La neutralité du réseau – Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi

La bataille Hadopi - InLibroVeritas - CC by-sa et Art Libre« La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle. »

Ainsi s’achève ce très intéressant article de Benjamin Bayart pioché dans le non moins intéressant livre choral d’InLibroVeritas La bataille Hadopi (et ses 40 auteurs).

Benjamin Bayart, c’est le président de French Data Network (FDN). C’est aussi l’homme de la désormais célèbre expression du « Minitel 2.0 » et de la citation suivante qui prend le même chemin : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ».

Mais c’est surtout un « expert des libertés numériques » (dixit Nicolas Dupont-Aignan) et certainement l’un des meilleurs d’entre nous lorsqu’il s’agit d’exposer et d’expliquer ce sujet à la fois simple (à comprendre) et complexe (à défendre) qu’est la Neutralité du Net.

C’est pourquoi cet article synthèse, au style plaisant malgré la rugosité du propos, nous semble important à lire et à faire lire.

PS : Vous trouvez l’article trop long pour un blog ? C’est peut-être parce qu’Internet vous a rendu idiot ! Mais nous avons une solution : commander le livre, dont les bénéfices iront intégralement à La Quadrature du Net, et qui vous fera découvrir par la même occasion 39 autres articles du même acabit.

La neutralité du réseau

URL d’origine du document

Benjamin Bayart – Octobre 2009 – La Bataille Hadopi (InLibroVeritas)
Licence Creative Commons By-Sa et Licence Art Libre

La bataille d’Hadopi, telle que nous l’avons connue à l’Assemblée Nationale et dans les médias a eu plusieurs vertus. La première, longuement expliquée déjà, est d’avoir amené à la politique toute une population, appelée « les Internautes » pour faire simple, qui ne s’en préoccupait pas vraiment avant.

La seconde vertu de la bataille d’Hadopi, c’est d’avoir permis de bien mettre en avant ce qui est, au fond, l’enjeu central de tous ces sujets, à savoir non pas la rémunération des artistes, auteurs et troubadours, mais la neutralité du réseau et ses enjeux.

En effet, quand le Conseil Constitutionnel a eu à connaître de ce texte, finalement bébêtte, qui menaçait de couper d’Internet les enfants qui téléchargent comme nos parents nous privaient de télé, il le censura. Et pas sur de l’argutie légère ou sur un point de détail, non, sur du fondamental, sur du lourd, du très lourd : présomption d’innocence et liberté d’expression. Deux des piliers des Droits de l’Homme depuis 1789.

Comment cette loi supposée traiter un problème assez léger a pu se cogner dans des problèmes aussi lourds ?

Internet – liberté fondamentale

Pour expliquer ça, il faut revenir un peu en arrière, et essayer de comprendre ce qu’est Internet, et son influence sur la marche du monde. Internet est, en beaucoup de points, comparable à l’imprimerie. D’abord par sa nature, c’est un moyen de diffusion de la connaissance, et d’accès à celle-ci. Ensuite, par ses conséquences. L’invention de l’imprimerie, et son lent développement, à partir de 1445, ne peut pas être séparée des évolutions majeures de l’époque. Pas de renaissance et de démarche scientifique sans moyen moderne de diffusion des connaissances. On ne peut pas séparer la renaissance du renouveau philosophique, et en particulier de la philosophie des Lumières, donc des révolutions démocratiques. De même que tout le progrès scientifique et technique du dix- neuvième siècle est impensable sans les avancées fondamentales de la renaissance et la naissance de la démarche scientifique.

Ce n’est pas l’imprimerie qui a fait ça. On peut toujours lancer des petits caractères en plomb sur les soldats, ça ne renverse pas les gouvernements. Mais l’imprimerie était une étape nécessaire, pour permettre ces évolutions et ces changements, il fallait un moyen moderne et rapide de diffuser et de conserver le savoir pour qu’il puisse s’accroître.

De la même manière, Internet change très en profondeur la façon dont se diffuse, et donc la façon dont se crée, le savoir. Une bonne façon de résumer ça est de dire que l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire.

On a déjà dit cent fois qu’Internet met à la disposition de tous, et sans coût notable, modulo quelques barrières pénibles, la totalité du savoir de l’humanité, c’est facile à comprendre. On a moins souvent dit, parce que c’est moins clair pour un esprit formé au siècle dernier, qu’Internet permet à chacun de construire le savoir de l’humanité, c’est-à-dire d’écrire.

Bien entendu, chacun sait qu’Internet n’est pas qu’un lieu d’échanges savants entre érudits. Forcément. L’imprimerie ne sert-elle qu’à imprimer des ouvrages savants ? Pour un livre « intelligent », combient sont imprimés de prospectus, de tracts, de catalogues, de correspondances sans intérêts (factures, relevés, avis, et autre paperasses) ? Et bien Internet suit la même pente. Fondamentalement, il a été créé pour diffuser et produire de la connaissance scientifique à grande échelle et rapidement, mais il était évident depuis le premier jour qu’il servirait aussi à diffuser et produire tout le reste de ce qu’on peut vouloir diffuser ou produire comme information.

Cependant, bien que l’imprimerie soit en majorité utilisée à des fins futiles, il ne vient à l’idée de personne de remettre en cause la liberté de la presse. Il y a là une logique, l’outil technique a apporté une avancée pour la société, et c’est pour défendre l’avancée qu’on défend l’outil. D’une manière similaire, Internet crée une percée importante, un changement profond, même si une partie colossale du trafic sur le réseau correspond à autre chose.

Un argument souvent opposé à cette vision du réseau est d’expliquer que les discussions y sont trop souvent d’un faible niveau, qualifiées de discussions de café du commerce. Là encore, c’est une analyse à courte vue. D’abord parce que la forme d’expression permise par le café du commerce ne permet pas de construire de vrais argumentaires : on est dans l’oral, dans le périssable, et dans le débat privé, donc sans argumentation extérieure possible. Ce qu’Internet crée comme débat est structurellement différent. Les débats sur la place publique, le plus souvent par écrit, permettent aux points de vues de se confronter, de s’invalider, ou au contraire de se renforcer, de s’étayer. De tout cela, il ressort une espèce de discussion du café du commerce dont on consignerait les arguments par écrit, pour les étudier, les rendre publics, bref, pour en faire une vraie réflexion. Au final, c’est plus proche des débats publics, qu’on connaît depuis longtemps, mais qui ne sont plus réservés à de petits groupes.

De tout celà, une idée forte est à retenir : Internet est l’avancée technique qui a permis, enfin, l’exercice réel de la liberté d’expression. La presse, on s’en rend compte avec le recul, ne fournissant au fond que la liberté d’accéder à l’information. Et c’est bien sur cette base-là que la Conseil Constitutionnel a censuré l’Hadopi, c’est bien en se référant à l’article 11 de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à savoir :

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

On a donc, validé par le Conseil Constitutionnel, cette première étape de marquée : Internet est essentiel à l’exercice de la liberté d’expression, qui est une liberté fondamentale.

Hadopi – Besoin d’un juge

C’est le premier point, immense, gagné dans la bataille d’Hadopi. Maintenant, ce n’est plus une renvendication, ce n’est plus un point de vue de visionnaire maniaque du réseau ou de futurologue échevelé, c’est une décision, forte, d’une autorité qu’on ne peut pas soupçonner de travailler avec légèreté, ou de se laisser emporter par sa technophilie. Or, de ce point fondamental qui vient d’être édicté par le Conseil, il découle des conséquences inattendues et fortes, pour ceux qui pensaient priver les gens d’Internet comme on prive un enfant de télévision ou de dessert.

En effet, priver un citoyen d’une liberté fondamentale, ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. Il y a des cas, prévus, connus, codifiés, mais ce sont des sanctions lourdes, pour des délits ou des crimes graves. L’exemple le plus connu, et pratiquement le seul, est l’emprisonnement ou l’assignation à résidence[1]. Une telle mesure de privation de liberté ne peut être décidée que par un juge, et dans le cadre d’une procédure contraignante. Ce qu’on apprend donc, toujours en lisant la même décision du Conseil, couper l’accès Internet d’un citoyen, c’est aussi sérieux que de l’envoyer en prison, et ne peut donc pas se faire dans n’importe quelles conditions. On est maintenant bien loin de la petite loi simpliste, pensée trop vite par des gens qui ne comprennent plus le monde qui les entoure.

De là, bien entendu, les autres conséquences qu’en tire le Conseil dans sa décision, à savoir que la présomption d’innocence est de mise, qu’il faudra des preuves de la matérialité des faits pour condamner, que le juge sera requis, que le mouchard filtrant obligatoire pour pouvoir se disculper n’est pas valable dans ce contexte, bref, tout l’édifice Hadopi s’effondre.

Neutralité du réseau

Un point n’est pas abordé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision, et pourtant il est important pour comprendre là où on va, c’est celui de la nécessité de la neutralité du réseau.

Pour aborder ce sujet-là, il faudrait faire un peu de technique, expliquer avec quelques termes barbares des notions affreuses, comme l’analyse de traffic, l’analyse protocolaire, l’analyse de contenu, l’analyse de comportement, et le tout dans un beau jargon anglais. Pour éviter cela, on va se contenter d’une définition intuitive et pratique : on dit que le réseau est neutre si on sait qu’on peut lui faire confiance pour ne pas altérer le message. C’est le cas par exemple du réseau utilisé pour les discussions orales : quand on parle, de vive voix, en face à face, on sait que l’air qui nous sépare ne modifie pas les propos, que ce qui est dit est vraiment dit. Qu’il vienne se glisser dans la discussion un interprète, et alors, forcément, la question de confiance se pose.

L’intermédiaire, dans cet échange, n’est acceptable que si les deux interlocuteurs lui font une confiance entière et absolue. à tel point que, lorsqu’on n’a pas confiance en l’interprète, chacun vient avec le sien. On dit alors que le réseau est neutre quand il joue le rôle d’un interprète idéal, réussissant à transporter le message sans l’altérer en rien, sans le déformer.

Une autre façon de le dire, c’est de considérer ce qu’est Internet. D’où que je sois sur le réseau, je vois Internet. Si l’Internet que je vois depuis un point A n’est pas le même que l’Internet que je vois depuis un point B, alors, quelque part, quelque chose n’est pas neutre. Par exemple, quand un site est filtré dans un pays, c’est une atteinte à la neutralité du réseau : depuis ce pays-là, le site ne marche pas, et curieusement depuis partout ailleurs il marche bien. Par exemple, quand un site est enrichi : je peux mettre en place, sur le réseau de mon entreprise, un mécanisme qui fait qu’à chaque fois que j’accède à tel site de mon fournisseur habituel, il soit affiché des informations annexes (dernière fois qu’on a commandé tel produit, quantité disponible en stock, etc). Quelqu’un qui viendra se connecter à ce réseau verra un site qui n’est pas le même que celui qu’il voit quand il se connecte depuis chez lui : mon réseau n’est plus neutre, il fausse la communication, il ajoute des informations qui n’existent pas.

La neutralité des réseaux est importante. En fait, autant que le réseau lui même. C’est presque sa définition. Internet n’est que l’accord d’interconnexion, techniquement neutre, entre les réseaux de plus de 40.000 opérateurs sur la planète. Supprimez cette neutralité, et ce n’est plus Internet.

Il ne faut pas se méprendre, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas, jamais, enrichir ou filtrer, simplement, que ce n’est pas le réseau qui doit le faire, et que si un réseau fait ça, ce n’est plus Internet.

Pour reprendre les exemples précédents, le service, fort utile, imaginé sur ce réseau d’entreprise, n’est pas en soi une mauvaise chose. Simplement, ce réseau d’entreprise n’est plus Internet. C’est un réseau d’entreprise, un outil interne, comme le logiciel de comptabilité ou l’outil pour faire les devis.

Il y a donc deux éléments fondamentaux pour définir la neutralité du réseau : le premier est que jamais le réseau lui-même ne doit altérer en rien le contenu, le second est que les altérations sont nécessairement pilotées en périphérie du réseau. Par exemple quand je filtre les mails publicitaires (les spams), c’est moi qui ai la maîtrise de ces filtres, je peux les activer ou les désactiver, selon mon bon vouloir. Et ce point-là est fondamental, c’est moi qui trie le courrier intéressant du courrier inutile, pas le facteur.

Pilier des libertés

La neutralité du réseau n’est pas, en elle-même, une liberté fondamentale. Mais c’est un élément important, parce que sur cette neutralité sont adossées des libertés.

Par exemple la liberté d’expression évoquée par le Conseil Constitutionnel, n’a pas de sens sur un réseau qui ment : comment savoir si le texte que je suis en train d’écrire sera bien reçu, non modifié, par mes lecteurs ? Comment savoir s’il sera modifié, et si oui par qui ? Moi, je vois bien ce texte tel que je l’ai posté. Tant qu’Internet est neutre, et que donc tout le monde voit le même Internet, alors tout le monde voit mon texte tel que je l’ai publié. Sitôt que le réseau n’est plus neutre, je n’ai aucun moyen de savoir ce que voit mon voisin. Donc, sur un réseau non-neutre, je ne peux pas exprimer librement ma pensée, et donc l’exercice pratique et réel de cette liberté est remis en cause.

Par exemple la liberté d’accès à l’information. En effet, tant que le réseau est neutre, chacun peut être confiant dans ce qu’il lit sur le réseau. Non pas que toutes les informations y soient justes (ce serait utopique comme croyance), mais simplement de savoir que l’information qu’on reçoit est bien celle qui a été émise. Si le réseau n’est plus neutre, comment savoir si le texte est bien le fruit de la pensée de son auteur, ou s’il a été ‘‘ caviardé ’’ au passage par les habiles ciseaux de la censure moderne ? Si je ne peux plus avoir confiance dans le réseau de transport, alors je ne peux plus avoir confiance dans l’information qui est dessus. La liberté d’accès à l’information est amputée.

Par exemple, la libre concurrence, qui est une liberté moindre en général (la liberté de choisir son fournisseur, par exemple), peut devenir fort sérieuse sitôt qu’on parle d’accès à l’information (choisir un quotidien par exemple, ce n’est pas tout à fait comme choisir une marque de lessive). En effet, les atteintes à la neutralité du réseau sont souvent le fait d’opérateurs en place, ou de fournisseurs de services bien implantés, utilisant une position de force pour évincer d’éventuels concurrents. Ce mode de fonctionnement n’est pas le modèle habituel d’Internet. En effet, sur un réseau neutre, n’importe quel abonné à Internet peut, de chez lui, proposer n’importe quel service, et peut donc, sans permis, sans moyens financiers particuliers, sans moyens techniques particuliers, innover et mettre en œuvre des idées nouvelles. Sur un réseau non-neutre, ce n’est plus possible. Les modèles économiques qui découlent de ce choix d’un réseau neutre ou non ont, entre autre conséquence, pour effet d’empêcher l’innovation en la réservant aux acteurs en place.

Si la neutralité du réseau n’est pas une liberté en elle-même, elle est nécessaire à pouvoir garantir d’autres libertés, tout comme la séparation et l’équilibre des pouvoirs n’est pas une liberté en elle-même, mais une condition nécessaire.

Modèle économique

L’argument le plus souvent employé par les opposants à la neutralité des réseaux est celui de la congestion. Internet serait trop plein, et, étant rempli, il faudrait rationnaliser l’usage de la bande passante devenue rare. La technique habituelle de rationalisation des ressources rares étant l’économie, on transporterait de manière plus prioritaire les données des plus offrants, et donc on pénaliserait les autres.

Cet argument a pour principale caractéristique d’être faux. Sauf dans sa causalité, en effet le réseau est très régulièrement saturé. Et ce de manière normale et naturelle. En moins de dix ans, la France est passée, par exemple, de zéro à plus de dix-huit millions d’accès permanents à haut débit, générant des usages, et donc de la charge pour le réseau. Dans cette croissance très rapide, bien entendu, il y a des phases de saturation, qui sont résorbées en investissant sur la capacité du réseau.

Il y a deux façons de traiter une saturation du réseau, l’une qui est d’investir sur la capacité du réseau, cet investissement devant être refait très régulièrement, aussi longtemps que les usages continueront de croître à un rythme soutenu, l’autre étant d’investir, très régulièrement aussi, dans des équipements permettant de sélectionner le trafic à faire passer en priorité. Ces deux modèles correspondent à des niveaux d’investissements similaires, simplement pas sur les mêmes technologies.

Porter atteinte à la neutralité du réseau est donc bien, effectivement, un moyen de résoudre une saturation du réseau, tout comme on peut résoudre une pénurie de logements en augmentant les prix des loyers, ou en construisant des logements. Simplement, ce moyen est dangereux, qui porte atteinte, comme on l’a vu, aux libertés. Laisser à des opérateurs privés, à des financiers, le choix de porter atteinte aux libertés individuelles n’est pas une option valable.

Difficultés techniques

Filtrer Internet, puisque c’est bien de cela qu’on parle, pose de grosses difficultés techniques :

  • Que ce soit du filtrage pur (faire disparaître tel contenu), et on se retrouve alors avec des moyens qui fleurissent pour contourner le filtre. Par exemple, tel texte est interdit, il circulera le lendemain sous forme d’une image, ou d’un enregistrement audio.
  • Que ce soit de la priorisation de trafic, et là aussi les moyens de contournement fleuriront. Le trafic web est plus rapide que le trafic de partage de musique chez mon opérateur ? Dans les jours qui suivent, l’application de téléchargement ressemblera à s’y méprendre à du trafic web, pour devenir elle aussi favorisée.

Ce n’est pas nouveau, c’est le principe de l’arme et de l’armure. Plus l’arme est puissante, plus l’armure est solide. Et, en matière de réseau et de numérique en général, la puissance des moyens de contournement des filtres se trouve sur les ordinateurs en périphérie du réseau (basiquement, sur mon bureau). Or il y a beaucoup plus de puissance sur les ordinateurs individuels des utilisateurs que sur la totalité de tous les systèmes de traitement du réseau lui-même. Pour faire un parallèle hasardeux : que les automobilistes décident de ne plus s’arrêter au péage, et, forcément, les barrières de péage seront explosées. Il y a trop de voitures pour les contenir autrement qu’avec la bonne volonté des conducteurs.

Difficulté politique

Par ailleurs, le filtrage décidé par un état, en général sous couvert de nobles objectifs, comme par exemple de museler les terroristes, ou de protéger les enfants, etc. pose une vraie difficulté politique.

Chaque état aura sa propre politique de filtrage, selon ses propres critères, correspondant à sa notion de l’intérêt général. Par exemple, l’Iran et les USA n’ont pas la même vision de ce qu’est un dangereux terroriste mettant en danger la nation. Or le trafic, sur Internet, passe d’un opérateur à l’autre, sans faire vraiment attention aux pays. Si chaque pays a sa propre politique de filtrage, alors le filtrage résultant, pour l’internaute, est la somme des effets de ces politiques sur le chemin suivi par sa communication.

Pour aboutir à un résultat cohérent, il faut donc une cohérence des filtrages. Sans quoi, quand je veux accéder à une information interdite dans le pays A, je m’arrange pour que ma connexion passe plutôt par un pays B qui a d’autres vues, chose qui est techniquement assez simple, et en train de se démocratiser. D’ailleurs, pourquoi ces techniques sont en train de se démocratiser ? Elles ont été mises au point en général pour des usages pointus, par exemple d’accéder aux données clefs de l’entreprise, pour le cadre dirigeant, depuis chez lui, sans risque pour la sécurité de l’entreprise. Elles ont été raffinées pour contourner les filtrages les plus voyants, par exemple pour accéder à de l’information y compris quand on est en Chine. Et elles sont en train de se démocratiser… à cause de la bataille d’Hadopi et des batailles voisines qui ont lieu dans toute l’Europe.

Le premier grand combat

Au final, tout ça nous dit quoi ? Qu’Internet est important, que ce n’est pas un jouet, mais un pilier de la société de demain. Et qu’on ne peut pas en faire n’importe quoi. En particulier, on ne peut pas se permettre de l’abîmer, de le polluer, de le filtrer.

La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle.

Notes

[1] Qui portent, bien entendu, atteinte à la liberté d’aller et venir, qui est elle aussi une liberté fondamentale.




Avez-vous le réflexe OpenStreetMap ?

Francois Schnell - CC byDans la série « les projets pharaoniques (mais sans esclaves) de la culture libre hors logiciels », on cite toujours, et à juste titre, Wikipédia. Mais il se pourrait bien qu’OpenStreetMap vienne rapidement le rejoindre aux yeux du grand public.

Afin d’accélerer le mouvement, adoptons tous « le réflexe OpenStreetMap », qu’il s’agisse de participer directement à son édition ou plus modestement de l’utiliser autant que faire se peut dans nos documents, messages, sites, blogs et autres réseaux sociaux.

Qu’est-ce qu’OpenStreetMap, ou OSM pour les intimes ?

(et je m’adresse ici bien moins aux fidèles lecteurs du Framablog qu’à ceux, bienvenus, qui arrivent un peu par hasard et curiosité, par exemple à partir de Wikio et son « classement » des blogs)

Commençons par ce petit reportage vidéo issu des archives Framatube, et poursuivons en interrogeant encore (et toujours) Wikipédia : « OpenStreetMap est un projet pour créer des cartes libres du monde, en utilisant le système GPS ou d’autres données libres. OpenStreetMap a été fondé en juillet 2004 par Steve Coast au University College de Londres. Les cartes sont disponibles sous les termes de la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0. Par l’utilisation de moyens informatiques basés sur Internet qui permettent l’intervention et la collaboration de tout utilisateur volontaire, le projet OpenStreetMap relève de la géomatique 2.0 et est aussi une contribution à ce qui est appelé la néogéographie. »

Du coup on le surnomme parfois « le Wikipédia de la cartographie » et, licences et affinités obligent, on ne s’étonnera pas de trouver les cartes de l’un dans les articles de l’autre.

Mais vous en saurez beaucoup plus en parcourant l’excellent dossier OpenStreetMap, les routards du web réalisé cet été par Camille Gévaudan pour le non moins excellent site Ecrans.fr (l’année d’avant c’était le tour de Wikipédia mais surtout de la désormais célèbre Saga Ubuntu d’Erwan Cario !).

Non seulement ce dossier nous permet de mieux appréhender le projet dans son extraordinaire dimension collaborative (avec interview de contributeurs à la clé) mais il fournit en prime un mode d’emploi par l’exemple pour ceux qui aimeraient à leur tour participer à dessiner librement le monde. Ce qui, par contagion, est une conclusion presque naturelle de la lecture du dossier (quand bien même on vous prévient qu’il faut être sacrément motivé parce que techniquement parlant les ballades « Je cartographie ma ville pour OpenStreetMap » relèvent parfois du parcours du combattant).

Extraits de l’introduction :

OpenStreetMap, sorte de Wikipédia de la cartographie, est un projet un peu fou qui tente depuis 5 ans de redessiner le monde (…), rue après rue. Sa communauté œuvre d’abord par idéologie. Convaincue que les données géographiques de la planète devraient appartenir au bien commun et non aux agences qui les ont relevées pour les exploiter commercialement.

(…) Et comme toute réutilisation des contenus propriétaires de Google Maps, Yahoo ! Maps et autres Mappy est formellement interdite, l’exercice est un peu sportif… au sens littéral du terme. Ni clavier ni souris : les outils du cartographe 2.0 sont un appareil GPS et une voiture, un vélo ou une bonne paire de baskets. On enregistre son itinéraire en parcourant méthodiquement les rues de sa ville ou les sentiers d’une randonnée locale, avant de transférer les coordonnées sur son ordinateur et de convertir le paquet de chiffres en tracés de routes. La dernière étape consiste à associer aux tracés des informations (nom, type de voie, largeur…) qui leur permettent d’être correctement interprétés et affichés sur la carte interactive.

(…) L’ampleur du travail à fournir et le côté un peu « roots » du projet ne semble pas décourager les participants, dont les contributions sont de plus en plus nombreuses. Quand on s’est toujours figuré les militants du Libre comme des geeks blafards et sédentaires, on ne peut qu’être fortement intrigué…

Alors, à Ecrans.fr, on a eu envie d’essayer aussi. Un GPS en main (…), on se donne comme objectif d’apporter une petite pierre à l’édifice. Disons deux ou trois rues, pour commencer. Lire la suite…

Mais est-ce que ne pas posséder de GPS est éliminatoire pour contribuer ? Que nenni !

Rendez-vous sur le wiki francophone du site officiel où l’on vous expliquera[1] comment vous pouvez cartographier les traces GPS existantes et/ou ajouter des informations (ou tags) aux cartes qui ne demandent que cela (cf cette page et cette aide-mémoire pour avoir une idée de la diversité de la chose). On remarquera qu’il n’y aucune raison de se restreindre aux routes et chemins proprement dits, comme en témoignent ces extensions au projet que sont OpenCycleMap[2] (vélo), OpenPisteMap (ski) ou encore OpenSeaMap (balises maritimes) !

Imaginons maintenant que vous n’ayez ni GPS, ni la patience, la disponibilité, etc. d’enrichir les informations des cartes ? Et bien vous pouvez quand même participer !

En effet, à chaque fois que vous avez besoin d’afficher une carte dynamique sur vos sites, oubliez Google Maps[3] et autres aspirateurs propriétaires à données, et pensez à OpenStreetMap.

Comme la planète entière n’a pas encore été « openstreetmapisée » (une question de temps ?), il se peut fort bien que votre zone géographique soit mal ou non renseignée. Mais dans le cas contraire (comme c’est généralement désormais le cas pour les grandes voire moyennes villes occidentales), ce serait vraiment dommage de s’en priver et ne pas en profiter du même coup pour faire à moindre effort la promotion de ce formidable projet.

Comment procède-t-on concrètement ? C’est très simple. On se rend sur le site d’OpenStreeMap et on parcourt le monde en zoomant jusqu’à tomber sur le lieu qui nous intéresse. Si vous êtes satisfait du résultat (c’est à dire si les dimensions et la qualité de la carte vous conviennent), cliquez alors sur l’onglet Exporter en choisissant le format HTML incorporable. Un code à recopier directement sur votre site Web vous sera alors proposé (notez au passage que l’on peut également exporter en XML, PDF, PNG, etc.).

Voici ce que cela donne ci-dessus pour mon chez moi à moi qui se trouve pile au centre de la carte (que l’on peut aussi consulter en grand sur le site d’OSM bien entendu).

D’ailleurs si vous passez un jour à Rome, n’hésitez pas à me contacter pour qu’on refasse le monde ensemble autour d’un cappuccino !

Autant le refaire plus libre qu’avant du reste, si vous voulez mon humble avis 😉

MapOSMatic - Exemple de La Cantine à ParisMais ça n’est pas fini ! En combinant les données, le très prometteur projet dérivé MapOSMatic vous délivre de véritables cartes « qualité pro » avec un magnifique index coordonné des rues.

Par exemple, si je veux vous donner rendez-vous à La Cantine à Paris pour un « TrucCamp » autour du libre, je peux faire comme précédemment mais je peux également y adjoindre une carte générée par MapOSMatic avec le PDF du plan et de son index (cf photo ci-contre et pièces jointes ci-dessous). Impressionnant non ?! Le tout étant évidemment sous licence libre.

Il faut vraiment être blasé pour ne pas s’enthousiasmer une fois de plus sur la formidable capacité de travail que peuvent fournir bénévolement les gens lorsqu’il sont motivés par une cause qui leur semble noble, juste et source de progrès.

Pour le moment le programme est restreint à la France (à ce que j’en ai compris), pour cause de projet démarré chez nous[4], mais nous n’en sommes qu’au début de l’application qui ne compte certainement pas en rester là.

Voilà, d’une implication forte (mais qui fait faire de belles ballades individuelles ou collectives en mapping party) à une participation plus légère (qui rend service et embellit nos sites Web), prenons tous « l’habitude OSM » et parlons-en autour de nous. Ce n’est pas autrement que nous réussirons là encore un projet de type « ils ne savaient pas c’était impossible alors ils l’ont fait » qu’affectionne tout particulièrement le logiciel libre lorsqu’il part à la rencontre des biens communs.

« La route est longue mais la voie est libre », avons-nous l’habitude de dire à Framasoft. Ce n’est pas, bien au contraire, le projet OpenStreetMap qui nous démentira !

Notes

[1] Dans la mesure où l’édition dans OpenStreetMap n’est pas forcément chose aisée, je me prends à rêver d’un framabook dédié ouvrant plus facilement l’accès au projet. Des volontaires ?

[2] Crédit photo : François Schnell (Creative Commons By)

[3] À propos de Google Maps, quelques questions pour d’éventuels commentaires. Peut-on considérer que les deux projets sont concurrents ? Est-ce que la comparaison est valable et valide ? Est-ce que, à terme, l’un peut librement se substituer à l’autre ?

[4] À propos de MapOSMatic, sachez que l’un des prochains entretiens du Framablog concernera justement ce projet puisque nous partirons à la rencontre de l’un de ses créateurs, le prolifique développeur Thomas Petazzoni.




Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)




Prix Nobel de la paix : libre détournement du discours d’Obama

ChrisAC - CC by-saNul ne l’ignore, Barack Obama a reçu récemment le prix Nobel de la paix 2009, déclenchant au passage une petite polémique quant à la légitimité d’un choix représentant alors bien plus un encouragement à poursuivre une action qu’une récompense couronnant l’ensemble d’une longue et fructueuse carrière.

Certains, parmi les plus critiques, sont même allés jusqu’à affirmer que Barack Obama méritait bien plus le « prix Nobel des discours » que celui de la paix ! Loin de moi l’idée de participer au débat, mais force est de reconnaitre qu’effectivement côté discours, Barack Obama est souvent au dessus de la mêlée. Je garde ainsi encore en mémoire l’exceptionnel discours de Philadelphie (vidéo 1 et 2) sur la question raciale le 18 mars 2008, lorsqu’en pleine campagne il était contesté par la découverte des propos radicaux de son ancien pasteur Jeremiah Wright.

Le discours de remerciement du président américain apprenant qu’on lui avait fait l’honneur du prix Nobel de la paix n’a pas fait exception : sobre, humble et rassembleur.

Soit, mais où veut-il en venir à nous parler d’Obama sur un blog censé nous parler de logiciel libre ?

Point d’impatience, nous y voilà. Il se trouve que le célèbre informaticien Jon « maddog » Hall[1] s’est amusé, ci-dessous, à transposer ce dernier discours au logiciel libre. Et vous constaterez peut-être avec moi que loin d’être anachronique, cette émouvante substitution est porteuse de sens…

Je n’ai jamais gagné le Prix Nobel de la Paix

I never won a Nobel Peace Prize

Jon maddog Hall – 11 octobre 2009 – Linux-Magazine.com
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

C’est à mon réveil, le 9 octobre que j’ai appris que le président Obama avait gagné le Prix Nobel de la Paix.

Les discussions allaient bon train quant au « mérite » du président Obama, on argumentait beaucoup sur le fait que le Prix Nobel de la Paix n’est pas nécessairement décerné comme une récompense pour un accomplissement passé, mais plutôt comme un encouragement à poursuivre les efforts déjà entrepris.

En lisant son discours de remerciement, j’ai joué à un petit jeu en le transposant à mon sujet de prédilection : les logiciels libres et open source.

« Soyons clair, ce prix n’est pas pour moi la reconnaissance de mes mérites propres. »

Beaucoup de personnes m’ont déjà dit « merci pour tout ce que vous faites pour le logiciel libre ». Je leur réponds que je suis juste la bonne personne au bon endroit, au bon moment. J’ai simplement fait fait ce que je pensais qu’il fallait faire, ce pour quoi j’avais les compétences.

Et s’ils veulent voir la personne la plus importante du monde des logiciels libres, je leur dis qu’ils n’ont qu’à regarder dans le miroir… le logiciel libre a besoin de tout le monde… chacun peut apporter sa contribution.

« Des hommes et des femmes qui m’ont inspirés, moi comme le reste du monde. »

Moi aussi j’ai été inspiré par certains des meilleurs ingénieurs informatiques de tous les temps, j’ai même eu la chance de pouvoir rencontrer et discuter avec la plupart d’entre eux. Le contre-amiral Grace Murray Hopper, Maurice Wilkes, Douglas McIlroy, Ken Thompson, Dennis Ritchie… et la liste ne s’arrête pas là.

Ce sont, eux aussi, des héros contemporains… tout comme chaque programmeur sacrifiant sa nuit pour corriger ce vilain bogue dans un logiciel libre. Celui qui traduit la documentation pour permettre à d’autres d’utiliser le programme est un héros. Tout comme celui qui organise une démonstration pour faire découvrir les logiciels libres aux autres et qu’ils puissent eux aussi les partager. Ce sont tous des « héros » pour moi.

« Ce prix reflète le monde que ces hommes et ces femmes, ainsi que tous les américains, veulent bâtir. »

Un monde de collaboration, où les gens bâtissent, en s’appuyant sur les travaux de leurs prédécesseurs… où ils ne « réinventent pas la roue » et où ils ne perdent pas leur temps à contourner les brevets logiciels. La Liberté d’étudier le fonctionnement des programmes et d’essayer de les améliorer.

« Il a aussi servi à donner une nouvelle dynamique à des causes déjà existantes. »

Le président Obama énumère alors une liste de causes, que nous connaissons tous, mais certaines d’entre-elles sont pour moi plus marquantes :

  • accepter nos responsabilités et modifier notre manière de consommer l’énergie
  • le droit à l’éducation et à une vie honorable
  • la crise économique mondiale

Je pense que les logiciels libres peuvent jouer un rôle dans ces domaines et je vais m’employer à les traiter grâce aux logiciels libres.

« Je sais que nous pouvons vaincre ces difficultés, du moment que nous reconnaissons qu’elles ne pourront être vaincues par une seule personne ou par un seul pays. Cette récompense ne couronne pas simplement les efforts de mon administration, elle couronne les efforts courageux de gens partout dans le monde. C’est pourquoi cette récompense revient également à chaque personne œuvrant pour la justice et la dignité. »

Nous ne pourrons affronter les difficultés actuelles sans l’effort de toute la communauté du logiciel libre. Nous ne pouvons évidemment pas régler les problèmes du monde tous seuls, mais le principe de collaboration régissant le logiciel libre se diffuse et sera l’une des clés de ces problèmes.

Peut-être un jour y aura-t-il un « Prix Logiciel Libre de la Paix ».

Carpe Diem !

Notes

[1] Crédit photo : ChrisAC (Creative Commons By-Sa)




Francis Muguet (1954 – 2009)

C’est avec stupeur et consternation que j’ai appris ce week-end l’annonce de la mort de Francis Muguet, que j’avais entendu en conférence pour la dernière fois pas plus tard que l’été dernier à Rennes[1].

Nous suivions de près ses travaux, en particulier autour du Mécénat Global, inspirateur direct du projet SARD.

« Tout en adressant nos plus sincères condoléances à sa famille, nous vous invitons à poursuivre ses actions et à diffuser ses idées, ce qui semble être le meilleur hommage que l’on puisse lui rendre ». (Benoît Sibaud sur Linuxfr)

Pour mémoire, une intervention de Francis Muguet, interviewé l’année dernière par Bernard Perrigueur (pour BJP Tv News – Lausanne) en pleine Bataille Hadopi.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Ceci pose d’ailleurs la question du devenir des données numériques publiques d’une personne venant subitement à décéder (et emportant avec elle tous ses mots de passe). Mais il eut été indélicat que de l’évoquer plus avant ici.




Quand la Fondation Codeplex de Microsoft déchire la communauté

A priori nous devrions tous nous réjouir de voir Microsoft faire un pas significatif vers le logiciel libre avec la toute récente création de la Fondation Codeplex, dont l’objectif affiché dès la page d’accueil du site est de « permettre l’échange de code et une entente entre les éditeurs de logiciels et les communautés open source ».

Sauf que, le diable est dans les détails, l’entente proposée concerne donc explicitement les communautés open source et non la communauté du logiciel libre.

A partir de là, méfiance et vigilance nous dit Richard Stallman[1] dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, en égratignant au passage le mythique Miguel de Icaza[2] (GNOME, Mono…), membre initial de la Fondation, qui en prend pour son grade en étant qualifié « d’apologiste Microsoft ».

Réponse immédiate de l’intéressé (toujours traduite ci-dessous) qui reproche vertement à Stallman de s’attaquer ainsi à ses propres alliés et de se complaire dans la paranoïa Microsoft, pratique pour fédérer ses troupes mais néfaste si l’on souhaite réellement aller de l’avant.

Au delà du conflit personnel qui frise parfois l’outrage, nous sommes face à une énième opposition entre le logiciel libre et l’open source.

L’avantage de l’open source c’est qu’il rend le logiciel libre enfin fréquentable pour des sociétés comme Microsoft qui l’ont longtemps ignoré puis dénigré. L’inconvénient, rappelé en exergue de ce blog, c’est d’aboutir à ce que le logiciel libre ne finisse par ne plus rien libérer d’autre que du code…

Codeplex… Perplexe ?

Lest CodePlex perplex

Richard Stallman – 5 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Eneko Astigarraga - CC by-saLa Codeplex Foundation ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté. En effet, le fait que des employés, ou ex-employés de Microsoft, plus l’apologiste Miguel de Icaza, dominent le comité de direction n’a rien de rassurant. Mais l’habit ne fait pas nécessairement le moine.

Le jour viendra où nous pourrons juger l’organisation pour ses actions (ainsi que sa communication). À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons seulement essayer d’anticiper ses actions, d’après ses déclarations et celles de Microsoft.

On remarque premièrement que l’organisation évite soigneusement de parler de la liberté des utilisateurs, elle emploie le terme « open source » et ne fait pas mention de « logiciel libre ». Ces deux termes définissent deux philosophies qui n’ont pas les mêmes valeurs : le logiciel libre promeut la liberté et la solidarité alors que l’open source s’intéresse uniquement aux aspects pratiques, telle que l’efficience et la fiabilité du logiciel par exemple. Voir Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre pour plus d’informations.

Il est évidemment préférable pour Microsoft d’affronter l’adversité concrète que représente l’open source plutôt que la position éthique que défend le mouvement du logiciel libre. En ne reconnaissant, et en ne critiquant, que l’open source, comme la société le fait depuis si longtemps, Microsoft poursuit deux objectifs : attaquer un concurrent tout en détournant l’attention d’un autre.

Codeplex applique strictement la même tactique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciels commerciaux » de contribuer davantage à l’open source. Comme presque tous les logiciels open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront certainement libres, mais la philosophie « open source » n’enseigne pas aux développeurs à défendre leurs libertés. S’ils ne comprennent pas l’importance de cette liberté, les développeurs seront plus enclins à succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles, ce qui reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage, à accepter la cooptation de brevets et à rendre ainsi les logiciels libres dépendant d’éléments privateurs.

Cette fondation n’est pas le premier projet Microsoft à porter le nom de « Codeplex ». On retrouve aussi codeplex.com, une forge qui ne recense pas parmi les licences autorisées, la troisième version de la GNU GPL. Peut-être est-ce dû au fait que la GNU GPL v3 a été créée pour protéger les logiciels libres de la menace que représentent les brevets Microsoft au travers d’accords comme celui conclu entre Novell et Microsoft. Les intentions de la Codeplex Foundation vis à vis de la GPL v3 nous sont encore inconnues, mais le passif de Microsoft n’incite pas à l’optimisme.

Le terme « éditeurs de logiciels commerciaux » est lui-même ambigu. Par définition, toute entreprise a un but commercial, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu’il soit libre ou privateur, est automatiquement commercial. Mais beaucoup associent faussement « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir Termes prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution)).

Cette confusion est grave, puisqu’elle implique qu’on ne peut pas faire commerce de logiciels libres. De nombreux éditeurs de logiciels contribuent déjà aux logiciels libres, et ces contributions commerciales sont très utiles. Peut-être que Microsoft souhaite ici renforcer cette fausse impossibilité dans l’esprit des gens.

Toutes ces considérations prises en compte, il nous apparait que Codeplex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Il instillera subtilement l’idée que le commerce de logiciel libre ne peut se faire sans l’appui des éditeurs de logiciels privateurs commme Microsoft. Il pourrait aussi, cependant, convaincre certains fabricants de logiciels privateurs de publier plus de logiciels libres. Cette contribution servira-t-elle la liberté des utilisateurs ?

Ça ne pourra être le cas que si le logiciel libéré fonctionne correctement sur des plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c’est à l’opposé de ce que Microsoft cherche à accomplir.

Sam Ramji, maintenant président de Codeplex, annonçait il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d’alors) souhaitait promouvoir le développement d’applications libres qui encourageaient l’usage de Microsoft Windows. Peut-être que Codeplex cherche à corrompre les développeurs de logiciels libres pour qu’ils fassent de Windows leur plateforme principale. Codeplex.com héberge désormais de nombreux projets qui sont des extensions de logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire au Piège Java (voir Libre mais entravé – Le Piège Java).

Mais, même en cas de succès, les implications seraient limitées puisqu’un programme qui ne fonctionne pas (ou mal) dans le Monde Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non-libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter de se retrouver ainsi lésés, nous devons rejeter les systèmes privateurs ainsi que les applications privatrices. Les extensions libres pour des programmes privateurs que l’on trouve sur Codeplex accroissent notre dépendance vis à vis de ces programmes privateurs, l’exact opposé de ce dont nous avons besoin.

Les développeurs de logiciels libres sauront-ils résister à ce travail de sape de nos efforts pour gagner plus de liberté ? C’est là que leur éthique devient cruciale. Les développeurs adeptes de la philosophie « open source », pour laquelle la liberté n’est que secondaire, n’attachent peut-être que peu d’importance à la liberté de l’environnement dans lequel leur logiciel est exécuté. Mais les développeurs se battant pour la liberté, la leur comme celle des autres, peuvent reconnaître le piège et l’éviter. Pour rester libre, la liberté doit être notre but.

Si la Codeplex Foundation souhaite devenir un vrai contributeur de la communauté du logiciel libre, elle ne peut se contenter d’extensions libres pour des paquets non-libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur des plateformes libres basées sur GNU/Linux et d’autres systèmes d’exploitation libres. Si elle essaie de nous leurrer dans une direction opposée, il nous faut absolument nous y refuser.

Mais que les actions de la Codeplex Foundation soient bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent excuser les actes d’agression dont Microsoft s’est rendu coupable envers notre communauté. De sa tentative récente de vendre des brevets à des intermédiaires pour qu’ils fassent le sale boulot contre GNU/Linux, à sa croisade pour la promotion des menottes numériques (DRM), Microsoft n’a de cesse de s’en prendre à nous. Nous serions bien naïfs de le perdre de vue.

Copyright 2009 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Chacun sa vision

World Views

Miguel de Icaza – 5 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Storem - CC by-saApparemment, Richard Stallman n’a rien de mieux à faire que de m’attaquer personnellement. Dans son dernier texte, il s’est trouvé une nouvelle lubie : me traiter d’apologiste de Microsoft car je ne participe pas à sa chasse aux sorcières.

J’ai simplement un point de vue différent du sien au sujet de Microsoft. Certains de ses employés sont des personnes vraiment bien, et je sais qu’ils sont nombreux au sein de l’entreprise à essayer de lui faire prendre une meilleure voie. Cela fait maintenant quelques années que j’en parle sur mon blog.

Au fond, nous voulons tous les deux la même chose : le succès du logiciel libre. Mais Richard, plutôt que d’utiliser son temps pour défendre sa cause, s’en prend à ses propres alliés car ils ne sont pas pareils que lui. À ses yeux, débiter des inepties, telles que Linus « ne croit pas en la Liberté », est tout à fait normal[3].

Tout est une question de point de vue

Il y a de cela quelques années, j’ai eu la chance d’échanger avec Benjamin Zander sur son monde des possibles. Son livre, « L’art des possibilités » m’a profondément marqué.

Benjamin y raconte cette histoire :

Deux vendeurs de chaussures sont envoyés en Afrique au début du XXe siècle en prospection.

Le premier envoie son télégramme : « Situation désespérée. Stop. Personne ne porte de chaussures ».

L’autre envoie : « Opportunité d’affaires. Stop. Ils n’ont pas de chaussures ».

Notre temps sur Terre étant limité, j’ai décidé d’occuper le mien à essayer de faire comme le deuxième vendeur. J’essaie de voir des possibilités quand d’autres ne voient aucun débouché.

J’aime mon boulot pour cette raison précise, parce que je travaille avec des amis qui défient sans cesse les probabilités et parce que nous avons toujours su faire mentir ceux qui nous critiquent. Chacun de mes collègues veut changer le monde et aucun d’entre nous ne se laisse décourager par la peur.

La peur est un frein puissant et empêche trop souvent les gens de proposer des solutions créatives. Je préfère largement travailler à l’élaboration de solutions constructives plutôt que de me plaindre.

La paranoïa est un secteur très actif. C’est la solution de facilité pour ceux qui ne savent pas mener leurs troupes en donnant l’exemple. Créez un bouc émissaire, enrobez votre histoire, mentez, ou propagez des semi-vérités, satanisez, voilà une bonne recette pour fédérer votre base.

La paranoïa de Richard

Le documentaire « Le pouvoir des cauchemars » offre une description passionnante de l’économie de la « sécurité », de ces entreprises qui vendent de la « sureté » aux personnes effrayées, de ces dirigeants qui se servent de la peur des gens pour atteindre leurs buts. La paranoïa de Richard n’est en rien différente.

Richard Stallman fait souvent appelle à des bouc émissaire pour rassembler ses troupes. Parfois il s’en prend à Microsoft, d’autres fois il invente des faits, ou sinon il s’en prend à sa propre communauté[4]. Ses élocutions simplistes n’ont rien à envier à celle de Georges W. Bush : le Bien contre le Mal, Nous contre Eux.

La Codeplex Foundation est née de l’effort de ceux, chez Microsoft, qui croit en l’open source. Ils s’acharnent, au sein de l’entreprise, à la changer. Encourager Codeplex est une formidable opportunité d’encourager Microsoft dans la bonne direction.

Mais Richard n’arrive pas à le comprendre.

Aux yeux de Richard, il n’y a rien de bon à tirer de ce monde. Moi, à l’opposé, j’y vois des possibilités et des opportunités.

Non seulement on a jamais attrapé de mouches avec du vinaigre, mais il y a aussi beaucoup de chaussures à vendre.

Notes

[1] Crédit photo : Eneko Astigarraga (Creative Commons By-Sa)

[2] Crédit photo : Storem (Creative Commons By-Sa)

[3] Votre ami Google vous donnera de nombreux exemples d’attaques contre les défenseurs et développeurs de l’open source / logiciel libre.

[4] Le problème « open source » contre « logiciel libre » qui n’en est pas un et la guerre « Linux » contre « GNU/Linux » débutée dans les années 90 mais qui nous poursuit encore.




Enseigner et apprendre l’informatique sans ordinateur

Computer Science UnpluggedLe Framablog se fait volontiers le relai de ceux qui, comme Jean-Pierre Archambault (de l’EPI), souhaient une présence renforcée et assumée de l’informatique à l’école française.

En témoignent ces trois articles mis en ligne : Ouvrons le débat de l’informatique à l’école, L’informatique doit-elle rester un simple outil à l’école ? et, plus récemment, Fracture et solidarité numériques.

Voilà pour la théorie.

Pour ce qui concerne la pratique, c’est-à-dire ce que pourrait être concrètement aujourd’hui un enseignement et un apprentissage de l’informatique en tant que discipline à part entière, c’est encore chez nous en discussion et en débat.

Mais nul doute que le livre (sous licence Creative Commons By-Nc-Nd) Computer Science Unplugged, que vient de traduire l’équipe Intertices[1] et que nous présente ci-dessous Roberto Di Cosmo, sera en bonne place dans la bibliothèque des ressources de référence.

En tordant le coup au passage à deux idées reçues : on peut s’initier et faire de l’informatique sans ordinateur et ce dès le plus jeune âge[2].

Enseigner et apprendre les sciences informatiques à l’école

URL d’origine du document

Roberto Di Cosmo – 9 octobre 2009 – Interstices

Computer Science UnpluggedLes TIC, Technologies de l’Information et de la Communication, ont pris une telle importance dans la société d’aujourd’hui, que le simple fait de priver un de nos concitoyens d’un accès à Internet reviendrait à en faire un citoyen de deuxième classe : on en a besoin pour communiquer, travailler, échanger avec les administrations publiques et les entreprises privées, vendre, acheter, se divertir, s’informer et informer les autres.

Mais ces technologies en évolution rapide changent aussi profondément notre rapport au monde du travail, aux loisirs et à la sphère politique, au point qu’il devient aujourd’hui indispensable de fournir à tous nos concitoyens les notions fondamentales nécessaires pour se constituer un modèle mental correct de ce qu’est l’informatique.

Il ne suffit plus de savoir se servir d’une souris (ce à quoi peut suffire le Brevet Informatique et Internet) : il faut comprendre et maîtriser la véritable mutation sociétale induite par la dématérialisation de l’information, la mise en réseau des connaissances et l’augmentation massive de la puissance de calcul disponible ; cela exige des capacités de traitement et d’analyse conceptuelle de l’information qui ne se font pas sans une bonne familiarité avec ce que l’on appelle, dans certains cercles, la « pensée informatique » (Computational Thinking en anglais).

Computer Science UnpluggedIl est devenu indispensable d’introduire les sciences informatiques de façon généralisée dans l’enseignement primaire et secondaire : c’est une lourde tâche qui devrait commencer par la reconnaissance de l’importance de la discipline, qui ne se résume pas à l’apprentissage de ses épiphénomènes technologiques, passer par la définition d’un programme d’études et se poursuivre par la formation des maîtres, mais cela demandera du temps, alors que le besoin est pressant.

En tant qu’enseignants et/ou chercheurs en informatique, nombre d’entre nous ressentent la nécessité d’y contribuer sans plus attendre : des collègues néozélandais, Tim Bell, Ian H. Witten et Mike Fellows, ont mis en place il y a quelques années un programme d’enseignement des fondements de l’informatique, Computer Science Unplugged, avec le parti pris de transmettre quelques notions de base de façon ludique, et sans aucun recours à l’ordinateur. Ils ont réussi à montrer comment, si on peut passer des heures à cliquer sur une souris sans rien apprendre d’informatique, on peut aussi apprendre beaucoup d’informatique sans toucher une souris.

Computer Science UnpluggedGrâce aux efforts coordonnés par l’équipe d’Interstices, avec le concours de Anne Berry, Paul Gibson, Isabelle Souveton, et de l’association EPI, ces ressources sont enfin disponibles dans la langue de Molière, pour le plus grand plaisir de tous ceux qui désirent faire partager largement aux jeunes générations leur passion pour cette science magnifique qu’est l’informatique. Jouons à découvrir ensemble la puissance magique de la représentation de l’information, des algorithmes et des langages de programmation.

Mais assez de théorie, c’est le moment de passer à la pratique : téléchargez le document (en PDF, 14 Mo), choisissez votre première activité, et faites-la partager aussi largement que possible !

Notes

[1] Interstices est un site de culture scientifique créé par des chercheurs, lancé à l’initiative de l’INRIA, en partenariat avec le CNRS, les Universités et l’ASTI.

[2] Les trois images proviennent du site Computer Science Unplugged et illustrent le contrôle d’erreurs appelé bit de parité.




LinuxÉdu, le groupe qui fait bouger le Libre éducatif de Toulouse et sa région

Logo LinuxEdu - ToulouseMon petit doigt me dit que cette année le Framablog va moins se lamenter sur la situation du Libre dans l’éducation nationale française que par le passé.

D’abord parce même au sein du ministère, les mentalités évoluent. Mais aussi parce que nous souhaitons être plus constructifs en mettant l’accent sur les nombreuses et positives actions de terrain (sachant que ces dernières ne bénéficient pas forcément de la même attention médiatique qu’un projet comme l’Académie en ligne par exemple).

Ici, on ne se lamente pas mais on agit. Et ces actions sont autant de petits ruisseaux qui convergent lentement mais sûrement vers une grande rivière, rivère qui finira bien par passer un jour sous les fenêtres du ministère !

Et justement, cela tombe bien, parce qu’avec le dynamique projet LinuxÉdu de Toulouse et sa région, on tient une action des plus intéressantes qui ne demande qu’à « faire jurisprudence ».

Il est en effet rare, voire unique, d’afficher ainsi officiellement (sur un site académique) sa volonté de promouvoir le logiciel libre à l’école, de réussir à pénétrer le monde a priori fermé de la formation continue pour proposer des stages aux titres plus qu’explicites (exemple : « Linux et les logiciels libres pour l’éducation »), et d’organiser d’originales rencontres publiques (comme les rendez-vous « BarCamp TICE libres » qui débutent le 7 octobre prochain) en collaboration étroite avec Toulibre, le GULL du coin (il y a même un cinéma local impliqué, la totale quoi !).

Nous nous devions d’en savoir plus, en partant à la rencontre de l’un des ses principaux acteurs.

PS : Si d’autres académies veulent se manifester dans les commentaires pour évoquer leurs propres initiatives en faveur du Libre à l’école, qu’elles n’hésitent surtout pas.

Entretien avec Rémi Boulle

Rémi Boulle, bonjour, une petite présentation personnelle ?

Rémi BoulleBonjour, dans la vraie vie, je suis père de famille.

Dans le monde du libre, je participe au projet OpenOffice.org Éducation, suis membre du CA d’EducOOo (qui développe OOo4kids), participe au groupe éducation de l’APRIL et bien sûr au groupe LinuxEdu de l’académie de Toulouse.

Quelles fonctions exercez-vous au sein de l’Académie de Toulouse ?

Je suis professeur de maths dans un collège de la proche banlieue toulousaine. J’enseigne depuis une dizaine d’année (déjà !). Je suis membre de l’IREM (groupe maths et Internet) et fais aussi de la formation continue (stages LinuxÉdu, tableur au collège, WIMS).

Qu’est-ce que le groupe LinuxÉdu ? (historique, structures, objectifs, effectifs, champ d’activites, etc.)


Vu la montée en puissance du libre dans nos métiers et la nécessité pour un professeur de pouvoir utiliser, modifier, redistribuer des ressources et ne voyant rien venir du côté de l’institution, nous nous sommes dits que c’était à nous de prendre des initiatives et de proposer.

Avec des collègues (Frédéric Bellissent et Yves Dhenain), nous avons donc proposé un premier stage « Linux et les logiciels libres pour l’éducation ». Celui-ci a eu beaucoup de demandes. L’intérêt des personnels pour le libre et pour linux est bien présent. Le libre est, pour les enseignants, une nécessité professionnelle. Depuis, nous avons lancé un stage « niveau 2 ».

Tout cela nous a beaucoup encouragé. Nous avons donc continué de fédérer au plan académique les professionnels de l’éducation utilisateurs du libre et à intensifier nos actions. La liste de diffusion, deux sites Internet, le canal IRC, le micro-blogging… sont d’ailleurs des outils essentiels pour cela.

La structure du groupe LinuxÉdu ? Ce serait davantage une communauté de pratique informelle plutôt du côté du bazar que de la cathédrale. Nous mutualisons nos connaissances, échangeons, partageons… Le groupe au sens large est formé de 150 à 200 personnes. On y trouve majoritairement des professeurs, certains en charge de la gestion du réseau de leur établissement mais aussi des personnels du rectorat, des membres des AIDAT (assistance informatique pour les réseaux pédagogiques), du CRIA (idem mais pour les réseaux administratifs) et aussi des développeurs ou des gérants de SSLL travaillant dans l’éducation.

Est-ce le premier et (pour le moment) unique groupe faisant explicitement la promotion du logiciel libre au sein d’un site académique ?


J’ai l’impression que oui. J’espère me tromper. Pourtant faire progresser les pratiques sur ce plan est relativement simple à faire et vite très efficace…

Je profite de cette interview pour lancer un appel à l’ensemble des personnels de l’éducation afin que, dans leurs académies :

  • ils créent une liste de diffusion type linuxedu@ac-monacademie.fr (contacter le service académique ad hoc).
  • ils fassent une communication la plus large possible de l’existence de cette liste dans le maximum de réseaux professionnels (listes professionnelles, syndicats, listes internes…) afin d’en augmenter l’effectif.

Il est fondamental dans un premier temps de rassembler les enseignants innovants que sont les utilisateurs du libre dans une liste de diffusion académique. Le reste suivra.

Vous avez donc réussi à investir la formation continue des enseignants en proposant des stages originaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Dans notre académie, il n’y avait pas de stages fléchés « ressources libres », « Linux » ou « intéropérabilité ». De nos jours, un Plan Académique de Formation (PAF) sans ce type de contenu ne peut, à mon avis, sembler qu’incomplet. Quid alors des parties « veille technologique et pédagogique », « innovations pédagogiques » sans ce volet ?

Si ce n’était pas à nous de combler ce vide, qui l’aurait fait ?

Il faut savoir qu’en théorie n’importe qui peu proposer des stages de formations. Je veux dire par là que ce n’est pas seulement les gros opérateurs de formations comme les IUFM ou les Inspections. Un personnel peut tout à fait proposer un stage… et voir sa proposition validée. C’est la voie que nous avons suivi.

Lorsque notre proposition de stage est arrivée en commission, je sais qu’elle a été bien accueillie. Le groupe LinuxÉdu s’est constitué au fil de ces formations.

Avez-vous rencontré des résistances internes aussi bien pour ce qui concerne la création de LinuxEdu que pour les propositions de stages ? Mais peut-être que le temps d’une certaine méfiance vis-à-vis du logiciel libre est définitivement révolu ?

Selon Héraclite, les chiens aboient contre les inconnus… face à quelque chose que l’on est incapable de comprendre, l’Homme est plus souvent tenté d’attaquer. Ce fût parfois le cas pour le libre et ce fût le plus souvent cocasse. Ce stade est, je pense, révolu.

Le libre est une solution de qualité professionnelle pour nos établissements scolaires. C’est déjà le cas en entreprise. Au delà du logiciel, la licence libre est tout ce qu’il y a de plus compatible avec les missions d’un professeur. Cela ne semble pas faire de doutes. Reste à vraiment franchir le pas.

Nous travaillons beaucoup avec le Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP) de Midi-Pyrénées. Nous y avons toujours eu un accueil des plus favorables. Ils ont été un partenaire crucial pour les journées TICE libres en 2009.

La Mission aux TICE de notre académie avec qui nous avons de très bons contacts nous a ouvert la liste de diffusion ainsi qu’un hébergement sans difficultés. Elle fait aussi partie de nos partenaires, nous y avons notamment déjà fait une réunion de travail pour notre projet de paquets « linuxedu ».

De quoi s’agit-il ?

Quasiment tous les serveurs des réseaux pédagogiques des établissements sont sous windows, ce n’est pas le cas pour les réseaux administratifs et des serveur web du rectorat qui sont sous Linux.

L’idée est de mettre à disposition des établissements un paquet logiciel pour linux qui automatise l’intégration d’une machine Linux dans le réseau et qui installe aussi toute une sélection de logiciels et ressources pédagogiques.

Ainsi, un élève ou un professeur, qu’il soit sous Linux ou Windows, utilisera le même compte, retrouvera ses propres documents et bénéficiera de la complémentarité des deux univers.

On a tendance à caricaturer le corps enseignant comme un bloc monolithique assez difficile à déplacer. Comment faites-vous pour arriver à convaincre les enseignants de « s’essayer au Libre » ? Abordez-vous le sujet en insistant sur la qualité technique (angle « open source ») ou en mettant plutôt l’accent sur le caractère éthique et social du logiciel libre (angle « free software ») ?


L’accès au code source importe peu à la très grande majorité des enseignants. Ce n’est tout simplement pas notre métier.

L’angle idéal est celui des ressources. Pouvoir récupérer une ressource pédagogique, la modifier, y adjoindre des éléments venant d’ailleurs, la redistribuer à nos élèves, à nos collègues c’est un aspect très important de notre travail. Cela implique d’avoir des formats ouverts, d’utiliser des logiciels librement distribuables, des ressources libres… Le libre est une condition nécessaire d’exercice forte de notre métier. D’ailleurs beaucoup d’enseignants développent des logiciels libres éducatifs.

Le monde propriétaire même s’il a des produits de qualité complique inutilement notre travail, pose des barrières à la transmission des connaissances à nos élèves, à la mutualisation de nos ressources : problèmes de formats qui ne sont pas intéropérables, de logiciels dont la mise à jour n’est pas automatique, dont on impose indirectement l’achat ou la copie illégale à nos élèves, problème de licence des ressources, difficulté d’interagir avec les développeurs… C’est une vision de l’éducation qui contraste quelque peu avec les valeurs de l’école de la République.

Cette découverte s’accompagne-t-elle de réelles migrations chez nos collègues, jusqu’à changer de système d’exploitation ?


On en observe de plus en plus. Dans tous les cas, la curiosité et l’envie sont très vives. Ce BarCamp est aussi destiné à accompagner celles et ceux qui souhaitent migrer.

Quelles sont vos relations avec la très dynamique association TouLibre ?


Excellentes ! Je suis d’ailleurs membre de Toulibre même si je participe plus souvent aux Qjelt. Ils nous ont beaucoup aidé lors de l’organisation de LinuxEdu Pride 2008, des journées TICE libres 2009 ainsi que pour La journée du libre pour l’éducation en partenariat avec les cinémas Utopia. Nous savons que nous pouvons compter sur eux dans le futur.

Le mercredi 7 octobre prochain aura lieu le premier « BarCamp TICE libres » au CRDP Midi-Pyrénées à Toulouse. Pourquoi une telle manifestation et quel en sera le programme ?


L’idée est de permettre aux collègues d’avoir une antenne du libre éducatif à leur disposition, de servir de point relais, de lieu d’innovation technique et pédagogique. Comme nous avons tous des centres d’intérêts variés et que nous voulons tous avancer, l’organisation sous forme de BarCamp s’est imposée.

Selon Wikipédia, Un BarCamp, c’est une rencontre, une non-conférence ouverte qui prend la forme d’ateliers-événements participatifs où le contenu est fourni par les participants qui doivent tous, à un titre ou à un autre, apporter quelque chose au Barcamp.

Tout le monde est invité à participer quelles que soient ses compétences techniques : on peut présenter un logiciel, un exemple d’activité utilisant les TICE, aborder des aspects techniques mais aussi une simple idée…

« BarCamp » c’est pour faire moderne ou bien cela cache une véritable originalité dans l’organisation et le déroulement de l’évènement ?


Un peu les deux j’avoue. J’ai l’impression que les programmes trop définis, trop minutés ont tendance a attirer moins de participants. L’idée de base est que nous avons tous des compétences, des connaissances et que nous souhaitons les donner et en recevoir. Partageons-les !

Outre TouLibre et LinuxÉdu, Toulouse accueille également le président d’Ubuntu-fr (Christophe Sauthier) et la présidente de Wikimedia France (Adrienne Alix). Est-ce un hasard ? Pourquoi Toulouse a-t-elle de telles bonnes dispositions pour le Libre ? Et pourquoi ne pas avoir encore organisé de RMLL ?


Je ne sais pas. Peut-être le confit de canard et le Gaillac ont-ils tendance à libérer ? À vérifier lors des RMLL à Toulouse 😉

Une dernière chose. Est-ce que le service rendu par le réseau Framasoft vous est utile. Et que nous suggéreriez-vous pour l’améliorer ?


Je suis venu au libre par l’approche « free software » et avec l’aide de Framasoft. Surtout continuez !