenaires agréées (commerces, restaurants, producteurs, artisans, associations, professions libérales, etc.), réunis autour d’une charte de valeurs et qui intègrent des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités.

Sans possibilité d’épargne et non spéculative, cette monnaie est adossée (on dit aussi complémentaire) à l’euro. Comme la plupart des monnaies locales, c’est un outil d’éducation populaire : Moneko permet aux citoyen⋅nes de se réapproprier l’usage de la monnaie, d’en découvrir les enjeux, de s’impliquer dans la gouvernance de leur monnaie, d’échanger et de partager au sein d’un réseau solidaire pour devenir acteur de la transition économique et écologique de leur territoire.

Cela a bien fonctionné avec moi, car depuis que je suis adhérent, j’ai déplacé une bonne partie de ma consommation vers des structures locales. Ça devient assez ludique quand on s’y met 😉

Le fonctionnement de Moneko. Source : site de Moneko

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous avons 4 salariés et 1 à 2 VSC (Volontaire en Service Civique) suivant les périodes. Les bureaux de l’association sont localisés à Nantes au sein du Solilab (super lieu réunissant plein d’énergies autour de l’ESS), mais nous avons aussi des groupes locaux dans plusieurs lieux du 44. Notre objectif est de les multiplier sur le territoire de la monnaie. L’association rassemble une cinquantaine de bénévoles et les adhérents à la monnaie sont à ce jour près de 1000 (760 particuliers et 220 pros à jour de leur cotisation).

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

La majorité est plutôt à l’aise et en plus volontaire pour progresser, cela aide beaucoup !

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Quand j’ai rejoint l’association en 2021, le sujet était déjà dans les objectifs de l’association avec quelques premières actions en cours. Utiliser des outils libres ou open-source plutôt que les outils des GAFAM ou propriétaire est une préoccupation proche des valeurs qui guident notre association. C’est donc une voie d’évolution tout à fait naturelle pour nous et facilement compréhensible par nos membres.

En dehors donc de l’aspect valeur, une autre motivation est l’autonomie que cela peut nous apporter : nous trouverons toujours une ressource apte à maintenir/développer nos outils vs du propriétaire, et en plus cela nous rend moins dépendant d’un prestataire. Nous identifions également des bénéfices en termes de coût financier à moyen/long terme une fois l’investissement initial passé (mise en place et montée en compétence des équipes).

C’est aussi l’occasion de travailler à plus facilement fédérer/mutualiser nos usages et outils au niveau national, voire européen avec les autres monnaies locales (coucou à nos copains du mouvement SOL). C’est une des raisons pour laquelle nous avons également rejoint l’association Lokavaluto qui est un commun numérique à destination de projets de l’ESS tels que les Monnaies Locales complémentaires et Citoyennes, les Sécurités sociales de l’alimentation, les SEL, les places de marché locales, etc.

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Il n’y a pas réellement de personne dédiée au sujet. Cette démarche restant chaque année suivie et présente dans le plan d’action de l’association, nous nous en soucions régulièrement. Pour aller dans le détail, c’est la commission support de l’association qui en a la responsabilité et qui suit l’avancement. Étant dans cette commission et par ailleurs défenseur de l’open-source, j’ai pris en main le dossier 😉 Mais je suis aidé par d’autres bénévoles qui aident à la mise en place des outils et à la formation des utilisateurs, tout comme notre partenaire Lokavaluto qui met à disposition de nombreux tutoriels et formations.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Cela se passe plutôt par itération et au fil d’eau. Une première étape a été de dresser la liste des outils majeurs utilisés par tous les intervenants de l’assocation.

Nous avons ensuite cherché une alternative libre adéquate. La liste a ensuite été priorisée pour déterminer en fonction des contraintes et de la difficulté à migrer, dans quel ordre nous allions procéder. Au fur et à mesure, cela nous a construit une sorte de plan d’action sur cette démarche. Mais le plan continue d’évoluer : nous découvrons de temps en temps l’usage d’un outil qui n’avait pas été identifié mais aussi, nous restons en veille sur les solutions et pouvons donc changer quelques priorités. À titre d’exemple, lors de notre récent changement d’outil pour notre site internet, nous en avons profité pour migrer nos vidéos de Youtube vers un Peertube alors que ce n’était pas forcément prévu.

En plus de ces itérations au niveau global, nous pouvons aussi itérer au niveau de chaque outil : on ne cherche pas forcément la perfection dès le départ. L’idée c’est d’avancer. Par exemple, certain-e-s utilisateur-ices commencent à utiliser le nouvel outil et pas tous en même temps. Cela permet aussi de faciliter l’acceptation du changement et pour nous d’avoir le temps d’accompagner « tranquillement » les utilisateurs.

L’association étant en plein changement d’échelle, toute la difficulté est d’arriver à faire les changements sans trop bouleverser les habitudes des intervenant-e-s qui sont déjà bien chargé-e-s par le quotidien.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Je dirais qu’il faut être vigilant si certains de vos prestataires sentent le vent tourner. L’idée est de bien faire maintenir le niveau de service attendu jusqu’au bout.

Un autre point d’attention également, c’est d’être vigilant lors de l’arrivée de nouvelles personnes (ce qui peut arriver fréquemment dans une association). Le nouvel arrivant doit prendre les bonnes habitudes, et éventuellement perdre ses mauvais réflexes perso/pro d’utilisation d’outil Gafam 😉 Cela peut être un peu délicat, car la personne arrive avec de l’envie et de l’énergie pour faire progresser l’association, il faut donc bien expliquer la démarche, le pourquoi et généralement ça se passe bien !

Autre vigilance à avoir : lorsque de nouveaux besoins sont exprimés, l’équipe doit avoir le réflexe de d’abord chercher des solutions libres/open-source, il faut parfois le rappeler.

Enfin, il faut globalement rester un peu souple : notre objectif est d’avant tout de faire progresser l’usage de notre monnaie locale Moneko. Nous ne devons donc pas être sectaires et interdire l’usage d’outil propriétaire ou GAFAM quand l’alternative n’apporte pas un service suffisant où est trop coûteuse (temps/argent) à mettre en œuvre pour le moment. (Mais on le garde dans nos radars pour une future voie d’amélioration !)

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Certains outils sont migrés, d’autres en cours et d’autres sont encore dans la TODO list 😉 Voici un état des lieux :

  • Partage de fichiers : Google Drive vers Nextcloud : en cours/partiel, ici la stratégie a été d’abord de migrer nos documents publics (cela permet d’évangéliser notre public) avant tout l’interne qui demande un gros boulot de tri.
  • Suite bureautique : Google => Onlyoffice : en test, ici aussi la marche est importante car il y a beaucoup d’historique et c’est un outil du quotidien pour l’équipe. Nous allons y aller au fur et à mesure.
  • Mesure du trafic web : Google Analytics => Matomo, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.
  • Fichiers tableurs pour gérer l’asso : Excel => Odoo, en finalisation, nous avons migré toute la gestion de nos membres en 2023 et avons pu automatiser les relances de début 2024 avec le nouvel outil. Un gain de temps assuré au final.
  • Gestion des mails : Gmail => Thunderbird (bureau) + Roundcube (web), en cours/partiel : seuls quelques membres ont franchi le pas, il y a pas mal d’accompagnements à faire.
  • Système d’exploitation : Windows => Ubuntu, à commencer : l’idée est d’abord d’installer un poste à l’occasion d’un nouvel arrivant pour ensuite proposer la migration à ceux qui le veulent. Cela se fera sur un temps long.
  • Messagerie instantanée : Whatsapp => Rocketchat, en cours : l’usage de Whatsapp est de moins en moins fréquent, mais l’usage de Rocketchat a encore du mal à prendre.
  • Conférence audio et vidéo : Zoom => Big Blue Button, terminé : la bascule s’est faite assez rapidement d’autant plus que cela nous a permis d’économiser quelques dizaines d’euros par mois !
  • Carte géographique : Google Maps => Gogocarto, en cours : la migration des données prend un peu de temps, mais ça ne va pas tarder
  • Hébergement vidéo : Youtube => PeerTube, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.

Pour répondre à ta question sur les critères majeurs c’est : réponse au besoin, ergonomie de la solution, pérennité de l’outil.

Comment avez-vous choisi s’il y avait plusieurs alternatives ?

Beaucoup de choix se sont faits en discutant avec notre écosystème (Lokavaluto, SOL, autres monnaies, autres structures du Solilab, etc.) et en observant leur usage. Nous tenons aussi compte de notre capacité à avoir de la compétence interne pour accompagner les utilisateurs fonctionnellement. La pérennité de l’outil et la capacité à trouver facilement des ressources techniques pour maintenir/corriger un bug compte aussi.

Planche de billets Moneko

À quoi ressemblerait la planche à billet Moneko ? Source : site de Moneko

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Il nous reste l’outil de gestion des transactions de la monnaie (cyclos) : nous avons une piste avec Com’Chain, mais nous n’envisageons pas encore la migration car trop risquée. C’est le cœur de notre activité : l’outil est encore jeune, on surveille les évolutions de l’outil et ses avancées. Mais cela exigera aussi de notre part une maturité technique que nous n’avons pas encore.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Nous n’avons pas de ressource ou temps dédié, c’est un sujet du quotidien porté par la chargée de coordination et les bénévoles « techniques ». Comme cela reste un objectif précis de l’association, les membres les plus actifs l’ont bien en tête et sont facilitateurs.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ?

Oui, nous essayons d’accompagner au mieux les utiliateur⋅ices, avec par exemple :

  • une formation régulière aux nouveaux usages (Odoo notament) : à chaque déploiement de nouveau module (ex. : facturation, gestion RH), nous formons les utilisateurs (+ tutoriel vidéo/retranscription vidéo de formations d’autres MLC mis à dispo par Lokavaluto)
  • des tutoriels sous forme de diapo pour expliquer des cas d’usage

Mais on ne peut pas le faire systématiquement. Donc on compte aussi sur la débrouillardise car comme dit plus haut, on essaye de sélectionner avant tout des outils ergonomiques et qui fonctionnent bien à l’instinct. Mais lorsqu’on nous remonte une difficulté, on passe en mode support par tchat et mails (voir téléphone pour les urgences, mais c’est rare) L’idée est que les utiliateur⋅ices aient bien une personne d’identifiée à contacter en cas de besoin.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Cela peut avoir un impact via l’exemple. Quand on propose un document à télécharger par exemple, c’est sur nuage.moneko.org. Les utilisateurs voient que c’est du Nextcloud et non du Google Drive. On laisse les crédits des solutions qu’on utilise pour contribuer. Mais en effet, ta question m’amène à me demander si on ne pourrait pas faire une page dédiée pour montrer nos choix et notre démarche. Je le note dans la todo 😉

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Quelques conseils en vrac : entourez-vous de personnes en phase avec l’objectif, ne soyez pas seul, allez-y tranquillement, montrez l’exemple par vos propres usages, itérez, essaimez, montrez les bénéfices, l’alignement des valeurs et ne vous découragez pas s’il y a quelques entorses ou petits retours en arrière, la route est longue mais… [Ndr : … la voie est libre 🙂 ] 😉

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Avancer sur cette migration peut aider à se sentir bien, cela fait partie des gestes positifs à apporter à notre société, cela aide au bien-être mental et à lutter contre la dissonance cognitive que l’on peut avoir dans nos activités quotidiennes/pro.




Extinction Rebellion France, mouvement de désobéissance civile, « dégafamisé by design »

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de commencer une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec une association importante, Extinction Rebellion France, qui a la particularité d’avoir pensé et bâtit son infrastructure dès le départ en s’émancipant des services des géants du web. Merci à ses bénévoles qui nous ont livré un très généreux témoignage, et bonne lecture !

Bonjour, pouvez-vous présenter brièvement Extinction Rebellion France pour le Framablog ?

Extinction Rebellion (XR) est un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique. Démarré au Royaume-Uni en 2018, le mouvement s’est lancé en France en 2019.

La branche française du mouvement est auto-organisée autour de différents Groupes de Support Thématique (modèle inspiré de l’holacratie). Il existe en particulier un groupe de support chargé de maintenir et de développer l’infrastructure numérique de XR France.

La branche française du mouvement est présente dans une centaine de villes et regroupe plusieurs milliers de membres actif·ves. De très nombreuses actions sont réalisées par chaque groupe local chaque semaine avec quelques grandes actions. Récemment, on peut citer l’action de XR Lyon contre l’usine Arkema et ses polluants éternels. Plus anciennement, le blocage de la porte Saint Denis à Paris lors en avril 2022 ou le blocage de la place du Châtelet en octobre 2019.

Pour suivre toutes nos actions, abonnez-vous à notre newsletter. Une prochaine action de désobéissance civile massive est prévue le 24 mai à Paris pour perturber la prochaine Assemblée Générale de Total.

Capture de la page d'accueil du site https://extinctionrebellion.fr/

Cet article a été co-rédigé par plusieurs membres de ce groupe de support « Infrastructure Numérique ».

Quel a été le déclencheur de votre « dégafamisation » ?

Dès le début, il a été constaté que XR avait besoin de plusieurs outils numériques pour communiquer et s’organiser entre les pays et entre les villes d’un même pays : espaces de forum, de discussion instantanée, sites web, partages de fichiers, envois d’emails et d’infolettres, etc.

Il n’était alors pas envisageable d’utiliser les services numériques des géants du web pour répondre à ces besoins. En effet, XR promeut le mode d’action de la désobéissance civile non violente et donc, parfois, la réalisation d’actions illégales qui peuvent être poursuivies par les différents gouvernements des pays où XR est présent. Assurer une souveraineté numérique permet d’augmenter la sécurité du mouvement.

Par ailleurs, la réalisation d’actions de désobéissance civile est contraire aux conditions générales d’utilisation (CGU) des services des géants du numérique. Par conséquent, utiliser leurs services numériques soumet XR au risque de perdre les accès et l’intégralité des données du jour au lendemain sans justification particulière. Il s’agit d’ailleurs de situations qui se produisent régulièrement sur Facebook : les pages de certains groupes locaux et d’XR France ont été désactivées à plusieurs reprises.

Le numérique a également un impact environnemental important. Avoir la main sur son infrastructure permet d’en atténuer les impacts, notamment en choisissant des hébergeurs engagés qui s’alimentent réellement en énergie verte. Enfin, XR est plus globalement un mouvement qui se place en opposition aux logiques capitalistes des géants du numérique. Sans en faire notre lutte quotidienne, XR s’associe aux mouvements de défense des libertés numériques et serait en contradiction avec lui-même en utilisant les services de ces multinationales.

La non-gafamisation de XR a été favorisée par deux autres facteurs : d’une part, le mouvement est parti de zéro, il n’y avait donc pas d’enjeu à changer d’outil (migration de données ou changement d’habitudes). D’autre part, les militant·es membres de XR se créent un pseudonyme et séparent vie privée et vie militante. Par conséquent, cela paraît normal aux militant·es d’utiliser des outils numériques spécifiques à XR.

Dans les faits, ce choix stratégique et la mise en place d’une telle infrastructure reposent sur les efforts de quelques administateur·ices systèmes et développeur·euses qui ont compris le danger à utiliser les GAFAM et ont été en mesure de mettre en place une infrastructure auto-hébergée. Cela aurait également été impossible sans les contributions de la communauté du logiciel libre qui met à disposition des logiciels performants permettant de répondre aux besoins de mouvements tels que XR.

Pour aller plus loin, cette conférence présente d’un point de vue technique les choix initiaux fait par les équipes internationales :

À noter que cette non gafamisation est une exception française : si l’infrastructure internationale est également non gafamisée, de nombreux pays, à l’instar du Royaume-Uni, continuent d’utiliser abondamment les services des géants du numérique. Dans toute la suite du témoignage, le sigle XR mentionnera abusivement XR France.

Rencontrez-vous des résistances dans l’appropriation de votre écosystème numérique ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Étonnement, l’appropriation des outils numériques XR semble plutôt bien vécue par les membres et ce choix stratégique n’est pas remis en question. Cet usage des outils numériques libres fait aujourd’hui partie intégrante de XR. Par exemple, les rares fois où des liens Google sont partagés sur nos outils internes (souvent des liens venant du mouvement climat), certaines personnes vont indiquer les dangers liés à ces liens Google et indiquer quels outils internes utiliser à la place.

Nous avons l’impression que cela tient au fait qu’un engagement dans XR n’est pas quelque chose d’anodin : cela fait partie des étapes nécessaires de se créer une adresse email dédiée à XR puis un compte sur notre outil de communication instantanée. Pour autant, même si la volonté est là, de nombreuses personnes décident qu’elles ne souhaitent pas se créer un nouveau compte et ne font alors que réaliser des actions. Tandis que d’autres souhaitent se créer un compte mais n’y arrivent pas : nous avons alors tenté de mettre en place différents formats pour accompagner les nouveaux et nouvelles arrivantes : accompagnement en présentiel lors des réunions, tutoriels vidéos et écrits sur notre site.

Il est aussi important de mentionner que certains groupes XR n’utilisent pas ou très peu les outils numériques XR au quotidien : iels se contentent d’utiliser une boucle Signal (voire WhatsApp ou Messenger).

Nous pouvions avoir peur des interfaces très primaires et peu ergonomiques de certains outils (par ex. Mailtrain pour les infolettres) mais il est acquis par tout le monde qu’il est hors de question de confier à une compagnie privée la liste de mails de personnes qui nous font confiance. Par conséquent, cet outil est plutôt bien adopté (même si chacun·e peste en l’utilisant).

Au contraire, de nombreux outils libres sont plus performants que leurs alternatives propriétaires pour répondre à nos propres usages. On peut citer Mobilizon qui nous permet d’intégrer les événements sur notre site web (ce qui est compliqué à faire avec Facebook), Aktivisda pour générer des visuels aux couleurs d’XR (interface + simple que Canva) ou encore Cryptpad pour avoir des documents chiffrés et sécurisés.

Parlons maintenant outils ! À quels besoins répondez-vous par des logiciels libres ? Quels ont été les critères pour les choisir ?

Tout d’abord, l’infrastructure à XR est pour partie gérée au niveau international et pour partie au niveau de chaque pays. Certains outils sont installés à la fois à l’international et au sein de chaque pays, tandis que d’autres ne le sont qu’à l’international ou que localement.

Les infrastructures de chaque pays ont été mises en place par les équipes internationales qui ont pris le temps de former des administrateurices systèmes à leur maintenance et aux bonnes pratiques de sécurité. Une fois l’installation faite, l’infrastructure est gérée en autonomie complète : les équipes internationales n’ont plus accès aux serveurs.

Le choix a été fait d’utiliser des serveurs virtuels et physiques chez différents hébergeurs en Europe choisis pour leurs engagements.

Chez XR, chaque militant·e a besoin :

  • de communiquer de manière instantanée et sécurisée en groupes avec n’importe quel·le autre membre du mouvement. Nous disposons d’une instance Mattermost gérée par l’international (plusieurs dizaines de milliers de membres) et des milliers d’équipes (globalement une par ville).
  • d’avoir un espace de débats au temps long. On utilise un forum Discourse au niveau de XR France (il existe aussi un forum à l’international mais très peu utilisé). En pratique, cet outil est de moins en moins utilisé.
  • de réaliser des visioconférences pour des réunions (quelques personnes) ou des formations. Nous nous servons d’une instance Big Blue Button à l’international (capable de supporter des réunions avec plusieurs centaines de personnes) et de deux instances Jitsi.
  • de créer des formulaires pour des événements ou des actions. Nous utilisions beaucoup Framaforms et un peu Lime Survey (instance gérée à l’international). De plus en plus, nous utilisons l’outil de formulaire Cryptform intégré à la suite Cryptpad. Dans l’objectif d’automatiser le traitement des réponses (envoi d’emails notamment), nous avons par le passé utilisé un outil maison et nous sommes en train d’expérimenter Baserow.
  • de créer et rédiger des document collaboratifs, pour des notes de réunions notamment. Nous utilisons beaucoup Etherpad, désormais de plus en plus Cryptpad. Certain·es utilisent également Collabora sur notre instance Nextcloud.
  • de stocker et de partager des documents : on dispose d’une instance PeerTube pour les vidéos et de deux instances Nextcloud pour le reste.
  • de lire ou créer des procédures ou tutoriels : on dispose d’une instance Bookstackapp pour le wiki. L’authentification à cet outil est réalisée via Mattermost.

En plus de cela, au niveau d’un groupe (local, thématique, affinitaire), il y a besoin :

  • de disposer d’une adresse email pour être contacté·e. On a un serveur de mails réservé aux groupes locaux avec le client web Roundcube.
  • d’avoir un espace réservé sur le site internet et d’y publier des articles. Notre site internet est un site statique sous Jekyll sur lequel on a ajouté DecapCMS (ex Netlify CMS) ;
  • de pouvoir publier des événements au nom du groupe et de les relayer dans le mouvement. On dispose d’une instance Mobilizon privée (les inscriptions ne sont pas possibles). Les événements apparaissent sur extinctionrebellion.fr suivant les tags de l’événement. Par exemple, les événements avec le tag « Réunion accueil » apparaissent directement dans une section « Nos prochaines réunions d’accueil » sur la page « Rejoignez-nous ».
  • de créer affiches et des visuels aux couleurs d’XR pour annoncer les différents événéments, réunions et formation. Le mouvement utilise Aktivisda.
  • d’envoyer des emails aux sympathisant·es ou aux inscrit·es à une action. Pour cela, on a installé une instance Mailtrain.
  • de communiquer sur des réseaux sociaux libres. On dispose de notre propre instance Mastodon réservée aux groupes XR, gérée par les équipes internationales.

capture de la page d'accueil de l'instance Aktivisda de XR

Enfin, voici quelques autres usages avancés dont on peut avoir besoin :

  • d’héberger du code pour les sites web ou outils maison : instance Gitlab.
  • de raccourcir des liens : outil maison développé et géré par les équipes internationales.
  • d’avoir une idée du nombre de visites sur les différents sites web du mouvement : on dispose d’une instance Matomo gérée par les équipes internationales.
  • de serveurs qui tournent tous sous Linux.

Il y a aussi eu des faux départs avec des outils qui n’ont pas trouvé leur usage au sein de XR. C’est par exemple le cas de Loomio qui a été installé mais finalement peu utilisé ou bien de la mise en place d’une instance Decidim. Pour ces cas, nous ne nous sommes pas acharnés et avons arrêté ces services.

Est-ce qu’il reste des besoins pour lesquels vous n’avez pas encore pu trouver une solution libre et pourquoi ?

Oui, il reste plusieurs besoins pour lequels nous ne disposons pas de solutions libres et auto-hébergées. Pour certains de ces besoins, nous utilisons des services de confiance et en sommes satisfait·es :

  • emails pour les militant·es : essentiellement utilisation de ProtonMail ;
  • communication instantanée et sécurisée entre rebelles avec messages éphèmères (en complément et en backup de Mattermost) : Signal mais aussi Session, Wire (et autres applications similaires) ;
  • formulaires : utilisation de Framaforms ;
  • gestion des comptes des groupes locaux via Open Collective (et des cagnottes Hello Asso).

Pour d’autres besoins nous restons actuellement bloqués :

  • Réseaux sociaux : On reste chez les GAFAM car c’est essentiel pour notre audience. Mais on laisse ouverte la possibilité de nous suivre sur Mastodon, PeerTube et Mobilizon. L’idée est que, idéalement, quelqu’un qui ne souhaite pas utiliser les GAFAM puisse toujours nous trouver sur une alternative libre (mais cela demande un peu plus de travail et tous les Groupes locaux n’ont pas ces ressources).
  • Pour trouver des créneaux de réunion, on passe encore trop souvent par when2meet (propriétaire et contenant des trackers Google) plutôt que framadate. Peut-être parce que ce premier service est plus intuitif, visuel et très rapide à créer et compléter : on peut facilement indiquer des disponiblités sur plusieurs jours.
  • On utilise toujours un peu Glassfrog pour l’auto-organisation du mouvement, mais on a commencé à regarder pour utiliser Fractale. Seulement l’outil n’a pas été beaucoup utilisé (néanmoins, Glassfrog est aussi très peu utilisé).

Et si les usages à XR sont globalement sains, le partage de vidéos sur Mattermost se fait beaucoup avec pour source YouTube, parfois avec PeerTube si la vidéo est aussi disponible dessus. Ça serait intéressant de banaliser le partage de vidéos par invidious pour celles qui ne sont que sur YouTube. Les intérêts de ces derniers services mériteraient d’être mieux expliqués au mouvement.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

XR France a la particularité d’être un mouvement 100% bénévole sans la moindre structure salariée. C’est la même chose au niveau du numérique. En pratique l’infrastructure en France repose sur une équipe d’administrateurices systèmes épaulés par quelques chef·fes de projet, en charge d’accompagner les différents projets numériques dans le mouvement. XR France mutualise ces différents services sur peu de serveurs en vue de limiter les coûts.

Pour la rédaction de cet article, nous nous sommes interrogés sur le temps passé à l’administration des services. Cela représente entre 1 à 10h par semaine d’administration système (sur les serveurs). Ceci sans compter l’accompagnement des différent⋅es usager·es, la gestion de projets tech ou le développement informatique (qui sont réalisés par des personnes différentes). C’est donc à la fois un effort important, mais également assez limité au vu de l’ampleur du mouvement XR France (plusieurs milliers de membres actifs dans une centaine de villes). Cela ne compte pas non plus l’administration système sur les outils internationaux (Mattermost notamment). Au niveau international, quelques administrateurices sont salarié·es du mouvement.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière ?

Nous n’avons pas mis en place un accompagnement exhaustif, mais plusieurs guides de présentation des outils et des tutos vidéos ont été réalisés (par exemple cette vidéo sur l’usage de Mattermost). C’est difficile car il faut prendre en compte la variété des utilisateurices (Ingénieur informatique Bac+5 vs Retraité⋅e de plus de 60 ans).

Nous dispensons également des formations en physique ou en ligne sur l’hygiène numérique et la sécurisation de nos pratiques numériques (c’est très variable suivant les groupes locaux). Certaines de ces formations sont co-organisées avec Attac et Alternatiba, et ouvertes aux militant·es hors XR.

Cela serait intéressant d’aller un peu plus loin. Une des pistes, ce serait de rentrer en contact avec des hackerspaces et des structures membres du collectif CHATONS pour demander éventuellement des formations en sécurité numérique vie militante et/ou plus généralement sur la protection de la vie privée.

Est-ce que votre non-gafamisation a un impact direct sur la vie des militant·es ou les autres organisations ?

Sans aucun doute que ce choix politique du libre a un impact direct sur la vie des militant·es. Cela contribue à démystifier la dégafamisation en montrant que c’est possible de faire sans, et que ça marche ! Il s’agit d’une porte d’entrée au monde du libre. Mais nous ne sommes pas en mesure de quantifier le nombre de militant·es pour lesquel⋅les cela a introduit des changements dans leur vie hors XR.

Au niveau des autres organisations avec lesquelles on échange, notre non-gafamisation infuse un peu, mais très légèrement. Google, Zoom ou encore Airtable ont une place très importante dans de nombreux mouvements sociaux et climatiques en France. L’objectif de cet article sur le Framablog est de démontrer aux autres organisations que oui, c’est possible de ne pas se gafamiser et qu’on ne s’en porte que mieux.

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser aussi ?

Transitionner vers des logiciels libres (et auto-hébergés), c’est décider de consacrer du temps et des compétences pour installer et maintenir des services. Si on accepte d’avoir une qualité de service un peu moindre que les services commerciaux (service non redémarré immédiatement par exemple), alors le temps nécessaire à leur mise en place n’est pas si important (quelques heures par semaine au plus). Pour des toutes petites structures ou des structures éloignées du numérique, nous recommandons de prendre contact avec des associations spécialisées (telles que les chatons) et d’utiliser leurs services. Il est également possible de faire un appel à sa communauté : il y a probablement des défenseur·es des libertés numériques qui sauront vous mettre en relation avec les bonnes personnes localement.

Il faut aussi voir le logiciel libre comme la possibilité d’avoir un outil adapté à son propre besoin pour un coût réduit en mutualisant les développements avec d’autres structures qui auraient les mêmes besoins : une cinquantaine de petites structures peuvent se mettre ensemble pour financer des améliorations dans Nextcloud par exemple. [NDR : c’est justement une pratique que l’on souhaite valoriser au sein de la communauté Emancip’Asso.]

Et d’une manière plus générale, il ne faut pas chercher un logiciel libre comme une alternative à un logiciel propriétaire, mais plutôt chercher un logiciel libre pour répondre à un besoin. Google Doc sera toujours meilleur que Cryptpad si on prend Google doc comme référence. Pour autant, il est possible que Cryptpad réponde mieux à vos besoins que ne le fait Google Doc (édition sans avoir besoin de se créer un compte par exemple).

Les logiciels libres sont également meilleurs sur les questions d’interopérabilité des services. On pense alors en écosystème numérique davantage qu’en termes d’outils. Par exemple, ce n’est pas Mobilizon qui est mieux que Facebook pour publier des événements, mais c’est surtout la symbiose Mobilizon + site web XR France qui est intéressante pour XR.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Utiliser les GAFAM ou des logiciels propriétaires dans nos luttes, c’est se déposséder de nos outils de lutte. Être soumis à des outils qui ne visent pas le succès de nos luttes, mais leur rentabilité. Au contraire, utiliser le logiciel libre contribue à se réapproprier nos outils de lutte et, de fait, à la renforcer.

Chaque usage d’un service d’un géant du numérique doit donc être questionné et remplacé, ou mieux, arrêté. Voulons-nous vraiment des bases de données ultra-complètes sur les militant·es de nos mouvements ? Avons-nous besoin de faire des visioconférences quand on peut se retrouver dans un café ? Il est primordial d’accompagner sa dégafamisation d’une remise en cause plus large de sa dépendance au numérique.

visuel valorisant XR France dans le cadre de la campagne de communication Emancip'Asso




HorsCiné, plateforme de films libres et écosystème du cinéma libre en devenir

La plateforme de films libres HorsCiné a fêté ses 3 années d’existence en novembre dernier. On s’est donc saisi de l’occasion pour braquer nos projecteurs sur cette chouette initiative. Pour nous parler de HorsCiné, nous avons donc interviewé Pablo et Tristan, fondateurs de l’association Lent Ciné qui porte ce projet.

visuel HorsCiné

 

Bonjour Pablo et Tristan. Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer en quelques phrases ce qu’est HorsCiné ?

P : On est membres (bénévoles) de l’association Lent ciné, une asso de création et diffusion de films libres et de promotion de la culture du libre, qui existe depuis 2016. C’est dans ce cadre qu’on a créé HorsCiné, qui s’est concrétisé fin 2020 avec le lancement de la plateforme. On mène différents projets, et c’est Tristan qui porte celui-ci, alors je vais lui laisser la parole.

T : HorsCiné, c’est une plateforme de diffusion de films libres indépendante et gratuite. On peut y trouver des centaines de films, courts, moyens et longs-métrages, de la fiction, du documentaire et de l’expérimental, des classiques et des films jeune public. Sur des sujets légers ou très engagés. Parce qu’ils sont libres, ces films restent accessibles, et peuvent être copiés, partagés et diffusés, selon les conditions décidées par leurs auteur⋅rices.

HorsCiné, c’est aussi un projet bien plus large, celui de créer un écosystème du cinéma libre. Pour l’instant on permet au film d’être accessible, mais on souhaite aussi faciliter l’organisation de projections, en mettant en lien les personnes qui créent et celles qui diffusent ou voudraient diffuser (associations, collectifs, médiathèques, centres sociaux, etc.). On souhaite aussi participer à la création d’œuvres, en donnant accès à des ressources et à des moyens. On a créé et animé des ateliers autour des œuvres : création en réutilisant des images et des sons libres, sonorisation de films muets. On a beaucoup d’idées qu’on aimerait voir aboutir.

Que mettez-vous exactement derrière l’expression « films libres » ?

T : Les films libres, ce sont des films qui ont été libérés, plus ou moins partiellement, du droit d’auteur. L’expression films libres est une dénomination générique qui regroupe des films placés sous licence libre ou de libre diffusion et des films entrés dans le domaine public. Schématiquement, en appliquant une licence à son œuvre, son auteur·rice transforme le « tous droits réservés » qui s’applique automatiquement en « certains droits réservés », et donne ainsi la possibilité au public de regarder et partager son film librement. Et parfois plus, comme réutiliser des passages pour créer une nouvelle œuvre. À noter que la plateforme HorsCiné est elle-même sous licence libre (CC BY-SA), chacun⋅e est donc libre de s’en saisir.

Vous vous y prenez comment pour trouver des films libres à référencer ?

P : Depuis 2017, on organise Nos désirs sont désordres, festival de films libres de critiques sociales. On lance chaque année un appel à films. Ça nous a permis de découvrir plein de chouettes films, et de rencontrer des réals et des collectifs qui publient leurs films sous licence libre, comme Synaps ou Ciné 2000, et aussi d’entrer dans des réseaux comme le Réseau d’Ailleurs.

ill du festival Nos désirs sont désordes

T : Il y a des festivals aussi, comme le Festival Mondial des Cinémas Sauvages qui nous ont simplifié le travail. Et puis ensuite on enquête. On ratisse le web en espérant avoir de la chance. Au début, ça ne marchait pas beaucoup. Et puis à force, on a appris où et comment regarder. Une difficulté, c’est la question des licences : il est parfois difficile de trouver la licence, ou de s’assurer qu’elle émane bien de l’auteur·rice du film. Par exemple sur vimeo, il y a la possibilité de spécifier la licence de la vidéo, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas fiable, plein de vidéos sont placés sous une licence sans que les réals ne l’aient fait exprès. Il y a aussi les films du domaine public. Pour les trouver, on passe beaucoup de temps sur wikipedia à vérifier la date de mort de nombreuses personnes, et on a aussi passé beaucoup de temps à trouver les législations de nombreux pays et à comprendre comment elles marchaient et comment elles s’interconnectaient avec le droit français. Et enfin on reçoit régulièrement des films envoyés par leurs auteur·rices depuis le formulaire sur le site.

HorsCiné a fêté ses 3 ans en novembre dernier. Vous nous en dites plus sur l’histoire de ce projet ? Quelles en ont été les différentes étapes ?

T : En 2016, on crée Lent ciné avec l’idée qu’allier le libre et le cinéma, c’est rendre ce dernier plus accessible, tant en terme de création que de diffusion. L’année suivante, on crée le festival Nos désirs sont désordres.

P : Et en 2018, on fait le constat que les films libres ont besoin d’être réunis, parce qu’ils sont dispersés et donc peu visibles. On commence alors à ébaucher ce qu’est HorsCiné. Mais on n’a pas de moyens, et comme on n’a pas de compétence technique vu qu’on ne vient pas du monde de l’informatique, le projet patine.

T : En 2019, on commence à faire une liste de films qu’on publie sur un wiki hébergé par Framasoft qu’on appelle cinélibre. En novembre 2020, après des mois de travail avec un développeur qui finit par nous ghoster, on se retrousse les manches et on bidouille wordpress. On met cette première version en ligne, on y ajoute des films, et on lance un financement participatif pour obtenir de quoi l’améliorer. On obtient quelques articles de presse, et un peu plus de 1000€. Les mois suivants, on continue à l’améliorer en bidouillant et on bosse sur une plateforme plus aboutie avec Christine et Robin de Code Colliders. On rémunère une toute petite partie de leur travail, le reste étant du mécénat. En avril 2022, la version actuelle du site est mise en ligne. En plus d’un meilleur classement des films, on ajoute des sélections et un espace membre. On en a également profité pour changer le logo et l’identité visuelle de HorsCiné, grâce au talent de Valentin. Quelques mois plus tard, un nouveau crowdfunding est lancé, nous offrant environ 1500€. Aujourd’hui, il y a 286 films en ligne et 13 sélections. Et des fonctionnalités permettant de rapprocher les personnes qui créent et les personnes qui diffusent sont toujours en cours de développement.

Si je vais sur HorsCiné, comment je fais pour trouver un film qui me plaise ?

T : La plateforme est pensée autour de cinq catégories : documentaire, fiction, expérimental, classique et jeune public. On classe aussi les films selon le métrage (court, moyen, long), les genres, les thèmes, les âges, les licences et les périodes de sortie. Vous pouvez déjà faire des recherches selon tous ces critères. On ajoute aussi des éléments autour du pays, de la langue et des sous-titres, qui seront disponibles dans la recherche d’une prochaine version du site.

On a aussi créé des sélections de films. Elles sont constituées autour d’un thème, d’une technique, d’une période, d’un genre, des personnes qui créent, qui diffusent ou qui apparaissent dans les films. On en crée, et on peut aussi mettre les vôtres en avant. En effet, on a créé un espace membre, où vous pouvez créer des sélections, les partager, et même les intégrer facilement sur d’autres sites. Dans cet espace membre, vous avez aussi la possibilité d’ajouter des films à vos favoris pour les regarder plus tard.

Vous parlez d’éditorialiser le choix des films à la Une chaque semaine, pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’est-ce qui motive votre choix de valoriser ces films ?

T : On ajoute un film par semaine sur HorsCiné, le mercredi midi. Au départ, on ajoutait un avis sur le film, qui expliquait pourquoi on l’a mis en ligne, mais le temps nous manque pour continuer, malheureusement. On propose parfois des interviews des réalisateur·rices, des contextualisations, des zooms thématiques ou techniques, et on renvoie vers d’autres sites où se trouvent des informations sur les films. Et puis on créé des sélections de films, pour les faire dialoguer avec d’autres.

On a cru comprendre que tous les films référencés sur HorsCiné étaient hébergés sur une instance PeerTube. Quel est l’intérêt ? Qui est votre hébergeur ? Ça se passe comment ?

T : Au lancement de la plateforme, on partageait les vidéos depuis les sites de streaming qui les hébergeaient. Mais en plus d’être critiquable sur le plan de la captation des données, des vidéos pouvaient être supprimées sans qu’on ne le sache. On a cherché des solutions et contacté des structures membres du Collectif CHATONS. L’asso belge Domaine Public nous a proposé d’héberger les films sur son instance PeerTube en échange d’une faible cotisation, et on a tout de suite accepté ! Ça fait complètement sens pour nous d’utiliser un logiciel libre, d’autant qu’on a suivi et soutenu (très modestement) son développement depuis le début.

L’intérêt, c’est qu’on a la main sur l’hébergement des vidéos tout en n’ayant pas à gérer la partie technique. PeerTube permet également de clairement indiquer la licence des films dans la description de chaque vidéo, ce qui clarifie les choses. Et surtout vous pouvez maintenant les télécharger en deux clics ! On remercie chaudement Framasoft et Domaine Public pour ça, c’est agréable de dépendre d’associations qui ont les mêmes objectifs et les mêmes valeurs que nous.

Vous êtes combien sur ce projet et vous avez quels moyens ?

T : J’ai envie de répondre « trop peu » pour les deux. HorsCiné, c’est un gros projet qui manque de forces vives et de moyens. Et ça s’explique notamment par le fait que ce soit un projet de niche dans la niche. Le libre, ça parle à de plus en plus de personnes, mais quand même encore trop peu. Le cinéma libre, ça parle à personne ou presque. Je suis la seule personne à m’occuper de la gestion quotidienne du site (le repérage et l’ajout des films, la création des sélections, etc.). Autour gravitent des personnes qui participent plus ponctuellement : Robin pour le développement du site, Max pour la com’ sur les réseaux sociaux. Et puis d’autres sont passées mais n’ont pas pu s’investir durablement. Si le projet vous parle et que vous souhaitez y contribuer, on sera ravi·e de vous accueillir =)

En ce qui concerne les moyens, nous avons reçus 2500€ de dons entre 2020 et 2022 lors de deux crowdfunding. L’année dernière, nous avons sollicité une fondation plutôt que de refaire un financement participatif, mais elle n’a pas donné suite. Nous avons quand même reçu 150€ de dons. On remercie toutes les personnes qui nous ont soutenues.

Évidemment, ce n’est pas assez pour faire vivre un tel projet, même bénévole, et on a dû utiliser des fonds de Lent ciné, qui proviennent de prestations qu’on a réalisées avec Pablo. Et remettre à plus tard beaucoup de choses, notamment la communication.

Si je veux aider la plateforme à se développer, que puis-je faire ?

T : Si vous souhaitez contribuer à HorsCiné, vous pouvez :

  • participer à la gestion quotidienne du site : regarder et sélectionner les films, les mettre en ligne, rédiger des contenus sur ces films, rédiger des articles, tenir à jour la FAQ, rédiger des documents sur les licences libres et le domaine public, développer de nouvelles fonctionnalités (en nous contactant)
  • proposer des films
  • faire connaitre HorsCiné en partageant le site (on est aussi sur les principaux réseaux sociaux, dont mastodon) et en en parlant autour de vous (et notamment aux profs, médiathécaires, membres d’assos et de collectifs, animateur·rices de centres sociaux, etc.)
  • diffuser les films de la plateforme (en respectant les licences)
  • faire un don

Capture de la page Pourquoi Faire un don sur le site HorsCiné

HorsCiné est donc l’un des nombreux projets de l’association Lent ciné. On vous avait déjà interviewés en février 2020 sur le framablog à l’occasion de la campagne de financement participatif du projet Sortir du cadre. On en est où de ce projet là ? Quelles sont les dernières actualités de l’association ?

P : Pour commencer, ce projet là a changé de nom, il ne s’appelle plus Sortir du Cadre mais Share Alike. Le projet documentaire a bien évolué depuis cet article du framablog, notamment sur la forme. On a décidé de changer de format pour que ce soit plus simple à diffuser et que ça puisse toucher plus de monde. Maintenant c’est une série de 9 (ou 10, on n’est pas encore décidés) épisodes d’une quinzaine de minutes chacun. Sur le fond, il y a peu de choses qui ont changé si ce n’est qu’on a un peu élargi le sujet. Ça ne parle plus uniquement de l’utilisation des licences libres dans l’art mais aussi du système économique global de la création artistique.

On a commencé à tourner en mai 2022 et après avoir sillonné la France pendant presque deux ans, le tournage touche bientôt à sa fin ! On est hyper contents des personnes qu’on a pu rencontrer à travers ce projet là et des témoignages qu’on a réussi à récolter. Il reste toute la post-production à faire et ça ne va pas être une mince affaire. On a pas trop envie de se prononcer sur une date de sortie mais ce qu’on aimerait, c’est que ça sorte avant 2025.

Pour finir cette interview, auriez-vous quelques films à nous recommander ?

P :

La sélection de Pablo

T :

La sélection de Tristan
La sélection de Tristan

 

Merci beaucoup pour vos réponses. On espère que les lectrices et lecteurs auront désormais le réflexe de se tourner vers HorsCiné lorsqu’iels auront envie de regarder un film ! D’ailleurs, on les invite à nous partager dans les  commentaires leurs coups de cœur ! Et longue vie à la plateforme HorsCiné !