Minetest, intérêts et possibilités pédagogiques

Dans « Framinetest Édu » il y a « Édu ». Ce n’est pas (simplement) pour damer le pion à Microsoft. Les jeux de minages sont des outils intéressants et innovants pour expérimenter d’autres formes de pédagogies.

Voici un article de SVTux, un professeur de SVT convaincu des avantages des serious games… pour les avoir testés lui-même.

le Coming out simulator un serious game d'éducaiton populaire à la tolérance. CC-0 Nicky Case
Coming out simulator un serious game d’éducation populaire à la tolérance.
CC-0 Nicky Case

Entre serious games et serious gaming

Un serious game est un jeu vidéo pensé pour être éducatif. Par opposition, le serious gaming est le détournement d’un jeu classique dans un contexte pédagogique.

Avec Minetest, nous sommes à la frontière de ces deux mondes. En effet, si de base, son utilisation pédagogique le place principalement dans le serious gaming, ses possibilités de personnalisation, adaptations, détournement, … peuvent assez facilement le positionner parmi les serious games !

Quelques anecdotes pour comprendre l’intérêt pédagogique

Si vous n’êtes pas familier de ce type de jeu, j’imagine que vous êtes en train de vous dire : « mais qu’est-ce que ce truc encore ? », « c’est n’importe quoi ! », « quel est le rapport avec les programmes ? »…

Je vais donc commencer par vous raconter 3 petites anecdotes :

  • Sur la première version du collège construite par mes élèves en janvier 2015, j’ai eu la surprise de constater que ces derniers avaient choisi les cubes en fonctions de leurs couleurs afin de correspondre au mieux à la réalité « visuelle ». Par conséquent, le sol (et les plafonds) avaient été construit en grès. Grave erreur ! Car le jeu tient compte des processus d’érosion ! Autrement dit, au bout de quelques jours dans le jeu, nous nous sommes retrouvé avec un tas de sable gigantesque au milieu du collège !!! (En effet, le grès termine en grains de sable de par les processus d’érosion)
  • Pendant l’une de mes dernières séances : « Monsieur, Monsieur, je ne comprends pas : j’ai bien construit l’enclos comme vous avez demandé ! Par contre je crois qu’il y a un bogue dans le jeu parce que lorsque j’y met des poules, il y a des œufs mais les poussins ne naissent pas ! ». Je l’interpelle en lui proposant d’ajouter un coq dans son enclos : « Génial Monsieur, vous avez corrigé le bogue, maintenant il y a même des poussins qui naissent, grandissent et deviennent des poules ou des coqs ! »

Mais allons plus loin avec cette 3e anecdote (arrivée le 1er avril 2016, et ce n’est pas un poisson !) :

  • Comme d’habitude, je retrouve le vendredi midi les élèves les plus motivés par Minetest pour le « club minetest » et l’un d’eux me demande s’il peut me montrer ce qu’il a fait pendant le week-end de Pâques (bon, jusque là, rien d’anormal, je m’attends à voir une maison de plus ! Lol). L’élève démarre le jeu en « local » et m’explique comment il construit des voitures dans le jeu. Sauf que ses voitures, elles roulent, tournent… Bref, de vraies voitures ! Et surtout, par défaut, le jeu que je lui avais transmis ne le permettait pas. Je lui demande comment il a fait : « c’est très simple monsieur, j’ai créé un mod, si vous voulez, je vous le donne ! » (là, mon cerveau se met en mode sérieux). Je regarde, il m’explique plus en détail… et je comprends qu’il a vraiment fait du code… tout seul, en s’inspirant des autres mods du jeu. Cet élève, ne trouvant pas l’option dans le jeu avait décidé de créer l’option lui-même. Depuis hier, son mod est intégré dans le serveur du prof. Respect, cet élève a 11 ans.

Ces anecdotes doivent d’ores et déjà vous laisser entrevoir quelques pistes d’exploitation pédagogique… Mais allons plus loin !

Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.
Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.

Pistes d’exploitation pédagogique :

Minetest permet de travailler en s’amusant dans la quasi totalité des disciplines : du Français au Sciences, en passant par la philosophie, l’histoire ou encore les langues étrangères et la technologie. Rien que cela !

A minima les points des programmes suivants peuvent être abordés :

  • Apprendre à se repérer sur une carte, un plan.
  • Comprendre et savoir appliquer la notion d’échelle.
  • Découvrir les notions de cycles de vie, de chaînes et réseaux alimentaires, l’agriculture humaine, de biomes…
  • Découvrir les principales notions de géologies (érosion, volcanisme…).
  • Comprendre l’influence des conditions météorologiques, de l’Homme… sur l’environnement.
  • Découvrir la notion de modélisation.
  • Apprendre à coopérer et collaborer.
  • Découvrir les matériaux, leurs propriétés, les notions de composites, etc.

Et que dire philosophiquement, lorsqu’on interdit l’usage des armes dans le jeu, des élèves qui constituent des stocks d’armement dans leurs coffres avec l’argument : « Ne vous inquiétez pas Monsieur, nous n’allons pas nous en servir… c’est juste au cas où ! »… de passionnant débats en perspective ! CQFD.

Exemple n°1, en Sciences de la Vie et de la Terre : « L’influence de l’Homme sur les peuplements »

Exemple n°2, Projet d’EPI : Géographie/Technologies/Mathématiques : « Construisons notre collège, notre ville…  »

Exemple n°3, Minetest, un outil pédagogique modulaire

Construisons notre collège.
Construisons notre collège.

Mais bien entendu, il faut garder à l’esprit que les possibilités pédagogiques de Minetest n’ont de limites que celles de notre imagination !

Autres ressources pédagogiques :

De la coopération à la collaboration !

Minetest, tout comme Framapad, peut être qualifié d’outil collaboratif.

Pour rappel, un outil est qualifié de coopératif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ensemble un même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final (sans toucher/modifier la brique du voisin).

Par opposition, un outil est dit collaboratif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ce même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final et de modifier, supprimer… celle du voisin.

En classe, lors des premières séances, nous n’observons le plus souvent que de la coopération mais avec l’entraînement, et l’acceptation de la prise en compte de l’avis de ses camarades, la collaboration se met progressivement en place. Une fois la compétence acquise par les élèves, les groupes de travail deviennent plus efficaces et autonomes.

Il est donc nécessaire de prendre le temps et de renouveler les séances pour permettre aux élèves d’apprendre à collaborer. Cet investissement temporel vaut le coup !

Où trouver de l’aide ?

Comme tout logiciel libre qui se respecte, il existe une communauté riche de nombreux membres prêts à vous aider dans vos projets. Pour en savoir davantage, voici deux liens indispensables :

Mise à jour du 20/09/2016 : faisant suite à vos demandes, nous avons ouvert une section « Minetest » sur notre forum : https://framacolibri.org/c/framinetest-minetest

Pourquoi utiliser Minetest plutôt que Minecraft en milieu scolaire ?

Voici une question fréquente à laquelle il est assez simple de répondre lorsqu’on a testé les deux outils en milieu scolaire :

  • Minetest est écrit en C++ (Minecraft en Java) : il est par conséquent très léger et tourne facilement sur des machines peu puissantes.
  • Les fichiers de configuration sont au format txt, ce qui facilite la personnalisation.
  • Le jeu occupe peu de bande passante, ce qui est bien pratique lorsque votre établissement ne dispose pas d’une excellente connexion.
  • Étant libre, le jeu offre une main totale à l’administrateur comme aux utilisateurs (configuration, personnalisation…).
  • Le jeu est entièrement gratuit. Aucun frais n’est à envisager pour l’établissement.
  • Le jeu est réellement multiplateforme, ce qui permet un fonctionnement dans tous les environnements scolaires.
  • Enfin, soulignons qu’il ne nécessite pas d’installation pour les élèves : un simple copier-coller suffit, ce qui est bien pratique sur les machines des établissements scolaires !

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Minetest sur android, joué directement depuis un ordiphone.

Pour aller plus loin, il peut être intéressant, pour l’enseignant, de s’interroger sur l’intérêt de pousser uniquement en établissement des outils propriétaires (tel que Minecraft) chez de jeunes enfants quand on connaît l’impact de la publicité sur eux. Il est une évidence qu’il faut parfois rappeler : la diversité numérique dans le milieu scolaire est indispensable et devrait être la règle. Sinon, ne serait-ce pas une forme de publicité forcée et/ou de formatage ? Que dirait-on si une entreprise célèbre de soda réalisait l’ensemble des livres scolaires sans qu’il y ait d’autres alternatives ?

Ami-e-s enseignant-e-s : veuillez noter que la carte proposée par défaut sert à tester Framinetest. Une autre carte est réservée aux activités pédagogiques.




Framinetest Édu : laissez Microsoft hors de portée de nos enfants.

Le Framachin de la rentrée est un jeu…

Sérieux.

Un serious game avec une infinité d’applications pédagogiques que nous proposons avant que l’ogre Microsoft ne vienne faire la sortie des écoles… voire y rentrer pour mieux dévorer les données de nos chères têtes blondes.

 

C’est parti d’une blague. Après la parution d’une traduction de Framalang sur Minetest, l’alternative libre au jeu Minecraft, un certain SVTux nous a partagé ce qu’il faisait en classe avec ce jeu tandis qu’un·e certain·e Powi nous a demandé « À quand un Framinetest ?« … Nous avons rétorqué d’un « C’est çui qui dit qui fait ! » auquel ellui et SVTux ont répondu « chiche ! »

Ce n’était pas prévu. Le jeu Minecraft (racheté par Microsoft en 2014 pour 2,5 milliards de dollars) ne faisait pas partie de notre plan pour dégoogliser internet. Puis, nous avons vu que le 9 juin dernier, Microsoft a lancé la bêta de Minecraft: Education Edition

Chère Éducation Nationale… Tu joues avec nos gosses.

Et ça, vraiment, c’est pas drôle.

Tu le sais pourtant, nous on t’aime bien. Nombre de nos membres (et de notre audience) travaillent en ton sein, les « Fra » et « ma » de Framasoft viennent même de « Français » et « Mathématiques » (les matières enseignées par les deux professeurs à l’origine du tout premier projet Framasoft)… bref, nous avons une longue histoire commune.

Nous nous sommes éloignés de toi (en nous tournant vers l’éducation populaire) un peu par dépit : car tu ne veux rien entendre. Tu te laisses courtiser par les GAFAM, tu leur ouvres grand les portes de nos établissements d’enseignement… sans assumer le fait que c’est aussi grave que d’ouvrir les portes des cantines à McDonald’s.

Cette publicité est un vrai tweet Microsoft. Oui. Cliquez sur l'image pour lire l'article de l'APRIL à ce sujet.
Cette publicité est un vrai tweet de Microsoft. Oui.
Cliquez sur l’image pour lire l’article de l’APRIL à ce sujet.

Quand tu échanges les données de nos collégiens et nos collégiennes contre 13 millions d’euros de Microsoft, quand tu laisses ce dernier t’instrumentaliser pour faire sa pub, au point que d’aucuns envisagent de dénoncer cet accord en justice… Tu n’entends pas nos avertissements.

Tu souhaites juste « mettre en tension » les propositions du Libre et celles de GAFAM. Comme s’il s’agissait de deux concurrents sur un marché.

Comme si protéger les vies numériques de nos élèves n’était pas un choix politique.

Ce choix, nombre d’enseignant-e-s l’ont fait, souvent bien malgré toi. C’est en pensant à elles et eux que nous ouvrons ce nouveau service, avant que Microsoft ne vienne cette fois-ci parachever son business model chez toi en faisant son marché dans nos écoles primaires avec Minecraft: Education Edition.

Framinetest Édu : à vous de jouer !

Et là, ça devient vraiment bien plus drôle.

Minetest est un clone libre de Minecraft, un jeu dit « bac à sable ». Imaginez un monde fait de cubes : terre, eau, troncs, feuillages, minéraux, sable, glace… mais aussi plantes, poules, vaches et cochons (et même des zombies !) Ce monde est régi par des règles similaires au nôtre : le jour succède à la nuit, avec le temps l’érosion y fait son office, les poules ne se reproduisent que si l’on met un coq dans l’enclos, tomber de trop haut altère votre santé.

Vous y incarnez un petit personnage dont le but est de « miner », c’est à dire de briser les blocs de matières premières pour les mettre dans sa besace et en faire d’autres choses. Dans votre inventaire, « crafter » un bloc de bois vous permet d’obtenir des planches. Aligner planches et bâtons en T vous permet de fabriquer (crafter) une pioche… et d’aller creuser pour obtenir du grès, du granit… Dès lors vous pouvez commencer à construire !

Bon, vous pouvez aussi voler... Mais c'est juste pour prendre de la hauteur sur votre travail.
Bon, dans le jeu, vous pouvez aussi voler… Mais c’est juste pour prendre de la hauteur sur votre travail.

Nous avons ouvert un monde où les ressources sont déjà dans votre inventaire, qui peut supporter jusqu’à 400 connexions simultanées (c’est de la théorie, hein, pas un défi : restez choux avec nos serveurs ^^ !), un monde dont les mods (les possibilités modulaires) ont été choisis et pensés pour des applications pédagogiques

Bref : un monde qui n’attend que vous pour y construire collaborativement des villages et des activités pédagogiques !

Microsoft enclot Minecraft… alors changez de bac à sable !

Pour se connecter à Framinetest Édu, c’est simple ! Tout est sur la page d’accueil :

  1. Téléchargez le logiciel « client » (celui qui permet de se connecter.)
  2. Connectez-vous sur le serveur framinetest.org (onglet « client », justement ^^)
  3. Euh… jouez ? Oui : jouez !

L’avantage d’un jeu open source (développé en C/C++, et sous licence CC-BY-SA) est qu’il est adaptable sur toutes les plateformes, que vous soyez sous Windows, sous Mac, sous une des nombreuses distributions libres GNU/Linux, sur Android ou même sur un RaspberryPi : vous jouerez au même jeu partout.

Cela parait évident, mais les personnes qui ont testé Minecraft Windows10 Edition (qui est un peu le même que le Pocket Edition sur smartphone, donc incompatible avec la version PC du jeu, oui cette phrase fait mal au crâne, merci Microsoft & Mojang !) savent de quoi on parle.

Cot-cot commons, le projet d'élevage de poules libres, approuve Minetest :p !
Cot-cot commons, le projet d’élevage de poules libres, approuve Minetest :p !

Autre avantage, Minetest regroupe aussi une joyeuse communauté de libristes qui seront ravi-e-s de vous aider et vous conseiller. D’ailleurs, Powi a contribué à mettre à jour le wiki francophone pour que nous soyons certains que vous y trouviez les informations qui vous manquent ! (EDIT du 2 sept. : les contributions au wiki-fr se poursuivent : venez rejoindre la fine équipe en lisant ceci 😉 ) Et s’il vous reste des questions, pensez à les poser sur le forum

L’avantage enfin, c’est que les règles concernant le jeu sont les vôtres ! Impossible pour Microsoft d’interdire ceci, de restreindre cela ou de faire payer l’accès à telle fonctionnalité : le Libre vous offre la maîtrise de votre monde. D’ailleurs, avant de vous connecter sur notre serveur, pensez à lire nos conditions générales d’utilisation ! (cela prend moins de 5 minutes et s’applique à tous nos services ^^)

Si ces dernières ne vous conviennent pas, ou que vous souhaitez un serveur et un monde réservé à votre classe / école / collège / famille / bande de potes / etc., vous vous donnons toutes nos astuces pour installer facilement Minetest chez vous et gagner en indépendance.

Changer l’école malgré l’Éducation Nationale

Les possibilités pédagogiques dans Framinetest Édu (et de Minetest, plus généralement) sont tellement nombreuses que nous avons décidé de leur consacrer un article complet. C’est un article écrit par Frédéric Véron, le fameux SVTux, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre qui utilise Minetest dans son collège et nous a transmis son savoir-faire.

Sa démarche prouve qu’il est possible de proposer des activités numériques ludiques, pédagogiques et innovantes en respectant les données des élèves et sans les accoutumer aux produits commerciaux des GAFAM. Ce n’est qu’une démarche d’enseignant parmi les centaines d’autres dont nous avons été témoins chez Framasoft.

Nous n’avons plus vraiment d’espoir d’un changement provenant « d’en haut », comme on dit. Mais nous savons la force et l’implication du personnel encadrant nos élèves… Voilà pourquoi nous nous adressons à vous, et nous espérons que vous saurez vous emparer de ce nouvel outil.

Bref : à vous de creuser !

La classe de SVTux a a reconstruit leur collège à l'échelle dans Minetest.
Les élèves de SVTux ont reconstruit leur collège à l’échelle dans Minetest.

Pour aller plus loin :

Mise à jour du 20/09/2016 : faisant suite à vos demandes, nous avons ouvert une section « Minetest » sur notre forum : https://framacolibri.org/c/framinetest-minetest



Envie de dégoogliser à la Fête de l’Huma ? Bienvenue à bord !

Vous êtes libriste et vous avez envie de dégoogliser avec nous ?

Les milliers de visiteur-euse-s de la Fête de l’Humanité n’attendent que vous !

Fete de l'Huma

En septembre, c’est vraiment the place to be, comme disent nos amis de chez Apple !

Ce sont des milliers de personnes, depuis le simple amateur de bonne musique jusqu’à la militante la plus dévouée en passant par les curieux, qui se pressent à la Fête de l’Huma chaque année. Habituées à débattre, vigilants quant à leurs droits, beaucoup négligent pourtant leur hygiène numérique, offrant innocemment leurs données privées au premier GAFAM venu.

Depuis des années, la Fête accueille accueille un espace dédié à la culture libre, aux hackers et aux fablabs.

Contrairement aux événements libristes où nous croisons souvent des geeks déjà convaincus, nous aurons là la vraie famille Dupuis-Morizeau, celle dont nous vous parlons à longueur d’année. Il y a du boulot, nous ne serons jamais trop nombreux-ses.

Venez donc nous aider à tenir le stand !

Ça permettrait de se voir en vrai, et d’assurer des relais (pour les pauses techniques et les coups de fatigues). En général il y a une ambiance d’enfer. 😉

Manifestez-vous sur la page Contact, histoire de s’organiser.

Fête de l’Huma, Parc de la Courneuve, du 9 au 11 septembre 2016.




Julie et le droit de copie

Julie Guillot est une artiste graphique (son book en ligne) qui vient d’entamer le récit de son cheminement vers le partage libre de ses œuvres. Elle y témoigne de façon amusante et réfléchie de ses doutes et ignorances, puis de sa découverte progressive des libertés de création et de copie…

C’est avec plaisir que nous republions ici cette trajectoire magnifiquement illustrée.

Droit de copie #1

Une chronique de Julie Guillot publiée d’abord sur son blog

Quand j’ai créé ce blog il y a 2 ans, puis le second sur les violences scolaires, mes proches m’ont encouragée et soutenue. Mais beaucoup (parfois les mêmes) m’ont aussi mise en garde, voire se sont sérieusement inquiétés.

Julie_Guillot_dessins

Ces peurs étaient très liées à Internet, à l’idée d’un espace immense, obscur, peu ou pas réglementé, ainsi qu’à la notion de gratuité qui en fait partie. Y publier ses images et ses productions reviendrait à les jeter par la fenêtre.

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Mais la crainte était, au-delà d’Internet et du support blog, une crainte (vraiment forte) du pillage, de l’expropriation et de la copie.

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Personnellement, je ne pensais pas d’emblée à ces « risques ». J’avais envie et besoin de montrer mon travail, donc de le partager. Mais devant ces alertes, et voyant que tout le monde semblait partager le sentiment du danger et le besoin de s’en protéger, j’ai apposé un copyright en bas de mon blog, avec la mention « tous droits réservés », et j’ai supprimé le clic droit.

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En fait je n’avais pas du tout réfléchi à cette question. Je ne savais pas grand chose du droit d’auteur et du copyright.

Mais dès le début je ressentais une forme de malaise. Je savais que supprimer le clic droit n’empêcherait personne de récupérer une image. Et j’avais vaguement entendu que cette mention de copyright ne servait pas à grand-chose non plus.

Était-ce une saine prudence… ou une forme de paranoïa ?

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Et puis, j’ai commencé à recevoir des demandes de personnes qui souhaitaient utiliser mes images. Pour une expo, un travail de recherche, une conférence, un cours…. Spontanément, je disais toujours oui. Parce que je ne voyais aucune raison de refuser. Non seulement je trouvais cela flatteur, mais en plus cela m’apparaissait comme une évolution logique et saine de mon travail : à quoi sert-il s’il ne peut être diffusé, partagé, utile aux autres ?

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Petit à petit cela m’a fait réfléchir. Des gens venaient me demander mon autorisation simplement pour citer mon blog quelque part (ce qui n’est pas interdit par le droit d’auteur… !). Je ne pouvais pas le leur reprocher : après tout, j’avais apposé une mention « touts droits réservés ». Mais l’absurdité de la situation commençait à me parvenir.

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Un jour, j’ai reçu une demande d’ordre plus « commercial » : quelqu’un qui souhaitait utiliser mes images pour une campagne de financement d’une épicerie végane.

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Spontanément, j’ai hésité. Ne devais-je pas lui demander de l’argent ?
J’ai exprimé des conditions : je voulais être informée des images qu’il utiliserait, à quel endroit, des textes qu’il allait modifier, etc. Ce qu’il a accepté.
Mais très vite je me suis demandé pourquoi j’avais posé de telles conditions. Parce qu’en réalité, ça m’était égal.

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Finalement, il n’a pas utilisé mes images. Mais il m’a permis de réaliser que je n’avais pas de position claire sur la manière dont je voulais partager ou non mon travail, que je ne connaissais rien à la législation, aux licences d’utilisation et à de possibles alternatives.

 

J’ai donc commencé à m’intéresser de plus près à ces questions de copyright, de droit d’auteur, de culture libre et de licences.

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Ce qui m’a amenée à réfléchir à me conception de l’art, de la créativité, et même, plus largement, du travail.

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Gwenn Seemel explique très bien que le droit d’auteur n’est pas uniquement un système juridique, mais un paradigme :

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Nous envisageons l’art, la production de la pensée, comme des productions inaliénables ; nous assimilons la copie à du vol ; nous considérons l’imitation comme un acte malhonnête, une paresse, quelque chose de forcément blâmable. Il va de soi que nous devons demander l’utilisation à quelqu’unE pour utiliser ses écrits, ses images, sa musique, afin de créer quelque chose avec. Et nous ne remettons quasiment jamais ce paradigme en question.

Nous avons tous grandi avec l’idée que copier était (très) (très) mal. Et punissable.

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Quand j’étais à la fac, certainEs étudiantEs refusaient de dire quel était leur sujet de mémoire ou de thèse…de peur qu’on leur « pique » leur(s) idée(s). J’étais naïve…et consternée.

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C’était pour moi incompatible avec la conception que j’avais de la recherche et du travail intellectuel.

Bien sûr, ces comportements sont le résultat de la compétition qui structure notre société et une grande partie de nos relations. Toute production est considérée comme strictement individuelle, personnelle, comme si nous étions capables de créer à partir de rien.

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Je me suis sentie profondément enthousiaste de découvrir des artistes qui rendent leurs oeuvres publiques, c’est à dire qui en permettent la libre diffusion, la copie, l’utilisation, la modification, des gens qui réfléchissent à ces questions et militent pour une culture différente.

Comme Nina Paley, par exemple :

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J’étais convaincue, au fond, par la pertinence d’une culture sans copyright et je me sentais soulagée à l’idée de franchir le pas, moi aussi.

Je n’ai jamais ressenti un sentiment fort de propriété vis-à-vis de mes dessins.

J’ai toujours aimé copier, je m’inspire du travail des autres (comme tout le monde), et je trouve a priori naturel que mes productions puissent circuler, servir à d’autres, être utilisées et même transformées.

L’idée de pouvoir utiliser les œuvres des autres, comme me dessiner habillée en Gwenn Seemel, est tout aussi enthousiasmante.

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Cet élan spontané cohabitait en moi avec la persistance de craintes et de méfiances :

et si on se faisait de l’argent « sur mon dos » ? Et si je le regrettais ? Ne suis-je pas responsable de tout ce que je produis, et donc de tout ce que deviennent mes productions ? Ne devrais-je pas demander de l’argent pour toute utilisation de ce que j’ai fait ? Est-ce que je ne fais donc rien d’original et de personnel ? Et si cela m’empêchait de gagner de l’argent avec mon travail artistique ? Et comment faire dans une société où le principe du droit d’auteur est la règle ?

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J’avais besoin d’en savoir plus sur les aspects juridiques de la question, même si ça me semblait au départ rébarbatif.

Alors je me suis penchée sur le sujet. Comme dit Gwenn Seemel, personne ne va se brosser les dents à votre place.

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(mais il y a des gens qui fournissent le dentifrice, et ça c’est sympa).

[À suivre…]

Gwenn Seemel m’a beaucoup aidée à avancer dans ma réflexion sur le droit d’auteur, la culture libre, la pratique de l’art en général. Ses vidéos et ses articles ont répondu à beaucoup de mes questions (puisqu’elle s’était posé les mêmes que moi, logiquement). Je vous conseille la lecture de son blog, et de son livre sur le copyright.

Le blog de S.I.lex est aussi une mine d’informations sur le sujet.




Une nouvelle version majeure de Diaspora* dans Framasphère

0.6.0.0 !

Ce numéro de version fait la fierté de la communauté Diaspora*.

Le réseau social décentralisé, dont Framasoft héberge un pod sous le nom de Framasphère, fait le plein de nouveautés.


Le nouveau look de Framasphère

 

Cela fait aujourd’hui quatre ans que diaspora*, le réseau social libre et respectueux de la vie privée, a été confié à sa communauté par ses fondateurs. Quatre années de nettoyage du code, de correction de bogues, de refonte et de nouvelles fonctionnalités. Durant ces quatre ans, 42 (ça ne s’invente pas) contributeurs bénévoles ont ajouté 44 221 lignes de code et en ont supprimé 38 560 au sein de 6 versions majeures. Car oui, aujourd’hui, pour l’anniversaire de diaspora*, cette sixième version majeure est la plus grande jamais sortie par la communauté.

Cette version contient de très nombreux changements, tant au niveau de l’expérience utilisateur que des rouages internes. L’interface a été entièrement refondue pour être plus moderne et plus agréable à utiliser. Elle devient dans le même temps personnalisable grâce à l’introduction des thèmes de couleur (dont le thème Original White Background pour revenir à l’ancienne interface).

Il est désormais possible de rendre son profil public, permettant ainsi à des organisations de s’en servir comme page de présentation, ou d’être utilisé comme blog.

Cette dernière version intègre un éditeur markdown, permettant une mise en forme beaucoup plus simple pour les utilisateurs et utilisatrices (vous pouvez toujours utiliser la syntaxe markdown directement).

framasphere - editeur markdown
—-
Listes des nouveautés de la v 0.6.0.0 de diaspora* (changelog complet)

  • support des thèmes : il est désormais possible de changer le thème de diaspora* (#6033)
  • possibilité de régler les paramètres de confidentialités et les services depuis la version mobile (#6086)
  • possibilité de rendre son profil public (visible sans avoir à partager) (#6162)
  • les votes et localisations sont désormais visibles sur la version mobile (#6238)
  • géolocalisation (si souhaitée) via OpenStreetMap (#6256)
  • un thème pour revenir à l’ancienne version de diaspora* (#6631)
  • ajout d’un éditeur markdown pour simplifier la mise en page (#6551)
  • accessibilité améliorée sur de nombreuses pages (#6227)
  • fédération grandement améliorée (#6873)
  • redesign de la page Flux (#6535)
  • redesign de la page Conversations (#6431) et #6087)

On est en tout cas bien heureux de vous avoir nombreux sur framasphère depuis bientôt deux ans ! En espérant que ce service vous plaise. Nous, on est fier de le voir toujours évoluer !




Non, je ne veux pas télécharger votre &@µ$# d’application !

« Ne voulez-vous pas plutôt utiliser notre application ? »…

De plus en plus, les écrans de nos ordiphones et autres tablettes se voient pollués de ce genre de message dès qu’on ose utiliser un bon vieux navigateur web.

Étrangement, c’est toujours « pour notre bien » qu’on nous propose de s’installer sur notre machine parmi les applications que l’on a vraiment choisies…

Ruben Verborgh nous livre ici une toute autre analyse, et nous dévoile les dessous d’une conquête de nos attentions et nos comportements au détriment de nos libertés. Un article blog traduit par Framalang, et sur lequel l’auteur nous a offert encouragements, éclairages et relecture ! Toute l’équipe de Framalang l’en remercie chaleureusement et espère que nous avons fait honneur à son travail 😉

Cross platform applications - CC-BY Tsahi Levent-Levi
Cross platform applications – CC-BY Tsahi Levent-Levi

Utilisez plutôt le Web

Auteur : Ruben Verborgh

Source : blog de l’auteur

Traduction : Julien, David_5.1, AlienSpoon, roptat, syst, serici, audionuma, sebastienc, framasky, Ruben Verborgh, Diane, Éric + les anonymes.

Sous des prétextes mensongers, les applications mobiles natives nous éloignent du Web. Nous ne devrions pas les laisser faire.

Peu de choses m’agacent plus qu’un site quelconque qui me demande « Ne voulez-vous pas utiliser plutôt notre application ? ». Évidemment que je ne veux pas, c’est pour ça que j’utilise votre site web. Certaines personnes aiment les applications et d’autres non, mais au-delà des préférences personnelles, il existe un enjeu plus important. La supplique croissante des applications pour envahir, littéralement, notre espace personnel affaiblit certaines des libertés pour lesquelles nous avons longtemps combattu. Le Web est la première plate-forme dans l’histoire de l’humanité qui nous permette de partager des informations et d’accéder à des services à travers un programme unique : un navigateur. Les applications, quant à elles, contournent joyeusement cette interface universelle, la remplaçant par leur propre environnement. Est-ce vraiment la prétendue meilleure expérience utilisateur qui nous pousse vers les applications natives, ou d’autres forces sont-elles à l’œuvre ?

Il y a 25 ans, le Web commença à tous nous transformer. Aujourd’hui, nous lisons, écoutons et regardons différemment. Nous communiquons à une échelle et à une vitesse inconnues auparavant. Nous apprenons des choses que nous n’aurions pas pu apprendre il y a quelques années, et discutons avec des personnes que nous n’aurions jamais rencontrées. Le Web façonne le monde de façon nouvelle et passionnante, et affecte la vie des gens au quotidien. C’est pour cela que certains se battent pour protéger le réseau Internet qui permet au Web d’exister à travers le globe. Des organisations comme Mozilla s’évertuent à faire reconnaître Internet comme une ressource fondamentale plutôt qu’un bien de luxe, et heureusement, elles y parviennent.

Toutefois, les libertés que nous apporte le Web sont menacées sur plusieurs fronts. L’un des dangers qui m’inquiète particulièrement est le développement agressif des applications natives qui tentent de se substituer au Web. Encore récemment, le directeur de la conception produit de Facebook comparait les sites web aux vinyles : s’éteignant peu à peu sans disparaître complètement. Facebook et d’autres souhaitent en effet que nous utilisions plutôt leurs applications ; mais pas simplement pour nous fournir une « meilleure expérience utilisateur ». Leur façon de nous pousser vers les applications met en danger un écosystème inestimable. Nous devons nous assurer que le Web ne disparaisse jamais, et ce n’est pas juste une question de nostalgie.

Internet, notre réseau global, est une ressource fondamentale. Le web, notre espace d'information mondial, est de loin l'application la plus importante d'Internet. Nous devons aussi le protéger.
Internet, notre réseau global, est une ressource fondamentale. Le web, notre espace d’information mondial, est de loin l’application la plus importante d’Internet. Nous devons aussi le protéger.

Le Web : une interface indépendante ouverte sur des milliards de sources

Pour comprendre pourquoi le Web est si important, il faut s’imaginer le monde d’avant le Web. De nombreux systèmes d’information existaient mais aucun ne pouvait réellement être interfacé avec les autres. Chaque source d’information nécessitait sa propre application. Dans cette situation, on comprend pourquoi la majeure partie de la population ne prenait pas la peine d’accéder à aucun de ces systèmes d’information.

Le Web a permis de libérer l’information grâce à une interface uniforme. Enfin, un seul logiciel – un navigateur web – suffisait pour interagir avec plusieurs sources. Mieux encore, le Web est ouvert : n’importe qui peut créer des navigateurs et des serveurs, et ils sont tous compatibles entre eux grâce à des standards ouverts. Peu après son arrivée, cet espace d’informations qu’était le Web est devenu un espace d’applications, où plus de 3 milliards de personnes pouvaient créer du contenu, passer des commandes et communiquer – le tout grâce au navigateur.

Au fil des années, les gens se mirent à naviguer sur le Web avec une large panoplie d’appareils qui étaient inimaginables à l’époque de la création du Web. Malgré cela, tous ces appareils peuvent accéder au Web grâce à cette interface uniforme. Il suffit de construire un site web une fois pour que celui-ci soit accessible depuis n’importe quel navigateur sur n’importe quel appareil (tant qu’on n’utilise rien de spécial ou qu’on suit au moins les méthodes d’amélioration progressive). De plus, un tel site continuera à fonctionner indéfiniment, comme le prouve le premier site web jamais créé. La compatibilité fonctionne dans les deux sens : mon site fonctionne même dans les navigateurs qui lui préexistaient.

La capacité qu’a le Web à fournir des informations et des services sur différents appareils et de façon pérenne est un don immense pour l’humanité. Pourquoi diable voudrions-nous revenir au temps où chaque source d’information nécessitait son propre logiciel ?

Les applications : des interfaces spécifiques à chaque appareil et une source unique

Après les avancées révolutionnaires du web, les applications natives essaient d’accomplir l’exacte inverse : forcer les gens à utiliser une interface spécifique pour chacune des sources avec lesquelles ils veulent interagir. Les applications natives fonctionnent sur des appareils spécifiques, et ne donnent accès qu’à une seule source (ironiquement, elles passent en général par le web, même s’il s’agit plus précisément d’une API web que vous n’utilisez pas directement). Ainsi elles détricotent des dizaines d’années de progrès dans les technologies de l’information. Au lieu de nous apporter un progrès, elles proposent simplement une expérience que le Web peut déjà fournir sans recourir à des techniques spécifiques à une plate-forme. Pire, les applications parviennent à susciter l’enthousiasme autour d’elles. Mais pendant que nous installons avec entrain de plus en plus d’applications, nous sommes insidieusement privés de notre fenêtre d’ouverture universelle sur l’information et les services du monde entier.

Ils trouvent nos navigateurs trop puissants

Pourquoi les éditeurs de contenus préfèrent-ils les applications ? Parce-qu’elles leur donnent bien plus de contrôle sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire. Le « problème » avec les navigateurs, du point de vue de l’éditeur, est qu’ils appartiennent aux utilisateurs. Cela signifie que nous sommes libres d’utiliser le navigateur de notre choix. Cela signifie que nous pouvons utiliser des plugins qui vont étendre les capacités du navigateur, par exemple pour des raisons d’accessibilité, ou pour ajouter de nouvelles fonctionnalités. Cela signifie que nous pouvons installer des bloqueurs de publicité afin de restreindre à notre guise l’accès de tierces parties à notre activité en ligne. Et plus important encore, cela signifie que nous pouvons nous échapper vers d’autres sites web d’un simple clic.

Si, en revanche, vous utilisez l’application, ce sont eux qui décident à quoi vous avez accès. Votre comportement est pisté sans relâche, les publicités sont affichées sans pitié. Et la protection légale est bien moindre dans ce cadre. L’application offre les fonctionnalités que le fournisseur choisit, à prendre ou à laisser, et vous ne pourrez ni les modifier ni les contourner. Contrairement au Web qui vous donne accès au code source de la page, les applications sont distribuées sous forme de paquets binaires fermés.

« Ne voulez-vous pas plutôt l’application ? »

J’ai procédé à une petite expérience pour mesurer exactement quelle proportion des sites Web les plus visités incitent leurs utilisateurs à installer l’application. J’ai écrit un programme pour déterminer automatiquement si un site web affiche une bannière de promotion de son application. L’outil utilise PhantomJS pour simuler un navigateur d’appareil mobile et capture les popups qui pourraient être insérés dynamiquement. La détection heuristique est basée sur une combinaison de mots-clés et d’indices du langage naturel.
Ce graphique montre combien de sites du top Alexa (classés par catégorie) vous proposent d’utiliser leur application :

Plus d'un tiers des 500 sites les plus visités vous proposent d'utiliser leur application.
Plus d’un tiers des 500 sites les plus visités vous proposent d’utiliser leur application.

Les chiffres obtenus sont basés sur une heuristique et sous-estiment probablement la réalité. Dans certaines catégories, au moins un tiers des sites préfèrent que vous utilisiez leur application. Cela signifie qu’un tiers des plus gros sites essaient de nous enfermer dans leur plate-forme propriétaire. Sans surprise, les catégories informations locales, sports et actualités atteignent un pourcentage élevé, puisqu’ils souhaitent être en première ligne pour vous offrir les meilleures publicités. Il est intéressant de noter que les contenus pour adultes sont en bas du classement : soit peu de personnes acceptent d’être vues avec une application classée X, soit les sites pornographiques adorent infecter leurs utilisateurs avec des malwares via le navigateur.

Des prétextes mensongers

Même si les éditeurs de contenu demandent si nous « souhaitons » utiliser leur application, c’est un euphémisme. Ils veulent que nous l’utilisions. En nous privant de la maîtrise plus grande offerte par les navigateurs, ils peuvent mieux influencer les éléments que nous voyons et les choix que nous faisons. Le Web nous appartient à tous, alors que l’application n’est réellement qu’entre les mains de l’éditeur. Généralement, ils justifient l’existence de l’application en plus du site web en marmonnant des arguments autour d’une « expérience utilisateur améliorée », qui serait évidemment « bien plus rapide ». Il est curieux que les éditeurs préfèrent investir dans une technologie complètement différente, plutôt que de prendre la décision logique d’améliorer leur site internet en le rendant plus léger. Leur objectif principal, en réalité, est de nous garder dans l’application. Depuis iOS 9, cliquer sur un lien dans une application permet d’ouvrir un navigateur interne à l’application. Non seulement cette fonctionnalité prête à confusion (depuis quelle application suis-je parti(e), déjà ?), mais surtout elle augmente le contrôle de l’application sur votre activité en ligne. Et une simple pression du doigt vous « ramène » vers l’application que vous n’aviez en fait jamais quittée. Dans ce sens, les applications contribuent sciemment à la « bulle de filtre ».

Les Articles Instantanés de Facebook sont un exemple extrême : un lien normal vous dirige vers la version « optimisée » d’une page à l’intérieur-même de l’application Facebook. Facebook salue cette nouveauté comme un moyen de « créer des articles rapides et interactifs sur Facebook » et ils ne mentent même pas sur ce point : vous ne naviguez même plus sur le vrai Web. Les Articles Instantanés sont vendus comme une expérience « interactive et immersive » avec plus de « flexibilité et de contrôle » (pour les fournisseurs de contenu bien sûr) qui entraînent de nouvelles possibilités de monétisation, et nous rendent une fois de plus « mesurables et traçables ».

Soyons honnêtes sur ce point : le Web fournit déjà des expériences interactives et immersives. Pour preuve, les Articles Instantanés sont développés en HTML5 ! Le Web, en revanche, vous permet de quitter Facebook, de contrôler ce que vous voyez, et de savoir si vous êtes pisté. Le nom « Articles Instantanés » fait référence à la promesse d’une rapidité accrue, et bien qu’ils soient effectivement plus rapides, cette rapidité ne nous est pas vraiment destinée. Facebook explique que les utilisateurs lisent 20% d’articles en plus et ont 70% de chances en moins d’abandonner leur lecture. Ces résultats favorisent principalement les éditeurs… et Facebook, qui a la possibilité de prendre une part des revenus publicitaires.

Rendez-nous le Web

Ne vous y trompez pas : les applications prétendent exister pour notre confort, mais leur véritable rôle est de nous attirer dans un environnement clos pour que les éditeurs de contenu puissent gagner plus d’argent en récoltant nos données et en vendant des publicités auxquelles on ne peut pas échapper. Les développeurs aussi gagnent plus, puisqu’ils sont désormais amenés à élaborer des interfaces pour plusieurs plate-formes au lieu d’une seule, le Web (comme si l’interface de programmation du Web n’était pas déjà assez coûteuse). Et les plate-formes de téléchargement d’applications font également tinter la caisse enregistreuse. Je ne suis pas naïf : les sites web aussi font de l’argent, mais au moins le font-ils dans un environnement ouvert dont nous avons nous-mêmes le contrôle. Pour l’instant, on peut encore souvent choisir entre le site et l’application, mais si ce choix venait à disparaître, l’accès illimité à l’information que nous considérons à juste titre comme normal sur le Web pourrait bien se volatiliser avec.

Certaines voix chez Facebook prédisent déjà la fin des sites web, et ce serait en effet bon pour eux : ils deviendraient enfin l’unique portail d’accès à Internet. Certains ont déjà oublié qu’il existe un Internet au-delà de Facebook ! La réaction logique de certains éditeurs est d’enfermer leur contenu au sein de leur propre application, pour ne plus dépendre de Facebook (ou ne plus avoir à y faire transiter leurs profits). Tout ceci crée exactement ce que je crains : un monde d’applications fragmenté, où un unique navigateur ne suffit plus pour consommer tous les contenus du monde. Nous devenons les prisonniers de leurs applis :

Last thing I remember, I was running for the door.

I had to find the passage back to the place I was before.

“Relax,” said the night man, “we are programmed to receive.”

“You can check out any time you like, but you can never leave!”

Eagles – Hotel California

 

Mon dernier souvenir, c’est que je courais vers la porte,

Je devais trouver un passage pour retourner d’où je venais

« Relax », m’a dit le gardien, « on est programmés pour recevoir »

« Tu peux rendre ta chambre quand tu veux, mais tu ne pourras jamais partir ! »

Eagles, Hotel California

Cette chanson me rappelle soudain le directeur de Facebook comparant les sites web et le vinyle. L’analogie ne pourrait pas être plus juste. Le Web est un disquaire, les sites sont des disques et le navigateur un tourne-disque : il peut jouer n’importe quel disque, et différents tourne-disques peuvent jouer le même disque. En revanche, une application est une boîte à musique : elle est peut-être aussi rapide qu’un fichier MP3, mais elle ne joue qu’un seul morceau, et contient tout un mécanisme dont vous n’auriez même pas besoin si seulement ce morceau était disponible en disque. Et ai-je déjà mentionné le fait qu’une boîte à musique ne vous laisse pas choisir le morceau qu’elle joue ?

Les sites web sont comme les vinyles : un tourne-disque suffit pour les écouter tous. Image : turntable CC-BY-SA Traaf
Les sites web sont comme les vinyles : un tourne-disque suffit pour les écouter tous.
Image : turntable CC-BY-SA Traaf

C’est la raison pour laquelle je préfère les tourne-disques aux boîtes à musique – et les navigateurs aux applications. Alors à tous les éditeurs qui me demandent d’utiliser leur application, je voudrais répondre : pourquoi n’utilisez-vous pas plutôt le Web ?




Le projet Tor se dote d’un contrat social

Le projet Tor (Tor Project), est l’organisation à but non lucratif à l’origine du réseau de communication anonymisé et du logiciel éponyme. Il a décidé, à l’instar d’autres projets libres comme Debian ou Gentoo, de se doter d’un contrat social dans le but de clarifier et de pérenniser ses valeurs et ses objectifs.

Souvent associé au terrorisme, au trafic de drogue et autres contenus pédo-nazis par certains journaux télévisés ou personnages politiques en manque d’attention, Tor est au contraire mis en avant dans ce texte (gracieusement traduit pour vous par l’équipe de Framalang) pour son intérêt dans la protection des libertés fondamentales.

Source : The Tor Social Contract par alison

Traduction : KoS, serici, sebastien camuzat, David_5.1, Lumi, egilli et Obny

tor browser

Le contrat social du projet Tor

Au sein du Projet Tor, nous fabriquons des outils pour promouvoir et protéger les droits fondamentaux des personnes partout dans le monde. Nous avons un ensemble de principes directeurs qui rendent cela possible, mais pendant une longue période ces principes sont restés plus ou moins tacites. Afin de veiller à ce que les membres du projet construisent un Tor qui reflète l’engagement envers nos idéaux, nous nous sommes inspirés de nos amis de chez Debian pour écrire le Contrat Social de Tor, soit l’ensemble des principes qui reflètent qui nous sommes et pourquoi nous faisons Tor.

Notre contrat social est fait de comportement et d’objectifs : pas seulement les résultats idéaux que nous désirons pour notre communauté, mais également la manière dont nous cherchons à les atteindre. Nous voulons faire croître Tor en soutenant et améliorant ces recommandations en même temps que nous travaillons sur Tor, tout en faisant attention de ne pas les déshonorer le reste du temps.

Ces principes peuvent aussi être utilisés pour aider à reconnaître quand les actions ou les intentions des gens peuvent desservir Tor. Certains de ces principes sont des normes bien établies : des choses que nous faisons tous les jours depuis longtemps ; d’autres sont plutôt du domaine des aspirations, mais tous sont des valeurs que nous voulons faire vivre publiquement, et nous espérons qu’elles vont rendre nos choix futurs plus simples et plus ouverts. Ce contrat social est l’un des documents qui définissent nos normes communes, donc si vous cherchez des éléments qui semblent y manquer (par exemple quelque chose qui aurait sa place dans un code de conduite), rappelez-vous qu’il est possible qu’ils existent tout de même dans un autre document.

Les objectifs sociaux peuvent être complexes à exprimer. S’il devait exister des contradictions dans l’application des principes suivants, nous ferions tout pour garantir en priorité la sécurité et la liberté de ceux qui utilisent les fruits de nos efforts. Le contrat social peut aussi nous aider à régler ces contradictions. Par exemple, il peut arriver que nous ayons besoin d’utiliser des outils qui ne sont pas entièrement ouverts (contredisant alors le point 2) mais les rendre ouverts diminuerait la sécurité de nos utilisateurs (contredisant le point 6). Utiliser un tel outil implique donc de mesurer à quel point il est nécessaire pour rendre notre technologie utilisable (point 1). Et si nous utilisons effectivement un tel outil, nous devons être honnêtes concernant ses capacités et ses limites (point 5).

Tor n’est pas seulement un logiciel, mais un travail réalisé avec amour par une communauté internationale de personnes dévouées au respect des droits humains. Ce contrat social est une promesse de notre communauté au reste du monde, exprimant notre engagement à nos valeurs. Nous vous les présentons avec enthousiasme.

Logo Tor
Logo du projet Tor

  1. Nous favorisons les droits humains en créant et maintenant des technologies accessibles pour l’anonymat et la vie privée.
    Nous croyons que la vie privée, l’échange libre des idées, et l’accès à l’information sont essentiels aux sociétés libres. Au travers des règles de notre communauté et du code que nous écrivons, nous fournissons des outils qui aident tout un chacun à protéger et à faire progresser ces droits.
  2. Une recherche et des outils ouverts et transparents sont la clef de notre succès.
    Nous sommes dévoués à la transparence. Pour cela, tout ce que nous publions est ouvert et notre développement se fait au grand jour. Chaque fois que cela sera possible, nous continuerons à rendre nos codes sources, nos exécutables et nos affirmations à leur sujet ouverts à des vérifications indépendantes. Dans les cas extrêmement rares où des développements ouverts altéreraient la sécurité de nos utilisateurs, nous serons particulièrement vigilants lors de l’évaluation par les pairs qui sera réalisée par des membres du projet.
  3. L’accès, l’utilisation, la modification et la distribution de nos outils sont libres.
    Plus notre panel d’utilisateurs sera diversifié, moins l’on pourra tirer d’informations à propos des personnes utilisant Tor. Cette diversité est un objectif fondamental et nous avons pour but de créer des outils et des services accessibles et utilisables par tous. La capacité d’un utilisateur à payer pour ces outils ou ces services ne devrait pas être un facteur déterminant dans ses possibilités à y accéder et à les utiliser. A fortiori nous ne restreignons pas l’accès à nos outils sauf si cet accès contrevient à notre objectif d’assurer plus de sécurité à nos utilisateurs.
    Notre souhait est que le code et les recherches que nous publions seront revus et améliorés par beaucoup de personnes différentes et cela n’est possible que si tout le monde a la possibilité d’utiliser, de copier, de modifier et de redistribuer cette information. Nous concevons, compilons et diffusons également nos outils sans recueillir d’informations personnelles sur nos utilisateurs.
  4. Nous rendons Tor et les technologies associées universels grâce à la sensibilisation et à l’éducation populaire.
    Nous ne sommes pas seulement des gens qui concevons des logiciels, mais aussi des ambassadeurs de la liberté en ligne. Nous voulons que chaque habitant de la planète puisse comprendre que ses droits humains de base, et tout particulièrement sa liberté d’expression, d’accès à l’information et à la vie privée, peuvent être préservés quand il utilise Internet.
    Nous apprenons aux utilisateurs d’Internet, comment et pourquoi utiliser Tor, et nous travaillons sans cesse pour rendre nos outils à la fois plus sécurisés et plus faciles d’utilisation et c’est pourquoi nous utilisons nos propres outils et sommes à l’écoute des retours d’expérience des utilisateurs. Notre vision d’une société plus libre ne sera pas accomplie seulement en restant derrière un écran, et donc, en plus d’écrire de bons programmes, nous donnons aussi de l’importance à leur promotion et sensibilisons la communauté.
  5. Nous sommes honnêtes à propos des capacités et des limites de Tor et des technologies associées.
    Nous ne trompons jamais intentionnellement nos utilisateurs ni ne mentons à propos des capacités des outils ou des risques potentiels associés à leur utilisation. Chaque utilisateur devrait être libre de prendre une décision éclairée quant au fait d’utiliser ou non un outil donné et sur la façon dont il devrait l’utiliser. Nous sommes responsables de l’exactitude de l’information quant à l’état de notre logiciel et nous travaillons assidûment pour tenir notre communauté informée à travers nos divers canaux de communication.
  6. Nous ne nuirons jamais intentionnellement à nos utilisateurs.
    Nous prenons au sérieux la confiance que nos utilisateurs nous accordent. Non seulement nous ferons toujours de notre mieux pour écrire du bon code, mais il est impératif de résister aux pressions d’adversaires qui souhaiteraient nuire à nos utilisateurs. Nous n’implémenterons jamais de portes dérobées dans nos projets. Dans notre souci de transparence, nous sommes honnêtes lorsque nous faisons des erreurs et nous communiquons avec nos utilisateurs sur nos projets d’amélioration.



Fêtons ensemble l’anniversaire du Framablog

Quand le Framablog est né, le premier article, signé par Alexis Kauffmann, marquait un tournant important de l’association Framasoft, qui passait de la défense et illustration du logiciel libre à un champ plus large, celui de la culture libre.

Dix ans et deux mille articles plus tard ou presque, nous avons eu envie de marquer le coup pour le numéro du 11 septembre.

Pas un bilan.

Pas un bulletin de triomphe autosatisfait.

Pas un dépotage de statistiques avec courbe serpentiforme et camembert multicolore.

Pas non plus une analyse sociologique du lectorat suivant des tranches d’âge et des catégories socio-professionnelles.

Plutôt un point d’étape avec vous.

Vous, lecteurs occasionnels ou réguliers, ceux qui le lisent depuis 2006 et ceux qui viennent de le découvrir, ceux qui sont déjà bien plus loin sur la voie du Libre et ceux qui entament timidement le chemin.

Vous qui enrichissez les publications de commentaires trollesques ou hyperpointus.

Vous grâce à qui peu à peu ce blog n’est plus seulement l’écho de Framasoft mais aussi un regard sur le monde du Libre, ses réussites, ses combats et ses perspectives.

Vous qui faites que ce blog devient et deviendra de plus en plus collaboratif en ouvrant ses colonnes à des interviews, des personnalités, des débats et des initiatives…

Bref, si le succès et l’intérêt du Framablog c’est vous, c’est à vous de nous dire un mot pour son anniversaire.

L’article jalon anniversaire, c’est vous qui allez l’écrire, à plusieurs mains.

… vous avez seulement jusqu’au 4 septembre ! Et ensuite on vous prépare la compil des réponses, un remix de vos mots, un mashup de vos critiques éclairées ou obscures, une macédoine de vos zopignons sur rue, un bazar de réactions dressées comme un lit en cathédrale.

L’article anniversaire sera la voix collective des lecteurs.

À vous de jouer !

Il vous suffit d’utiliser librement ce formulaire

(ben oui un Framaform, qu’est-ce que vous croyez ?)

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