Des bières avec Bukowski – Open Culture (3)

Aujourd’hui notre mini-série de l’été consacrée à la culture ouverte vous emmène sur le chemin zigzaguant et génial des poèmes de Charles Bukowski : voici de sa propre voix une célébration animée de sa boisson favorite grâce à un article traduit du site openculture.com


Avertissement : l’alcoolisme, la misanthropie et la misogynie de Bukowski étant notoires, le poème et la vidéo peuvent heurter votre sensibilité. Auquel cas il vous appartient de ne pas aller plus loin sur cette page.

Article original : Watch “Beer,” a Mind-Warping Animation of Charles Bukowski’s 1971 Poem Honoring His Favorite Drink

Traduction : Goofy

Une animation hallucinante pour illustrer un poème de Charles Bukowski en hommage à sa boisson préférée…

par

 

Je ne sais pas combien de bouteilles de bière
j’ai consommées en attendant que ça se remette au beau.
je ne sais pas non plus combien de vin
et de whisky
et de bière
plutôt de la bière d’ailleurs
j’ai consommé après toutes ces ruptures
en guettant la sonnerie du téléphone,
le bruit de leurs pas,
mais c’était toujours trop tard
que le téléphone sonnait
et c’était toujours aussi trop tard
qu’elles revenaient.
Alors que j’étais sur le point
de rendre mon âme
elles arrivaient, fraîches comme des primevères :
« Mais, Grands Dieux, t’avais besoin de te
mettre dans ces états ?
maintenant il va falloir que j’attende
3 jours avant que tu me baises! »

La femme s’use moins vite
elle vit sept ans et demi de plus
que l’homme, et elle boit très peu de bière
car elle sait le mal que ça fait à sa ligne.

Tandis que nous partons de la tronche
elles sont dehors
dansant et riant
avec des cow-boys en chaleur.

En résumé, il y a la bière
des sacs et des sacs de bouteilles vides
et quand tu essaies d’en soulever un
le fond qui est mouillé et
qui est en papier
ne résiste pas et les bouteilles passent à travers
elles roulent sur le sol
et ça résonne partout
et en se renversant le peu de bière qui restait
se mélange à la cendre de cigarettes ;
quoi qu’il en soit, à 4 heures du matin
un sac qui crève
te procure l’unique sensation de la journée.

De la bière
des fleuves et des mers de bière
de la bière de la bière de la bière
la radio passe des chansons d’amour
et comme le téléphone reste muet
et que les murs de ta chambre
ne bougent pas
qu’y a-t-il d’autre que la bière ?

(Traduction © Gérard Guégan)

Charles Bukowski savait vraiment écrire. Et Charles Bukowski savait vraiment boire. Ces deux faits, sûrement les plus connus sur le « diplômé du caniveau », le poète et auteur de romans tels que Postier et Souvenirs d’un pas grand-chose (ainsi que de ce qu’on pourrait appeler la chronique de sa vie quotidienne, Journal d’un vieux dégueulasse), vont de pair. La boisson a fourni suffisamment de matière à sa prose et à ses vers – et, dans la vie, suffisamment de carburant pour l’existence qu’il a posée sur la page avec un art de l’évocation si brutal – que nous pouvons difficilement imaginer l’écriture de Bukowski sans sa boisson, ou sa boisson sans son écriture.

On s’attend donc naturellement à ce qu’il ait écrit une ode à la bière, l’une de ses boissons de prédilection. « La bière », qui figure dans le recueil de poésie de Bukowski de 1971, L’amour est un chien de l’enfer, rend hommage aux innombrables bouteilles que l’homme a bues « en attendant que les choses s’améliorent », « après des ruptures avec les femmes », « en attendant que le téléphone sonne », « en attendant le bruit des pas ».

La femme, écrit-il, sait qu’il ne faut pas consommer de la bière à l’excès à la manière des hommes, car « elle sait que c’est mauvais pour la silhouette ». Mais Bukowski, au mépris de sa silhouette, trouve dans cette boisson, la plus prolétaire de toutes, une sorte de réconfort.

La bière prend vie dans l’animation ci-dessus réalisée par NERDO. Quelques extraits des notes d’accompagnement :

« La composition est un manifeste du mode de vie de l’auteur, c’est pourquoi nous avons décidé de pénétrer dans l’esprit de l’auteur, et ce n’est pas un voyage sans danger […]

Un solo de cerveau sans filtre, un récit de folie ordinaire, montrant à quel point la solitude et la décadence peuvent se cacher à l’intérieur d’un esprit de génie.

Ce périple sauvage passe par ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme de nombreux signifiants visuels de l’expérience bukowskienne : enseignes au néon, cigarettes, pâtés de maisons en décomposition, polaroïds clinquants – et, bien sûr, la bière, littéralement « des rivières et des mers de bière », que nul autre qu’Homer Simpson, autre amateur animé de la boisson, n’a un jour, tout aussi éloquemment, dépeinte comme « la cause et la solution à tous les problèmes de la vie »

Bière fait partie de notre collection de 1000 livres audio à télécharger gratuitement.

D’autres ressources (en anglais) à parcourir :

Quatre poèmes de Charles Bukowski animés

D’autres poèmes de Bukowski lus par lui-même,Tom Waits et Bono

Tom Waits lit deux poèmes de Charles Bukowski, « The Laughing Heart » et “Nirvana”.

Écoutez 130 minutes des toutes premières lectures enregistrées de Charles Bukowski (1968)

Charles Bukowski s’insurge contre les emplois de type « 9 à 5 » dans une lettre d’une brutale honnêteté (1986)

« Journal d’un vieux dégueulasse : Les caricatures perdues de Charles Bukowski dans les années 60 et 70.

L’auteur de l’article

Basé à Séoul, Colin Marshall écrit et diffuse des articles sur les villes, la langue et le style. Il travaille actuellement à la rédaction d’un livre sur Los Angeles, A Los Angeles Primer, à la série de vidéos The City in Cinema, au projet de journalisme financé par le crowdfunding Where Is the City of the Future ? et au Korea Blog de la Los Angeles Review of Books. On peut le suivre sur Twitter à @colinmarshall.

 


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Les femmes du Bauhaus, punks avant l’heure ? – Open Culture (2)

Poursuivons aujourd’hui cette mini-série de l’été consacrée à la culture ouverte avec une facette souvent ignorée ou oubliée du mouvement artistique Bauhaus : l’importance des femmes artistes qui y figuraient. Ce nouvel article traduit du site openculture.com leur rend justice à travers quelques photographies…

Article original : The Women of the Bauhaus: See Hip, Avant-Garde Photographs of Female Students & Instructors at the Famous Art School

Traduction : Goofy

Les femmes du Bauhaus : découvrez les photographies avant-gardistes et branchées des étudiantes et professeures de la célèbre école d’art

par Josh Jones

Regardez les photos de Bush Tetras, un groupe de No Wave/Post-Punk composé de trois filles et d’un garçon, au début des années 1980, dans le centre de Manhattan.

 

Et maintenant, regardez la photographie ci-dessus, intitulée « Marcel Breuer et son harem », prise vers 1927 par le photographe du Bauhaus Erich Consemüller. Si l’on excepte le fait que Breuer ressemble plus à Ron Mael des Sparks sans moustache qu’au batteur Dee Pop, on pourrait confondre cette photo avec celle du groupe punk.

Cela soulève quelques questions : les étudiantes en art des Bush Tetras ont-elles regardé du côté des femmes du Bauhaus pour trouver leur style ? Ou bien les femmes du Bauhaus se sont-elles tournées vers l’avenir et ont-elles présagé le punk ? Le second scénario semble plus probable puisque les femmes du Bauhaus n’ont pas été terriblement connues, jusqu’à une époque récente.

Je me sens personnellement lésé, après avoir étudié l’art et l’histoire de l’art à l’université il y a de nombreuses années, qu’on ne me parle que maintenant de plusieurs artistes majeures de cette école allemande d’art radical fondée par Walter Gropius. Tous ses célèbres représentants et stars de l’art sont des hommes, mais il semble que le ratio hommes-femmes du Bauhaus ait été plus proche de celui de la population générale (comme l’était, dans de nombreux cas, celui des premières scènes punk et post-punk).

Mais nous avons tendance à ne pas retenir leurs noms ni à voir les œuvres de ces artistes et, dans certains cas, leurs œuvres ont même été attribuées à titre posthume à leurs collègues masculins. Nous ne connaissons pas non plus le style progressiste de chacune, qui compte pourtant dans l’approche globale du Bauhaus visant à révolutionner les arts, y compris la mode, comme moyen de libérer l’humanité des dogmes du passé.

Il est regrettable que la mémoire du Bauhaus, comme celle du punk, ait reproduit les mêmes vieilles règles que ses artistes ont brisées. L’égalité des sexes au sein de l’école était radicale, d’où le titre satirique de la photographie, qui « exprime le contraire exact de ce que la photo elle-même montre », note le site Bauhaus Kooperation :

« la modernité, l’émancipation, l’égalité, voire la supériorité, des femmes qui y figurent ». Le « Maître junior » de l’atelier de menuiserie, Breuer regarde les trois artistes à sa gauche « d’un air sceptique, les bras croisés », comme pour dire : « Ce sont vraiment « mes » femmes ? ! ». Les artistes du « harem », de gauche à droite, sont Martha Erps, la femme de Breuer, Katt Both, et la femme du photographe, Ruth Hollós, qui « semble réprimer le rire en regardant le photographe (son mari) ».

Erich Consemüller, qui enseignait l’architecture au Bauhaus, avait été chargé par Gropius de documenter l’école et sa vie. Gropius l’a associé à la photographe Lucia Moholy, épouse de László Moholy-Nagy (voir la photo d’elle ci-dessus, prise par son mari entre 1924 et 1928). Moholy prenait surtout des photos d’extérieur, comme la photo qu’elle a prise plus haut d’Erps et Hollós sur le toit de l’Atelierhaus à Dessau au milieu des années 1920.

Consemüller s’est principalement concentré sur les intérieurs dans son travail, avec des exceptions expérimentales comme la série « Fantaisie mécanique » que l’on voit ici, qui utilise les vêtements, les poses et les doubles expositions pour souligner visuellement une sorte d’uniformité d’objectif, en plaçant et en joignant les artistes masculins et féminins du Bauhaus dans des arrangements presque typographiques.

En effet, presque tous les artistes du Bauhaus – comme le voulait la pratique de l’école – se sont essayés à la photographie, et beaucoup ont utilisé ce médium pour documenter, de manière à la fois occasionnelle et délibérée, l’engagement du Bauhaus en faveur de l’égalité des sexes et de la pleine inclusion des femmes artistes dans ses programmes, une déclaration que le peintre et photographe T. Lux Feininger semble souligner dans la photographie de groupe ci-dessous des tisserands de l’école sur les marches du nouveau bâtiment du Bauhaus en 1927. (Artistes présents sur la photo : Léna Bergner, Gunta Stölzl, Ljuba Monastirsky, Otti Berger, Lis Beyer, Elisabeth Mueller, Rosa Berger, Ruth Hollós et Lisbeth Oestreicher).

Les artistes du Bauhaus, hommes et femmes, ressemblaient beaucoup, à certains égards, aux premiers punks, inventant de nouvelles façons de secouer l’establishment et de sortir des rôles prescrits. Mais au lieu de proposer une alternative anodine au statu quo, ils offraient une recette pour sa transformation totale par l’art. Qui peut dire jusqu’où ce mouvement aurait progressé s’il n’avait pas été brisé par les nazis. « Ensemble, écrivait Gropius, appelons de nos vœux, concevons et créons la construction de l’avenir, comprenant tout sous une seule forme, l’architecture, la sculpture et la peinture »… et presque tout le reste de l’environnement bâti et visuel, aurait-il pu ajouter.

Photo via Barbara Hershey

Pour aller plus loin (articles en anglais)

Les pionnières du mouvement artistique du Bauhaus : Découvrez Gertrud Arndt, Marianne Brandt, Anni Albers et d’autres innovatrices oubliées.

La politique et la philosophie du mouvement de design Bauhaus : Une brève introduction

Bauhaus World, un documentaire gratuit qui célèbre le 100e anniversaire de la légendaire école allemande d’art, d’architecture et de design.

L’auteur de cet article est Josh Jones, écrivain et musicien de Durham, NC. Pour suivre son compte twitter :  @jdmagness.

 


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Dark Side of the Rainbow, un mashup – Open Culture (1)

Petite série de l’été : au gré de mes découvertes, je partagerai ici quelques-unes des nombreuses ressources disponibles sur le très riche site https://www.openculture.com/ que je vous invite à découvrir et partager à votre tour sans modération.

Aujourd’hui, premier épisode avec un mashup (disons un « collage » artistique) audiovisuel entre deux œuvres iconiques archi-célèbres : un album-culte de Pink Floyd et une comédie musicale tout aussi culte, le magicien d’Oz.

Le mashup ou collage, est un genre musical hybride. Le mashup est à l’origine une chanson créée à partir d’une ou deux autres chansons pré-enregistrées, habituellement en superposant la partie vocale d’une chanson sur la partie instrumentale d’une autre, (Source Wikipédia. Pour en savoir plus…) mais on peut lui donner une acception plus large car plusieurs domaines artistiques, et pas seulement musicaux, peuvent être combinés dans un mashup.

Ah au fait : pour vous éviter un lien vers YouTube, j’ai utilisé une instance d’invidious qui agit comme un proxy (en gros, un intermédiaire qui soustrait la pollution visuelle et prédatrice de YouTube). Si celle que j’ai choisie ne fonctionne pas, essayez une autre instance fonctionnelle en piochant dans cette liste mise à jour régulièrement.

 

article original : Dark Side of the Rainbow: Pink Floyd Meets The Wizard of Oz in One of the Earliest Mash-Ups

Traduction : Goofy

 

Dark Side of the Rainbow : Pink Floyd rencontre le Magicien d’Oz dans l’un des plus anciens mashups.

par Colin Marshall


Mec, je suis sérieux… tu mets le Magicien d’Oz, tu mets Dark Side of the Moon, et tu les démarres en même temps. Ça marche à fond. C’est trooop synchroooone ! Ça te retourne la tête, mec.

On peut se moquer gentiment de ceux qui considèrent que c’est un moyen génial d’entrer dans leur trip préféré, si l’on peut dire, et chercher des résonances entre une comédie musicale de la MGM de 1939 et le huitième album de Pink Floyd, mais on ne peut nier que le mashup Dark Side of the Rainbow, comme ils l’appellent (quand ils ne l’appellent pas Dark Side of Oz ou The Wizard of Floyd), est devenu un phénomène culturel certes modeste, mais sérieux. En réalité, comme l’enthousiasme pour lancer Dark Side of the Moon en regardant Le Magicien d’Oz remonte au moins aussi loin que les discussions sur Usenet (lien) au milieu des années 90, il se pourrait bien que ce soit le premier mash-up sur Internet. Depuis, la rumeur selon laquelle l’expérience de visionnage était étrange s’est répandue bien au-delà des profondeurs de l’underground ; même une institution aussi ostensiblement stricte que la chaîne câblée Turner Classic Movies a déjà diffusé Le Magicien d’Oz avec Dark Side of the Moon comme bande-son.Il est clair que les gens trouvent leur compte dans ce « collage » audiovisuel, quel que soit leur état d’esprit. Au minimum, ils s’amusent des coïncidences entre les sons et thèmes lyriques de l’album et les séquences du film. Dark-side-of-the-rainbow.com proposait (NdT sur un site aujourd’hui disparu) une liste très complète de ces intersections, dès le battement de cœur en fondu enchaîné qui ouvre l’album jusqu’à l’apparition du titre du film :

Dans ce concept album nous avons [symboliquement] le début de la vie humaine. De nombreux parents commencent à donner un nom à leur enfant dès qu’ils en connaissent l’existence, souvent avant même de connaître le sexe de l’enfant. Ici, nous avons le nom d’un film, qui se trouve être le nom d’un des personnages du film, juste au moment où nous prenons conscience de cette nouvelle vie.

Pour les paroles qui accompagnent l’entrée de Dorothy à Munchkinland :

« Trouve un travail mieux payé et tout ira bien » : Dorothy ne le sait pas encore, mais elle est sur le point de passer du statut de fermière à celui de tueuse de méchantes sorcières.

Pour le battement de cœur qui clôt l’album, alors que l’homme en fer blanc reçoit un cœur à lui :

Dans le concept album, ce battement de cœur qui s’éteint représente la mort. Le nouveau cœur de l’homme de fer blanc, que l’on peut entendre battre, symbolise la renaissance. Une fois de plus, ce contraste entre ce que nous voyons dans le film et ce que nous entendons dans l’album vise à créer un équilibre. Et comme c’est ainsi que se termine l’histoire, cet équilibre montre comment, à la fin, le conte de fées a effectivement surmonté la tragédie.

Les Pink Floyd eux-mêmes ont désavoué toute intention de composition délibérément synchrone (Alan Parsons, qui a réalisé l’enregistrement, qualifie même l’idée de « foutage de gueule »), et même les plus fervents amateurs de Dark Side of the Rainbow ont peu de doutes à ce sujet. Certains diront que le groupe, déjà adepte de la composition de musiques de films, a fait tout cela inconsciemment, mais pour moi, la popularité durable de ce premier mashup est la preuve de quelque chose de bien plus intéressant : la tendance ininterrompue de l’humanité – voire sa compulsion – à trouver des modèles là où il n’y en a peut-être pas.

« Lorsque les coïncidences s’accumulent de la sorte, on ne peut s’empêcher d’être impressionné par elles, car plus le nombre d’éléments d’une telle série est élevé, ou plus son caractère est inhabituel, plus cela devient invraisemblable. »

Voilà ce que Carl Jung a écrit à propos du concept psychologique de synchronicité.

Dommage qu’il n’ait pas assez vécu pour voir ça.

Autres ressources sur le même sujet

Colin Marshall anime et produit Notebook on Cities and Culture et écrit des essais sur la littérature, le cinéma, les villes, l’Asie et l’esthétique. Sur Twitter, c’est @colinmarshall.


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« Dégooglisons » se refait une beauté

Framapad, Framaforms, Framadate, Mobilizon.fr… le nouveau site Dégooglisons Internet présente sur une page tous nos services libres, gratuits et disponibles au plus grand nombre.

Déjà 8 ans qu’on dégooglise avec entrain

Avez-vous déjà pris des notes de vos réunions d’équipe en utilisant Framapad ? Êtes-vous déjà passé⋅e par Framadate pour trouver le bon moment pour l’anniversaire « surprise » de votre meilleur⋅e ami⋅e ? Avez-vous déjà répondu à un Framaforms en vous sentant soulagé⋅e de ne pas laisser vos infos à Google ? Notre campagne Dégooglisons Internet, lancée en 2014, nous a permis de montrer qu’il est possible d’utiliser des services en ligne éthiques au quotidien pour s’émanciper des géants du web. Entre 2014 et 2019, notre petite association a mis à disposition des internautes une quarantaine de services en ligne libres et de confiance.

Après ce succès — parce que vous êtes nombreux⋅ses à les utiliser, mais surtout nombreux⋅ses à avoir pris conscience qu’il était important de déconstruire ses habitudes numériques — nous nous sommes un peu épuisé⋅es (on vous l’a déjà dit qu’on était une petite association ?). En 2019, nous avons donc pris la décision de fermer certains de ces services (toutes les raisons ici !) et nous avons voulu montrer que Framasoft n’est pas la seule à proposer des alternatives. Cette période de fermetures est maintenant terminée : nos 16 services en ligne sont disponibles pour toute personne souhaitant utiliser des outils qui respectent nos libertés.

Meme : « Quand Framasoft ne prévoit plus de fermer des services »

Afin de vous faciliter l’accès à ces services, d’uniformiser notre image et de rassurer nos utilisateur⋅ices (oui oui, les fermetures, c’est fini !), nous avons décidé de refondre le site internet degooglisons-internet.org. C’est parti pour la visite guidée des nouveautés !

Un site à notre image actuelle

Au fil des ans, Framasoft a évolué : nos valeurs de justice sociale et d’émancipation se sont renforcées, notre discours se veut non moralisateur et encourageant, les images que nous utilisons nous font voyager dans un monde qui nous anime. Appliquer ces cheminements internes à nos sites Internet nous a paru plutôt logique. La magnifique illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX » de David Revoy nous suggère qu’un monde éthique existe et que l’on peut prendre plaisir à l’explorer ensemble !

Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy
Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy

Nos 16 services en accès super rapide

Vous nous l’avez clairement exprimé récemment : nos services en ligne, vous les aimez beaucoup beaucoup. On s’est donc dit que faciliter leur accès sur une seule page serait une bien bonne idée. Vous trouverez ces services directement sur la page d’accueil, classés par thématiques et accessibles en un clic. Et si vous préférez passer par la barre de recherche, c’est possible !

Capture écran des services de la thématique « S'organiser ensemble »

Des liens vers d’autres ressources

Expliquer pourquoi on fait tout ça, c’est essentiel, et de façon simple c’est encore mieux ! Soulever les problèmes que nous posent les géants du Web tout en proposant différentes solutions pour changer ses habitudes numériques, c’est une première étape. La seconde a été de rendre le site moins verbeux en listant des ressources externes pour creuser les sujets : conférence, cours en ligne, ressources libres, autres hébergeurs de confiance, médias sociaux du fédiverse… voilà de quoi intéresser les plus curieux⋅ses.

Capture écran de la partie « Solution » et resources complémentaires

C’est qui qui fait tout ça ?

Parce que c’est souvent oublié : derrière des services en ligne il y a des femmes et des hommes qui font tourner la machine ! Nous avons donc voulu mettre en avant que dans l’envers du décor, c’est Framasoft (coucou !), petite association loi de 1901 de moins de 40 membres, dont 10 salarié⋅es. Et on aime toujours rappeler que si on peut continuer à faire tout ça, c’est bien grâce à vous, grâce à vos dons.

Dégooglisons Internet a été pensé pour vous être utile : n’hésitez pas à vous en emparer et à le partager librement autour de vous pour aider les personnes de votre entourage à se dégoogliser !

Ressources à consulter :




Nextcloud Sorts : un prototype d’application Nextcloud pour naviguer plus facilement dans vos fichiers

Et si Framasoft se penchait un peu sur la solution collaborative libre Nextcloud ?

NB : cet article existe aussi en version anglaise (traduction automatique)

 

Dans notre Lettre d’informations #28 (Automne 2021), nous vous parlions de Romain, stagiaire à Framasoft, dont nous savions que le sujet de stage allait tourner autour du logiciel libre Nextcloud.

Quelques semaines plus tard, nous invitions les structures « engagées » et utilisatrices de Nextcloud à répondre à un questionnaire (aujourd’hui fermé), conçu avec la designer Marie-Cécile Godwin, et La Fabrique à Liens.

Puis, une fois les résultats analysés (nous vous en proposons une version brute anonymisée et une analyse synthétique en fin d’article), nous avons pu identifier un besoin utilisateur non satisfait, sur lequel pourrait travailler Romain.

En effet, Nextcloud comporte de (très) nombreuses fonctionnalités, mais celle qui demeure centrale est probablement le stockage et partage de fichiers. Or, la navigation parmi les fichiers dans l’interface web est assez fastidieuse : un clic à chaque fois que l’on change de dossier, et donc un rechargement plus ou moins rapide de la page et de l’arborescence des dossiers et fichiers. Et parfois de nombreux clics pour passer d’un rameau de l’arborescence à l’autre.

Il y avait sans doute moyen de faire plus accessible et plus naturel.

Romain, qui ne connaissait ni le langage informatique PHP ni la solution Nextcloud au début de son stage, s’est donc lancé dans le développement d’un prototype d’application tierce, qui permettrait non seulement de pouvoir « développer l’arborescence de fichiers » au sein d’une même interface, mais aussi de pouvoir faire des recherches avancées.

Deux mois plus tard naissait le plugin « Sorts », dont nous vous racontons l’histoire ci-dessous.


Bonjour Romain, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Romain et j’ai 24 ans. J’ai grandi en Guadeloupe avant de venir étudier à Villeurbanne, à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, dont je serai diplômé en 2022 en tant qu’Ingénieur Télécom.

Quand je ne suis pas occupé par mes études, je passe pas mal de temps à bricoler et réparer des vieilles machines, et à m’investir dans des projets collectifs ! Je suis notamment très engagé au Karnaval Humanitaire, une asso étudiante qui organise un festival de musique dont j’ai été le régisseur site en 2021 et 2022.

Photographie de Romain, stagiaire INSA Lyon à Framasoft de Septembre 2021 à Février 2022

Concernant ton stage, tu as choisi Framasoft. Pourquoi ?

Je voulais un stage en accord avec mes valeurs de libre partage des connaissances, et en rupture avec le capital et les grandes entreprises !

Je connaissais déjà un peu les actions de Framasoft et notamment les services en ligne et le développement logiciel, et je savais que j’y trouverais des projets intéressants dans un cadre super… et je n’ai pas été déçu !

Venons-en au sujet de ton stage. Quel était l’objectif général ?

Mon stage s’est déroulé au début d’un projet plus large, dont le nom de code est « Framacloud » [Note de Framasoft : on vous reparlera de ce projet ambitieux à la rentrée], dont l’objectif est de permettre aux structures luttant pour le progrès social et la justice sociale de s’approprier, maîtriser et contrôler les processus de collaboration numérique.

Ce projet de Framasoft est centré sur un logiciel de collaboration en ligne et de partage de fichiers : Nextcloud.

Cependant, bien que ce soit une des solutions libres les plus abouties et complètes dans ce domaine, il est avant tout conçu pour répondre aux besoins des clients de « Nextcloud GmbH« , la société allemande éditrice du logiciel. Ces clients, ce sont de grosses structures, publiques, universitaires ou privées. Du coup, il y a un risque de différences entre les attentes des petites structures associatives et les priorités de développement de Nextcloud GmbH.

Le but de mon stage était donc de trouver comment améliorer ce logiciel afin de le rendre plus utile et plus accessible pour les structures alternatives.

OK, c’est un vaste sujet ! Comment t’y es-tu pris ?

Eh bien d’abord, il fallait à la fois que je me forme sur le développement de Nextcloud, et qu’on en apprenne davantage sur ce logiciel : son fonctionnement, ses défauts et surtout ce qui manquait aux utilisateurs qu’on visait.

Après plusieurs tests du logiciel et plusieurs hypothèses sur comment l’améliorer, on a décidé de se rapprocher de nos utilisateurs cibles. On a donc mis en place une enquête visant des personnes faisant parties de structures engagées pour le progrès social et la justice sociale qui utilisaient déjà Nextcloud. Cette enquête questionnait leurs usages de l’informatique collaborative au sein du collectif, leurs usages de Nextcloud, leurs frustrations et leurs attentes.

C’est grâce aux presque 200 réponses de cette enquête qu’on a décidé des développements logiciels que j’ai réalisés au cours de ce stage et qui ont abouti à la création d’un plugin Nextcloud appelé « Sorts » !

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

 

Arrêtons nous déjà sur ce travail d’enquête. Quels en ont été les résultats ?

Les préoccupations principales qui ressortaient de cette enquête étaient, au final, des préoccupations d’ordre plutôt général sur l’outil Nextcloud. Mais ça nous a permis de voir ce qui est important pour le public qu’on souhaite impacter.

Parmi la vingtaine de sujets que j’ai pu identifier dans les réponses, les deux premiers étaient des sujets sur lesquels on ne pouvait pas faire grand-chose : l’édition collaborative de documents et la « lenteur » générale de l’outil.
Par contre, parmi les sujets qui suivaient on avait plus de perspective pour aider à changer les choses en quelques mois de stage : prise en main et ergonomie du logiciel, problèmes de synchronisation ou encore aide aux utilisateurs pour s’y retrouver parmi les fichiers du collectif.

C’est cette dernière préoccupation de s’y retrouver dans l’arborescence des fichiers qui m’intéressait le plus, et qui m’a mené au développement de « Sorts« .

Pour ceux qui souhaitent jeter un œil aux détails de l’enquête, nous avons publié les résultats anonymisés, ainsi qu’une synthèse des différents sujets abordés que j’ai réalisée pour affiner le sujet du stage (c’est sans doute plus digeste que le tableur de résultats bruts).

[Note de Framasoft : Retrouvez les résultats de l’enquête en fin d’article]

Donc, tu es parti sur la création de l’application Nextcloud « Sorts » . Mais… il fait quoi, ce plugin, en fait ?

L’idée derrière Sorts, c’est d’aider les gens à retrouver les fichiers qu’ils cherchent et à comprendre comment les dossiers et les fichiers ont été organisés par le collectif dont ils font partie.

Pour régler le premier problème on a profité de toutes les informations relatives à chaque fichier que Nextcloud stockait déjà (date de modification, poids, « étiquetage » du fichier par l’utilisateur, …) et on a codé une interface qui permet de faire une recherche qui mélange ces différents attributs. Par exemple « Trouve-moi tous les fichiers dans le dossier « Subvention » et ses sous-dossiers qui sont marqués comme étant importants, et qui sont des .pdf ».

Recherche par filtres dans Sorts
Recherche par filtres dans Sorts

 

Pour régler le deuxième problème on a décidé de présenter les dossiers, sous-dossiers et fichiers d’une manière qui n’était pas encore présente dans Nextcloud : en liste arborescente. C’est-à-dire que lorsqu’on clique sur un dossier, au lieu de « rentrer » dans ce dossier et de ne voir que son contenu direct, le dossier est « déroulé » et on voit son contenu ainsi que les dossiers et fichiers qui sont « à coté » de lui. Cette liste arborescente prend plus de place qu’une liste simple mais elle permet de bien comprendre où on se situe dans les dossiers, ce qui aide à comprendre la façon dont ils sont rangés.

Navigation par arborescence
Navigation par arborescence : un clic sur un dossier ouvre le contenu de ce dossier sous forme arborescente.

 

Techniquement, tu as rencontré des soucis ?

Oui, comme dans tout processus de développement. Je pense qu’une des grosses difficultés a été de trouver quelle partie des API de Nextcloud utiliser, quelles étaient ses limites et comment faire avec. La recherche Nextcloud est pensée autour d’une recherche « groupée » (« unified search ») où l’utilisateur cherche une chaîne de caractères, et Nextcloud renvoie comme résultats tout ce qui correspond à cette chaîne de caractères parmi les ressources diverses et variées de Nextcloud (fichiers, todo, évènements, mails, conversations, …). Autant dire que ça ne correspond pas du tout à ce qu’on souhaite faire : chercher parmi les fichiers uniquement selon plusieurs conditions, dont certaines ne sont pas des chaînes de caractères (dates, nombres, …). Mais, heureusement pour nous, il y avait une autre API de recherche propre aux fichiers. Cette autre API paraissait très prometteuse parce qu’elle était déjà pensée pour permettre de combiner des conditions de recherches sur des attributs propres aux fichiers. Cependant, cette API était assez vieille et peu utilisée, ce qui m’a parfois donné un peu de fil à retordre.

De plus, je me suis rendu compte assez tard que l’API ne prenait pas en compte deux des différents attributs des fichiers : les « étiquettes » (tags) et les informations sur les partages de fichiers. Ces informations sont gérées dans des API totalement séparées. Je me suis donc retrouvé face à un dilemme : soit je réécris une API qui fait elle-même les requêtes en base de données avec tous les attributs, soit je complète l’API présente, soit je bricole quelque-chose où je fais 3 requêtes en base de données par recherche et je combine les résultats. La première solution m’aurait pris trop de temps et la deuxième solution aurait été refusée par Nextcloud GmbH (on ne modifie pas les APIs de Nextcloud à la légère), donc j’ai bricolé quelque-chose, et tant pis pour les performances de l’application.

As-tu eu des contacts avec la communauté Nextcloud ou son entreprise éditrice (Nextcloud Gmbh), et si oui, comment ça s’est passé ?

Oui bien sûr, lorsqu’on a commencé à avoir une bonne idée de ce qu’on souhaitait faire de Sorts j’ai écrit une note d’intention avec un lien vers un prototype sur le forum dédié au développement de plugin Nextcloud. Ça a mené à quelques échanges avec des développeurs salariés de Nextcloud qui étaient intéressés par le projet et qui m’ont fait quelques retours constructifs. On a même fait une réunion en visio avec eux pour discuter du plugin mais aussi du projet plus large, mais avec les plannings des uns et des autres cette réunion a eu lieu assez tard dans le développement de Sorts et elle n’a pas beaucoup impacté le plugin.

Et donc, la question qui pique : Sorts, ça marche ou pas ?

Eh bien OUI ! Sorts propose une vue de l’arborescence des fichiers « dépliante » et permet déjà de faire des recherches combinées sur une bonne variété des caractéristiques que peuvent avoir des fichiers !

Cependant, il s’agit d’une version Bêta qui présente quelques limites… J’ai dû faire quelques arrangements avec les problèmes techniques évoqués dans la question précédente, et si la version actuelle fonctionne sur des petites instances Nextcloud, elle aura sans doute du mal à « passer à l’échelle » pour fonctionner avec des instances réelles avec des centaines d’utilisateurs et des milliers de fichiers.

 

Vidéo de démonstration des fonctionnalités de Nextcloud Sorts 0.1.0-beta (source)

 

Et la suite ? C’est quoi à ton avis, et pour quand ?

Sorts est disponible sur https://packages.framasoft.org et sur l’app store Nextcloud en version beta !

Nous souhaitons continuer à maintenir cette application et à traiter et accepter toutes les contributions éventuelles, mais ni moi ni Framasoft n’avons prévu de développer à plein temps dessus pour le moment. Sorts rentre maintenant dans le monde du développement bénévole, ce qui veut dire que les développements portés par Framasoft et moi-même se feront au fil des envies et des disponibilités, sans agenda particulier (ce qui veut aussi dire que nous n’annoncerons pas de « date de sortie » quelconque).

On arrive à la fin de cette interview. Souhaites-tu nous partager un sentiment sur le travail effectué pendant ce stage ?

Résumer un stage en une émotion ? C’est difficile ! Développer un programme, c’est passer de la frustration quand ça ne marche pas, à l’excitation d’enquêter sur pourquoi ça ne marche pas, à la satisfaction de voir la fonctionnalité fonctionner quand on a trouvé.

Non, plus sérieusement, il y a eu quelques frustrations comme ne pas avoir beaucoup de temps pour développer ou ne pas retrouver autant de temps et de motivation que ce que j’aurais souhaité pour boucler le projet après le stage, mais je suis satisfait. Satisfait d’avoir fait quelque-chose qui marche mais surtout d’avoir pu concevoir ce plugin du presque début à la presque fin, en prenant le temps d’identifier ce qu’on pouvait faire d’utile, de réfléchir à quoi ça devait ressembler, et d’ensuite réfléchir à comment le réaliser techniquement.

Dernière question, récurrente dans nos interviews : quelle est la question que tu aurais aimé qu’on te pose, et quelle serait ta réponse ?

Mais pourquoi ne pas avoir publié Sorts plus tôt ?

C’est mon grand regret ! Et je pense que les personnes qui s’étaient intéressées à l’application lors de la note d’intention se sont aussi posées la question. Mais ma vie associative et personnelle était assez chargée après le stage et ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour m’occuper de Sorts, c’est aussi ça le développement bénévole.

Merci Romain ! Ainsi qu’à toutes les personnes qui auront rendu ce travail possible, notamment en répondant au questionnaire !

Rappel des différents liens évoqués dans l’article :




Nextcloud Sorts : a Nextcloud application prototype to navigate your files more easily

What if Framasoft took a look at the free/libre collaborative software Nextcloud?

 

In our newsletter #28 (Autumn 2021), we talked about Romain, an intern at Framasoft, whose internship topic was related to Nextcloud.

A few weeks later, we invited  » socially committed  » structures using Nextcloud to answer a survey (now closed), created with the designer Marie-Cécile Godwin, and La Fabrique à Liens.

Then, once the results were analyzed (you will find an anonymized raw version and a synthetic analysis at the end of the article), we were able to identify a set of unmet user needs, on which Romain could work.

Nextcloud provides loads of features, but the one that remains the most central is probably the storage and sharing of files. However, browsing files in the web interface is quite tedious: a click each time you change folder, and thus a more or less fast reloading of the tree structure. And sometimes many clicks to go from one branch of the tree to another.

There was probably a way to make it more accessible and more intuitive.

Romain, who knew neither the PHP computer language nor the Nextcloud software solution when beginning his internship, indulged himself with the development of a prototype of a third-party application, which would not only allow to « open the file tree » within the same interface, but also to be able to make advanced searches.

Two months later, the « Sorts » plugin was born, and we would like to share its story below.


Hello Romain, can you introduce yourself?

My name is Romain and I am 24 years old. I grew up in Guadeloupe (French West Indies) before coming to study in Villeurbanne, at the Institut National des Sciences Appliquées in Lyon, where I will graduate in 2022 as a Telecom Engineer.

When I’m not busy with my studies, I spend a lot of time tinkering and repairing old machines, and getting involved in community projects! I am particularly involved in Karnaval Humanitaire, a student association that organizes a music festival for which I was the site manager in 2021 and 2022.

Picture of Romain, INSA Lyon intern at Framasoft from September 2021 to February 2022

 

Why did you choose Framasoft for your internship?

I wanted my internship to be in line with my values of free sharing of knowledge, and away from capitalism and big companies!

I already knew a bit about Framasoft’s projects, especially the online services and software development, and I knew I would find interesting projects in a great environment… and I was not disappointed!

Let’s come to the subject of your internship. What was the main goal?

My internship took place at the beginning of a larger project, codenamed « Framacloud » [Framasoft’s note: we’ll be telling you more about this ambitious project in the upcoming months], whose goal is to allow structures fighting for social progress and social justice to gain ownership, master and control over digital collaboration processes.

This Framasoft project is focused on an online collaboration and file sharing software solution: Nextcloud.

However, although it is one of the most successful and complete open source solutions in this field, it is primarily designed to meet the needs of customers of « Nextcloud GmbH« , the German company that publishes the software. These customers are large structures, public, university or private. As a result, there is a risk of differences between the expectations of small associations and the development priorities of Nextcloud GmbH.

The goal of my internship was therefore to find out how to improve this software in order to make it more useful and more accessible for alternative organisations.

OK, that’s a big topic! How did you manage about it?

Well, first of all, I had to learn about the development of Nextcloud, and we had to learn more about this software: how it works, its flaws and especially what was missing for the users we were targeting.

After several tests of the software and several hypotheses on how to improve it, we decided to get closer to our target users. So we set up a survey targeting people who were part of organisations committed to social progress and social justice and who were already using Nextcloud. This survey questioned their uses of collaborative computing within the collective, their uses of Nextcloud, their frustrations and expectations.

Thanks to the almost 200 answers of this survey we decided on the software developments to be achieved during this internship and that led to the creation of a Nextcloud plugin called « Sorts »!

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Let’s focus a moment on this survey work. What were the results?

The main concerns that came out of this survey were rather general concerns about the Nextcloud tool. But it allowed us to see what is important for the public we wanted to address.

Of the 20 or so topics I was able to identify in the responses, the first two were topics we couldn’t do much about: collaborative document editing and the general « slowness » of the tool.
On the other hand, among the following subjects we had more perspective to help change things in a few months of training: handling and ergonomics of the software, synchronization problems or help to users to find their way among the files of the collective.

It is this last concern: « finding one’s way in the tree of files more easily » that interested me the most, and that led me to the development of « Sorts ».

For those who want to have a look at the details of the survey, we have published the anonymized results, as well as a synthesis of the different subjects I have discussed in order to refine the subject of the workshop (it is probably easier to digest than the spreadsheet of raw results).

[Framasoft’s note: You can find the results of the survey at the end of the article]

So, you decided to create the Nextcloud application « Sorts ». But… what does this plugin actually do?

The idea behind Sorts is to help people find the files they are looking for and to understand how the folders and files have been organized by the collective they are part of.

To solve the first problem we took advantage of all the information about each file that Nextcloud was already storing (modification date, weight, « tagging » of the file by the user, …) and I coded an interface that allows users to perform a search mixing these different attributes. For example « Find me all the files in the folder « Grant » and its subfolders that are marked as important, and that are in PDF format ».

 

Recherche par filtres dans Sorts
Search by filters in Sorts

 

To solve the second problem we decided to present the folders, subfolders and files in a way that was not yet present in Nextcloud: in a tree list. That is to say that when you click on a folder, instead of « entering » this folder and seeing only its direct content, the folder is « expanded » and you see its content as well as the folders and files which are « next to » it. This tree-like list takes up more space than a simple list but it allows you to understand where you are in the folders, which helps you to understand how they are arranged.

 

Navigation par arborescence
Tree navigation: clicking on a folder opens the contents of that folder in tree form.

 

Technically, did you encounter any issues?

Yes, like in any development process. I think one of the big challenges was to find out which part of the Nextcloud APIs to use, what were its limitations and how to deal with it. The Nextcloud current search feature is designed around a « grouped » search (« unified search ») where the user searches for a string of characters, and Nextcloud returns everything that matches this string among the various resources (files, todos, events, emails, conversations, …). This is not at all what we wanted to do: search among files only according to several conditions, some of which are not strings (dates, numbers, …). But, fortunately for us, there was another search API specific to files. This other API looked very promising because it was already thought to allow combining search conditions on file-specific attributes. However, this API was quite old and not widely used, which sometimes gave me a bit of trouble.

Moreover, I realized quite lately that the API did not take into account two of the different file attributes: « tags » and file sharing information. This information is managed in totally separate APIs. So I faced this dilemma: either I rewrite an API that does the database queries itself with all the attributes, or I complete the existing API, or I cobble together something where I do 3 database queries per search and combine the results. The first solution would have taken too much time and the second solution would have been rejected by Nextcloud GmbH (you don’t change Nextcloud APIs so easily), so I cobbled something together, and so much for the performance of the application.

Did you have contacts with the Nextcloud community or its editor (Nextcloud Gmbh), and if so, how did it go ?

Yes of course, when we started to have a clear idea of what we wanted to do with Sorts I wrote a note of intent with a link to a prototype on the Nextcloud plugin development forum. This led to some exchanges with Nextcloud’s employed developers who were interested in the project and sent me some constructive feedback. We even had a video meeting with them to discuss the plugin but also the wider project, but with everyone’s schedules this meeting took place quite late in the development of Sorts and it didn’t impact the plugin much.

And now, the nagging question: is Sorts really working?

Well YES ! 🎉 Sorts offers an « unfolding » file tree view and already allows combined searches on a good variety of characteristics that files can have!

However, this is a Beta version and it has some limitations… I had to make some accommodations with the technical issues mentioned in the previous question, and while the current version works on small Nextcloud instances, it will likely have trouble to scale when working with real instances counting hundreds of users and thousands of files.


Nextcloud Sorts 0.1.0-beta feature demo video (source)

Features of Nextcloud Sorts 0.1.0-beta (source)

 

What’s next? What do you think is next, and when?

Sorts is available on https://packages.framasoft.org and on the Nextcloud app store in beta version !

We want to continue to maintain this application and to process and accept all possible contributions, but neither I nor Framasoft have plans to develop it full time at the moment. Sorts is now entering the world of community/voluntary development, which means that the developments carried by Framasoft and myself will be done according to our desires and availabilities, without any particular agenda (which also means that we won’t announce any « release date »).

We are coming to the end of this interview. Would you like to share with us a feeling about the work done during this workshop?

Summarize an internship in one emotion? That’s a tough one! Developing a program goes from frustration when it doesn’t work, to the excitement of investigating why it doesn’t work, to the satisfaction of seeing the feature work when you’ve found it.

No, more seriously, there were some frustrations like not having much time to develop or not finding as much time and motivation as I would have liked to complete the project after the internship, but I am satisfied. Satisfied to have made something that works but especially to have been able to design this plugin from almost the beginning to almost the end, taking the time to identify what could be useful, to think about what it should look like, and then to think about how to realize it technically.

Last question, recurrent in our interviews: what is the question you would have liked to be asked, and what would be your answer?

Why didn’t you publish Sorts earlier?

That’s my big regret! And I think that the people who were interested in the application during the note of intent also asked themselves that question. But my associative and personal life was quite busy after the internship and didn’t leave me much time to take care of Sorts, that’s also what volunteer development is about.

Thank you Romain! And to all the people who made this work possible, especially by answering the questionnaire!

Reminder of the different links mentioned in the article :




Gao & Blaze : le jeu mobile immersif qui utilise et respecte vos données personnelles

Nous avons été contacté·es récemment par l’équipe de la coopérative « La Boussole », pour nous parler d’un tout nouveau projet : le jeu Gao & Blaze.

Gao & Blaze, est un jeu libre et gratuit pour smartphone, qui permet de prendre conscience et agir sur la protection de vos données et le respect de votre vie privée. Au fur et à mesure du jeu, vous réalisez l’ampleur des données personnelles et sociales qui peuvent être divulguées avec l’installation d’une simple appli (mais sans collecte cachée de données, promis !).

Bel exemple d’éducation populaire aux enjeux du numérique, cet ovni dans le monde du jeu vidéo nous a grandement intéressé·es. Nous avons donc posé quelques questions à l’équipe de la coopérative « La Boussole ».

 

Bonjour l’équipe de la coopérative « La Boussole » ! À Framasoft, on vous connaît déjà un peu depuis quelques années, mais pourriez-vous vous présenter aux lecteur⋅ices du Framablog ?

Bonjour à Framasoft et merci pour cet espace ! Nous sommes plein de choses, mais avant tout 3 :

  • Une coopérative, c’est-à-dire que nous avons fait le choix de créer une structure qui appartient uniquement à celles et ceux qui y travaillent (pas d’actionnaires, pas de patron·nes).
  • D’éducation populaire, c’est-à-dire que nous voulons rendre certaines connaissances issues de la recherche académique (nous gardons un pied dans la recherche et l’université) accessibles au plus grand nombre sans que les bagages éducatifs soient un frein.
  • Et nous portons des valeurs d’émancipation, c’est-à-dire que nous avons pour ambition de donner du pouvoir d’agir aux individus et aux collectifs : nous croyons que le savoir est un pouvoir fort et voulons partager nos savoirs, autour de l’informatique libre, autour de la lutte contre les discriminations et sur les formes de travail alternatives.

Super ! Vous pouvez nous en dire un peu plus sur les types d’actions que vous réalisez ?

Principalement nous réalisons des projets de recherche autour de nos thématiques mais également des formations courtes pour donner des outils pratiques. Nous explorons aussi lors d’ateliers pédagogiques des nouvelles formes de transmettre des connaissances car nous nous préoccupons souvent de savoir comment nos savoirs académiques peuvent avoir un impact concret et positif sur les gens que nous rencontrons. Nous voyons aussi comment dans des domaines comme le numérique la concentration des savoirs et savoir-faire peut créer d’importantes inégalités de pouvoir.

Vous nous avez contactés récemment au sujet d’un projet un peu particulier : Gao & Blaze. Mais… c’est quoi ?!

Nous sommes parti·e·s d’une frustration : nous avions passé du temps et mis de l’énergie à essayer de convaincre du bien-fondé de la protection des données interpersonnelles, de sensibiliser aux questions liées à la sécurité informatique, mais le constat était que beaucoup de gens étaient d’accord avec nous sans pour autant changer leurs pratiques dans les faits.

Dit de manière brutale : nous voulions savoir comment faire pour que des gens aient envie d’aller à des chiffrofêtes car il nous semblait que seuls des gens déjà sensibilisés y participaient, et nous avions l’ambition d’aller chercher plus loin.

Bien évidemment, le panorama a évolué au cours des dernières années de différentes manières notamment avec des scandales de plus en plus audibles et relayés, mais également des initiatives enthousiasmantes qui ont marqué un avant et un après dans les usages courants (nous pensons notamment à votre campagne Dégooglisons internet). Pourtant, il nous semblait y avoir un chaînon manquant autour du « passage à l’action ». Nous avons donc voulu proposer un jeu qui utilise l’émotion avant d’utiliser la raison – autrement dit qui passe par l’expérience personnelle avant la connaissance concrète. C’est là que nous avons eu l’idée d’imaginer un jeu pour donner à voir les conséquences concrètes de l’exploitation et l’usage des données de Madame et Monsieur Tout-le-monde.

Cette frustration nous trottait à l’esprit quand nous avions vu un appel à projet de recherche sur la protection des données. Nous avions proposé un projet qui n’entrait pas dans les cases, mais nous avons réussi à monter un partenariat qui nous a permis de créer un ovni. À notre connaissance c’est le premier jeu autour de la sensibilisation à la protection des données interpersonnelles sur Android.

C’est un ovni car nous avions 4 conditions non négociables :

  • Exploiter le système des permissions Android pour proposer une expérience immersive
  • Utiliser les données des joueuses et des joueurs, tout en respectant ces données.
  • Faire un jeu 100% en logiciel libre sans utiliser des interfaces intermédiaires obscures (le jeu est en React Native)
  • Faire un vrai jeu : c’est-à-dire que nous voulions que les gens y jouent pour l’intérêt ludique et que ce ne soit pas le « volet sensibilisation » qui prenne le dessus.

C’est qui Gao et Blaze ? Des personnages ?

Exactement ! Gao est un chat, appartenant à Blaze. Il s’inspire de son chat et l’a converti en l’icône des Gao Games. Les Gao games sont un univers de mini-jeux gratuits sur smartphone autour duquel toute communauté s’est construite. Blaze, est le dev principal de ces jeux. Toute ressemblance avec certains petits jeux mignons, « gratuits » et très célèbres est purement accidentelle… 0:o)

C’est aussi et avant tout le chat de Blaze, le développeur des jeux, qui l’a rendu célèbre.

D’autres personnages et non des moindres, font partie de la communauté, Alex, Nikki, Masako, Amin, Ally…. nous vous laissons les découvrir en allant leur parler !

La question des données personnelles, vous pensez que ça intéresse réellement les jeunes ? Est-ce que la vie privée ce n’est pas « Un problème de vieux cons ? »

Question intéressante, nous pouvons rétorquer par facilité qu’en 2010 c’était une question de « vieux cons », mais c’était il y a déjà 12 ans ! Plus sérieusement, nous constatons que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le début des années 2010 en termes de révélations (E. Snowden, Wikileaks, Cambridge Analytica, Pegasus…), en termes d’ampleur des scandales, de leur couverture médiatique, mais aussi du côté de la marche triomphante des multinationales des données dans la prédation et l’exploitation des données des individus.
Il y a également de nouveaux freins légaux (comme le RGPD, par exemple), et une jeune génération qui a ses propres stratégies d’appropriation et d’usage des technologies numériques…

Nous croyons que l’intérêt pour la vie privée est là, simplement qu’il se configure de nouvelles façons. Avec Gao&Blaze nous tentons d’apporter une réponse à la demande et aux questionnements d’un public peu expert et réfractaire aux approches classiques de sensibilisation.

Parlons maintenant des licences du jeu : sous quelle(s) licence(s) est publié le jeu, et surtout… Pourquoi ?

La question des licences a mérité un peu de réflexion, car un jeu vidéo présente la particularité de mêler plein de composantes différentes : code, œuvres graphiques, dialogues, musiques… Certaines licences (comme la GPL par exemple) sont conçues pour du code informatique, et conviendraient pas vraiment pour une illustration, par exemple.

Pour essayer de couvrir tous ces usages, Gao&Blaze est donc diffusé sous licence GNU AGPL 3.0 pour le code et sous licence Creative Commons BY-SA 4.0 pour les autres créations. Il embarque aussi des polices d’écriture et musiques sous licences tierces compatibles.

Vous n’avez pas peur de vous faire « voler » les innombrables heures de travail que vous avez passées en développement ?

C’est une vraie question !

En premier lieu, nous concevons notre création comme une contribution aux biens communs, et en soi, ça ne se « possède » pas – ça ne peut donc pas se voler.

En revanche, il existe deux risques auxquels nous avons pensé :

  • La prédation des biens communs pour en faire des biens privés. Pour un logiciel, ça pourrait être le fait de modifier légèrement le code, puis d’en faire un logiciel privateur. Mais ce sont aussi des choses qui arrivent dans d’autres domaines : privatiser des biens qui bénéficient à tous les êtres vivants (l’eau, l’air, les forêts…) au profit de quelques uns, etc.
  • L’usurpation, qui consisterait à respecter « à la marge » la licence, mais à s’approprier le travail de création qui a été fait (en faisant croire plus ou moins explicitement qu’une autre personne serait l’autrice du jeu). Un exemple de ça serait de reprendre le jeu tel quel, et remplacer tous les logos et mentions visibles des autrices et auteurs par ceux de quelqu’un d’autre, et se contenter de nous citer de façon obscure, avec une petite phrase en caractère 6 au fin fond d’un menu.

Une idée reçue est que les licences libres ne protègent pas bien les œuvres et/ou les autrices/auteurs mais c’est faux. Les licences que nous avons choisies protègent normalement de ces deux risques car :

  • Elles sont contaminantes, c’est-à-dire qu’elles obligent à repartager les modifications et travaux dérivés sous des licences similaires. On ne peut donc pas se les approprier en faisant de la prédation, on ne peut que permettre de nouvelles contributions aux biens communs.
  • Elles peuvent protéger efficacement de l’usurpation. C’est un dispositif juridique méconnu, mais il faut savoir que des licences comme la GNU AGPL permettent l’ajout de « termes additionnels » (qui doivent rester en conformité avec la licence). Nous avons utilisé ces termes additionnels pour nous prémunir de toute tentative de maquillage / « re-branding » du jeu.

Le seul risque qui existe serait que des gens créent une version dérivée avec laquelle nous serions en désaccord éthiquement, mais bon, c’est la vie. Dans le fond, créer des œuvres libres implique aussi de changer de point de vue : même si nous avons une parenté sur l’œuvre, ce n’est pas « notre » bébé, c’est le bébé de tout le monde. Mais ça tombe bien, ça fait potentiellement plus de bonnes volontés pour s’en occuper. 🙂

Quel rôle joue la MAIF dans votre projet ? Partenariat financier ou davantage ?

La MAIF est un assureur militant de poids et nous avons collaboré avec deux structures satellites de ce géant de l’assurance : la Fondation MAIF pour la recherche, et l’association Prévention MAIF dédiée aux actions de prévention. Ces deux structures non-lucratives ont co-financé avec nous la partie production et la partie recherche, et nous avons eu le plaisir d’avoir des échanges enrichissants pour consolider le projet et qu’il voie le jour.

Impossible de dire que l’engagement n’était que financier : les structures de la MAIF étaient intimement convaincues de la pertinence de la démarche et de l’urgence sociétale du sujet. Ils tenaient à ce que ce projet se fasse sous forme de logiciel libre mais qu’il ne puisse pas être approprié par d’autres.

Merci pour cet impressionnant travail ! 🙂 Quelles sont les prochaines étapes et vos attentes vis-à-vis de Gao & Blaze ?

C’est le cas de le dire ! C’était assez fou de créer un studio de jeu vidéo éphémère, de vouloir avancer masqué·e·s avec un jeu visuellement très mainstream, et pourtant codé « en dur », alors même que la production logicielle n’est pas notre cœur de métier.
La suite est la partie recherche de ce projet ! Nous avons besoin qu’il soit joué jusqu’au bout, nous avons envie de comprendre et constater comment oui ou non notre pari de sensibiliser à la protection des données via le jeu était pertinent ou pas.

Le jeu demande au fur et à mesure différentes autorisations.

Et pour vos autres projets (on se doute que vous en avez !) : quels sont-ils ? Quels sont vos espoirs ? Comment peut-on vous aider ?

Nous continuons dans nos projets de recherche (autour des formes de sensibilisation) et de formations auprès d’autres publics. Aujourd’hui nous réfléchissons à la sensibilisation aux questions de la vie privée pour des personnes peu ou pas lettrées qui pourtant sont contraintes à l’utilisation de téléphones portables.
Nous avons aussi d’autres chantiers académiques car il est important pour nous de nous maintenir à la page, de lire et de produire des recherches au long cours. Une participation à projet de documentaire sur les low-tech (basses-technologies) est dans les cartons et nous vous en parlerons plus tard quand il sera plus avancé !

Une question traditionnelle pour conclure : quelle est la question que l’on ne vous a pas posée, à laquelle vous auriez aimé répondre ? Et quelle serait-votre réponse, tant qu’à faire ! 🙂

Nous aurions voulu que vous nous demandiez si nous avons choisi exprès le 30 novembre pour lancer le jeu car c’est la journée mondiale de la sécurité informatique. Nous vous dirions que oui, nous avions tout savamment calculé 😉
Ou peut-être une autre question sur les autres personnages, surtout Nikki, hackeuse badass mais pas très genrée, ou sur Alex, une femme noire qui commence « Madame Tout-le-monde » et finit héroïne. Nous voulions fuir certaines caricatures et avions envie de personnages vraisemblables mais peu courants dans le monde du jeu vidéo.

Merci infiniment !

 

Liens utiles

 




Retour sur le Contribatelier « Accessibilité numérique » organisé lors de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité

Le 30 avril 2022, à l’occasion de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité, deux structures membres du collectif CHATONS, Alsace Réseau Neutre et Le Cloud Girofle, ainsi que le hackerspace associatif strasbourgeois Hackstub, se sont mobilisées pour organiser simultanément un Contribatelier sur l’Accessibilité numérique à Strasbourg et Villebon-sur-Yvette (91). Nous leur laissons le clavier pour nous partager un compte-rendu de cette action et des pistes envisagées pour la suite.

logo contribateliers accessibilité numérique

À cette occasion, une douzaine de tests ont été menés sur des logiciels libres, dont la plupart sont proposés comme services en ligne par des membres du collectif CHATONS. Les audits consistaient en des tests d’usage réalisés par binômes, composés d’une personne malvoyante en charge du test et d’une personne voyante en charge de sa captation. L’objectif de ces tests utilisateurices fut double : permettre aux personnes qui créent ou hébergent ces solutions de prendre conscience des problèmes et des solutions possibles, et identifier les éventuels services accessibles sur https://entraide.chatons.org et https://chatons.org.

Cet article est l’occasion de détailler comment les tests se sont passés et de mettre en avant les principaux soucis et perspectives liés à l’accessibilité des services libres, dans l’optique de structurer un groupe parlant d’accessibilité au sein du collectif.

Comptes-rendus des sessions

CR du contribatelier animé par ARN et Hackstub à la médiathèque Neudorf de Strasbourg

Avec :

  • Irina (organisatrice et participante), utilisatrice expérimentée d’outils libres et contributrice, membre d’Alsace Réseau Neutre, atteinte de déficience visuelle
  • Gabriel (participant), président de C’Cité (Fédération des Aveugles Alsace Lorraine Grand Est), à l’aise avec le numérique au quotidien, atteint de déficience visuelle proche du stade aveugle
  • Sylvain (participant), ingénieur logiciel
  • Valentin (organisateur et participant), ingénieur libriste militant, gérant de ReflexLibre, membre d’Alsace Réseau Neutre et contributeur de YunoHost
  • Marjorie (organisatrice et participante), graphiste, artiste et programmeuse libriste, membre d’Hackstub et du collectif cyberféministe Hacqueen

Avec le soutien également d’Éric et Thomas qui sont passés nous voir. Éric est graphiste et programmeur libriste, membre d’ARN, et Thomas est un usager régulier du hackerspace Hackstub qui s’intéresse à l’informatique, au Libre, et à leurs enjeux.

14 tests ont été effectués sur 13 logiciels en deux demi-journées. Nous avons été surprises et surpris du nombre de tests qui ont pu être conduits en si peu de temps, avec très peu de personnes testeuses. Parmi les possibilités de tests, nous n’avons pas sélectionné les outils collaboratifs car nous redoutions une faible accessibilité de ces outils : écrire dans un document collaboratif en ligne prive généralement la personne déficiente visuelle des raccourcis de son outil d’assistance. Les résultats sont mitigés : sur 14 tests, 8 se sont soldés par un succès et 6 ont posé problème (deux réussites partielles et 4 échecs). Les services qui ont posé le plus de problèmes sont les outils de sondage. Certains des tests partiellement réussis ont nécessité une assistance, due à des défauts d’accessibilité non liés à l’outil testé. Exemple : lors du test de Mumble, un logiciel d’audioconférence libre, l’activation du micro a été ardue. Il y avait donc des problèmes liés davantage aux fonctionnalités du navigateur ou à d’autres paramètres (configuration des outils d’assistance ou des interfaces).

Un autre constat intéressant à faire est que les tests ont été effectués avec un système d’exploitation et un navigateur propriétaire (OS Windows + navigateur Edge ou Chrome). L’outil d’assistance était quant à lui libre (NVDA). On peut s’interroger sur le rapport entre le taux de réussite et l’utilisation d’outils qui ne sont pas libres : y a-t-il plus de moyens injectés pour l’accessibilité dans les outils propriétaires ?

Pour ce qui est de l’ambiance, nous avons apprécié l’accueil de la médiathèque Neudorf avec laquelle il a été facile de travailler dans une dynamique de coopération. Gabriel nous a également fait part de son enthousiasme quant à la convivialité de l’événement, malgré le peu de participation. Ce faible taux de participation, tant du côté des personnes malvoyantes que des personnes développeuses, nous a questionné sur les liens que nous entretenons avec les associations et publics déficients visuels, et nous a démontré qu’il y avait un vrai travail de sensibilisation à mener auprès de la communauté libriste. Il a toutefois permis un cadre assez intimiste, favorisant l’attention portée aux personnes participantes.

CR du contribatelier animé par Le cloud de Girofle à Villebon-sur-Yvette (91)

Avec :

  • Nicolas (participant), informaticien de métier atteint d’une déficience visuelle dégénérescente
  • Agathe (participante), libriste expérimentée et vidéaste à ses heures perdues
  • Maxime (organisateur et participant), membre du Cloud Girofle, libriste militant
  • Margaux (organisatrice et participante), membre du Cloud Girofle

Nous nous sommes retrouvés à 4 à la MJC Bobby Lapointe de Villebon-sur-Yvette (91), gentiment mise à disposition par Charles, également membre du Cloud Girofle. Avec l’aide d’Agathe, libriste et vidéaste à ses heures perdues, nous avons accueilli Nicolas, « informaticien d’avant Windows ! » atteint d’une déficience visuelle dégénérescente. Son ordinateur tourne sous Debian et le passage à la ligne de commande a été plus aisé pour lui quand sa vue a commencé à se détériorer. Il utilise encore des outils visuels, des fonctionnalités intégrées au gestionnaire de fenêtres Compiz comme le zoom et l’inversion de contraste. Mais il utilise de plus en plus les outils vocaux, qui représentent environ 80 % de son usage : le lecteur d’écran libre Orca et la synthèse vocale propriétaire Baratinoo, en attendant de trouver une synthèse vocale libre, en français, de qualité suffisante. Par ailleurs, Nicolas utilise EMACS, un éditeur de texte libre navigable intégralement au clavier développé par Richard Stallman, qui dispose de son propre lecteur d’écran (dans ces cas-là, il coupe Orca, qui est le lecteur d’écran pour systèmes GNU Linux). Il l’utilise beaucoup parce que c’est très adapté à son usage, mais ce n’est malheureusement pas toujours possible : en effet, le navigateur EWW intégré dans cet outil n’interprète pas le Javascript, un langage qui est aujourd’hui massivement présent sur le web !

Le cadre intimiste nous a permis d’échanger de manière très qualitative, et nous nous sommes concentrés sur Nicolas toute l’après-midi. Il nous aura fallu vivre cet atelier pour prendre conscience de la difficulté (pour être honnête, de la quasi-impossibilité) d’utiliser beaucoup de services libres en ligne quand on est déficient⋅e visuel⋅le (malvoyant⋅e, non-voyant⋅e).

Une dizaine de tests filmés ont été effectués par Nicolas, sans assistance extérieure, sur des services proposés par le Cloud Girofle : créer un compte sur Nextcloud, accéder à un espace de discussion Mattermost, lire un document OnlyOffice partagé par email, etc. Un protocole de test et des scénarios de tests avaient été préparé en amont et étaient mis à disposition. Les captations rendent compte de ce qui se passe sur l’écran et de la synthèse vocale.

Navigation sur Nextcloud lors du Contribatelier
Navigation sur Nextcloud lors du Contribatelier : l’utilisateur doit utiliser un niveau de zoom très élevé, en plus d’une synthèse vocale (enregistrée par l’enregistreur visible à droite).

Conclusion : c’est pas glorieux

Alors, les logiciels des CHATONS, c’est accessible comment ? Pour nous, les résultats sont édifiants (et décevants). La quasi-totalité des missions a échoué du côté de Villebon-sur-Yvette et le taux de réussite à Strasbourg ne dépasse pas 50%. Les tests qui ont rencontré le plus de succès ont été menés avec du matériel et des outils propriétaires (à l’exception du logiciel d’assistance), et il s’agissait aussi des manœuvres les plus simples.

Quelques exemples :

  • un test consistant à se créer un compte Nextcloud en recevant une invitation par email a pris une demi-heure (et nous parlons d’un test réalisé par un informaticien) !
  • un autre test sur le service Framadate (outil de planification de date) ne propose pas « oui/non/peut-être » comme réponses, mais « chaussure de ski » et « drapeau dans un trou » !
  • toujours sur Framadate, un autre testeur nous indique que la seule manière qu’il a trouvé de l’utiliser est de copier-coller les options dans un tableur, de le remplir, puis de reporter les options dans le tableau en ligne. Une gageure !

Et lors d’un test pour éditer un document en ligne (OnlyOffice) partagé avec Nextcloud, on se rend compte que le bouton pour ouvrir le document n’est pas accessible à la navigation au clavier, que même si on pose le curseur dessus, les options pour l’ouvrir ne sont pas lues par la synthèse vocale et que même si le document est ouvert, la synthèse vocale ne lit pas le document. On découvre ainsi que, même s’il y a un plugin de synthèse vocale installé dans OnlyOffice, le menu pour y accéder n’est pas accessible et que même si on clique sur ce bouton, la synthèse vocale ne fonctionne pas.

À chaque fois, la tentation d’abandonner est forte : impossible de savoir si la fonction qu’on essaye d’utiliser va réussir, ou si l’on va échouer pour une raison parfois bête (un bouton sans label, un message d’erreur qui s’affiche mais qui n’est pas lu). Assister en direct aux difficultés rencontrées par une personne malvoyante sur un ordinateur est une expérience édifiante. Nous pensons que tout le monde devrait la faire au moins une fois, pour se rendre compte des enjeux associés à l’accessibilité numérique.

écran présentant un zoom sur un client mail lors du Contribatelier
Lecture d’un mail lors du Contribatelier : l’utilisateur doit utiliser un niveau de zoom très élevé, en plus d’une synthèse vocale (enregistrée par l’enregistreur visible à droite).

Bilan et perspectives

Le contribatelier, un outil de sensibilisation à l’accessibilité

Participer à ce contribatelier a été très éclairant à la fois sur l’urgence de la situation des personnes déficientes visuelles (beaucoup de services restent bloquants, et pour certains sur des points assez élémentaires), et sur ce qu’implique concrètement la manipulation d’outils d’assistance tels que les lecteurs d’écran. On se sent plus outillé et plus armé pour défendre ce grand sujet. C’est un format idéal pour provoquer une prise de conscience auprès de personnes non initiées, qui a le double avantage de sensibiliser tout en étant dans le “faire” (en l’occurrence, contribuer au libre). Les expériences ont globalement été appréciées de toustes les participantes. Que ce soit du point de vue de l’accueil ou du travail réalisé, ces séances ont offert un cadre convivial, surtout en petits groupes.

Le point sur les difficultés rencontrées

Nous nous sommes interrogés sur le degré d’intervention des personnes qui ne sont pas en situation de handicap lors d’un blocage pendant un test. Nous avons conclu de cet échange qu’il valait mieux laisser du temps pour dénouer la situation avant d’intervenir, afin de véritablement éprouver l’accessibilité de l’outil, mais que si on se retrouvait face à une impasse, il fallait accompagner la résolution du problème rencontré.

Si la personne déficiente visuelle ne prend pas aisément le service en main, il y a différents types d’échec :

  • celui où elle devra d’abord explorer l’interface pour la comprendre et consulter la documentation ;
  • celui où des astuces/manipulations lui sont indiquées par une autre personne ;
  • celui où elle ne pourra jamais accéder au service par ses propres moyens.

Côté développement, on peut aussi distinguer différents cas :

  • celui où il suffirait de corriger quelques détails ;
  • celui où les modifications sont complexes mais le service partiellement utilisable ;
  • celui où il faudrait quasiment tout revoir.

On découvre ainsi plusieurs catégories de problèmes :

  • des problèmes de conception : pages web trop complexes (comment s’y retrouver quand des centaines d’informations non hiérarchisées – il n’y a pas de couleurs en synthèse vocale – sont lues ?), notifications non accessibles ou synthèse vocale indisponible dans certains environnements (canevas notamment) ;
  • des erreurs d’implémentation : boutons sans label, titres des vidéos qui ne sont pas indiqués, parties du logiciel non navigables au clavier ;
  • des problèmes de version : avec la course aux fonctionnalités, les navigateurs web un peu anciens sont de moins en moins supportés. Or ce sont souvent ces navigateurs qui équipent les systèmes adaptés aux non-voyant⋅es. Choisir de ne pas les prendre en compte, c’est se priver de certain⋅es utilisateurices qui utilisent des systèmes spécifiques, pour lesquels les mises à jour sont parfois compliquées.

De manière générale, bien qu’une bonne moitié des interfaces graphiques des logiciels « en dur » sont inutilisables ou difficilement utilisables, elles restent mieux gérées par la synthèse vocale que dans les applications web, qui sont d’expérience peu accessibles. Les standards d’accessibilité sont peu respectés et la conception de pages complexes rend la lecture des pages plus difficile encore.

Par ailleurs, alors qu’aujourd’hui la majorité des personnes utilisent un très petit nombre de navigateurs web (Firefox, Chrome et Safari, qui se partagent la majorité du marché et concentrent toute l’attention des personnes développeuses), les personnes déficientes visuelles utilisent parfois d’autres navigateurs (Edge, Lynx, etc.), en plus de matériels d’assistance variés. Suivant les profils, on peut trouver des plages ou afficheurs braille, de la vocalisation, des outils visuels (zoom, couleurs, contraste), etc. Certains logiciels d’assistance définissent leurs propres raccourcis clavier, qui peuvent entrer en conflit avec les raccourcis natifs du système ou ceux d’autres programmes. L’interopérabilité de tous ces équipements n’est donc pas triviale.

personne utilisant une plage braille
Un lecteur braille – Photo by Sigmund on Unsplash

 

Il y a également un autre paradoxe : la plupart des logiciels libres populaires dédient une partie de leur documentation à l’accessibilité, chacun expliquant comment les logiciels sont accessibles. Nous reconnaissons les efforts faits pour améliorer la situation, pourtant, en regardant les cas de OnlyOffice et de Mattermost, nous regrettons :

  • que ces pages ne soient pas plus mises en avant, par exemple au moment de se connecter au logiciel, et pas seulement en faisant une recherche sur le site de l’entreprise qui développe le logiciel ;
  • que les informations fournies dans ces pages soient parfois incomplètes, par exemple en ne précisant pas les limitations induites par le mode lecture ;
  • que ces procédures ne fonctionnent souvent pas ! Mattermost peut se naviguer au clavier, mais sur la version de Firefox utilisée par un de nos testeurs, celle-ci ne fonctionne pas. Autre exemple : le plugin de synthèse vocale d’OnlyOffice ne peut pas être activé facilement, et nécessite une configuration administrateur qui n’est pas faite par défaut.

Une personne dans le groupe strasbourgeois a rencontré des difficultés liées au verrouillage de son système, configuré par une entreprise qui fournit des systèmes adaptés aux personnes déficientes visuelles. Cette dernière n’installe que des versions de logiciels dont l’accessibilité a été évaluée, et parfois légèrement modifiées pour les rendre plus accessibles. L’entreprise dispose donc de son propre dépôt de paquets Debian, et configure les machines de ses clients et clientes pour utiliser ce dépôt en priorité, afin d’éviter qu’iels ne fassent des mises à jour non testées. L’inconvénient de cette méthode “verrouillée” est qu’il est ardu d’accéder aux dernières versions logicielles, faute de mises à jour, qui sont souvent disponibles sur le tard (plusieurs années sont parfois nécessaires). Le principe est pertinent, mais la prudence excessive, ou peut-être le manque de personnel compétent pour le travail d’adaptation, rend l’utilisation d’une machine sous ce système laborieuse. Par ailleurs, ce contrôle à distance du paramétrage peut donner le sentiment d’être dépossédé de sa machine, d’autant plus si la communication sur les changements apportés fait défaut. Il est possible de contourner le verrouillage “à la main”, mais cela demande une certaine aisance en informatique, et lève la garantie d’assistance en cas de soucis. Ainsi, des problèmes sont persistants avec Firefox car la version fournie n’est pas la dernière, ce qui a été bloquant pour mener à bien les tests : la personne est mobilisée pour la résolution du problème plutôt que pour la réalisation des tests. Ça pose la question du processus de développement logiciel : aujourd’hui on fournit des logiciels qui évoluent sans cesse, dont les anciennes versions ne sont pas supportées facilement, voire pas supportées du tout.

Et après ?

Nous souhaitons proposer à nouveaux des contribateliers sur l’accessibilité numérique afin de finir les tests prévus. De plus, nous préparerons d’autres tests à mener, avec comme priorité les services qui répondent à des usages du quotidien (communication, collaboration, sondage, traitement de texte, etc.). Nous envisageons néanmoins des tests sur des outils plus techniques dans un second temps (services proposés par YunoHost par exemple, un système d’exploitation qui facilite l’administration d’un serveur et participe à la démocratisation de l’auto-hébergement).

Par ailleurs, il est intéressant de noter que réaliser plusieurs fois un même test n’est pas futile. Au contraire, cela rend compte des différences rencontrées en fonction des systèmes et configurations, mais aussi selon les handicaps. La diversité des profils est très importante pour les tests. Il faut bien prendre en compte la différence de handicaps et de niveaux de culture numérique.

Nous pensons aussi qu’il serait pertinent de mettre en avant les manipulations qui facilitent la prise en main des outils et logiciels. Il y a parfois des astuces simples, qui s’avèrent très utiles pour contourner les difficultés rencontrées, même s’il est regrettable de devoir presque recourir au hack pour pouvoir utiliser un service.

Beaucoup de documentation à été produite lors de ces ateliers : des vidéos et des notes principalement. Nous entrons désormais dans la phase de restitution de ces tests, nous allons créer et publier des reports de bugs d’accessibilité sur les forges Git des logiciels concernés et les suivre. Deux personnes parmi nous, Irina et Valentin, ont fait deux rapports de bug antérieurement autour de Network Manager et de Mumble. Les protocoles pour soumettre les bugs d’accessibilité peuvent être laborieux, selon leur retour.

Lors de notre débrief, nous nous sommes demandés comment mobiliser davantage sur l’accessibilité numérique, au regard du faible nombre de personnes participantes. Nous aurions en effet souhaité que l’opération se déroule simultanément au sein de multiples structures membres du collectif CHATONS en France, afin de fédérer sur la question, et de lui donner plus de résonance.

Actions envisagées

Nous avons relevé plusieurs type d’action à envisager, en dehors de la reconduite de contribateliers sur le sujet et de la publication de ce communiqué :

  • Faire émerger un groupe “Accessibilité”. Une interstructure Accessibilité a déjà été créée sur la Litière, le wiki des CHATONS. Il serait intéressant de constituer un groupe national de travail, s’étendant à des structures telles que la FFDN, et qui peut-être ne se cantonnerait pas qu’au Libre pour réellement servir l’accessibilité numérique, qui dépend aujourd’hui de beaucoup d’outils propriétaires déployant les moyens.
  • Un atelier sur cette thématique sera proposé lors du camp CHATONS 2022 (18-22 août).
  • Rédiger des rapports de bug à destination des développeur⋅euses de logiciels.
  • Mettre à disposition sur les mails de connexion envoyés par les logiciels un lien vers des page décrivant les raccourcis clavier et options d’accessibilité proposées par le logiciel, ainsi que la liste des fonctions qui sont inopérantes.
  • Mettre plus en évidence l’accessibilité dans les critères pour intégrer le collectif CHATONS.
  • Faire infuser l’accessibilité numérique dans la communauté libriste à travers des ateliers de sensibilisation et d’auto-formation, en organisant des permanences en milieux associatifs rassemblant des publics déficients visuels, en veillant à ce que les formats proposés considèrent l’accessibilité et en parlent, etc.
  • Construire une relation de confiance et créer du lien entre associations de personnes déficientes visuelles et développeuses.
  • Aller chercher des gens plus compétents sur ces questions, et saisir des structures telles que les tiers-lieux numériques, les universités, les milieux étudiants, etc.
  • Compiler et traduire la documentation et les ressources existantes sur l’accessibilité numérique.

Quelques parti-pris non consensuels

L’inaccessibilité numérique renforce la fracture numérique et ne concerne pas que les personnes atteintes d’un handicap visuel mais aussi les personnes éloignées du numérique de manière générale, comme les personnes âgées ou les personnes neurodifférentes. Renforcer l’accessibilité numérique pour les personnes déficientes visuelles renforce aussi l’accessibilité numérique tout court !

L’accessibilité numérique n’est pas un patch, un plugin à ajouter, mais bien une philosophie, une manière de voir les choses qui doit infuser dès la base du développement (on parle d’accessibilité native).

Que choisir : du libre à tout prix, ou l’accessibilité ?

En tant que défenseur⋅euses des logiciels libres, on s’interroge : la liberté numéro zéro, c’est celle d’utiliser le logiciel libre.

Que faire quand une partie de la population se retrouve exclue contre son gré de l’utilisation de logiciels libres ? Voulons-nous des logiciels qui ne libèrent que les développeur⋅euses ou permettent aussi d’autonomiser les utilisateurices ?

Pour aller plus loin :

Résultats des tests d’accessibilité réalisés le 30 avril 2022 par ARN et le Cloud Girofle