Journal de confinement d’un directeur d’école

C’est au tour de Cyrille de prendre la plume pour nous raconter son confinement. Directeur d’une école, il a dû très vite s’adapter à la suite de l’annonce rapide de la fermeture des établissements. En tant que membre de Framasoft, il avait quelques atouts numériques dans sa manche.

Jeudi 12 mars : la surprise

Soyons honnête, je m’attendais au confinement, mais pas dès ce lundi. Ce matin, notre ministre annonçait qu’ « il n’y aura pas de fermeture généralisée des écoles en France comme on a pu le voir dans d’autres pays d’Europe ».
Pourtant, ce soir, le président prononce ces mots.
« Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés pour une raison simple : nos enfants et nos plus jeunes, selon les scientifiques toujours, sont celles et ceux qui propagent, semble-t-il, le plus rapidement le virus, même si, pour les enfants, ils n’ont parfois pas de symptômes et, heureusement, ne semblent pas aujourd’hui souffrir de formes aiguës de la maladie. C’est à la fois pour les protéger et pour réduire la dissémination du virus à travers notre territoire. »
Dès lors, le premier réflexe, utiliser la liste de diffusion SMS du PPMS (Plan Particulier de Mise en Sûreté) pour informer les collègues (atsems, enseignants, avs…) qui n’auraient pas l’information et de proposer un conseil des maîtres le lendemain midi pour se coordonner, s’organiser, s’entre-aider.
Repas terminé, enfants couchés, ma priorité est de régler le plus de détails possible pour être au maximum disponible demain, car le vendredi, comme le jeudi, j’ai les élèves.
Donc, création d’affichages, d’un mot pour les cahiers, sur le site de l’école, préparation du travail pour les CE2 et les CM2 pour la semaine suivante, vérification de la validité des différents comptes des enseignants sur le site de l’école…

Vendredi 13 mars : le marathon

Arrivée un peu plus tôt que d’habitude, j’accroche les affichages, duplique les mots, les devoirs de mes élèves. Discussion, échanges avec les collègues. Ouverture des portes, rassurer parents et enfants…
Explication du fonctionnement à mes élèves. Et puis on travaille, presque comme d’habitude.
Le midi, transmission de quelques consignes générales données aux collègues :
  •     les élèves partent avec leurs affaires : manuels, ardoises…
  •     demander d’utiliser autant que possible son adresse mail professionnelle.
  •     communiquer des premières informations générales et notamment que le site de l’école sera la porte d’entrée pour le suivi du travail…
Puis, je reste disponible pour un libre service de conseil sur comment se connecter, publier sur le site (j’axe sur ajouter du texte, du texte, un PDF).
Dans la journée, il faut également essayer de savoir ce que vont devoir faire les différents personnels non enseignants : atsems, avs, services civiques durant la fermeture de l’école.
16h30 : Les élèves partent. C’est un sentiment un peu étrange, nous ne savons pas quand nous les reverrons. Des parents de ceux absents viennent chercher le travail.
18 heures : Après avoir récupéré mes enfants, je reçois un nouveau mail de l’inspection concernant l’accueil d’enfants de soignants dès lundi. Appel aux services scolaires de la mairie qui m’annoncent que la cantine a été pour le moment totalement annulée. On s’organise provisoirement : accueil dans chaque établissement, les familles devront apporter leur pique-nique et on fera le point le lundi.
Dans la soirée, changement de la page d’accueil du site pour orienter plus facilement les élèves et leurs parents vers la partie qui concerne leur classe.

Nouvelle page d’accueil du site (en vrai, les noms des classes sont centrés, pour l’article, j’ai effacé les noms des enseignants 😉 )

Samedi 14 mars et dimanche 15 mars

Le samedi soir le Premier ministre annonce un confinement de toute la population à partir de mardi. Changement de programme : les réunions entre enseignants (conseils de cycles) avec les familles (équipes éducatives) qui devaient être maintenues, sont donc de facto annulées, en tout cas en présentiel. 
Objectif global du week-end : informer, accompagner, outiller les enseignants en essayant de ne pas les noyer sous les informations.
Leur fournir un premier fichier extrait de Onde (le logiciel de l’éducation nationale pour gérer les inscriptions des élèves), leur demander de vérifier avec leurs fiches de renseignements. Au besoin, j’envoie un SMS avec le portable de l’école (content alors de l’avoir demandé pendant plusieurs années et que la mairie ait accepté) pour obtenir des adresses mails manquantes.
Dimanche, 12h, suite aux déclarations du directeur général de la santé, je fais le choix de demander aux enseignants de rester chez eux à partir du lundi,  je serai présent à l’école le lundi matin pour accueillir les potentiels enfants de soignants. J’informe mon IEN (Inspectrice de l’Éducation Nationale) de cette décision.
Affichage devant l’école et sur le site pour informer les potentiels enfants de soignants de l’organisation retenue.
Envoi d’un message de soutien aux amis salariés de Framasoft, car je sais qu’avec l’annonce du confinement et du télétravail dans l’éducation nationale et pour une très grande majorité des travailleurs, ils vont en prendre plein la tronche.

Lundi 16 mars

Arrivée à l’école vide. Aucun enfant de soignants n’est présent sur notre école. 
Avant de partir, je récupère du matériel : caméra Hue, casque micro, un tableau blanc, certains spécimens de manuels…
Milieu de matinée, appel de la mairie qui me demande mon avis pour l’accueil de ces enfants. Il n’y en avait qu’un seul sur une des écoles de la commune. Je lui propose alors de regrouper tous les futurs présents sur cette école. 
12h : mail de l’IEN qui confirme que cette organisation est retenue. Mail aux enseignants pour savoir qui est volontaire en précisant bien que ceux qui ont des fragilités ou des personnes fragiles dans leur environnement proche ne sont pas concernés. Affichage devant l’école et sur le site du changement de dispositif.
Dans la journée, très fier de constater que l’équipe pédagogique s’est mobilisée en masse. Sur l’école : 6 enseignants pour le temps scolaire, 2 animatrices et 2 atsems pour les temps périscolaires sont volontaires

Mardi 17 mars

Avec ma collègue directrice d’une des autres écoles, nous accueillons l’enfant présente et organisons les services des bénévoles. Nous réussissons à ne mobiliser les enseignants qu’une à deux demi-journées par semaine.
Finalement, la mairie décide de remettre en route le service de restauration (chez nous les repas sont encore faits sur place sur une cuisine centrale). Dès le jeudi, nous changerons d’école pour être près de cette cuisine.
En parallèle, appui aux collègues de l’école pour les aider à publier leurs articles.
Réalisation d’un conseil de cycle virtuel pour confirmer les propositions de passage.

Mercredi 18 mars

Je continue l’accompagnement des collègues sur des problèmes qu’ils rencontrent sur la publication, le manque de coordonnées de certaines familles… En parallèle, je modère les messages des parents sur le site, leur réponds, fais le lien avec les enseignants concernés.

Jeudi 19 mars

Réception d’un mail de l’inspectrice « Lettre aux enseignants » à transmettre aux collègues. Un courrier plein d’humanité qui fait beaucoup de bien après ces premiers jours de classe à distance. On est loin de ce que peuvent faire remonter certains enseignants d’autres circonscriptions. La qualité de ce premier échelon hiérarchique est vraiment essentielle.

Vendredi 20 mars

Je propose aux élèves qui le peuvent de découvrir le fonctionnement d’un pad et ainsi tout simplement de prendre des nouvelles, échanger entre eux.
Première semaine écoulée. J’ai pu voir que les différents ENT, services… ont eu beaucoup de mal à encaisser cette charge. Et c’est bien normal. De notre côté, avec notre site internet indépendant, on s’en sort sans douleur au niveau technique. Toute cette première semaine, j’ai vérifié chaque publication des collègues afin de corriger certains petits détails et les aider. 

Samedi 21 mars et dimanche 22 mars

Je continue à essayer d’outiller les collègues. Il faut leur faire des tutoriels qui utilisent précisément le site de l’école. Les tutos existants sur le net ne permettent pas à tous de s’y retrouver. Dès le vendredi, je m’y attèle et c’est une fournée de 8 tutos que je leur fournis.

Les mini-tutos pour les collègues

C’est clairement perfectible, mais dans l’urgence, cela sera déjà une bonne aide.
Dans cette période où chacun est isolé chez soi, je propose aux atsems d’avoir un accès au site de l’école pour y publier ce qu’elles souhaitent afin de garder un lien avec les familles.

Semaine du 23 au 27 mars

Je poursuis les permanences pour les enfants de soignants. On tourne entre 4 et 12 élèves.
J’adapte le planning en fonction des nouvelles contraintes des personnes volontaires.
Le mardi, superbe surprise, nos atsems lancent sur le site de l’école un projet de bricolages avec des matériaux de récupération pour la « fête de la liberté ». Elles n’ont eu aucune formation spécifique, ne sont pas des « digital natives », elles ont juste suivi les mini-tutos.
Ce même jour, première réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Au niveau de la direction, le gros dossier de cette semaine est l’envoi individualisé des propositions de passage et du premier volet du dossier de passage en 6e. Évidemment, dans Onde, rien n’est prévu pour faire un envoi par mail en un clic depuis leur site. Il faut télécharger les fiches individuelles générées par classe, les découper en fichier individuel et envoyer à chaque famille par mail. Ensuite, suivre le retour…
Pour la classe, préparation des deux journées à distance, puis en fin de semaine, mise en ligne de la correction. Il faut essayer de trouver le juste dosage pour la quantité de travail. Je propose un nouveau temps d’échange en utilisant un pad, mais ce coup-ci avec un petit objectif d’écriture.

Petit travail d’écriture à distance en mode collaboratif

Au passage, petit coup de main à une de personne de la circonscription pour créer des PDF modifiables avec LibreOffice.
Le week-end, je débute l’impression de visières de protection pour les enfants et les adultes du service d’accueil en reprenant le modèle proposé par la youtubeuse Heliox.

Vidéo d’Heliox pour la fabrication de visières avec une imprimante 3D.

Semaine du 30 mars au 3 avril

Distribution des visières qui remportent un franc succès : prévues initialement pour les enfants et les adultes encadrant, les cuisinières et d’autres agents municipaux s’en emparent également.

Enfant de soignants équipée d’une visière qui grâce au flou artistique complètement volontaire du photographe peut rester anonyme.

Mardi, visioconférence avec les enseignants de l’école à la fois pour donner quelques informations, leur faire découvrir l’outil du CNED et avoir le plaisir de se donner des nouvelles.
Jeudi, appel des différentes familles de la classe et nouvelle réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Comme la semaine précédente, préparation des jours de classe et de la correction.
Envoi du 2e volet du dossier 6e pour les élèves de CM2. 
Préparation du planning de présence des enfants de soignants pendant les vacances scolaires. Même si c’est encadré par des agents municipaux, je continue l’organisation du service d’accueil afin que les familles n’aient pas une multiplicité d’interlocuteurs.
Préparation également du planning des enseignants volontaires pour les deux semaines qui suivent la rentrée, le ministre ayant annoncé un arrêt des cours au moins jusqu’au 4 mai.
Deux familles se sont manifestées, car leur matériel informatique est devenu défaillant. En concertation avec la mairie, l’école prête deux portables.

Du 4 au 19 avril : les vacances

La zone C, nous sommes en vacances. La pression retombe. Honnêtement, cela faisait un bon moment que je n’avais pas senti une telle fatigue liée au boulot. Un mot sur la page d’accueil de l’école pour indiquer qu’enfants comme enseignants sont en vacances. Pour une fois, je suis bien content d’être la première zone en vacances.
Afin que les élèves puissent garder un contact entre eux, je mets en place une sorte de mini-chat sur le site de l’école, avec accès réservé aux élèves de la classe. Ravi de voir qu’aucun débordement n’a lieu.

Un chat pour les vacances

Toutefois, même si le rythme est plus tranquille, je me prépare au scénario du pire et commence à planifier toutes les notions essentielles à voir d’ici la fin de l’année. J’enregistre toutes les dictées jusqu’à la fin de l’année, prépare des mini-leçons pour les leçons des premières semaines. J’en profite pour les mettre sur le Peertube temporaire de l’académie qui vient juste d’ouvrir.

Mes vidéos sur le Peertube temporaire de mon académie

Mon objectif : ne quasiment plus avoir de préparation pour la classe à faire pour les 3 prochaines semaines afin de me concentrer sur la direction de l’école avec de grosses échéances à venir (admission des nouveaux élèves, constitution des classes, commandes…) qu’il faudra adapter selon les conditions sanitaires.
Week-end de Pâques, je sers de cobaye à 3 collègues qui se lancent dans le stage de soutien pendant la 2e semaine des vacances. Avec la plateforme de visioconférence du CNED, nous voyons quelles fonctionnalités sont pertinentes pour une utilisation avec un petit groupe d’élèves.
Lundi 13, alors que les potentielles « fuites » laissaient entendre à une reprise en septembre, le président annonce une poursuite du confinement et une réouverture progressive des établissements à partir du 11 mai. Plusieurs questions. Sans les conséquences économiques d’un confinement, aurait-il annoncé une reprise le 11 mai ? Qu’entend-il par « progressive » ? Ne serait-ce pas nous les directeurs qui allons une fois de plus endosser cette responsabilité (« L’ensemble des locaux scolaires est confié au directeur, responsable de la sécurité des personnes et des biens » Circulaire no91-124 du 06 juin 1991 modifiée par les circulaires nos 92-216 du 20 juillet 1992 et 94-190 du 29 juin 1994 art.4-1) ?
D’un point de vue personnel, la réunion familiale pour Pâques est quelque chose de très important pour mes parents. Nous leur avons donc fait vivre la chasse aux œufs et playmobil dans le jardin en visioconférence (merci Jitsi !).
Avant de reprendre, préparation d’une enveloppe pour chaque élève avec un roman, quelques photocopies, un courrier leur indiquant vers où on va pendant les prochaines semaines. Notre mairie procède encore aux envois postaux pour les écoles (j’ai déjà dit combien j’avais de la chance). Toutefois, la majorité des élèves habitant à moins d’un kilomètre de chez moi, j’ai fait une petite distribution dans les boites aux lettres le jeudi.
Avant de reprendre, nouveau prêt d’un ordinateur de l’école à une famille qui n’a pas d’enfant chez nous, que des collégiens. Mais bon, le collège leur ayant dit qu’il n’avait pas de possibilité de prêter du matériel avec la mairie nous nous sommes dit qu’on ne pouvait pas laisser un collégien sans PC pendant les 3 prochaines semaines. Surtout que c’est une mère infirmière, qui se bat tous les jours à l’hôpital voisin pour sauver des vies, cela aurait été indécent de ne pas les aider à notre manière.

Point d’étape

On ne peut pas vraiment parler de bilan, car on n’est pas au bout du confinement, voici donc un point d’étape avant de reprendre pour une session d’au moins 3 semaines de classe à distance.

Point de vue personnel

Le confinement et l’isolement ne sont pas, en soi, un problème pour moi. J’ai un caractère ours très développé et je crois avoir des projets pour les deux décennies à venir. Le risque d’ennui est donc très limité. En plus, j’ai la chance d’avoir un jardin qui est un véritable atout. Je me sens vraiment privilégié.
J’ai été content de voir que des ressources réalisées auparavant comme le site de littérature de jeunesse libre semblent utiles. D’ailleurs, cela a fait exploser mes statistiques de visites ! Euh, en réalité je n’en sais rien et je m’en moque, je ne sais même pas si j’ai des stats quelque part sur mon hébergement. J’ai toujours l’habitude de fonctionner de manière assez égoïste pour la création de tel ou tel projets. Je le fais si cela me fait plaisir, si j’en ai envie. Ces projets servent à d’autres, tant mieux, sinon, eh bien, je me serai amusé à les réaliser.
Au niveau familial, pendant la partie scolaire, je n’ai pas été très disponible les matins et heureusement c’est ma femme qui a géré toute la partie du suivi des devoirs des enfants.

Installation le long de l’escalier pour que #4ans place les nombres dans le bon ordre.

Point de vue de la classe

Je crois qu’avec ma collègue avec qui je partage la classe, nous avons réussi à trouver un juste équilibre afin de permettre la fois aux élèves de poursuivre les apprentissages sans submerger les familles. Il a fallu à la fois proposer des activités ne nécessitant pas ou peu d’impressions et des travaux ne demandant pas une connexion Internet ou un ordinateur en permanence (entre les parents en télétravail, les frères et sœurs, le tout sur un seul appareil parfois).
Les différentes familles que j’ai eues au téléphone se retrouvent bien dans le fonctionnement que nous avons proposé avec ma collègue. 

Point de vue des membres de l’équipe pédagogique

Je suis juste fier de ce qu’ils ont fait jusqu’ici au niveau du lien avec les enfants et les familles. Chacun avec ses moyens a essayé. Certains ont publié leurs premiers articles sur le site à cette occasion et ont publié tous les jours depuis. D’autres, un peu plus expérimentés ont testé la création de petites vidéos par exemple. Au niveau du numérique, je crois pouvoir dire qu’ils vont tous avoir progressé.
Fier aussi de leur investissement dans le service d’accueil des enfants de soignants.
Fier également de leur bienveillance réciproque, à chercher à prendre des nouvelles de chacun.
Au niveau médical, trois membres de l’équipe ont chopé le covid19, pour le moment sans gravité.

Point de vue de l’école

En 1 mois la communication électronique a explosé. Sur la messagerie de l’école : 700 mails envoyés et 995 mails reçus (dont 209 de parents d’élèves, 122 de l’inspection, 50 liés au service d’accueil des soignants, 20 de l’inspection académique, 30 des syndicats, 30 mairie, 284 mails de différents expéditeurs, 250 mails inutiles et donc supprimés)
Et je ne compte pas les messages envoyés depuis la messagerie professionnelle personnelle.
Le contexte local et des choix faits ces dernières années au sein de l’école ont permis une gestion pas trop douloureuse :
  • un lien avec la mairie sans faille. Nous travaillons ensemble, dans la même direction avec le même objectif pour les enfants de la commune.
  • une relation hiérarchique de confiance. J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe de circonscription qui a su être présente sans nous mettre de pression inutile.
  • des choix techniques respectueux des données des familles et des enfants. Depuis plus de 10 ans, nous avons notre propre site d’école, maintenant sous WordPress avec notre propre nom de domaine. Il est un véritable repère pour les enfants, familles et enseignants. Aucun problème de saturation du site. L’habitude d’utilisation du mail professionnel par les enseignants a aussi été un atout.
  • des choix d’organisation interne. Depuis des années nous travaillons avec des cahiers qui suivent les élèves sur plusieurs années, ce qui nous permet d’avoir des marges budgétaires pour disposer de séries de manuels et de livres de littérature de jeunesse. Ces supports papier ont été très utiles et complémentaires du site Internet.
On a beaucoup entendu ces derniers jours qu’une reprise se justifiait pour les enfants les plus fragiles. Mais ces enfants les plus fragiles, cela fait déjà des années que pas grandchose n’est fait pour qu’ils s’en sortent. Leurs problématiques sont trop souvent extérieures à l’école. La suppression des RASED, le manque de places dans les services adaptés, les délais d’attente pour les prises en charge médicales, la surcharge des services sociaux… c’est tout cela qui empêche ces enfants en grande difficulté de s’en sortir. L’école ne peut malheureusement pas combler ces carences.

Point de vue du libre, du respect des données

Pendant « le grand confinement » de nombreuses offres gratuites, temporaires, d’accès à des ressources sont apparues. La grande majorité, j’ose le croire, avec une volonté de proposer une aide pendant cette période, d’autres, il ne faut pas se leurrer, avec l’espoir de récupérer des parts de marché tel un dealer offrant sa première dose à un futur toxico.
Les enseignants, ne leur jetons surtout pas la pierre, ont pour certains utilisé des applications, services clairement irrespectueux des données personnelles de leurs utilisateurs. Et les utilisateurs, ici, ce sont des enfants. Il faut dire qu’à différents niveaux hiérarchiques, même le plus haut, l’exemple n’est pas forcément le bon et qu’une certaine pression peut parfois être exercée pour que la classe continue comme normalement.
Au niveau éducatif, le monde du libre a su répondre. Même si dans un premier temps, à Framasoft, nous avons dû, à contrecœur,  « refuser » les enseignants, nous avons finalement réussi à garantir un service fiable en augmentant notre puissance de feu (allégorie guerrière pour être dans la thématique étatique) et grâce au soutien du collectif CHATONS. Nos salariés sont vraiment extraordinaires !
La deuxième bonne nouvelle au niveau du libre est la mise en place de services à base de logiciel libre pour chaque académie : vidéo (peertube), écriture collaborative (etherpad), blogs, webconférence (jistsi), partage de documents (nextcloud), forums (discourse). Ce travail est le fruit d’un groupe à la DNE. Cette plateforme est pour le moment temporaire le temps du confinement. Espérons qu’elle perdure !

Les services libres temporaires proposés par un groupe de la DNE.

Et alors, on était prêt ?

C’est un mantra entendu à de multiples reprises : « nous sommes préparés en cas d’épidémie ». Alors je crois que personne ne peut affirmer honnêtement que oui. Peut-être que vu le contexte local, sur notre école nous l’étions un peu moins mal que d’autres. Il sera temps, un peu plus tard, de tirer le bilan des dysfonctionnements, des améliorations à apporter… en attendant, profitons de l’école en fleurs.

Les élèves ne peuvent pour le moment pas en profiter…




StopCovid une application qui vous veut du bien ?

On continue notre dossier StopCovid, avec cette fois la (re)publication d’un billet de Loïc Gervais, médiateur numérique, formateur et citoyen engagé. Il partage ici son ressenti en tant que professionnel de la médiation numérique sur l’application StopCovid.

[Article paru originellement sur http://mediateurnumerique.org/, sous licence Creative Commons By]

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid


Dans son adresse aux Français du 13 avril, le Président de la République Emmanuel Macron a fait mention de l’application StopCovid sans la nommer.

Plusieurs innovations font l’objet de travaux avec certains de nos partenaires européens, comme une application numérique dédiée qui, sur la base du volontariat et de l’anonymat, permettra de savoir si, oui ou non, on s’est trouvé en contact avec une personne contaminée. Vous en avez sûrement entendu parler.

Une chose est certaine, nous entendons beaucoup parler de cette application. Mais qu’en savons-nous vraiment ? Le rôle du médiateur numérique est d’accompagner le citoyen dans les enjeux liés au numérique. Autrement dit de lui donner les éléments essentiels de culture numérique pour qu’il puisse se forger une opinion sur cette application et ainsi participer au débat. Voyons donc à travers ce billet son principe de fonctionnement dans un premier temps. Vous avez été nombreux à me questionner aussi sur les risques de sécurité informatique ainsi que sur les risques liés à nos données personnelles.

 

Le laboratoire de Mr Q

Dans les films de James Bond, le professeur Q est celui qui fournit à 007 les innovations technologiques pour accomplir au mieux sa mission. Pour autant la réussite du plus célèbre des agents secrets ne repose que très partiellement à son recours à l’aide technologique. À tel point que les inventions du Professeur Q sont pour nous autres de simples gadgets.

Quel que soit le problème, il y aura toujours une main qui se lèvera pour proposer une solution technologique. En fait il y aura plusieurs mains qui se lèveront. Et dans la plupart des cas, les solutions proposées ne fonctionneront pas comme espéré. Les inventeurs réclameront davantage de crédit ou une meilleure implication du public cible. Rarement le principe d’avoir recours à la technologie sera remis en cause en tant que tel. C’est pourtant la première question à laquelle nous devons répondre. Avons-nous besoin de nouveaux outils technologiques pour gérer la situation actuelle ? Qu’est-ce que le corps médical attend comme fonctionnalités de ces nouveaux outils ? En la matière dans son communiqué daté du 2 avril le Conseil Scientifique préconisait  « de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie »

Principe de fonctionnement.

Le gouvernement s’est donc lancé dans le développement de l’application StopCovid. Le but de cette application est de  limiter les contaminations en identifiant des chaînes de transmission. Il est important d’insister sur ce point. Le but de StopCovid est de limiter la propagation du virus. L’application n’a pas pour objectif de soigner ou d’éradiquer le Coronavirus, uniquement de limiter sa propagation.

Je télécharge l’application (si je le souhaite) et si j’entre en contact avec une personne (qui possède l’application) et qui a développé le virus alors je reçois une notification. En aucun cas cela ne veut dire que je suis moi-même contaminé⋅e. Cela m’invite à passer un test, s’il y a quelques jours j’ai croisé quelqu’un positif.

Autrement dit l’application repose sur le principe que tout le monde joue le jeu. En effet 70 % des Français possèdent un smartphone (62 % des 60-69 ans et 44 % des 70 ans et plus). Selon une étude de l’université britannique d’Oxford publiée dans la revue « Science », un tel dispositif prouverait son efficacité si au moins 60 à 70% de la population l’utilise.

Des questions restent en suspens. Si je suis positif est-ce que c’est moi qui le notifie à mon application ? Et si je suis notifié comment garantir que je vais bien aller faire mon test de dépistage ? L’application repose sur une grand part de civisme des utilisateurs. Et bien sûr il faut que la technologie utilisée soit en elle-même fiable.

Sécurité.

En amont de la rédaction de ce billet les questions ont tourné sur le degré de précision de l’application, la sécurité et la confidentialité. Reprenons ces questions. « Le bluetooth est il aussi précis que le GPS ? » me demande Matthieu.

A priori le choix du Gouvernement s’oriente vers une technologie Bluetooth. Celle-ci a le mérite de fonctionner dans plus d’endroits (par exemple dans le métro). Le Bluetooth a un degré de précision de l’ordre de 10 mètres et est plus respectueuse de ma vie privée. Le Bluetooth localise mon téléphone, mais pas son propriétaire. Ainsi si j’ai été en contact avec quelqu’un de positif, je recevrais une notification sans que personne puisse identifier la source. De la même manière personne ne saura que j’ai reçu cette notification. On saura juste que les appareils ont été en contact. Ces appareils seront identifiés par des références anonymes qui changeront toutes les X minutes. A 15h00 mon téléphone s’appellera YT59 à 15hX il s’appellera RD26. Je recommande de prendre 10 minutes pour écouter mon camarade Matti Schneider à ce sujet.

Cliquez sur l’image pour la visionner sur invidio.us

 

Le Bluetooth ravive de mauvais souvenirs chez certains. Julien me demande ainsi si le fait d’activer le BlueTooth en permanence ne constitue pas un risque en matière de vol de données du téléphone. Il est vrai que dans son guide du nomadisme numérique, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information « recommande de désactiver les services qui sont potentiellement sources de menaces, comme  le Bluetooth » . j’ai interrogé l’ANSSI à ce sujet. Je n’ai pas eu de retour à ce jour.

Liberté.

« Cette application respecte toutes nos lois et toutes nos valeurs en termes de libertés publiques et de protection de la vie privée. Il n’y a aucune donnée qui est accessible, ni pour l’État, ni pour qui que ce soit. »

 

Cédric Ô, France Info 17 avril 2020.

Marie-Laure DENIS, Présidente de la Commission Nationale Informatique et Libertés a été auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 8 avril 2020 a précisé les choses en la matière de son point de vue :

« Si un suivi individualisé des personnes était mis en œuvre, il faudrait d’abord, à droit constant, qu’il soit basé sur le volontariat, avec un consentement réellement libre et éclairé – et le fait de refuser l’application n’aurait aucune conséquence préjudiciable. Ensuite, la CNIL veillerait notamment à ce que ce dispositif soit mis en place pour une durée limitée. » (Source).

En tout état de cause, la solution retenue  ne peut constituer qu’un des éléments d’une réponse sanitaire plus globale. D’un point de vue technologique, l’application peut très bien être dans les clous.

C’est sur le terrain social que nos libertés pourraient être mises à rude épreuve. Pour que l’application soit efficace, il faut un grand nombre d’utilisateurs. Il faut s’attendre donc à de grandes campagnes de communication du Gouvernement en ce sens. Vos collègues de boulot vous demanderont si vous l’avez téléchargé. On ne peut pas exclure non plus que l’employeur l’installe par défaut sur les téléphones professionnels. Le risque est que l’on s’habitue à ce type de solutions et qu’on en redemande sans même savoir si c’est efficace. En la matière, les caméras de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) constituent un exemple. Malgré leur coût faramineux et leur impact limité nous nous sommes habitués à être filmés partout. Tant et si bien que nous en demandons plus, en dépit de toute objectivité.(Voir par ailleurs)

Image tirée de l’article de La Quadrature Du Net

L’indispensable médiation.

Le Secrétaire d’État au Numérique a saisi le Conseil National du Numérique sur StopCovid. Dans sa lettre adressée à la Présidente du CNNUM, Salwa TOKO, Cédric O demande des « recommandations sur les conditions qui pourraient permettre l’adoption [de StopCovid] par le plus grand nombre et notamment sur la question essentielle de l’inclusion ». Le ministre invite le Conseil National du Numérique à rencontrer les acteurs de la société civile. Aussi, je prends les devants et  expose le point de vue d’un médiateur numérique.

Il y a quelques années, je participais avec les membres d’alors à la rédaction du rapport inclusion numérique de votre institution. Je me permets de reformuler ici la deuxième des sept propositions : « faire de la littératie pour tous le socle d’uns société inclusive ».

Je participe actuellement à la plateforme Solidarité-Numérique. Nous avons reçu des milliers appels. Cette semaine nous devrions traiter beaucoup de demandes liées aux déclarations d’impôts. Je doute très sincèrement que nos appelants soient en mesure de donner un consentement réellement libre et éclairé concernant StopCovid.

L’une des actions qui pourrait permettre l’adoption de  StopCovid est de développer davantage les actions de littératie numérique. La crise que nous traversons montre à quel point nous sommes tous collectivement en déficit numérique. On parle souvent de 13 millions de Français éloignés du numérique. Cette crise nous montre que ce chiffre est sous-évalué, largement.

Nous n’aurons pas les moyens dans les semaines qui suivent de faire monter en compétence autant de personnes. Nous n’aurons pas les moyens de donner à chaque citoyen les éléments de littératie numérique pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette application. Je ne suis pas certain d’ailleurs que beaucoup de médiateurs numériques aient eux-mêmes ces éléments.

Pour une société numérique inclusive.

Cette crise extraordinaire questionne de fond en comble nos rapports au numérique. Elle met en relief le besoin indispensable de médiation pour permettre au citoyen de prendre part au débat. Beaucoup d’informaticiens, de juristes, d’élus ont exprimé leur réserve, voire leur opposition à ce projet. Beaucoup de citoyens vont se retourner vers un médiateur numérique pour avoir un avis sur cette application.

  • La pertinence de cette application repose sur un fort taux d’utilisation (minimum 60%) qui ne peut être atteint de manière volontaire.
  • Des incertitudes subsistent sur le traitement des données.
  • Le solutionnisme technologique n’est pas une solution. L’application SAIP développée pour prévenir en cas de risques a été abandonnée peu de temps après son lancement.
  • Personne à ce jour n’est capable de prouver qu’une application de contact tracking fonctionne, bien au contraire.
  • Le téléchargement d’une application et l’activation de la fonctionnalité Bluetooth ne sont pas maîtrisés par une partie des publics les plus éloignés du numérique.
  • Les publics les plus éloignés du numérique n’ont pas les moyens de donner un consentement réellement libre et éclairé.

A titre personnel, je ne peux conseiller à quiconque d’avoir recours à cette application tant qu’elle n’apporte aucune garantie suffisante. Pour autant les questions abordées à travers ce projet nous interrogent sur notre vision du vivre ensemble d’une part et sur l’impérieuse nécessité d’accompagnement aux usages numériques d’autre part. Comme je l’ai indiqué dans un précédent article, de nouveaux équilibres sont à trouver pour la médiation numérique.

 

 




Framaconfinement semaine 4 – tout parler pour repartir sur des bases saines

Cette fois-ci, c’est moi, Pouhiou, qui raconte la semaine avant-dernière. Parce ouais, j’ai pris du retard. J’ai beau me dire bavard professionnel du clavier, y’a des moments, ça sort pas tout de suite.

Il faut dire que la période que l’on vit invite à peser sur pause, à prendre un indispensable recul sur nos manières d’agir, de réagir. Et c’est un peut tout cela qui me saute au yeux alors qu’on commence à y voir plus clair au sein de Framasoft…

Ce récit est donc basé sur notre histoire vraie, vécue entre le 6 et le 12 avril ;).

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Ne nous laissez pas un clavier entre les mains…

Cette semaine, à la technique, ils ont érodé des touches et usé leurs mulots. Ça a très très mal commencé pour Luc. Dimanche soir, un serveur est tombé en rade, entraînant dans sa chute une bonne dizaine de sites et services importants (dont notre blog, notre forum, etc.). C’est la panne mécanique bête et méchante d’un serveur vieillissant, qui a demandé à Luc une bonne grosse journée de boulot (du genre 6h-21h) pour tout remonter. C’est ce que les technicien·nes appellent, dans leur jargon spécialisé, un bon gros lundi de merde.

Résumé des faits, selon Luc.

Durant cette semaine, Chocobozzz a, entre autres, travaillé à améliorer Etherpad (le logiciel qui fait tourner nos Framapads). Je comprends pas trop ce que ça veut dire, mais il paraît que suite à son ajout d’une fonction à l’API d’Etherpad Lite, Luc a mis à jour son module Perl Etherpad puis a créé une sonde Munin qui exploite cette nouvelle fonction. Ce que je comprends, c’est que grâce à eux on pourra mieux voir quand une horde de scribes vient écrire des Framapads, et qu’il faut qu’on assure pour accueillir cette montée en charge.

Theo, c’est notre stagiaire qui s’est attaqué à l’amélioration de Framaforms, un service que tout le monde utilise mais un code auquel personne ne contribue. Enfin, jusqu’à son arrivée messianique. D’ailleurs il parait que spf, qui voit augmenter le nombre de demandes d’aides face aux bugs de Framaforms, brûle secrètement des cierges à l’effigie de Théo. Mais faut pas le dire. Bref, cette semaine, notre héros a vaillamment essayé de réinventer un module Drupal avant d’apprendre qu’il existait. La morale de notre conte : même quand t’es héros, y’a des jours, c’est pas ton jour…

Par soucis d’équité, nous publions ce résumé des faits, mais cette fois-ci selon les serveurs eux-mèmes.

…on risquerait de s’en servir

Non parce que y’a pas que du code qui est sorti de nos claviers. Avec ce confinement, nous enchaînons les articles Framablog comme d’autres enchaînent les pains-cocotte au levain maison. Moi-même, je suis rentré d’une semaine de congés-Animal-Crossing pour direct lâcher sur un pad 2500 mots d’un article très intime sur les solutions technologiques vues comme autant de baguettes magiques.

Je sais que quand un texte va chercher dans mon expérience profonde, intime, dans le vécu un peu dur à sortir, c’est que le propos est d’autant plus important pour moi. Ben là, franchement, même moi j’ai été surpris d’à quel point j’avais besoin de dénoncer cette diversion de merde qu’est StopCovid. Plus on avance et plus j’ai l’impression que ce projet est utilisé pour montrer « qu’on fait quelque chose » parce que « il vaut mieux ça que rien » (demandez aux fab-labs et collectifs #VisièresSolidaires si y’a rien à faire, qu’on rigole).

Mon retour de congés, allégorie.

A priori, je ne suis pas le seul que ce solutionnisme technologique titille. Sur le Framablog, Framalang s’active à traduire les recommandations de l’association Algorithmwatch et la BD explicative de Nicky Case. Pyg et Goofy se démènent pour reprendre l’article d’Hubert Guillaud (InternetActu.net), démontrant les risques de signose et de glissement. Pendant ce temps chez la #TeamChauves, Framatophe replace cette crise et ses « révélations » dans le contexte de la surveillance généralisée et du Capitalisme de Surveillance.

Alors qu’Angie combat sa leucosélophobie afin d’écrire notre journal de la semaine précédente, elle participe, en plus et sur son temps libre, à l’encadrement du Libre Cours de Stph sur la culture libre. Stph, qui, en plus de son libre cours, propose deux articles à ajouter dans les tuyaux du Framablog. Et c’est là que Marien arrive avec l’idée d’une interview factice de la #TeamMemes afin d’organiser un lâcher de conneries sauvages sur le Framablog.

Faut pas nous laisser un clavier entre les mains, j’vous dis. C’est une grande règle chez Framasoft : si on a un clavier et du temps, on va s’en servir !

Business as unusual

C’était bien mon problème, lorsque je suis rentré d’une semaine de confinement sur mon île vidéoludique : les potes de Framasoft se sont servi⋅es de leurs claviers, genre… beaucoup. Pour rattraper le fil, y’a deux écoles : soit tu lis tout (toutes les listes de diffusion, les canaux de notre framateam, les articles blogs, etc.), soit tu ne lis rien, en mode Yolo.

Sauf que j’ai pas mon CACES.

C’est plus fort que moi : j’ai tout lu. J’ai lu le gentil message qui rappelait que Le Monde a Changé©, et donc en ce moment plus que jamais, on s’autorisait à ne rien relire, en mode Yolo. J’ai aussi lu l’échange entre Pyg (notre directeur) et le comité RH (pour « relations humaines ») qui nous enjoint de travailler moins pour travailler mieux, parce que le monde a changé, parce qu’on s’inquiète pour nos proches, parce qu’on fait la queue au supermarché.

J’ai enfin lu la proposition de Maiwann de faire une framapapote, plébiscitée par le reste de l’asso. On lance donc un framadate pour choisir quel soir de la semaine prochaine on se retrouvera, sur notre Mumble, pour papoter. Non pas pour bosser ou pour imaginer des actions… Mais juste pour être ensemble. Maiwann nous propose d’y exprimer ce qu’on veut, dont ce qui nous énerve. Parce que oui, entre nous on s’aime et on se fait des câlins, mais en ce moment la vie c’est pas forcément youpi-les-petits-oiseaux-cuicui.

Sauf dans le puit de jour de mon immeuble, où ça nidifie tranquillou.

S’autoriser à ne pas être à la page sur tout ce qui se passe en interne, s’autoriser à prioriser le soin de soi et des siens sur le boulot, s’autoriser à partager notre convivialité comme nos colères… Putain, je suis privilégié dans mon boulot. Je dis pas qu’on a trouvé le secret qui fait que « les DRH les détestent !!!! », d’ailleurs je suis moi-même déjà allé trop loin dans mon investissement pour Framasoft…

Mais si d’autres se demandent comment avec une toute petite équipe de 35 membres dont 9 salariées on abat tout ce boulot, je pense que la première piste à explorer c’est ce soin apporté aux humain·es, cette confiance en nos autonomies, ce respect de chacun·e qui s’exprime dans beaucoup de détails. Je me demande sincèrement pourquoi y’a en pas plus qui copient ce modèle : il marche. Même d’un point de vue bassement « productiviste » : faire passer l’humain en preums, ça marche.

On cherche pas la productivité, à Framasoft. Je dis pas qu’on produit rien, hein… Je dis que c’est pas l’but !

Parler, parler encore, puis on en reparle

S’il n’y a pas de « méthode Framasoft », nous avons tout de même acquis des manières de faire qui nous ressemblent. Cette semaine, un des gros travaux de fond a été de re-imaginer ce que nous allons faire en 2020, et comment, sachant que Le Monde a Changé© et que les conséquences de cette pandémie (qui risque fort de durer longtemps) sont encore imprévisibles.

Nous entamons cette réflexion dès le lundi avec un appel de 2h entre Pyg et moi (après les 2h30 de réunion sur Mumble avec les collègues Salariés). Notre duo est bien rôdé : l’un lance des idées, l’autre tente de les démonter, on regarde ce qui tient debout et on recommence. Après deux heures de papote créative à jouer au mutatis mutandis, (et près de 5h de réunion dans la journée), nous sommes rincés.

Un jour, il faudra qu’on raconte comment toute notre AG de février 2020 a été commentée par des mèmes.

Le lendemain, je padifie nos élucubrations pour en rendre compte aux collègues. Quel projet serait retardé, quelle action transfigurée, comment on sent la fin de l’année, est-ce qu’on changerait pas notre fusil d’épaule sur cette idée… Toutes ces notes sont ensuite passées aux collègues pour qu’iels les lisent le mardi et qu’on en discute ensemble mercredi.

Le mercredi matin, réunion Mumble avec les collègues que ça intéresse pour présenter nos propositions. C’est parti pour un nouveau tour de mutatis mutandis : Pyg et moi affichons les idées, tout le monde joue à les démonter, on voit ce qui nous enthousiasme, ce que l’on modifie et ce qui n’est pas du tout mûr, pas prêt dans nos têtes… et on note tout cela au clair.

L’après-midi même, Pyg présente ce plan d’action par un email sur la liste asso, qui sera l’opportunité d’un dernier tour du jeu du « ce qui doit changer changera ». Vu qu’il s’agit d’un échange par email incluant des bénévoles (qui ne contribuent pas au même rythme que des salarié·es), on laisse en général une semaine (dont le temps d’un week-end) pour que naissent les réponses et remarques.

J’aime observer nos mécaniques

On va pas se la péter : Framasoft n’a rien inventé. Procéder par itération, en élargissant à chaque tour le cercle de paroles et d’avis, c’est pas nouveau. Le jeu du Mutatis Mutandis, qui sert à éliminer ce qui est foireux, édifier ce qui va et acter ce qui n’est pas prêt, c’est relativement proche de la méthode scientifique.

Je vois bien, que pour chaque action que nous menons, même lorsque les personnes au cœur de l’initiative sont différentes (et elles changent pour chaque action), nous procédons ainsi, de manière quasi intuitive. Parce que nous sentons que c’est efficace.

Faux, ô sire Loth, il s’agit du refrain lithanique dans une magnifique chanson de Juliette Nouredine !

C’est un autre point qui nous rassemble, dans cette association. Nous avons toustes une expérience préalable des collaborations collectives, nous nous sommes toustes mangé les écueils du travail en groupe, donc nous savons qu’un collectif sera forcément soumis à des lois, relevant a priori de la psychologie sociale (la loi de futilité de Parkinson, par exemple, est bien identifiée, dans l’asso).

C’est justement en admettant l’existence de ces mécaniques de groupe et en acceptant que l’on est pas au-dessus de tout cela qu’on peut essayer de les repérer quand ça nous arrive, et de les déconstruire pour ensuite mettre en place les balises et manières de faire qui nous éviterons de tomber dans le panneau la prochaine fois.

On sait que la route est longue. Alors si on peut éviter de buter deux fois sur chaque caillou qui se dresse, autant se faciliter le cheminement !




StopConneries

En ce moment, ça discute beaucoup autour de StopCovid, le projet d’application de traçage pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Notre dessinateur Gee vient donc apporter son pavé dans la trogne mare sous forme d’une BD – un poil – énervée.

 

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




La réponse de l’hébergeur à la bergère

…ou considérations pratiques à l’attention des hébergeurs qui reçoivent une demande de retrait de contenu

L’association Scenari dont je suis membre a reçu un mail de la directrice juridique d’un important éditeur de manuels scolaires (que j’appellerai Éditions X), intitulé « contenus non autorisés ». Ce mail nous informait qu’avaient été découverts « des contenus non autorisés sur votre site et notamment « ​​Relation Client à Distance et Digitalisation »​ » et nous demandait « de supprimer tous les contenus non autorisés par nos maisons d’édition ».

On pourrait s’étonner que certains éditeurs de manuels scolaires jugent opportun en ce moment de chasser les copies illicites sur le Web. On pourrait préférer qu’ils concentrent l’ensemble de leurs forces pour chercher comment mettre à disposition leurs ressources au plus grand nombre. Mais ce n’est pas le sujet de cet article.

On pourrait aussi avoir envie de rappeler que les contenus pédagogiques devraient être sous licences libres, a fortiori quand ils ont été largement financés par l’argent public. Cela permettrait aux enseignants de se les réapproprier plutôt que de recréer des ressources à côté. Cela permettrait de favoriser des processus contributifs. Cela permettrait leur capacitation numérique, cela améliorerait leur autonomie quand il s’agit de mettre à disposition du contenu en ligne. Mais ce n’est toujours pas le sujet de cet article.

 

À la réception de cette demande, nous avons réagi promptement (on verra que c’est le terme employé dans la loi), mais avec un peu de recul, je me dis que nous avons réagi trop promptement. Le sujet de cet article est d’étudier comment un petit hébergeur associatif doit réagir en face d’une telle demande.

Rappel du contexte

L’association Scenari est hébergeur de contenus créés avec MyScenari, un logiciel libre combiné à un hébergement offert à ses membres, qui permet notamment de créer des sites et de les mettre en ligne. Pendant la crise Covid-19 l’association a lancé une « Action solidaire Scenari » permettant à tout enseignant non membre de l’association de bénéficier de cet hébergement (scenari.org).

C’était la première fois que nous recevions une demande de retrait de contenus.

Des contenus non autorisés… par quelle autorité ?

Nous avons donc réagi promptement, c’est à dire que nous avons immédiatement répondu au mail reçu que nous allions « éliminer les contenus non autorisés » et nous avons presque aussi rapidement signifié à l’auteur que nous avions reçu cette demande. Celui-ci a retiré ses contenus aussitôt le message reçu, reconnaissant que c’était « borderline », mais regrettant que l’éditeur n’ait pas été « un peu plus compréhensif » dans le contexte actuel où il lui faut bien chercher des solutions pour maintenir la fameuse « continuité pédagogique », et s’étonnant que les Éditions X avec qui il est en contact ne l’aient pas interpellé directement.

Donc les contenus ont été éliminés. Grâce à nous.

Grâce à nous un éditeur a pu faire valoir son bon droit. Grâce à nous le travail d’un enseignant et de ses étudiants a été compliqué. Le travail d’un enseignant qui avait fait l’effort de chercher des solutions, par lui-même, d’en trouver, de les mettre en œuvre. Pas pour spolier des ayants droit, mais pour inventer des solutions à ces problèmes. Il a créé du contenu, nous l’avons détruit.

Pourquoi diable avons-nous fait cela ?

Parce que nous avons réagi, presque mécaniquement, à un argument d’autorité. Un argument d’autorité c’est un argument qui « consiste à faire appel à une autorité plutôt qu’à la raison », nous dit Arthur Schopenhauer dans L’Art d’avoir toujours raison (ouvrage que je recommande par ailleurs). Donc, la Directrice juridique (avec une majuscule) des Éditions X nous remercie de. Notez qu’il n’y a pas d’accent à Édition dans le mail reçu, qu’un éditeur devrait pourtant savoir que les majuscules s’accentuent, et qu’en faisant remarquer cela j’use également d’un stratagème rhétorique, l’attaque personnelle (argumentum ad personam) qui permet d’attaquer la personne plutôt que le discours. Je me dispense habituellement de le faire lorsque je m’en rends compte, c’est un des avantages de s’intéresser à la rhétorique. Disons que j’ai laissé celui-ci pour illustration de mon propos, et montrer que la rhétorique est une arme à double tranchant.
dessin humoristique fabriqué avec le générateur de geektionnerd. Titre : Soyons procéduriers avec Édith Sillon. à gauche une silhouette féminine mains sur les hanches déclare "Nous vous demandons donc de supprimer les contenus non autorisés, car nous défendons les intérêts des ayant-droits (ortho fautives avec trait d’union inutile et pluriel au mot "droit"). En face d’elle, une autre silhouette féminine, bras croisés , répond : Pas question parce que le pluriel c’est ayants droit (S à ayant, pas de trait d’union). Elle ajoute plus bas "et toc";
Argument d’autorité donc. Je vois pourtant au moins trois bonnes raisons de faire fonctionner sa raison, justement, et de ne pas répondre à une telle demande à moins, soit d’y être obligé légalement, soit de s’être construit son propre avis sur la question.

En répondant positivement à la demande sans y être légalement obligé, on fait le choix de léser celui qui est ciblé par la demande. Or nous n’avons pas forcément les éléments pour savoir qui est dans son droit de l’un ou de l’autre. D’une part au sens légal, qu’est-ce qui me prouve que ?… On verra que la loi actuelle va en ce sens et que la preuve est à la charge du demandeur. D’autre part au sens éthique : les ayants droit ont-ils vraiment raison d’interdire coûte que coûte l’accès à leurs contenus, en toutes circonstances ? Aaron Swartz est mort d’avoir refusé une réponse simpliste à cette question. On ne nous en demande pas tant, mais on peut au moins s’arrêter un peu et réfléchir.

En répondant positivement à la demande sans y avoir mûrement réfléchi, nous agissons comme les robots qui suppriment des contenus, parfois de façon tout à fait stupide et injustifiée. Or la majorité des hébergeurs, a fortiori petits, a fortiori libristes, sont contre les systèmes de filtrage automatisés et ont combattu leur systématisation prévue par la proposition de directive européenne sur le droit d’auteur.

En répondant positivement à la demande sans y être obligé, nous consommons de l’énergie qui n’est pas investie ailleurs. Les hébergeurs associatifs, sans orientation commerciale, ont mieux à faire que de s’occuper des intérêts des détenteurs de droits patrimoniaux. Faire tourner les services, les sécuriser, les faire connaître, les documenter, répondre aux utilisateurs, modérer les propos inappropriés, haineux ou discriminatoires… À tout cela on s’est engagé. Mais supprimer des corrigés d’exercices pour un BTS ? Vraiment ? Est-ce que les éditeurs ne peuvent pas se débrouiller pour cela ? (on verra que c’est également à peu près ce que dit la loi, pour le moment).

La loi qui s’applique actuellement est la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dites LCEN.

L’article qui nous intéresse est en particulier l’article 6.

En voici quelques points saillants :

Les hébergeurs sont désignés par la périphrase : « Les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne », je garderai le terme hébergeur pour mon exégèse (Section I-1).

Les hébergeurs doivent être en mesure de prévenir le « téléchargement et la mise à disposition illicite d’œuvres et d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin » (Section I-1 et référence à l’article L. 336-3 du CPI).

Les hébergeurs ne peuvent pas voir leur responsabilité engagée s’ils « n’avaient pas effectivement connaissance » du caractère illicite des données stockées ou s’ils « « ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible » » (Section I-2 et I.3).

Les hébergeurs ne sont pas obligés de « surveiller les informations qu'[ils] transmettent ou stockent », ni de « rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » » (sauf « « surveillance ciblée et temporaire demandée par l’autorité judiciaire ») (Section I-7).

Les hébergeurs ont l’obligation de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance » des données permettant « la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine », « des activités illégales de jeux d’argent », des opérations liées au « tabac manufacturé dans le cadre d’une vente à distance » (l’atteinte au droit d’auteur n’est, logiquement, pas mentionné dans cette liste) (Section I-7).

Et la section I.5 nous précise que la connaissance des faits litigieux est présumée acquise lorsqu’il leur est notifié (je reproduis intégralement cette partie) :

  • la date de la notification ;
  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  • les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  • les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

On comprend donc que celui ou celle qui veut faire retirer du contenu par un hébergeur doit :

  • au moins avoir essayé de contacter directement l’auteur de l’infraction qu’elle pointe, avant de s’adresser à l’hébergeur,
  • fournir une motivation qui prouve les faits, ce n’est pas à l’hébergeur de mener l’enquête.

Évolutions attendues à moyen terme (directive européenne)

La directive européenne 2019/790 sur le « droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » a été adoptée le 17 avril 2019. Il s’agit d’une directive, c’est donc un texte qui ne s’applique pas encore mais qui doit être transposé dans la loi française.

L’article 13 du projet de directive, devenu l’article 17 de la directive adoptée, a été combattu, notamment par les hébergeurs et les défenseurs des libertés individuelles, parce qu’il renverse la charge des ayants droit vers les hébergeurs :

« Si aucune autorisation n’est accordée, les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne sont responsables des actes non autorisés de communication au public, y compris la mise à la disposition du public, d’œuvres protégées par le droit d’auteur et d’autres objets protégés, à moins qu’ils ne démontrent que […] ».

L’hébergeur qui n’aura pas d’accord avec les ayants droit et/ou qui ne sera pas en mesure de filtrer a priori les contenus sera responsable. Ce qui implique la nécessité pour les hébergeurs de passer de tels contrats et de mettre en place des dispositifs automatisés de filtrage.

Je ne m’étends pas sur cette évolution à venir, pour le moment, le régime qui s’applique est celui décrit précédemment.

« La directive passe par deux étapes avant de produire ses effets : une fois votée par les institutions européennes, elle doit ensuite être transposée par les États membres dans leur droit national, à la différence du règlement, qui s’applique directement. »

Guide dont vous êtes le héros à l’usage des petits hébergeurs

1

Vérifiez que le sujet de la demande n’est relatif qu’au droit d’auteur.

Si on est bien uniquement dans le cas du droit d’auteur, allez en 2.
Si on est dans le cas d’un autre signalement portant sur une répression d’intérêt général tel que mentionné par la loi (crimes, haine, terrorisme, discrimination… cf. supra), allez directement en 6.

2

Vérifiez que la demande reçue est conforme à la forme prescrite par la LCEN, article 6, section I.5 (cf. supra).

Si oui, il faut la considérer, allez en 6.
Sinon, allez en 3.

3

La demande reçue n’est pas complète :

S’il y a des menaces associées à une demande incomplète, allez en 4.
Si la demande est presque complète, il ne manque qu’une information par exemple, allez en 5.
Sinon, allez en 9.

4

Vous avez été menacé alors que la demande de signalement n’est pas conforme à la loi :

  • signalez à votre tour la menace reçue au procureur de la république avec un mot pour lui expliquer la situation et mettre en évidence votre statut de petit hébergeur (ce sera utile notamment si le demandeur est un habitué des démarches cavalières) ;
  • si vous pouvez joindre l’auteur mis en cause, transmettez-lui la demande pour information, informez-le de votre démarche.

5

La demande est presque dans les formes, mais qu’il manque au moins une information :

  • accusez réception de la demande en répondant que vous êtes un prestataire technique dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne tel que défini par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
  • n’entreprenez aucune autre démarche (au demandeur de rendre conforme sa demande s’il le souhaite) ;
  • si vous pouvez joindre l’auteur mis en cause, transmettez-lui la demande pour information, informez-le de votre démarche.

6

Vous avez reçu une demande conforme à la LCEN, vous êtes tenu d’y répondre, vérifiez les informations transmises.

Si vous êtes convaincu que les informations sont fausses, allez en 7.
Si vous avez un doute sur la véracité des informations, allez en 8.
Si les informations vous semblent vraies, allez en 10.

7

Vous avez reçu une demande conforme à la LCEN, mais vous êtes convaincu qu’elle est abusive :

  • accusez réception et informez le demandeur que vous pensez les informations transmises fausses et signalez-lui que l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, prévoit que le fait de demander sciemment un retrait sur des bases inexactes est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende ;
  • si vous pouvez joindre l’auteur mis en cause, transmettez-lui la demande pour information, informez-le de votre démarche.

8

Vous avez reçu une demande conforme à la LCEN, mais avez un doute sur la véracité des informations :

  • ​accusez réception et demandez un complément d’information au demandeur ;​
  • si vous pouvez joindre l’auteur mis en cause, transmettez-lui la demande pour information, informez-le de votre démarche, demandez-lui éventuellement son avis ;
  • une fois recueillies les informations complémentaires, décidez de vous rendre en 7 ou en 10.

9

La demande est incomplète, sans menace :

Ignorez la demande et ignorez les relances si elles ne sont pas plus circonstanciées (ou menaçantes).

10

Vous avez reçu une demande conforme à la LCEN et les informations vous semblent vraies :

  • procédez au retrait immédiat des données ou rendez-les inaccessibles (en cas de manipulation informatique présentant un risque de perte de données, procéder à une copie préalable) ;
  • si vous pouvez joindre l’auteur mis en cause, transmettez-lui la demande et informez-le de votre décision.

logigramme parodique avec des symboles de jeu dans les symboles et des phrases idiotes
Le trajet idéal vous est fourni dans une représentation simplifiée grâce à ce logigramme. On est comme ça chez Framasoft.

La responsabilité de l’hébergeur

Je précise que ce guide est juste un guide, chaque hébergeur est invité à l’adapter selon son éthique et les situations rencontrées. En particulier, la jurisprudence a déjà considéré que la responsabilité de l’hébergeur pouvait être engagée même si la demande était incomplète dès lors que la description des faits était suffisamment précise pour permettre le retrait. Donc, suivre ce guide comporte une part de risque, notamment si vous ne répondez pas ou peu (points 5 et 9 du guide).

Mais d’un autre côté le législateur a confié de facto à l’hébergeur la responsabilité de garantir l’équilibre entre liberté d’expression d’une part et le préjudice aux tiers d’autre part. Si l’hébergeur ne tient pas son rôle, en arbitrant systématiquement en faveur des retraits, de peur d’un jugement défavorable, y compris lorsque les faits ne sont pas avérés ou que les procédures ne sont pas respectées, alors il œuvre de fait contre la liberté d’expression. Le statut juridique de l’hébergeur ne lui permet pas d’être neutre, il doit prendre ses responsabilités.

Note concernant l’identité de l’éditeur

L’association Scenari a préféré ne pas divulguer le nom de l’éditeur, j’ai respecté ce choix, le propos de l’article étant moins de porter l’attention sur l’attitude de celui-ci que de proposer une réflexion pratique.

Note concernant le mail reçu

Ressentant peut-être une légère honte à faire cette demande en plein confinement, la directrice juridique a assorti sa demande du commentaire suivant : « En effet, nous nous opposons à la mise en ligne de corrigés de nos ouvrages et la majorité des enseignants nous demande de lutter contre ces pratiques qui perturbent leur enseignement. ».

J’ai choisi de ne pas considérer cet angle car :

  • Sa demande portait bien sur « tous les contenus non autorisés par nos maisons d’édition » et non pas sur tel ou tel corrigé.
  • Je souhaiterais une preuve que la préoccupation de la majorité des enseignants soient en ce moment de lutter contre ces pratiques et pas plutôt de lutter pour trouver des solutions.
  • Une recherche web circonstanciée ne faisait pas ressortir ces contenus, donc seuls les étudiants ayant déjà l’adresse fournie par l’enseignant pouvait en pratique accéder au contenu.

Remerciements

Merci aux membres de l’association Scenari, de Framasoft et du CHATONS de m’avoir aidé dans cette recherche, et en particulier à Denis Dordoigne à qui j’ai emprunté une part significative du guide proposé, à Stéphane Poinsart de m’avoir pointé la référence du JournalDuNet concernant la jurisprudence, à Christelle pour ses précieux compléments, à Benjamin pour m’avoir relu et rappelé que les hébergeurs avaient leur rôle à jouer, à tous les autres qui ont contribué anonymement.

 




Une interview de la Team Mème

Ces derniers temps, vous aurez sans doute remarqué que tout plein de mèmes sont venus fleurir et alléger les lignes du Framablog. À cela, point de hasard : nous avons mis sur place une équipe d’élite, chargée d’une mission de la plus haute importance : celle de faire rire nos lecteur·ices. Nous sommes allés interviewer son initiateur et tête pensante, Jean-Simon de la Martinière. Plongée au sein d’une équipe pas comme les autres.

Pour commencer, pourriez-vous définir le terme de « mème » pour nos lecteur·ices ?

En fait, on prononce « mémé ». C’est un terme familier pour désigner une personne âgée. Certains en récusent le terme et d’autres l’acceptent, mais globalement on se comprend. Vous noterez d’ailleurs l’ironie de la chose, puisque l’utilisation abusive de mèmes dans les articles aurait tendance à rendre le contenu moins compréhensible pour les personnes âgées, et on ne se comprend plus.

 

Photo d'une grand-mère regardant un écran d'ordinateur, avec un texte superposé : « la team mémé à l'ouvrage »
L’équipe est ouverte à n’importe qui sachant manier le mulot.

 

La question qui fâche : est-ce que la #TeamMemes s’est créée en rébellion face à l’importance croissante de #TeamChauve ? Y a-t-il un schisme au sein de Framasoft ? #LesGens veulent savoir !

Dans le cas de Framasoft, la team mèmes est la version low-cost de la team chauve. C’est la longueur des écrits de la #TeamChauve qui a créé le besoin de la #TeamMème. Ils sont tellement embourbés dans la longueur de leurs écrits qu’ils ont besoin, de temps en temps, que nous les aidions à simplifier leurs mots. Ce n’est pas un schisme c’est plutôt une aide que nous leur proposons, une béquille (ils ne sont pas tout jeunes, ce qui est paradoxalement le cas pour la team « mémé »). L’ambiance reste bonne entre les deux équipes, on ne peut pas dire qu’il y ait de l’eau dans le gaz (de schisme). En bref, on a encore des cheveux, mais on a moins de caractères.

 

Mème de fusion de Trunks et Son Goten (personnages de Dragon Ball), où la team mèmes fusionne avec la team chauves pour donner le comité communication
Il s’agit avant tout d’un travail d’équipe

 

Quelle différence faites-vous entre un simple mème, et un « mème de qualitay » ?

Il faut savoir que le « mème de qualitay » ne peut être produit que dans des circonstances bien particulières. La plus importante de toutes est qu’il ne peut être produit que durant des horaires de boulot (alimentaire de préférence), avec des collègues passant dans votre dos. Ces circonstances vont générer la dose adéquate d’adrénaline et générer en vous une créativité alimentée par les pirouettes intellectuelles nécessaires pour justifier auprès de votre patron que « si si, vous êtes bien en train de travailler ». Vous l’aurez compris, les circonstances actuelles encourageant le télétravail rendent notre travail bien plus compliqué qu’en temps normal. Attention : je n’essaie pas de justifier les emplois alimentaires pénibles. Seulement, je constate que la meilleure chose qu’ait générée ce genre d’emploi, c’est une hausse dans la qualité générale des mèmes sur Internet. Vous en tirerez vos propres conclusions.

Mais entre nous, la différence entre un bon mème et un mauvais mème, c’est un peu comme la différence entre un bon chasseur et un mauvais chasseur, sauf qu’en cas de mauvais mème, les cyclistes ne risquent rien (mais attention, je rappelle que cet artilke n’est pas un artilke sur le cyclimse.)

 

Mème d'une mouette prenant de plus en plus d'élan pour crier et sous-titré avec « article Framaconfinement », puis « article Framaconfinement illustré de mèmes », ensuite « interview de la team mèmes », et enfin « Interview de la team mèmes illustrée de mèmes »
Un mème pour illustrer la présence de mèmes au sein de l’interview de la team mèmes. On est comme ça nous.

 

Les mèmes ont littéralement envahi les pages du #Framaconfinement ces derniers jours, c’est une véritable reconnaissance pour votre équipe et vous-même. Comment vivez-vous cette soudaine notoriété ?

Bien que ce ne soit pas le fort de mon équipe, nous tentons de rester humbles. Les mèmes produits lors de notre dernière assemblée générale ont prouvé aux yeux du reste de l’association la valeur de mes collaborateur·ices. Ce fut un festival de bons mots, d’éclats d’intelligence et autres traits d’esprit. Tout cela avec beaucoup de sérieux et un grand professionnalisme.

Je ne vais toutefois pas vous surprendre en vous révélant que le coronavirus fut une aubaine pour nous. Rebondissant sur les propos de notre directeur général (que l’on pourrait résumer en « yolo »), nous avons saisi l’occasion d’inonder les articles du Framablog de nos mèmes les plus fameux.

Mais nous ne nous réjouissons pas encore ! Est-ce que nous saurons transformer l’essai ? Les lecteur·ices seront-iels au rendez-vous, comme ils et elles l’ont été pour l’écriture inclusive ? Survivrons-nous au confinement ? Tant de questions et si peu de réponses…

 

Une affiche ambiance retro-pulp intitulée « La nuit des mèmes de l’espace » et sous-titré « Il n'y avait aucun signal de leur arrivée ! Ils n'ont eu aucune pitié ! Ils n'ont fait aucun quartier ! »
Ils arrivent.

 

Vous êtes entouré par une équipe véritablement soudée, experte en la matière. Pouvez-vous nous parler un peu plus longuement de celles et ceux qui rendent tout cela possible ?

Honnêtement, à quoi bon parler de mon équipe alors que l’on peut parler de moi ? Écoutez, je ne dis pas que l’équipe ne fait pas du bon travail, mais il faut savoir que 90% des idées de mèmes viennent de moi. Et puis il faut entendre leurs revendications, à croire qu’il faudrait les payer pour effectuer ce travail ! Les payer, ha ! Je veux bien les applaudir, à la limite, et tous les soirs s’il le faut hein. Ce serait déjà bien comme rétribution, non ?

 

Fry de Futurama tendant une liasse de billets et disant « Tu vois ça le mémeur ? C'est pas pour toi. »
Vous… vous n’étiez pas en train d’enregistrer, si ?

 

Vous l’aurez compris, il s’agissait bien évidemment d’une boutade. Pour en revenir au sujet, bien évidemment que je travaille avec une équipe formidable ! Des jeunes enthousiastes qui savent se satisfaire du nécessaire, force de proposition, qui réussissent à se plier aux contraintes plus qu’exigeantes qu’impose le métier, et cela sans rechigner #dreamTeam.

 

Tout le monde s’interroge ici : quels sont vos secrets pour des mèmes de qualitay comme les vôtres ? Pouvez-vous nous parler de vos workflows de travail ? Quelques conseils pour celles et ceux qui voudraient en reproduire à la maison ?

Il n’y a pas de secret, juste une exigence de rigueur dans la recherche et la documentation : ce sont des dizaines d’heures passées à écumer les tréfonds de Reddit, par exemple. Le mèmage, ce n’est pas un loisir, c’est un état d’esprit. Il faut que ça devienne une partie de soi-même, pour que le bon mème de réaction nous vienne naturellement en tête en lisant n’importe quel texte, n’importe quel commentaire.

Winny l'ourson dans un fauteuil est en t-shirt : « Je glande rien en télétravail », et dans le même fauteuil mais en costard : « Je fais partie de la #teameme »

 

Mes conseils pour reproduire cela chez vous : déjà, attention aux précautions d’usages. Comme le dit l’adage : « si tu mèmes, prends garde à toi ». Une fois intégrée l’idée que l’amour est enfant de beaux mèmes, il faut être prêt à glander, glander, glander, très très longtemps, fouiller les internets jusqu’au bout (je ne vous raconte pas la fin pour ne pas spoiler). r/me_irl ou r/memes sont de bons endroits où commencer. Un petit tour sur Know Your Memes (= « connais ta mémé comme toi mème » dans la langue de Marc Levy) pour se documenter sur les différentes trouvailles. Comme Reddit et KYM restent très anglophones, ne pas hésiter à introduire de la franchouillardise dans vos mèmes (Kaamelott, OSS 117 et n’importe quel politicard à deux sous français sont de bons candidats). Ensuite, mélanger jusqu’à obtention d’une pâte onctueuse, 30 minutes à thermostat 7, et c’est prêt.

 

L'agent OSS 117, sous-titré « Combien de mèmes aujourd'hui ? Juste 117 »

 

Vous possédez un doctorat ès mèmes, pourriez-vous nous en dire plus sur votre cursus ?

Je dirais que c’est d’abord des rencontres, des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée…
Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face, je dirais, le miroir qui vous aide à avancer.
Alors ce n’est pas mon cas, comme je le disais là, puisque moi au contraire, j’ai pu.
Et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie… Je ne suis qu’amour!
Et finalement, quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent : « Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ?», eh bien je leur réponds très simplement, je leur dis que c’est ce goût de l’amour, ce goût donc qui m’a poussé aujourd’hui à entreprendre une construction mèmique.
Mais demain, qui sait, peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi…

Une photo d'une carte de Uno dont la règle a été changée en « Ne pas citer l'intégralité du monologue d'Otis ou tirer 25 cartes », sur la photo d'à côté on voit un joueur avec beaucoup de cartes en main
L’initiateur de cette interview a tout fait pour éviter cette tirade, mais la pression fut trop forte…

 

Pensez-vous que cette pratique soit disruptive ? Est-elle basée sur une IA, de la Blockchain ou sous-traitez vous à des partners free-lance la partie éco-conception ?

Chez les Framamèmeur⋅euses, on se targue d’être une organisation artisanale, on réalise encore nos mèmes à l’acrylique et à l’encre de Chine. Et puis, on se place sur le marché assez restreint des mèmes à tendance altermondialo-anar, un secteur assez peu exploré par le dipe leurning. On a remarqué que les mèmes basés sur une IA avaient une certaine tendance à la consensualité, à poster des lolcats sans saveur, alors que chez nous on les moule à la louche avec des références à Robespierre #Guillotine2020. C’est une autre ambiance, m’voyez.

 

Image tirée de South Park où un personnage demande à l'autre « Montre-moi sur cette poupée comment tu utiliserais une guillotine »

Des mèmes au sein des articles du Framablog, une équipe dédiée, et maintenant une interview centrée sur le sujet… Est-ce que la blague n’est pas déjà allée trop loin ? Que répondez-vous à vos détracteurs ?

Le principe d’un mème, c’est que si vous vous demandez si c’est allé trop loin, c’est que vous êtes sur la bonne voie. C’est d’ailleurs parfaitement expliqué dans ce tutoriel : https://huit.re/tuto-meme-frama

Réplique de Léodagan dans Kaamelot « Qu’est ce que je réponds aux détracteurs ? » « Moi en général, je réponds merde. En principe, ça colle avec tout »
Diplomatie avant tout.

 

Cet article sent, sonne et ressemble à un poisson ; franchement, vous n’auriez pas pu le sortir le 1er avril comme tout le monde ?

Comment ça, « il est pas frais », mon poisson ? Et puis vous l’avez pas entendu notre Raïs à nous ? « Rien ne sera plus jamais comme avant » qu’il a dit. On a rarement l’occasion de l’écouter, alors quand l’occasion se présente, vous imaginez bien qu’on ne se prive pas.

De toute façon, je dois vous laisser, c’est l’heure du mème. Comme disait ce bon vieux Bobby : « dis, à mémer, consens, va ! »

 

Mèmes réalisés avec les pas du tout libres ImgFlip et Webomator, ne pas laisser à la portée des enfants, respecter la dose prescrite, ne pas faire ça chez soi, et en même temps ne pas sortir de chez soi, laisser les mèmes aux professionnels sinon vous pourriez vous gravement vous fouler le mulot, prière de ne pas nous dénoncer au MEDEF pour empêchage de productiviser en rond. Bisous. Mais de loin, faut pas déconner avec ça.




Juste un autre article sur les licences libres

Dans le cadre du librecours Libre Culture qui a ouvert ses portes le 6 avril 2020 j’ai été amené à produire une synthèse sur les licences libres que je vous livre ici.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Le droit d’auteur et les licences libres forment un cadre général qui offre plusieurs régimes possibles pour le contenu publié sur le Web.

Je propose ici une classification en six grandes catégories :

  • contenus à péage monétaire ou publicitaire
  • contenus en accès gratuit tous droits réservés
  • contenus en libre accès quelques droits réservés
  • contenus libres et ouverts avec copyleft
  • contenus libres et ouverts sans copyleft
  • contenus « zéro restriction » (au plus près, voire au-delà, du domaine public)

dessin humoristique de gégé, le Geektionnerd generator : un gars présnte une vaste liste écrite et dit "Auijourd’hui je vous explique les licences libres". Un groupe de personnes lui tourne le dos et s’en va dans l’autre sens

Contenus à péage monétaire ou publicitaire (non FLOSS, non Open Access, all right reserved)

On appelle sites à péage (paywall) les sites mis à disposition par des organisations qui restreignent l’accès au contenu qu’elles publient. Ce sont en général des ayants droit, c’est-à-dire des personnes physiques ou morales qui disposent d’un accord de cession de droits patrimoniaux avec des auteurs.

L’accès au contenu est réservé aux personnes qui acceptent de verser une contrepartie. Usuellement on appelle contenus à péage ceux qui demandent une contrepartie monétaire, mais je propose également d’inclure ceux qui exposent de la publicité et donc demandent une contrepartie attentionnelle. L’accès n’est pas payé en monnaie, il est payé en temps (passé à regarder de la publicité).

On distingue donc :

  • les contenus à péage monétaire : il est nécessaire de payer pour consulter les contenus
  • les contenus à péage publicitaire : il est nécessaire de consulter de la publicité pour consulter les contenus

Le régime de ces contenus est strictement celui du droit d’auteur :

  • L’utilisateur seulement le droit de consulter le contenu (une fois le péage acquitté).
  • Il n’est pas possible de copier le contenu (en dehors des exceptions prévues, comme le droit de citation ou l’exception pédagogique par exemple).

Exemple de sites à péage monétaire (que je consulte) :

  • site à péage monétaire : Médiapart, NextInpact
  • site à péage publicitaire : Numérama

Considérations personnelles sur les sites à péage

« La documentation secrète est une injure faite à la documentation (Briet4, 1951) ». Je souhaite un monde dans lequel tous les documents sont librement accessibles, mais le fonctionnement économique de nos sociétés fait que certains éditeurs ont du mal à proposer d’autres solutions que les péages.

À titre personnel je ne consulte quasiment jamais volontairement de sites à péage publicitaire. J’utilise un bloqueur de publicité et je ne le désactive que très rarement. J’utilise un bloqueur de publicité non pas pour consulter du contenu sans payer le péage publicitaire, mais parce que la structure du Web fait que je suis régulièrement renvoyé vers de tels contenus. J’adopterais volontiers un système qui marquerait mes recherches ou mes liens de telle façon que je puisse choisir de ne pas consulter de sites à péage publicitaire.

Je suis en revanche abonné à quelques sites à péage monétaire.

strip de Nina Paley en 3 images où échangent Mimi et Eunice. "Mon œuvre est libre… sauf pour un usage commercial, c’est le mal, je l’interdis !" dit Eunice en montrant les dents. dans la dernière image toutefois "plus tard", il pleurniche "Ouin ! personne n’arrive à gagner de l’argent sur Internet ! "
extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart

Contenus en accès gratuit (non FLOSS, gratis Open Access, all right reserved)

Tout contenu publié sur le Web (sans être associé à une licence) entre dans cette catégorie.

Il s’agit de contenus publics pour lesquels s’applique le droit d’auteur :

  • Chacun peut librement le consulter.
  • Il n’est pas autorisé de le copier sans autorisation de l’auteur ou de l’ayant droit.

Quelques exemples et contre-exemples :

  • C’est le cas de la majorité des contenus publiés par des entreprises privées sur leurs sites web.
  • C’est le cas de la majorité des contenus publiés par les individus sur des supports tels que les blogs, posts de réseaux sociaux, sites personnels, etc.
  • C’est partiellement le cas des archives scientifiques ouvertes comme HAL, dont certains articles sont sous licence libre et d’autres non.
  • Ce n’est la plupart de temps pas le cas des sites publics qui ont de plus en plus obligation de publier leurs données sous des licences libres.
  • Ce n’est pas le cas de Wikipédia qui propose une licence libre.

Considérations personnelles sur l’accès gratuit

Une partie significative, sinon la totalité, de nos documents numériques devraient être a minima disponibles en accès gratuit. Le coût est quasi nul et le bénéfice du partage de l’information très important pour l’humanité.

Cela devrait être le cas notamment :

  • de la totalité des contenus pédagogiques
  • de la totalité des contenus scientifiques
  • de la totalité des contenus relatifs aux lois
  • de la totalité des contenus techniques liées à l’usage des machines
  • etc.

Contenu en libre accès (non FLOSS, libre Open Access, some right reserved)

Les mouvements Creative Commons1(principalement issu du domaine culturel) et Open Access2 (principalement issu du domaine scientifique) ont permis de proposer des licences intermédiaires entre les licences libres (FLOSS3) et les restrictions par défaut imposées par le droit d’auteur.

Les deux principales limites d’usage introduites par les Creative Commons sont :

  • la non autorisation de l’usage commercial (non commercial)
  • la non autorisation de la modification de l’œuvre (non dérivative)

On parle aussi de licences dites some right reserved (quelques droits réservés). On note qu’il ne s’agit pas d’une interdiction d’usage, mais d’une non autorisation à priori. Il est toujours possible d’établir un autre contrat avec l’auteur ou les ayants droit en dehors des droits libérés par la licence.

Exemples :

  • Les licences Creative Commons CC BY-NC, CC BY-ND, CC BY-NC-ND et CC BY-SA-NC comportent la clause non commercial et ou non derivative.
  • La licence éé (Édition Équitable) proposée par C&F Édition autorise la copie au sein du cercle familial et amical, mais ne permet pas la rediffusion massive à des inconnus.
  • À noter que certaines initiatives explorent la notion de licences éthiques, dont l’objectif est de ne pas autoriser certains usages à priori antagonistes avec le cadre éthique des auteurs (industries polluantes, industries de l’armement, partis politiques, etc.) ou d’autoriser uniquement les usages dans des cadres prévus à priori (protection de l’environnement, humanitaire, etc.)

Considérations personnelles sur le libre accès

Le libre accès est un intermédiaire, il en a les avantages et les défauts : c’est une réponse imparfaite à une question mal posée.

On notera que l’initiative éé ou certains projets de licences éthiques sont intéressants pour tenter de concilier volonté de diffusion et tentative de préservation de son modèle économique ou de ses valeurs. Mais ce sont dans les faits plus des projets de communication que des solutions légales, il sera très difficile de les défendre en dehors de cas emblématiques.

Comment définir un cadre « commercial » sur le Web ? Que se passe-t-il si une Scop fait une formation rémunérée pour une association loi 1901 avec des contenus en NC ? Comment décider de ce qui est une modification ou pas ? Que se passe-t-il pour le transcodage d’une vidéo sous licence ND ? On ne peut pas changer la résolution source d’une image sous NC, mais l’utilisateur peut changer la taille de l’image en utilisant le zoom de son navigateur ?

En fin de compte :

  • C’est plus ou moins équivalent à des licences libres pour lesquelles l’auteur aurait affiché : « je libère mon contenu, mais je souhaite qu’il ne soit pas utilisé pour ça et ça ».
  • C’est plus ou moins équivalent à des licences non libres pour lesquelles l’auteur aurait affiché : « je ne libère pas mon contenu, mais si vous êtes dans ce cadre, je suis content que vous l’utilisiez et je ne vous embêterai pas ».

dialogue entre Mimi artiste-peintre devant son chevalet et Eunice avec attaché-case : « le droit d’auteur favorise la création — La création de quoi ? — de procès ! »
extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart

Contenus libres avec copyleft (FLOSS, Open Access, copyleft)

Le mouvement libriste est né avec la licence libre copyleft. Cette licence promue par la Free Software Foundation pose les quatre règles fondatrices du logiciel libre (exécuter, étudier, copier, améliorer) dans la mesure où ces règles restent préservées. Il n’est typiquement pas autorisé de procéder à une redistribution qui n’autorise pas elle-même la copie selon les mêmes termes.

Le terme copyleft est un double jeu de mot, dérivation de copyright, droit d’auteur, en « gauche d’auteur » et « laisser copier ».

  • La licence historique de ce mouvement est la licence GPL, largement utilisée dans le monde du logiciel libre.
  • Pour les contenus culturels on peut citer la licence CC BY-SA, pour share-alike ou la Licence Art Libre (LAL).

À noter qu’un logiciel ou contenu libre n’est pas nécessairement gratuit, même si la possibilité de le copier tend en général à des formes de distribution gratuites. On peut avoir à payer un support pour se procurer un livre imprimé par exemple, ou un service, pour bénéficier de l’hébergement d’un service web. La liberté de copier n’est pas en cause, vous pouvez ré-imprimer le livre ou héberger le service par vos propres moyens.

Considérations personnelles sur le copyleft

Il s’agit de la licence que j’utilise le plus couramment, mes cours sont sous CC BY-SA, mon roman sous LAL et les quelques petits bouts de code que j’écris sous GPL.

 

couverture du Framabook de Stéphane Crozat > Traces
NDLR : le roman de Stéphane est beaucoup plus drôle que cet article. ^^

 

Il y a un débat historique entre les licences avec ou sans copyleft. Une terminologie s’est mise en place pour distinguer les logiciels « libres », qui seraient ceux avec copyleft, des logiciels « open source », qui seraient sans copyleft. Cette terminologie est née du fait que les premiers sont promus par la FSF et les seconds par l’OSI (Open Source Initiative). Mais c’est une terminologie discutable, car :

  • avec ou sans copyleft les logiciels sont bien open source,
  • la notion de liberté est ici et ailleurs toujours compliquée à cerner.

Certains argumenteront qu’un logiciel sans copyleft impose moins de restrictions et donc est plus libre ; d’autres que donner la liberté de priver de liberté c’est contraire à la liberté. C’est un débat intense au sein des communautés, je me contente ici de donner mon point de vue.

  • Je considère à priori que moins de règles, c’est mieux, donc j’aurais tendance à préférer en première approche une licence sans copyleft, mais il y a un rapport de force en place qui est problématique. Des acteurs puissants (éditeurs de logiciels et éditeurs de contenus culturels) ont la possibilité de se rapproprier les contributions libres et d’en faire bénéficier leur économie, dont acte. Mais s’ils ont la possibilité en plus d’améliorer ces contributions sans en reverser les améliorations, cela signifie qu’ils peuvent systématiquement prendre des objets libres, les améliorer et les distribuer sans licence libre. Cela aura comme conséquence d’affaiblir les solutions libres et de renforcer les solutions non libres, ce qui est l’exact contraire de l’objectif visé initialement.
    Encore une fois c’est un débat complexe et les opposants au copyleft feront également valoir des arguments intéressants comme le fait que ces éditeurs gardent un intérêt à repartager pour continuer de bénéficier des améliorations apportées par les communautés libristes ou par d’autres éditeurs.
  • Je fais le parallèle avec la notion de discrimination positive, ce n’est pas un choix de conviction, c’est un choix pragmatique, qui va plutôt à l’encontre de l’idée de base (liberté d’usage ou égalité de traitement) mais qui, dans un rapport de force défavorable, paraît nécessaire à l’établissement de la liberté ou l’égalité visées.
  • On a coutume de dire que le terme logiciel libre est mal choisi : ce n’est pas le logiciel qui est libre, mais l’humain qui l’utilise. On peut considérer que le copyleft donne moins de liberté à l’humain, mais plus à l’humanité.

Contenus libres sans copyleft (FLOSS, Open Access, non copyleft)

Les licences libres sans copyleft autorisent tous les usages à priori à condition que l’auteur, ainsi en général que la source et la licence, soient mentionnées. Cela autorise donc en particulier l’intégration d’un code logiciel dans un logiciel propriétaire ou un contenu culturel dans un ouvrage non libre.

  • Les licences MIT ou BSD sont des exemples de licences sans copyleft pour les logiciels libres.
  • La licence CC BY est la licence sans copyleft la plus commune pour les contenus culturels.

comic strip 3 images de Nina Paley avec les deux personnages Mimi et Eunice. Mimi veut retirer sa brique personnelle du mur que vinet de bâtir Mimi avec de la récup et du recyclage. "C’est MA brique" ! Résultat : le mur s’effondre dans la dernière image tandis qu’Eunice s’en va satisfait avec SA brique à la main
Extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart (à partager avec <3).

Considérations personnelles sur les licences sans copyleft

Je considère les licences sans copyleft lorsque j’évalue que :

  1. le copyleft peut bloquer ou ralentir des usages que je n’ai pas envie d’empêcher ;
  2. le contenu n’est pas facilement améliorable de toute façon.

Par exemple la vidéo d’une conférence ou d’un cours sera selon moi plus facilement diffusable sous CC BY parce que je n’imagine pas en quoi il est vraiment possible d’améliorer la vidéo. On peut imaginer une coupe d’un segment non pertinent, ou l’incrustation d’éléments complémentaires intéressants, mais on est dans des pratiques très marginales.

Contenus « zéro restriction » (ou Do What The Fuck You Want)

Certaines licences comme la licence Creative Commons Zero (CC0) consistent pour l’auteur à autoriser les usages les plus larges possible dans la limite de la loi. Cela équivaut à mettre volontairement son œuvre dans le domaine public.

La loi empêche dans certains pays, dont la France, de lever toute restriction sur le contenu. Ainsi le droit moral est inaliénable, il n’est donc pas légalement possible d’y renoncer et d’autoriser quelqu’un à utiliser son contenu sans a minima être cité en tant qu’auteur. Le domaine public français consiste en l’épuisement des droits patrimoniaux uniquement, on ne peut donc pas jouer un opéra de Mozart sans dire qu’il est de Mozart.

Techniquement cela revient à dire que des licences comme la CC BY sont les licences les plus permissives possible en France et donc que des licences comme la licence CC-0 sont équivalentes. Notons que c’est vrai pour le moment, mais qu’une évolution future du droit d’auteur vers plus de liberté d’usage (ce qui n’est pas la tendance historique) pourrait permettre aux licences zéro restriction d’ouvrir de nouveau droits.

On notera l’existence de licences « zéro restriction » plus poétiques que la CC0 :

La Copyheart dont le résumé est : Copying is an act of love, please copy, (« Copier est un acte d’amour, veuillez copier »)

La Do What The Fuck You Want to Public License, dont la seule clause, numérotée 0 est : « You just DO WHAT THE FUCK YOU WANT TO » (« Faites exactement ce que vous voulez, bordel ! »)

 

Considérations personnelles sur les licences « zéro restriction »

Ces licences n’ayant pas de valeur légale aujourd’hui différente des licences sans copyleft, leur usage relève avant tout d’un militantisme visant une réforme radicale du droit d’auteur (qu’à titre personnel je partage, considérant que le droit d’auteur fait en réalité plus de mal que de bien, rémunérant trop mal les auteurs, trop bien les éditeurs, entraînant des restrictions d’accès néfastes pour l’accès aux savoirs, et conduisant à une répression inadaptée).

Néanmoins je ne les utilise pas, car elles informent moins bien sur les devoirs de l’utilisateur : en particulier un utilisateur peu averti pourra croire qu’il est effectivement autorisé à faire ce qu’il a envie de faire, ce qui n’est pas vrai.

Mais la plupart du temps, je suis plutôt d’accord : just do what the fuck you want to!

Précision : la loi avant le contrat

Les licences sont des contrats passés dans le cadre juridique du droit d’auteur. La loi étant supérieure aux contrats, les licences libres restent soumises au régime du droit d’auteur. On notera l’adresse de leurs promoteurs qui ont réussi malgré tout à rendre possible une prise de distance d’avec les restrictions imposées par le droit d’auteur, pour ceux qui le souhaitent.

Conclusion : pour interdire il faut une bonne raison et une certaine détermination

Je ne suis pas contre toutes les interdictions en principe, mais je pense que pour interdire quelque chose, il faut une bonne raison et une volonté de faire appliquer l’interdiction. Si vous dites à quelqu’un : ne fais pas ça, alors que vous n’avez pas vraiment d’argument pour interdire et qu’en plus vous ne prenez aucune mesure s’il transgresse votre interdiction… la plupart du temps l’autorisation aurait été plus simple. Le fait pour un créateur de ne pas associer de licence à son contenu équivaut à maintenir les interdictions prévues par le droit d’auteur. Le fait de choisir une licence restrictive équivaut également à interdire quelque chose.

Les licences sont des outils légaux, donc pour choisir une licence avec des restrictions, il faudrait être prêt à poursuivre en justice ceux qui ne les respectent pas. C’est possible, et les associations de promotions des logiciels libres peuvent aider à cela. Mais il faut être prêt à le faire.

Si on n’est pas prêt à le faire, il faut au moins être prêt à dénoncer publiquement l’irrespectueux qui outrepassera les interdictions. C’est également possible. Mais il faut être prêt à le faire.

Si l’on n’est prêt ni pour l’un ni pour l’autre, le choix du cadre le plus permissif est certainement le plus adapté.

 

Merci à Pouhiou de ses retours qui m’ont permis de compléter la fin de l’article.

 

  1. CC (Creative Commons) : Creative Commons est une association à but non lucratif dont la finalité est de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standard de leur pays.»
  2. OA (Open Access) : Le terme Open Access désigne la possibilité de consulter sans restriction un contenu publié sur le web. Il s’oppose aux contenus soumis à péage (paywall) pour lesquels il existe une contrepartie à la consultation du contenu.

    Pris dans sa généralité l’OA et synonyme de gratis OA et n’implique pas nécessairement le doit de recopier le contenu en Open Access, ce qui est prévu par le libre OA.

  3. FLOSS (free/libre/open-source software) : Le terme FLOSS désigne l’ensemble des logiciels libres au sens de la FSF (par exemple la GPL) et open source au sens de l’OSI (par exemple la BSD). Cela permet de désigner globalement cette classe de logiciels sans entrer dans le détail de leurs licences. Le terme de logiciel libre est souvent utilisé pour désigner globalement les logiciels FLOSS.
    On pourra l’utiliser par extension pour des contenus libres plutôt que des logiciels libres (par exemple les licences CC BY et CC BY-SA).

    On utilise parfois le terme FOSS (free and open-source software) : le terme français libre parait un peu étrange dans l’acronyme anglais, mais il résulte du fait que free est polysémique en anglais et qu’il signifie à la fois libre et gratuit (or c’est ici le sens libre est qui est visé et non gratuit, un logiciel ou contenu libre n’est pas forcément gratuit).
    Gratis OA (Gratis Open Access) : Le terme gratis Open Access désigne la possibilité pour chacun de consulter un contenu sans restriction, et en particulier sans avoir à verser aucune contre partie monétaire ou d’une autre nature.
    En revanche il n’implique pas le droit de copier et redistribuer le contenu, par opposition au libre Open Access qui prévoit ce droit en plus.
    Le terme gratis est préféré en anglais à free qui signifie à la fois libre et gratuit.
    Libre OA (Libre Open Access) : Le terme libre Open Access désigne la possibilité pour chacun de consulter un contenu sans restriction, ainsi que le droit de copier le contenu selon des termes prévus par une licence plus ou moins permissive. Le terme libre est préféré en anglais à free qui signifie à la fois libre et gratuit.

  4. Briet, 1951 : Briet Suzanne. 1951. Qu’est-ce que la documentation ?. Éditions documentaires, industrielles et techniques. http://martinetl.free.fr/suzannebriet/questcequeladocumentation.

 




Une appli de traçage du COVID 19 qui échappe à Big Brother ?

Ou plutôt pas de traçage du tout ? Oui bien sûr, ce serait sans doute la meilleure solution compte tenu des inévitables « glissements » que redoute comme nous Hubert Guillaud dans cet article.

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid

 

Mais à l’heure même où se profile l’appli gouvernementale, véritable agneau innocent qui sera inévitablement converti un jour prochain en outil d’espionnage pur et simple, voici une proposition alternative de protocole qui permettrait de freiner la diffusion de la pandémie et d’échapper à la surveillance invasive.

Voici pour comprendre le principe de cette application une bande dessinée, qui est l’œuvre de Nicky Case (son siteson patreon), elle est destinée à expliquer le fonctionnement du protocole DP-3T à un public plus large. Elle n’est pas une représentation exacte du protocole, comme elle le précise :

Cette BD présente des aspects qui vont au-delà des spécifications de notre protocole, tels qu’un score de risque lié à une instruction de rester à la maison, un exemple ludique de ce à quoi pourrait ressembler un algorithme de calcul de risque local.

Bien que notre protocole soit conçu pour protéger la vie privée et pour contribuer à protéger un large éventail de libertés contre les détournements de fonction, il nécessite un déploiement réfléchi dans un environnement avec des politiques informées et protectrices des droits de l’homme afin de fonctionner pour tous les membres de nos communautés.

La bande dessinée ne doit donc pas être lue comme fournissant des suggestions de politiques au-delà du protocole de l’équipe DP-3T.

Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, beaucoup de précisions sur son fonctionnement, ses limites et ses conditions sont dans cette étude proposée par un pool de scientifiques dont la lecture demande un certain bagage technique.

La présente publication ne signifie pas que Framasoft promeut une quelconque application ni ne la présente comme une solution miracle. Il s’agit seulement d’éclairer le fonctionnement d’un protocole.

Bande dessinée originale en anglais : https://ncase.me/contact-tracing/

La traduction française que vous pouvez parcourir ci-dessous est due aux efforts conjugués et patients de Michel « Meï » Mancier, et de Samuel Hackwill. Qu’ils en soient vivement remerciés !