Ces logicels qui ont les tripes à l’air…

Superbomba - CC by-saDonnons un peu la parole à nos contradicteurs ou tout du moins à ceux qui regardent nos gesticulations avec cynisme et ironie.

François-Xavier Ajavon nous propose en effet dans le Causeur.fr un article débridé et frondeur qui a retenu ce matin mon attention. Il y a à boire et à manger mais certains passages valent stylistiquement le détour.

Le titre annonce la couleur : « Libérons-nous du libre – Le logiciel libre, nouvel opium du peuple 2.0 ? »

Après une courte introduction rappelant que l’informatique aime la mythologie (et dire qu’il a commencé dans son garage) et les grandes messes occultes des gourous (Steve Jobs à l’Apple Expo), on entre dans le vif du sujet. Morceaux choisis et annotés[1].

Il convient d’examiner l’une des dernières expressions de cette religiosité : la mythologie libertaire et « morale » qui entoure les logiciels libres.

Soit. Allons-y…

Selon l’encyclopédie « collaborative » Wikipédia : « Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite libre donne à chacun le droit d’utiliser, d’étudier, de modifier, de dupliquer, de donner et de vendre ledit logiciel sans contrepartie. » Ces logiciels « libres » et gratuits s’opposent aux logiciels dits « propriétaires » ou « privateurs » (dans le jargon de cette mouvance). Non seulement ces applications « libres » sont la plupart du temps absolument gratuites, mais elles ont littéralement les tripes à l’air : n’importe qui peut prendre connaissance de leur structure, de leur fonctionnement, et peut les modifier à loisir…

Ces logiciels qui ont littéralement les tripes à l’air… Excellente formule pour caractériser le code source ouvert des logiciels libres, j’en fais mon titre, tiens !

On notera par ailleurs la présence continue des « guillemets » qui distillent le doute.

On dirait ces définitions forgées pour notre modernité, dont l’un des moteurs est la perpétuelle apologie de la « liberté », de la « transparence », de « l’interaction », du « collectif », de la « gratuité », etc.

Il faudrait préciser car pour le coup cela mériterait un vrai débat. Mais passons aux intall-party…

J’apprends dans la presse que de mystérieuses « Install Party » sont presque sur le point de se substituer aux offices catholiques dominicaux (…) Qu’est-ce qu’une « Install Party » ? Un événement festif, se déroulant souvent dans une « salle polyvalente » municipale, durant lequel des militants associatifs du « libre” sont à la disposition des quidams voulant transformer leurs ordinateurs « infidèles » et asservis aux logiciels commerciaux, en ordinateurs « libérés » et modernes (…) Ce genre de réunions Tuperware du « logiciel libre » a lieu un peu partout en France, pour “convertir » vertueusement nos vieux PC poussifs, victimes d’une triste addiction aux logiciels commerciaux, en bêtes de course, équipés de pied en cap en applications libres, détachées de tout « marché »… le tout sous le patronage symbolique d’un nom emprunté à une culture sub-saharienne du tiers-monde. C’est dire…

Le nom emprunté à la culture sub-saharienne du tiers-monde, vous aurez reconnu… Ubuntu ! Quant aux install-party, réunions Tuperware du logiciel libre, y’a pas à dire il a le sens de la formule ! Et Stallman alors il n’en prend pas pour son grade ? Patience, nous y sommes…

Bref, le « logiciel libre », c’est l’attirail de camping complet : valeurs, philosophie, convictions politiques, fatras new-âge… Stallman, en visite à Montbéliard : « Un programme libre est démocratique. C’est la somme des contributions individuelles de ceux qui l’ont utilisé et transformé. Par contre, un programme privateur de liberté est la dictature de celui qui l’a développé. Un instrument pour imposer son pouvoir aux utilisateurs. » Démocratie versus dictature, rien que ça… fantasme d’un univers « non marchand » – à venir – contre l’atroce marché libéral des flux économiques et des échanges commerciaux , no logo et tutti quanti. Il n’y va pas avec le dos de la cuiller, le gourou open space.

Le gourou open space… Et pourquoi pas le gourou d’secours d’un monde en péril tant qu’on y est 😉

C’est que, pour ce militant des droits de l’Homme, la question dépasse largement le cadre de l’informatique. Elle soulève aussi des questions éthiques et politiques. On imagine que les dirigeants mondiaux ainsi taclés ne s’en sont pas remis. « Le logiciel propriétaire est immoral et ne doit pas exister… », dit-il encore, pas à court d’une sottise. Le monde tremble sur ses bases.

Je ne sais pas si le monde tremble sur ses bases mais l’industrie informatique et culturelle commence à se poser des questions oui (cf loi DADVSI, Hadopi, Paquet Télécoms, etc.).

Bref, le « logiciel libre » est en pointe dans le combat contre le grand méchant loup libéral, symbolisé par l’infâme Bill Gates qui se nourrit chaque matin de dix enfants innocents, et de deux vierges cuites à l’étouffée.

Sans oublier quatre chatons écrasés. Et pour conclure…

Combat pour la morale comme l’expliquait le 1er décembre Le Monde de l’Education : « Au delà de la question économique, les motivations sont aussi d’ordre philosophique ou éthique : selon Jean-Pierre Archambault, chargé de mission au CNDP : « les valeurs de partage et d’indépendance véhiculées par le logiciel libre sont fondamentalement en phase avec les missions de l’école et la culture enseignante ». » On frissonne en imaginant cette « culture enseignante » qui s’oppose à l’Ancien régime de la France moisie… du « privé », des pratiques de consommation individualistes (aller à la Fnac et acheter un logiciel aliéné, créé par des ingénieurs esclaves de leur entreprise…), du repli sur soi, de l’indifférence à autrui, du cynisme, et même d’une forme de proto-fascisme doux… le monde de ceux qui se plient à la vie telle qu’elle est, et non telle qu’elle « devrait » être.

Au final une drôle d’impression parce qu’il y a caricature et douce moquerie sans criantes contre-vérités. Je ne suis même pas sûr que cet article fasse réellement du tort au logiciel libre.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Superbomba (Creative Commons By-Sa)




Framalang ou le prolifique travail de traduction du réseau Framasoft

Orvalrochefort - CC bySuite et bientôt fin des billets anticipant la très prochaine campagne de soutien.

Le réseau Framasoft possède en son sein depuis octobre 2006 une équipe très précieuse dont le nom de code est Framalang, merci à Harrypopof au passage pour le joli logo sous licence Art Libre (cf ci-dessous). Il s’agit d’une trentaine de bénévoles qui participent à des travaux de traduction, principalement de l’anglais vers le français (mais nous avons également créé il y a peu une petite entité s’occupant de l’espagnol)[1].

Cela avait commencé en mars 2005 par la compilation de logiciels libres TheOpenCD réalisée à même notre forum Framagora et qui avait connu à l’époque son petit succès avec de très nombreux téléchargements, un magazine spécialement dédié et des ventes conséquentes chez Ikarios.

Depuis, et suite à un appel sur le blog, nous nous sommes donc regroupés, structurés et organisés sous la bannière Framalang autour d’une liste de discussion et d’un wiki dédié. Les membres exercent une veille sur le libre anglophone, puis l’un propose et d’autres disposent, c’est-à-dire traduisent, relisent et valident.

La richesse de ce groupe tient non seulement à ses compétences, son écoute, sa capacité d’organisation collective et son goût du travail bien fait, mais également à l’atmosphère conviviale qui y règne et que rien ne vient perturber, pas même le trop plein de travail proposé !

En effet, et pour être tout à fait sincères, nous n’arrivons pas forcément à tout mener à bien et certains projets ont un accouchement lent et difficile. Si nous réussissons à nous dôter de la présence d’un ou deux permanents via la campagne de soutien, c’est là encore quelque chose que nous pourrions améliorer.

J’ajoute que sur la trentaine de membres tous ne sont pas actifs et donc les candidatures restent plus que jamais ouvertes (pour cela s’inscrire directement à partir de cette page).

Il n’en demeure pas moins que ce qui a été déjà réalisé par le groupe est impressionnant aussi bien quantitativement que qualitativement. Présentation et exemples.

Les articles

La traduction d’articles qui sont mis en ligne sur ce blog constitue la majeure partie du travail. Avec le temps nous nous retrouvons ainsi avec une belle petite collection (une bonne cinquantaine pour être plus précis). Certains collent à l’actualité mais d’autres sont prétextes à débats et réflexions de fond.

Petit florilège subjectif et non exhaustif (permettant au passage aux nouveaux lecteurs du Framablog de découvrir qui sait quelques articles intéressants dont la plupart n’ont pas pris une ride) :

Le sous-titrage

Un sous-groupe Framalang est spécialement concentré sur le sous-titrage de vidéo. C’est un travail minutieux et de longue haleine car il faut retranscrire en anglais, puis traduire, minuter et intégrer le tout à la vidéo (dont on propose systématiquement le téléchargement dans un format ouvert).

La réalisation dont nous sommes le plus fiers est l’excellente conférence Software and Community in the Early 21st Century d’Eben Moglen que nous conseillons à tous de voir et faire voir.

Les « grands travaux »

Framalang est également à l’initiative de travaux plus ambitieux, à savoir la traduction de rapports ou de livres entiers. C’est un peu l’épreuve du feu pour nous car il n’est pas toujours facile de gérer et donner une cohérence à des réalisations de cette envergure effectuées collaborativement à plusieurs mains.

Toujours est-il que c’est ainsi que nous avons édité notre framabook numéro 4 Changer pour OpenOffice.org, à l’origine créé par le site OOoAuthors qui avait eu la bonne idée de placer le livre sous licence libre.

Le fameux rapport Becta Microsoft Vista et Office 2007 à l’école est également issu de la cuisse de Framalang. Et de nombreux autres projets sont en cours comme par exemple une biographie de Richard Stallman actuellement en phase de relecture.

Merci

Voilà. Je tenais par la présente à mettre un peu en lumière le travail de ce groupe et à lui un rendre hommage mérité car il participe de beaucoup à bonifier non seulement ce blog mais l’ensemble du réseau.

Deep in my heart, thank you 😉

Mascotte Framalang - Harrypopof - Art Libre

Notes

[1] Crédit photo : Orvalrochefort (Creative Commons By)




Une dépêche AFP qui fait plaisir à lire

Strocchi - CC by-saElle vient de tomber sur mon téléscripteur et a pour titre « Les logiciels libres à la conquête du grand public » que l’on peut consulter par exemple sur Google Actualités.

Ubuntu, install-party, Linux comme alternative à Windows, vente liée… pas mal de problématiques sont évoquées. Bref un joli coup de projecteur national qui permet là encore de mesurer le chemin parcouru[1].

Notes

[1] Crédit photo : Strocchi (Creative Commons By-Sa)




USA – Obama – 3 principes pour assurer un gouvernement ouvert

Matthias Winkelmann - CC byDésolé d’en remettre une couche sur Barack Obama et son site de transition Change.gov mais il se passe décidément des choses bien intéressantes actuellement du côté des États-Unis.

Comment en effet ne pas mettre en lumière cette initiative (sous forme de lettre ouverte) qui propose trois principes clairs et plein de bon sens non seulement en direction de cette transition mais également pour le futur gouvernement.

Ne pas mettre de barrières juridiques et technologiques au partage dans un environnement qui garantit la libre concurrence (aussi bien entre les entreprises privées qu’entre le privé et le public), tels sont résumés ces trois principes qui valent pour le prochain gouvernement américain mais peut-être aussi pour d’autres pays ![1]

On en profite pour tacler au passage YouTube (qui l’a bien mérité).

Vous trouverez sur le site d’origine la liste des premiers signataires et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on y retrouve du beau monde : Mozilla, Cory Doctorow, Dan Gillmor, Internet Archive, Xiph.Org, Mitch Kapor, Tim O’Reilly, Jimmy Wales, etc.

Sans oublier Lawrence Lessig que je soupçonne d’être directement à l’initiative de la chose ne serait-ce que parce que c’est lui qui intervient dans l’allocution audio qui est également proposée sur le site (allocution qui a été placée sur blip.tv mais est aussi disponible en téléchargement direct et au format ouvert ogg theora, histoire d’être en parfaite cohérence avec les principes exposées).

Nombreux sont ceux qui prétendent que le gouvernement américain a eu souvent tendance à donner le mauvais exemple ces dernières années. Pour ce qui concerne les libertés numériques il se pourrait bien que dans un futur proche le mouvement s’inverse, surtout si ces principes se trouvent réellement mis en œuvre et respectés.

Principes pour une transition ouverte

Principles for an Open Transition

Collectif d’auteurs – 2 décembre 2008 – Open-Government.us
(Traduction Framalang : Eric Moreau)

Le futur Président, Barack Obama, s’est clairement engagé à changer la façon dont le gouvernement interagit avec le Peuple. Sa campagne a été une démonstration de la valeur d’un tel changement, et offert un aperçu de son potentiel. Son équipe de transition vient de franchir un pas décisif en rendant ce travail de transition légalement ouvert au partage, apportant ainsi la preuve que les valeurs qu’a prônées Obama sont celles qui guideront son administration.

Afin de soutenir plus avant cet engagement en faveur du changement et favoriser sa mise en œuvre, nous proposons tois « principes pour une transition ouverte » destinés à orienter cette équipe de transition dans l’usage qu’elle fera d’Internet pour produire ce qui se fera de mieux en matière de gouvernement ouvert.

1. Pas d’obstacles légaux au partage

Le contenu mis publiquement à disposition au cours de cette transition, telles que les vidéos du futur Président Obama, ou les projets politiques publiés sur le site Change.gov, devrait être placé sous licence libre de sorte que les citoyens puissent le partager, en citer des extraits, le retravailler ou encore le redistribuer sans être freiné par la complexité inutile qu’impose la loi.

Le sénateur McCain et le futur Président Obama se sont tous les deux prononcés en faveur de ce principe pour ce qui concernait les droits de diffusion du débat présidentiel. Ce même principe devrait être appliqué à la transition.

Le site Change.gov respecte à présent ce principe. Le contenu présent sur ce site est placé par défaut sous une licence Creative Commons Paternité, laquelle en autorise l’usage, à but commercial ou non, tant que la source du document est citée. Cette liberté est cohérente avec les valeurs promises par la nouvelle administration. L’application de droits d’auteurs restrictifs est parfois nécessaire pour créer une créativité productrice de valeur, mais dans le cas de discours politiques et de débats publics, celle-ci ne serait qu’un obstacle réglementaire superflu.

L’engagement de l’équipe de transition en faveur de ce principe est d’une importance capitale, et l’attention qu’elle porte à cette question, aussi rapidement, malgré d’innombrables problèmes urgents, est fort louable.

2. Pas d’obstacles technologiques au partage

Une liberté de partager et de modifier le contenu qui ne serait que juridique peut néanmoins être entravée par des limitations techniques. Le contenu mis à la disposition de tous devrait aussi être librement accessible, et non contraint par des obstacles technologiques. Les citoyens doivent être en mesure de télécharger du contenu en rapport avec cette transition de sorte qu’il soit aisé de le partager, d’en citer des extraits, de le modifier ou de le redistribuer. Il s’agit là d’une liberté numérique essentielle.

Par exemple, quand bien même ce contenu pourrait être mis en ligne sur un site donné tel que YouTube, ce dernier n’autorisant pas le téléchargement des vidéos présentes sur son site, le contenu créé par l’équipe de transition devrait être également mis à disposition sur un site qui lui le permet. Il serait par ailleurs inacceptable que les sites du gouvernement empêchent les copier/coller de texte mis à la disposition du public ; de la même façon, mettre en ligne des vidéos à l’aide d’un procédé ne permettant pas d’en extraire et d’en réutiliser des passages facilement et légalement en empêche l’accès et interdit la participation.

Nous encourageons donc fortement l’équipe de transition à faire en sorte que le matériau qu’elle a placé sous licence libre soit en outre librement accessible. Il existe un grand nombre de services, tel que blip.tv, qui en plus de permettre aux utilisateurs de télécharger librement du contenu sous licence libre indiquent clairement les libertés associées au contenu proposé. Quelle que soit la façon dont l’équipe de transition choisira de distribuer le contenu qu’elle créera, elle devrait s’assurer qu’un moins un canal de diffusion respecte cette liberté numérique essentielle.

3. La libre concurrence

Les gouvernements doivent rester neutres sur le marché des idées. Le contenu créé par l’équipe de transition devrait ainsi ne pas être publié de manière à avantager de façon déloyale une entité commerciale par rapport à une autre, ou des entités commerciales par rapport à des entités non commerciales.

Par exemple, si la vidéo d’une conférences de presse est fournie en temps réel à des chaînes de télévision, elle devrait mise à disposition sur le Web en simultané sous un format standard et universel permettant le téléchargament et le partage. La décision de l’équipe de transition de rendre les vidéos de conférences de presse sur son site est un pas dans la bonne direction. Enfin, pour s’assurer que les nouveaux médias puissent faire jeu égal avec les médias traditionnels dans le traitement des nouvelles à chaud, il serait souhaitable de diffuser en temps réel sur le site Web conférences de presse et autres évènements médiatiques en direct.

De la même façon, si l’équipe de transition choisit de mettre à disposition une vidéo sur YouTube, diffuser la même vidéo dans un format standard et universel permettra aux autres sites de vidéo de publier eux aussi ce contenu.

Dans l’idéal, ce format devrait être un format ouvert, non propriétaire. Mais le contenu étant placé sous licence libre (cf. Principe n°1), et l’accès libre à ce contenu étant garanti (Principe n°2), la conversion dans un autre format ne sera pas interdite. L’équipe de transition ne favorisera donc pas une plateforme à l’exclusion des autres.

Au cours de la campagne, nous avons tous été galvanisés par l’engagement du futur Président en faveur d’un gouvernement ouvert, idéaux qui ont en partie poussé une génération à l’action. Son équipe de transition vient de faire un pas important pour concrétiser cet engagement.

Ce pas en avant mérite des éloges sincères. Sans vouloir minimiser son importance, nous proposons cependant dans ce texte ces principes supplémentaires comme une manière concrète de rendre tangibles les valeurs que le Président désigné a défendu avec tant de verve. Nous sommes convaincus que ces valeurs devraient servir de guide pour toute son entreprise de transition, ainsi qu’au nouveau gouvernement. Nous sommes aussi convaincus qu’elles sont cohérentes avec les idéaux que le futur Président a placés au cœur de sa campagne.

Notes

[1] Crédit photo : Matthias Winkelmann (Creative Commons By)




Le site Change.gov d’Obama embrasse la licence Creative Commons By

Joshua Davis - CC by-saEn attendant l’investiture et dans la continuité de sa campagne, Barack Obama et son équipe ont mis en place le site Change.gov au lendemain des élections.

Réseau social, discussion citoyenne, démocratie participative… appelez-cela comme vous voulez mais toujours est-il que les internautes américains sont donc invités à donner leur avis sur leur pays et le prochain mandat. Et ça marche plutôt bien car le nombre d’interventions (et d’interventions argumentées) y est impressionnant. Il faut dire aussi que le site est extrêmement bien réalisé : messages, votes, multimédias et fils RSS à tous les étages.

Un exemple « au hasard » dans la rubrique Ideas for Change in America : Support the Free Software Movement 😉

Bonne nouvelle : le site vient de passer hier sous licence Creative Commons By, licence qualifiée par Larry Lessig lui-même de « la plus libre des licences Creative Commons » (the freest CC license).

Il est à noter que tout ce qui émane d’une agence gouvernementale US est d’ordinaire placé automatiquement dans le domaine public. Sauf qu’ici on ne se retrouve pas exactement dans ce cas de figure puisqu’il s’agit d’un site de transition avant prises de fonction. Et puis surtout la licence s’applique également à tous les contributeurs citoyens du site : Visitors to this website agree to grant a non-exclusive, irrevocable, royalty-free license to the rest of the world for their submissions to Change.gov under the Creative Commons Attribution 3.0 License.

Ajoutons à cela que l’identification d’inscription au site se fait via OpenID. Et rappelons que tous les photographies du staff de campagne du candidat Obama[1] étaient placées elles aussi, via Flickr, sous Creative Commons (la By-Nc-Sa)[2].

Ce ne sont que des petits détails eu égard à ce qui attend le prochain président mais ils témoignent d’une connaissance et d’une sensibilisation si ce n’est à la « culture libre » tout du moins à une certaine approche des libertés numériques publiques qui se trouvent être ainsi communiquées à tous les citoyens qui participent au site.

Et pendant ce temps-là de l’autre côté de l’Atlantique…

Notes

[1] Crédit photo : Joshua Davis (Creative Commons By-Sa)

[2] Signalons par ailleurs une récente et intéressante proposition de Tim O’Reilly qui, dans un article intitulé Put change.gov Under Revision Control! critique le fait que le site Change.gov ait récemment modifié son contenu sans que les internautes aient eu la possibilité de voir les changements effectués. S’inspirant du logiciel (et de l’historique des pages de Wikipédia) il propose que le site se dôte d’un système de gestion de versions pour que tout un chacun puisse localiser les changements et accèder aux versions antérieures du contenu ainsi modifié.




Un logiciel libre peut-il se passer d’un dictateur bienveillant à vie ?

Hoyasmeg - CC byLe développement d’un logiciel libre est paradoxal. En théorie, et c’est même ce qui le fonde, il est ouvert à tout le monde mais en pratique son efficacité tire très souvent profit d’une structure qui voit une personne, presque toujours le créateur initial, se dégager de la multitude pour exercer, ce que l’on qualifie faut de mieux, une « dictature bienveillante ».

La « dictature »[1] c’est le fait de choisir seul la ligne directrice du projet en assumant les décisions (prises en concertation mais généralement sans réel processus démocratique). La « bienveillance », c’est la capacité du « dictateur » à écouter et l’attitude par laquelle il manifeste la considération qu’il éprouve envers les contributeurs.

C’est le sujet de la traduction du jour qui penche très clairement en faveur de cette étrange méritocratie qui va à l’encontre d’une organisation plus collective que l’auteur nomme ici « comité ». Avec, quoiqu’il arrive, une question en suspens : et si le « dictateur à vie » venait à ne plus pouvoir travailler sur son projet, ce dernier saurait-il véritablement lui survivre ?

NB : Il est à noter que si l’on accepte de voir le réseau Framasoft dans son ensemble comme une sorte de « gros logiciel libre en développement » alors nous n’échappons pas au débat. Le rôle de dictateur bienveillant, si dictature il y a, étant alors joué conjointement par Pierre-Yves Gosset et moi-même.

Les dictateurs dans les logiciels libres et open source

Dictators in free and open source software

Tony Mobily – 22 juillet 2008 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Olivier et Penguin )

Certaines personnes remettent en cause l’idée que la plupart (voire la totalité) des projets de logiciels libres ne peuvent pas se passer d’un dictateur bienveillant, c’est à dire une personne qui a le dernier mot sur toutes les décisions prises. Ils pointent facilement les « erreurs » passées de Linus Torvalds (notez les guillemets) : l’utilisation de BitKeeper pour gérer le noyau, l’interdiction de greffons, etc. En tant que développeur logiciel, je pense qu’un dictateur est absolument nécessaire dans un projet de logiciel libre. Voici pourquoi.

Respect gagné par le DBAV

La première raison est aussi certainement la plus importante : le respect. Le dictateur bienveillant à vie (on le nommera DBAV à partir de maintenant) doit prendre des décisions, et même beaucoup de décisions, et en même temps il doit conserver le respect de ses pairs. Les décisions ne sont pas toujours populaires, et elles ne sont pas non plus toujours justes (particulièrement aux yeux des autres). Cependant, le DBAV doit faire preuve de charisme, aussi bien sur le plan technique que relationnel, pour conserver le respect du reste de l’équipe. Personne ne songerait jamais à initier un fork de Linux, car peu de développeurs abandonneraient Linus au profit de la personne à l’origine de la fourche. C’est vrai pour la plupart des projets et c’est pourquoi les forks sont rares. Il faut reconnaître cependant qu’il arrive que le DBAV réussisse à se mettre toute l’équipe de développement à dos, et que quelqu’un finisse par créer une fork en entraînant la majeure partie des développeurs avec lui. Un nouveau projet avec un nouveau nom se crée en s’appuyant sur le code source existant et l’ancien projet disparaît après quelques temps. C’est une bonne chose : le DBAV est en place tant que le peuple le souhaite. C’est une dictature, mais une dictature étrange puisqu’à tout moment les citoyens peuvent s’en aller créer un nouvel état ou en rejoindre un autre.

Connaissance

Le DBAV connaît le projet de A à Z. Il ou elle est à même de savoir si une décision détruira les fondations du projet, et saura également résoudre un problème en conservant la solidité de la structure. Drigg (un projet populaire que je maintiens) m’en apporte la preuve presque chaque semaine : je me rends compte que ma très bonne connaissance du projet le protège des mauvais patchs (NdT : correctifs) et des mauvaises demandes de fonctionnalités. Un DBAV est crucial et il ou elle doit être la personne qui prend les décisions. Dans un logiciel commercial, un manager moyen (qui ne sait pas coder) arrivera parfois à imposer une fonctionnalité ou une modification qui détruira inévitablement la structure du logiciel. Cela m’est aussi arrivé et je pense que c’est arrivé à presque toutes les personnes travaillant sur des logiciels clients propriétaires.

Rapidité

Tout se passe souvent très vite dans le développement de logiciels libres. Parfois les décisions sur la conception et la technique doivent être prises presque dans l’instant. Même si le DBAV peut demander leur avis aux autres membres, c’est à lui ou à elle que revient la décision finale. Il existe une expression anglaise qui dit « A Camel is a horse designed by committee » (NdT : « Un chameau est un cheval créé par un comité » pour dire que les décisions prises collectivement ne sont jamais optimales), je la trouve légèrement exagérée, tout dépend évidemment du comité en question, mais c’est en général vrai et c’est bien dommage. Des décisions doivent être prises, et parfois quand on suit la liste de discussion d’un projet, on souhaiterait vraiment que quelqu’un mette fin aux argumentations qui parfois s’éternisent et dise « ok, ça suffit, on va faire les choses comme ça ».

Charge de travail

Soumettre des idées pour de nouvelles fonctionnalités est un droit fondamental (par contre les exiger ne l’est pas). Les membres de l’équipe peuvent débattre de ces demandes de fonctionnalités et de leur implémentation. Cependant, le code fait la loi. Si un utilisateur propose quelque chose qui trouve écho chez une développeur, les discussions peuvent tirer en longueur, mais à un moment « quelque chose doit être codé si vous voulez qu’il se passe quelque chose ». En proposant un patch un membre de l’équipe gagnera du respect et de la crédibilité, à condition bien entendu que le correctif ne détruise pas la structure du projet. Cela signifie donc que les membres qui veulent contribuer prendront en charge ce qui leur tient vraiment à cœur et ils devront coder ces éléments de manière à ce que le DBAV ne les rejettent pas. Cela est bénéfique à la fois pour le code et pour la motivation des gens. Le code créé par les autres membres de l’équipe doit être bon. Ce qui nous amène au point suivant…

Envoyer de bons correctifs

Si un développeur sait que son patch sera inspecté par une personne ayant une connaissance poussée du projet, et que cette personne cherchera la petite bête, il mettra plus d’application dans l’élaboration de son correctif. Si ce n’est pas un DBAV mais un comité démocratique qui décide du sort des contributions, alors souvent de mauvais correctifs seront intégrés au code, des correctifs qui seront susceptibles de mettre à mal la structure du projet ou qui auront des effets secondaires obscures et difficiles à corriger. Ceci peut aussi se produire si le DBAV se comporte comme un père de famille confiant et aimant plutôt que comme un vrai DBAV. Oui, il m’est déjà arrivé d’accepter des correctifs trop rapidement, et je me suis retrouvé dans cette situation.

Maintenir la politique à l’écart du projet

Créer un comité c’est ouvrir la porte à la politique. L’équation suivante est souvent vraie : « Politique + Projet technique = Catastrophe ». Si un comité prend toutes les décisions, une partie des membres du comité pourrait finir par s’allier afin de faire passer des décisions pour des raisons autres que techniques (comprendre ici : renvoyer l’ascenseur, demander une faveur, etc.). Le DBAV peut aussi prendre des décisions politiques, mais ce ne seront toujours que les décisions politiques d’une personne, le DBAV lui-même, qui saura qu’une mauvaise décision sur le plan technique sera très préjudiciable au développement du projet.

Pour conclure…

Je ne suis pas spécialement fan des comités. Je pense qu’une méritocratie avec un DBAV fonctionne beaucoup mieux et réalise les choses beaucoup plus rapidement. Durant ma courte expérience de chef de projet de logiciel libre (presque un an), j’ai fait face, à une échelle plus modeste bien sûr, aux mêmes problèmes que rencontrent tous les jours beaucoup de développeurs de logiciels libres. Si vous n’êtes pas d’accord avec mes idées, vous pouvez créer un fork à partir d’un projet et mettre sa gestion dans les mains d’un comité. Mais vous avez de bonne chance d’accoucher d’un chameau plutôt que d’un cheval.

Vous êtes libre de me prouver que j’ai tort.

Notes

[1] Crédit photo : Hoyasmeg (Creative Commons By)




Les 46 meilleurs logiciels libres et/ou gratuits ?

Guillermo Esteves - CC byHier, c’était Thanksgiving aux USA. Et « ce jour-là, on remercie Dieu par des prières et des réjouissances pour les bonheurs que l’on a pu recevoir pendant l’année » (source Wikipédia).

Et si l’on détournait la chose pour se demander pour quel(s) logiciel(s) nous sommes le plus reconnaissant en le(s) remerciant de ce qu’il(s) nous apporte(nt) pendant toute l’année ? C’est cette idée qu’a eu Lifehacker, l’un des blogs références outre-atlantique pour tout ce qui tourne autour du logiciel.

Et comme c’est une référence, il est fort fréquenté et cela a donné… près de 800 réponses ! Réponses que l’on peut supposer signifiantes si l’on se hasarde à penser que le public de ce blog est lui aussi un peu spécialiste[1].

La question exacte était : « What Free Software are You Most Grateful For? », ce qui (au grand dam de Richard Stallman) aboutit à une liste qui mélange les free software libres et les free software gratuits, autrement appelés freewares ou gratuiciels.

Voici en tout cas ci-dessous la fameuse liste dont je me suis permis, contrairement à Lifehacker, de mettre en exergue les logiciels libres (accompagnés parfois de quelques liens bien sentis du réseau Framasoft) histoire de bien faire la distinction.

Pour ce qui me concerne elle m’aura permis de renouer un peu le contact avec certains free softwares non libres que j’avais perdu de vue depuis un certain temps déjà…

Quelques petites remarques à la va-vite :

  • Près de la moitié des logiciels de la liste sont libres
  • Les 6 premiers sont libres
  • Firefox est le grand gagnant puisque quasiment cité dans 50 % des cas (voir le camembert sur le site d’origine)
  • Le trio Firefox + VLC + Ubuntu approchent les 75% de citations
  • Pas beaucoup de nouveaux logiciels a priori (mais je ne les connais pas tous), certains sont là depuis un bail et se bonifient avec le temps
  • Pas mal de produits Google (Gmail, Picasa, Apps, Docs, Calendar) sans concurrence libre sur le terrain qu’ils occupent à savoir l’informatique dans les nuages
  • Un peu plus de logiciels pour Mac que pour un échantillon lambda
  • C’en est fini des eMule et autres Bittorrent
  • Ubuntu est largement devant Linux et sans autre distributions citée (cette remarque est hautement trolliphère)

The Lifehacker List

1. Firefox (FramasoftFramakey)
2. VLC Media Player (FramasoftFramakey)
3. Ubuntu (FramasoftFramabook)
4. OpenOffice.org (FramasoftFramakeyFramabook)
5. Pidgin (FramasoftFramakey)
6. Launchy (Framasoft)
7. Digsby
8. Gmail
9. Adium (Framasoft)
10. CCleaner
11. Picasa
12. AutoHotKey (Framasoft)
13. Google
14. Quicksilver
15. GIMP (FramasoftFramakey)
16. Foobar 2000
17. Thunderbird (FramasoftFramakeyFramabook)
18. 7-Zip (FramasoftFramakey)
19. DropBox
20. uTorrent
21. Winamp
22. Google Apps
23. AVG Antivirus
24. Evernote
25. IrfanView
26. Opera
27. Google Chrome
28. Google Calendar
29. HandBrake
30. Skype
31. Linux
32. Paint.NET (FramasoftFramakey)
33. Ad-Aware
34. Avast Antivirus
35. Google Docs
36. LogMeIn
37. Transmission (Framasoft)
38. TrueCrypt (FramasoftFramakey)
39. Amarok (Framasoft)
40. FileZilla (FramasoftFramakey)
41. Notepad++ (Framasoft)
42. PortableApps.com
43. Rocket Dock
44. Spybot Search & Destroy
45. UltraVNC (Framasoft)
46. VirtualBox

Et bien entendu, vous avez les commentaires pour nuancer, amender, critiquer et ajouter les logiciels selon vous scandaleusement oubliés 😉

Notes

[1] Crédit photo : Guillermo Esteves (Creative Commons By)




L’accès au fichier professionnel des enseignants : l’exemple Microsoft

Microsoft - Lettre aux profsEn juin dernier Microsoft « offrait » sa suite bureautique aux enseignants sous l’aile bienveillante et complice d’associations comme Projetice ou le Café Pédagogique.

J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion d’en parler, je n’y reviens pas. Par contre ce que je n’avais pas évoqué c’est que cette annonce s’était accompagnée d’un courrier publicitaire nominatif adressé à un certains nombres de collègues directement dans leur casier de la salle des profs (autrement dit leur boite à lettres professionnelle).

Combien ? Aucune idée, mais au moins quelques uns disséminés aux quatre coins de la France si j’en juge par les témoignages reçus par courrier électronique. Et du coup je suppute par extrapolation que beaucoup d’enseignants ont été touchés par cette publicité non forcément désirée (et j’en appelle d’ailleurs aux commentaires pour infirmer ou confirmer cela).

Je précise que pour ce qui me concerne je n’ai rien reçu (faut dire que j’enseigne à l’étranger) mais un collègue lecteur du Framablog m’avait malicieusement mis la brochure entre les mains lors des récentes Rencontres mondiales du logiciel libre de Mont-de-Marsan. Du bel ouvrage, papier A4 glacé tout en couleur, on ne lésine pas sur la qualité et le moyens.

Récidive en ce mois d’octobre, avec les « offres de rentrée Microsoft Office 2007 pour votre établissement ». Cela reste encore un peu compliqué niveau licence (soit une location, soit un prix « attractif » pourvu que l’on dépasse les vingt unités) mais ce qui est certain c’est que la tendance est à la baisse des tarifs, la faute à la concurrence libre qui sait ?!

Le collègue qui m’a signalé cette dernière info a joint son message avec un scan de la lettre que je vous propose ci-dessous.

Une fois de plus, et c’est là où je veux en venir, la lettre était nominative. Il ne s’agissait d’un courrier générique envoyé aux professeurs de l’établissement X (et que l’administration se chargerait de distribuer dans les casiers) mais bien, comme la fois précédente, d’un courrier directement adressé au professeur Y.

D’où la question naïve suivante : Comment fait donc Microsoft pour avoir accès au fichier à jour des enseignants ? Comment la société devine-t-elle que dans l’établissement X se trouve le professeur Y ?

Ne soyons pas dupe, il n’y a pas que Microsoft qui ait accès au fichier. Il y a aussi les éditeurs de manuels scolaires par exemple qui en fin d’année envoient traditionnellement (et gratuitement) des spécimen dans l’espoir que l’équipe pédagogique porte leurs choix sur eux.

Il n’empêche qu’à l’heure où tout ce qui touche aux données personnelles est un sujet hautement sensible, il me semble étrange que personne ne s’interroge sur les facilités qu’auraient certaines entités commerciales à pénétrer aussi facilement les institutions publiques, qui plus est scolaires, pour diffuser le plus tranquillement du monde leur publi-information.