Détruire le capitalisme de surveillance – 6 et fin

Voici la sixième et dernière partie de notre traduction de l’essai que consacre Cory Doctorow au capitalisme de surveillance pour le déconstruire.

Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism

Traduction Framalang pour cette partie : Claire, Fabrice, goofy, Jums, Susyl, anonymes

Vous pouvez également :

 

 

_________________________________________

 

Les Fake news comme crise épistémologique

La Tech n’est pas la seule industrie qui ait subi une concentration massive depuis l’ère Reagan. Quasiment toutes les grandes industries, depuis le pétrole jusqu’à la presse, en passant par l’emballage, le fret maritime, les lunettes, mais aussi la pornographie en ligne, sont devenues des oligarchies sélectives dominées seulement par une poignée de participants.

Dans le même temps, chaque industrie est devenue, en quelque sorte, une industrie technologique, puisque, d’une part, les ordinateurs polyvalents et les principaux réseaux et d’autre part la promesse d’efficacité à travers de l’analyse des données injectent de la technologie dans chaque appareil, chaque processus et chaque entreprise.

Ce phénomène de concentration industrielle fait partie d’une situation plus large de concentration des richesses en général, étant donné qu’un nombre toujours plus réduit de personnes possède une part croissante de notre monde. Cette concentration des richesses et des industries signifie que nos choix politiques sont de plus en plus tributaires des intérêts des personnes et des entreprises qui possèdent toutes ces richesses.

Cela signifie que lorsqu’un régulateur pose une question à laquelle la réponse est empirique (par exemple : « Les hommes sont-ils responsables du changement climatique ? » ou bien « Devons-nous laisser les entreprises s’adonner à la surveillance commerciale de masse ? » ou encore « La société tire-t-elle des avantages de l’autorisation de violations de la neutralité des réseaux ? »), la réponse qui en découle sera exacte uniquement si elle est conforme à celle proposée par les riches et les industries qui les rendent si riches.

Les riches ont toujours joué un rôle démesuré en politique, d’autant plus depuis la décision depuis l’arrêt Citizens United de la Cour suprême qui supprime des moyens décisifs de contrôle des dépenses électorales. Creuser les inégalités et concentrer les richesses signifie que les plus riches sont maintenant beaucoup plus riches et peuvent se permettre de dépenser beaucoup plus d’argent pour des projets politiques qu’auparavant. Pensez aux frères Koch, à George Soros ou à Bill Gates.

Mais les distorsions politiques des riches sont négligeables en comparaison des distorsions politiques dont les secteurs industriels centralisés sont capables. Les entreprises de ces secteurs industriels hautement centralisées sont beaucoup plus rentables que les entreprises de secteurs concurrentielles : pas de concurrence veut dire pas besoin de casser les prix ou d’améliorer la qualité pour gagner des clients, ce qui leur permet de dépenser leurs excédents de capitaux en lobbying.

Il est aussi plus facile pour les industries centralisées de collaborer sur des objectifs stratégiques plutôt que d’entrer en concurrence directe. Lorsque tous les cadres exécutifs de votre industrie peuvent se réunir autour d’une seule table, ils le font. Et souvent, lorsqu’ils le font, ils peuvent s’accorder sur un consensus autour des régulations.

Grimper les échelons dans une industrie centralisée veut généralement dire travailler pour deux ou trois grandes entreprises. Quand il n’y a qu’un nombre relativement réduit d’entreprises dans un secteur, chaque entreprise a ses échelons exécutifs sclérosés, qui ne laissent aux cadres ambitieux que très peu de possibilités de promotion, à moins d’être recrutés par un concurrent. Il est probable que le gratin des cadres exécutifs d’un secteur centralisé ont tous été collègues à un moment, qu’ils ont évolué dans les mêmes cercles sociaux, qu’ils se sont rencontrés via leurs relations sociales ou, par exemple, en étant administrateur des biens des autres. Ces relations étroites favorisent une attitude collégiale plutôt que concurrentielle.

Les industries hautement concentrées sont également des casse-têtes à réglementer. Dans une industrie dominée par seulement quatre ou cinq sociétés, les seules personnes susceptibles de vraiment en comprendre les pratiques sont les anciens cadres exécutifs de ce secteur. Cela signifie que les hauts dirigeants des services de régulation sont souvent les anciens cadres des entreprises qu’ils sont censés réguler. Cette rotation de la gouvernance est souvent tacitement considérée comme une forme d’absence autorisée, et les anciens employeurs accueillent alors à nouveau volontiers dans leurs rangs leurs anciens chiens de garde lorsque leur mandat se termine.

Tout ça pour dire que les liens sociaux étroits, le petit nombre d’entreprises et la mainmise sur les systèmes de réglementation donnent aux entreprises qui composent ces secteurs centralisés le pouvoir de contrôler beaucoup sinon toutes les régulations qui les limitent.

Et c’est de plus en plus visible. Que ce soient des prêteurs sur gages qui gagnent le droit de pratiquer des prêts agressifs, Apple qui gagne le droit de décider qui peut réparer votre téléphone, Google et Facebook qui gagnent le droit d’accéder à vos données personnelles sans aucune conséquence significative, les victoires des entreprises pétrolières, l’impunité des fabricants d’opioïdes, les subventions fiscales massives pour des entreprises dominantes incroyablement rentables, il est de plus en plus évident qu’un grand nombre de nos procédures officielles, basées sur des faits et à la recherche de la vérité, sont, en réalité des ventes aux enchères au plus offrant.

Il est vraiment impossible de surestimer l’ampleur de cette perspective terrifiante. Nous vivons dans une société incroyablement high-tech et aucun de nous ne pourrait acquérir l’expertise nécessaire pour évaluer chacune des propositions technologiques qui nous séparent de notre horrible disparition finale. Vous pourriez passer une vie entière à acquérir les compétences numériques pour distinguer les publications scientifiques fiables des faux-semblants financés par la corruption, tout comme acquérir les connaissances en microbiologie et épidémiologie pour savoir si les déclarations sur la sûreté des vaccins sont recevables. Mais vous seriez toujours incompétent⋅e pour savoir si le câblage électrique de votre maison pourrait vous électrocuter, ou si le logiciel qui pilote les freins de votre voiture ne risque pas de les lâcher sans prévenir, ou encore si l’hygiène de votre boucher est suffisante pour vous éviter de mourir à la fin de votre repas.

Dans un monde aussi complexe que celui-là, nous devons nous en référer aux autorités, et nous nous assurons qu’ils restent honnêtes en leur faisant rendre des comptes et se soumettre à des règles pour éviter les conflits d’intérêts. Nous ne pouvons pas acquérir l’expertise pour émettre un jugement sur les demandes contradictoires concernant la meilleure façon de rendre le monde sûr et prospère, mais nous pourrions déterminer si le processus d’évaluation lui-même est fiable.

Pour le moment, ce n’est pas du tout le cas.

Durant ces quarante dernières années, l’accroissement des inégalités et de la concentration des industries, conjugué à la diminution de la responsabilité et au manque de transparence des organismes experts, ont renforcé le sentiment d’une catastrophe imminente, ce sentiment qu’il existe de grandes conspirations à l’œuvre qui opèrent avec une approbation officielle tacite, malgré la probabilité qu’elles travaillent à leur propre survie sur les ruines de notre monde.

Par exemple, cela fait des décennies que les scientifiques d’Exxon eux-mêmes ont conclu que leur production rendrait la Terre inhabitable par les humains. Et ces décennies sont désormais bel et bien perdues pour nous, en grande partie à cause du lobbying d’Exxon auprès des gouvernements et de l’instillation de doutes sur la dangerosité de sa production, et ce avec l’appui de beaucoup d’agents de l’État. Lorsque votre survie et celle de votre entourage sont menacées par des conspirations, il n’est pas anormal de commencer à s’interroger sur les choses que vous pensez connaître pour tenter de savoir si elles sont, elles aussi, le résultat d’une autre conspiration.

L’effondrement de la crédibilité de nos systèmes face aux vérités révélées nous a laissé dans un état de chaos épistémologique. Avant, la plupart d’entre nous pensaient que le système fonctionnait et que nos régulations reflétaient le meilleur des vérités empiriques de notre monde, car elles étaient mieux comprises. Désormais, nous devons trouver nos propres experts pour nous aider à trier le vrai du faux.

Si vous êtes comme moi, vous devez probablement croire que les vaccins sont sûrs, mais (comme moi) vous ne pouvez pas expliquer la microbiologie ou les statistiques. Peu d’entre nous possèdent les capacités en mathématiques suffisantes pour pouvoir lire les documents sur la sûreté des vaccins et décrire en quoi leurs statistiques sont valides. De même, peu d’entre nous peuvent examiner la documentation sur la sûreté des opioïdes (désormais discréditée) et expliquer en quoi ces statistiques étaient manipulées. Les vaccins comme les opioïdes ont été acceptés par le corps médical, après tout, et pourtant les uns sont sûrs tandis que les autres pourraient détruire votre vie. Il ne vous reste qu’une myriade de règles au doigt mouillé pour lesquelles vous devez faire confiance aux experts pour vérifier des affirmations controversées et expliquer ensuite en quoi tous ces respectables médecins et leurs recherches évaluées par des pairs sur les opioïdes étaient une aberration, et comment vous savez que la littérature médicale sur la sécurité des vaccins n’est pas, elle aussi, une aberration.

Je suis certain à 100 % que la vaccination est sûre et efficace, mais j’ai aussi un peu de mal à comprendre exactement, précisément, pourquoi j’y crois, étant donné toute la corruption dont j’ai connaissance et les nombreuses fois où on découvre sous le sceau de la vérité un mensonge éhonté pour enrichir toujours plus les ultra-riches.

Les fake news, que ce soit une théorie du complot, une idéologie raciste ou un négationnisme scientifique, ont toujours existé. Ce qui est nouveau aujourd’hui, ce n’est pas le mélange des idées dans le discours public mais la popularité des pires idées dans de ce mélange. La conspiration et le déni ont explosé au même rythme que les inégalités les plus criantes, qui ont elles-mêmes suivi le même chemin que les Géants de la tech, les Géants de l’industrie pharmaceutique, les Géants du catch et les Géants de l’automobile et les Géants du cinéma et les Géants de tout le reste.

Personne ne peut dire avec certitude comment on en est arrivé là, mais les deux camps principaux sont l’idéalisme (la conviction que les personnes qui défendent ces conspirations se sont améliorés à les expliquer, peut-être avec l’aide d’outils d’apprentissage machine) et le matérialisme (les idées sont devenues plus séduisantes en raison des conditions matérielles du monde).

Je suis matérialiste. J’ai été exposé aux arguments des théories conspirationnistes toute ma vie, et je n’ai jamais constaté d’amélioration soudaine de la qualité de ces arguments.

La principale différence réside bien dans le monde, et non dans les arguments. À une époque où les vraies conspirations sont banales, les théories conspirationnistes deviennent de plus en plus vraisemblables.

Nous avons toujours eu des désaccords sur ce qui est vrai, mais aujourd’hui nous avons des désaccords sur la manière dont nous savons si quelque chose est vrai. C’est une crise épistémologique, pas une crise de la croyance. Une crise de la crédibilité de nos exercices de recherche de la vérité, depuis les revues scientifiques (à une époque où les principaux éditeurs ont été pris la main dans le sac en train de publier des revues d’articles payantes avec de la science de pacotille) jusqu’aux instances régulatrices (à une époque où les régulateurs ont pris l’habitude de faire des allers-retours dans le monde des affaires) en passant par l’éducation (à une époque où les universités dépendent de mécénats d’entreprises pour garder la tête hors de l’eau).

Le ciblage – le capitalisme de surveillance – permet de trouver plus facilement des personnes qui subissent cette crise épistémologique, mais ce n’est pas lui qui crée la crise en elle-même. Pour cela, il faut regarder du côté de la corruption.

Et, heureuse coïncidence, c’est la corruption qui permet au capitalisme de surveillance de se développer en démantelant les protections contre les monopoles, en permettant la collecte et la conservation des données personnelles, en autorisant les publicités à être ciblées sans consentement, et en empêchant d’aller ailleurs pour continuer à profiter de vos amis sans vous soumettre à la surveillance commerciale.

La tech, c’est différent

Je refuse les deux variantes de l’exceptionnalisme technologique : d’une part l’idée que la technologie puisse être uniquement exécrable et dirigée par des personnes plus avides ou plus horribles que les dirigeants d’autres secteurs industriels et, d’autre part, l’idée que la technologie est tellement bénéfique, ou qu’elle est si intrinsèquement destinée à la concentration, que personne ne peut lui reprocher son statut monopolistique actuel.

Je pense que la technologie n’est qu’une industrie comme les autres, même si elle a grandi sans véritables contraintes de monopole. Elle a peut-être été la première, mais ce n’est pas la pire et ce ne sera pas la dernière.

Mais il y a un cas de figure où je suis en faveur de l’exception technologique. Je pense que les outils en ligne sont la clé pour surmonter des problèmes bien plus urgents que le monopole de la technologie : le changement climatique, les inégalités, la misogynie et les discriminations fondées sur la race, le genre et d’autres critères. Internet nous permet de recruter des personnes pour mener ces combats et coordonner leurs efforts. La technologie ne remplace pas la responsabilité démocratique, ni l’État de droit, ni l’équité, ni la stabilité, mais elle est un moyen d’atteindre ces objectifs.

Notre espèce a un vrai problème avec la coordination. Tout, du changement climatique au changement social en passant par la gestion d’une entreprise et le fonctionnement d’une famille, peut être considéré comme un problème d’action collective.

Grâce à Internet, il est plus facile que jamais de trouver des personnes qui veulent collaborer à un projet avec vous (d’où le succès des logiciels libres et open source, du financement participatif, des groupes racistes terroristes…) et jamais il n’a été aussi facile de coordonner le travail que vous faites.

Internet et les ordinateurs que nous y connectons possèdent aussi une qualité exceptionnelle : la polyvalence de leur usage. Internet est conçu pour permettre à deux interlocuteurs s’échanger des données, en utilisant n’importe quel protocole, sans l’autorisation d’une personne tierce. La seule contrainte de conception que nous ayons pour produire des ordinateurs, c’est qu’ils doivent être polyvalents. Un ordinateur complet au sens de Turing peut exécuter tous les programmes que nous pouvons exprimer dans une logique symbolique.

Cela signifie que chaque fois qu’une personne avec un besoin particulier de communication investit dans des infrastructures et des moyens techniques pour rendre Internet plus rapide, moins cher et plus robuste, cela bénéficie à tous celles et ceux qui utilisent Internet pour communiquer. Cela signifie également que chaque fois qu’une personne qui a des besoins informatiques particuliers investit pour rendre les ordinateurs plus rapides, moins chers et plus robustes, toutes les autres applications informatiques sont des bénéficiaires potentielles de ce travail.

Pour toutes ces raisons, tous les types de communication sont progressivement absorbés par Internet, et toutes les catégories d’appareils, des avions aux stimulateurs cardiaques, finissent par devenir un ordinateur dans un joli boîtier fantaisie.

Bien que ces considérations n’empêchent pas de réglementer les réseaux et les ordinateurs, elles constituent un appel à la rigueur et à la prudence, car les changements apportés aux cadres réglementaires pourraient avoir des conséquences imprévues dans de très nombreux domaines.

La conséquence de tout cela, c’est que notre meilleure chance de résoudre nos énormes problèmes de coordination – le changement climatique, les inégalités, etc. – réside dans une technologie éthique, libre et ouverte. Et notre meilleure chance de maintenir des technologies libres, ouvertes et éthiques c’est de nous montrer prudents dans la manière de réglementer la technologie et de prêter une attention particulière à la façon dont les interventions pour résoudre un problème peuvent créer de nouveaux problèmes dans d’autres domaines.

La propriété des faits

Les Géants de la tech ont une drôle de relation avec l’information. Lorsque vous générez des informations, qu’il s’agisse de données de localisation diffusées en continu par votre appareil mobile ou des messages privés que vous envoyez à vos amis sur un réseau social, ils revendiquent le droit d’utiliser ces données de manière illimitée.

Mais lorsque vous avez l’audace d’inverser les rôles, en utilisant un outil bloqueur de publicités ou qui récupère vos mises à jour en attente sur un réseau social et les installe dans une autre application qui vous laisse déterminer vos propres priorités et suggestions, ou qui analyse leur système pour vous permettre de créer une entreprise concurrente, alors là, ils prétendent que vous les volez.

En réalité, l’information ne convient à aucun type de régime de propriété privée. Les droits de propriété permettent de créer des marchés qui peuvent conduire au développement d’actifs non exploités. Ces marchés dépendent d’intitulés clairs pour garantir que les choses qui y sont achetées et vendues peuvent réellement être achetées et vendues.
Les informations ont rarement un intitulé aussi clair. Prenez les numéros de téléphone : de toute évidence, il n’est pas normal que Facebook récupère les carnets d’adresses de millions d’utilisateurs et utilise ces numéros de téléphone pour créer des graphes sociaux et renseigner les informations manquantes sur les autres utilisateurs.

Mais les numéros de téléphone que Facebook acquiert sans consentement dans le cadre de cette transaction ne sont pas la « propriété » des utilisateurs auxquels ils sont soustraits, ni celle des personnes dont le téléphone sonne lorsque vous les composez. Ces numéros sont de simples nombres entiers, composés de 10 chiffres aux États-Unis et au Canada, et on les trouve dans des milliards d’endroits, y compris quelque part dans le nombre Pi, ainsi que dans de nombreux autres contextes. Accorder aux gens des titres de propriété sur des nombres entiers est vraiment une très mauvaise idée.

Il en va de même pour les données que Facebook et d’autres acteurs de la surveillance publicitaire acquièrent à notre sujet, comme le fait que nous sommes les enfants de nos parents ou les parents de nos enfants ou que nous avons eu une conversation avec quelqu’un d’autre ou sommes allés dans un lieu public. Ces éléments d’informations ne peuvent pas vous appartenir comme votre maison ou votre chemise vous appartiennent, car leur titre de propriété est vague par nature. Votre mère est-elle propriétaire du fait d’être votre mère ? Et vous ? L’êtes-vous tous les deux ? Et votre père, est-il également propriétaire de ce fait ou doit-il obtenir une licence de votre part (ou de votre mère ou de vous deux) pour pouvoir en faire usage ? Qu’en est-il des centaines ou des milliers d’autres personnes qui disposent de ces données ?

Si vous allez à une manifestation Black Lives Matter, les autres manifestants ont-ils besoin de votre autorisation pour poster leurs photos de l’événement ? Les querelles en ligne sur le moment et la manière de publier des photos de manifestations révèlent un problème subtil et complexe, difficile à régler d’un coup de baguette magique en accordant à certains un droit de propriété que tous les autres doivent respecter.

Le fait que l’information ne fasse pas bon ménage avec la propriété et les marchés ne signifie pas pour autant qu’elle n’a aucune de valeur. Un bébé n’est pas un bien, il n’en reste pas moins qu’il possède une valeur incontestable. En réalité, nous avons un ensemble de règles uniquement dédié aux bébés, et une partie seulement de ces règles s’appliquent aux humains de façon plus générale. Celui qui affirmerait que les bébés n’auront pas véritablement de valeur tant qu’on ne pourra pas les acheter et les vendre comme des petits pains serait immédiatement et à juste titre condamné comme un monstre.

Il est tentant d’attraper le marteau de la propriété quand les Géants de la tech traitent vos informations comme des clous, en particulier parce que les Géants de la tech font un tel abus des marteaux de la propriété quand il s’agit de leurs informations. Mais c’est une erreur. Si nous permettons aux marchés de nous dicter l’usage de nos informations, nous allons devenir des vendeurs sur un marché d’acheteurs. Un marché qui sera monopolisé par les Géants de la tech. Ils attribueront un si bas prix à nos données, qu’il en deviendra insignifiant ou, plus probablement, qu’il sera fixé à un prix proche de zéro sans aucune possibilité de négociation, et ce, grâce à un accord donné d’un simple clic, sans possibilité de le modifier.

D’ici là, établir des droits de propriété sur l’information créera des obstacles insurmontables au traitement indépendant des données. Imaginez que l’on exige de négocier une licence quand un document traduit est comparé à sa version originale, ce qu’a fait Google et qu’il continue à faire des milliards de fois pour entraîner ses outils de traduction automatique. Google peut se le permettre, mais pas les tiers indépendants. Google peut mettre en place un service d’autorisation pour négocier des paiements uniques à des institutions comme l’UE (l’un des principaux dépositaires de documents traduits). Alors que les organismes de surveillance indépendants, qui veulent vérifier que les traductions sont bien préparées ou bien qui veulent éliminer les erreurs de traduction, auront besoin d’un service juridique doté de personnel et de millions pour payer les licences avant même de pouvoir commencer.

Il en va de même pour les index de recherche sur le Web ou les photos des maisons des gens, qui sont devenues controversées avec le projet Street View de Google. Quels que soient les problèmes que pose la photographie de scènes de rue par Google, les résoudre en laissant les gens décider qui peut photographier les façades de leurs maisons depuis une rue publique créera sûrement des problèmes plus graves encore. Pensez à l’importance de la photographie de rue pour la collecte d’informations, y compris la collecte informelle d’informations, comme les photos d’abus d’autorité, et combien il est important de pouvoir documenter l’habitat et la vie dans la rue pour contester un droit de préemption, plaider en faveur de l’aide sociale, signaler les violations de la planification et de zonage, documenter les conditions de vie discriminatoires et inégales, etc.

S’approprier des faits est contraire à un grand nombre de progrès humains. Il est difficile d’imaginer une règle qui limite l’exploitation par les Géants de la tech de notre travail collectif sans empêcher involontairement des personnes de recueillir des données sur le cyber-harcèlement ou de compiler des index de changements de langue, ou encore simplement d’enquêter sur la façon dont les plateformes façonnent notre discours. Tout cela nécessite d’exploiter des données créées par d’autres personnes et de les soumettre à l’examen et à l’analyse.

La persuasion, ça marche… mais lentement

Les plateformes peuvent exagérer leur capacité à persuader les gens, mais il est évident que la persuasion fonctionne parfois. Qu’il s’agisse du domaine privé utilisé par les personnes LGBTQ pour recruter des alliés et faire reconnaître une diversité sexuelle ou du projet mené depuis des décennies pour convaincre les gens que les marchés constituent le seul moyen efficace de résoudre les problèmes complexes d’allocation de ressources, il est clair que nos comportements sociaux peuvent changer.

Modifier les comportements au sein de la société est un projet de longue haleine. Pendant des années, les svengalis ont prétendu pouvoir accélérer ce processus, mais même les formes de propagande les plus brutales ont dû se battre pour susciter des changements permanents. Joseph Goebbels a dû soumettre les Allemands à des heures de radiodiffusion quotidiennes obligatoires pour arrêter les opposants et les assassiner, ainsi que de s’assurer d’un contrôle intégral sur l’éducation des enfants, tout en excluant toute littérature, émission ou film qui ne se conformaient pas à sa vision du monde.

Cependant, après 12 ans de terreur, une fois la guerre terminée, l’idéologie nazie a largement été discréditée en Allemagne de l’Est comme de l’Ouest, et un programme de vérité et de réconciliation nationale a été mis en place. Le racisme et l’autoritarisme n’ont jamais été totalement abolis en Allemagne, mais la majorité des Allemands n’étaient pas non plus définitivement convaincus par le nazisme. La montée de l’autoritarisme raciste en Allemagne aujourd’hui montre que les attitudes libérales qui ont remplacé le nazisme n’étaient pas plus définitives que le nazisme lui-même.

Le racisme et l’autoritarisme ont également toujours été présents chez nous, en Amérique du Nord. Tous ceux qui se sont déjà penchés sur le genre de messages et d’arguments que les racistes avancent aujourd’hui auraient du mal à faire croire qu’ils ont fait des progrès dans la façon de présenter leurs idées. On retrouve aujourd’hui dans le discours des principaux nationalistes blancs la même pseudo-science, les mêmes recours à la peur, le même raisonnement en boucle que ceux présentés par les racistes des années 1980, lorsque la cause de la suprématie blanche était en perte de vitesse.

Si les racistes n’ont pas été plus convaincants au cours de la dernière décennie, comment se fait-il que davantage de personnes aient été convaincues d’être ouvertement racistes ? Il semble que la réponse se trouve dans le monde matériel, pas dans le monde des idées. Non pas qu’elles soient devenues plus convaincantes, mais les gens sont devenus de plus en plus peureux. Ils ont peur de ne plus pouvoir faire confiance à l’État pour agir de façon honnête dans des domaines essentiels, depuis la gestion de l’économie jusqu’à la réglementation des analgésiques ou celle du traitement des données privées.

Les gens ont peur que le monde soit devenu un jeu de chaises musicales dans lequel les chaises sont retirées à un rythme sans précédent. Ils ont peur que la justice soit rendue à leur détriment. Le monopole n’est pas la cause de ces craintes, mais l’inégalité, la misère matérielle et les mauvaises pratiques politiques qu’il engendre y contribue fortement. L’inégalité crée les conditions propices aux conspirations et aux idéologies racistes violentes. Le capitalisme de surveillance permet alors aux opportunistes de cibler les personnes qui ont peur et celles qui sont conspirationnistes.

Payer ne va pas aider à grand-chose

Comme le dit le déjà vieil adage : « si c’est gratuit, c’est toi le produit ».
Aujourd’hui, c’est un lieu commun de croire que le péché originel du capitalisme de surveillance a été l’arrivée des médias gratuits financés par la publicité. Le raisonnement était le suivant : les entreprises qui faisaient payer l’accès ne pouvaient pas « concurrencer les médias gratuits » et elles étaient donc éjectées du marché. Les concurrents soutenus par la publicité, quant à eux, ont déclaré ouverte la saison de la chasse aux données de leurs utilisateurs dans la perspective d’améliorer le ciblage de leurs publicités, gagner plus d’argent et faire appel aux stratégies les plus étonnantes pour générer davantage de clics sur ces publicités. Si seulement nous nous mettions à payer à nouveau, nous aurions un meilleur système d’information, plus responsable, plus sobre et qui serait vertueux pour la démocratie.

Mais la dégradation de la qualité des actualités a précédé de loin l’avènement des informations en ligne financées par la pub. Bien avant l’ère des journaux en ligne, les lois antitrust appliquées de façon laxiste avaient ouvert la porte à des vagues sans précédent de restructuration et de dégraissage dans les salles de rédaction. Des journaux rivaux ont fusionné, des journalistes et des vendeurs d’espace publicitaire ont été virés, des espaces de bureaux ont été vendus ou loués, laissant les entreprises criblées de dettes à cause d’un système de rachat par endettement et de bénéfices distribués aux nouveaux propriétaires. En d’autres termes, ce n’était pas simplement le déclin des petites annonces, longtemps considéré comme responsable du déclin des journaux, qui a rendu ces entreprises de presse incapables de s’adapter à Internet, c’était la monopolisation.

Pendant que les entreprises de presse débarquaient en ligne, les revenus de la publicité se sont mis à décroître, alors même que le nombre d’internautes (et donc un lectorat en ligne potentiel) augmentait. Cette évolution était due à la consolidation du marché des ventes de publicités, Google et Facebook étaient devenus un duopole qui gagnait chaque année davantage d’argent avec la pub, tout en payant de moins en moins les éditeurs dont le travail apparaissait à côté des publicités. Le monopole a créé un marché d’acheteurs pour la diffusion publicitaire et Facebook et Google en étaient les maîtres et les gardiens.

Les services payants continuent d’exister aux côtés des services gratuits – soucieux qu’ils sont d’empêcher les internautes de contourner leur page de paiement ou de partager des médias payants – ils exercent le plus grand contrôle sur leurs clients. iTunes d’Apple et les App stores sont des services payants, mais pour maximiser leur rentabilité, Apple doit verrouiller ses plateformes pour que des tiers ne puissent pas créer de logiciels compatibles sans autorisation. Ces verrous permettent à l’entreprise d’exercer à la fois un contrôle éditorial (qui permet de rejeter des contenus politiques controversés) et technologique, y compris sur la possibilité de réparer le matériel qu’elle fabrique. Si nous redoutons que les produits financés par la pub privent les gens de leur droit à l’autodétermination en utilisant des techniques de persuasion pour orienter leurs décisions d’achat dans une direction ou dans une autre, alors le contrôle quasi total d’une seule entreprise sur la décision de savoir qui va vous vendre le logiciel, les pièces détachées et les services pour votre iPhone devrait sacrément nous inquiéter.

Nous ne devrions pas nous préoccuper uniquement du paiement et du contrôle : l’idée que payer améliore la situation est également fausse et dangereuse. Le faible taux de réussite de la publicité ciblée signifie que les plateformes doivent vous inciter à « vous engager » fortement envers les messages publicitaires pour générer suffisamment de pages vues et préserver ainsi leurs profits. Comme indiqué plus haut, pour accroître l’engagement, les plateformes comme Facebook utilisent l’apprentissage automatique afin de deviner quels messages seront les plus incendiaires et feront tout pour les afficher sous vos yeux dès que vous vous connectez, pour vous faire réagir par la haine et vous disputer avec les gens.

Peut-être que payer réglerait ce problème, selon ce raisonnement. Si les plateformes pouvaient être économiquement viables même si vous arrêtiez de cliquer dessus une fois votre curiosité intellectuelle et sociale assouvie, alors elles n’auraient aucune raison de vous mettre en colère avec leurs algorithmes pour obtenir plus de clics, n’est-ce pas ?

Cet argument est peut-être valable, mais il ne tient toujours pas compte du contexte économique et politique plus large de ces plateformes et du monde qui leur a permis de devenir si dominantes.

Les plateformes sont mondiales parce qu’elles sont des monopoles, et elles sont des monopoles parce que nous avons vidé de leur substance nos règles anti-monopoles les plus importantes et les plus fiables. L’antitrust a été neutralisé car c’était la condition nécessaire pour que le projet de rendre les riches plus riches encore réussisse. La plupart des habitants de la planète ont une valeur nette négative, et même la classe moyenne en recul est dans un état précaire, en manque d’épargne pour la retraite, d’assurances contre les catastrophes sanitaires et de garanties contre les catastrophes climatiques et technologiques.
Dans ce monde féroce et inégalitaire, payer n’améliore pas la situation. Cela ne fait que la rendre hors de prix pour la plupart des gens. Payer pour le produit, c’est super quand vous avez les moyens.

Si vous pensez que les bulles de filtres actuelles constituent un problème pour notre monde, imaginez ce qu’elles seraient si les riches fréquentaient le marché des idées à l’athénienne, où il faudrait payer pour entrer pendant que les autres vivent dans des espaces en ligne subventionnés par des bienfaiteurs aisés et ravis de créer des espaces de discussion dans lesquels le « règlement intérieur » interdit de contester le système. Imaginez si les riches se retiraient de Facebook, et qu’au lieu de diffuser des publicités qui rapportent de l’argent à ses actionnaires, Facebook devienne un projet loufoque de milliardaire, visant aussi à s’assurer que personne ne se demande jamais s’il est juste que seuls les milliardaires aient le droit de se retrouver dans les derniers recoins d’internet.

Derrière l’idée de payer pour avoir accès se cache la conviction que les marchés libres permettront de remédier au dysfonctionnement des Géants de la tech. Après tout, quand les gens ont une opinion sur la surveillance, celle-ci est souvent mauvaise, et plus la surveillance d’une personne est longue et approfondie, moins elle a tendance à plaire. Il en va de même pour le verrouillage : si l’encre Hewlett-Packard ou l’App Store Apple étaient si géniales que ça, les mesures techniques pour empêcher les utilisateurs de choisir un produit concurrent seraient inutiles. Ces parades techniques existent pour la simple et bonne raison que ces entreprises ne croient pas que leurs clients se soumettraient spontanément à leurs conditions, et qu’elles veulent les empêcher d’aller voir ailleurs.

Les défenseurs des marchés louent leur capacité à agréger les connaissances diffusées par les acheteurs et les vendeurs dans la société toute entière, par le biais d’informations sur la demande, sur les prix, etc. L’argument en faveur d’un capitalisme de surveillance « voyou » voudrait que les techniques de persuasion basées sur l’apprentissage automatique faussent les décisions des consommateurs, ce qui conduirait à des informations faussées – les consommateurs n’achètent pas ce qu’ils préfèrent, mais ce qu’ils sont amenés à préférer. Il s’ensuit des pratiques monopolistiques de verrouillage qui relèvent davantage encore d’un « capitalisme voyou » et qui restreignent encore plus la liberté de choix du consommateur.

La rentabilité de n’importe quelle entreprise est limitée par la possibilité que ses clients aillent voir ailleurs. La surveillance et le verrouillage sont tous les deux des anti-fonctionnalités qu’aucun client ne désire. Mais les monopoles peuvent se mettre les régulateurs dans la poche, écraser la concurrence, s’insinuer dans la vie privée de leurs clients et pousser les gens à « choisir » leurs services qu’ils le veuillent ou non. Que c’est bon d’être odieux quand il n’existe pas d’alternative.
Au final, la surveillance et le verrouillage sont simplement des stratégies commerciales que peuvent choisir les monopoles.

Les entreprises de surveillance comme Google sont parfaitement capables de déployer des technologies de verrouillage. Il suffit de regarder les clauses de la coûteuse licence d’Android qui obligent les fabricants d’appareils à les intégrer dans la suite d’applications Google. Et les entreprises de verrouillage comme Apple sont parfaitement capables de soumettre leurs utilisateurs à la surveillance pour satisfaire Pékin et ainsi préserver un accès commercial au marché chinois. Les monopoles sont peut-être composés de personnes éthiques et respectables, mais en tant qu’institutions, ils ne comptent pas parmi vos amis : ils feront tout ce qu’ils peuvent pour maximiser leurs profits, et plus ils auront de monopole, mieux ils tireront leur épingle du jeu.

Une fenêtre de tir « écologique » pour briser les trusts

Si nous voulons briser l’emprise mortelle des Géants du Web sur nos vies numériques, nous allons devoir combattre les monopoles. Cela peut paraître banal et ringard, un truc qui vient de l’ère du New Deal, alors que faire cesser l’utilisation automatique des données comportementales ressemble au scénario d’un roman cyberpunk très cool.
En revanche, il semble que nous ayons oublié comment on brise des monopoles. Il existe un consensus des deux côtés de l’Atlantique pour considérer que le démantèlement des entreprises est au mieux une histoire de fous, susceptible d’embourber les juges fédéraux dans des années de procédure judiciaire, et au pire contre-productif car il grignote les « avantages des consommateurs » dont les économies d’échelle sont colossales.

Mais les briseurs de trusts ont autrefois parcouru le pays dans tous les sens, en brandissant des livres de droit, terrorisant les magnats du vol organisé et réduisant en pièces l’illusion de l’emprise toute-puissante des monopoles sur notre société. L’ère de la lutte antitrust ne pouvait pas commencer sans la volonté politique pour le faire, avant que le peuple réussisse à convaincre les politiciens qu’ils les soutiendraient dans leur affrontement contre les hommes les plus riches et les plus puissants du monde.

Pouvons-nous retrouver cette volonté politique ?
James Boyle, un universitaire spécialisé dans le copyright, a analysé comment le terme « écologie » a marqué un tournant dans le militantisme pour l’environnement. Avant l’adoption de ce terme, les personnes qui voulaient protéger les populations de baleines ne se considéraient pas forcément comme combattant pour la même cause que celles qui voulaient protéger la couche d’ozone ou lutter contre la pollution de l’eau ou les pluies acides.

Mais le terme « écologie » a regroupé ces différentes causes en un seul mouvement, dont les membres se sont montrés solidaires les uns des autres. Ceux qui se souciaient de la pollution de l’eau ont signé les pétitions diffusées par ceux qui voulaient mettre fin à la chasse à la baleine, et ceux qui s’opposaient à la chasse à la baleine ont défilé aux côtés de ceux qui réclamaient des mesures contre les pluies acides. Cette union en faveur d’une cause commune a radicalement changé la dynamique de l’environnementalisme et ouvert la voie à l’activisme climatique actuel et au sentiment que la préservation de l’habitabilité de la planète Terre relève d’un devoir commun.

Je crois que nous sommes à l’aube d’un nouveau moment « écologique » consacré à la lutte contre les monopoles. Après tout, la technologie n’est pas la seule industrie concentrée, ni même la plus concentrée.
On trouve des partisans du démantèlement des trusts dans tous les secteurs de l’économie. On trouve partout des personnes abusées par des monopolistes qui ont ruiné leurs finances, leur santé, leur vie privée, leur parcours et la vie de leurs proches. Ces personnes partagent la même cause que ceux qui veulent démanteler les Géants de la tech et ont les mêmes ennemis. Lorsque les richesses sont concentrées entre les mains d’un petit nombre, presque toutes les grandes entreprises ont des actionnaires en commun.

La bonne nouvelle, c’est qu’avec un peu de travail et de coordination, nous disposons d’une volonté politique largement suffisante pour démanteler les Géants de la tech et tous les secteurs qui y sont concentrés. Commençons par Facebook, puis nous nous attaquerons à AT&T/WarnerMedia [groupes étatsuniens, comparable à Orange et Vivendi respectivement].
La mauvaise nouvelle, c’est que la majeure partie de ce que nous entreprenons aujourd’hui pour dompter les Géants de la tech plutôt que de démanteler les grandes entreprises, nous empêchera de les démanteler demain.

Actuellement, la concentration des Géants de la tech signifie que leur inaction en matière de harcèlement, par exemple, place leurs utilisateurs devant un choix impossible : s’absenter du débat public en quittant Twitter, par exemple, ou subir des agressions ignobles en permanence. La collecte et la conservation excessives de données par les Géants de la tech se traduisent par un odieux vol d’identité. Et leur inaction face au recrutement d’extrémistes signifie que les partisans de la suprématie blanche qui diffusent leurs fusillades en direct peuvent toucher un public de plusieurs milliards de personnes. La concentration des technologies et celle des médias implique une diminution des revenus des artistes, alors que les revenus générés par les créations de ces derniers augmentent.

Pourtant, les gouvernements confrontés à ces problèmes aboutissent tous inévitablement à la même solution : confier aux Géants de la tech le soin de contrôler leurs utilisateurs et de les rendre responsables de leurs mauvais comportements. Vouloir obliger les Géants de la tech à utiliser des filtres automatisés pour tout bloquer, de la violation des droits d’auteur au trafic sexuel, en passant par l’extrémisme violent, implique que les entreprises technologiques devront consacrer des millions pour faire fonctionner des systèmes conformes.

Ces règles, comme la nouvelle directive européenne sur les droits d’auteur, la nouvelle réglementation australienne sur le terrorisme, la loi américaine FOSTA/SESTA sur le trafic sexuel et d’autres encore, signent l’arrêt de mort des petits concurrents émergents qui pourraient contester la domination des Géants de la tech, mais n’ont pas les moyens financiers des opérateurs historiques pour acquérir tous ces systèmes automatisés. Plus grave, elles fixent un plancher en deçà de ce que nous pouvons espérer imposer aux Géants de la tech.

C’est parce que toute initiative visant à démanteler les Géants de la tech et à réduire leur taille se heurte à une limite, celle qui consiste à ne pas la réduire trop sous peine de les empêcher de financer leurs activités, car investir dans ces filtres automatisés et sous-traiter la modération de contenu coûte cher. Il va déjà être difficile de séparer ces monstres chimériques fortement concentrés qui ont été assemblés les uns aux autres pour obtenir des bénéfices de monopoles. Il sera encore plus difficile de le faire tout en trouvant un moyen de combler le vide réglementaire créé si ces auto-régulateurs étaient soudain contraints de se retirer.

Laisser les plateformes atteindre leur taille actuelle leur a conféré une position dominante quasi irréversible. Les charger de missions publiques pour remédier aux pathologies créées par leur taille rend presque impossible la réduction de cette taille. Je répète, encore et encore, si les plateformes ne deviennent pas plus petites, elles deviendront plus grandes, et à mesure qu’elles grandiront, elles engendreront davantage de problèmes, ce qui entraînera une augmentation de leurs missions publiques et leur permettra de devenir plus grandes encore.

Nous pouvons essayer de réparer Internet en démantelant les Géants de la tech et en les privant des bénéfices de monopole, ou bien nous pouvons essayer de réparer les Géants de la tech en les obligeant à consacrer leurs bénéfices de monopole à la gouvernance. Mais nous ne pouvons pas faire les deux. Nous devons choisir entre un Internet dynamique et ouvert ou un Internet dominé et monopolisé, dirigé par les Géants de la tech contre lesquels nous nous battons en permanence pour les obliger à bien se comporter.

Make Big Tech small again

Briser les monopoles est difficile. Démanteler les grandes entreprises est coûteux et prend du temps. Tellement de temps que lorsque vous y êtes enfin parvenu, le monde a évolué et a rendu inutiles des années de contentieux. De 1969 à 1982, le gouvernement américain a engagé une procédure antitrust contre IBM en raison de sa position dominante sur le marché des ordinateurs centraux, mais elle a capoté en 1982 parce que les ordinateurs centraux étaient de plus en plus remplacés par des PC.

Il est beaucoup plus facile d’empêcher la concentration que de la corriger, et le rétablissement des contours traditionnels de la loi antitrust américaine empêchera, à tout le moins, toute nouvelle concentration. Cela signifie l’interdiction des fusions entre grandes entreprises, l’interdiction pour les grandes entreprises d’acquérir des concurrents émergents, et l’interdiction pour les plates-formes de concurrencer directement les entreprises qui dépendent de ces plates-formes.

Ces pouvoirs sont tous rédigés dans le langage clair et simple des lois antitrust américaines donc, en théorie, un futur président américain pourrait simplement ordonner à son procureur général de faire appliquer la loi telle qu’elle a été rédigée. Mais après des décennies d’« éducation » judiciaire qui vantait les bénéfices des monopoles, après que de nombreux gouvernements eurent rempli les tribunaux fédéraux de supporters des monopoles rémunérés à vie, pas sûr qu’une simple intervention administrative suffise.

Si les tribunaux contrarient le ministère de la Justice et le président, la prochaine étape serait le Congrès, qui pourrait éliminer les doutes sur la façon dont la loi antitrust devrait être appliquée aux États-Unis en adoptant de nouvelles lois qui reviennent à dire « Arrêtez ça. Nous savons tous ce que prévoit la loi Sherman. Robert Bork était un hurluberlu déjanté. Que les choses soient claires, on l’emmerde ». En d’autres termes, le problème des monopoles, c’est le monopole – la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns, qui rogne notre droit à l’autodétermination. S’il y a un monopole, la loi veut qu’il disparaisse, point. Bien sûr, il faut se débarrasser des monopoles qui créent un « préjudice pour le consommateur » en augmentant les prix, mais il faut aussi se débarrasser des autres monopoles.

Mais cela ne fait qu’empêcher les choses d’empirer. Pour contribuer à les améliorer, nous allons devoir former des alliances avec d’autres militants du mouvement écologiste anti-monopole – ce serait un mouvement de pluralisme ou d’autodétermination – et prendre pour cibles les monopoles existants de chaque industrie avec des règles de démantèlement et de séparation structurelle qui empêcheraient par exemple la domination sans partage du géant Luxottica sur tout ce qui est optique et lunetterie, tant dans la vente que la fabrication. De façon significative, peu importe dans quel secteur industriel commencent les ruptures. Une fois qu’elles auront commencé, les actionnaires de tous les secteurs se mettront à regarder avec scepticisme leurs investissements dans les monopoles.

Lorsque que les briseurs de trusts feront leur entrée sur scène et commenceront à mener la vie dure aux monopolistes, le débat au sein des conseils d’administration des entreprises évoluera. Les personnes qui se seront toujours senties mal à l’aise face au monopole auront un nouvel argument puissant pour contrer leurs adversaires redoutables dans la hiérarchie de l’entreprise : « Si nous utilisons mes méthodes, nous gagnerons moins d’argent, si nous utilisons les vôtres, un juge nous infligera des amendes de plusieurs milliards et nous exposera aux moqueries et à la désapprobation générale. Donc, même si je reconnais qu’il serait vraiment génial de réaliser cette fusion, de verrouiller la concurrence, ou de racheter cette petite entreprise et de la faire disparaître avant qu’elle ne constitue une menace, nous ne devrions vraiment pas le faire – sauf à vouloir se livrer pieds et poings liés au département de la Justice et être trimballés sur la route des briseurs de trusts pendant les dix prochaines années ».

20 GOTO 10

Régler le problème de Géants de la tech va nécessiter de nombreuses itérations. Comme l’a écrit le cyber juriste Lawrence Lessig dans son ouvrage Code and Other Laws of Cyberspace (1999) [NdT : ouvrage non traduit en français], nos vies sont régies par quatre forces : la loi (ce qui est légal), le code (ce qui est technologiquement possible), les normes (ce qui est socialement acceptable) et les marchés (ce qui est rentable).

Si vous pouviez d’un coup de baguette magique obtenir du Congrès qu’il adopte demain une loi qui modifie la loi Sherman, vous pourriez utiliser les démantèlements à venir pour convaincre les investisseurs en capital-risque de financer les concurrents de Facebook, Google, Twitter et Apple qui attendent en coulisses après avoir subi une réduction de leur taille.

Mais pour amener le Congrès à agir, il faudra un virage normatif à 90 degrés, un mouvement de masse de personnes préoccupées par les monopoles et qui souhaitent les faire sauter.

Pour que les gens s’intéressent aux monopoles, il faudra des innovations technologiques qui leur permettent de voir à quoi pourrait ressembler un monde sans les Géants de la tech. Imaginez que quelqu’un crée un client tiers très apprécié (mais non autorisé) sur Facebook ou Twitter, qui freine le flux algorithmique anxiogène tout en vous permettant de parler à vos amis sans être espionné, quelque chose qui rendrait les médias sociaux plus sociables et moins toxiques. Imaginez maintenant que ce client soit fermé au cours d’une violente bataille juridique. Il est toujours plus facile de convaincre les gens qu’il faut agir pour sauver une chose qu’ils aiment que de les faire s’enthousiasmer à propos de quelque chose qui n’existe même pas encore.

Ni la technologie, ni la loi, ni le code, ni les marchés ne sont suffisants pour réformer les Géants de la tech. Mais l’un des concurrents rentables de ces derniers pourrait financer un mouvement législatif. Une réforme juridique peut encourager un fabricant à concevoir un meilleur outil. L’outil peut créer des clients pour une entreprise potentielle qui apprécie les avantages d’Internet mais qui veut obtenir ces outils sans passer par les Géants de la tech. Et cette entreprise peut obtenir un financement et consacrer une partie de ses bénéfices à la réforme juridique. 20 GOTO 10 (ou répétez l’opération autant de fois que nécessaire). Répétez l’opération, mais cette fois, allez plus loin ! Après tout, cette fois, vous commencez avec des adversaires des Géants de la tech plus faibles, un électorat qui comprend que les choses peuvent être améliorées, des concurrents des Géants de la tech qui contribueront à assurer leur propre avenir en finançant la réforme, et du code sur lequel d’autres programmeurs peuvent s’appuyer pour affaiblir encore plus les Géants de la tech.

L’hypothèse du capitalisme de surveillance, selon laquelle les produits des Géants de la tech fonctionnent vraiment aussi bien qu’ils le disent, et ça explique pourquoi c’est le bin’s partout, est trop simpliste sur la surveillance et encore plus sur le capitalisme. Les entreprises espionnent parce qu’elles croient à leurs propres baratin, elles le font aussi parce que les gouvernements les laissent faire, et parce que les avantages qu’elles tirent de l’espionnage sont tellement éphémères et minimes qu’elles doivent espionner toujours plus pour maintenir leur activité.
Et qu’est-ce qui fait que c’est le bin’s ? Le capitalisme.

Plus précisément, le monopole qui crée l’inégalité et l’inégalité qui crée le monopole. C’est une forme de capitalisme qui récompense les sociopathes qui détruisent l’économie réelle pour gonfler leurs résultats. Ils s’en sortent pour la même raison que les entreprises s’en sortent en espionnant : parce que nos gouvernements sont sous l’emprise à la fois d’une idéologie selon laquelle les monopoles sont tout à fait valables et aussi sous l’emprise de l’idée que dans un monde monopolistique, mieux vaut ne pas contrarier les monopoles.

La surveillance n’engendre pas un capitalisme dévoyé. Mais le capitalisme sans contrôle engendre la surveillance. La surveillance n’est pas malsaine parce qu’elle permet à certain de nous manipuler, elle est malsaine parce qu’elle réduit à néant notre capacité à être nous-mêmes, et parce qu’elle permet aux riches et aux puissants de découvrir qui réfléchit à la construction de guillotines et quelles crasses utiliser pour discréditer ces apprentis constructeurs avant même qu’ils n’arrivent à la scierie.

En profondeur

Avec tous les problèmes que posent les Géants de la tech, on pourrait être tenté de vouloir revenir à un monde dépourvu de technologie. Ne succombez pas à cette tentation.

La seule façon de résoudre notre problème avec les Géants de la tech est de le traiter en profondeur. Si notre avenir ne repose pas sur la haute technologie, ce sera parce que la civilisation s’est effondrée. Les Géants de la tech ont connecté un système nerveux planétaire pour l’ensemble de notre espèce, qui, avec les réformes et les changements de cap appropriés, peut nous aider à surmonter les défis existentiels auxquels sont confrontées notre espèce et notre planète. Il ne tient qu’à nous désormais de nous emparer des outils informatiques, en soumettant ce système nerveux électronique à un contrôle démocratique et transparent.

Je suis, au fond de moi et malgré ce que j’ai indiqué plus haut, un fervent partisan de la technologie. Pas dans le sens où il faudrait lui laisser le champ libre pour exercer son monopole sous prétexte qu’elle permet des « économies d’échelle » ou autre obscure particularité. Je suis partisan de la technologie parce que je crois qu’il est important de bien l’utiliser et que mal le faire serait une catastrophe absolue – et bien l’utiliser peut nous permettre de travailler tous ensemble pour sauver notre civilisation, notre espèce et notre planète.

 




OpenKeys.science, des clés de détermination pour ouvrir les portes de la biodiversité

Nous avons rencontré les serruriers de la biodiversité, une fine équipe qui veut vous donner les clés du vivant pour apprendre à mieux le connaître…

… et qui veut vous apprendre aussi (vous allez voir, c’est facile et plutôt amusant) à contribuer vous-même à la création et l’enrichissement d’un vaste trousseau de « clés ». Libres, naturellement. 

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Avant même de vous présenter, vous allez tout de suite nous expliquer ce qu’est une clé de détermination et à quoi ça sert, sinon, vous savez comme sont les lecteurs et les lectrices (exigeantes, intelligentes, attentionnées, etc.), ils et elles vont quitter cet article pour se précipiter sur Peertube afin de trouver une vidéo qui leur explique à notre place.
Sébastien Une clé de détermination, c’est un peu comme un livre dont on est le héros ! Une succession de questions vous permet d’aboutir à la détermination d’un être vivant. Au fil des questions et de vos réponses, la liste des espèces possibles se réduit progressivement jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul candidat (ou une liste très réduite). Certaines questions font parfois appel à du vocabulaire spécialisé, pas de panique ! Une illustration et une définition sont systématiquement présentes pour vous guider.
À titre d’exemple, vous pouvez consulter cette clé de détermination des insectes pollinisateurs.

1. Je réponds à des questions qui me sont proposées :


2. et ensuite visualiser les espèces candidates pour découvrir l’insecte que j’observe :

Donc si je dis qu’une clé de détermination c’est une liste de questions qui a pour objectif d’identifier à quelle espèce appartient un animal ou un végétal que j’observe, je simplifie un peu, mais j’ai bon ?

C’est l’idée oui.

Maintenant qu’on a compris de quoi on va parler, vous pouvez vous présenter !

Sébastien Turpin : Je suis enseignant de Sciences de la Vie et de la Terre et je travaille au Muséum national d’Histoire naturelle où je coordonne un programme de sciences participatives pour les scolaires. Et comme Thibaut, j’aime me balader dans la nature même si je n’arrive pas à y aller aussi souvent que je le souhaiterais !

Grégoire Loïs : Je suis naturaliste depuis toujours et j’ai la chance de travailler dans ce même établissement avec Sébastien, mais depuis un peu plus de 25 ans en ce qui me concerne. Je m’occupe comme lui de programmes de sciences participatives et plus particulièrement de bases de données.

Thibaut Arribe : Je suis développeur dans une petite SCOP qui s’appelle Kelis. On édite des solutions documentaires open-source pour produire et diffuser des documents numériques (vous avez peut-être déjà entendu parler de Scenari ou Opale, deux logiciels édités par Kelis). Accessoirement, je suis accompagnateur en montagne. J’emmène des groupes et particuliers se balader dans la nature sauvage des Pyrénées et des Cévennes.

Entrons dans le vif du sujet, c’est quoi OpenKeys.science ?

Thibaut OpenKeys.science est un service en ligne qui permet de produire et diffuser des clés de détermination sous la forme de petit sites web autonomes.

Autonomes, ça veut dire qu’ils peuvent aller se promener tout seuls, sans attestation ?

Thibaut C’est exactement ça ! Pour tout un tas de bonnes et moins bonnes raisons, un site web est souvent dépendant de nombreux programmes à installer sur un serveur. Cette complexité rend bien service, mais l’installation de ce genre de site web en devient réservée à un public d’initiés.

Dans notre cas, une fois produit, rendre ce site “autonome” disponible sur le web est simple : n’importe quel espace web perso suffit (qu’il soit fourni par votre CHATON favori ou votre fournisseur d’accès à Internet).

Surtout, ça signifie qu’il est très simple d’en faire une copie pour l’emporter en balade dans la nature, et ça, c’est assez chouette.

Et donc produire des clés ? On a compris que c’était pas des vraies clés avec du métal, mais vous pouvez préciser en quoi ça consiste ?

Thibaut Prenons un exemple simple : tu veux avoir un moyen de différencier à tous les coups un frelon européen (Vespa crabro pour les intimes) d’un frelon asiatique (le fameux Vespa velutina). C’est important de faire la différence, le frelon asiatique est une espèce invasive qui fait des dégats, par exemple dans l’apiculture… (il raffole des boulettes d’abeille à l’automne ! Chacun son truc…)

Bon, avec OpenKeys, je vais commencer par créer une belle fiche illustrée sur le frelon européen dans un éditeur adapté. Ça pourrait ressembler à ça :

Ensuite, je fais la même pour son lointain cousin.

Voilà, toutes les espèces mentionnées par ma clé sont en place, je peux maintenant créer des critères qui vont m’aider à différencier ces deux espèces.

J’ai lu dans un bouquin que le critère le plus facile, c’est de regarder la couleur du thorax (la partie centrale du corps, entre la tête et l’abdomen). Pour les frelons asiatique, le thorax est de couleur unie (noire) et pour le frelon européen, c’est un mélange de bordeaux et noir.


J’associe chaque valeur à la fiche correspondante dans OpenKeys et le tour est joué. Je n’ai plus qu’à générer ma clé, la publier sur le Web et envoyer un email à la Fédération des apiculteurs pour les aider à faire connaître le frelon asiatique, ses risques sur les abeilles, et les moyens de le reconnaître.

Attends, je t’arrête, qui a envie de faire ça ?

Thibaut Très certainement plus de personnes que tu ne le crois ! Assez rapidement, on peut imaginer plusieurs publics :

  • les chercheuses et chercheurs qui s’intéressent à la biodiversité comme ceux de Vigie-nature
  • les enseignantes et enseignants (à l’école, en SVT au collège ou à l’université) pour un usage en classe
  • les médiatrices et médiateurs de l’environnement, des gardiens des parcs nationaux aux intervenants nature en passant par les agents de l’Office National des Forêts (ONF) ou l’Office Français pour la Biodiversité (OFB)
  • et au final, toutes les contemplatrices et contemplateurs de la nature et de la biodiversité, qui s’intéressent aux plantes, aux oiseaux, aux insectes, aux champignons… ou juste à ce qu’on peut observer à proximité de la maison.

OK, je vois. Et, une fois les clés produites, qu’en font ces structures et ces gens ?

Thibaut Ça dépend des profils… Le laboratoire Vigie-Nature utilise la clé des insectes pollinisateurs dans son observatoire de sciences participatives SPIPOLL par exemple.
Un⋅e enseignant⋅e va produire une ressource éducative pour sa classe (par exemple ici).
Un⋅e médiateur⋅rice de l’environnement va produire des clés pour le grand public (comme le fait l’ONF ici)
On voit aussi des naturalistes amateur⋅ices mettre leurs connaissances à disposition : le site Champ Yves en est un bon exemple.

De mon côté, j’utilise des clés pour progresser et identifier de nouvelles espèces dans mon activité en montagne. J’en propose aussi aux groupes que j’accompagne pour identifier les espèces de montagne qui les entoureront au cours leurs prochaines randonnées.

Sébastien et Grégoire, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Vigie-nature ?
Sébastien Vigie-Nature est un programme de sciences participatives ouvert à tous. En s’appuyant sur des protocoles simples et rigoureux, il propose à chacun de contribuer à la recherche en découvrant la biodiversité qui nous entoure. Initié il y a plus de 30 ans avec le Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC), le programme Vigie-Nature s’est renforcé depuis avec le suivi de nouveaux groupes : les papillons, chauves-souris, escargots, insectes pollinisateurs, libellules, plantes sauvages des villes…. En partageant avec les scientifiques des données de terrain essentielles les participants contribuent à l’amélioration des connaissances sur la biodiversité ordinaire et sur ses réponses face aux changements globaux (urbanisation, changement climatique…). Chacun peut y participer qu’il s’y connaisse ou non. À vous de jouer !
Grégoire En participant, on découvre un monde. Nous avons des échanges avec des participants qui se sont pris au jeu et sont devenus de véritables experts passionnés en quelques années alors qu’ils ne prêtaient pas attention aux plantes et aux animaux qui les entouraient. D’autres ont découvert cet univers puis ont butiné de programmes participatifs en programmes participatifs, au gré des découvertes. Enfin, il faut souligner que toute l’année, en ville comme à la campagne, on peut s’impliquer et contribuer à la recherche scientifique en s’enrichissant d’expériences de nature.

Donc si je veux, je peux observer des papillons et des abeilles dans mon jardin, utiliser les clés de détermination pour les identifier correctement, et remonter les résultats à Vigie-Nature ? C’est un peu comme améliorer les cartes d’OpenStreetMap, avec des êtres vivants à la place des bâtiments, mon analogie est bonne ?

Grégoire Oui en quelque sorte. Mais on pourrait même dire que ça va un peu plus loin qu’Open Street Map. C’est un peu comme si l’amélioration permanente d’Open Street Map était cadrée. Comme si, en participant, vous vous engagiez à faire une contribution régulière à Open Street Map, en revenant sur les mêmes lieux et dans les mêmes conditions. La différence est ténue mais elle est importante. En faisant de la sorte, vous pourriez suivre de manière rigoureuse les changements d’occupation du sol. Et en multipliant le nombre de personnes agissant de la sorte, il serait possible de modéliser puis d’extrapoler les divers changements, voire d’en faire des prédictions pour le futur.

Vous nous avez aussi parlé de SPIPOLL, c’est pour espionner les insectes ? (mais espion, ça prend un Y en anglais…)
Grégoire Ici, Spipoll signifie Suivi Photographique des Insectes POLLinisteurs.

De quoi s’agit-il ? La pollinisation de laquelle dépend la reproduction des plantes à fleurs peut se faire de plusieurs manières.
Ainsi les graminées ou encore certains arbres profitent du vent pour faire circuler le pollen. C’est malheureusement à l’origine des allergies qu’on regroupe sous le nom de rhume des foins.
Mais pour beaucoup d’espèces, un bénéfice mutuel s’est mis en place entre plantes et insectes il y a un peu plus de 100 millions d’années (sous notre latitude, dans les tropiques, oiseaux et chauves-souris s’en mêlent). La plante fournit en abondance pollen et même nectar, un liquide sucré qui n’a d’autre rôle que d’attirer les insectes. Ces derniers viennent consommer ces deux ressources et passent de fleurs en fleurs chargés de minuscules grains de pollen. Ils assurent ainsi la reproduction sexuée des plantes et tirent bénéfice de ce service sous forme de ressources alimentaires.
Dans certains cas même, la plante ensorcelle littéralement l’insecte puisqu’elle l’attire et se fait passer pour un partenaire sexuel, trompant ainsi les mâles qui passent de fleurs en fleurs en transportant de petits sacs de pollens mais sans bénéficier de victuailles.

Suite aux incroyables bouleversement qu’ont subis les milieux naturels notamment depuis la révolution industrielle, on a pu constater des déclins d’insectes et des difficultés pour les plantes à échanger leurs gamètes. C’est crucial : sans cet échange, pas de fruits, et par exemple, aux États-Unis, les plantations d’orangers ont de grandes difficultés à fructifier. Dans ce cas, les arboriculteurs installent des ruches d’abeilles domestiques mais il semble que la situation soit tout de même critique. Les chercheurs en Écologie fondamentale se posent donc beaucoup de questions sur les communautés de pollinisateurs. On parle ici de communautés parce qu’on estime à entre cinq et dix mille le nombre d’espèces d’invertébrés impliqués dans la pollinisation en France ! Aucun spécialiste des insectes n’est à même d’étudier un si vaste nombre d’espèces, surtout qu’elles appartiennent à des groupes très variés (mouches, guêpes, abeilles et fourmis, coléoptères, papillons diurnes et nocturnes, punaises, etc.).

L’idée du Spipoll est de solliciter les personnes intéressées pour collecter des informations sur les réseaux d’interaction entre plantes et insectes partout sur le territoire. Il s’agit de prendre des photos de tout ce qui s’active sur les parties florales d’une espèce de plante dans un rayon de 5 mètres, puis de trier ces photos pour n’en garder qu’une par “bestiole différente” puis de tenter de ranger ces bestioles au sein d’une simplification taxonomique comptant quand même 630 branches !!! Et c’est là qu’une clé se révèle indispensable…

Vous avez mentionné au début de l’article que vous aimiez contempler la nature, ça fait envie, vous pouvez me décrire concrètement en quoi OpenKeys.science va m’y aider ?

Thibaut Savoir nommer les espèces qui nous entourent, c’est ouvrir une porte sur la complexité du vivant. De découverte en découverte, les paysages que nous contemplons nous apparaissent comme des lieux de vies ou cohabitent des milliers d’espèces. La diversité des espèces, des milieux et des relations entre ces espèces donne le vertige (et une soif d’en découvrir toujours plus).

En fournissant des clés à utiliser chez soi ou à emmener en balade, OpenKeys met le pied à l’étrier pour changer son regard sur la nature et pour découvrir tout ce qui se cache autour de nous.

Avec une clé de détermination dans la poche, je peux prendre le temps de m’arrêter, d’observer les alentours et d’identifier ce qui m’entoure. De découverte en découverte, c’est toute cette richesse de la nature qui s’offrira à vous…

Entre deux confinements, on va pouvoir retourner se balader, quelles clés sont disponibles sur OpenKeys.science pour une débutante ou un débutant ?

Sébastien Une clé des insectes pollinisateurs est déjà disponible, avec laquelle vous devriez pouvoir nommer la plupart des insectes que vous verrez dans votre jardin !
Nous travaillons également à proposer rapidement une clé pour :

des oiseaux communs ,

des chauve-souris

et des escargots

Thibaut Depuis la liste des domaines sur OpenKeys.science, on peut aller se balader sur chacun des domaines et y consulter les clés qui y seront publiées. On y retrouve par exemple une clé pour identifier certains arbres à partir de leurs feuilles.

Cet interview est aussi l’occasion de faire un appel… Vous voulez partager vos connaissances, venez faire un tour sur OpenKeys.science et créez votre clé. Par exemple, j’adorerais avoir une clé pour progresser dans l’identification des champignons.

Est-ce que vous ne seriez pas en train d’essayer de googliser la clé de détermination ? Et après vous allez capter toutes les données, les monétiser, disrupter, on connaît la suite…

Thibaut Hé hé ! Non, ce n’est pas du tout l’idée. Les contenus sources sont dans des formats libres et ouverts. Il est possible d’importer et exporter ses productions. Le service OpenKeys.science est construit avec des technologies libres (la suite logicielle Scenari et le modèle associé IDKey). Il est donc possible d’héberger ce genre de service ailleurs…

On peut considérer OpenKeys.science comme une îlot en interaction avec d’autres dans l’archipel des connaissances libres. Chez nous, on fabrique et diffuse des ressources pour comprendre la nature qui nous entoure. On utilise des technologies open source et les ressources produites sont sous licence libre pour favoriser la circulation des connaissances.

On a découvert qu’il existait plusieurs clés de détermination sur le site de TelaBotanica. Qu’est-ce que la vôtre aura de plus ?

Thibaut On peut discuter sur le plan technique. Les clés produites sur OpenKeys.science sont plus ergonomiques (ça, c’est pas moi, c’est Anna, l’ergonome qui a travaillé avec moi sur ces clés qui le dit). Elles s’adaptent mieux à l’affichage sur grand et petit écran. Elles utilisent des standards récents du Web pour être installées sur son ordinateur ou téléphone. Elles peuvent donc fonctionner sans Internet…

Après, ce n’est pas vraiment le sujet, je crois. Il ne s’agit pas de concurrencer des sites de référence comme TelaBotanica ou MycoDB par exemple. J’insiste, on ne souhaite pas centraliser les connaissances sur les clés ni challenger le reste du monde. L’idée est plutôt d’aider ces communautés de passionnés à partager. Je serai ravi de donner un coup de main aux autrices et auteurs de ces sites pour migrer techniquement leur contenu et ainsi leur permettre de générer leur clé sur OpenKeys.science ou ailleurs avec les mêmes technologies open-source. Elles ou ils y gagnent une clé plus facile à utiliser et à installer sur leur site ainsi qu’un outil pour mettre à jour et enrichir cette clé facilement.

Je suis nul en smartphone, mais un pote m’a parlé de Pl@ntnet, ça va pas vous couper l’herbe sous le pied ? Est-ce que des IA dans la blockchain avec des drones autonomes connectés 5.0 ne seraient pas plus efficaces que des humains qui se promènent avec des sites statiques ? C’est pas un peu old tech votre histoire ?

Sébastien Mais non 🙂 ! Ce n’est juste pas du tout les mêmes approches ! Une clé de détermination permet de guider le regard, d’apprendre à observer, de prendre son temps, bref de s’intéresser et de découvrir un être vivant… c’est certainement un peu plus long que de prendre une photo et d’attendre qu’une IA du Web 3.0 fasse tout le travail mais tellement plus valorisant !
Et puis, quand on a pris le temps d’observer à fond une espèce, lors de la prochaine rencontre vous vous en rappellerez tout seul et sans aide !

Thibaut Côté technique, plutôt que old tech, je revendiquerais plutôt le terme low tech. Oui, c’est volontairement un objet technique simple. Ça a plein d’avantages. Par exemple, c’est bien moins consommateur d’énergie, ça marchera encore bien après la fin d’un projet comme Pl@ntnet…

Votre projet démontre que logiciel libre et biodiversité peuvent aller de pair, et ça c’est une bonne nouvelle pour les gens qui se préoccupent de l’un et l’autre, et on est pas mal dans ce cas à Framasoft. Est-ce que vous avez d’autres idées dans le genre ?
Thibaut Je crois que OpenKeys.science est un bon exemple d’interactions super positives entre ces deux mondes ! Disons que ça valide complètement l’intuition de départ… Oui, mettre en relation l’univers de l’informatique libre et la recherche en biodiversité nous profite à tous.

Je vais donc continuer d’explorer cette piste. D’un côté, rencontrer des chercheurs pour discuter des difficultés technologiques dans leurs travaux. De l’autre, identifier des développeurs qui pourraient les aider. Je pense que ça intéresserait du monde, par exemple pour prendre le temps de découvrir une nouvelle techno en menant un projet sympa, ou une organisation qui cherche un sujet pour créer un démonstrateur de son savoir-faire, ou encore des étudiants et enseignants à la recherche de projets à mener dans un cadre universitaire… les contextes ne manquent pas.

Et pourquoi pas, si tout ça fonctionne et rend service, fédérer la démarche dans une association ou une fondation.

 

(image d’illustration : CC BY-SA Dominik Stodulski, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Coccinellidae)




Le Web est-il devenu trop compliqué ?

Le Web, tout le monde s’en sert et beaucoup en sont très contents. Mais, même parmi ceux et celles qui sont ravi·es de l’utiliser, il y a souvent des critiques. Elles portent sur de nombreux aspects et je ne vais pas essayer de lister ici toutes ces critiques. Je vais parler d’un problème souvent ressenti : le Web n’est-il pas devenu trop compliqué ?

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Je ne parle pas de la complexité pour l’utilisateur, par exemple des problèmes qu’il ou elle peut avoir avec telle ou telle application Web, ou tel formulaire incompréhensible ou excluant. Non, je parle de la complexité des nombreuses technologies sous-jacentes. Alors, si vous n’êtes pas technicien·ne, vous avez peut-être envie d’arrêter votre lecture ici en pensant qu’on ne parlera que de technique. Mais ce n’est pas le cas, cet article est pour tous et toutes. (Ceci dit, si vous arrêtez votre lecture pour jouer avec le chat, manger un bon plat, lire un livre passionnant ou faire des câlins à la personne appropriée, cela ne me dérange pas et je vous souhaite un agréable moment.)

Mais revenons à l’objection « OK, les techniques utilisées dans le Web sont compliquées mais cela ne concerne que les développeuses et développeurs, non ? » Eh bien non car cette complication a des conséquences pour tous et toutes. Elle se traduit par des logiciels beaucoup plus complexes, donc elle réduit la concurrence, très peu d’organisations pouvant aujourd’hui développer un navigateur Web. Elle a pour conséquence de rendre l’utilisation du Web plus lente : bien que les machines et les réseaux aient nettement gagné en performance, le temps d’affichage d’une page ne cesse d’augmenter. Passer à la fibre ou à la 5G ne se traduira pas forcément par un gain de temps, puisque ce sont souvent les calculs nécessaires à l’affichage qui ralentissent la navigation. Et enfin cette complication augmente l’empreinte environnementale du Web, en imposant davantage d’opérations aux machines, ce qui pousse au remplacement plus rapide des terminaux.

L’insoutenable lourdeur du Web

Une page Web d’aujourd’hui n’est en effet pas une simple description d’un contenu. Elle inclut la « feuille de style », rédigée dans le langage CSS, qui va indiquer comment présenter la page, du JavaScript, un langage de programmation qui va être exécuté pour faire varier le contenu de la page, des vidéos, et d’autres choses qui souvent distraient du contenu lui-même. Je précise que je ne parle pas ici des applications tournant sur le Web (comme une application d’accès au courrier électronique, ou une application de gestion des évènements ou l’application maison utilisée par les employés d’une organisation pour gérer leur travail), non, je parle des pages Web de contenu, qui ne devraient pas avoir besoin de toute cette artillerie.

Du fait de cette complexité, il n’existe aujourd’hui que quatre ou cinq navigateurs Web réellement distincts. Écrire un navigateur Web aujourd’hui est une tâche colossale, hors de portée de la très grande majorité des organisations. La concurrence a diminué sérieusement. La complexité technique a donc des conséquences stratégiques pour le Web. Et ceci d’autant plus qu’il n’existe derrière ces navigateurs que deux moteurs de rendu, le cœur du navigateur, la partie qui interprète le langage HTML et le CSS et dessine la page. Chrome, Edge et Safari utilisent le même moteur de rendu, WebKit (ou l’une de ses variantes).

Et encore tout ne tourne pas sur votre machine. Derrière votre écran, l’affichage de la moindre page Web va déclencher d’innombrables opérations sur des machines que vous ne voyez pas, comme les calculs des entreprises publicitaires qui vont, en temps réel, déterminer les « meilleures » publicités à vous envoyer dans la figure ou comme l’activité de traçage des utilisateurs, notant en permanence ce qu’ils font, d’où elles viennent et de nombreuses autres informations, dont beaucoup sont envoyées automatiquement par votre navigateur Web, qui travaille au moins autant pour l’industrie publicitaire que pour vous. Pas étonnant que la consommation énergétique du numérique soit si importante. Et ces calculs côté serveur ont une grande influence sur la capacité du serveur à tenir face à une charge élevée, comme on l’a vu pendant les confinements Covid-19. Les sites Web de l’Éducation Nationale ne tenaient pas le coup, même quand il s’agissait uniquement de servir du contenu statique.

La surveillance coûte cher

La complexité du Web cache en effet également cette activité de surveillance, pratiquée aussi bien par les entreprises privées que par les États. Autrefois, acheter un journal à un kiosque et le lire étaient des activités largement privées. Aujourd’hui, toute activité sur le Web est enregistrée et sert à nourrir les bases de données du monde de la publicité, ou les fichiers des États. Comme exemple des informations envoyées par votre navigateur, sans que vous en ayez clairement connaissance, on peut citer bien sûr les fameux cookies. Ce sont des petits fichiers choisis par le site Web et envoyés à votre navigateur. Celui-ci les stockera et, lors d’une visite ultérieure au même site Web, renverra le cookie. C’est donc un outil puissant de suivi de l’utilisateur. Et ne croyez pas que, si vous visitez un site Web, seule l’organisation derrière ce site pourra vous pister. La plupart des pages Web incluent en effet des ressources extérieures (images, vidéos, boutons de partage), pas forcément chargés depuis le site Web que vous visitez et qui ont eux aussi leurs cookies. La loi Informatique et Libertés (et, aujourd’hui, le RGPD) impose depuis longtemps que les utilisateurs soient prévenus de ce pistage et puissent s’y opposer, mais il a fallu très longtemps pour que la CNIL tape sur la table et impose réellement cette information des utilisateurs, le « bandeau cookies ». Notez qu’il n’est pas obligatoire. D’abord, si le site Web ne piste pas les utilisateurs, il n’y a pas d’obligation d’un tel bandeau, ensuite, même en cas de pistage, de nombreuses exceptions sont prévues.

Un bandeau cookies. Notez qu’il n’y a pas de bouton Refuser.

 

Les bandeaux cookies sont en général délibérément conçus pour qu’il soit difficile de refuser. Le but est que l’utilisateur clique rapidement sur « Accepter » pour en être débarrassé, permettant ainsi à l’entreprise qui gère le site Web de prétendre qu’il y a eu consentement.

Désolé de la longueur de ce préambule, d’autant plus qu’il est très possible que, en tant que lectrice ou lecteur du Framablog, vous soyez déjà au courant. Mais il était nécessaire de revenir sur ces problèmes du Web pour mieux comprendre les projets qui visent à corriger le tir. Notez que les évolutions néfastes du Web ne sont pas qu’un problème technique. Elles sont dues à des raisons économiques et politiques et donc aucune approche purement technique ne va résoudre complètement le problème. Cela ne signifie pas que les techniciens et techniciennes doivent rester les bras croisés. Ils et elles peuvent apporter des solutions partielles au problème.

Bloquer les saletés

Première approche possible vers un Web plus léger, tenter de bloquer les services néfastes. Tout bon navigateur Web permet ainsi un certain contrôle de l’usage des cookies. C’est par exemple ce que propose Firefox dans une rubrique justement nommée « Vie privée et sécurité ».

Le menu de Firefox pour contrôler notamment les cookies

 

On peut ainsi bloquer une partie du système de surveillance. Cette approche est très recommandée mais notez que Firefox vous avertit que cela risque d’ « empêcher certains sites de fonctionner ». Cet avertissement peut faire hésiter certains utilisateurs, d’autant plus qu’avec les sites en question, il n’y aura aucun message clair, uniquement des dysfonctionnements bizarres. La plupart des sites Web commerciaux sont en effet développés sans tenir compte de la possibilité que le visiteur ait activé ces options. Si le site de votre banque ne marche plus après avoir changé ces réglages, ne comptez pas sur le support technique de la banque pour vous aider à analyser le problème, on vous dira probablement uniquement d’utiliser Google Chrome et de ne pas toucher aux réglages. D’un côté, les responsables du Web de surveillance disent qu’on a le choix, qu’on peut changer les réglages, d’un autre côté ils exercent une pression sociale intense pour qu’on ne le fasse pas. Et puis, autant on peut renoncer à regarder le site Web d’un journal lorsqu’il ne marche pas sans cookies, autant on ne peut guère en faire autant lorsqu’il s’agit de sa banque.

De même qu’on peut contrôler, voire débrayer les cookies, on peut supprimer le code Javascript. À ma connaissance, Firefox ne permet pas en standard de le faire, mais il existe une extension nommée NoScript pour le faire. Comme avec les cookies, cela posera des problèmes avec certains sites Web et, pire, ces problèmes ne se traduiront pas par des messages clairs mais par des dysfonctionnements. Là encore, peu de chance que le logiciel que l’entreprise en question a chargé de répondre aux questions sur Twitter vous aide.

Enfin, un troisième outil pour limiter les divers risques du Web est le bloqueur de publicité. (Personnellement, j’utilise uBlock Origin.)

uBlock Origin sur le site du Monde, où il a bloqué trois pisteurs et publicités. On voit aussi à gauche la liste des sites chargés automatiquement par votre navigateur quand vous regardez Le Monde.

 

Absolument indispensable à la fois pour éviter de consacrer du temps de cerveau à regarder les publicités, pour la sécurité (les réseaux de distribution de la publicité sont l’endroit idéal pour diffuser du logiciel malveillant) et aussi pour l’empreinte environnementale, le bloqueur empêchant le chargement de contenus qui feront travailler votre ordinateur pour le profit des agences de publicité et des annonceurs.

Un navigateur Web léger ?

Une solution plus radicale est de changer de navigateur Web. On peut ainsi préférer le logiciel Dillo, explicitement conçu pour la légèreté, les performances et la vie privée. Dillo marche parfaitement avec des sites Web bien conçus, mais ceux-ci ne sont qu’une infime minorité. La plupart du temps, le site sera affiché de manière bizarre. Et on ne peut pas le savoir à l’avance ; naviguer sur le Web avec Dillo, c’est avoir beaucoup de mauvaises surprises et seulement quelques bonnes (le Framablog, que vous lisez en ce moment, marche très bien avec Dillo).

Le site de l’Élysée vu par Dillo. Inutilisable (et pas par la faute de Dillo mais par le choix de l’Élysée d’un site spectaculaire plutôt qu’informatif).

 

Autre navigateur « alternatif », le Tor Browser. C’est un Firefox modifié, avec NoScript inclus et qui, surtout, ne se connecte pas directement au site Web visité mais passe par plusieurs relais du réseau Tor, supprimant ainsi un moyen de pistage fréquent, l’adresse IP de votre ordinateur. Outre que certains sites ne réagissent pas bien aux réglages du Tor Browser, le passage par le réseau Tor se traduit par des performances décrues.

Toutes ces solutions techniques, du bloqueur de publicités au navigateur léger et protecteur de la vie privée, ont un problème commun : elles sont perçues par les sites Web comme « alternatives » voire « anormales ». Non seulement le site Web risque de ne pas fonctionner normalement mais surtout, on n’est pas prévenu à l’avance, et même après on n’a pas de diagnostic clair. Le Web, pourtant devenu un écosystème très complexe, n’a pas de mécanismes permettant d’exprimer des préférences et d’être sûr qu’elles sont suivies. Certes, il existe des techniques comme l’en-tête « Do Not Track » où votre navigateur annonce qu’il ne souhaite pas être pisté mais il est impossible de garantir qu’il sera respecté et, vu le manque d’éthique de la grande majorité des sites Web, il vaut mieux ne pas compter dessus.

Gemini, une solution de rupture

Cela a mené à une approche plus radicale, sur laquelle je souhaitais terminer cet article, le projet Gemini. Gemini est un système complet d’accès à l’information, alternatif au Web, même s’il en reprend quelques techniques. Gemini est délibérément très simple : le protocole, le langage parlé entre le navigateur et le serveur, est très limité, afin d’éviter de transmettre des informations pouvant servir au pistage (comme l’en-tête User-Agent du Web) et il n’est pas extensible. Contrairement au Web, aucun mécanisme n’est prévu pour ajouter des fonctions, l’expérience du Web ayant montré que ces fonctions ne sont pas forcément dans l’intérêt de l’utilisateur. Évidemment, il n’y a pas l’équivalent des cookies. Et le format des pages est également très limité, à la fois pour permettre des navigateurs simples (pas de CSS, pas de Javascript), pour éviter de charger des ressources depuis un site tiers et pour diminuer la consommation de ressources informatiques par le navigateur. Il n’y a même pas d’images. Voici deux exemples de navigateurs Gemini :

Le client Gemini Lagrange

 

Le même site Gemini, vu par un client différent, Elpher

 

Gemini est un système récent, s’inspirant à la fois de systèmes anciens (comme le Web des débuts) et de choses plus récentes (ainsi, contrairement au Web, le chiffrement du trafic, pour compliquer la surveillance, est systématique). Il reprend notamment le concept d’URL donc par exemple le site d’informations sur les alertes de tempêtes solaires utilisé plus haut à titre d’exemple est gemini://gemini.bortzmeyer.org/presto/. Gemini est actuellement en cours de développement, de manière très ouverte, notamment sur la liste de diffusion publique du projet. Tout le monde peut participer à sa définition. (Mais, si vous voulez le faire, merci de lire la FAQ d’abord, pour ne pas recommencer une question déjà discutée.) Conformément aux buts du projet, écrire un client ou un serveur Gemini est facile et des dizaines de logiciels existent déjà. Le nom étant une allusion aux missions spatiales étatsuniennes Gemini, mais signifiant également « jumeaux » en latin, beaucoup de ces logiciels ont un nom qui évoque le spatial ou la gémellité. Pour la même raison spatiale, les sites Gemini se nomment des capsules, et il y en a actuellement quelques centaines opérationnelles. (Mais, en général, avec peu de contenu original. Gemini ressemble pour l’instant au Web des débuts, avec du contenu importé automatiquement d’autres services, et du contenu portant sur Gemini lui-même.)

On a vu que Gemini est une solution très disruptive et qui ne sera pas facilement adoptée, tant le marketing a réussi à convaincre que, sans vidéos incluses dans la page, on ne peut pas être vraiment heureux. Gemini ne prétend pas à remplacer le Web pour tous ses usages. Par exemple, un CMS, logiciel de gestion de contenu, comme le WordPress utilisé pour cet article, ne peut pas être fait avec Gemini, et ce n’est pas son but. Son principal intérêt est de nous faire réfléchir sur l’accès à l’information : de quoi avons-nous besoin pour nous informer ?

—  —  —




Détruire le capitalisme de surveillance – 5

Voici la cinquième partie de l’essai que consacre Cory Doctorow au capitalisme de surveillance (parcourir sur le blog les épisodes précédents – parcourir les cinq premiers épisodes en un seul PDF de 50 pages ).

Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism

Traduction Framalang : Claire, Fabrice, goofy, Jums, Susyl, anonymes

Dignité et sanctuaire

Quand bien même nous exercerions un contrôle démocratique sur nos États et les forcerions à arrêter de piller les silos de données comportementales du capitalisme de surveillance, ce dernier continuera à nous maltraiter. Nous vivons une époque parfaitement éclairée par Zuboff. Son chapitre sur le sanctuaire – ce sentiment de ne pas être observé – est une magnifique ode à l’introspection, au calme, à la pleine conscience et à la tranquillité.

Quand nous sommes observé⋅e, quelque chose change. N’importe quel parent sait ce que cela signifie. Vous pouvez lever la tête de votre bouquin (ou plus vraisemblablement de votre téléphone) et observer votre enfant dans un état profond de réalisation de soi et d’épanouissement, un instant où il est en train d’apprendre quelque chose à la limite de ses capacités, qui demande une concentration intense. Pendant un court laps de temps, vous êtes sidéré⋅e, et vous observez ce moment rare et beau de concentration qui se déroule devant vos yeux, et puis votre enfant lève la tête, vous voit le regarder, et ce moment s’évanouit. Pour grandir, vous devez être vous-même et donner à voir votre moi authentique, c’est à ce moment que vous devenez vulnérable, tel un bernard-l’hermite entre deux coquilles.

Cette partie de vous, tendre et fragile, que vous exposez au monde dans ces moments-là, est bien trop délicate pour être révélée à autrui, pas même à une personne à laquelle vous faites autant confiance qu’un enfant à ses parents.

À l’ère numérique, notre moi authentique est inextricablement mêlé à de notre vie en ligne. Votre historique de recherche est un enregistrement en continu des questions que vous vous posez. Votre historique de géolocalisation est un registre des endroits que vous cherchiez et des expériences que vous avez vécues en ces lieux. Votre réseau social révèle les différentes facettes de votre personnalité ainsi que les gens avec qui vous êtes en contact.

Être observé pendant ces activités, c’est perdre le sanctuaire de votre moi authentique. Mais il y a une autre manière pour le capitalisme de surveillance de nous dérober notre capacité d’être véritablement nous-même : nous rendre anxieux. Ce capitalisme de surveillance n’est pas vraiment un rayon de contrôle mental, pas besoin de ça pour rendre quelqu’un anxieux. Après tout, l’anxiété est le synonyme d’agitation, et pour qu’une personne se sente agitée, il n’y a pas vraiment besoin de la secouer. Il suffit d’aiguillonner et de piquer et de notifier et de bourdonner autour et de bombarder de manière intermittente et juste assez aléatoire pour que notre système limbique ne puisse jamais vraiment s’y habituer.

Nos appareils et nos services sont polyvalents dans le sens où ils peuvent connecter n’importe quoi ou n’importe qui à n’importe quoi ou à n’importe qui d’autre, et peuvent aussi exécuter n’importe quel programme. Cela signifie que ces rectangles de distractions dans nos poches détiennent nos plus précieux moments avec nos proches, tout comme les communications les plus urgentes et les plus sensibles (de « je suis en retard, peux-tu aller chercher les gamins ? » jusqu’à « mauvaise nouvelle du docteur, il faut qu’on parle TOUT DE SUITE »), mais aussi les pubs pour les frigos et les messages de recrutement nazis.

À toute heure du jour ou de la nuit, nos poches sonnent, font voler en éclat notre concentration, détruisent le fragile maillage de nos réflexions quand nous avons besoin de penser des situations difficiles. Si vous enfermiez quelqu’un dans une cellule et que vous l’agitiez de la sorte, on appellerait ça de la torture par privation de sommeil, et ce serait considéré comme un crime de guerre par la Convention de Genève.

Affliger les affligés

Les effets de la surveillance sur notre capacité à être nous-mêmes ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Certain⋅e⋅s d’entre nous ont la chance de vivre à une époque et dans un lieu où tous les faits les plus importants de leur vie sont socialement acceptés et peuvent être exposés au grand jour sans en craindre les conséquences sociales.

Mais pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas le cas. Rappelez-vous que, d’aussi loin qu’on s’en souvienne, de nombreuses façons d’être, considérées aujourd’hui comme socialement acceptables, ont donné lieu à de terribles condamnations sociales, voire à des peines d’emprisonnement. Si vous avez 65 ans, vous avez connu une époque où les personnes vivant dans des « sociétés libres » pouvaient être emprisonnées ou punies pour s’être livrées à des pratiques homosexuelles, pour être tombées amoureuses d’une personne dont la peau était d’une couleur différente de la leur, ou pour avoir fumé de l’herbe.

Aujourd’hui, non seulement ces pratiques sont dépénalisées dans une grande partie du monde, mais en plus, elles sont considérées comme normales, et les anciennes prohibitions sont alors vues comme des vestiges d’un passé honteux et regrettable.

Comment sommes-nous passés de la prohibition à la normalisation ? Par une activité privée et personnelle : les personnes dont l’homosexualité étaient secrète ou qui fumaient de l’herbe en secret, ou qui aimaient quelqu’un d’une couleur de peau différente de la leur en secret, étaient susceptibles de représailles si elles dévoilaient leur moi authentique. On les empêchait de défendre leur droit à exister dans le monde et à être en accord avec elles-mêmes. Mais grâce à la sphère privée, ces personnes pouvaient former des liens forts avec leurs amis et leurs proches qui ne partageaient pas leurs manières de vivre mal vues par la société. Elles avaient des conversations privées dans lesquelles elles se dévoilaient, elles révélaient leur moi authentique à leurs proches, puis les ralliaient à leur cause au fil des conversations.

Le droit de choisir le moment et la manière d’aborder ces conversations a joué un rôle fondamental dans le renversement des normes. C’est une chose de faire son coming out à son père au cours d’une sortie de pêche à l’écart du monde, c’en est une autre de tout déballer pendant le repas de Noël, en présence de son oncle raciste sur Facebook prêt à faire une scène.

Sans sphère privée, il est possible qu’aucun de ces changements n’aurait eu lieu et que les personnes qui en ont bénéficié auraient subi une condamnation sociale pour avoir fait leur coming out face à un monde hostile ou alors elles n’auraient jamais pu révéler leur moi authentique aux personnes qu’elles aiment.

Et donc, à moins que vous ne pensiez que notre société ait atteint la perfection sociale – et que vos petits-enfants vous demanderont dans 50 ans de leur raconter comment, en 2020, toutes les injustices ont été réparées et qu’il n’y avait plus eu de changement à apporter –, vous devez vous attendre à ce qu’en ce moment même figurent parmi vos proches des personnes, dont le bonheur est indissociable du vôtre, et dont le cœur abrite un secret qui les empêche toujours de dévoiler leur moi authentique en votre présence. Ces personnes souffrent et emporteront leur chagrin secret dans leur tombe, et la source de ce chagrin, ce sera les relations faussées qu’elles entretenaient avec vous.

Une sphère privée est nécessaire au progrès humain.

Toute donnée collectée et conservée finit par fuiter

L’absence de vie privée peut empêcher les personnes vulnérables d’exprimer leur moi authentique et limiter nos actions en nous privant d’un sanctuaire. Mais il existe un autre risque, encouru par tous et pas seulement par les personnes détenant un secret : la criminalité.

Les informations d’identification personnelle présentent un intérêt très limité pour contrôler l’esprit des gens, mais le vol d’identité – terme fourre-tout pour désigner toute une série de pratiques délictueuses graves, susceptibles de détruire vos finances, de compromettre votre intégrité personnelle, de ruiner votre réputation, voire de vous exposer à un danger physique – est en pleine expansion.

Les attaquants ne se limitent pas à utiliser des données issues de l’intrusion dans une seule et même source.

De nombreux services ont subi des violations qui ont révélé des noms, des adresses, des numéros de téléphone, des mots de passe, des préférences sexuelles, des résultats scolaires, des réalisations professionnelles, des démêlés avec la justice, des informations familiales, des données génétiques, des empreintes digitales et autres données biométriques, des habitudes de lecture, des historiques de recherche, des goûts littéraires, des pseudonymes et autres données sensibles. Les attaquants peuvent fusionner les données provenant de ces violations pour constituer des dossiers très détaillés sur des sujets choisis au hasard, puis utiliser certaines parties des données pour commettre divers délits.

Les attaquants peuvent, par exemple, utiliser des combinaisons de noms d’utilisateur et de mots de passe dérobés pour détourner des flottes entières de véhicules commerciaux équipés de systèmes de repérage GPS et d’immobilisation antivol, ou pour détourner des babyphones afin de terroriser les tout-petits en diffusant du contenu audio pornographique. Les attaquants utilisent les données divulguées pour tromper les opérateurs téléphoniques afin qu’ils leur communiquent votre numéro de téléphone, puis ils interceptent des codes d’authentification à deux facteurs par SMS pour pirater votre courrier électronique, votre compte bancaire ou vos portefeuilles de crypto-monnaie.

Les attaquants rivalisent de créativité pour trouver des moyens de transformer les données divulguées en armes. Ces données sont généralement utilisées pour pénétrer dans les entreprises afin d’accéder à davantage de données.

Tout comme les espions, les fraudeurs en ligne dépendent entièrement des entreprises qui collectent et conservent nos données à outrance. Les agences d’espionnage paient voire intimident parfois des entreprises pour avoir accès à leurs données, elles peuvent aussi se comporter comme des délinquants et dérober du contenu de bases de données d’entreprises.

La collecte excessive de données entraîne de graves conséquences sociales, depuis la destruction de notre moi authentique jusqu’au recul du progrès social, de la surveillance de l’État à une épidémie de cybercriminalité. La surveillance commerciale est également une aubaine pour les personnes qui organisent des campagnes d’influence, mais c’est le cadet de nos soucis.

L’exceptionnalisme technologique critique reste un exceptionnalisme technologique

Les géants de la tech ont longtemps pratiqué un exceptionnalisme technologique : cette idée selon laquelle ils ne devraient pas être soumis aux lois et aux normes du commun des mortels. Des devises comme celle de Facebook « Move fast and break things » [avancer vite et casser des choses, NdT] ont provoqué un mépris compréhensible envers ces entreprises à la rhétorique égoïste.

L’exceptionnalisme technologique nous a tous mis dans le pétrin. Il est donc assez ironique et affligeant de voir les critiques des géants de la tech commettre le même péché.

Les géants de la tech ne forment pas un « capitalisme voyou » qui ne peut être guéri par les remèdes traditionnels anti-monopole que sont le démantèlement des trusts (forcer les entreprises à se défaire des concurrents qu’elles ont acquis) et l’interdiction des fusions monopolistiques et autres tactiques anticoncurrentielles. Les géants de la tech n’ont pas le pouvoir d’utiliser l’apprentissage machine pour influencer notre comportement de manière si approfondie que les marchés perdent la capacité de punir les mauvais acteurs et de récompenser les concurrents vertueux. Les géants de la tech n’ont pas de rayon de contrôle mental qui réécrit les règles, si c’était le cas, nous devrions nous débarrasser de notre vieille boîte à outils.

Cela fait des siècles que des gens prétendent avoir mis au point ce rayon de contrôle mental et cela s’est toujours avéré être une arnaque, même si parfois les escrocs se sont également arnaqués entre eux.

Depuis des générations, le secteur de la publicité améliore constamment sa capacité à vendre des services publicitaires aux entreprises, tout en ne réalisant que des gains marginaux sur la vente des produits de ces entreprises. La complainte de John Wanamaker selon laquelle « La moitié de l’argent que je dépense en publicité est gaspillée, mais je ne sais pas quelle moitié » témoigne du triomphe des directeurs de la publicité qui ont réussi à convaincre Wanamaker que la moitié seulement de ce qu’il dépense était gaspillée.

L’industrie technologique a fait d’énormes progrès dans la capacité à convaincre les entreprises qu’elles sont douées pour la publicité, alors que leurs améliorations réelles en matière de publicité, par opposition au ciblage, ont été plutôt modestes. La vogue de l’apprentissage machine – et l’invocation mystique de l’« intelligence artificielle » comme synonyme de techniques d’inférence statistique directe – a considérablement renforcé l’efficacité du discours commercial des géants de la tech, car les spécialistes du marketing ont exploité le manque de connaissance technique des clients potentiels pour s’en tirer avec énormément de promesses et peu de résultats.

Il est tentant de penser que si les entreprises sont prêtes à déverser des milliards dans un projet, celui-ci doit être bon. Pourtant, il arrive souvent que cette règle empirique nous fasse faire fausse route. Par exemple, on n’a pratiquement jamais entendu dire que les fonds d’investissement surpassent les simples fonds indiciels, et les investisseurs qui confient leur argent à des gestionnaires de fonds experts s’en sortent généralement moins bien que ceux qui confient leur épargne à des fonds indiciels. Mais les fonds gérés représentent toujours la majorité de l’argent investi sur les marchés, et ils sont soutenus par certains des investisseurs les plus riches et les plus pointus du monde. Leur vote de confiance dans un secteur aussi peu performant est une belle leçon sur le rôle de la chance dans l’accumulation de richesses, et non un signe que les fonds de placement sont une bonne affaire.

Les affirmations du système de contrôle mental des géants de la tech laissent à penser que cette pratique est une arnaque. Par exemple, avec le recours aux traits de personnalité des « cinq grands » comme principal moyen d’influencer les gens, même si cette théorie des cinq grands n’est étayée par aucune étude à grande échelle évaluée par des pairs, et qu’elle est surtout l’apanage des baratineurs en marketing et des psychologues pop.

Le matériel promotionnel des géants de la tech prétend aussi que leurs algorithmes peuvent effectuer avec précision une « analyse des sentiments » ou détecter l’humeur des gens à partir de leurs « micro-expressions », mais il s’agit là d’affirmations marketing et non scientifiques. Ces méthodes n’ont pas été testées par des scientifiques indépendants, et lorsqu’elles l’ont été, elles se sont révélées très insuffisantes. Les micro-expressions sont particulièrement suspectes car il a été démontré que les entreprises spécialisées dans la formation de personnes pour les détecter sont moins performantes que si on laissait faire le hasard.

Les géants de la tech ont été si efficaces pour commercialiser leurs soi-disant super-pouvoirs qu’il est facile de croire qu’elles peuvent commercialiser tout le reste avec la même habileté, mais c’est une erreur de croire au baratin du marketing. Aucune déclaration d’une entreprise sur la qualité de ses produits n’est évidemment impartiale. Le fait que nous nous méfions de tout ce que disent les géants de la tech sur le traitement des données, le respect des lois sur la protection de la vie privée, etc. est tout à fait légitime, car pourquoi goberions-nous la littérature marketing comme s’il s’agissait d’une vérité d’évangile ? Les géants de la tech mentent sur à peu près tout, y compris sur le fonctionnement de leurs systèmes de persuasion alimentés par l’apprentissage automatique.

Ce scepticisme devrait imprégner toutes nos évaluations des géants de la tech et de leurs capacités supposées, y compris à la lecture attentive de leurs brevets. Zuboff confère à ces brevets une importance énorme, en soulignant que Google a revendiqué de nouvelles capacités de persuasion dans ses dépôts de brevets. Ces affirmations sont doublement suspectes : d’abord parce qu’elles sont très intéressées, et ensuite parce que le brevet lui-même est notoirement une invitation à l’exagération.

Les demandes de brevet prennent la forme d’une série de revendications et vont des plus étendues aux plus étroites. Un brevet typique commence par affirmer que ses auteurs ont inventé une méthode ou un système permettant de faire absolument tout ce qu’il est possible d’imaginer avec un outil ou un dispositif. Ensuite, il réduit cette revendication par étapes successives jusqu’à ce que nous arrivions à l’« invention » réelle qui est le véritable objet du brevet. L’espoir est que la personne qui passe en revue les demandes de brevets – qui est presque certainement surchargée de travail et sous-informée – ne verra pas que certaines (ou toutes) ces revendications sont ridicules, ou du moins suspectes, et qu’elle accordera des prétentions plus larges du brevet. Les brevets portant sur des choses non brevetables sont tout de même très utiles, car ils peuvent être utilisés contre des concurrents qui pourraient accorder une licence sur ce brevet ou se tenir à l’écart de ses revendications, plutôt que de subir le long et coûteux processus de contestation.

De plus, les brevets logiciels sont couramment accordés même si le déposant n’a aucune preuve qu’il peut faire ce que le brevet prétend. C’est-à-dire que vous pouvez breveter une « invention » que vous n’avez pas réellement faite et que vous ne savez pas comment faire.

Avec ces considérations en tête, il devient évident que le fait qu’un Géant de la tech ait breveté ce qu’il qualifie de rayon efficace de contrôle mental ne permet nullement de savoir si cette entreprise peut effectivement contrôler nos esprits.

Les géants de la tech collectent nos données pour de nombreuses raisons, y compris la diminution du rendement des stocks de données existants. Mais de nombreuses entreprises technologiques collectent également des données en raison d’une croyance exceptionnaliste erronée aux effets de réseau des données. Les effets de réseau se produisent lorsque chaque nouvel utilisateur d’un système augmente sa valeur. L’exemple classique est celui des télécopieurs [des fax NdT] : un seul télécopieur ne sert à rien, deux télécopieurs sont d’une utilité limitée, mais chaque nouveau télécopieur mis en service après le premier double le nombre de liaisons possibles de télécopie à télécopie.

Les données exploitées pour les systèmes prédictifs ne produisent pas nécessairement ces bénéfices. Pensez à Netflix : la valeur prédictive des données extraites d’un million d’utilisateurs anglophones de Netflix n’est guère améliorée par l’ajout des données de visualisation d’un utilisateur supplémentaire. La plupart des données que Netflix acquiert après ce premier échantillon minimum viable font double emploi avec des données existantes et ne produisent que des gains minimes. En attendant, le recyclage des modèles avec de nouvelles données devient plus cher à mesure que le nombre de points de données augmente, et les tâches manuelles comme l’étiquetage et la validation des données ne deviennent pas moins chères lorsqu’on augmente l’ordre de grandeur.

Les entreprises font tout le temps la course aux modes au détriment de leurs propres profits, surtout lorsque ces entreprises et leurs investisseurs ne sont pas motivés par la perspective de devenir rentables mais plutôt par celle d’être rachetés par un Géant de la tech ou d’être introduits en Bourse. Pour ces entreprises, cocher des cases à la mode comme « collecte autant de données que possible » pourrait permettre d’obtenir un meilleur retour sur investissement que « collecte une quantité de données adaptée à l’entreprise ».

C’est un autre dommage causé par l’exceptionnalisme technologique : la croyance selon laquelle davantage de données produit toujours plus de profits sous la forme de plus d’informations qui peuvent être traduites en de meilleurs rayons de contrôle mental. Cela pousse les entreprises à collecter et à conserver des données de manière excessive, au-delà de toute rationalité. Et comme les entreprises se comportent de manière irrationnelle, bon nombre d’entre elles vont faire faillite et devenir des navires fantômes dont les cales sont remplies de données qui peuvent nuire aux gens de multiples façons, mais dont personne n’est plus responsable. Même si les entreprises ne font pas faillite, les données qu’elles collectent sont maintenues en-deça de la sécurité minimale viable – juste assez de sécurité pour maintenir la viabilité de l’entreprise en attendant d’être rachetées par un Géant de la tech, un montant calculé pour ne pas dépenser un centime de trop pour la protection des données.

Comment les monopoles, et non le contrôle de la pensée, conduisent à la surveillance capitaliste : le cas de Snapchat

Pendant la première décennie de son existence, Facebook est entré en concurrence avec les réseaux sociaux de l’époque (Myspace, Orkut, etc) en se présentant comme l’alternative respectant de la vie privée. De fait, Facebook a justifié son jardin clos, qui permet aux utilisateurs d’y amener des données du Web, mais empêche les services tels que Google Search d’indexer et de mémoriser les pages Facebook, en tant que mesure de respect de la vie privée qui protège les utilisateurs des heureux gagnants de la bataille des réseaux sociaux comme Myspace.

En dépit des fréquentes promesses disant qu’il ne collecterait ou n’analyserait jamais les données de ses utilisateurs, Facebook a lancé à intervalles réguliers des initiatives exactement dans ce but, comme le sinistre Beacon tool, qui vous espionne lorsque vous surfez sur le Web puis ajoute vos activités sur le web à votre timeline publique, permettant à vos amis de surveiller vos habitudes de navigation. Beacon a suscité une révolte des utilisateurs. À chaque fois, Facebook a renoncé à ses actions de surveillance, mais jamais complètement ; inévitablement, le nouveau Facebook vous surveillera plus que l’ancien Facebook, mais moins que le Facebook intermédiaire qui suit le lancement d’un nouveau produit ou service.

Le rythme auquel Facebook a augmenté ses efforts de surveillance semble lié au climat compétitif autour de Facebook. Plus Facebook avait de concurrents, mieux il se comportait. À chaque fois qu’un concurrent majeur s’est effondré, le comportement de Facebook s’est notablement dégradé.

Dans le même temps, Facebook a racheté un nombre prodigieux d’entreprises, y compris une société du nom de Onavo. À l’origine, Onavo a créé une application mobile pour suivre l’évolution de la batterie. Mais les permissions que demandaient Onavo étaient telles que l’appli était capable de recueillir de façon très précise l’intégralité de ce que les utilisateurs font avec leurs téléphones, y compris quelles applis ils utilisent et comment.

Avec l’exemple d’Onavo, Facebook a découvert qu’il était en train de perdre des parts de marché au profit de Snapchat, une appli qui, comme Facebook une décennie plus tôt, se vend comme l’alternative qui respecte la vie privée par rapport au statu quo . À travers Onavo, Facebook a pu extraire des données des appareils des utilisateurs de Snapchat, que ce soient des utilisateurs actuels ou passés. Cela a poussé Facebook à racheter Instagram, dont certaines fonctionnalités sont concurrentes de Snapchat, et a permis à Facebook d’ajuster les fonctionnalités d’Instagram ainsi que son discours marketing dans le but d’éroder les gains de Snapchat et s’assurer que Facebook n’aurait pas à faire face aux pressions de la concurrence comme celles subies par le passé par Myspace et Orkut.

La manière dont Facebook a écrasé Snapchat révèle le lien entre le monopole et le capitalisme de surveillance. Facebook a combiné la surveillance avec une application laxiste des lois antitrust pour repérer de loin la menace de la concurrence par Snapchat et pour prendre des mesures décisives à son encontre. Le capitalisme de surveillance de Facebook lui a permis d’éviter la pression de la concurrence avec des tactiques anti-compétitives. Les utilisateurs de Facebook veulent toujours de la confidentialité, Facebook n’a pas utilisé la surveillance pour les convaincre du contraire, mais ils ne peuvent pas l’obtenir car la surveillance de Facebook lui permet de détruire tout espoir d’émergence d’un rival qui lui fait concurrence sur les fonctionnalités de confidentialité.

Un monopole sur vos amis

Un mouvement de décentralisation a essayé d’éroder la domination de Facebook et autres entreprises des géants de la tech en proposant des alternatives sur le Web indépendant (indieweb) : Mastodon en alternative à Twitter, Diaspora en alternative à Facebook, etc, mais ces efforts ont échoué à décoller.

Fondamentalement, chacun de ces services est paralysé par le même problème : tout utilisateur potentiel d’une alternative de Facebook ou Twitter doit convaincre tous ses amis de le suivre sur une alternative décentralisée pour pouvoir continuer à avoir les bénéfices d’un média social. Pour beaucoup d’entre nous, la seule raison pour laquelle nous avons un compte Facebook est parce que nos amis ont des comptes Facebook, et la raison pour laquelle ils ont des comptes Facebook est que nous avons des comptes Facebook.

Tout cela a contribué à faire de Facebook, et autres plateformes dominantes, des « zones de tir à vue » dans lesquelles aucun investisseur ne financera un nouveau venu.

Et pourtant, tous les géants d’aujourd’hui sont apparus malgré l’avantage bien ancré des entreprises qui existaient avant eux. Pour comprendre comment cela a été possible, il nous faut comprendre l’interopérabilité et l’interopérabilité antagoniste.

Le gros problème de nos espèces est la coordination.

L’« interopérabilité » est la capacité qu’ont deux technologies à fonctionner l’une avec l’autre : n’importe qui peut fabriquer un disque qui jouera sur tous les lecteurs de disques, n’importe qui peut fabriquer un filtre que vous pourrez installer sur la ventilation de votre cuisinière, n’importe qui peut fabriquer l’essence pour votre voiture, n’importe qui peut fabriquer un chargeur USB pour téléphone qui fonctionnera dans votre allume-cigare, n’importe qui peut fabriquer une ampoule qui marchera dans le culot de votre lampe, n’importe qui peut fabriquer un pain qui grillera dans votre grille-pain.

L’interopérabilité est souvent une source d’innovation au bénéfice du consommateur : Apple a fabriqué le premier ordinateur personnel viable commercialement, mais des millions de vendeurs de logiciels indépendants ont fait des programmes interopérables qui fonctionnaient sur l’Apple II Plus. La simple antenne pour les entrées analogiques à l’arrière des téléviseurs a d’abord permis aux opérateurs de câbles de se connecter directement aux télévisions, puis ont permis aux entreprises de consoles de jeux et ensuite aux ordinateurs personnels d’utiliser une télévision standard comme écran. Les prises téléphoniques RJ11 standardisées ont permis la production de téléphones par divers vendeurs avec divers formes, depuis le téléphone en forme de ballon de foot reçu en cadeau d’abonnement de Sports Illustrated, aux téléphones d’affaires avec haut-parleurs, mise en attente, et autres, jusqu’aux répondeurs et enfin les modems, ouvrant la voie à la révolution d’Internet.

On utilise souvent indifféremment « interopérabilité » et « standardisation », qui est le processus pendant lequel les fabricants et autres concernés négocient une liste de règles pour l’implémentation d’une technologie, comme les prises électriques de vos murs, le bus de données CAN utilisé par le système de votre voiture, ou les instructions HTML que votre navigateur internet interprète.

Mais l’interopérabilité ne nécessite pas la standardisation, en effet la standardisation émerge souvent du chaos de mesures d’interopérabilité ad hoc. L’inventeur du chargeur USB dans l’allume-cigare n’a pas eu besoin d’avoir la permission des fabricants de voitures ou même des fabricants des pièces du tableau de bord. Les fabricants automobiles n’ont pas mis en place des contre-mesures pour empêcher l’utilisation de ces accessoires d’après-vente par leurs consommateurs, mais ils n’ont pas non plus fait en sorte de faciliter la vie des fabricants de chargeurs. Il s’agit d’une forme d’« interopérabilité neutre ».

Au-delà de l’interopérabilité neutre, il existe l’« interopérabilité antagoniste ». C’est quand un fabricant crée un produit qui interagit avec le produit d’un autre fabricant en dépit des objections du deuxième fabricant, et cela même si ça nécessite de contourner un système de sécurité conçu pour empêcher l’interopérabilité.

Le type d’interopérabilité antagoniste le plus usuel est sans doute les cartouches d’encre d’imprimantes par des fournisseurs tiers. Les fabricants d’imprimantes affirment qu’ils vendent les imprimantes en-dessous de leur coût et que leur seul moyen de récupérer les pertes est de se constituer une marge élevée sur les encres. Pour empêcher les propriétaires d’imprimantes d’acheter leurs cartouches ailleurs, les entreprises d’imprimantes appliquent une série de systèmes de sécurité anti-consommateurs qui détectent et rejettent les cartouches re-remplies ou par des tiers.

Les propriétaires d’imprimantes quant à eux défendent le point de vue que HP et Epson et Brother ne sont pas des œuvres caritatives et que les consommateurs de leurs produits n’ont aucune obligation à les aider à survivre, et donc que si ces entreprises choisissent de vendre leurs produits à perte, il s’agit de leur choix stupide et à eux d’assumer les conséquences. De même, les compétiteurs qui fabriquent des cartouches ou les re-remplissent font remarquer qu’ils ne doivent rien aux entreprises d’imprimantes, et que le fait qu’ils érodent les marges de ces entreprises est le problème de celles-ci et non celui de leurs compétiteurs. Après tout, les entreprises d’imprimantes n’ont aucun scrupule à pousser un re-remplisseur à fermer boutique, donc pourquoi est-ce que les re-remplisseurs devraient se soucier de la bonne santé économique des entreprises d’imprimantes ?

L’interopérabilité antagoniste a joué un rôle hors normes dans l’histoire de l’industrie tech : depuis la création du « alt.* » dans l’architecture de Usenet (qui a commencé à l’encontre des souhaits des responsables de Usenet et qui s’est développé au point d’être plus important que tout le Usenet combiné) à la guerre des navigateurs (lorsque Netscape et Microsoft ont dépensé d’énormes ressources en ingénierie pour faire en sorte que leur navigateur soit incompatible avec les fonctionnalités spéciales et autres peccadilles de l’autre) à Facebook (dont le succès a entre autres été dû au fait qu’il a aidé ses nouveaux utilisateurs en leur permettant de rester en contact avec les amis qu’ils ont laissés sur Myspace parce que Facebook leur a fourni un outil pour s’emparer des messages en attente sur Myspace et les importer sur Facebook, créant en pratique un lecteur Myspace basé sur Facebook).

Aujourd’hui, la validation par le nombre est considérée comme un avantage inattaquable. Facebook est là où tous vos amis sont, donc personne ne peut fonder un concurrent à Facebook. Mais la compatibilité antagoniste retourne l’avantage concurrentiel : si vous êtes autorisés à concurrencer Facebook en proposant un outil qui importe les messages en attente sur Facebook de tous vos utilisateurs dans un environnement qui est compétitif sur des terrains que Facebook ne pourra jamais atteindre, comme l’élimination de la surveillance et des pubs, alors Facebook serait en désavantage majeur. Vous aurez rassemblé tous les potentiels ex-utilisateurs de Facebook sur un unique service facile à trouver. Vous les auriez éduqués sur la façon dont un service Facebook-like fonctionne et quels sont ses potentiels avantages, et vous aurez fourni un moyen simple aux utilisateurs mécontents de Facebook pour dire à leurs amis où ils peuvent trouver un meilleur traitement.

L’interopérabilité antagoniste a été la norme pendant un temps et une contribution clef à une scène tech dynamique et vibrante, mais à présent elle est coincée derrière une épaisse forêt de lois et règlements qui ajoutent un risque légal aux tactiques éprouvées de l’interopérabilité antagoniste. Ces nouvelles règles et les nouvelles interprétations des règles existantes signifient qu’un potentiel « interopérateur » antagoniste aura besoin d’échapper aux réclamations de droits d’auteurs, conditions de service, secret commercial, ingérence et brevets.

En l’absence d’un marché concurrentiel, les faiseurs de lois ont délégué des tâches lourdes et gouvernementales aux sociétés de Big Tech, telles que le filtrage automatique des contributions des utilisateurs pour la violation des droits d’auteur ou pour des contenus terroristes et extrémistes ou pour détecter et empêcher le harcèlement en temps réel ou encore pour contrôler l’accès au contenu sexuel.

Ces mesures ont fixé une taille minimale à partir de laquelle on peut faire du Big Tech, car seules les très grandes entreprises peuvent se permettre les filtres humains et automatiques nécessaires pour se charger de ces tâches.

Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle rendre les plateformes responsables du maintien de l’ordre parmi leurs utilisateurs mine la compétition. Une plateforme qui est chargée de contrôler le comportement de ses utilisateurs doit empêcher de nombreuses techniques vitales à l’interopérabilité antagoniste de peur qu’elles ne contreviennent à ses mesures de contrôle. Par exemple si quelqu’un utilisant un remplaçant de Twitter tel que Mastodon est capable de poster des messages sur Twitter et de lire des messages hors de Twitter, il pourrait éviter les systèmes automatiques qui détectent et empêchent le harcèlement (tels que les systèmes qui utilisent le timing des messages ou des règles basées sur les IP pour estimer si quelqu’un est un harceleur).

Au point que nous sommes prêts à laisser les géants de la tech s’autocontrôler, plutôt que de faire en sorte que leur industrie soit suffisamment limitée pour que les utilisateurs puissent quitter les mauvaises plateformes pour des meilleures et suffisamment petites pour qu’une réglementation qui ferait fermer une plateforme ne détruirait pas l’accès aux communautés et données de milliards d’utilisateurs, nous avons fait en sorte que les géants de la tech soient en mesure de bloquer leurs concurrents et qu’il leur soit plus facile de demander un encadrement légal des outils pour bannir et punir les tentatives à l’interopérabilité antagoniste.

En définitive, nous pouvons essayer de réparer les géants de la tech en les rendant responsables pour les actes malfaisants de ses utilisateurs, ou bien nous pouvons essayer de réparer Internet en réduisant la taille de géants. Mais nous ne pouvons pas faire les deux. Pour pouvoir remplacer les produits des géants d’aujourd’hui, nous avons besoin d’éclaircir la forêt légale qui empêche l’interopérabilité antagoniste de façon à ce que les produits de demain, agiles, personnels, de petite échelle, puissent se fédérer sur les géants tels que Facebook, permettant aux utilisateurs qui sont partis à continuer à communiquer avec les utilisateurs qui ne sont pas encore partis, envoyant des vignes au-dessus du mur du jardin de Facebook afin que les utilisateurs piégés de Facebook puissent s’en servir afin de grimper aux murs et de s’enfuir, accédant au Web ouvert et global.

(à suivre)




CaptainFact, un service collaboratif de vérification des faits (fact-checking)

La vérification par les faits (fact-checking en anglais) est une pratique journalistique qui a toujours existé. Cependant, l’augmentation massive de la quantité d’informations à disposition des citoyen⋅nes (via les chaînes d’informations en continu, les médias en ligne, les réseaux sociaux, etc.) pose la nécessité de vérifier dans quelle mesure ces informations sont conformes aux faits auxquels elles se réfèrent. C’est pourquoi de nombreux services de fact-checking ont vu le jour ces dernières années, souvent portés par des médias traditionnels.

Il y a déjà quelque temps, on avait entendu parler de CaptainFact, un service collaboratif de vérification des faits, et certain⋅es parmi nous avaient installé l’extension dans leur navigateur. Parce qu’on souhaitait en savoir plus sur leur service, on leur a proposé de répondre à quelques questions.

 

Alors, c’est quoi exactement CaptainFact ?

CaptainFact c’est une plateforme collaborative et open source de vérification des faits. Aujourd’hui elle permet de vérifier les vidéos Youtube et Facebook, en direct ou a posteriori. Demain nous espérons pouvoir vérifier tous types de contenus, comme des articles et d’autres pages web. Le but est de contrer la désinformation et les fake news, au profit de plus d’esprit critique et d’une meilleure qualité de l’information !

présentation de CaptainFact.io en vidéo

C’est pour qui ?

L’outil est intuitif et peut être utilisé par tout le monde. Il s’adresse néanmoins particulièrement :

  • aux spectateurs de Youtube et aux Youtubers vigilants qui souhaitent voir des vérifications sourcées dans leurs vidéos ;
  • aux esprits critiques qui souhaitent s’atteler à la vérification et à la diffusion des faits et des sources, pour lutter contre la désinformation ;
  • aux organisateurs de débats diffusés en vidéo et qui souhaitent mettre à disposition un outil pratique de fact-checking pour vérifier les arguments et la rhétorique des participants ;
  • aux porteurs de revendications, activistes ou militants qui souhaitent renforcer leurs arguments et leur crédibilité grâce à des vérifications collaboratives.

Qui est à l’origine de ce projet ?

Le projet est né de la réflexion de Benjamin Piouffle, développeur, à l’approche des présidentielles de 2017. Il faisait le constat qu’il n’y avait aucun outil permettant d’éclairer le débat politique, aucun moyen pour un votant de vérifier ce que les candidats affirmaient. De ce constat, Il a conçu une version bêta de CaptainFact, avec l’ambition de permettre la vérification de toutes sortes de sujets sur la base d’une vidéo. Puis il s’est entouré d’utilisateurs investis sur la plateforme. Certains sont devenus Ambassadeurs du projet, d’autres ont apporté leurs contributions intellectuelles et d’autres encore ont soutenu le projet par quelques dons.

conférence TEDx de Benjamin Piouffle : Pour mieux décider, reprenons en main l’information

Aujourd’hui, comment fonctionne concrètement CaptainFact ?

Sur CaptainFact, à la manière de ce qui se passe sur Wikipédia, les utilisateurs du site s’entraident pour vérifier des informations en trois étapes :
– la vidéo est ajoutée sur le site
– les informations à vérifier sont extraites de la vidéo
– la communauté confirme ou réfute les citations extraites avec des sources

Ensuite, les vérifications apparaissent à l’écran de tous les utilisateurs de l’extension navigateur de CaptainFact lorsqu’ils regardent une vidéo YouTube. Lorsqu’un contributeur source une information sur CaptainFact, tous les internautes qui consultent cette information voient aussi sa vérification grâce à l’extension navigateur.

Interface des échanges sur un contenu vidéo

C’est quoi cette histoire de points à collecter ? C’est pas un peu infantilisant ? Pis d’abord qui décide de les attribuer et pour quoi faire ? (j’ai rien compris, moi)

Il s’agit de points de réputation. Chaque contributeur obtient des points en fonction de sa participation sur la plateforme. Plus vous obtenez de points et plus vous obtenez de possibilités sur la plateforme. Cette approche permet de donner un certain « crédit » aux utilisateurs qui ont reçu des votes positifs pour la qualité de leurs contributions. Ces points étant pour la plupart obtenus par les votes de la communauté sur les contributions, cela permet aussi de nous prémunir contre les intentions malveillantes, car un utilisateur qui fait de mauvaises contributions sera rapidement sanctionné par la communauté.

Pourquoi la vérification collaborative serait-elle plus fiable que le fact-checking d’équipes dédiées ? Pourquoi devrais-je avoir plus confiance en CaptainFact qu’en d’autres fact-checkers ?

Edward Snowden décrit bien pourquoi le fact-checking mérite tant d’être effectué par tous les citoyens, plutôt que de se reposer seulement sur des groupes d’experts ou sur une autorité de confiance :

Le problème des fake news ne se résout pas par l’action d’une autorité, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous coopérons les uns avec les autres. En débattant et en échangeant nous pourrons isoler ce qui est faux et ce qui est vrai.

Des médias spécialisés dans le fact-checking comme CheckNews ou les Décodeurs sont importants, mais peuvent être sujets à des biais, à cause de leur ligne éditoriale, de la sélection de leurs sujets, leur manque d’exhaustivité, des conflits d’intérêt financier, etc. Aussi, ces initiatives laissent toujours les citoyens spectateurs, passifs et consommateurs de l’information.

Sur CaptainFact, tout le monde peut initier ou contribuer à une vérification. Sans prétendre pouvoir apporter une vérité absolue, le fact-checking collaboratif permet des vérifications tout aussi plurielles qu’il y a de contributeurs, d’opinions et d’horizons différents.

Dans votre manifeste vous vous dites « neutre ». Quelle est la neutralité vers laquelle vous tendez au juste ?

La neutralité sur CaptainFact consiste à ne pas prendre position autrement que par la vérification ou la contextualisation sourcée des informations. CaptainFact met à disposition un outil technique neutre, car il permet à tous de vérifier les informations de son choix, de manière démocratique, sans contraintes éditoriales.

Une grosse proportion des sources controversées sont politiques (au sens étroit ou au sens étendu). Comment rester « neutre » ?

Nos vies sont régies par la politique, au sens de l’organisation de la cité. Toutes les décisions prises sont d’ordre politique, il est donc important d’orienter les personnes sur la teneur des discours, afin de ne pas biaiser leurs choix politiques. Nous avons tous au sein de l’équipe nos idées et convictions, et le potentiel démocratique du projet lui donne une dimension politique, mais nous souhaitons fournir un outil qui permette à l’internaute de se forger sa propre opinion, sans l’influencer. Lorsqu’une vidéo est vérifiée sur CaptainFact, elle n’a pas pour but de tirer une conclusion définitive sur l’intervenant, mais bien de contextualiser ou mettre en évidence ce qui est juste, ce qui est faux, voire ce qui est invérifiable.

Vous ne craignez pas d’être euh… « noyautés » par des groupes d’influence de tous poils ? Comment vous pensez vous préserver de divers biais ?

Le risque existe, mais nous nous efforçons d’attirer différentes communautés pour maintenir une diversité des utilisateurs. Finalement, plus on attirera des groupes de tous bords, plus on aura une richesse des contributions. Et comme tous ces groupes seront soumis aux votes de la communauté des utilisateurs de CaptainFact comme n’importe quelle contribution, nous pensons que le pouvoir de l’intelligence collective saura nous préserver de biais liés à des groupes d’influence.

CaptainFact a fait le choix des logiciels libres pour son site web, mais continue à utiliser de nombreux services proposés par les géants du web (Discord, YouTube, Facebook), il reste encore du chemin à faire, non ?

Et pas qu’un peu ! L’idéal serait effectivement de se passer des géants du Web. Le problème à l’heure actuelle, c’est que ces plateformes sont les plus importantes à fournir du contenu. Pour pouvoir toucher le plus grand nombre d’internautes sur le travail réalisé sur CaptainFact, l’utilisation de ces plateformes nous parait indispensable, en attendant la bascule vers de nouveaux outils plus éthiques, plus respectueux des données privées et plus transparents.

Il faut également tenir compte de l’aspect technique, ajouter la possibilité de vérifier des vidéos sur PeerTube par exemple, nécessite du développement, mais nous manquons de temps et de ressource pour développer cette possibilité. Mais nous essayons de nous affranchir de ces géants étape par étape, par exemple nous utilisons Framapad pour écrire ce fabuleux article de manière fabuleusement collaborative ! Et le forum que nous avons mis en place il y a quelques mois utilise le logiciel Discourse.

Animation de la rédaction collaborative sur Framapad des réponses à cette interview

Quels sont vos projets à venir ?

Nous avons plein d’ambitions pour CaptainFact, mais nos priorités du moment sont de :

  • permettre la vérification de TOUTES les pages du web en collaboration avec DisMoi.io ;
  • permettre la vérification par sujet plutôt que seulement par vidéo pour éviter les doublons ;
  • créer une page dynamique qui liste les citations en cours de vérification ;
  • conclure plus de partenariats avec des créateurs de contenu ;
  • permettre le signalement des arguments fallacieux et autres vilains sophismes ;
  • organiser des ateliers fact-checking collaboratif avec différents publics pour améliorer l’esprit critique.

Et comme souvent sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !

Merci ! En fait on vous cache pas que comme beaucoup de projets libres, pour continuer d’évoluer, CaptainFact est en galère de dev ! Donc si vous connaissez un dev (ou si vous êtes un dev) qui veut à la fois lutter contre la désinformation et jouer avec de l’Elixir, du Phoenix et du React : contactez-nous !

Contact : https://captainfact.io/help/contact
GitHub : https://github.com/CaptainFact




Quello che Framasoft vuole fare insieme a te nel 2021

Per iniziare bene l’anno ho tradotto da Framablog il post Ce que Framasoft aimerait faire en 2021 grâce à vos dons. Ho pensato di accompagnare la traduzione del testo con una versione in podcast, potete ascoltare le cinque puntate a questo indirizzo: https://funkwhale.it/library/albums/232/

Questa traduzione di NILOCRAM è distribuita con licenza Creative Commons By-SA 4.0.

Un ringraziamento a Framasoft per tutto il lavoro di questi anni (qualche effetto si vede anche da questa parte delle Alpi) e anche agli amici di Devol, per i loro servizi liberi e decentralizzati.


Per l’anno 2021, Framasoft ha ancora molti desideri (quelli non ci mancano mai !): educazione digitale popolare, sviluppo del software che manteniamo e azioni per partecipare alla decentralizzazione del web. Qui ti presentiamo le principali azioni che prevediamo di intraprendere il prossimo anno. Tuttavia, se il 2020 ci ha confermato qualcosa, è che nulla può essere dato per scontato, che tutto può essere capovolto. Perciò questa non è una Roadmap (tabella di marcia) incisa nel marmo, ma una fotografia della nostra to do list (o ” lista delle cose da fare “) per il 2021. Ecco quindi quello che abbiamo in programma di fare il prossimo anno, se il mondo non ci fa rivedere i nostri piani a metà anno, e se ce la facciamo. Speriamo che ci darai i mezzi per realizzarli unendoti ai nostri donatori e alle nostre donatrici.

Prenderci più tempo per sviluppare degli strumenti etici

Nel 2021 Framasoft continuerà ovviamente a lavorare sui software che l’associazione sta sviluppando da diversi anni. Tuttavia, per quest’anno non abbiamo in programma una raccolta di fondi dedicata per nessuno di questi software. Infatti, se condurre una campagna di raccolta fondi consente di pubblicizzare un’iniziativa finanziandola, spesso è anche l’inizio di uno sprint per sviluppare le funzionalità chiave nei tempi annunciati. Quest’anno vogliamo lavorare su dei miglioramenti, degli strumenti di appropriazione, caratteristiche che potrebbero essere meno attraenti ma altrettanto importanti . Vogliamo anche prenderci il tempo per adattarci meglio ai tuoi feedback e ai tuoi bisogni.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Trovare una comunità per (il software) Framaforms

Théo trascorrerà ancora qualche mese con noi nel 2021 per continuare il lavoro già a buon punto sul software che fa funzionare Framaforms: risoluzione dei bug e aggiunta delle funzionalità richieste dagli utenti. Tutti questi miglioramenti renderanno Framaforms molto più facile da usare e amministrare. La missione di Theo è creare una comunità di contributori attorno a questo software inmodo che il suo sviluppo non si basi esclusivamente sulla nostra piccola associazione. Nei prossimi mesi verrà lanciato un sito web di presentazione. Ci auguriamo vivamente che altri si interessino a questa soluzione e continuino a farla vivere e a svilupparla, perché Framaforms è uno dei nostri servizi più utilizzati. Il bisogno di moduli liberati dalle grinfie di Google è grande, il software libero ha argomenti forti in questo settore e lo sforzo dello sviluppo non può pesare esclusivamente sulle spalle della nostra associazione.

Animazione creata da Gee (CC-By-SA) nel 2016, per l’uscita di Framaforms

Slidewalker, un’alternativa a Slideshare e Scribd

Questa è un’idea che ci stuzzica da alcuni anni … Creare un software libero in modo che i provider (fornitori di accesso) web possano offrire un servizio per l’hosting e la consultazione di documenti online, un’alternativa a Slideshare o a Scribd. Slidewalker ti consentirebbe di inviare documenti (non solo presentazioni) in formati aperti o in pdf. Ebbene, per le persone che usano formati chiusi (docx, xlsx, pptx …) troveremo una soluzione per convertirli di passaggio in pdf, eh. Ma se vuoi di meglio, dovrai chiedere a Microsoft di aprire i formati dei suoi file proprietari! Una volta salvati, questi file potrebbero essere descritti, visualizzati, integrati in una pagina web, aperti ai commenti (oppure no, eh, non è obbligatorio!). Immaginiamo anche le funzionalità dei gruppi, delle citazioni… non sono le idee che mancano. Tuttavia, siamo realisti e sappiamo che non le raggiungeremo tutte nel 2021, neanche per la versione 1 di questo progetto. Ad esempio, non abbiamo in programma di creare uno strumento federato su questo! Non sappiamo nemmeno se offriremo un’istanza aperta di questo software. Vogliamo uno strumento modesto ed efficiente che faccia il suo lavoro senza fronzoli. Ad oggi lo stiamo solo immaginando, ci vediamo nel 2021 per vedere come si concretizzerà questo desiderio (e se ci riusciremo !).

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Consolidare PeerTube verso la sua versione 4

Come ti abbiamo detto in più occasioni, abbiamo in programma di rilasciare la versione 3 di PeerTube che incorpora lo streaming video live e peer-to-peer nel gennaio 2021. Tuttavia, questo “live” sarà inizialmente minimalista (nessuno strumento di chat, niente commenti ecc.) E sarà sicuramente necessario svilupparlo, aggiungere strumenti. Stiamo quindi valutando gli aggiornamenti in base ai tuoi feedback, sia per quanto riguarda l’interfaccia sia per questa funzionalità principale.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Nel 2020, la nostra designer associata, Marie-Cécile Godwin, ha condotto diverse interviste con video maker, amministratori di istanze e utenti di Internet che desideravano guardare video in posti diversi dalle piattaforme dei giganti del web. Queste interviste hanno confermato le nostre impressioni: imbattersi in un software federato (PeerTube) quando ti aspetti di trovare una piattaforma video (“alla YouTube”), è fonte di confusione! Google e i suoi colleghi di ufficio ci hanno abituati male ed è difficile per gli internauti comprendere i principi del web decentralizzato e della federazione… Nel 2021 vorremmo quindi riuscire a facilitare questa comprensione. Stiamo valutando diverse modifiche significative all’interfaccia, ad esempio inserendo elementi informativi. Vorremmo che gli utenti di Internet che visitano ExampleTube siano in grado di vedere facilmente se un particolare video è ospitato da ExampleTube o se si trova sugli hard disk di un’istanza federata con ExampleTube. Essere in grado di identificare la provenienza di un video a colpo d’occhio può cambiare tutto, sia per lo spettatore, il video maker o l’amministratore che ospita l’istanza. Vorremmo anche migliorare la possibilità di ricercare dei contenuti ospitati da un’istanza, sia che si tratti di video o di canali. Il nostro motore di ricerca SepiaSearch è uno strumento meraviglioso per trovare video, ma devi sapere cosa stai cercando. Per le persone che vogliono solo navigare, al momento c’è solo questa pagina JoinPeertube che offre una selezione di video, canali e istanze. Vorremmo quindi creare uno strumento per gli amministratori ad esempio per mettere in evidenza o addirittura consigliare determinati contenuti. Potremmo anche consentire ai video maker di personalizzare ulteriormente i loro canali PeerTube mettendo in evidenza un video, riorganizzando le loro playlist, aggiungendo un banner o raccomandando altri canali.

Clicca per scoprire SepiaSearch

Sviluppare il Mobilizon che ti servirà

Pubblicando la prima versione di Mobilizon alla fine di ottobre, abbiamo dimostrato che ora è possibile per chi vuole riunirsi, mobilitarsi e organizzarsi, utilizzare uno strumento libero e federato. Non vediamo l’ora di migliorare Mobilizon nel 2021. Vorremmo, ad esempio, tenere conto di diversi feedback che ci sono stati forniti nelle ultime settimane, predisponendo un sistema per vedere facilmente l’attività di un evento a cui ci siamo iscritti, o i nuovi contenuti pubblicati nel gruppi a cui partecipiamo. Ma non vogliamo inondarti di notifiche o offrirti una pallida copia del feed di news offerto da Facebook e altri. Sarebbe totalmente contrario allo spirito di sobrietà attenzionale che abbiamo voluto per questo strumento. Ci prenderemo quindi il tempo necessario per immaginare il sistema più adatto e per questo stiamo continuando a lavorare con Marie-Cécile Godwin perché ci sembra che ci troviamo di fronte a una complessità di progettazione più che a un problema di codice.

Stiamo anche pensando di migliorare la ricercabilità degli eventi. Nel menu “Esplora”, al momento hai la possibilità di cercare eventi in base alla posizione geografica. Ma una visualizzazione su una mappa potrebbe essere un altro modo per rendere visibili gli eventi che si svolgono vicino a te. Molti di voi ci hanno detto di non comprendere cosa sia stato selezionato nella sezione ” Eventi in primo piano ” o nella sezione ” Questi eventi potrebbero interessarvi ” che è visualizzata in fondo alle pagine degli eventi. Cercheremo quindi di rendere più comprensibili i criteri di queste selezioni (titolo, tag, data, luogo, ecc.). Infine, abbiamo in programma di creare uno spazio dedicato ai diversi contributi su JoinMobilizon (feedback, domande, traduzioni, codice, aiuto per l’installazione, ecc.). Potremo così conoscere i vostri desideri riguardo a questo strumento e sicuramente aggiungere delle funzioni a cui non abbiamo ancora pensato.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Decentrare per non concentrare i poteri

I giganti del web sono un pugno di imprese che sono riuscite a farci passare più tempo possibile davanti ai nostri schermi, per decidere meglio cosa vi verrà visualizzato. Più persone usano i loro strumenti, più potere hanno, più complicato è per ognuno di noi usare strumenti alternativi. Lo vediamo anche al nostro livello (enorme per una piccola associazione ai sensi della legge 1901 , ma ridicolmente piccolo rispetto a Google, per esempio). Più uno dei nostri servizi viene utilizzato, più attrae usi problematici (moderazione, spam) e più questo pone problemi di squilibrio (e tanti casi di coscienza per il nostro team quando dobbiamo prendere delle decisioni!). La soluzione a questo problema è di offrire un numero sempre maggiore di hosting con servizi differenti. È una verità che dovremo sostenere per diversi anni: degooglizzarsi è bene, è già enorme, ma non basta. Questo è solo il primo passo per decentralizzare i propri usi digitali.

planète "arbre" au-dessus des nuages et qui abrite notre planète bleue. Quelques chatons figurent autour, certains descendent d'un volcan qui fume.
Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Offrire alternative a determinati servizi Framasoft

Framasoft continuerà nel 2021 a trasformare alcuni dei suoi servizi in portali verso questi stessi strumenti, ma installati presso altri provider di fiducia, molto spesso membri del collettivo CHATONS. Questo è già il caso dei servizi che abbiamo chiuso nel 2020: Framabee, Framanews e Framastory.

capture d'écran de divers hébergeurs ou services alternatifs qui proposent des lecteurs de flux rss
Ecco, per esempio, la pagina delle alternative a Framanews..

  A breve chiuderemo i servizi Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama e la vecchia versione di Framindmap, per sostituirli con una pagina “Alternatives, simile a quella qui sopra. A metà del 2021, sarà il turno dei servizi Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag e Framacalc di presentare delle alternative, come abbiamo spiegato in questo articolo. Inoltre, durante l’anno limiteremo l’uso di alcuni servizi. Pertanto, presto non sarà più possibile abbreviare nuovi link tramite Frama.link, ma gli URL già abbreviati continueranno a funzionare. Chiuderemo anche le registrazioni su Framasphère e Framapiaf (ma se hai già un account, non cambierà nulla per te). Invece, contrariamente a quanto indicato nel nostro calendario delle chiusure, non crediamo che quest’anno limiteremo il servizio Framalistes. Le alternative (anche sotto altri software liberi) sono rare, ed è un servizio tanto più utilizzato in tempi di distanziamento sociale. Abbiamo deciso di non limitare questo servizio mentre troviamo una soluzione sostenibile. Più in generale, all’inizio del 2021, ripenseremo ai nostri piani per “deframasoftizzare Internet. Senza mettere in discussione l’approccio, sono passati più di due anni da quando abbiamo iniziato a immaginare questo calendario. Da allora, il mondo è cambiato molto, anche il panorama del software libero: è ora di fare un piccolo aggiornamento! Illustration de David Revoy - paysage onirique. une jeune fille au pied d'un poteau indicateur avec plusieurs directions indique l'une de ces directions à un groupe de trois pingouins randonneurs. En arrière-plan, d'autres trajets et promeneurs. Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Sostenere gli CHATONS, il collettivo di host alternativi trasparenti, aperti, neutrali e solidali

Nel 2021, vogliamo anche continuare a investire nel coordinamento del collettivo di fornitori di host alternativi CHATONS . Il numero delle strutture associate al collettivo cresce ogni anno e cresce il numero di servizi alternativi che queste strutture offrono. Questo è il motivo per cui il collettivo prevede nel 2021 di rivedere il proprio sito Web in modo da poter trovare ancora più facilmente il servizio o la struttura che meglio soddisfa le tue esigenze. I lavori per ridisegnare “la litière”, il wiki del collettivo , sono attualmente in corso e dovrebbero presto dare accesso a tutta la documentazione prodotta dal collettivo. CHATONS prevede infine di dotarsi di una nuova interfaccia che permetterà a tutti gli utenti di Internet di conoscere le attività realizzate dalle 76 strutture che lo compongono.

photo de chatons mignons dans leur panier, image très "calendrier des postes".
Una cesta piena di CHATONS (gattini) perché sappiamo che vi piacciono

Contribuire agli strumenti digitali degli altri

È sempre molto piacevole contribuire a progetti realizzati da altre strutture. Nel 2021 continueremo a sostenere lo sviluppo di strumenti proposti da altre strutture e a cui abbiamo già contribuito. Te lo abbiamo presentato nel 2019, Bénévalibre è un software gratuito che ti permette di contare le ore di volontariato all’interno di un’associazione. Se la logica di ” contabilizzare tutto ” non fa veramente parte dei nostri valori, ci sembra comunque evidente che una tale esigenza non debba dipendere da software proprietari. Questo è anche il motivo per cui gli amici del gruppo LibreAssociation de l’April hanno guidato questo sviluppo e noi li abbiamo sostenuti. Dal momento che la versione 1 di Bénévalibre risale al settembre 2019, ora l’esperienza e l’utilizzo del software permettono di stabilire come contribuirvi e migliorarlo nel 2021. L’associazione Resistance to Advertising Aggression lavora sul ruolo della pubblicità nella nostra società: non è il luogo dove ci immagineremmo di trovare degli sviluppatori che creano un software. Invece, RAP aveva bisogno di un software per utilizzare petizioni online, quindi l’hanno sviluppato! C’è un grande bisogno di liberare gli strumenti delle petizioni dai meccanismi del capitalismo di sorveglianza. Nel 2021 il nostro sostegno al software Pytitions sarà logistico, ma anche finanziario, nella speranza di farlo avanzare più velocemente verso una versione per il pubblico. un grand barbu et une jeune fille préparent une soupe dont les ingrédients figurent sur une page de bloc au premier plan de l'image. Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Ritrovarci, lontano dalle tastiere, questo ci manca!

Ci auguriamo che nel 2021 le condizioni igienico-sanitarie ci consentano di riprendere i nostri interventi, workshop, convegni o tavole rotonde negli incontri in presenza. Certo, la salute viene prima di tutto! Il rispetto della nostra e della vostra salute sarà per noi una condizione essenziale prima di accettare qualsiasi intervento. Detto questo, rimaniamo fiduciosi che tutto questo sarà possibile perché … ci mancate! Per noi è fondamentale incontrare regolarmente pubblici diversi per condividere le nostre osservazioni sull’egemonia dei giganti del web e sul mondo che ci stanno preparando le imprese del Capitalismo di Sorveglianza. Nel frattempo continueremo i nostri interventi online, tanto vale dirvi che ne sono già previsti alcuni per la prima metà del 2021! https://peertube.designersethiques.org/videos/watch/0e3b464a-3885-4ee4-af76-8b2e8952d548  

Promuovere le Metacarte sul digitale etico

Se (a causa della pandemia) il progetto ha avuto dei ritardi, le Metacarte sul digitale etico sono attualmente in fase di test con diverse comunità, anche in un workshop tenuto il 18 dicembre 2020. Questo strumento destinato ai mediatori digitali in modo che possano facilmente sensibilizzare alle sfide delle tecnologie digitali e proporre alternative che rispettino gli utenti di Internet dovrebbe quindi vedere la luce nel corso del 2021. Framasoft continuerà a sostenere questa bella iniziativa che non vediamo l’ora di veder nascere nel 2021! Per aiutare la produzione, noi (tra gli altri) abbiamo già ordinato delle copie del gioco e speriamo di essere in grado di distribuire questo essenziale dispositivo di animazione a mediatori e mediatrici sia volontari che professionisti.

Il piano di lavoro per i prossimi mesi delle Metacarte sul digitale etico

Descrivere il Fediverso, in una tesi o in un disegno

Quando parliamo ad esempio di PeerTube o Mobilizon, possiamo vedere che i concetti di “software federato”, “istanze” e di federazione sono complessi da affrontare. Va detto che, negli ultimi vent’anni, le multinazionali digitali hanno ridotto il web a “un sito = una piattaforma = un servizio”, suggerendo alla maggioranza degli utenti di Internet che non ci sarebbero delle alternative. Nel 2021, vorremmo quindi lavorare per rendere questi concetti più accessibili a tutti. Ad esempio, abbiamo chiesto all’associazione LILA (che ha prodotto per noi il video animato What Is PeerTube?) di riprendere il lavoro per creare alcuni brevi video che spiegassero i concetti chiave. Parallelamente, stiamo contribuendo al finanziamento di una tesi di dottorato dal titolo « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés» avviata all’UTC nell’ottobre 2020 da Audrey Guélou. https://framatube.org/videos/watch/9c9de5e8-0a1e-484a-b099-e80766180a6d

Un primo passo verso il progetto cloud di Framasoft

Un anno fa vi abbiamo parlato del nostro progetto « Framasoft cloud« , un servizio basato sul software Nextcloud che fornisce un facile accesso a una moltitudine di strumenti di collaborazione. Nel frattempo il mondo è cambiato e anche la nostra riflessione su questo progetto si è evoluta.

La crisi del COVID19 ha infatti imposto a gran parte della popolazione dei nuovi utilizzi del digitale in modo brutale e senza accompagnamento. Mentre passiamo sempre più tempo a “lavorare / collaborare / cooperare / scambiare / produrre” davanti a uno schermo, la maggior parte di noi non è molto a suo agio con queste pratiche digitali.

Nextcloud resta un software libero in grado di soddisfare queste esigenze, soprattutto per un pubblico (associazioni, collettivi, ecc.) alla ricerca dell’emancipazione digitale. Nel 2021, vogliamo dedicare tempo ed energie alla creazione di strumenti per aumentare la consapevolezza e la comprensione di che cos’è (e cosa non è) Nextcloud, di quello che ci possiamo fare e come … per aumentare le tue capacità di organizzazione e collaborazione.

 

jeune fille qui déclenche un aiguillage dans le ciel entre des traînées de nuages
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Dedicare del tempo del nostro cervello al progetto di Università Popolare UPLOAD

Questo progetto di una Università Popolare del Libero Aperta(Ouverte), Accessibile e Decentralizzata (UPLOAD) è stato immaginato durante la campagna di Contributopia, nell’ottobre 2017. Nel 2021 saremo ancora lontani dalla realizzazione di questo progetto, ma vogliamo iniziare a definirlo più concretamente.

L’obiettivo sarebbe quello di fornire agli utenti di Internet uno spazio che permetta loro di accedere a una grande quantità di conoscenze di cui si possono riappropriare (quindi con dei contenuti necessariamente con licenza libera) e che possono essere adattate a molti usi dell’educazione popolare e dell’empowerment. .

C’è anche da pensare a come facilitare la vita dei mediatori e delle mediatrici in modo che l’appropriazione di questi contenuti possa essere animata, online e durante gli incontri in presenza.

Per pensare allo strumento più adatto a questo scopo e al contributo che potremmo umilmente dare in questo ambito, dove tante belle iniziative non hanno aspettato noi per partire, Framasoft si dà un anno per fare un’analisi di quello che già esiste sull’argomento, per sviluppare la nostra riflessione sulla forma che potrebbe assumere questo dispositivo per essere il più efficace.

 

circulant sur un nuage au-dessus d'un paysage verdoyant, deux chatons en expédition avec tout un bric-à-brac
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un anno per ritrovarsi

Siamo onesti: noi stessi, leggendo questo enorme elenco, ci chiediamo come fare tutto. Ma a ben vedere, la maggior parte di queste azioni sono o la prosecuzione di progetti e partnership che abbiamo già avviato o le prime tracce per realizzare delle idee che già volevamo fare.

Il 2020 è stato per noi (e possiamo immaginare che sia stato per tutti uguale) un anno speciale, in cui le priorità sono state stravolte, in cui ci siamo un po’ persi, in cui siamo stati sommersi .

Se dovessimo descrivere in una parola come immaginiamo il 2021 oggi quella parola sarebbe « ritrovarci ». Ritrovare le nostre tracce, ritrovarci fisicamente, ritrovarci attraverso le nostre azioni. Perché quello che non abbiamo mai perso è il senso di quello che facciamo, per voi e insieme a voi.

Nel 2021, è verso questo significato dato alle nostre azioni, verso questi valori di emancipazione digitale, decentralizzazione dei poteri ed educazione popolare che vogliamo guidare la nostra barca.

Framasoft vive solo grazie alle tue donazioni, speriamo che vorrai seguirci e sostenerci ancora una volta in questa direzione.

  Sostieni Framasoft




What Framasoft would like to do in 2021 thanks to your donations

For 2021, Framasoft has many desires (we always have!): popular digital education, software developments and actions to participate in the web re-decentralization.

Please note:

Here are the main actions we plan to carry out next year. However 2020 confirmed us that we can’t take anything for granted and that everything can change. So this article is more a snapshot of our todo list for 2021 than a roadmap set in stone.

Here is what we plan to do next year if we are not forced to change our plans in the middle of the year and if we can. We hope you will help us accomplish it by joining our donators.

Taking more time to develop ethical tools

In 2021, Framasoft will obviously continue to work on softwares we have been developping for years. But this year we didn’t plan any fundraising for one of these softwares.

Indeed, if organizing a fundraising allows to know and finance an initiative, it’s also the start of a sprint to code mainstream features in time.

This year we want to work on improvements, on mediation tools: features that may seem less sexy but that are just as important. We also want to take time to better listen to your feedbacks and needs.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Finding a community for Framaforms (the software)

In 2021 Théo will spend a few more months with us to continue the work (already well underway) on the software behind Framaforms: bugs resolution and new features requested by users. Thanks to these improvements, Framaforms will be much easier to use and administrate.

One of Théo’s missions is to create a contribution community around this software. Our goal is that this software’s evolution doesn’t exclusively rest upon our small not-for-profit shoulders. We’ll publish a presentation website in the coming months.

Because Framaforms is one of our most visited services, we deeply hope that other people will be interested in this solution and will continue to keep it alive and to make it evolve. The need to free forms from Google is important: free-libre softwares have strong arguments in this area and the development effort can’t rely solely on our small not-for-profit.

Animation created by Gee (CC-By-SA) in 2016, for Framaforms’s release

Slidewalker, an alternative to Slideshare and Scribd

We have been dying to carry out this idea for years: to create a free-libre software so that hosters can offer online documents hosting and consulting service, an alternative to slideshare or scribd.

Slidewalker would help anyone share documents (not just slideshows) in open formats (open documents) or in PDF format. For those using closed formats (docx, xlsx, pptx…) we will find how to convert them into a PDF format. But if you want something better, ask Microsoft to open their proprietary formats.

Once hosted, the files could be described, viewed, embed and opened to comments (or not, it’s not compulsory!). We also think of group features and quotas… we don’t lack of ideas for this software.

But we are realistic and know that we will not achieve to develop all of them in 2021, nor on the V1. For example, it won’t be a federated tool this time! We don’t even know if we will provide a public instance of this software.

We want a simple and efficient tool that works without embellishments. So far, we have only imagined it. Let’s meet in 2021 to see how this plan will become true (if it does!).

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Consolidating PeerTube towards its v4

As mentioned several times, PeerTube’s v3 including live and peer-to-peer video streaming should be released in January 2021. First, this « live » will be minimalistic (no chat and reaction tools, etc.) but we will probably develop it and add new tools. Your feedbacks will influence updates about the interface itself or in addition to this main feature.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

In 2020, Marie-Cécile Godwin, our partner designer, directed interviews with video makers, instance administrators and Internet users who wanted to watch videos elsewhere than on web giants platforms. These interviews confirmed our impressions: it’s confusing to come across a federated software (PeerTube) when you are expecting to find a video sharing platform (« in YouTube’s style »).

Google and its co-workers wrongly accustom us and it’s difficult for Internet users to apprehend decentralized web and federation principles… That’s why in 2021 we would like to make this understanding easier.

We want to modify significantly the interface, for example by inserting educational elements. We would like people who visit ExampleTube to see at a glance if a video is hosted by ExampleTube or if it’s on an instance federated with ExampleTube. Identifying immediately where a video comes from can change everything for watchers, videomakers and instance administrators.

We would also like to improve contents discoverability of both videos and channels. Even if SepiaSearch, our search engine, is a wonderful tool to search for videos, you have to know what you’re looking for.

For those who just want to browse, only this JoinPeertube page offers you videos, channels and instances selections. Thus we would like to create a tool allowing instance administrators to present and recommend content. Videomakers will also be able to customize their PeerTube channels by highlighting a video, modifying their playlists, adding a banner or by recommending other channels.

Click to try SepiaSearch

A Mobilizon suited to your needs

By publishing Mobilizon’s first version in the end of last October, we have proved that it’s now possible for those who want to gather, mobilize and organize themselves to use a free-libre and federated tool. We look forward to improving Mobilizon in 2021.

For example, we would like to use your feedbacks from previous weeks by implementing a new notification system to easily see the activity of events you have signed up for and new contents published in groups.

But we don’t want to overwhelm you with notifications nor to offer you a poor imitation of a Facebook wall. It would be against the spirit of attention simplicity we wanted for this tool. We will take all the time needed to imagine the most appropriate notification system. It seems more a design complexity than a code issue. For this reason (and many more), we’ll keep working with Marie-Cécile Godwin.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

We also want to improve events discoverability. In the « Explore » menu, you currently can search for events with geographical localization. But displaying them on a map could be another way to discover the events next to you.

Some of you told us that the events selected in the « Featured events » and « These events may interest you » sections, at the bottom of event pages, didn’t seem pertinent. Therefore we will try to make the selection criteria more understandable (title, tag, date, location, etc.).

Finally we’re planning to create a dedicated space for the different contributions (feedbacks, issues, translations, code and support to the installation, etc.) on JoinMobilizon. We will also consider your desires about this tool and probably add features we haven’t thought about yet.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Decentralizing to avoid power concentration

Web giants are a handful of companies who managed to get us spend as much time as possible in front of our screens, so they can best decide what will be displayed on them.

The more people use their tools, the more power web giants get and the more complicated it becomes for each of us to use alternative tools.

Even at our level (a huge level for a small not-for-profit organization but a very small comparing to Google and co) we can notice that. The more one of our services are, the more it attracts problematic uses (moderation or spam) and causes imbalance issues (and some moral dilemma for our team when we have to decide!).

One solution is to increase the number of services hosting. It’s a truth that we will uphold for many years: de-google-ifying is great, yes, but it is not enough. It’s just the first step in decentralizing one’s digital uses.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Providing alternatives to some Frama-services

In 2021, Framasoft will continue to remake some of our services into portals to the same tools but hosted by other trusted providers, most often members of the CHATONS collective. This is what we’ve already done with the services we closed in 2020: Framabee, Framanews and Framastory.

Here is the alternatives page to Framanews

We will close down very shortly Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama and the former Framindmap version, replacing them with an « Alternative » page, similar to the one above. As we explained in this article, in mid-2021, Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag and Framacalc will display alternatives.

We will also restrict uses of some other services during the year. Therefore you won’t be able to shorten new links via Frama.link anymore but the already shortened URLS will still work. We will also close down signing ups on Framasphère and Framapiaf (if you already have a Framapiaf account, nothing will change for you, whereas Framasphère will close in october).

However we consider not to restrict the Framalistes service this year contrary to what was indicated in our service closure schedule. Alternatives (even under another free-libre software) are uncommon and a much more used service in this period of social distancing. We will not restrict this service until we find a substainable solution.

More generally, in early 2021, we will reconsider our plans to « de-framasoft-ify the Internet ». Without questioning this approach, we thought this plan more than two years ago. And since then the world and the free-libre software landscape have changed: it’s time for a little update!

Illustrration de David Revoy
Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Supporting CHATONS (the Collective of Independent, transparent, open, neutral and ethical hosters providing FLOSS-based online services)

In 2021 we want to keep working on the coordination of CHATONS: the alternative hosting collective.

Each year, organizations that are collective’s members and alternative services they offer are increasing. That’s why in 2021 the collective thinks of reconsidering his website for you to find more easily the service or the organization that feets your needs the best.

We are currently reworking the collective’s wiki, aka the « litter », which should give you shortly access to all the documentation of the collective.

Finally, the collective CHATONS plans to build a new interface for its website, to better show the works carried out by the 90 organizations composing it.

A CHATONS basket because we know how much you love it!

Contributing to other’s digital tools

It’s always nice to participate in projects carried out by other organizations. In 2021, we will continue to support tool developments conducted by other organizations to which we have already contributed.

Released in 2019, Bénévalibre is a free-libre software allowing you to count volunteering hours within an association (French for not-for-profit NGO). Although the « all accounting » logic is not really part of our values, we think that such a requirement should not depend on proprietary softwares.

That’s the reason why friends of the April LibreAssociation group carried out this development and why we supported them. Since Bénévalibre’s v1 in September 2019, there has been a lot of hindsights and uses to know how to contribute to it and improve it in 2021.

Résistance à l’Agression Publicitaire, a French not-for-profit, that raises awareness about the place of advertising in our society: we did not expect them to develop a software. Yet the R.A.P association needed one to launch online petitions, so they coded it!

Petition tools need to be freed from surveillance capitalism mechanisms. In 2021 we will logistically and financially support the Pytitions software development in the hope to get rapidly to a general public version.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Contributing to people’s digital emancipation

We can’t list below all the popular education actions we will contribute to in 2021.

Firstly because some of these actions will be at the reflection phase and also because collective intelligence requires time and is hard to plan.

For example, in 2021 there may be a radical change of paradigm and functioning within our publishing house, Framabook. We may also think about the next MOOC CHATONS modules… but we haven’t decided yet.

Secondly, because some of these actions are carried out according to new needs, to wills coming together and to common schedules, etc.

Here are the outlines we can draw today. It will be very fun to compare this sketch with a more complete review of our popular education actions in the end of 2021.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

We can’t wait seeing you again, away from keyboards!

In 2021 we hope the sanitary conditions will allow us to go back physically to our meetings, workshops, conferences or round-tables. Of course health comes first! Respecting our health and yours will be a main condition before accepting any of them.

This being said, we still hope that it will be possible because… we miss you! It’s important for us to meet regularly with different audiences and share opinions about web giant’s supremacy and the world that Surveillance Capitalism companies are planning for us.

Meanwhile we will continue our online meetings and we can already tell we have some planned for the first half of 2021!

Promoting the « Métacartes numérique éthique » (Cardgame to discover ethical digital alternatives)

Although the project was delayed (due to the pandemic), the Metacards « ethical digital alternatives » are being tested in many communities and the next workshop will take place on Dec. 18th, 2020 (register on Mobilizon!)

This tool that helps digital mediators to easily raise awareness on technology issues and to present alternatives that are respectful to Internet user’s should be released in 2021.

Framasoft will keep supporting this nice initiative we can’t wait to discover in 2021! To help producing it, we have (among others) pre-ordered games and we hope we will be able to spread this major animation system to amator and professional mediators.

the work plan for the Metacards « ethical digital alternatives » for the coming months.

Describing the Fediverse with a thesis or a drawing

For example, when we talk about PeerTube or Mobilizon, we see that it’s hard to tackle the concepts of « federated software », « instance » and « federation ». Indeed, those last twenty years, web giants have limited the web to « a website = a platform = a service » suggesting to most users that there is no alternative.

In 2021, we plan to work on making these concepts more accessible for everyone. For example, we asked LILA association (who made the « What Is PeerTube? » animated video) to produce some short videos popularizing key concepts.

At the same time, we are contributing to funding a thesis that started in Oct. 2020 at the UTC by Audrey Guélou entitled « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés » (Techno-ethical configurations for decentralized and federated social media).

A first step towards Framasoft cloud’s project

A year ago we were talking about our « Framasoft cloud » project: a service based on Nextcloud software giving easily access to many collaborative tools. Meanwhile, the world and our thoughts on this project have changed.

Due to the covid19 crisis, many people had to use new digital tools without any support. Even though we are spending more and more time « working/collaborating/cooperating/exchanging/producing » in front of our screens: most of us are not very comfortable with these digital practices.

Nextcloud remains a free-libre software that can meet these needs especially for an audience (organizations, collectives, etc.) wanting digital emancipation. In 2021, we want to devote time and energy to create awareness and understanding tools about what Nextcloud is (and isn’t), about what we can do with it and how… in order to increase your organization and collaboration abilities.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Taking time to think the Popular University UPLOAD project

This project of a Libre Open Accessible and Decentralized Popular University (UPLOAD) was conceived during Contributopia’s campaign in October 2017. In 2021, we will be far from completing it but we want to start defining it more concretely.

Our first goal it to create a space for people to get to a lot of re-appropriable knowledge (with contents under free-licence of course). This space should be able to adapt to many popular educational and empowerment uses.

It’s also to think about how digital coaches’ works could be facilitated so that these contents can be appropriated and organized online or physically.

In order to think of the most relevant tool, and how we could humbly contribute to this environment where many initiatives were launched before us, Framasoft gives itself one year to note what already exists on this matter and think about how this project could be organized to be the most effective.

Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

A year to find each other

Let’s be honest: even us when we read this huge list, we don’t know how we will accomplish all of it! But if we look closely, most of the actions are the continuation of projects and partnerships or the first steps to develop ideas we have always liked.

2020 has been for us (and for everyone we suppose) a strange year that have shifted our priorities and where we have been a bit confused and overwhelmed.

Today if we had to describe how we think about 2021 in one word it will be « finding »: finding our marks, finding you back, and finding ourselves in action. Because we never lost the meaning of what we do, for you and with you.

In 2021, we want lead our way to this meaning given in our actions, towards these values of digital emancipation, power decentralization and popular education.

As Framasoft only lives from your donations, we hope you will follow us and support us once again in this direction.

Support Framasoft




Ce que Framasoft aimerait faire en 2021 grâce à vos dons

Pour l’année 2021, Framasoft a encore de nombreuses envies (ça, on n’en manque jamais !) : éducation populaire au numérique, développement des logiciels que nous maintenons et actions pour participer à la re-décentralisation du web.

À noter :

Nous vous présentons ici les principales actions que nous prévoyons de mener l’année prochaine. Cependant, si 2020 nous a confirmé quelque chose, c’est que rien n’est acquis, que tout peut être chamboulé. Il ne s’agit donc pas ici d’une roadmap (feuille de route) gravée dans le marbre, mais bien d’un instantané de notre to do list (ou « liste des choses à faire ») pour 2021.

Voilà donc ce que nous envisageons de faire l’an prochain, si le monde ne nous fait pas réviser nos plans en plein milieu de l’année et si nous le pouvons. Nous espérons que vous nous donnerez les moyens de le réaliser en rejoignant nos donateurs et donatrices.

Prendre plus de temps pour développer des outils éthiques

En 2021, Framasoft va bien évidemment continuer à travailler sur les logiciels que l’association développe depuis plusieurs années. Cependant, nous ne prévoyons pas de collecte dédiée à l’un de ces logiciels pour cette année.

En effet, si animer une collecte permet de faire connaître une initiative tout en la finançant, c’est aussi, souvent, le début d’un sprint pour coder des fonctionnalités phares dans les temps annoncés.

Cette année, nous voulons travailler sur des améliorations, des outils d’appropriation, des fonctionnalités peut-être moins sexy mais tout aussi importantes. Nous voulons aussi prendre le temps de mieux nous adapter à vos retours et vos besoins.

image ronde d'une planète imaginaire sphérique plantée d'arbres, des vaisseaux à voile l'environnent dans un espace bleu clair, couleur dominante.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

 

Trouver une communauté pour (le logiciel) Framaforms

Théo passera encore quelques mois avec nous en 2021 pour poursuivre le travail déjà bien engagé sur le logiciel qui propulse Framaforms : résolution de bugs et ajout de fonctionnalités demandées par les utilisateur⋅ices. Toutes ces améliorations font que Framaforms pourra bien plus facilement être utilisé et administré.

Théo a d’ailleurs pour mission de faire émerger une communauté de contributeur⋅ices autour de ce logiciel afin que son évolution ne repose pas exclusivement sur notre petite association. Un site web de présentation verra le jour dans les mois à venir.

Nous espérons vivement que d’autres vont s’intéresser à cette solution et continuer de la faire vivre et évoluer, car Framaforms est un de nos services les plus utilisés. Le besoin de formulaires libérés des griffes de Google est grand, le Libre a des arguments solides dans ce domaine, et l’effort de développement ne peut pas reposer uniquement sur les épaules de notre association.

un pingouin avec un casque qui rappelle Astérix chemine sur la nanquise, est arrêté par un soldat romain au bouclier arboran le G de Google, qui lui réclame les résultats des résultats des sondages et formlaires. L'animal envoie loin dans le cile le soldat d'un magistral coup de poing et plante sur la banquise un arbre intitulé Framaforms.
Animation créée par Gee (CC-By-SA) en 2016, pour la sortie de Framaforms

Slidewalker, une alternative à Slideshare et Scribd

Voilà une idée qui nous démange depuis quelques années… Créer un logiciel libre pour que des hébergeurs web puissent proposer un service d’hébergement et de consultation de documents en ligne, une alternative à slideshare ou scribd.

Slidewalker permettrait d’y envoyer des documents (pas uniquement des diaporamas) en formats ouverts (open documents) ou en pdf. Bon, pour les personnes qui utilisent des formats fermés (docx, xlsx, pptx…) on trouvera bien une solution pour convertir ça en pdf au passage, hein. Mais si vous voulez mieux, faudra demander à Microsoft d’ouvrir les formats de ses fichiers propriétaires !

Une fois hébergés, ces fichiers pourraient être décrits, consultés, intégrés dans une page web, ouverts aux commentaires (ou pas, hein, c’est pas obligé !). On imagine même des fonctionnalités de groupes, de quotas… ce ne sont pas les idées qui manquent.

Cependant, nous sommes réalistes et savons que nous ne les réaliserons pas toutes en 2021, ni pour la v1 de ce projet. Par exemple, nous n’envisageons pas de faire un outil fédéré sur ce coup-là ! Nous ne savons même pas si nous proposerons une instance ouverte de ce logiciel.

Nous avons envie d’un outil modeste et efficace, qui fait le job sans fioriture. À ce jour, nous n’en sommes qu’à l’imaginer, rendez-vous en 2021 pour voir comment cette envie se concrétisera (et si on y parvient !).

dan sl'herbe, trois peintres au travail. Au premier plan, une boîte d'aquarelles et un carnet de dessins à spirale.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Consolider PeerTube vers sa v4

Comme nous vous l’avons indiqué à de multiples reprises, nous prévoyons de sortir la v3 de PeerTube intégrant la diffusion de vidéos en direct et en pair à pair en janvier 2021. Cependant, ce « live » sera dans un premier temps minimaliste (pas d’outil de chat, pas de réactions, etc.) et il sera sûrement nécessaire de le faire évoluer, d’y ajouter des outils. Nous envisageons donc des mises à jour au regard de vos retours, que ce soit au niveau de l’interface ou en complément à cette fonctionnalité majeure.

Sepia la mascotte dans une nacelle de ballon qui pour l'instant n'a pas quitté l'herbe. Le ballon est en forme de V3 (allusion à la version 3 de peertube à venir)
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

En 2020, notre designer associée, Marie-Cécile Godwin, a réalisé plusieurs entretiens avec des vidéastes, des administrateur⋅ices d’instances et des internautes souhaitant visionner des vidéos ailleurs que sur les plateformes des géants du web. Ces entretiens ont confirmé nos impressions : tomber sur un logiciel fédéré (PeerTube) quand on s’attend à trouver une plateforme vidéo (« à la YouTube »), c’est déroutant !

Google et ses collègues de bureaux nous ont mal habitué⋅es, et il est difficile pour les internautes d’appréhender les principes du web décentralisé et de la fédération… Nous aimerions donc réussir en 2021 à faciliter cette compréhension.

Nous envisageons plusieurs modifications notables de l’interface, par exemple en y insérant des éléments pédagogiques. Nous aimerions que les internautes qui visitent ExempleTube puissent facilement voir si telle vidéo est hébergée par ExempleTube ou si elle se trouve sur les disques durs d’une instance fédérée à ExempleTube. Pouvoir identifier la provenance d’une vidéo d’un regard, cela peut tout changer, que ce soit pour le spectateur, la vidéaste ou l’admin qui héberge l’instance.

Nous aimerions aussi améliorer la découvrabilité des contenus hébergés par une instance, que ce soit des vidéos ou des chaînes. Notre moteur de recherche SepiaSearch est un merveilleux outil pour rechercher des vidéos, mais il faut savoir ce que l’on cherche.

Pour les personnes qui veulent juste naviguer, il n’y a pour le moment que cette page de JoinPeertube qui vous propose une sélection de vidéos, de chaînes et d’instances. Nous aimerions donc créer un outil pour que les administrateur⋅ices d’instances puissent mettre en valeur, voire recommander certains contenus. On pourrait aussi permettre aux vidéastes de davantage personnaliser leurs chaînes PeerTube par la mise en avant d’une vidéo, en réorganisant leurs playlists, en ajoutant une bannière ou en recommandant d’autres chaînes.

la mascotte Sepia qui promeut SepiaSearch avec une loupe et un chant de recherche
Cliquez pour découvrir SepiaSearch

Développer le Mobilizon qui vous servira

En publiant fin octobre la première version de Mobilizon, nous avons démontré qu’il est désormais possible pour celles et ceux voulant se rassembler, se mobiliser et s’organiser, d’utiliser un outil libre et fédéré. Nous avons hâte d’améliorer Mobilizon en 2021.

Nous aimerions, par exemple, prendre en compte plusieurs retours qui nous ont été faits ces dernières semaines, en mettant en place un système pour voir facilement l’activité d’un évènement auquel on s’est inscrit, ou les nouveaux contenus publiés dans les groupes qu’on a rejoints.

Mais on ne veut pas non plus vous submerger de notifications, ni vous proposer une pâle copie du fil d’actualités proposé par Facebook et consorts. Ce serait totalement contraire à l’esprit de sobriété attentionnelle que nous avons voulu pour cet outil. Nous allons donc prendre le temps nécessaire d’imaginer le système le plus approprié et pour cela, nous continuons à travailler avec Marie-Cécile Godwin car il nous semble que nous sommes davantage face à une complexité de design qu’à une problématique de code.

des chatons joignent joyeusement leurs rayons magiques pour sculpter une icône taille menhir du symbole de localisation, tel qu'on le voir sur la cartographie en ligne pour déterminer un point précis
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Nous pensons aussi à améliorer la découvrabilité des évènements. Dans le menu ‘Explorer’, vous avez actuellement la possibilité de rechercher des évènements par localisation géographique. Mais un affichage sur une carte pourrait être une autre façon de rendre visibles les évènements qui se déroulent à proximité de chez vous.

Vous avez été nombreu⋅ses à nous indiquer ne pas comprendre ce qui était sélectionné dans la section « Évènements à la Une » ou dans la section « Ces évènements peuvent vous intéresser » qui s’affiche en bas des pages évènements. Nous allons donc essayer de rendre plus compréhensibles les critères de ces sélections (titre, tag, date, lieu, etc.).

Enfin, nous prévoyons de créer un espace dédié aux différentes contributions sur JoinMobilizon (retours, questions, traductions, code et aide à l’installation, etc.). Nous pourrons ainsi prendre connaissance de vos envies concernant cet outil et sûrement ajouter des fonctionnalités auxquelles nous n’avons pas encore pensé.

chatons multiciolores qui se tiennet la patte, forment un cercle, vu de haut, à la manière des ballets nautiques d'Esther Williams dans les films hollywoodiens
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Décentraliser pour ne pas concentrer les pouvoirs

Les géants du web, c’est une poignée d’entreprises qui a réussi à ce que l’on passe le plus de temps possible devant nos écrans, pour mieux décider de ce qui va s’y afficher.

Plus il y a de monde utilisant leurs outils, plus ils ont de pouvoir, plus il est compliqué pour chacun·e d’entre nous d’utiliser des outils alternatifs.

Nous le constatons même à notre niveau (énorme pour une petite association loi 1901, mais ridiculement petit par rapport à Google, par exemple). Plus un de nos services est utilisé, plus il attire les usages problématiques (modération, spam) et plus cela pose des problèmes de déséquilibre (et beaucoup de cas de conscience pour notre équipe lorsque l’on doit trancher !).

La solution à cela, c’est de proposer encore et toujours plus d’hébergements de services variés. C’est une vérité que l’on va devoir accompagner sur plusieurs années : se dégoogliser c’est bien, c’est déjà énorme, et cela ne suffit pas. Ce n’est que la première étape pour décentraliser ses usages numériques.

planète "arbre" au-dessus des nuages et qui abrite notre planète bleue. Quelques chatons figurent autour, certains descendent d'un volcan qui fume.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Proposer des alternatives à certains Frama-services

Framasoft continuera en 2021 à transformer certains de ses services en portails vers ces mêmes outils, mais installés chez d’autres hébergeurs de confiance, le plus souvent membres du collectif CHATONS. C’est déjà le cas pour les services que nous avons fermés en 2020 : Framabee, Framanews et Framastory.

capture d'écran de divers hébergeurs ou services alternatifs qui proposent des lecteurs de flux rss
Voici, par exemple, la page des alternatives à Framanews.

Très prochainement, nous fermerons les services Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama et l’ancienne version de Framindmap, pour les remplacer par une page « Alternatives », similaire à celle ci-dessus. Mi-2021, ce sera au tour des services Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag et Framacalc de présenter des alternatives, comme nous l’avons expliqué dans cet article.

Nous allons aussi restreindre l’usage de certains services dans l’année. Ainsi, il ne sera bientôt plus possible de raccourcir de nouveaux liens via Frama.link, mais les urls déjà raccourcies continueront à fonctionner. Nous allons aussi fermer les inscriptions sur Framasphère et Framapiaf (mais si vous avez déjà un compte, rien ne va changer pour vous).

En revanche, contrairement à ce qui est indiqué sur notre calendrier de fermetures, nous pensons ne pas restreindre le service Framalistes cette année. Les alternatives (même sous un autre logiciel libre) sont rares, et c’est un service d’autant plus utilisé en période de distanciation sociale. Nous avons décidé de ne pas restreindre ce service le temps de trouver une solution durable.

Plus généralement, début 2021, nous allons repenser nos plans pour « déframasoftiser Internet ». Sans remettre en cause la démarche, voilà plus de 2 ans que nous avons commencé à imaginer ce calendrier. Depuis, le monde a bien changé, le paysage du logiciel libre aussi : il est temps d’une petite mise à jour !

Illustration de David Revoy - paysage onirique. une jeune fille au pied d'un poteau indicateur avec plusieurs directions indique l'une de ces directions à un groupe de trois pingouins randonneurs. En arrière-plan, d'autres trajets et promeneurs.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Soutenir le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires (CHATONS)

En 2021, nous souhaitons aussi continuer de nous investir dans la coordination du collectif d’hébergeurs alternatifs CHATONS.

Le nombre de structures membres du collectif croît chaque année et le nombre de services alternatifs que ces structures proposent est de plus en plus important. C’est pourquoi le collectif envisage en 2021 de revoir son site web afin que vous puissiez trouver encore plus facilement le service ou la structure qui correspond le mieux à vos besoins.

Un travail de la refonte de la litière, le wiki du collectif, est actuellement en cours et devrait prochainement vous donner accès à l’ensemble de la documentation produite par le collectif.

Enfin, CHATONS prévoit de se doter d’une nouvelle interface qui permettra à tous les internautes de prendre conscience de l’activité réalisée par les 90 structures qui le composent.

photo d echatons mignons dans leur panier, image très "calendrier des postes".
Un panier de CHATONS, parce qu’on sait que vous aimez ça !

Contribuer aux outils numériques des autres

C’est toujours très agréable de contribuer à des projets portés par d’autres structures. En 2021, nous allons continuer de soutenir des développements d’outils qui sont menés par d’autres structures et auxquels nous avons déjà apporté notre pierre.

Nous vous le présentions en 2019, Bénévalibre est un logiciel libre qui permet de comptabiliser les heures de bénévolats au sein d’une association. Si la logique du « tout comptable » ne fait pas vraiment partie de nos valeurs, il nous semble malgré tout évident qu’une telle exigence ne doit pas dépendre de logiciels propriétaires.

C’est d’ailleurs pour cela que les ami·es du groupe LibreAssociation de l’April ont porté ce développement, et que nous les avons soutenu.es. La v1 de Bénévalibre datant de septembre 2019, il y a désormais bien du recul et des utilisations pour déterminer comment y contribuer et l’améliorer en 2021.

L’association Résistance à l’Agression Publicitaire travaille sur la place de la publicité dans notre société : ce n’est pas là qu’on s’imagine trouver des devs maintenant un logiciel. Et pourtant, RAP a eu besoin d’un logiciel pour lancer des pétitions en ligne, alors iels l’ont codé !

Il y a un grand besoin de libérer les outils de pétitions des mécanismes du capitalisme de surveillance. En 2021, notre soutien au logiciel Pytitions sera logistique mais aussi financier, dans l’espoir de le faire avancer plus rapidement vers une version grand public.

un grand barbu et une jeune fille préparent une soupe dont les ingrédiens figurent sur une page de bloc au premier plan de l'image.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Contribuer à l’émancipation numérique des internautes

Nous n’allons pas pouvoir lister ici l’ensemble des actions d’éducation populaire auxquelles nous allons contribuer en 2021.

D’une part parce qu’une partie de ces actions en sera au stade de la réflexion, et que faire travailler l’intelligence collective, ça prend du temps et c’est complexe à planifier.

Par exemple, il est possible qu’en 2021 on expérimente un changement radical de paradigme et de fonctionnement au sein de la maison d’édition Framabook, ou qu’on réfléchisse aux prochains modules du MOOC CHATONS… mais c’est encore à déterminer avec les collectifs concernés.

D’autre part, parce qu’une autre partie de ces actions se font en fonction des besoins qui naissent, des volontés  qui se rencontrent, des plannings qui trouvent un moment en commun, etc.

Voici donc les grandes lignes que l’on peut tracer aujourd’hui, et il sera très amusant de comparer ce croquis avec un bilan plus complet de nos actions d’éducation populaire fin 2021.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Vous retrouver, loin des claviers, ça nous manque !

Nous espérons qu’en 2021 les conditions sanitaires nous permettront de reprendre nos interventions, ateliers, conférences ou tables-rondes lors de rencontres physiques. Certes, la santé passe avant tout ! Respecter notre santé et la vôtre sera pour nous une condition essentielle avant d’accepter toute intervention.

Ceci étant dit, nous gardons espoir que ce soit possible, car… vous nous manquez ! C’est pour nous essentiel d’aller régulièrement à la rencontre de publics variés pour partager nos observations sur l’hégémonie des géants du web et le monde que nous préparent les entreprises du Capitalisme de Surveillance.

En attendant, nous ne manquerons pas de poursuivre nos interventions en ligne, et autant vous dire qu’il y en a déjà de prévues pour le premier semestre 2021 !

 

Promouvoir les Métacartes numérique éthique

Si (pandémie oblige) le projet a pris du retard, les Métacartes Numérique Éthique sont actuellement en phase de test auprès de plusieurs communautés, dont un prochain atelier ce vendredi 18 décembre 2020 (inscrivez vous sur mobilizon !)

Cet outil à destination des médiateur⋅ices numériques pour qu’iels puissent facilement sensibiliser aux enjeux des technologies du numérique et proposer des alternatives respectueuses des internautes devrait donc voir le jour dans le courant de l’année 2021.

Framasoft va poursuivre son soutien à cette belle initiative que nous avons hâte de voir naître en 2021 ! Pour aider la production, nous avons (entre autres) pré-commandé des jeux et espérons pouvoir diffuser ce dispositif d’animation incontournable auprès de médiateurs amateurs et médiatrices professionnelles.

le plan de travail sur les Métacartes Numérique Éthique pour les mois à venir.

Décrire le Fediverse, en une thèse ou un dessin

Lorsque nous parlons de PeerTube ou de Mobilizon par exemple, nous voyons bien que les notions de « logiciel fédéré », d’« instances » et de fédération sont complexes à aborder. Il faut dire que, ces vingt dernières années, les multinationales du numérique ont réduit le web à « un site = une plateforme = un service », laissant entendre à la majorité des internautes qu’il n’y aurait pas d’alternative.

En 2021, nous aimerions donc travailler à ce que ces notions deviennent plus abordables pour tous et toutes. Par exemple, nous avons demandé à l’association LILA (qui a réalisé pour nous la vidéo d’animation What Is PeerTube?) de remettre le couvert pour créer quelques courtes vidéos vulgarisant des notions clés.

En parallèle, nous contribuons au financement d’une thèse de doctorat intitulée « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés » commencée à l’UTC en octobre 2020 par Audrey Guélou.

Un premier pas vers le projet de cloud Framasoft

Il y a un an, on vous parlait de notre projet de « cloud Framasoft », un service basé sur le logiciel Nextcloud permettant d’accéder aisément à une multitude d’outils collaboratifs. Entre temps, le monde a changé et notre réflexion sur ce projet a elle aussi évolué.

La crise COVID19 a en effet imposé de manière brutale et sans accompagnement de nouveaux usages numériques à une grande partie de la population. Si nous passons de plus en plus de temps à « travailler/collaborer/coopérer/échanger/produire » devant un écran, la majorité d’entre nous n’est pas très à l’aise avec ces pratiques numériques.

Nextcloud reste un logiciel libre qui peut répondre à ces besoins, notamment pour un public (associations, collectifs, etc.) en recherche d’émancipation numérique. En 2021, nous voulons consacrer du temps et de l’énergie à créer des outils de sensibilisation et de compréhension de ce qu’est (et n’est pas) Nextcloud, de ce que l’on peut faire avec, et comment… afin d’accroître vos capacités d’organisation et de collaboration.

jeune fille qui déclenche un aiguillage dans le ciel entre des traînées de nuages
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Mettre du temps de cerveau sur le projet d’Université Populaire UPLOAD

Ce projet d’Université Populaire du Libre, Ouverte, Accessible et Décentralisée (UPLOAD) a été imaginé lors de la campagne Contributopia, en octobre 2017. En 2021 nous serons encore loin de réaliser ce projet, mais nous voulons commencer à le définir plus concrètement.

L’objectif serait de mettre à disposition des internautes un espace qui leur permettra d’accéder à de nombreuses connaissances réappropriables (donc avec du contenu forcément sous licence libre) et pouvant s’adapter à de nombreux usages d’éducation populaire et d’empowerment.

C’est aussi de penser comment faciliter la vie des médiateurs et médiatrices afin que l’appropriation de ces contenus puisse être animée, en ligne et lors de rencontres physiques.

Afin de penser l’outil le plus adapté pour cela, et la contribution que nous pourrions humblement apporter dans ce milieu où tant de belles initiatives ne nous ont pas attendu.es pour se lancer, Framasoft se donne une année pour réaliser un diagnostic de ce qui existe déjà sur le sujet afin de nourrir notre réflexion sur la forme que pourrait prendre ce dispositif pour être le plus efficace.

circulant sur un nuage au-dessus d'un paysage verdoyant, deux chatons en expédition avec tout un bric-à-brac
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Une année pour se retrouver

Soyons sincères : nous-même, à la lecture de cette énorme liste, nous demandons comment faire tout cela ! Mais à bien y regarder la plupart de ces actions sont soit la poursuite de projets et de partenariats que nous avons déjà entamés, soit les premières pistes pour concrétiser des idées qui nous faisaient déjà envie.

2020 a été, pour nous (et nous imaginons bien que c’est pour tout le monde pareil) une année particulière, où les priorités ont été bousculées, où l’on s’est un peu perdues, où l’on a été submergés.

Si on devait décrire en un mot comment on imagine 2021 aujourd’hui, ce serait « retrouver ». Retrouver nos marques, se retrouver physiquement, s’y retrouver dans nos actions. Car ce que nous n’avons jamais perdu, c’est le sens de ce que nous faisons, pour et avec vous.

En 2021, c’est vers ce sens donné à nos actions, vers ces valeurs d’émancipation numérique, de décentralisation des pouvoirs et d’éducation populaire que nous voulons mener notre barque.

Framasoft ne vivant que grâce à vos dons, nous espérons que vous nous suivrez et nous soutiendrez, une fois de plus dans une telle direction.

Soutenir Framasoft