Bienvenue à Simon Descarpentries, deuxième permanent chez Framasoft

Simon DescarpentriesFramasoft est fière d’annoncer officiellement l’embauche d’un deuxième permanent pour l’association du même nom qui organise et anime son réseau de sites et de projets.

Simon Descarpentries, alias Siltaar, vient donc épauler Pierre-Yves Gosset, dont nous souhaitons ainsi endiguer l’apparition des premiers cheveux blancs 😉

Simon n’est pas un inconnu pour nous puisqu’il est un fidèle membre de notre forum et fait partie de longue date des traducteurs de Framalang. Il s’est de plus illustré récemment en contribuant à la réussite de l’action de sensibilisation à la Cité des Sciences ainsi qu’à la mise en place de notre premier Traducthon lors de l’Ubuntu Party de Paris.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à parcourir sa fiche de présentation en tant que membre de l’April. Déjà un beau CV du haut de ses 26 ans et des compétences et une polyvalence qui nous seront des plus utiles dans le contexte actuel.

Pourquoi un deuxième permanent ? La réponse est assez simple. Il suffit d’avoir la curiosité de jeter un œil sur notre Rapport moral 2009, que nous publions par la même occasion, pour constater que nous n’avons pas chômé et que l’activité multiforme du réseau est en forte croissance.

Framasoft c’est aujourd’hui des dizaines de projets collaboratifs auxquels participent régulièrement près d’une centaine de bénévoles. Ce sont ces derniers qui « font » Framasoft mais sans l’intendance assurée dans les coulisses par l’association en général et Pierre-Yves en particulier, nous n’en serions jamais arrivés là. Toutefois Pierre-Yves a tant et si bien travaillé qu’on se retrouve presque mécaniquement en surchauffe, nous obligeant soit à réduire fortement la voilure soit à poursuivre l’aventure en prenant quelques risques.

Avons-nous en effet les moyens de cette nouvelle ambition ? La campagne de dons ayant été un succès (cf le Rapport moral), nous pouvons aujourd’hui nous le permettre. Quant à demain rien n’est moins sûr, mais ce n’est pas le premier pari que nous faisons. Et puis, soyons optimistes, plus le temps passe, plus le logiciel libre et ses idées pénètrent la société, plus il y a de chances de rencontrer adhésion et soutien.

Welcome Simon !




Crazy As de Julandrew, Hope de Kendra Springer + 98 autres chansons à découvrir

Kendra Springer - YouTubeQu’est-ce que j’écoute en ce moment ?

Je n’ai qu’une seule source : le top 100 de la semaine du site Jamendo[1], ce qui me permet de découvrir d’un seul clic de souris[2] plein d’artistes intéressants dont le dénominateur commun est de proposer leur musique en libre diffusion sous licence Creative Commons ou Art Libre.

La sélection correspond donc à ce préfèrent à priori les utilisateurs de la plateforme musicale. Et c’est idéal pour accompagner une session Internet, d’autant que, dans l’ensemble, le style est plutot tranquille et « cool » (à la limite du easy listening diront ses détracteurs).

Ainsi j’aime bien cette la ballade Crazy As de Julandrew ainsi que le piano doux et apaisant de Hope par Kendra Springer (imaginez-vous tomber nez-à-nez avec cette fée au détour du bois !).

Le premier morceau est sous licence Creative Commons By-Nd et le second sous Creative Commons By-Nc-Sa. On a donc le droit de faire commerce du premier et de modifier le second sans pour cela demander d’autorisation à l’auteur.

Évidemment, et à l’opposé d’un « esprit Hadopi », tout ceci favorise la Remix Culture chère à Lawrence Lessig. Du coup on retrouve ces deux chansons sur de nombreuses vidéos YouTube. Ma préférée est certainement celle de MisStrawberryFields, une jeune et spontanée italienne (qui ressemble à mes élèves) ayant choisie de nous présenter divers objets qui jonchent sa chambre !

Mais il y a aussi des « œuvres culturelles libres » parmi la sélection (c’est-à-dire compatibles avec les quatre libertés des licences des logiciels libres). J’ai ainsi pu relevéEmptiness par Alexander Blu, Winter princess par Zero-project, Struttin’ par Tryad, Cellule par Silence, Me and my submarine par Kämmerer, ou encore Effortless par Josh Woodward.

Faites passer le mot à votre voisin qui « nicke les industries culturelles en téléchargeant illégalement », il y a de la qualité en dehors des majors du disque.

À bon entendeur de musique en libre diffusion, salut…

Notes

[1] Startupattitude vs Rockattitude, quand on évoque Jamendo on ne peut s’empêcher de penser à son « frère ennemi » Dogmazic. Ils vont bien (cf le dynamisme de l’extraordinaire projet Automazic) et vous invitent même à rejoindre leur association qui a fait peau neuve. Si je m’amusais à faire des comparaisons douteuses, je dirais que, dans le milieu de la musique ouverte, Dogmazic est à Jamendo ce qu‘Arduino est à l’iPad, ou encore ce que le disquaire du coin est à la FNAC !

[2] En lançant un player flash qui streame du mp3, ce qui implique de ne pas être allergique à ces deux formats controversés du Web.




Refaire le monde, une rue après l’autre, avec OpenStreetMap

Pelican - CC by-saSavez-vous pourquoi j’aime les animaux du zoo de Berlin ? Parce qu’ils témoignent du fait qu’on peut faire mieux que Google !

Comparons la carte du zoo selon Google et selon OpenStreetMap. Cela saute aux yeux non ? Le zoo de Berlin made by Google reste désespérément vide (et ses voitures espionnes ne peuvent y pénétrer) tandis qu’il fait bon flâner dans les allées du zoo d’OpenStreetMap[1].

Bon, évidemment, il faut savoir que Murmeltiere signifie Marmotte en allemand, mais pour Pinguine, nul besoin d’explication de texte 😉

« S’il te plaît, dessine-moi un monde libre ! » Tel est, au sens propre, le projet un peu fou d’OpenStreetMap auquel nous avons déjà consacré plusieurs billets. Jetez un œil sur cette extraordinaire animation illustrant une année d’édition planétaire dans OpenStreetMap et vous partagerez peut-être ma fascination pour le travail réalisé par toutes ces petites fourmis, c’est-à-dire toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent !

Remarque : Vous trouverez sous la traduction, en guise de bonus, un extrait vidéo de notre chroniqueuse télé préférée Emmanuelle Talon évoquant l’aide qu’a pu fournir OpenStreetMap aux secours portés à Haïti juste après le triste séisme.

OpenStreetMap : Refaire le monde, une rue après l’autre

OpenStreetMap: Crowd-sourcing the world, a street at a time

Nate Anderson – 1 juin 2010 – ArsTechnica.com
(Traduction : Joan et Goofy)

Wikipédia et son modèle « crowdsourcing » (NdT : la production de contenu assurée par des milliers d’internautes amateurs plutôt que par quelques professionnels) ont rendu possible un bien commun formidable, mais tout le monde sait qu’il faut se tenir sur ses gardes : s’il s’agit de quelque chose d’important, ne faites pas confiance à l’encyclopédie en ligne sans vérifier l’information par ailleurs. Un tel modèle « crowdsourcing » aurait-il du succès pour la construction d’une carte détaillée des rues du monde ?

Il y a quelques années, cette même question a conduit à la création d’OpenStreetMap.org, une carte de la planète que tout le monde peut modifier, conçue comme un wiki. Plusieurs amis britanniques en ont eu en effet assez de la politique protectionniste en matière d’échanges de données (Ordnance Survey, l’équivalent britannique de l’IGN, a mis au point des cartes extrêmement détaillées de la Grande-Bretagne à l’aide de fonds publics, mais l’utilisation de ces données à des fins personnelles requiert l’acquisition d’une licence). Ils décidèrent donc de remédier au problème.

La question évidente était « pourquoi réinventer la roue ? ». Des cartographies excellentes de Google, Microsoft et d’autres avaient déjà une avance significative et était la plupart du temps utilisables gratuitement. Mais les services de localisation étaient en plein boom et étaient tous basés sur des données cartographiques. Le fait qu’il n’existe aucune carte du monde de qualité, gratuite et libre restait un problème.

On peut lire dans la foire aux questions d’OpenStreetMap que « La plupart des bidouilleurs connaissent la différence entre gratuit et libre. Google Maps est gratuit mais pas libre. Si les besoins en cartographie de votre projet peuvent être satisfaits en utilisant l’API Google Maps, alors tant mieux. Mais cela n’est pas le cas de tous les projets. Nous avons besoin de données cartographiques libres pour permettre aux développeurs, aux acteurs sociaux et autres de mener à terme leurs projets sans être limités par l’API Google Maps ou par ses conditions d’utilisation. ».

Une carte du monde détaillée à la rue près peut sembler un projet démesurément ambitieux, mais OpenStreetMap a vu sa côte de popularité exploser. Alors qu’à son lancement le projet ne mobilisait qu’une poignée d’amis, c’est plus de 250 000 personnes qui contribuent dorénavant à la cartographie. En peu de temps, la carte a atteint un niveau de précision incroyable, en particulier en Europe où le projet a été lancé.

Regardons l’Allemagne par exemple, où la cartographie libre est devenue un véritable phénomène de société. Le zoo de Berlin (Zoologischer Garten Berlin) est bien entendu renseigné dans Google Maps, mais il n’a que peu de détails (alors même que, contrairement à OpenStreetMap, il dispose de cartes satellitaires). Des habitants motivés de la région ont utilisé les outils d’OpenStreetMap pour faire mieux que Google et cartographier tous les animaux du zoo. Si vous voulez repérer votre itinéraire jusqu’à la tanière du « Großer Panda », c’est possible. Même les toilettes sont utilement indiquées.

Le zoo de Berlin selon OpenStreetMap :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo

La version de Google Maps :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo Google

Une plateforme !

À mesure que le succès de la carte allait grandissant, il devenait clair qu’il manquait quelque chose pour que les développeurs puissent vraiment s’exprimer. Les données cartographiques en tant que telles avaient beaucoup de valeur, mais cette valeur ne pouvait-elle pas être décuplée en créant une plateforme complète de cartographie ? Une plateforme qui pourrait supporter la charge d’applications commerciales, proposer des services de routage côté serveur, faire du geocoding ou du geocoding inversé (NdT : retrouver latitude et longitude à partir de nom de rues), et concevoir des outils pour manipuler les données et créer les applications qui les utilisent…

C’est ainsi que CloudMade a vu le jour. Après un an de développement (l’essentiel du travail ayant été fait par des programmeurs ukrainiens), la plateforme de cartographie fournie par CloudMade est maintenant utilisée par 10 500 développeurs. Chaque semaine, la plateforme récupère les dernières données d’OpenStreetMap, ce qui fait émerger quelque chose d’inédit : la possibilité pour les utilisateurs frustrés de corriger les erreurs agaçantes sur les cartes locales, et de voir leurs modifications diffusées dans les applications en l’espace d’une semaine.

Les correctifs sont effectués « par des gens qui connaissent leur environnement » indique Christian Petersen, vice-président de CloudMade. Alors que l’on pourrait penser que le gros du travail est réalisé dans des zones comme les États-Unis ou l’Europe, Petersen précise que « 67% de la cartographie est réalisée en-dehors de ces deux régions. ».

CloudMade espère subsister financèrement en fournissant un accès gratuit aux services qui utilisent sa plateforme : en échange ils lui verseront une partie de leurs recettes publicitaires. (les développeurs peuvent également payer par avance s’ils le souhaitent).

Lorsque ce fut possible, une cartographie de base a été importée de banques de données libres comme TIGER, du bureau de recensement américain. Mais dans de nombreux lieux, la plus grande partie de la carte a été fabriquée à la main, en partant d’une feuille blanche. Les résultats sont impressionnants. Un coup d’œil à la carte révèle de nombreux détails sur des endroits comme Mumbai et La Paz, bien que les lieux très reculés comme les îles de Georgie du Sud près de l’Antarctique n’aient pas encore de données.

Des obstacles inattendus sont apparus en cours de route. En Chine par exemple, l’état place de sévères restrictions sur la cartographie privée. « Faire des affaire en Chine reste un défi » rapporte Petersen.

Et il y a parfois des modifications problématiques sur des cartes sensibles comme celle de l’île de Chypre qui connait une partition de son territoire.

Mais Petersen est convaincu que l’approche « par le peuple » de la cartographie fonctionne bien. Mieux que les alternatives commerciales en fait. « La passion est la plus forte », les entreprises commerciales de cartographie pratiquent la collecte d’informations sur un endroit donné une fois par an environ, et mettent à jour leurs cartes encore moins souvent. Lorsque les utilisateurs locaux s’impliquent, les modifications sont faites rapidement.

Nettoyez votre quartier

La précision des données a été mise à l’épreuve la semaine dernière lorsque l’entreprise Skobbler a dévoilé un outil de guidage GPS « turn-by-turn » pour iPhone, basé sur la plateforme CloudMade. Vu le prix des logiciels de navigation GPS concurrents, cela semble révolutionnaire.

Les gens sont-ils prêts à corriger leurs propres cartes ?

OpenStreetMap - ArsTechnica - SkobblerMalheureusement, le logiciel ne fonctionne pas très bien. Les « plantages » du logiciels ont été courants durant nos tests, les temps de réponse sont importants, et l’interface n’est pas intuitive. Les utilisateurs lui ont donné une note de 2 sur 5. Même le communiqué de presse officiel contenait un passage qui en disait long : « Bien que nous soyons conscients de ne pas être encore tout à fait prêts pour concurrencer les solutions commerciales, nous y arriverons bientôt. » a déclaré Marcus Thielking, co-fondateur de Skobbler.

De tels soucis peuvent être corrigés. Mais il y a un problème plus sérieux : les clients vont-ils faire confiance à un logiciel qui les encourage à cliquer sur une coccinelle pour rapporter les problèmes de cartographie ? (le clic positionne une alerte dans OpenStreetMap qui permettra aux utilisateurs locaux d’identifier et corriger les erreurs.)

Les utilisateurs pourraient rechigner à contribuer à la conception d’une carte censée leur servir de référence. Mais on disait la même chose de Wikipédia. Il est acquis que la carte est en constante amélioration, CloudMade indique que 7 017 modifications sont enregistrées par heure.

Le processus est très addictif. Un rapide coup d’œil dans mon quartier m’a révélé une petite erreur – sur la carte, une route se poursuivait par erreur dans un chemin privé à environ un pâté de maisons de chez moi. J’ai créé un compte sur OpenStreetMap, zoomé sur la zone problématique, et cliqué sur « Modifier ». Une fenêtre d’édition en flash est apparue, superposant la carte OpenStreetMap à une image par satellite issue de Yahoo. Le problème a été résolu en quelques glisser-déposer et clics, et le tour était joué – j’avais apporté ma pierre à l’édifice. (OpenStreetMap offre de nombreux outils de modification, et CloudMap en propose d’autres souvent plus élaborées. Tous impactent les mêmes données sous-jacentes.).

Ajout d’une déviation sur le Pont de Brooklyn :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Brooklyn Bridge

Vingt minutes plus tard, après avoir précisé les contours de l’étang d’un parc du voisinage, ajouté la caserne de pompiers et corrigé une rue qui traversait quelques maisons, j’ai malheureusement dû passer à autre chose. Le niveau de détail de la carte est déjà très impressionnant et la modifier était une expérience agréable. Disposer d’une telle ressource libre et gratuite sur Internet est une très bonne chose. Et si CloudMade pouvait s’associer à d’excellents développeurs et produire du code de haute qualité, cela pourrait également devenir quelque chose extrêmement utile.

Bonus Track

Chronique d’Emmanuelle Talon – La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010

« Qu’est-ce que c’est OpenStreetMap ? C’est en quelque sorte le Wikipédia de la cartographie. »

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Pelican (Creative Commons By)




Dis-moi si tu préfères bidouiller Arduino ou consommer iPad et je te dirai qui tu es

FreeduinoParmi la centaine de commentaires provoqués par notre récent article Pourquoi je n’achèterai pas un iPad, on a pu noter une opposition franche entre ceux qui pensaient qu’il était important, voire fondamental, d’avoir la possibilité « d’ouvrir le capot » logiciel et matériel de la bête, et ceux qui n’y voyaient qu’une lubie de geeks passéistes et rétrogrades.

Or aujourd’hui nous allons justement évoquer un drôle d’objet qui accepte d’autant plus volontiers de se mettre à nu qu’il sait que c’est sa principale qualité aux yeux de son enthousiaste et créative communauté.

Il s’agit de la carte Arduino qui est un peu à l’électronique ce que le logiciel libre est à l’informatique, puisque le design, les schémas, les circuits et l’environnement de programmation sont disponibles sous licence libre[1].

Pour vous en dire plus sur cet atypique hardware libre, nous avons choisi de traduire ci-dessous un article de présentation qui fait le parallèle et la liaison avec les hackers ou bidouilleurs du monde GNU/Linux.

Nous vous suggérons également cette excellente interview de Alexandra Deschamps-Sonsino, réalisée par Hubert Guillaud pour InternetActu, dont voici quelques larges extraits :

Arduino est une plateforme de prototypage en électronique. Elle permet aux gens de faire par eux-mêmes, c’est-à-dire de fabriquer des projets interactifs, des objets qui répondent, qui réagissent par exemple à la présence des gens, à leurs mouvements, aux pressions qu’ils y exercent… Arduino relie le monde réel au monde virtuel et vice-versa.

Arduino est né en 2005 au sein d’une école de Design en Italie (…). Plusieurs professeurs ressentaient le besoin d’une plateforme technique pour créer des environnements physiques interactifs, utilisables par des gens qui n’avaient pas les compétences techniques pour cela.

(…) Arduino permet de faire un lien entre une entrée et une réponse. Il agit comme un cerveau : quand il reçoit telle information, il fait telle chose, selon la manière dont je l’ai équipé ou programmé. Arduino est à la fois du hardware et du software (du matériel et du logiciel). Il se compose d’une carte électronique de quelques centimètres qu’on connecte à un ordinateur à l’aide d’un câble USB. On télécharge un logiciel gratuit sur son ordinateur qui permet de gérer et programmer la puce de la carte Arduino. Une fois programmée, cette puce exécute ce qu’on lui dit. Il n’y a plus qu’à connecter la carte à une batterie et elle fait ce pour quoi elle a été programmée.

(…) Au niveau de la communauté, cette plateforme a révolutionné la façon dont les gens pensaient et réfléchissaient à la technologie. Il a permis de ne plus penser la techno de manière abstraite, mais de produire et s’impliquer très rapidement. C’est une plateforme qui coûte peu cher (la carte de base et la puce coûtent une vingtaine d’euros). Toute l’information nécessaire pour accéder au matériel et à son fonctionnement est en ligne, en open source, que ce soit via les forums ou via l’aire de jeux (où la communauté publie codes, plans, tutoriels et astuces). La communauté est désormais forte de quelque 6000 personnes très présentes dans les forums pour accueillir et accompagner les débutants. Il s’est vendu plus de 60 000 cartes Arduino à travers le monde et la distribution est désormais mondiale.

(…) L’internet nous a permis de faire plein de choses avec nos vies en ligne… et nous a donné envie de faire la même chose avec les objets de tous les jours.

Depuis la révolution industrielle, on a beaucoup créé de dépendances aux produits déjà fabriqués, déjà organisés. Le mouvement DIY (Do It Yourself, Faites-le vous-mêmes) qui se développe depuis 2 ans, réunit une communauté qui ne veut plus accepter des produits tout finis, tout cuits. Cette nouvelle vague de hackers (bidouilleurs) essaye de regarder ce qu’il y a l’intérieur, alors que les conditions d’utilisation n’encouragent pas les gens à regarder ce qu’il y a l’intérieur de ce qu’ils achètent. (…) Le DIY devient un outil pour la microproduction, permettant à chacun de créer son propre business, de fabriquer 20 exemplaires et de voir ce qu’il se passe. Le DIY est finalement important pour sortir du carcan de la mégaproduction. Avant, il fallait un grand marché potentiel pour lancer un produit. Avec l’internet et des plateformes comme Arduino, chacun a accès à sa micro production.

Arduino s’inscrit donc en plein dans cette approche DIY (Do It Yourself), ou, encore mieux, du DIWO (Do It With Others), que l’on retrouve dans les Fab lab (lire à ce sujet cet article de Rue89).

Le professeur que je suis se met à rêver d’une utilisation accrue de ces objets libres dans nos écoles, en particulier en cours de technologie au collège[2].

Plus de curiosité, de créativité, d’esprit critique, d’autonomie, et d’envie d’appprendre, comprendre et entreprendre ensemble, pour moins d’idolâtrie, de passivité et d’individualisme consumériste : une « génération Arduino » plutôt qu’une « génération iPad » en somme…

PS : Tous les liens de l’article ont été ajoutés par nos soins pour en faciliter la compréhension.

Arduino – La révolution matérielle

Arduino – the hardware revolution

Richard Smedley – 23 février 2010 – LinuxUser.co.uk
(Traduction Framalang : Yoann, JmpMovAdd, Siltaar et Goofy)

Chaque année on nous annonce que ce sera « l’année de Linux sur nos écrans d’ordinateur ». Or cette percée tant attendue du logiciel libre chez le grand public tarde à arriver. Mais au moment même où nous guettons des signes d’espoir tels que les ventes de netbooks sous Linux, l’apparition de sites en Drupal ou le développement des téléphones Android (dont une partie est libre), une autre révolution est en marche, dans le monde physique et pourtant pas si éloigné de la sphère d’Internet.

Et voici Arduino qui fait son entrée : un faible coût, un code source ouvert, une carte matérielle pour le raccordement du monde réel à votre ordinateur, et/ou à tout l’Internet. Que peut-on en faire ? Tout. La seule limite est l’imagination, et comme vous allez le voir à travers quelques exemples de créations que nous passons en revue ici, l’invention de nouveaux usages est la seule règle.

Matériel ouvert

Tout comme dans le cas de GNU/Linux, la propagation de ce matériel tient aux raisons suivantes : tout le monde le possède, peut l’améliorer et il donne envie de s’y impliquer. Les plans de référence pour Arduino sont en effet distribués sous licence Creative Commons (le logiciel est quant à lui naturellement sous licence libre en GPL/LGPL), et la société italienne qui est derrière cette plateforme, Smart Projects, accepte avec plaisir les nouveaux collaborateurs et les suggestions alternatives. Les cartes sont réalisées en différents formats, vendues partout dans le monde entier, et si vous souhaitez en fabriquer une vous-même, le Web regorge de modèles différents, quel que soit votre niveau de compétence.

Le nombre de cartes utilisées est estimé à plusieurs centaines de milliers, mais comme dans le cas des distributions Linux, la possibilité de les copier librement rend délicat le décompte précis. Ce qui n’est pas difficile c’est de constater la nature véritablement ouverte des communautés en ligne et l’émergence de nombreuses réunions entre hackers autour des projets Arduino. Ceci a généré un flot continu des projets géniaux menés par toutes sortes de personnes à la fibre créative et artistique. Mais d’abord, un peu d’histoire…

Ceux qui ont de la mémoire et un intérêt pour l’histoire des geeks et du mouvement du logiciel libre se souviennent peut-être du Tech Model Railroad Club (TMRC) – un groupe d’étudiants du MIT créé dans les années 1950 qui s’étaient réunis pour jouer avec les trains électriques. Certains s’intéressaient avant tout aux modèles réduits mais d’autres se passionnaient pour les circuits, l’aiguillage et tout ce qui fait que les trains partent et arrivent à l’heure. C’est le fameux Signals and Power Subcommittee (NdT : Sous-comité des signaux et de l’énergie) qui a mis en œuvre dans les années cinquante et soixante un système de contrôle numérique semi-automatique très brillant, avant d’acquérir un ordinateurs PDP-11 en 1970.

Les membres du TMRC on incarné très tôt la culture hacker, lui donnant son vocabulaire et ses termes de référence. Beaucoup sont devenus des pionniers au sein des premières grandes entreprises d’informatique (DEC, …). Mais cette culture hacker correspondait bien au stéréotype américain du « nerd » : le génie sociopathe qui n’arrivait jamais à avoir de petite copine (au TMRC il n’y avait, inévitablement, que des garçons).

Les logiciels libres et la culture hacker ont toujours souffert d’un problème d’image, si bien que la participation féminine dans l’informatique professionnelle a chuté de 50% à 20% pendant les 50 dernières années, certain projets libres ont la proportion dérisoire de 1% de femme. C’est déplorable, les gars, vraiment ! mais il y a des lueurs d’espoir.

Au-delà d’Arduino

Les modules sont basées sur les micro-contrôleurs Atmel AVR et une conception open source. Il vous est donc facile de faire votre propre Arduino et en fait il existe beaucoup de versions de ce que l’on appelle les Freeduinos qui ont été créés pour des besoin très différents.

Même le micro-contrôleur Atmel n’est pas indispensable – du moment que l’interface et le langage sont compatibles, on peut bricoler toutes sortes de clones. Il existe aussi des kits pour créer son propre Arduino, vous pouvez même construire votre propre carte si vous êtes à l’aise avec l’électronique embarquée. C’est ce que font finalement certains après des expériences fructueuses avec l’Arduino, bien qu’ils ne soient pas à priori des hackers de systèmes embarqués.

Ainsi la télécommande Arduino pour caméra de Michael Nicholls’s, élaborée avec au Fizzpop hackerspace, est un voyage parmi les oscillateurs et les signaux carrés de contrôle. Chaque projet peut s’avérer aussi amusant qu’éducatif, et en fait, la vie ne devrait-elle pas toujours lier ces deux éléments ? Les télécommandes pour caméra sont un projet populaire, mais ceux qui souhaitent les rendre encore plus petites vont au-delà du projet Arduino, et développent leurs propres cartes mères.

Pour Abdul A Saleh et Aisha Yusuf, le projet Arduino a été une étape puisqu’ils bidouillaient un circuit à brancher sur des radios ordinaires jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’un service Web serait plus utile pour leur idée de startup, un moyen de trouver des émissions télé connexes. Leur système peut désormais pointer sur des podcasts au lieu de parcourir les stations de radios, mais « c’est cela qui donne désormais un nouvel élan à de notre projet » indique Yusuf.

En creusant autour de l’univers amical des hackers d’Arduino on trouve plusieurs startups, micro-sociétés et excellentes petites entreprises de constructeurs, vendeurs et formateurs, ainsi que des artistes. Certains, comme .:oomlout:. entrent dans toutes les catégories à la fois.

Beaucoup sont allés du « suivre la voie du matériel libre », à « poursuivre leur rêves ». Tout comme l’Internet mobile, les ordinateurs portables et les cybercafés ont permis aux créatifs numériques de se lancer en freelance à moindre frais, le bidouilleur de matériel dédié a besoin de son espace de travail partagé à moindre coût, avec si possible plein de collègues créatifs autour. Pour répondre à ce besoin, les hackerspaces (NdT : que l’on pourrait éventuellement traduire par « bidouilloires ») ont finalement vu le jour au Royaume-Uni.

Hackerspaces

Si le netbook n’a pas complètement fait de 2009 « l’année de Linux dans les ordinateurs grand public », il a vu l’arrivée en retard des hackerspaces sur ses rives, avec des groupes se formant à Birmingham, Brighton, Exeter, Leeds, Liverpool, Londres, Manchester, Shrewsbury, Stoke-on-Trent et York, avec deux groupes distincts coopérant à Manchester. (NdT : le même phénomène s’est produit en France avec au moins cinq hackerspaces rien qu’à Paris – voir Hackerspace.net et ce reportage de Rue89)

Fabrique le toi-même, ne l’achète pas. L’éthique du hacker sonne bien ces temps-ci, alors que l’intérêt pour les jardins familiaux va croissant et que les journaux multiplient les dossiers pour nous aider à bâtir des maisons plus écologiques. Ce n’est plus le « fais-le marcher et répare », hérité de nos parents avec le rationnement en temps de guerre, et l’austérité qui a suivi, mais un défi post-société de consommation, pour trouver de la valeur au-delà du « je suis ce que je consomme », par une implication plus profonde dans les choses qui nous entourent. C’est cette implication que l’on retrouve avec les projets Arduino et les réalisations complexes sorties des hackerspaces. Ils témoignent d’une approche vraiment ludique et d’une certaines aisance avec la technologie plutôt que son rejet.

L’Homo sapiens est la seule race définie par les objets dont elle s’entoure, et qui ne peut survivre sans les outils qu’elle fabrique. Des recherches archéologiques ont montré que les néanderthaliens de l’âge de pierre, vivant dans des caves, sans agriculture, et survivant grâce à la chasse et à la cueillette, employaient leurs précieuses heures de temps libre à fabriquer des bijoux et du maquillage.

Il semble que l’envie de jouer, de se parer et de s’amuser soit inhérente à ce que nous sommes. Les hackers et les artistes qui utilisent les modules Arduino pour s’amuser avec le matériel ne sont ni des fondus de technologie ni des artistes d’avant-garde mais la simple incarnation de l’esprit de notre temps.

Quelques liens connexes (en vrac)

Ne pas hésiter à en ajouter d’autres références dans les commentaires et bien entendu à donner votre avis sur Arduino, son modèle et notre choix discutable de l’opposer ici symboliquement et sociologiquement à l’iPad.

Notes

[1] Crédit photo : Freeduino.org (Creative Commons By)

[2] Il est à noter que le groupe toulousain LinuxÉdu (voir ce billet du Framablog) propose le 5 juin prochain une découverte d’Arduino parmi les nombreuses autres actions de sa journée de sensibilisation.




Pourquoi je n’achèterai pas un iPad

Josh Liba - CC byHier, vendredi 28 mai, soit deux mois après les États-Unis, Apple a lancé officiellement la commercialisation en France de l’iPad.

L’occasion pour nous de traduire cet article de Cory Doctorow dont le titre ne souffre d’aucune ambiguïté.

L’ami Cory est l’un de nos plus brillants défenseurs des libertés numériques, et il n’est guère étonnant de le voir ici monter au créneau pour y manifester sa grande perplexité, arguments percutants et convaincants à l’appui.

Avec notre billet iPad’libertés pour les utilisateurs de la Free Software Foundation, cela nous fait deux bonnes raisons d’expliquer aux adorateurs du Veau d’or[1] que sous le vernis clinquant d’une fausse modernité se cache une réalité bien moins reluisante qu’il n’y paraît.

Remarque : Cette traduction a été entièrement réalisée le samedi 29 mai de 11h à 14h dans le cadre du premier « Traducthon », atelier original organisé par l’équipe Framalang et inséré dans l’Ubuntu Party de Paris. Pour en savoir plus…

Pourquoi je n’achèterai pas un iPad (et pense que vous ne devriez pas non plus)

Why I won’t buy an iPad (and think you shouldn’t, either)

Cory Doctorow – 2 avril 2010 – BoingBoing
(Traduction Framalang : la quinzaine de personnes présentes au Traducthon)

Voilà dix ans que j’écris des chroniques sur Boing Boing pour y faire découvrir des trucs sympas que d’autres ont créés. La plupart des nouveautés vraiment intéressantes ne sont pas venues de grosses entreprises aux budgets gigantesques, mais d’amateurs qui expérimentent. Des gens qui ont été capables de créer des produits, de les proposer au public et même de les vendre, sans avoir à se soumettre aux diktats d’une seule entreprise qui s’autoproclame gardien de votre téléphone et autres engins high-tech personnels.

Danny O’Brien explique très bien pourquoi je ne vois aucun intérêt à l’achat d’un iPad – on dirait vraiment le retour de la « révolution » CD-ROM, quand l’industrie du « contenu » proclamait qu’elle allait réinventer les médias, en concevant des produits hors de prix (à fabriquer et à acheter). J’ai commencé ma carrière dans l’informatique en tant que programmeur pour des CD-ROM, et j’ai moi aussi ressenti cet engouement, mais j’ai fini par comprendre que c’était une impasse et que les plateformes ouvertes et les amateurs inventifs finiraient par surpasser les pros roublards et disposant de gros budgets.

Je me rappelle les premiers jours du Web – et les derniers jours du CD-ROM – quand tout le monde s’accordait à dire que le Web et les PC étaient trop « geek », trop compliqués et trop imprévisibles pour « ma mère » (c’est incroyable le nombre de technophiles qui mettent leur mère plus bas que terre). Si on m’avait donné une action d’AOL à chaque fois qu’on m’a dit que le Web allait mourir parce qu’AOL était simplissime et que le Web était un vrai dépotoir, je serais un gros actionnaire.

Et mes parts ne vaudraient pas grand-chose.

Les entreprises dominantes font de piètres révolutionnaires

Compter sur les entreprises dominantes pour être à l’origine de nos révolutions est une erreur stratégique. Elles ont une fâcheuse tendance à utiliser leurs technologies pour facturer voire interdire tout ce qu’il y a de bien dans leur produit.

Prenez par exemple l’application Marvel dédiée à l’iPad (jetez juste un coup d’œil, pas plus). Enfant, j’étais fan de comics, et je le suis resté. Ce qui me plaisait par-dessus tout, c’était de les échanger. Il n’existait pas de medium reposant davantage sur les échanges entre gamins pour constituer son public. Et le marché des bédés d’occasion ! C’était – et c’est encore – tout simplement énorme, et essentiel. Combien de fois ai-je farfouillé dans les caisses de bédés d’occasion dans un immense entrepôt poussiéreux pour retrouver des anciens numéros que j’avais ratés, ou de nouveaux titres pour pas cher (dans ma famille, c’est devenu une sorte de tradition qui se perpétue d’une génération à l’autre – le père de ma mère l’emmenait tous les week-ends avec ses frères et sœurs au Dragon Lady Comics sur Queen Street à Toronto pour troquer leurs vieilles bédés contre des nouvelles).

Qu’ont-ils fait chez Marvel pour « améliorer » leurs bandes dessinées ? Ils vous interdisent de donner, vendre ou louer les vôtres. Bravo l’amélioration. Voilà comment ils ont transformé une expérience de partage exaltante et qui crée du lien, en une activité passive et solitaire, qui isole au lieu de réunir. Bien joué, « Marvsney » (NdT : Contraction de Marvel et Disney, en référence au récent rachat du premier par le second pour 4 milliards de dollars).

Du matériel infantilisant

Considérons ensuite l’appareil lui-même : à l’évidence, on s’est creusé la tête pour le concevoir, mais on ressent aussi un grand mépris pour l’utilisateur. Je suis intimement convaincu de la pertinence du Manifeste du constructeur (NdT : Maker Manifesto) : « Si vous ne pouvez pas l’ouvrir, alors ce n’est pas à vous ». Il faut préférer les vis à la colle. Le Apple ][+ d’origine était fourni avec le plan schématique des circuits imprimés, et a donné naissance à une génération de hackers qui bidouillaient leur matériel informatique ou leurs logiciels et ont bousculé le monde dans le bon sens.

Mais, avec l’iPad, il semblerait que pour Apple le client type soit la maman technophobe et simplette, celle-là même dont on parle si souvent dans l’expression « c’est trop compliqué pour ma mère » (écoutez les pontifes chanter les louanges de l’iPad, ils ne tarderont pas à expliquer qu’on tient enfin quelque chose qui n’est pas trop compliqué pour leur pauvre maman).

La seule interaction que propose l’iPad est celle du simple « consommateur », c’est-à-dire, selon la mémorable définition de William Gibson, « un truc de la taille d’un bébé hippo, couleur patate bouillie vieille d’une semaine, qui vit seul, dans l’obscurité, dans un mobile home, aux alentours de Topeka. Il est recouvert d’yeux, et transpire en permanence. La sueur dégouline et lui pique les yeux. Il n’a pas de bouche… pas d’organes génitaux, et ne peut exprimer ses pulsions rageuses et ses désirs infantiles qu’en changeant de chaîne avec sa télécommande universelle ».

Pour améliorer votre iPad, ne cherchez pas à comprendre comment il fonctionne pour le bricoler, achetez des iApps. Offrir un iPad à vos enfants, ce n’est pas un moyen de leur faire comprendre qu’ils peuvent démonter et réassembler le monde autour d’eux. C’est un moyen de leur dire que même changer les piles c’est une affaire de pros.

Sur ce sujet, il faut absolument lire l’article de Dale Dougherty sur l’influence d’Hypercard pour toute une génération de jeunes hackers. J’ai effectué mes débuts comme programmeur Hypercard, dont l’invitation douce et intuitive à refaire le monde m’a donné envie d’embrasser une carrière dans l’informatique.

Le modèle de la grande distribution s’étend au logiciel

Intéressons-nous maintenant à l’iStore. Les DRM sont l’alpha et l’oméga d’Apple, alors même que son dirigeant clame partout qu’il les déteste. Apple s’est allié à deux industries (celles du divertissement et des télécoms) qui sont les plus convaincues que vous ne devriez pas être en mesure de modifier vos appareils, d’y installer vos logiciels, d’écrire des applications, et d’outrepasser les instructions envoyées par le vaisseau mère. Apple a construit son activité autour de ces principes. La société utilise des DRM pour contrôler ce que vous pouvez faire sur vos propres appareils, ce qui signifie que les clients d’Apple ne peuvent emmener leur « iContenu » avec eux vers des appareils concurents, et que ceux qui développent pour Apple ne peuvent vendre à leurs propres conditions.

Le verrouillage de l’iStore ne rend pas meilleure la vie des clients ou des développeurs d’applications . En tant qu’adulte, je veux être capable de choisir ce que j’achète et à qui je fais confiance pour l’évaluer. Je ne veux pas que le Politburo de Cupertino (NdT : La ville du siège d’Apple) restreigne mon univers applicatif à ce qu’il choisit d’autoriser sur sa plateforme. Et en tant que créateur et détenteur de copyright, je ne veux pas d’un unique canal de diffusion contrôlant l’accès à mon public et dictant quel contenu est acceptable. La dernière fois que j’ai blogué sur ce sujet, Apple s’est répandu en excuses pour le caractère abusif de ses conditions contractuelles, mais la meilleure était : « Pensiez-vous vraiment que nous fournirions une platefome où vous pouvez faire fortune sans aucune contrepartie ? ». J’ai lu cette phrase en imitant la voix de Don Corleone et ça sonnait vraiment bien. Je crois en un marché où la compétition peut prendre place sans que j’aie pour autant à m’agenouiller devant une entreprise qui a érigé un pont-levis entre mes clients et moi.

Le journalisme en quête d’une figure paternelle

Si la presse parle autant de l’iPad, c’est selon moi parce qu’Apple assure le spectacle, et parce dans le monde merveilleux de la presse, chacun cherche une figure paternelle qui lui promettra le retour de son lectorat payant. Toutefois, ce n’est pas seulement parce que les gens peuvent avoir accès gratuitement aux journaux qu’ils ne paient plus. C’est aussi parce que des contenus alternatifs, gratuits et de qualité équivalente, se multiplient. L’ouverture des plateformes a permis une explosion de la quantité de contenus, certains un peu amateurs, d’autres de qualité professionnelle, la plupart mieux ciblés que ne le proposaient les anciens médias. Rupert Murdoch peut menacer tant qu’il le veut de retirer son contenu de Google, je lui dis : Vas-y Rupert, fonce ! Ta fraction de fraction de morceau de pourcentage du Web nous manquera tellement peu qu’on ne le remarquera même pas, et nous n’aurons aucun problème à trouver du contenu pour combler le vide.

La presse techno regorge de gadgets dont les blogueurs spécialisés raffolent (et qui n’intéressent personne d’autre). De même, la presse généraliste est remplie d’articles qui nourrissent le consensus médiatique. Les empires d’hier pensent faire quelque chose de sacré, vital et surtout mature, et ce sont ces adultes qui veulent nous extraire de ce bac à sable qu’est le Web, plein de contenus amateurs sans circuits de distribution, afin d’y conclure des accords d’exclusivité. Et nous retournerons alors dans le jardin clôturé qui apporte tant de valeur actionariale à des investisseurs dont le portefeuille n’a pas évolué avec le commerce en ligne.

Mais l’observation attentive du modèle économique de l’édition sur iPad nous raconte une toute autre histoire : même des ventes astronomiques d’iPad n’arriveront pas vraiment à arrêter l’hémorragie des ventes de l’édition papier. Et ce n’est pas en poussant de grands soupirs et en regrettant le bon temps où tout était verrouillé que les clients reviendront.

Les gadgets, ça va ça vient

Les gadgets, ça va ça vient. L’iPad que vous achetez aujourd’hui va devenir de l’e-pollution dans un an ou deux (moins, si vous décidez de ne pas payer pour qu’on vous change la batterie). Le vrai problème n’est pas dans les fonctionnalités de ce bout de plastique que vous déballez aujourd’hui, mais dans l’infrastructure technique et sociale qui l’accompagne.

Si vous voulez vivre dans un univers créatif où celui qui a une bonne idée peut en faire un programme que vous pourrez installer sur votre appareil, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Si vous voulez vivre dans un monde équitable où vous pouvez conserver (ou donner) ce que vous achetez, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Si vous voulez écrire du code pour une plateforme où la seule chose qui conditionne votre succès est la satisfactions de vos utilisateurs, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Notes

[1] Crédit photo : Josh Liba (Creative Commons By)




Meurtre collatéral en Irak ou quand la censure se cache derrière le copyright

The US Army - CC byNouvelle traduction du blog de notre ami Glyn Moody qui, citant l’exemple d’une bavure de l’armée américaine en Irak[1], n’y va pas de mainmorte dans ses griefs contre le copyright : « Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de motivation pour créer — ils doivent le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique. »

Difficile de lui donner tort…

Meurtre Collatéral, Dommages Collatéraux

Collateral Murder, Collateral Damage

Glyn Moody – 16 mai 2010 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Joan et Goofy)

Si vous n’avez pas vu « Meurtre Collatéral », la vidéo choquante — mais importante — qui montre le mitraillage sans scrupules de civils irakiens (suivi d’un lancement de missile sur un minibus avec des enfants à l’intérieur), ne la manquez pas sur Wikileaks, sa source d’origine. Malheureusement, vous ne la trouverez peut-être pas sur YouTube ni sur les autres sites de partage de vidéo, puisqu’elle a été enlevée (bien qu’apparemment celle de YouTube soit à nouveau disponible).

Vous pourriez penser qu’il s’agit d’un exemple de censure caractérisée, mais d’une certaine façon, c’est encore pire :

« Collateral Murder, vue plus de 6 millions de fois, enlevée de YouTube après une requête en violation de copyright http://bit.ly/aS3bMk »

Vous avez bien lu, elle a été enlevée sur la base d’une accusation de violation de copyright, et non parce que quelqu’un la trouvait trop choquante pour être montrée. L’idée qu’une telle action puisse être entreprise sur la violation du monopole de quelqu’un, pendant que le massacre de sang-froid de civils irakiens est caché sous le tapis, est évidemment répugnante.

Mais c’est tout simplement un autre effet pervers de la loi obsolète qu’est maintenant le copyright — un dommage collatéral en quelque sorte.

Après tout, le copyright a grandi en Angleterre afin de contrôler le flux d’information, en permettant aux gens d’en devenir « propriétaires » — créant ainsi un robinet d’étranglement bien pratique.

La première loi sur le copyright était une loi de censure. Elle n’avait rien à voir avec la protection des droits des auteurs, ou avec l’encouragement à produire de nouvelles œuvres. Les droits des auteurs n’étaient pas en danger dans l’Angleterre du seizième siècle, et l’arrivée récente de la machine à imprimer (la première machine à copier au monde) donnait de l’énergie aux écrivains plutôt qu’autre chose. Tellement d’énergie en fait, que le gouvernement anglais commença à craindre que trop de travaux ne soient produits, et non trop peu. Cette nouvelle technologie rendait les lectures pernicieuses largement disponibles pour la première fois, et le gouvernement éprouva un besoin urgent de contrôler l’inondation de travaux imprimés, la censure étant à l’époque une fonction administrative aussi légitime que la construction de routes.

Nous ne devrions donc pas être surpris que le copyright soit encore aujourd’hui utilisé à des fins de censure – bien que souvent camouflé en simple problème commercial (bien qu’on se demande comment cela peut être possible lorsque l’on parle de vidéos tournées par des militaires dans une zone de guerre.).

Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de « motivation » pour créer — ils « doivent » le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique.

Toute personne qui en doute devrait lire le type de clauses incluses dans les lois anti-piratage comme le Digital Economy Act, qui permettent de bloquer des sites s’ils sont supposés héberger des travaux violant le copyright de quelqu’un. Dans les faits, cela permet au gouvernement de Grande Bretagne d’empêcher toute fuite de ses documents, puisque la loi ne comporte pas la défense de l’intérêt public. Si ce dispositif avait été présenté explicitement comme une loi pour bloquer de telles fuites, il y aurait eu une protestation générale contre la censure que cela entraîne ; mais le travestir en « protection » des pauvres artistes créateurs, le fait passer sans encombres, les seules protestations viennent des agitateurs habituels (comme moi). Plus le copyright est fort, plus le champ de la censure possible est étendu : c’est aussi simple que ça.

Suivez-moi @glynmoody sur Twitter ou identi.ca.

Notes

[1] Crédit photo : The US Army (Creative Commons By)




Le Dividende Universel : valorisation de la couche libre et non marchande de la société

Zieak - CC byIl peut y avoir quelques nuances entre les différentes expressions, mais qu’on l’appelle Revenu citoyen, Revenu de vie, Allocation universelle ou Dividende Universel, l’idée principale consiste à verser tout au long de sa vie un revenu unique à tous les citoyens d’un pays, quels que soient leurs revenus, leur patrimoine, et leur statut professionnel. Ce revenu permettant à chaque individu de satisfaire ses besoins primaires tels que se nourrir, se loger, se vêtir, voire acquérir certains biens culturels de base.

À priori cela semble totalement fou. Mais quand on se penche sur les sites spécialisés, comme CreationMonetaire.info d’où est issu le billet reproduit ci-dessous, on réalise que c’est peut-être moins utopique qu’on ne le croit.

Du reste, nous pouvons témoigner : GNU/Linux, Wikipédia, OpenStreetMap… les projets utopiques existent, nous en avons rencontrés 😉

Et puis, reconnaissons surtout que c’est l’économie actuelle qui est devenue complètement folle et qui va finir par tous nous mettre à genoux. Alors folie contre folie…

En tout cas il n’est pas anodin de voir le logiciel libre et sa culture fournir des arguments aux partisans de cette idée folle. Et inversement, imaginez qu’on assure un jour à tous les membres de la communauté du Libre un revenu minimum pour vivre, ce serait à n’en pas douter une explosion d’enthousiasme et de projets !

Parce que c’est bien moins l’argent[1] qui nous manque que le temps. Un temps trop souvent occupé à devoir survivre…

PS : Comme ce n’est pas le premier article du Framablog qui tourne autour du sujet, je viens de créer un tag dédié pour l’occasion.

Les 4 arguments du Dividende Universel

URL d’origine du document

Stéphane Laborde – 17 mai 2010 – CreationMonetaire.info
Licence Creative Commons By

Depuis quelques semaines, je reçois des demandes d’arguments concernant le Dividende Universel, par des personnes connaissant le sujet, mais qui se trouvent confrontées à des interlocuteurs ignorants de la question. Il y a bien sûr la multitude de liens, d’explications et de justifications qui se trouvent sur l’article Wikipedia qui le concerne, mais je vais résumer ici les points fondamentaux nécessaires à l’introduction dans le sujet pour un novice :

1. L’argument massue de la propriété de la zone EURO (remplacer EURO par la monnaie de son choix).

La Zone EURO est une construction fondamentalement Citoyenne. Chaque Citoyen via son Etat respectif est co-propriétaire de la Zone Euro, et il est régulièrement convié à voter pour élire ses représentants tant locaux que continentaux, directement ou indirectement.

Or tout propriétaire d’une entreprise quelle qu’elle soit, reçoit, en proportion de sa détention du capital un Dividende annuel, généralement autour de 5% de la valeur de l’entreprise. La Zone Euro étant économiquement valorisable en proportion de sa Masse Monétaire en Circulation (voire du PIB, mais PIB et Masse Monétaire sont interdépendants).

Le Dividende Universel correspond donc simplement à la reconnaissance de la co-propriété de la zone économique par chaque Citoyen (présents et à venir, aucune génération n’a de droit privilégié de ce point de vue).

Cet argument conviendra à tout défenseur de la propriété et du droit économique.

2. L’argument de la création libre et non marchande

L’Art, les logiciels libres, les écrits libres de droit, le travail non marchand effectué par l’action associative ou individuelle etc… Que fournissent chaque citoyen de la zone euro, est une valeur, incommensurable, qui bénéficie au secteur marchand directement ou indirectement. (par exemple internet fonctionne avec une couche de logiciels libres qui ont été développés et distribués sans aucune reconnaissance monétaire).

Ces valeurs sont difficilement monnayables, parce que ce qui fait leur valeur, est justement l’adoption par le plus grand nombre, d’autant plus rapidement que c’est gratuit. Or sur ce substrat de valeur, se développent des valeurs marchandes, qui elles valorisent leurs produits raréfiés.

Le Dividende Universel est une valorisation de cette couche libre et non marchande de la société, qui est la juste compensation du droit d’usage de cette couche multi-valeur pour des activités marchandes.

Cet argument conviendra à tous ceux qui souhaitent travailler et créer pour autrui, sans contrainte marchande, en étant valorisé à minima, sans pour autant vouloir tirer un avantage économique de leur création (artistes, développeurs libres, auteurs libres, blogueurs, bénévoles associatifs, aides de voisinage etc…)…

3. L’argument anti-crises financières de la Création Monétaire neutre

La Création Monétaire par effet de levier est une dissymétrie qui accentue les écarts capitalistiques sans raison. Parce que X,Y ou Z ont un avantage capitalistique de départ, on leur permet de surévaluer cet avantage par un effet de levier de création monétaire, qui dévalue la monnaie existante, et leur permet à tout moment d’acheter ou de copier toute innovation par création de fausse monnaie momentanée (éventuellement détruite lors du remboursement de la fausse monnaie-dette émise, mais le mal est fait, et toute l’Histoire montre que jamais cette dette n’est réellement remboursée par les plus gros bénéficiaires, sommets de pyramides de Ponzi…).

Le Dividende Universel est une création monétaire neutre et symétrique dans le temps et dans l’espace, et rend à la monnaie tout sens sens premier : un Crédit Mutuel entre Citoyens, versé non pas en une fois, mais progressivement, tout le long de la vie, et de façon relative à la richesse mesurable (Proportionnelle à La masse monétaire / Citoyen), sans léser les générations futures.

Cet argument conviendra aux Scientifiques, Economistes et Ingénieurs, soucieux de justifications théoriques solides.

4. L’argument de la valeur fondamentale de toute économie

La valeur fondamentale de toute mesure est l’observateur lui même. En effet hors l’observateur il n’est point de mesure, alors que hors objet extérieur, l’observateur peut toujours se prendre lui même pour objet d’observation. C’est le point minimum et suffisant pour toute mesure.

L’homme est l’observateur de l’économie, autant que son acteur fondamental, et son service en est l’objectif premier. Or cette valeur fondamentale nécessite d’être valorisée sur une base éthiquement acceptable, afin que son potentiel de création, de travail pour autrui, de choix de développement économique, soit libre et non faussé.

En valorisant l’homme par un micro-investissement continu, tout le long de sa vie, c’est l’ensemble de l’économie qui investit dans chacune de ses composantes économiques fondamentales, le "risque" étant noyé dans la multitude.

Le Dividende Universel est un micro-investissement global et continu sur la valeur productive fondamentale de toute économie : l’homme.

Cet argument conviendra aux humanistes, philosophes, constitutionnalistes, et juristes soucieux des Droits de l’Homme.

Notes

[1] Crédit photo : Zieak (Creative Commons By)




Wired aussi critique Facebook et cherche des alternatives

DB Photography - CC byFacebook est plus que jamais sur la sellette actuellement.

Cela tient à sa croissance impressionnante qui en fait aujourd’hui un « Web dans le Web », mais cela tient également à l’évolution inquiétante de sa politique vis-à-vis des données de ses utilisateurs.

Du coup un certain nombres d’articles ont récemment vu le jour, non seulement pour la critique mais aussi pour tenter de voir comment se sortir de cette situation. Et pour certains, sortir de cette situation c’est carrément sortir de Facebook, ce qui en dit long sur la confiance accordée désormais à la société de Mark Zuckerberg[1].

Parmi les auteurs de ces articles, il y a les défenseurs biens connus des libertés numériques que sont l’EFF (Facebook’s Eroding Privacy Policy: A Timeline – traduit par Owni), Numerama (Peut-on imaginer un Facebook libre et décentralisé ?), ReadWriteWeb (Le projet Diaspora : un anti Facebook), le Standblog (L’après Facebook : Diaspora), sans nous oublier avec la traduction de l’interview d’Eben Moglen (La liberté contre les traces dans le nuage).

Mais on trouve également Le Monde (Réseaux sociaux : une autre vie numérique est possible) et le célèbre magazine Wired qui donne souvent le ton lorsqu’il s’agit des nouvelles technologies.

C’est ce dernier article que nous vous proposons traduit ci-dessous.

Facebook a maintenant des méthodes de voyou… c’est le moment de lancer une alternative libre et ouverte

Facebook’s Gone Rogue; It’s Time for an Open Alternative

Ryan Singel – 7 mai – Epicenter (Wired)
(Traduction Framalang : Goofy, Barbidule et Daria)

Facebook a maintenant un comportement de gangster, ivre des rêves d’hégémonie mondiale de son fondateur Mark Zuckerberg. Il est grand temps que le reste de l’écosystème du Web en prenne conscience et s’active pour le remplacer par un système ouvert et distribué.

Facebook était juste un endroit pour partager des photos et des idées avec les copains et la famille, et puis peut-être pour jouer à quelques jeux idiots dans lesquels on vous laisse croire que vous êtes un parrain de la mafia ou un pionnier. Facebook est devenu un moyen très utile pour communiquer avec vos amis, avec vos copains perdus de vue depuis longtemps, et les membres de votre famille. Même si vous ne désiriez pas vraiment rester en contact avec eux.

Et bientôt tout le monde a eu un profil – même votre oncle André, et aussi ce type que vous détestiez dans votre précédent boulot.

Et puis Facebook s’est rendu compte qu’il était propriétaire du réseau.

Alors Facebook a décidé que « votre » page de profil deviendrait celle de votre identité en ligne, en se disant – avec raison – qu’être le lieu où les gens se définissent procurera du pouvoir et de l’argent. Mais pour y parvenir, les gens de Facebook devaient d’abord s’assurer que les informations que vous donnez seraient publiques.

Et donc en décembre, avec l’aide des experts en vie privée de Beltway récemment engagés, Facebook a renié ses promesses de respecter les données privées : la plupart des informations de votre profil sont devenues publiques par défaut. Ce qui comprend la ville où vous vivez, votre nom, votre photo, les noms de vos amis et les groupes que vous avez rejoints.

Au printemps Facebook a poussé le bouchon encore plus loin. Toutes les éléments que vous indiquez aimer seront publics, et renverront à des pages de profil publiques. Si vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, eh bien vous perdez ces données – bien que Facebook se les garde gentiment dans sa base de données pour permettre aux publicitaires de vous cibler.

Cela comprend vos goûts musicaux, les informations concernant votre travail, ce que vous aimez lire, les établissements scolaires que vous avez fréquentés, etc. Tous les éléments qui constituent votre profil. Tout doit devenir public – avec des liens vers des pages publiques pour le moindre détail – sinon vous n’y avez pas droit du tout. On peut difficilement appeler ça un choix, et tout le système est d’une complexité à rendre fou.

Dans le même temps, l’entreprise a commencé à envoyer les informations recueillies sur votre profil vers Yelp, Pandora et Microsoft – si bien que si vous allez faire un tour sur ces sites pendant que vous êtes encore connecté sur Facebook, les services en question vous proposent une « expérience personnalisée » lorsque vous apparaissez. Vous pouvez essayer l’option de désinscription après coup, mais pour interrompre définitivement ce système vous aurez besoin d’un mastère en bureaucratie facebookienne.

Vous voudriez mettre à jour votre statut pour vos amis ? Facebook envoie par défaut tous les messages à publier à l’Internet tout entier, en les déversant dans l’entonnoir des dix plus importants moteurs de recherche. Vous disposez d’un menu déroulant pour restreindre votre publication, mais il semble que ce soit trop difficile pour Facebook de se souvenir de votre choix lors des connexions suivantes. (Google Buzz, avec toutes les critiques qu’il a essuyées, se souvient tout de même des paramètres de votre dernière publication et les utilise ensuite par défaut).

Supposons maintenant que vous écriviez un message public pour dire « mon patron a eu une idée dingue pour un nouveau produit ». Eh bien vous l’ignorez peut-être, mais il existe une page Facebook consacrée à « mon patron est dingue », et comme vous avez utilisé les mots-clés qui correspondent, votre message apparaît sur cette page. Si vous utilisez les mots « FBI » ou « CIA » vous apparaîtrez sur les pages de la CIA ou du FBI.

Et voici encore le nouveau bouton Facebook « J’aime » qui se répand sur Internet. C’est une bonne idée – mais il est entièrement lié à votre compte Facebook, et vous n’avez aucun contrôle sur la façon dont il est utilisé (non, vous ne pouvez pas déclarer aimer quelque chose sans rendre cet avis totalement public).

Et encore la campagne de Facebook pour contrer les services externes. Il existait un service appelé Web 2.0 suicide machine qui vous permettait de supprimer votre profil en échange de votre mot de passe. Facebook l’a fait fermer.

Une autre entreprise proposait une application pour rassembler tous vos messages des services en ligne – y compris Facebook – , sur un portail central après avoir confié au site votre identifiant de connexion sur Facebook. Eh bien Facebook poursuit en justice cette entreprise au motif qu’elle enfreint les lois en ne respectant pas ses conditions d’utilisation.

Pas étonnant du coup que 14 groupes de défense de la vie privée aient déposé mercredi une plainte contre Facebook pour pratiques commerciales déloyales.

Mathew Ingram de GigaOm a écrit un billet intitulé « Les relations entre Facebook et la vie privée : un véritable sac de nœuds ».

Non, au fond ce n’est pas vrai. Ces relations sont simples : votre conception de la vie privée – c’est-à dire votre pouvoir de contrôle sur les informations qui vous concernent – est tout simplement démodée aux yeux de Facebook. Le grand boss Zuckerberg a déclaré en direct et en public que Facebook se contente d’accompagner l’évolution des mœurs en matière de vie privée, mais sans les modifier – une déclaration de circonstance, mais qui est carrément mensongère.

Dans l’optique de Facebook, tout devrait être public (sauf peut-être votre adresse mail). C’est drôle d’ailleurs, cette histoire d’adresse mail, parce que Facebook préfèrerait vous voir utiliser son propre système de messagerie, qui censure les messages entre utilisateurs.

Ingram continue sur sa lancée : « et peut-être Facebook ne fait-il pas l’effort de transparence nécessaire, pour expliquer ce qui est en jeu ou comment paramétrer au plus juste la maîtrise de nos données privées – mais en même temps certains choix délibérés doivent relever de la responsabilité des usagers eux-mêmes. »

Quoi ? Comment la responsabilité du choix pourrait-elle revenir à l’utilisateur quand le choix n’existe pas réellement ? Je voudrais que ma liste d’amis devienne privée. Impossible.

J’aimerais rendre mon profil visible de mes seuls amis, pas de mon patron. Impossible.

J’aimerais soutenir une association anti-avortement sans que ma mère ou le monde entier le sache. Impossible.

Dans un service en ligne, chacun devrait pouvoir contrôler ses données privées de manière simple. Et si vous trouvez de multiples billets sur des blogs qui expliquent comment utiliser votre système de protection de la vie privée, c’est signe que vous ne traitez pas vos utilisateurs avec respect. Cela signifie que vous les contraignez à faire des choix dont ils ne veulent pas, suivant un plan délibéré. Ça donne la chair de poule.

Facebook pourait démarrer avec une page très simple avec les options suivantes : je suis une personne soucieuse de sa privée, j’aime bien partager certaines choses, j’aime bien exposer ma vie en public. Chacune de ces options commanderait des paramètres différents pour des myriades de choix possibles, et tous les utilisateurs auraient ensuite la possibilité d’accéder au panneau de contrôle pour y modifier leurs préférences. Ce serait une conception respectueuse – mais Facebook ne s’intéresse pas au respect – ce qui l’intéresse c’est redéfinir pour le monde entier la différence entre ce qui est public et ce qui est privé.

Peu importe que vous soyez un adolescent et que vous ne compreniez pas que les bureaux de recrutement des universités vont utiliser votre adresse mail pour trouver des informations – potentiellement embarassantes – sur vous. C’est votre problème, et tant pis pour vous si Facebook a décidé de devenir une plateforme d’identités à l’échelle planétaire, en vous promettant d’abord de garantir votre vie privée, puis en la divulguant à votre insu par la suite. En tout cas, c’est ce que pense l’armée de spécialistes en droit de la vie privée engagés par l’entreprise et grassement payés pour dissimuler les coups fourrés.

Facebook nous a clairement appris plusieurs leçons. Nous voulons partager plus facilement des photos, des liens et nos dernières nouvelles avec nos amis, notre famille, nos collègues et même parfois avec le monde entier.

Mais cela ne signifie nullement que l’entreprise ait gagné le droit de détenir et de définir nos identités.

C’est le moment pour les meilleurs éléments de la communauté techno de trouver un moyen pour que tout le monde puisse contrôler ce qu’il veut partager et comment. Les fonctions de base de Facebook peuvent devenir des protocoles, et tout un éventail de logiciels et de services qui interagissent pourront s’épanouir.

Imaginez que vous ayez la possibilité d’acheter votre propre nom de domaine et d’utiliser de simples logiciels comme Posterous pour créer votre page de profil dans le style qui vous convient. Vous pourriez contrôler ce que les inconnus pourraient voir, tandis que ceux que vous déclarez comme vos amis verraient une page toute différente, plus intime. Ils pourraient utiliser un service gratuit financé par la publicité, qui pourrait être procuré par Yahoo, Google, Microsoft, une foule de startups ou des hébergeurs comme Dreamhost.

Les boutons « J’aime » qui foisonnent sur le Web devraient pouvoir être configurés pour faire exactement ce que vous désirez qu’ils fassent – s’ajouter à un profil protégé, s’ajouter à une liste de vœux sur votre site, ou encore être diffusés par le service de micro-blogging de votre choix. Vous auriez ainsi le contrôle de la présentation de votre propre personne – et comme dans le monde réel, vous pourriez cloisonner les différentes parties de votre vie.

Les gens qui ne veulent pas spécialement quitter Facebook pourraient continuer à jouer avec – pourvu que Facebook arrête une fois pour toutes ses pratiques inquiétantes avec nos données, comme de fournir ces informations à des tierces parties, juste parce qu’un de vos contacts a joué au quiz « Quel personnage de l’île aux naufragés êtes-vous ? » (Si, cela se produit couramment).

Bon d’accord, il n’est pas évident du tout qu’une vague alliance d’entreprises de logiciels et de développeurs puisse transformer les services de base de Facebook en protocoles partagés, pas plus qu’il ne serait facile, pour cette coalition de services en ligne, de rivaliser avec Facebook, compte tenu de ses 500 millions d’utilisateurs. Dont beaucoup acceptent que Facebook redéfinisse leurs repères culturels, ou sont trop occupés ou trop paresseux pour laisser tomber Facebook.

Mais dans l’Internet idéal avec lequel j’aimerais vivre, nous devrions avoir cette possibilité, au lieu de nous retrouver obligés de choisir entre laisser Facebook nous utiliser et être totalement exclus de la conversation.

Notes

[1] Crédit photo : DB Photography (Creative Commons By)