Les industriels lorgnent le futur grand plan numérique de Luc Chatel – Mediapart

llawliet - CC byReprise du second article de l’enquête de Mediapart sur l’école à l’ère numérique, introduite dans un précédent billet.

« Derrière le ministre de l’éducation, l’ancien secrétaire d’État à l’industrie n’est pas très loin », nous dit Louise Fessard.

Et Microsoft non plus[1].

Mais la journaliste a eu la bonne idée d’en décrypter la présence et l’influence en s’appuyant, une fois n’est pas coutume, sur de nombreux articles de ce blog (cf notes de bas de page). Inutile de vous dire que cette reconnaissance nous honore quand bien même la situation évoquée mérite toujours d’être mise à jour en faveur du Libre.

Remarque : Cet article a été publié juste avant la sortie du rapport Fourgous désormais disponible.

Les industriels lorgnent le futur grand plan numérique de Luc Chatel

Louise Fessard – 8 février 2010 – Mediapart
(avec son aimable autorisation)

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En visite au Bett, le salon mondial du numérique éducatif à Londres, le 17 janvier, le ministre de l’éducation, Luc Chatel, a réaffirmé sa volonté de lancer un grand plan numérique pour l’école « dans le cours du premier trimestre 2010 ». Près de 7.000 communes de moins de 2.000 habitants ont déjà bénéficié de subventions de 10.000 euros pour équiper leur école dans le cadre du plan écoles numériques rurales.

Devant une rangée d’industriels français du numérique, il a confirmé la possibilité d’utiliser une partie du grand emprunt à cette fin. Car derrière le ministre de l’éducation, l’ancien secrétaire d’État à l’industrie n’est pas très loin. « Ce sont des réservoirs, des perspectives de croissance très importants que d’avoir des pouvoirs publics qui investissent de manière durable dans ce secteur », lance ainsi Luc Chatel (cf vidéo).

En moyenne, l’école française ne dispose que d’un ordinateur pour 12 élèves (contre un pour 6 en Grande-Bretagne) et moins de 30.000 tableaux blancs interactifs (contre 470.000 en Grande-Bretagne)[2]. Plus préoccupant, il existe une grande disparité d’équipement entre les territoires : un rapport de la Cour des comptes révélait en décembre 2008 que, dans les écoles primaires, le taux d’équipement allait d’« un ordinateur pour 5 élèves à un pour 138 élèves » selon les communes.

La faute à une absence de politique nationale : ce sont les collectivités territoriales (commune pour les écoles, département pour les collèges, région pour les lycées) qui financent ordinateurs, logiciels, connexion au réseau. « C’est bien de venir voir les innovations, se désolait un principal de collège rencontré au salon professionnel Educatice en novembre 2008, mais budgétairement on n’a pas la maîtrise, c’est le conseil général qui décide. »

Aussi le plan écoles numériques rurales, qui a laissé aux écoles candidates le choix des solutions informatiques tout en assurant un financement étatique, a-t-il fait mouche parmi les petites communes[3]. Devant l’afflux des candidatures, Luc Chatel a dû débloquer 17 millions d’euros supplémentaires, en plus de l’enveloppe initiale de 50 millions. « Le fait que l’Etat prenne en charge ce dispositif peut éviter un accroissement des inégalités », se réjouit Gilles Moindrot, secrétaire général du SNUipp, le principal syndicat des professeurs des écoles.

Privilégier ressources et formation

Le matériel n’est pas « forcément le nerf de la guerre », a souligné Luc Chatel le 17 janvier, jugeant en revanche « absolument capitales la question des ressources pédagogiques et la question de la formation »[4]. Le député (UMP) des Yvelines, Jean-Michel Fourgous, doit rendre son rapport sur les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) à Luc Chatel le 15 février. « Si on ne veut pas renouveler les échecs des grands plans informatiques précédents, il faut abandonner l’histoire du 80% pour l’équipement / 20% pour la formation, et passer au 50/50 », explique-t-il.

Les industriels ont déjà largement investi le terrain : les grands groupes ne se contentent plus de vendre du matériel ou des logiciels, ils offrent aux enseignants des espaces d’échange, des forums, des ressources pédagogiques, des formations pour utiliser leur technologie. « Il faut comprendre qu’accrocher une boîte noire au mur, ça n’apporte pas grand-chose, explique Emmanuel Pasquier, directeur général de la société Promethean, leader des tableaux blancs interactifs (TBI) en Europe. Il faut faire un très gros travail avec la communauté éducative et mettre en place un écosystème autour du TBI qui comprenne les tableaux interactifs, les boîtiers d’évaluation, les ardoises mais aussi des logiciels d’aide à la création pédagogique, la formation et l’accompagnement continu des enseignants. » La communauté virtuelle Promethean Planet revendique ainsi plus de 500.000 enseignants dans le monde.

Microsoft « à l’assaut du monde de l’éducation »

Microsoft France a choisi de multiplier les partenariats avec le monde associatif enseignant, en adaptant son programme international « Partners in learning »[5], actif dans une centaine de pays, au contexte français : « Nous apportons un support technologique et financier aux initiatives des enseignants, mais notre plus grosse valeur ajoutée, c’est la mise en réseau entre enseignants », explique Thierry de Vulpillières[6], directeur des partenariats éducation. Microsoft vient ainsi en aide à des projets peu reconnus et relayés par l’institution scolaire. En toute discrétion, se gardant bien de placarder son logo à tout-va.

L’entreprise américaine a ainsi participé à la refonte de la plateforme Internet du Café pédagogique[7], le site d’actualité pédagogique de référence avec ses 222.000 abonnés, « qui craquait de partout », mais se contente d’y animer un forum sur une opération commerciale « Microsoft Office 2007 gratuit pour les enseignants ». Elle a aussi développé une offre de formations à cette suite bureautique et à son « espace de travail numérique » par l’intermédiaire de Projetice[8], une association d’enseignants créée en 2006.

« Au départ, différents enseignants ressentaient comme un manque l’absence d’associations sur les Tice dans le paysage français, raconte Thierry de Vulpillières. Ils sont venus me voir et j’ai participé au financement de la création de l’association. » Une association qui se dit « indépendante » mais vit en partie des commandes commerciales de Microsoft. « Au côté de celles d’Orange, de Texas Instrument, Smart, etc. », nuance Thierry de Vulpillières.

C’est encore Microsoft qui est à l’origine de la tenue du premier forum des enseignants innovants à Rennes en 2008, que l’entreprise finance à hauteur de 30%[9]. « En 2007, Microsoft avait, avec l’Unesco, organisé au Louvre le forum européen des enseignants innovants, raconte Thierry de Vulpillières. J’ai impliqué des enseignants français et ils se sont dit qu’ils allaient organiser quelque chose au niveau national pour récompenser l’innovation pédagogique. »

Microsoft emploie aussi des méthodes plus classiques et massives. Depuis juin 2008, les enseignants peuvent télécharger et installer gratuitement Office 2007 à leur domicile. Pour mener cet « assaut du monde de l’éducation » (voir doc joint), Microsoft et l’agence de communication Infoflash ont créé un site Web spécifique et envoyé des centaines de courriers nominatifs aux enseignants (120.000 aux enseignants et personnels de collège en juin 2008 puis une seconde vague de 350.000, visant aussi les instituteurs, en novembre 2008)[10]. Une performance récompensée en 2009 par l’obtention du grand prix « acquisition et fidélisation clients » du Club des directeurs marketing et communication des TIC (Cmit)[11].

« Un potentiel de 50.000 emplois »

Théoriquement, selon l’accord-cadre signé entre l’éducation nationale et Microsoft en 2003, l’offre n’est pas à proprement parler gratuite puisqu’elle doit être compensée par l’achat de licences par les établissements scolaires. Microsoft « autorise la duplication des logiciels Microsoft Office sur des postes de travail personnel dans la stricte limitation du nombre de licences déployées pour usage professionnel », précise l’avenant signé en 2006 (doc joint). Mais dans les faits, tout enseignant peut télécharger gratuitement Office, même si son établissement n’a pas acheté de licence à Microsoft.

Ce type d’opération est régulièrement dénoncé sur la Toile par des enseignants adeptes du libre comme Jean Peyratout. « Les industriels, et notamment Microsoft, ont une attitude extrêmement offensive mais ils font leur métier, c’est normal, estime cet instituteur de Pessac (Gironde). C’est plutôt du côté des prescripteurs qu’est le problème. »

Même analyse d’Alexis Kauffmann, enseignant de mathématiques, actuellement à Rome, qui dénonce sur son blog « l’influence disproportionnée de Microsoft à l’école ». « Je reproche surtout au ministère de l’éducation de laisser Microsoft rentrer comme dans du beurre dans le système éducatif français, faute d’avoir pris une position volontariste vis-à-vis du logiciel libre, explique-t-il. Alors qu’en Grande-Bretagne, le Becta (l’agence britannique en charge des Tice) n’hésite pas à rédiger de longs rapports[12] déconseillant l’adoption des nouvelles versions de Windows et MS Office en milieu scolaire tout en invitant à découvrir leurs alternatives libres que sont GNU/Linux et OpenOffice. »

Conscient de cette dépendance, Jean-Michel Fourgous propose qu’une partie du grand emprunt aille à « la formation, la simplification des ressources pédagogiques, la clarification du rôle des collectivités locales et une meilleure coordination des acteurs ». « Je pense qu’il y a un potentiel de 50.000 emplois dans les Tice dans les années à venir, prévoit-il. Il faut inciter nos chercheurs français à travailler sur tous les services Tice car il va y avoir une explosion dans ce domaine. »




L’Affaire Copyright ou les aventures de Tintin au pays des ayants droit

L'Affaire Copyright - Couverture - PiccoloNous avons déjà eu l’occasion de le signaler dans notre billet sur Le Petit Prince. Fixer arbitrairement à une très longue période de 70 ans la durée des droits patrimoniaux après la mort de l’auteur au bénéfice des ayants droit est devenu quelque peu problématique à l’ère du réseau.

Ce qui se voulait au départ un équilibre équitable entre les droits du public et celui du créateur penche désormais très clairement en faveur du second (et de sa progéniture) sans autre réelle justification que le contrôle et le profit.

D’ailleurs à ce propos une petite parenthèse mathématique. Sans remonter le temps juste après la Révolution française où cette durée n’était que de 10 ans, on peut faire remarquer qu’en 1900 la durée était de 50 ans mais avec une espérance de vie dépassant à peine les 40 ans. Or aujourd’hui on a non seulement rallongé la durée des droits à 70 ans, mais l’espérance de vie approche les 80 ans[1].

Conclusion : Les ayants droit ont gagné en un siècle 20+40, soit 60 ans de plus en moyenne pour exploiter les œuvres !

Tout ceci n’est guère raisonnable. D’autant que cela aiguise les appétits des enfants et petits-enfants du créateur dans ce qui peut devenir là une source de revenus suffisante pour bien vivre, sans autre travail que de veiller jalousement au patrimoine du génie de la famille.

Capitaine HaddockCela leur fait même parfois un peu tourner la tête. Nous avions évoqué brièvement le cas de l‘anarchiste Léo Ferré, qui doit s’en retourner dans sa tombe. Mais la palme revient peut-être aux ayants droit de Tintin, ou plutôt de son papa Hergé, enfin surtout de ses héritiers, en l’occurrence sa veuve et son nouveau mari par l’entremise de la Société Moulinsart chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre du célèbre dessinateur.

Cette société a l’honneur d’un article sur Wikipédia. Extrait :

La gestion de l’œuvre d’Hergé reste très controversée par certains tintinophiles qui l’estiment parfois trop stricte, trop commerciale, voire maladroite. Le prix élevé des produits dérivés, le contrôle rigoureux des sites internet amateurs ou encore les ratés de certains projets (l’adaptation de Tintin au cinéma et le musée Hergé par exemple) sont souvent pointés du doigt. Ainsi, en octobre 2009, Moulinsart SA a fait condamner en appel le romancier Bob Garcia à une amende de plus de 48 000 euros pour des vignettes qu’il avait citées dans un ouvrage pour enfants édités à seulement 500 exemplaires, voire pour des vignettes qui n’étaient pas citées du tout dans les ouvrages de l’auteur. Celui-ci n’étant pas solvable, la société n’hésitera pas à faire saisir sa maison.

Pour en savoir plus sur cette sombre histoire, voir Moulinsart l’a tué, presque sur La république des livres, le blog de Pierre Assouline (l’un des biographes d’Hergé soit dit en passant).

Capitaine HaddockIl faut bien comprendre que la moindre reproduction de vignettes est interdite par les avocats de Moulinsart : « une vignette de bande dessinée est une œuvre à part entière, or une œuvre à part entière ne peut pas être citée (…) il y a environ mille vignettes par album, il y a donc mille dessins protégés par des droits d’auteur » (source JDD).

Impossible donc a priori de faire état d’un « droit de courte citation graphique ». Ainsi les quelques imagettes qui illustrent ce billet, d’un Capitaine Haddock abasourdi par la situation, sont en théorie illégales, sauf à penser qu’elles ne sont que des parties de vignettes et donc en quelque sorte des citations de vignettes (qu’elles proviennent indûment d’une photo d’exposition placée sous Creative Commons n’arrange évidemment rien à l’affaire).

Mais il n’y a pas que Bob Garcia qui ait eu à subir la vindicte de Moulinsart SA. On peut citer également les difficultés actuelles des éditions Bédéstory.

BédéStoryBédéStory publie sous le titre générique « Comment Hergé a créé… » des études portant sur la genèse de l’œuvre d’Hergé : Comment Hergé a créé Tintin au Congo, Comment Hergé a créé Tintin en Amérique, et ainsi de suite.

Des titres proches des originaux, quelques vignettes reprises çà et là, et c’est la sanction : Moulinsart SA attaque pour rien moins que contrefaçon ! Heureusement le tribunal (d’Évry) a logiquement débouté et condamné Moulinsart pour procédure abusive et ordonné la main-levée des ouvrages.

Mais cela n’a pas suffit. Ils ont en effet fait pression sur les distributeurs dont la FNAC et Amazon, pour qu’ils ne proposent plus la dite collection dans leur catalogue, une lettre non équivoque de Moulinsart à la FNAC ayant été interceptée. BédéStory s’en insurge : « Nous tenons à dénoncer avec force les méthodes commerciales scandaleuses utilisées par Moulinsart pour nous éliminer du marché sans le moindre jugement défavorable à notre encontre, ainsi que l’attitude lamentable de la FNAC qui n’a pas daigné répondre à notre demande d’explication. »

Capitaine HaddockL’ironie de l’histoire c’est que BédéStory a également publié tout récemment un album aux éditions « Parodisiaques » (histoire que ce soit bien clair) dont le titre, dans ce contexte, ne passe pas inaperçu : L’affaire copyright.

En voici sa présentation, parce que je ne vais pas me gêner pour en faire la publicité (la couverture, tout en haut, et la page de garde, tout en bas, sont de Piccolo) :

Dix scénaristes et dessinateurs de bande dessinée (Calza, Chabaud, Di Martino, Domas, Fortin, Mibé, Piccolo, Sen et Roulin) rendent hommage à Hergé à travers de courtes histoires parodiques (Brocante à Moulinsart, Tartarin et les cent dalles du pharaon, On a zappé sur Saturne, Cauchemar à Moulinbar, Remue-ménage à Moul1sard, Crincrin au chômage, Crincrin chez le psychanalyste, Les Aventures de Crincrin, Pinpin et la fin de l’or noir) en 52 pages quadri étonnantes d’imagination et d’humour. Ce recueil est le premier album parodique exclusivement consacré à Tintin.

Or, cette fois-ci, l’ouvrage ne va pas être retiré de la circulation, il ne va tout simplement pas être référencé !

Ces petits récits (dont la plupart ont déjà été publiées précédemment avec l’accord écrit de Moulinsart). ne constituent pas des suites des Aventures de Tintin. Elles sont des hommages très respectueux à l’œuvre de Hergé et à Tintin, réalisées avec passion et talent par une dizaine d’auteurs vraiment tintinophiles. Elles ne contiennent aucune violence, ni racisme, ni allusion politique, etc. et ne peuvent en aucun cas faire de tort à l’image de Tintin. Elles s’inscrivent parfaitement dans le strict droit de l’exception de parodie.

Or, la Fnac (et la plupart des grandes librairies bédé, sites de vente en ligne, etc.) refusent purement et simplement de référencer l’ouvrage « suite aux pressions et menaces de Moulinsart ». Donc, cette fois Moulinsart fait l’économie d’un procès. Il suffit que leurs avocats envoient des lettres types de menace pour que commercialisation de cet ouvrage – parfaitement légal – soit définitivement compromise.

Faute de trouver une meilleure solution pour l’instant, BédéStory a décidé de proposer cet ouvrage en vente directe à nos quelques clients fidèles et aux quelques libraires qui ont encore un peu de dignité.

Cet album vous intéresse ? Un message de soutien ?

Vous pouvez leur écrire à : bedestory AT gmail.com.

Tiens, il me vient en mémoire ce chinois qui, un sabre à la main, poursuivait Tintin dans Le lotus bleu : « Il faut trouver la voie ! Moi je l’ai trouvée. Il faut donc que vous la trouviez aussi… Je vais d’abord vous couper la tête. Ensuite, vous trouverez la vérité ! ».

Ce chinois était devenu fou. Lui aussi.

L'Affaire Copyright - Page de garde - Piccolo

Triste (et scandaleux) épilogue : Cet article a été mis en ligne le 22 février 2010. Une semaine plus tard, la Société Moulinsart gagnait un nouveau procès et obligeait BédéStory a mettre définitivement la clé sous la porte

Notes

[1] Les sources de ma parenthèse mathématique proviennent de cet article mais surtout de ce graphique.




Le chemin de croix du logiciel libre à l’école – Quand Mediapart mène l’enquête

Vauvau - CC byLe logiciel libre et sa culture n’ont toujours pas la place qu’ils méritent à l’école. Tel est l’un des chevaux de bataille de ce blog, qui a parfois l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau tant ce sujet ne donne pas l’impression de passionner les foules.

Dans ce contexte médiatiquement défavorable, nous remercions Mediapart de s’être récemment emparé du sujet à la faveur d’une enquête conséquente sur L’école à l’ère numérique.

Ces enquêtes approfondies sont l’une des marques de fabrique de ce pure player qui contrairement à d’autres ne mise pas sur le couple gratuit/publicité mais sur l’abonnement qui offre un accès privé et réservé à la majorité de ses contenus (si je puis me permettre une petite digression, le modèle utopique idéal serait pour moi un nombre suffisant d’abonnés à qui cela ne poserait pas de problèmes que le site soit entièrement public et sous licence de libre diffusion).

Ce dossier comporte cinq articles : Les industriels lorgnent le futur grand plan numérique de Luc Chatel, A Antibes, un collège teste les manuels numériques[1], Thierry de Vulpillières : « Les TICE sont une réponse à la crise des systèmes d’éducation »[2], Nouvelles technologies: remue-ménage dans la pédagogie ![3] et Le chemin de croix du logiciel libre à l’école.

Avec l’aimable autorisation de son auteure, nous avons choisi d’en reproduire le premier dans un autre billet et donc ici le dernier, dans la mesure où nous sommes cités mais aussi et surtout parce qu’ils touchent directement nos préoccupations.

Outre votre serviteur, on y retrouve de nombreux acteurs connus des lecteurs du Framablog. J’ai ainsi particulièrement apprécié la métaphore de la « peau de léopard » imaginée par Jean Peyratout pour décrire la situation actuelle du Libre éducatif en France[4].

Et si ce léopard se métamorphosait doucement mais sûrement en une panthère noire ?

Le chemin de croix du logiciel libre à l’école

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Louise Fessard – 12 février 2010 – Mediapart

Et le libre dans tout ça ?

Des logiciels et des contenus garantissant à tous le droit d’usage, de copie, de modification et de distribution, ne devraient-ils pas prospérer au sein de l’éducation nationale ? Si l’administration de l’éducation nationale a choisi en 2007 de faire migrer 95% de ses serveurs sous le système d’exploitation libre GNU/Linux, la situation dans les établissements scolaires est bien plus disparate.

Le choix dépend souvent de la mobilisation de quelques enseignants convaincus et de la politique de la collectivité locale concernée. « On se retrouve avec des initiatives personnelles, très locales et peu soutenues », regrette l’un de ses irréductibles, Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques et fondateur de Framasoft, un réseau d’utilisateurs de logiciels libres.

« La situation ressemble à une peau de léopard, confirme Jean Peyratout, instituteur à Pessac (Gironde) et président de l’association Scideralle. Le logiciel libre est très répandu mais dans un contexte où aucune politique nationale n’est définie. C’est du grand n’importe quoi : il n’y a par exemple pas de recommandation ministérielle sur le format de texte. Certains rectorats vont utiliser la dernière version de Word que d’autres logiciels ne peuvent pas ouvrir. »

A la fin des années 1990, Jean Peyratout a développé avec un entrepreneur, Eric Seigne, AbulEdu, une solution réseau en logiciel libre destinée aux écoles et basée sur GNU/Linux. Selon Eric Seigne, directeur de la société de service et de formation informatique Ryxeo spécialisée dans le logiciel libre, environ 1000 des 5000 écoles visées à l’origine par le plan d’équipement « écoles numériques rurales », lancé à la rentrée 2009 par le ministère de l’éducation nationale, ont choisi d’installer AbulEdu. Faute de bilan national, il faudra se contenter de ce chiffre, qui ne concerne que le premier degré, pour mesurer l’importance du libre dans les établissements scolaires.

Autre exemple significatif, en 2007, le conseil régional d’Ile-de-France a choisi d’équiper 220.000 lycéens, apprentis de CFA et professeurs, d’une clé USB dotée d’un bureau mobile libre – développé par la société Mostick, à partir des projets associatifs Framakey et PortableApps.

« Pourquoi payer des logiciels propriétaires ? »

Le libre à l’école a plusieurs cordes à son arc. Jean Peyratout met en avant son interopérabilité – « Nos élèves sont amenés à utiliser à la maison ce qu’ils utilisent à l’école » –, la souplesse dans la gestion du parc – pas besoin d’acheter une énième licence en cas de poste supplémentaire – et surtout son éthique. « Faire de la publicité à l’école est interdit, plaide-t-il. Il me semble qu’utiliser un logiciel marchand à l’école alors qu’il existe d’autres solutions, c’est faire la promotion de ce logiciel. Pourquoi aller payer des logiciels propriétaires dont le format et le nombre limité de licences posent problème ? »

D’autant, souligne Eric Seigne, « qu’en investissant dans le libre, l’argent reste en local, alors qu’en achetant du propriétaire, la plus grande partie de l’argent part à l’étranger où sont implantés les gros éditeurs ». Reste à convaincre sur le terrain les enseignants, non experts et qui n’ont pas envie de mettre les mains dans le cambouis. A Saint-Marc-Jaumegarde par exemple, Emmanuel Farges, directeur d’une école primaire pourtant très technophile, est sceptique. « Seul notre site Internet repose sur un logiciel libre mais ça bogue souvent et il n’y a pas de suivi quand il y a un problème », explique-t-il.

A côté de la poignée d’enseignants militants du libre, se sont pourtant développés des professionnels. « Le fait que les logiciels soient gratuits éveille paradoxalement les soupçons de mauvaise qualité, note Bastien Guerry, doctorant en philosophie et membre de l’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres (Aful). Mais il existe des associations locales de prestation de service en logiciel libre qui peuvent assurer un suivi. »

Des sites collaboratifs

« Aujourd’hui, les enjeux portent moins sur l’installation des postes que la mise à disposition de logiciels libres via l’environnement numérique de travail et des clefs USB », prévoit Bastien Guerry. A travers des sites participatifs comme Les Clionautes (histoire-géographie), WebLettres (français), et créés au début des années 2000, des enseignants s’adonnent avec enthousiasme à cette création de logiciels et surtout de contenus.

L’exemple le plus abouti en est Sésamath dont la liste de diffusion regroupe 8000 enseignants, soit un quart des profs de mathématiques français selon l’un des fondateurs du projet, Sébastien Hache, lui-même enseignant au collège Villars à Denain (Nord).

« Tous les enseignants créaient déjà eux-mêmes leurs ressources mais Internet leur a permis de les partager, explique-t-il. Et, comme il n’y a pas plus seul qu’un prof face à sa classe, ça évite à chacun de réinventer la roue dans son coin. » Grâce à la collaboration d’enseignants travaillant à distance, Sésamath a même édité « le premier manuel scolaire libre au monde ». « Les manuels des éditeurs sont d’ordinaire écrits par deux ou trois profs, nous, nous avons eu la collaboration d’une centaine d’enseignants avec de nombreux retours », se félicite Sébastien Hache.

400.000 exemplaires de ce manuel, qui couvre les quatre niveaux de collège, ont été vendus (11 euros pour financer les salaires des cinq salariés à mi-temps de l’association), la version en ligne étant gratuite et bien entendu modifiable en vertu de sa licence libre. L’autre activité du site consiste à créer des logiciels outils et des exercices s’adaptant aux difficultés des élèves. Beaucoup de professeurs de mathématiques sont aussi par ailleurs des développeurs passionnés!

Un foisonnement que s’efforce de fédérer le pôle de compétences logiciels libres du Scérén coordonné par Jean-Pierre Archambault. L’école doit désormais prendre en compte les « mutations engendrées par l’immatériel et les réseaux: enseignants-auteurs qui modifient le paysage éditorial, partage de la certification de la qualité, validation par les pairs, redistribution des rôles respectifs des structures verticales et horizontales… », jugeait-il en juin 2008.

Pas vraiment gagné, constate Alexis Kauffmann. « Rien ne laisse à penser que le ministère de l’éducation nationale comprend et souhaite encourager cette culture libre qui explose actuellement sur Internet », lance-t-il. Dernier exemple en date, l’Académie en ligne lancée par le Cned en juin 2009 propose des cours, certes gratuits, mais pas libres et donc non modifiables, manifestement uniquement conçus pour être imprimés! Pour la collaboration, il faudra repasser…

Notes

[1] On peut lire l’article A Antibes, un collège teste les manuels numériques dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[2] On peut lire l’article Thierry de Vulpillières : « Les TICE sont une réponse à la crise des systèmes d’éducation » dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[3] On peut lire l’article Nouvelles technologies: remue-ménage dans la pédagogie ! dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[4] Crédit photo : Vauvau (Creative Commons By)




Si Google is not evil alors qu’il le prouve en libérant le format vidéo du Web !

Diegosaldiva - CC byQuel sera le futur format vidéo du Web ? Certainement plus le Flash dont les jours sont comptés. Mais quel nouveau format va alors s’imposer, un format ouvert au bénéfice de tous ou un format fermé dont le profit à court terme de quelques-uns se ferait au détriment des utilisateurs ?

Un acteur, à lui seul, possède semble-t-il la réponse ! Et c’est une fois encore de Google qu’il s’agit. Une réponse que la Free Software Foundation attend au tournant car elle en dira long sur les réelles intentions de la firme de Moutain View.

Tentative de résumé de la situation.

Faute de mieux, et alors qu’il n’avais pas été spécialement conçu pour jouer les premiers rôles, le format Flash Video d’Adobe (.flv) s’est imposé pendant des années comme format standard de fait de la vidéo en lecture continue (ou streamée) sur Internet, comme par exemple sur le site emblématique YouTube.

Pour le lire il nécessitait la présence d’un player Flash sur son ordinateur, ce qui a toujours posé problème aux Linuxiens puisque la technologie Flash est propriétaire et (en partie) fermée et qu’il n’est donc pas possible de l’inclure dans les distributions libres de GNU/Linux (ceux qui juste après une installation ont recherché comment lire ce satané format comprendront fort bien ce que je veux dire). Un problème si important que la FSF n’a pas hésité à le placer au top de ses priorités logicielles avec son projet de lecteur libre Gnash (juste en dessous d’un lecteur alternatif pour le format PDF, autre format problématique).

Mais tout ceci sera bientôt du passé car la nouvelle version du format des pages Web, le HTML5, est en train de changer la donne avec l’introduction de la balise <video> (cf cet article du Framablog pour en savoir plus : Building the world we want, not the one we have).

Exit le Flash donc dans nos vidéos du Web. D’ailleurs, coup de grâce, il ne figurera pas dans l’iPad et Steve Jobs aurait déclaré « ne pas vouloir perdre du temps sur une technologie dépassée aussi ringarde que les disquettes » !

Conséquence et grand progrès, on peut donc potentiellement lire directement les vidéos sur tout navigateur qui implémente le HTML5 (actuellement Firefox 3.5+, Safari 4+, Chrome 3+). Plus besoin de télécharger de plugins (Flash, QuickTime ou autre). Sauf que comme le dit Tristan Nitot « la spécification HTML5 précise comment un navigateur doit interpréter l’élément video, mais pas sur le format dans lequel doit être publiée la vidéo en question ».

Or justement deux formats sont les principaux candidats à la succession, l’un ouvert, que nous connaissons bien, le Ogg Theora (adopté notamment sur les projets Wikimedia), et l’autre fermé le H.264. Tristan Nitot expose avec la clarté qu’on lui connaît, la situation, ses contraintes et ses menaces, dans son billet Vidéo dans le navigateur : Theora ou H.264 ?.

Il en rajoute une couche sur Rue89 dans Firefox refuse que YouTube devienne « un club de riches » :

« Si le Web est si participatif, c’est parce qu’il n’y a pas de royalties pour participer et créer un contenu. (Faire le choix du H.264) serait hypothéquer l’avenir du Web. On créerait un îlot technologique, un club de riches : on pourrait produire du texte ou des images gratuitement, mais par contre, pour la vidéo, il faudrait payer. »

En effet, il en coûterait plusieurs millions par an à Mozilla si elle voulait intégrer le H.264 dans Firefox. Ce qu’elle ne pourrait pas se permettre et du coup si YouTube adoptait définitivement ce format (que la célèbre plate-forme teste actuellement), nous serions face à un choix cornélien : Firefox sans YouTube (et tous les autres sites de vidéos qui auront alors suivi YouTube, gageons qu’ils seront nombreux) ou YouTube sans Firefox.

Ceux qui pensent, comme Stallman, qu’on « ne brade pas sa liberté pour de simples questions de convenances » feront peut-être le premier choix. Mais pour le grand public, rien n’est moins sûr (c’est même sûr qu’il fera le choix inverse).

Or c’est un feuilleton à épisodes car un tout dernier évènement est venu semer le trouble en apportant son lot de spéculations. Un évènement passé un peu inaperçu à cause du buzz (négatif) engendré par la sortie simultanée de Google Buzz : le rachat par Google de la société On2 Technologies pour un peu plus de cent millions de dollars.

On2 Technologies est justement spécialisée dans la création de formats vidéos, dont un, le VP3, a d’ailleurs été libéré et est directement à l’origine de l’Ogg Theora. Mais c’est le tout dernier de la gamme, le VP8 qui focalise l’attention de par ses qualités (cf présentation et comparaison sur le site d’On2).

Ce rachat a quelque peu atténué les craintes des observateurs, à commencer par Mozilla (cf cet article de Numerama : Codec vidéo : Google rachète On2 et rassure Mozilla). Pourquoi en effet débourser une telle somme puisque le H.264 est là ? Peut-être pour le remplacer par le VP8. Mais alors aura-t-on un VP8 également fermé (et peut-être aussi payant) ou bien ouvert pour l’occasion ?

La balle est dans le camp de Google.

Soit la société fait le choix du H.264. Firefox ne peut pas suivre et alors il y a fort à parier que cela profitera au navigateur Google Chrome (nombre d’utilisateurs ne pouvant désormais concevoir le Web sans YouTube). Comme de plus l’essentiel des revenus de Mozilla provient de l’accord avec Google sur le moteur de recherche par défaut de Firefox, et que cet accord ne court que jusqu’en 2011, on voit bien que Google peut en théorie si ce n’est tuer Firefox, tout du moins participer directement à freiner son ascension.

Soit la société oublie le H.264 en optant pour le VP8 d’On2. Mais reste alors à savoir quelle sera la nature de ce format. Si Google décide de le libérer en donnant le la en l’installant sur YouTube, c’est non seulement Firefox qui en profitera mais le Web tout entier.

Le choix est important, parce qu’au-delà de l’avenir de la vidéo sur le Web, c’est l’avenir de Google dont il est question. Et aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, l’avenir de Google rejoint souvent l’avenir du Web tout court, ce qui en dit long sur sa puissance et son influence actuelles sur le réseau.

Il est bien évident que le H.264 ou le VP8 fermé serait à priori la meilleure option pour Google en tant que multinationale cotée en bourse avec des actionnaires qui réclament leurs dividendes. Mais ce serait la plus mauvaise pour les partisans d’un Web libre et ouvert. « Google is not evil » nous dit le slogan, alors qu’elle le prouve en faisant le bon choix, celui de l’intérêt des utilisateurs. Google en tirerait alors l’avantage de conserver une image positive de plus en plus écornée ces derniers temps. Dans le cas contraire le masque serait définitivement levé[1] et le bénéfice du doute ne serait plus permis.

Tel est en substance le message lancé par la FSF que nous avons traduit ci-dessous.

Lettre ouverte à Google : libérez le VP8, et utilisez-le sur YouTube

Open letter to Google: free VP8, and use it on YouTube

Holmes – 19 février 2010 – FSF Blogs
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

Après son acquisition d’On2, entreprise spécialisée en technologie de compression vidéo, le 16 février 2010, Google est à présent en position de standardiser les formats vidéo libres et ainsi libérer le Web à la fois du Flash et du codec propriétaire H.264.

Cher Google,

Après votre rachat d’On2, vous possédez désormais le plus important site de vidéos au monde (YouTube) et tous les brevets déposés pour un nouveau codec vidéo de haute performance, le VP8. Imaginez ce que vous pouvez accomplir si vous rendez disponible, de façon irrévocable, le codec VP8 sous une licence libre de royalties, et le proposez aux utilisateurs de YouTube ? Vous pouvez mettre un terme à la dépendance du Web aux formats vidéo criblés de brevets et aux logiciels propriétaires tel que Flash.

Garder le secret sur les spécifications de cette technologie ou ne l’utiliser que comme levier de négociation desservirait le monde du Libre, en n’apportant dans le meilleur des cas que des bénéfices à court terme à votre entreprise. Libérer le code du VP8 sans recommander ce format aux utilisateurs de YouTube constituerait une occasion manquée et nuirait au navigateurs libres tel que Firefox. Nous voulons tous que vous fassiez le bon choix. Libérez le code de VP8, et utilisez-le pour YouTube !

Pourquoi ce serait un immense bond en avant

Le monde disposerait alors d’un nouveau format libre affranchi de brevets logiciels. Internautes, créateurs de vidéo, développeurs de logiciels libres, constructeurs de matériel informatique, tout le monde pourrait distribuer de la vidéo sans se soucier des brevets, des droits d’utilisation et des restrictions. Le format vidéo libre Ogg Theora est au moins aussi performant pour la vidéo sur le web (voir comparatif) que son concurrent fermé, le H.264, et jamais nous n’avons approuvé les objections que vous opposiez à son utilisation. Puisque vous avez pris la décision d’acquérir le VP8, on peut néanmoins supposer que ce format ne soulève pas selon vous les mêmes objections, et que l’implémenter dans YouTube est un jeu d’enfant.

Vous avez le pouvoir de faire de ce format libre un standard planétaire. Si YouTube, qui héberge la quasi totalité des vidéos numériques jamais conçues, proposait un format libre en option, ce simple changement vous vaudrait le soutien d’une pléthore de fabricants d’appareils et d’applications numériques.

Cette capacité à proposer un format libre sur YouTube n’est toutefois qu’une partie infime de votre véritable pouvoir. On passera aux choses sérieuses quand vous encouragerez les navigateurs des utilisateurs à prendre en charge les formats libres. Il existe un tas de moyens de s’y prendre. La meilleure, à nos yeux, serait que YouTube abandonne le Flash au profit des formats libres et du HTML, et propose à ses utilisateurs équipés de navigateurs obsolètes un plug-in ou un navigateur moderne (un logiciel libre, bien sûr). Apple a eu le cran de mettre au rebut le Flash pour l’iPhone et l’iPad (même si leurs raisons sont suspectes et leurs méthodes détestables les DRM), et cette décision pousse les développeurs Web à créer des alternatives sans Flash de leurs pages. Vous pourriez faire de même avec YouTube, pour des raisons plus nobles, ce qui porterait un coup fatal à la prédominance de Flash dans le secteur des vidéos en ligne.

Même des actions de moindre envergure porteraient leur fruits. Vous pourriez par exemple susciter l’intérêt des utilisateurs avec des vidéos HD disponibles sous format libre, ou inciter fortement les utilisateurs à mettre à niveau leur navigateur (plutôt que de mettre Flash à jour). De telles mesures sur YouTube porteraient la prise en charge des formats libres par les navigateurs à un niveau de 50% et plus, et elles augmenteraient lentement le nombre d’internautes qui ne prendraient pas la peine d’installer un plug-in Flash.

Si le logiciel libre et l’internet libre vous tiennent à cœur (un mouvement et un médium auxquels vous devez votre réussite), vous devez prendre des mesures drastiques pour remplacer Flash par des standards ouverts et des formats libres. Les codecs vidéo brevetés ont déjà fait un tort immense au Web et à ses utilisateurs, et cela continuera tant que nous n’y mettrons pas un terme. Parce qu’il était coûteux d’implémenter des standards bardés de brevets dans les navigateurs, un logiciel privateur aussi lourd qu’inadapté (le Flash) est devenu le standard de facto pour la vidéo en ligne. Tant que nous ne passerons pas aux formats libres, la menace des actions en justice pour violation de brevet et des royalties à verser pèsera sur tous les développeurs de logiciel, les créateurs de vidéo, les fabricants de matériel informatique, les sites Internet et les entreprises du Web, vous y compris.

Vous pouvez utiliser votre acquisition d’On2 comme simple levier de négociation pour apporter votre propre solution au problème, mais ce serait à la fois un faux-fuyant et une erreur stratégique. Si vous ne faites pas du VP8 un format libre, ce ne sera jamais qu’un codec vidéo de plus. À quoi servirait un énième format vidéo souffrant d’une compatibilité avec les navigateurs limitée par des brevets ? Vous devez au public et à l’Internet de résoudre ce problème ; vous le devez à nous tous, et pour toujours. Des organisation telles que Xiph, Mozilla, Wikimedia, la FSF et On2 elle-même mettent l’accent sur la nécessité d’imposer les formats libres et se battent corps et âme pour rendre cela possible. À votre tour, maintenant. Si vous en décidez autrement, nous saurons que vous avez à cœur non pas la liberté des utilisateurs mais seulement le règne sans partage de Google.

Nous voulons tous que vous preniez la bonne décision. Libérez le code du VP8 et utilisez-le sur Youtube !

Notes

[1] Crédit photo : Diegosaldiva (Creative Commons By)




Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ?

The unnamed - CC by-saBruce Byfield est un journaliste américain que nous avons souvent traduit sur le Framablog.

Il nous livre ici une sorte de témoignage confession autour de cette simple question : Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ? Une question qui, vers la fin, en cache une autre : Pourquoi le logiciel libre n’est-il pas important pour les autres ?

La réponse m’a alors fait fortement penser à l’Allégorie de la caverne de Platon parce que « pour une grande majorité, le Libre contraste tellement avec ce qu’ils connaissent qu’ils peinent à concevoir que cela existe »[1].

Mais je ne vous en dis pas plus…

Pourquoi les 4 libertés du logiciel sont plus importantes que jamais pour les Linuxiens

Why ‘Free as in Freedom’ is More Important Than Ever for Linux Users

Bruce Byfield – 17 novembre 2009 – LinuxPlanet.com
(Traduction Framalang : Don Rico)

Une marionnette heureuse de sa condition

La Free Software Foundation organise un concours de vidéos sur le thème « Pourquoi le logiciel libre est-il important pour vous ? » C’est une question qui tombe à point nommé, en raison, d’une part, de la récente sortie de Windows 7, et d’autre part des bisbilles au sein de la communauté du Libre qui ont tellement gagné en virulence que ses partisans semblent en passe d’oublier leur objectif commun.

Je n’ai pas le talent pour monter une vidéo, mais ce concours m’a poussé à m’interroger : Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ? Pourquoi la plupart de ceux qui m’entourent s’en soucient comme d’une guigne ? Ces deux questions sont plus intimement liées qu’on pourrait le croire au premier abord.

Une changement de logiciel et de relations

À certains égards, il m’est plus facile d’expliquer ce qui ne présente pas d’intérêt pour moi dans le logiciel libre que ce qui en présente. Par exemple, le code que j’écris se limite à des modifications d’un code existant, aussi avoir accès au code source n’est pour moi qu’un avantage indirect.

De la même manière, être journaliste spécialisé dans le domaine du logiciel libre ne présente que peu de bénéfices pour moi. J’aurais davantage de débouchés et de lecteurs si j’écrivais des rubriques sur le matériel, Windows, et même OS X.

La gratuité du logiciel m’importe peu elle aussi, car depuis des années je peux défalquer le prix des logiciels acquis de ma déclaration de revenus. D’ailleurs, utiliser des logiciels libres et gratuits est même un désavantage lorsque je déclare mes impôts, car j’ai moins de frais professionnels à déduire.

Je ne peux même pas avancer l’argument que je voue une vive haine à Microsoft – mon sentiment envers cette entreprise est plus une grande méfiance et le désir d’avoir le moins possible affaire à elle.

Microsoft a néanmoins contribué à me pousser vers le logiciel libre. Un mois à peine après l’acquisition de ma première machine, je pestais déjà contre les carences du DOS, que j’ai remplacé par 4DOS. 4DOS était alors un partagiciel (à l’époque, quasi personne ne connaissait l’existence des logiciels libres) et ses fonctionnalités plus riches m’ont appris que le prix de vente d’un programme n’avait rien à voir avec sa qualité.

C’est aussi cette recherche de qualité qui m’a conduit à préférer OS/2 à Windows 3.0, et à vouloir être en mesure de bidouiller mes logiciels.

L’abandon d’OS/2 par IBM sous la pression de Microsoft m’a fourni un enseignement supplémentaire : je ne pouvais compter sur une entreprise commerciale pour protéger mes intérêts en tant que client. Lorsque j’ai découvert le logiciel libre, je me suis aussitôt rendu compte que mes intérêts en tant qu’utilisateur seraient sans doute mieux protégés par une communauté. Au moins, la mise à disposition du code source réduisait les risques que l’on cesse de veiller à mes intérêts.

Au cours des dix dernières années, l’évolution du monde des affaires et de la technologie n’a fait que renforcer ces convictions. À une époque où primait le bon sens, les ordinateurs et internet auraient été construits à partir de standards élaborés de façon collaborative et soumis à la régulation des pouvoirs publics, comme la télévision et la radio l’ont été au Canada et en Europe. Hélas, l’informatique et l’internet étant apparus à l’ère où dominait le conservatisme américain, ils ont été développés pour leur majeure partie par des entreprises privées.

Le résultat ? Qualité discutable, obsolescence programmée, et absence quasi totale de contrôle par l’utilisateur. Les utilisateurs de Windows et de Mac OS X ne possèdent même pas les logiciels qu’ils achètent, on leur accorde seulement un licence pour les utiliser. D’après les termes de ces licences, ils n’ont même pas le droit de contrôler l’accès que peuvent avoir Microsoft ou Apple à leur matériel ou à leurs données.

Du point de vue du consommateur, une telle situation serait inacceptable avec n’importe quel appareil. Qui tolérerait pareilles restrictions si elles s’appliquaient aux voitures ou aux cafetières électriques ?

La véritable liberté

Dans le domaine de l’informatique et de l’internet, pourtant, la situation est quasi catastrophique. Les ordinateurs pourraient être le plus formidable outil de tous les temps pour la promotion de l’éducation et de la liberté d’expression. De temps à autre, les entreprises propriétaires reconnaissent par un petit geste ce potentiel en créant des logiciels éducatifs ou en vendant leurs produits à bas prix aux pays en voie de développement.

Pourtant, dans la plupart des cas, ce potentiel n’est exploité au mieux qu’à 50% par les logiciels propriétaires. Leur coût élevé et l’absence de contrôle par l’utilisateur signifient que l’accès à ces outils reste bridé et filtré par leurs fabricants. À cause d’un hasard de l’Histoire, nous avons laissé des entreprises commerciales utiliser ces technologies, ce qui est bien sûr tout à fait acceptable, mais aussi avoir le contrôle sur tous ceux qui comme eux les utilisent.

Le logiciel libre, lui, reprend une partie de ce contrôle aux entreprises commerciales et rend l’informatique et internet plus accessibles à l’utilisateur moyen. Grâce aux logiciels libres, notre capacité à communiquer n’est plus restreinte par notre capacité financière à acquérir tel ou tel programme. Ce n’est pas la panacée, car le prix du matériel reste une barrière pour certains, mais il s’agit d’un pas de géant dans la bonne direction.

Pour résumer, le logiciel libre est une démocratisation d’une technologie privative. On retrouve cet esprit intrinsèque dans les communautés qu’il génère, dans lesquelles la norme est le bénévolat,le partage et la prise de décision collégiale. On le retrouve aussi dans l’utilisation de logiciels libres pour la création d’infrastructures dans les pays en développement, ou dans les initiatives que mènent l’Open Access Movement (NdT : Mouvement pour l’Accès Ouvert) pour affranchir les chercheurs universitaires des revues à accès restreint, de sorte que tout un chacun puisse les exploiter. En un mot, le logiciel libre, c’est un pas en avant pour atteindre les idéaux sur lesquels la société moderne devrait reposer.

On pourrait me rétorquer que d’autres causes, telles que la lutte contre la faim et la misère dans le monde, sont plus importantes, et je vous donnerais raison. Néanmoins, c’est une cause à laquelle je peux apporter ma modeste contribution. À mon sens, elle est non seulement importante, mais si essentielle pour les droits de l’homme et la liberté de la recherche que je peine à comprendre pourquoi elle n’est pas déjà universelle.

Hors du cadre de référence

Hélas, le logiciel libre ne peut se targuer que d’un nombre d’utilisateurs réduit, même si celui-ci augmente sans cesse. On cite souvent les monopoles, l’ampleur de la copie illégale, l’absence d’appui des constructeurs, les luttes intestines au sein des communautés et l’hostilité envers les non-initiés, pour expliquer pourquoi l’utilisation des logiciels libres n’est pas plus répandue. Toutes ces raisons jouent sans doute un rôle, mais je soupçonne les véritables causes d’être beaucoup plus simples.

« Je ne comprends pas qu’on puisse encore utiliser Windows », ai-je un jour grommelé en présence d’un ami. « Parce que c’est préinstallé sur tous les ordinateurs ? » a-t-il répondu. Il n’avait sans doute pas tort.

On pourrait penser que des gens qui passent de huit à quatorze heures devant leur machine souhaiteraient avoir davantage de contrôle sur elle. Mais il ne faut jamais sous-estimer la force de la peur du changement. Si les ordinateurs sont vendus avec un système d’exploitation préinstallé, la plupart des utilisateurs s’en accommodent, même s’ils passent leur temps à s’en plaindre ou à s’en moquer.

Je pense néanmoins que le frein principal à une adoption plus massive des logiciels libres est plus basique encore. Pour une grande majorité, le Libre contraste tellement avec ce qu’ils connaissent qu’ils peinent à concevoir que cela existe.

Le logiciel libre trouve son origine dans l’informatique universitaire des années 1960 et 1970, mais pour le plus grand nombre, l’histoire de l’informatique ne commence qu’avec l’apparition de l’ordinateur personnel sur le marché vers 1980.

Depuis, les logiciels sont avant tout des produits marchands, et le fait que les fabricants aient tout contrôle sur eux constitue la norme. Même si de temps à autre il arrive aux utilisateurs de râler, ils sont habitués à perdre les droits qui devraient être les leurs en matière de propriété dès qu’ils sortent leur logiciel de sa boîte.

De nombreux utilisateurs ignorent encore quels sont les objectifs du logiciel libre. Pourtant, s’ils sont un jour amenés à découvrir le logiciel libre, ils apprennent vite que ses aspirations sont radicalement différente.

Pour le mouvement du Libre, le logiciel n’est pas une marchandise mais un médium, comparable aux ondes télé ou radio, qui devrait être fourni à tous avec leur matériel informatique. Cette philosophie suggère que l’utilisateur moyen devrait être plus actif dans sa façon d’utiliser son ordinateur et modifier son rapport aux fabricants.

Face à des aspirations si opposées, quelle peut être la réaction de l’utilisateur moyen à part l’incompréhension et le rejet ? Il se peut que son premier réflexe consiste à penser que tout cela est trop beau pour être vrai. Il risque de ne pas croire à la façon dont sont conçus les logiciels libres, et craindre des coûts cachés ou la présence de logiciels malveillants.   Cet utilisateur n’est pas près de prendre ces promesses pour argent comptant, et il n’y a rien d’étonnant à cela.

Le logiciel libre diffère tant des logiciels qu’il utilise depuis toujours qu’il n’a pas de cadre de référence. Le fait que le Libre offre plus de souplesse et plus de possibilité de contrôle qu’il n’en a jamais eu ne fait pas le poids contre l’incapacité de l’utilisateur à le rapprocher du reste de son expérience avec les logiciels. Plutôt que de de se jeter dans les bras du Libre, il risque de le rejeter par incompréhension.

Retour aux fondamentaux

Lors de mon premier contact avec le Libre, je l’ai considéré comme un phénomène isolé. Ses similitudes avec d’autres tendances ou mouvements historiques ne me sont apparues que plus tard. Aujourd’hui encore, il m’arrive de temps à autre de négliger trop facilement son importance, et je soupçonne qu’il en va de même pour de nombreux membres de la communauté.

Cette remarque s’applique surtout pour ceux qui se définissent comme partisans de l’Open Source, lesquels accordent de la valeur au logiciel libre principalement pour la qualité supérieure que permet le code ouvert. Ils oublient parfois, comme me l’a un jour confié Linus Torvalds, que ce confort accordé aux codeurs n’est qu’un moyen permettant d’accéder à la liberté de l’utilisateur.

Mais négliger l’importance du logiciel libre a un effet encore plus profond. Nous, qui appartenons à la communauté, sommes conscients de cette importance, mais nous la prenons souvent pour acquise. Pris dans notre routine, nous perdons de vue que ce qui nous semble normal peut se révéler déroutant et menaçant pour qui en entend parler pour la première fois.

Chaque année, le logiciel libre accomplit de nouvelles avancées. Quand je fais le point sur mes dix ans d’activité dans ce domaine, je suis souvent stupéfait par les progrès dont j’ai été témoin, à la fois concernant les logiciels eux-mêmes et le succès qu’ils remportent en dehors de la communauté. Néanmoins, le logiciel libre pourrait rencontrer le succès plus vite si ceux qui participent au mouvement se remémoraient plus souvent son importance et se rendaient compte du caractère déconcertant qu’il peut avoir pour les néophytes.

Notes

[1] Crédit photo : The unnamed (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Oracle rachète Sun

Oracle a racheté Sun en avril dernier, ce qui n’a pas été sans créer un certain émoi dans la communauté du libre.

Ainsi on pouvait lire sur LinuxFr : « L’accord cite principalement les deux principaux actifs logiciels de Sun : Java et Solaris. On peut se demander ce qu’il adviendra des produits libres de Sun (Java, MySQL, OpenOffice.org, VirtualBox, OpenSolaris, GlassFish, OpenSPARC, NetBeans, etc.) et surtout de leur politique globale vers le libre. »

PS : Notons que la situation n’était pas forcément rose non plus avant l’arrivée d’Oracle.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




L’Éclaternet ou la fin de l’Internet tel que nous le connaissons ?

Raúl A. - CC byUne fois n’est pas coutume, nous vous proposons aujourd’hui une traduction qui non seulement ne parle pas de logiciel libre mais qui en plus provient de CNN, et même pire que cela, de sa section Money !

Et pourtant il nous semble pointer du doigt une possible évolution d’Internet, celle de son éclatement sous la pression des smartphones et autres objets connectés tels ces nouvelles liseuses et tablettes dont on vante tant les futurs mérites.

Une évolution possible mais pas forcément souhaitable car c’est alors toute la neutralité du Net qui vacille puisque les trois couches qui définissent le réseau d’après Lessig se trouvent ensemble impactées.

l’iPad ou le Kindle en sont des exemples emblématiques car ce sont des ordinateurs (la couche « physique ») dont Apple et Amazon contrôlent à priori les protocoles et les applications (la couche « logique ») et peuvent filtrer à leur guise les fichiers (la couche des « contenus »).

L’article s’achève sur une note optimiste quant au HTML5 et au souci d’interopérabilité. Encore faudrait-il avoir affaire à des utilisateurs suffisamment sensibilisés sur ces questions[1].

Hier encore on nous demandait : T’es sous quel OS, Windows, Mac ou Linux ? Aujourd’hui ou tout du moins demain cela pourrait être : T’es sous quel navigateur, Firefox, Internet Explorer ou Chrome ?

Et après-demain on se retrouvera à la terrasse des cafés wi-fi, on regardera autour de nous et on constatera, peut-être un peu tard, qu’à chaque objet différent (netbook, smartphone, iPad, Kindle et leurs clones…) correspond un Internet différent !

La fin de l’Internet tel que nous le connaissons, grâce à l’iPad et aux autres

End of the Web as we know it, thanks to iPad and others

Julianne Pepitone – 3 février 2010 – CNNMoney.com
(Traduction Framalang : Martin et Goofy)

Pendant plusieurs années, l’Internet a été relativement simple : tout le monde surfait sur le même réseau.

Plus on s’avance vers 2010, plus l’idée d’un même Internet « taille unique » pour tous devient un souvenir lointain, à cause de l’arrivée de l’iPhone, du Kindle, du BlackBerry, d’Android, et bien sûr du fameux iPad.

La multiplication des gadgets mobiles allant sur Internet s’accompagne à chaque fois d’un contenu spécifique pour chaque appareil. Par exemple, l’application populaire pour mobile Tweetie permettant de se connecter à Twitter n’est disponible que pour l’iPhone, alors que l’application officielle pour Gmail ne l’est que pour Android. Et si vous achetez un e-book pour le Kindle d’Amazon, vous ne pourrez pas forcément le lire sur d’autres lecteurs électroniques.

En même temps de plus en plus de contenus en ligne sont protégés par un mot de passe, comme la plupart des comptes sur Facebok et certains articles de journaux.

C’est un Internet emmêlé qui est en train de se tisser. Simplement, le Web que nous connaissions est en train d’éclater en une multitude de fragments. C’est la fin de l’âge d’or, selon l’analyste de Forrester Research Josh Bernoff, qui a récemment formulé le terme de « éclaternet » pour décrire ce phénomène (NdT : the splinternet).

« Cela me rappelle au tout début d’Internet la bataille de fournisseurs d’accès entre AOL et CompuServe » dit Don More, du fond de capital risque Updata, une banque d’investissement conseillère dans les technologies émergentes de l’information. « Il y aura des gagnants et des perdants ».

Dans ces premiers temps du Web, les utilisateurs accédaient aux contenus en utilisant des systèmes spécifiques ; ainsi les abonnés de chez AOL ne pouvaient voir que les contenus AOL. Puis le World Wide Web est devenu une plateforme ouverte. Maintenant les appareils nomades sont à noueau en train de morceler le Web.

D’après Bernoff, « Vous ne pouvez plus recoller les morceaux, la stabilité qui a aidé le Web à prendre forme s’en est allée, et elle ne reviendra plus ».

Des angles morts

Quand les utilisateurs d’appareils mobiles choisissent d’acheter un iPhone, un Motorola avec Android, un BlackBerry ou d’autres, ils sont effectivement en train d’opter pour certains types de contenus ou au contraire d’en abandonner d’autres, puisque toutes les applications ne sont pas disponibles sur tous ces gadgets.

D’après Don More de Updata, ce phénomène est en train de mettre le contenu dans des « communautés fermés ». Les fabricants de ces appareils peuvent (et ils le font) prendre et choisir quelles applications fonctionneront avec leur machine, en rejetant celles qui pourraient être en concurrence avec leurs propre produits, ou bien celles qu’ils estiment n’être pas à la hauteur.

Par exemple, Apple a rejeté l’application Google Voice sur l’iPhone, qui aurait permis aux utilisateurs d’envoyer gratuitement des messages et d’appeler à l’étranger à faible coût.

Et les limitations ne s’arrêtent pas seulement aux applications. Une affaire d’actualité : Le nouvel iPad ne prend pas en charge le lecteur Flash d’Adobe, ce qui empêchera les utilisateurs d’accéder à de nombreux sites.

Bernoff ajoute : « bien que (cette tendance) ne soit pas nécessairement mauvaise pour les consommateurs, ils devraient prendre conscience qu’ils sont en train de faire un choix. Quoi qu’ils choisissent, certains contenus ne leur seront pas disponibles ».

Des choix difficiles

Les entreprises qui créent les applications sont maintenant confrontées à des choix difficiles. Quels appareils choisiront-elles de prendre en charge ? Combien d’argent et de temps devront-elles prendre pour que leurs contenus fonctionnent sur ces gadgets ?

Quel que soit le choix des développeurs, il leur manquera toujours une partie des consommateurs qu’ils pouvaient auparavant toucher lorsque le Web était un seul morceau.

Sam Yagan, co-fondateur du site de rencontres OKCupid.com, ajoute : « quand nous avons commencé notre projet, jamais nous avons pensé que nous aurions à faire face à un tel problème. Réécrire un programme pour un téléphone différent c’est une perte de temps, d’argent, et c’est un vrai casse-tête ».

D’après Yagan, OkCupid emploie 14 personnes, et son application pour l’iPhone a nécessité 6 mois de travail pour être développée. L’entreprise envisage de créer une application pour Android, ce qui prendra environ 2 mois.

« C’est un énorme problème de répartition des ressources, surtout pour les petites entreprises », explique Yagan, « Nous n’avons tout simplement pas assez de ressources pour mettre 5 personnes sur chaque appareil qui sort ».

Chris Fagan, co-fondateur de Froogloid, une société qui propose un comparateur pour le commerce électronique, dit que son entreprise a choisi de se spécialiser sur Android, car il marche avec plusieurs téléphones comme le Droid, Eris, ou G1.

Selon Fagan « les consommateurs sont en train de perdre des choix possibles, et les entreprises sont en train de souffrir de ces coûts supplémentaires ». Mais il ajoute que la popularité en plein essor des applications signifie que les entreprises continueront à en concevoir malgré leur coût.

Et après ?

Comme un Internet plus fragmenté devient chose courante, Bernoff de Forrester pense qu’il y aura un contrecoup : une avancée pour rendre le contenu sur mobile plus uniforme et interopérable.

La solution pourrait bien être la nouvelle version du langage Web qui arrive à point nommé, le HTML5, qui d’après Bernoff pourrait devenir un standard sur les appareils nomades dans quelques années. Par exemple, le HTML5 permet de faire fonctionner des animations sur les sites Web sans utiliser le Flash.

Mais l’arrivée de n’importe quelle nouvelle technologie déclenchera une lutte pour la contrôler. Don More de Updata s’attend à voir « une bataille sans merci entre les entreprises (pas seulement Apple et Google, mais aussi Comcast, Disney et tous ceux qui s’occupent des contenus). Que ce soit les applications, les publicités, les appareils… tout le monde est en train d’essayer de contrôler ces technologies émergentes ».

Évidemment, personne ne peut prévoir le futur du Web. Mais Bernoff est au moins sûr d’une chose.

« Nous ne connaissons pas ce que seront les tous nouveaux appareils en 2011. Mais ce qui est certain, c’est que l’Internet ne fonctionnera plus comme on l’a connu. »

Notes

[1] Crédit photo : Raúl A. (Creative Commons By)




Naissance du (pas très bien nommé) Conseil National du Logiciel Libre

Gruntzooki - CC by-saCe matin je reçois dans ma boite aux lettres (électronique) un communiqué de presse m’informant de la création du Conseil National du Logiciel Libre (ou CNLL).

Le nom m’a intrigué parce que de Conseil national, je connaissais surtout celui de Suisse, de la Résistance et de l’Ordre des médecins !

En fait il s’agit d’une nouvelle association nationale regroupant 10 associations régionales représentant 200 entreprises françaises spécialisées dans le logiciel libre.

Le CNLL a pour vocation de parler au nom de l’ensemble de la filière économique du logiciel libre, sans discrimination, afin de faire connaître les bénéfices du logiciel libre dans le contexte actuel de relance économique, et de faire entendre les demandes de ses membres auprès des pouvoirs publics, pour un soutien à l’activité économique de la filière.

L’union faisant la force, c’est une très bonne nouvelle que voilà.

D’ailleurs l’Aful, associée au communiqué de presse, se réjouit de cette création. Tandis que l’April salue l’initiative.

On remarquera au passage la subtile nuance entre la réjouissance et la salutation. Le titre de l’annonce n’étant d’ailleurs pas le même chez nos deux associations : Création du Conseil National du Logiciel Libre pour le premier, Création d’une fédération professionnelle du Logiciel Libre pour le second 😉

J’ai eu la curiosité de parcourir la FAQ du site.

« Logiciels Libre » ou « Open Source », quelle est la position du CNLL ?

Logiciel Libre et Open Source Software désignent des logiciels dont les licences permettent de les utiliser, de les modifier et de redistribuer librement, selon des conditions qui ont été codifiées précisément, respectivement par la FSF et l’OSI. Les deux termes ont cependant des connotations différentes, et certains préfèrent utiliser l’un plutôt que l’autre, ce que nous respectons, tout en estimant que nous n’avons pas à trancher dans ce débat.

Quelle que soit la façon dont on les appelle, nous estimons que le processus de développement et de diffusion des logiciels libres / open source est à même d’apporter plus de valeur à moindre coût, et plus de contrôle sur leurs choix technologiques, aux clients des entreprises que nous représentons.

Cette dernière phrase a tout de même de forts accents « open source » selon moi. Comme si on répondait tout de même à la question en faisant un choix (au demeurant tout à fait cohérent, logique et respectable)[1].

Mais du coup je n’aurais pas forcément adopté un tel nom de baptême, qui peut prêter à confusion dans le sens où on ne comprend pas forcément qu’il s’agit de fédérer des entreprises.

Proposition alternative : l’ANAREFOS pour Association Nationale des Associations Régionales des Entreprises Françaises Open Source. Mais c’est plus long, moins sexy et puis il y a « anar » dedans !

Certaines mauvaises langues m’objecteront qu’il existait déjà une structure similaire avec la FniLL, qui a pour « vocation de représenter en France l’ensemble des acteurs professionnels qui participent au dynamisme de l’économie du Logiciel Libre ». N’étant pas dans le secret des dieux, je me dis qu’il doit y avoir quelques bonnes raisons à une telle (saine) concurrence.

Aful / April, CNLL / FniLL, Logiciel Libre / Open Source, ce billet figurera en bonne place dans le « Hall of Troll » du blog !

Mais qu’on ne se meprenne pas. Moi aussi je salue, que dis-je, je me réjouis de la naissance de ce projet qui témoigne du dynamisme des FLOSS dans notre beau pays 😉

Notes

[1] Crédit photo : Gruntzooki (Creative Commons By-Sa)