Open Attribute : Rendre à César ce que César a rendu libre

Open Attribute - Mozilla DrumbeatIssu de l’incubateur Mozilla Drumbeat, Open Attribute un petit projet bien pratique pour justement créditer les auteurs qui ont généreusement choisi de placer leurs ressources sous licence libre ou licence de libre diffusion.

Il s’agit pour le moment d’une extension Firefox (mais aussi Chrome) qui affiche une icône active, dans la barre d’adresse de votre navigateur, à chaque fois que vous passez sur un site dont le contenu est sous licence libre (comme Wikipédia ou une partie de l’annuaire de photographies Flickr).

En cliquant sur cette icône, on vous proposera un texte à copier/coller si jamais il vous vient l’envie de réutiliser ce contenu. C’est bien pratique et cela contribue à ne pas casser le cercle vertueux du Libre en oubliant de citer la source et la paternité du contenu dont vous souhaitez faire usage.

La condition c’est que le site ait bien renseigné ses métadonnées en indiquant la licence de son contenu. Mais si tel n’était pas le cas, cela participera justement à ce que de plus en plus de sites fassent cet effort (comme… Framasoft par exemple !).

Nous en avons traduit ci-dessous l’annonce sur la page d’accueil du projet.

Rendre à César ce qui appartient à César

Give credit where credit is due

(Traduction Framalang : Antistress et Sylvain)

Le problème : Les œuvres sous licences Creative Commons sont fantastiques mais il peut être difficile d’en connaître les auteurs. La règle d’or pour pouvoir utiliser une œuvre placée sous une licence permissive est d’en attribuer la paternité à son (ses) auteur(s). Il y a d’autres conditions plus poussées à respecter mais ces conditions peuvent être confuses et difficile à trouver.

La solution : Un outil simple que chacun peut utiliser d’un clic et qui permet de respecter ces conditions. C’est pourquoi nous avons conçu Open Attribute, un ensemble d’outils qui facilite grandement la reproduction des conditions d’utilisation de n’importe quelle œuvre sous licence Creative Commons. Ces outils vont extraire les métadonnées relatives à la licence d’utilisation de l’œuvre et produire le texte de la licence d’utilisation qu’il ne restera plus qu’à copier/coller selon ses besoins.

Open Attribute est né au festival de Barcelone “Learning, Freedom and the Web” dans le cadre du projet Mozilla Drumbeat. Un groupe de volontaires de différents pays a collaboré pour concevoir, réaliser et publier Open Attribute. Un grand merci à tous ceux qui ont travaillé dur pour y arriver !




Bataille de la vidéo sur le Web : Quand Google restreint pour mieux ouvrir ?

Justin De La Ornellas - CC byLa semaine dernière Google annonçait que Chrome, le navigateur de la firme, ne supporterait plus dorénavant le format vidéo fermé et payant H.264 pour la vidéo sur le Web, préférant promouvoir exclusivement les formats vidéo libres et gratuits tels que WebM (VP8) et Ogg Theora.

Cette décision a été diversement accueillie, certains félicitant Google de continuer à peser de tout son poids pour faire émerger un standard libre et gratuit pour la vidéo sur le Web (on se souvient que Google a racheté l’année dernière la société On2 à l’origine du codec vidéo VP8 – que l’on retrouve dans le format WebM – pour permettre à chacun de l’implémenter et de l’utiliser gratuitement). Tandis que d’autres ont reproché à Google son incohérence en continuant de supporter dans le même temps le greffon propriétaire Flash.

En effet, jusqu’à présent la vidéo sur le Web nécessitait un greffon (typiquement Flash, de la société Adobe, omniprésent) qui agissait comme une boite noire en s’intercalant entre le navigateur et l’utilisateur. La récente mise à jour de la spécification HTML (qui sert à créer et afficher les pages Web) offre depuis la possibilité d’afficher les vidéos directement dans n’importe quel navigateur à jour, sans avoir à dépendre d’un unique logiciel appartenant à une unique société privée avec tous les dangers que cela représente[1].

Mais il reste pour cela à se mettre d’accord sur le choix du format dans lequel encoder la vidéo. Apple (Safari) refuse d’implémenter autre chose que le format payant H.264 qu’il souhaiterait voir s’imposer, ce qui placerait la vidéo sur le Web entre les mains d’un consortium de sociétés privées chargé de récolter les redevances et créerait un péage incontournable pour toute société qui souhaiterait innover sur le Web (avec ce système, Firefox et bien d’autres n’auraient jamais pu voir le jour). Pour leur part, Mozilla (Firefox), Opera et Google (Chrome) soutiennent WebM et Ogg Theora en tant que technologies libres et gratuites pouvant être mises en œuvre par n’importe qui sans restriction. Pendant ce temps Microsoft compte les points, n’excluant aucune des solutions

Tristan Nitot, Président de Mozilla Europe, l’explique bien : « Si le Web est si participatif, c’est parce qu’il n’y a pas de royalties pour participer et créer un contenu. (Faire le choix du H.264) serait hypothéquer l’avenir du Web. On créerait un îlot technologique, un club de riches : on pourrait produire du texte ou des images gratuitement, mais par contre, pour la vidéo, il faudrait payer. »

Nous avons choisi de reproduire ici la réponse de Haavard, employé chez Opera Software, à ceux qui dénoncent la récente décision de Google.

Le retrait de Chrome du codec H.264 conduit-il à moins d’ouverture ?

Is the removal of H.264 from Chrome a step backward for openness?

par Haavard, employé chez Opera Software, le 13 janvier 2011
(Traduction Framalang : Antistress et Goofy)

Dans un long article publié sur le site Ars Technica, Peter Bright soutient que retirer de Chrome le support d’un standard fermé conduit à moins d’ouverture.

Je suis fermement en désaccord avec cette assertion et je vais essayer d’expliquer rapidement pourquoi et ce qui cloche avec les arguments mis en avant dans l’article.

1. « H.264 est un standard ouvert »

Malheureusement H.264 est un format breveté et vous ne pouvez l’utiliser sans bourse délier. Conformément à la politique du W3C sur les brevets, cela est incompatible avec la définition d’un standard ouvert, spécialement dans le contexte du Web. D’après la définition même de « ouvert », H.264 ne peut être ouvert car il ne peut être utilisé sans payer.

2. « VP8 n’est pas un standard ouvert »

Ce point est exact, en effet. Le format VP8 est une technologie avec une spécification, pas un standard. Pourtant Google a choisi de concéder à chacun le droit de l’utiliser sans payer de redevance. Ce qui signifie que VP8 est en fait un bon candidat pour devenir un véritable standard ouvert pour le Web.

3. « H.264 est libre d’utilisation à certaines conditions »

Rappelez-vous que H.264 coûte toujours de l’argent. Et même si des produits avec une faible base d’utilisateurs peuvent être exemptés dans un premier temps, vous devez toujours ouvrir votre portefeuille à un moment donné si vous voulez réaliser quelque chose sur le Web. Le consortium MPEG-LA a intelligemment « offert » la première dose. Une fois que vous êtes accro, ils peuvent commencer à vous présenter la facture.

C’est un leurre destiné à vous appâter.

4. « Le support de H.264 n’est pas requis dans la spécification HTML5 »

Mais cela deviendrait un autre standard de fait, fermé, comme l’était Internet Explorer 6. Et nous avons tous à l’esprit les dégâts que cela a causés au Web.

5. « Google fournit Chrome avec le greffon Flash préinstallé ; son attitude est hypocrite »

Cela revient à comparer des pommes avec des poires. Flash est un greffon que Google a choisit de fournir en même temps que son navigateur car il y a beaucoup de contenus qui nécessitent Flash sur le Web. H.264, loin de n’être qu’un simple greffon, ferait partie du navigateur lui-même.

Une chose qu’il est important d’avoir à l’esprit c’est que Flash est d’ores et déjà omniprésent. Si vous voulez profiter de la vidéo sur le Web, vous n’avez pas le choix : il vous faut Flash. Pourtant la « bataille » de la vidéo directement dans le navigateur, via HTML5, fait toujours rage sans qu’on puisse encore désigner le vainqueur. Mais à présent que Google laisse tomber le codec fermé H.264 dans son navigateur, la probabilité qu’un codec libre et ouvert finisse par s’imposer augmente.

Que Google continue de fournir le greffon Flash avec son navigateur est parfaitement compréhensible. La plupart des contenus vidéo sur le Web sont en Flash et Google Chrome peut ainsi continuer de les afficher, en attendant qu’un codec ouvert s’impose pour la vidéo directement dans le navigateur. Il n’y a aucune hypocrisie ici, seulement du pragmatisme.

Finalement le reproche fait à Google de livrer le greffon Flash avec son navigateur sert à détourner l’attention de la véritable question : est-ce que la vidéo directement dans le navigateur se fera au moyen d’une technologie ouverte ou fermée ?

Mise à jour : Certains brandiront iOS comme contre-argument mais ça ne résiste pas à l’analyse. Il y a une raison pour laquelle beaucoup d’utilisateurs d’iPhone/iPad sont prêts à payer même pour des solutions de transcodage de piètre qualité sur iOS : ils ne peuvent accéder à la plupart des sites de vidéos. La raison pour laquelle iOS trace sa route avec H.264 c’est basiquement que YouTube (le site d’hébergement de vidéos de Google, qui s’avère être le plus important sur le Web) le supporte. La vaste majorité des sites vidéo requièrent encore Flash. Cela dit, je comprends que certains des fans les plus importants d’Apple soient ennuyés par l’initiative de Google de promouvoir WebM. Perdre le support de YouTube serait un coup terrible pour Apple.

6. « H.264 est partout et le Web n’existe pas en vase clos »

Le fait qu’un format soit répandu en dehors d’Internet ne signifie pas qu’il convient pour le Web. Puisque le Web nécessite des formats ouverts, H.264 n’est pas adapté comme format de référence pour le Web, par définition.

Et l’argument selon lequel H.264 est partout et chacun devra faire avec ne tient pas la route à mon avis. Des sites comme YouTube doivent convertir et compresser les vidéos de toute façon, de sorte que très peu d’entre elles sont publiées telles qu’elles sortent de votre caméra.

Autrement dit : la recompression sera toujours là, et au lieu de réencoder le fichier en H.264 pour réduire sa taille et le jouer en ligne, il peut très bien être réencodé dans un format ouvert.

7. « H.264 peut être utilisé à la fois pour les vidéos en Flash et les vidéos HTML5, assurant une transition douce »

Comme je l’ai déjà expliqué, les vidéos sont habituellement recompressées d’une façon ou d’une autre. En effet, la plupart des sites offrent des vidéos de différents débits et de différentes tailles. Ils convertissent déjà les vidéos ! ils pourraient simplement les convertir dans un format ouvert à la place.

8. « Les utilisateurs de Firefox pourraient voir les vidéos H.264 en utilisant le greffon développé par Microsoft »

Notez bien le mot « greffon ». Cela veut dire que nous abandonnons la vidéo HTML5 pour retourner aux greffons. Tous les bénéfices de la vidéo directement dans le navigateur s’évanouissent (sans compter que le greffon n’existe que pour Windows 7). Par contre je pense qu’il est raisonnablement facile d’ajouter le support de WebM à Safari et Internet Explorer en complétant la liste des codecs supportés par le système d’exploitation[2].

9. « La part de marché des navigateurs qui supportent H.264 dépasse celle des navigateurs qui supportent WebM »

Google, avec son monopole de la publicité en ligne, met les bouchées doubles pour que ça n’arrive pas. Si je ne me trompe pas, la part des navigateurs basés sur les standards ouverts croît au détriment d’Internet Explorer. Bien qu’il soit impossible de mesurer de manière fiable les parts de marché de chaque navigateur, la plupart des données semblent le confirmer.

10 « La décision de Google restreint le choix des utilisateurs »

Nous attaquons maintenant le cœur du problème. Et malheureusement, c’est le format H.264 qui supprime le choix. Pendant que le format WebM maintient le Web comme plateforme ouverte, H.264 est un standard fermé détenu par un cartel d’industriels qui essaie d’éradiquer sans ménagement toute tentative de faire émerger une alternative.

Je suis également estomaqué de voir que Google est accusé de restreindre le choix des utilisateurs alors que Microsoft et Apple ne sont même pas mentionnés. Ils refusent de supporter WebM après tout.

11. « VP8 est contrôlé par Google et est propriétaire »

Je ne suis pas certain que cela fasse partie des griefs mais c’est l’interprétation que j’en ai. Et c’est un grief non fondé. Lisez la licence de WebM pour plus d’information]. WebM est un projet libre sponsorisé par Google et il est gratuitement disponible du fait de sa licence.

Propos finaux :

L’article tente de montrer que la décision de Google conduit à moins d’ouverture. En réalité l’article met sur la table toutes sortes de choses qui sont sans rapport avec cette question. Cela, je crois, pour embrouiller les choses, alors que la question des standards ouverts est une des plus importantes !

Nous pouvons facilement analyser ce qui permet plus d’ouverture dans le contexte du Web :

  • H264 est breveté, c’est donc un standard « fermé ». Il est incompatible avec la politique du W3C sur le brevets pour un Web ouvert. Par conséquent, promouvoir H.264 comme format de référence pour la vidéo HTML5 est le contraire de promouvoir l’ouverture.
  • De l’autre côté, WebM correspond bien plus à la politique des brevets du W3C. Google concède à chacun le droit d’utiliser cette technologie sans payer de redevance. Puisque WebM est ouvert, il promeut un Web ouvert.

Conclusion : En rejetant ce qui ferme le Web tout en promouvant des technologies ouvertes, Google contribue à un Web plus ouvert contrairement à ce qu’affirme l’article.

Notes

[1] Crédit photo : Justin De La Ornellas (Creative Commons By)

[2] Télécharger les codecs libres et gratuits WebM/VP8, Ogg Theora et Ogg Vorbis pour Windows – Télécharger le codec libre et gratuit WebM/VP8 pour MacOS avec les codecs libres et gratuits Ogg Vorbis et Ogg Theora pour MacOS (déposer le fichier dans votre bibliothèque QuickTime située sur votre disque dur à cet endroit : Macintosh HD/Bibliothèque/QuickTime).




Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Diego da Silva - CC byLorsque Richard Stallman s’exprime, il ne laisse généralement pas la Toile indifférente. Ce qui se comprend aisément puisque, Microsoft, Apple, Facebook, Google…, il critique ouvertement et radicalement ce que tout le monde ou presque utilise au quotidien.

Son récent avis sur le Cloud Computing en général et Google Chrome OS en particulier dans un article du Guardian que nous venons de traduire ne déroge pas à la règle[1].

Jusqu’à donner l’idée à Katherine Noyes de compiler quelques interventions lues dans les commentaires de l’article ainsi que sur le célèbre site Slashdot. Avec ce terrible constat qui ouvre le billet et que je retourne en question aux lecteurs du Framablog : Pensez-vous que Stallman a perdu ?

Déluge de critiques de Stallman sur le Cloud : Prudence ou Paranoïa ?

Stallman’s Cloudburst: Prudence or Paranoia?

Katherine Noyes – 20 décembre 2010 – E-Commerce Times
Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

« Je vais pouvoir annoncer à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », nous dit hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. »

Quand Richard Stallman s’exprime, la communauté du logiciel libre écoute en général, on en a eu une nouvelle démonstration dans la blogosphère Linux la semaine passée.

C’est à l’occasion de la sortie de Chrome OS, le nouveau système d’exploitation de Google, que le fondateur de la Free Software Foundation a donné son avis, et, fidèle à ses principes, on peut dire qu’il ne nous a pas déçus.

La technologie peut « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment », confie Stallman au journal The Guardian, lorsqu’elle leur demande de confier leurs données aux nuages plutôt qu’à des machines dont ils ont le contrôle. Pour Stallman, une forte dépendance au nuage est même « pire que stupide. »

Voilà une opinion forte, à n’en pas douter, mais les réactions qui s’ensuivirent dans la blogosphère n’en furent pas moins fortes.


« Il a complétement raison »

Dans les commentaires ici même sur LinuxInsider, phatpingu qualifie les idées de Stallman d’étriquées. « Je trouve ça assez incroyable qu’il imagine que ces questions n’aient pas été soulevées et débattues en interne chez Google et qu’il pense qu’aucune mesure ou règle définissant la propriété des contenus n’ait été mise en place. »

amicus_curious, lui, oppose un avis plus neutre : « C’est toujours difficile de savoir si RMS se donne en spectacle ou s’il croit vraiment en ce qu’il dit. Mais Chrome OS et le nuage de Google n’ont pas grand-chose à craindre du mépris de Stallman. »

Puis il y a aussi ceux qui partagent ses idées. Parmi la centaine de commentaires qu’a reçus l’article du Guardian, blossiekins écrit : « Il a complètement raison. L’informatique dans les nuages ne fait qu’encourager l’ignorance et la nonchalance des utilisateurs vis-à-vis de leurs données et de ce qui en est fait. »

« Google n’est pas un joli Bisounours qui veut s’occuper de vos données simplement parce qu’il est gentil, il veut s’en occuper parce que ça lui apporte des informations », poursuit blossiekins. « Et plus les choses avancent, plus les risques font froid dans le dos. »

Depuis quelques jours, les arguments pro et anti Stallman résonnent dans la blogosphère, Linux Girl décida alors d’en savoir plus. L’impression dominante dans la blogosphère ne tarda pas à se faire entendre.

L’avantage des logiciels libres

« RMS a évidemment raison », d’après le blogueur Robert Pogson en réponse à Linux Girl, par exemple. « Pour utiliser Chrome, il faut faire confiance au nuage, ce qui est le cas de la plupart d’entre nous. »

Prenez, par exemple, Facebook, suggère Pogson.

« Des centaines de millions de personnes y passent des heures, malgré les innombrables problèmes de sécurité que le site a connus cette année », fait-il remarquer. « Des millions d’utilisateurs font confiance à Google et M$ aussi, mais je pense qu’ils le regretteront tôt ou tard. Je ferais bien plus confiance à un nuage construit avec des outils libres plutôt qu’à un trou noir. »

Pogson rappelle que le nuage a de gros avantages, économiquement parlant, principalement dus aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier les grandes entreprises comme Google.

« Les particuliers comme les PME seront tentés d’externaliser leurs emails, leurs données, leurs sauvegardes et la gestion de leurs documents dans le nuage », prédit-il. « Je m’attends à une explosion du marché du nuage en 2011, ainsi que de celui des logiciels libres. Choisir des outils libres plutôt que ceux de M$ ou des solutions « maison » dans les nuages apportera des avantages. »

« La fin de la vie privée »

En effet, « ça me fait mal de l’avouer, vraiment, mais je suis d’accord avec RMS », commence hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « Nous offrons les détails de nos vies entières à ces méga-entreprises, et le pire, c’est qu’en retour on ne reçoit rien, même pas un bonbon ou un rabais de 20% sur notre prochain achat. »

« C’est la raison pour laquelle j’ai changé de navigateur, pas pour Chrome ou même Chromium, mais pour Comodo Dragon, dont la philosophie est NE ME PISTEZ PAS », dit hairyfeet.

Malheureusement « Je peux dire à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », poursuit-il. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. » Ils ne se rendent sûrement même pas compte « qu’une fois identifiés sur Facebook, ils sont reconnus par quasiment TOUS LES SITES, puisqu’ils sont presques tous interconnectés maintenant. En naviguant, ils laissent donc derrière eux des traces aussi visibles qu’un A380 partout où ils vont », ajoute-t-il.

Alors, « je suis désolé mon bon vieux hippie, mais c’est la fin de la vie privée, tuée par l’ego surdimensionné des gens », conclut hairyfeet.

« Le nuage ? Un effet de mode »

« Je pense que le nuage n’est qu’un effet de mode. On perd le contrôle de nos propres données, en espérant simplement que notre fournisseur fasse bien son boulot avec les sauvegardes », témoigne Gerhard Mack, consultant à Montréal et blogueur pour Slashdot. « Et que faire lorsque je n’ai pas accès à Internet ? ».

Et c’est vraiment « ce qui me gêne le plus avec mon téléphone sous Android », dit-il. « La plupart des applications ont besoin d’une connexion pour fonctionner, mais qu’est-ce que je peux faire si je suis dans une petite ville où j’arrive à peine à capter un réseau 2G et que j’ai besoin des indications du GPS ? Et si j’ai besoin de me servir du traducteur espagnol dans un sous-sol ? »

« C’est du vécu, et ça me laisse penser que le nuage a encore des fortes lacunes », conclut-il.

« Les petites lignes vous (en) privent »

« RMS a absolument raison à propos de l’informatique dans les nuages » acquiesce Barbara Hudson, blogueuse chez Slashdot, plus connue sous le pseudo de Tom sur le site. « Il faut être très attentif lorsqu’on sacrifie notre vie privée sur l’autel de la facilité. »

Les règles de partage de l’information de Gmail, par exemple, sont faites pour « protéger Google, pas pour vous protéger vous, si quelque chose se passe mal », nous explique Hudson. « Pour dire les choses autrement : ce que les grandes lignes vous offrent, les petits lignes vous en privent. »

Mais elle fait tout de même remarquer que Google a déjà, par le passé, refusé de partager avec le gouvernement ses historiques de recherche détaillés.

« Mais bien malin celui qui saura dire ce que nous réserve l’avenir. N’oublions pas que si le magazine Time n’a pas choisi Julien Assange comme personnalité de l’année, c’est, au moins en partie, par peur d’être placé sur la liste noire du gouvernement, aux côtés du New York Times ainsi que cinq autres journaux » dit Hudson.

« Je veux une garantie »

Il faut alors bien vous demander si « vous voulez vraiment que votre hébergeur dans les nuages et ses associés puissent exploiter vos projets commerciaux, vos feuilles de calcul et votre correspondance, professionnelle et personnelle », s’interroge Hudson. « Ou encore si vous désirez devenir la cible d’une perquisition demandée par votre ex-épouse ou par un tordu avec une idée derrière la tête? »


Elle conclut en disant que « Au moins, lorsqu’il s’agit de mon propre disque dur je peux encore dire : Il me faudrait un peu plus qu’une confiance raisonnable, il me faut une garantie ».

Notes

[1] Crédit photo : Diego da Silva (Creative Commons By)




Ce que pense Stallman de Chrome OS et du Cloud Computing

Jean-Baptiste Paris - CC by-saIl y a un mois Google annonçait la sortie du Cr 48, premier prototype de netbook tournant sous Chrome OS. Avec cet OS d’un nouveau genre vos applications, vos fichiers, vos données, etc. sont déplacés sur le Web, votre ordinateur n’est plus qu’un terminal permettant d’y avoir accès. C’est en apparence fort pratique (et c’est de qualité Google) mais il y a un réel risque de sacrifier sa liberté, individuelle et collective, sur l’autel de notre confort.

Du coup le Guardian en profita pour demander son avis au gardien du temple qu’est Richard Stallman[1].

Tout comme la critique de Facebook, ce qui se cache derrière Google Chrome OS, c’est le cloud computing, c’est-à-dire, d’après Wikipédia, le « concept de déportation sur des serveurs distants des traitements informatiques traditionnellement localisés sur le poste utilisateur ».

D’autres appellent cela « l’informatique dans les nuages » mais Stallman nous invite ici à prendre garde à cette appellation trompeuse que l’on a trop vite fait de connoter positivement (et d’évoquer alors plutôt une « careless computing », c’est-à-dire une informatique negligente ou imprudente).

Son point de vue sera-t-il partagé, en paroles et en actes, au delà des initiés du réseau ? Le doute est malheureusement permis. Et tout comme Facebook, il y a de bonnes chances pour que les ordinateurs Google Chrome OS soient bien le succès annoncé.

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing.

Embrasser ChromeOS, c’est accepter de perdre le contrôle de ses données, nous avertit Richard Stallman, fondateur de GNU

Google’s ChromeOS means losing control of data, warns GNU founder Richard Stallman

Charles Arthur – 14 décembre 2010 – The Guardian (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le nouveau système d’exploitation dans les nuages de Google, ChromeOS, va « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment » en les forçant à stocker leurs données dans les nuages plutôt que sur leur machine. Telle est la mise en garde de Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation et créateur du système d’exploitation GNU.

Il y a deux ans, Stallman, un vieux de la veille dans le domaine de l’informatique, et un ardent défenseur des logiciels libres à travers sa Free Software Foundation, prévenait qu’utiliser intensivement l’informatique dans les nuages était « pire que stupide », car alors l’utilisateur perd le contrôle de ses données.

Il se dit maintenant de plus en plus inquiet à cause de la sortie de ChromeOS, le nouveau système d’exploitation de Google, basé sur GNU/Linux, pensé pour stocker le moins possible de données localement. Il s’en remet plutôt à une connexion permanente avec le nuage de serveurs de Google, éparpillé dans le monde, pour assurer le stockage des informations sur les machines de l’entreprise plutôt que sur la vôtre.

Stallman ajoute : « Aux États-Unis, vous perdez vos droits sur vos données si vous les confiez aux machines d’une entreprise plutôt qu’à la vôtre. La police doit vous présenter un mandat pour saisir vos données, mais si elles sont hébergées sur le serveur d’une entreprise, la police peut y accéder sans rien vous demander. Ils peuvent même le faire sans présenter de mandat à l’entreprise. »

Google a entrepris un lancement en douceur de ChromeOS la semaine dernière, en présentant quelques fonctionnalités du système d’exploitation et en fournissant des machines de test à certains développeurs et journalistes tout en précisant que le lancement officiel n’aurait pas lieu avant le deuxième semestre 2011.

Eric Schmidt, patron de Google, en fait l’éloge sur son blog : « Ces annonces sont à mes yeux les plus importantes de toute ma carrière, c’est l’illustration du potentiel qu’a l’informatique de changer la vie des gens. Il est fascinant de voir à quel point des systèmes complexes peuvent produire des solutions simples comme Chrome et ChromeOS, adaptées à tout public. » Puis il poursuit : « À mesure que les développeurs se familiarisent avec notre ordinateur de démonstration, le Cr-48, ils découvriront que malgré sa jeunesse, il fonctionne incroyablement bien. Vous retrouverez toutes vos habitudes, mais avec des logiciels clients qui vous permettront de pleinement profiter de la puissance du Web. »

Mais Stallman reste de glace. « Je crois que informatique dans les nuages ça plaît aux marketeux, parce que ça ne veut tout simplement rien dire. C’est plus une attitude qu’autre chose au fond : confions nos données à Pierre, Paul, Jacques, confions nos ressources informatiques à Pierre, Paul, Jacques (et laissons-les les contrôler). Le terme « informatique imprudente » conviendrait peut-être mieux. »

Il voit un problème rampant : « Je suppose que beaucoup de gens vont adopter l’informatique imprudente, des idiots naissent chaque minute après tout. Le gouvernement américain pourrait encourager les gens à stocker leurs données là où ils peuvent les saisir sans même leur présenter de mandat de perquisition, plutôt que chez eux. Mais tant que nous serons suffisamment nombreux à conserver le contrôle de nos données, personne ne nous empêchera de le faire. Et nous avons tout intérêt à le faire, de peur que ce choix ne nous soit un jour totalement retiré. »

La responsabilité des fournisseurs de services dans les nuages a bénéficié d’un gros coup de projecteur durant la dernière quinzaine lorsqu’Amazon a banni Wikileaks de son service d’informatique dans les nuages EC2, invoquant, unilatéralement et sans proposer de médiation, le non respect des conditions d’utilisation par le site.

Le seul point positif de ChromeOS pour Stallman est sa base : GNU/Linux. « Au fond, ChromeOS est un système d’exploitation GNU/Linux. Mais il est livré sans les logiciels habituels, et il est truqué pour vous décourager de les installer ». Il poursuit : « c’est le but dans lequel ChromeOS a été créé qui me dérange : vous pousser à confier vos données à un tiers et accomplir vos tâches ailleurs que sur votre propre ordinateur ».

Stallman met de plus en garde les hackers en herbe contre le logiciel LOIC, présenté comme un moyen d’exprimer sa colère contre les sites ayant pris des mesures contre Wikileaks, non pas car il est contre ces actions, mais parce que le code source de l’outil n’est pas ouvert aux utilisateurs. « Pour moi, utiliser LOIC sur le réseau c’est pareil que descendre dans la rue pour protester contre les boutiques qui pratiquent l’évasion fiscale à Londres. Il ne faut accepter aucune restriction au droit de protester » note-t-il. « (Mais) si les utilisateurs ne peuvent pas compiler eux-même le logiciel, alors ils ne devraient pas lui faire confiance. »

Mise à jour : Richard Stallman nous écrit : « Un article de la BBC rapportait que quelqu’un de chez Sophos disait que LOIC est un « logiciel inconnu », et j’ai cru qu’il entendait par là « propriétaire », mais je me suis trompé. En fait, LOIC est un logiciel libre, et donc les utilisateurs ont accès au code source et peuvent le modifier. Ses rouages ne sont pas obscurs comme ceux de Windows, de MacOS ou d’Adobe Flash Player, et personne ne peut y cacher de fonctionnalités malicieuses, comme c’est le cas pour ces programmes. »

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Baptiste Paris (Creative Commons By-Sa)




2011 : année Mozilla Firefox ou année Google Chrome ?

Laihiu - CC byEn mai dernier, nous publiions un billet au titre ravageur : Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien.

De nouveaux chiffres sont arrivés depuis dans le monde des navigateurs. Et si l’on peut légitimement faire la fête et se réjouir de voir Firefox dépasser aujourd’hui Internet Explorer en Europe, on constate comme prévu qu’un nouvel invité est arrivé et qu’il est particulièrement glouton.

Entre les deux, le coeur de Glyn Moody ne balance pas et il sait, tout comme nous, où placer sa confiance. Encore faudrait-il que, techniquement parlant, Firefox ne se laisse pas trop distancer et c’est aussi pourquoi la sortie de la version 4 est tant attendue[1].

2011 : L’année de Firefox ou de Chrome ?

2011: The Year of Firefox – or of Chrome?

Glyn Moody – 4 janvier 2011 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Penguin et Barbidule)

Tout le monde sait qu’il y a les mensonges, les mensonges énormes et les statistiques concernant le Web. Mais ces dernières peuvent néanmoins vous donner une vague idée de la situation. C’est le cas des récents chiffres sur les parts de marché des navigateurs en Europe.

L’événement principal est immédiatement manifeste : comme le graphique le montre, la part de marché de Firefox a dépassé celle d’Internet Explorer, avec 38,11% contre 37,52% (même si les deux dernières décimales ne m’inspirent qu’une confiance limitée voire nulle).

Maintenant, il est vrai qu’il s’agit uniquement de l’Europe, qui a toujours été pionnière dans ce domaine, mais il faut tout de même savourer l’instant. Après tout, lorsque Mozilla puis Firefox furent lancés, peu leur donnaient des chances de réussir à renverser le géant Microsoft. Il n’y avait tout simplement pas de précédent pour un courageux nouvel arrivant, et encore moins un arrivant open source, de partir de zéro et d’arriver à supplanter une entreprise qui semblait inarrêtable sur ses marchés clés. Il est vrai qu’au niveau du serveur, Apache est devant Internet Information Server de Microsoft, mais Apache était arrivé en premier, et était donc celui à battre : la situation du côté du client était très différente.

Évidemment, ce n’est pas la seule chose que nous dit ce graphique. Firefox a en fait légèrement régressé l’année dernière, c’est surtout qu’Internet Explorer a reculé encore plus. Et cette baisse a presque entièrement bénéficié à Google Chrome, dont la part de marché est passée de 5,06% à 14,58% pendant cette période.

C’est vraiment étonnant à tout point de vue, et cela confirme l’ascension de Chrome au Panthéon des navigateurs. La question est évidemment de savoir si cette ascension vertigineuse va se poursuivre, et ce qui va arriver aux autres navigateurs.

Naturellement, cela dépendra beaucoup des fonctionnalités qu’auront les nouvelles versions de Firefox, et dans une moindre mesure, d’Internet Explorer, mais je ne vois pas de raisons qui empêcheraient Chrome de s’élever au-dessus des 20% à court terme. Cela veut dire bien entendu que les parts de marché de Firefox et d’Internet Explorer vont continuer à baisser. Mais comme je le notais il y a quelque temps, ce n’est pas vraiment un gros problème pour Firefox, alors que ça l’est pour Microsoft.

La raison est assez simple : Firefox n´a jamais eu pour objectif la domination du monde, il combattait pour créer un Web ouvert, où aucun navigateur n’occuperait une position dominante d’où il pourrait ignorer les standards ouverts et imposer à la place des standards de facto. C’est plus ou moins la situation actuelle, désormais, Internet Explorer devenant de plus en plus conforme aux standards, et, de façon étonnante, l’affichant avec fierté.

Avec l’ascension continue de Chrome jusqu’au point où les trois navigateurs auront plus ou moins la même part de marché, nous aurons une situation parfaite pour une compétition amicale à trois, ce qui est même mieux qu’une simple rivalité à deux. Je suis presque sûr que le Web va devenir de plus en plus ouvert grâce à cela (c’est dommage qu’il reste menacé par d’autres actions : ACTA, censure, etc.).

Mais cela ne veut pas dire que Firefox et Chrome ont les mêmes buts, et qu’il ne faut pas s’inquiéter des parts de marché de Firefox. Il est important de se rappeler pourquoi Google a créé Chrome, et pourquoi il a libéré le code. C’est simplement parce qu’il sait que libérer le code, et permettre à d’autres de construire par dessus, est le moyen le plus rapide de donner une place à un produit dans un marché concurrentiel. En faisant cela, il est vrai que Google promeut les standards ouverts et l’open source, mais seulement jusqu’à un certain point.

La différence principale est que Google voit l’open source comme un moyen de générer davantage de revenus, alors que Firefox voit les revenus générés par la barre de recherche comme un moyen de favoriser son travail de protection et d’amélioration d’un Web ouvert. Entre les deux, je sais où je préfère placer ma confiance pour l’avenir.

Notes

[1] Crédit photo : Laihiu (Creative Commons By)




Firefox 4, Google Chrome et l’évolution du Web par Chris Blizzard de Mozilla

Keven Law - CC by-saQue les fans de la première heure se rassurent : la version 4 du célèbre navigateur au panda roux – dont la sortie devrait intervenir d’ici la fin de l’année – promet de recoller au peloton !

Au temps pour ceux qui avaient vendu sa peau un peu trop rapidement : le panda[1] nouveau met l’accent sur les performances, à commencer par un nouveau moteur JavaScript qui, une fois optimisé, pourrait même lui permettre de prendre la tête de la course si l’on en croit Chris Blizzard (Director of Web Platform chez Mozilla[2]), dont nous vous proposons ici la traduction de l’interview qu’il a donnée récemment au site derStandard.at (une fois n’est pas coutume, cette traduction a été complétée de références à l’actualité récente avec l’aide de Paul Rouget, Technology Evangelist chez Mozilla).

S’il est difficile de ne pas céder à la mode du benchmarking, on peut toutefois s’interroger sur ce que l’on attend réellement d’un navigateur.

Revenons un instant en arrière : l’irruption de Firefox a permis de réveiller le Web en le libérant de l’hégémonie d’Internet Explorer qui, après avoir éradiqué à peu près toute concurrence sur le marché des navigateurs, n’a plus connu de développement pendant six ans (soit le temps qui sépare la version 6 de la version 7 du navigateur de Microsoft, qui avait même dissout l’équipe de développement dans cet intervalle). Firefox a réussi à propulser le Web vers de nouveaux horizons balisés de standards ouverts propices à l’innovation. Tant et si bien que de redoutables concurrents sont apparus comme Safari d’Apple et surtout Chrome de Google (voir à ce billet du Framablog) et que Microsoft est en train de mettre les bouchées doubles avec son IE 9 pour rattraper son retard.

Faut-il en conclure que Firefox, ayant accompli sa mission, est devenu inutile ?

Il faut en effet reconnaître que le Web ne s’est jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui : les concepteurs de navigateurs se battent dorénavant tous pour implémenter les dernières versions des standards ouverts qui sont la base du Web (HTML5, CSS3) quand ils n’en sont tout simplement pas à l’origine. Et pour cela, nous pouvons tous remercier la fondation Mozilla à l’origine de Firefox.

Pourtant, le Web ne se limite pas à des applications riches et jolies devant s’exécuter le plus rapidement possible.

Les grands acteurs du Web, Mozilla mis à part, tirent leurs revenus de l’exploitation de vos données personnelles. La protection de la vie privée devient aujourd’hui un enjeu majeur pour l’utilisateur (qui doit encore en prendre conscience). Mozilla s’apprête à proposer des solutions novatrices dans ce domaine[3]. Qui d’autre que Mozilla, fondation à but non lucratif, a intérêt à rendre aux utilisateurs le contrôle de leurs données personnelles ? Personne. Et ce n’est pas parce que Apple ou Google (et peut-être un jour Facebook) sort un navigateur performant – fût-il libre (Chromium est la version libre de Google Chrome) – que l’utilisateur jouira des mêmes libertés que l’utilisateur de Firefox, navigateur libre développé par une fondation à but non lucratif.

Firefox 4 : Une génération d’avance en termes de vitesse

Firefox 4: One generation ahead of everyone else speedwise

Andreas Proschofsky – 19 août 2010 – derStandard.at
(Traduction Framalang : Don Rico, Siltaar, Goofy et Antistress)

Chris Blizzard de Mozilla nous parle de la concurrence de Google Chrome, de l’évolution du Web comme plateforme et des attentes que suscite le format WebM.

Ces dernières années Firefox a joué le rôle enviable de l’étoile montante dans le monde des navigateurs. Aujourd’hui, non seulement Google Chrome semble lui avoir volé la vedette mais il vient même lui tailler des croupières. Au cours du dernier GUADEC, Andreas Proschofsky a eu l’occasion de côtoyer Chris Blizzard, « Directeur de plateforme Web » chez Mozilla, et il a réalisé l’interview que vous allez lire, évoquant l’état actuel du marché des navigateurs, les progrès du Web comme plateforme et les améliorations qui arrivent avec Firefox 4+.

derStandard.at : Quand nous avons discuté l’année dernière, vous avez noté que, malgré la notoriété grandissante de Google Chrome, la plupart des développeurs présents dans les conférences techniques – comme le GUADEC – utilisent encore Firefox. Si je jette un coup d’œil autour de moi cette année, les choses semblent avoir considérablement changé : bon nombre de ces utilisateurs avant-gardistes semblent être passés à Chrome / Chromium. Est-ce que vous avez un problème sur ce créneau d’utilisateurs spécifique – mais influent ?

Chris Blizzard : En fait je pense que beaucoup de gens utilisent les deux maintenant, mais c’est vrai que c’est intéressant à voir. De mon point de vue de développeur Web je pense toujours que les outils de Firefox sont de loin supérieurs à ceux des autres.

Il est intéressant de noter que nous n’avons pas vu de changements significatifs dans les statistiques utilisateurs, même si Chrome marque des points importants sur ce segment. Il faut préciser que tous ces chiffres que l’on rapporte sont en réalité des statistiques d’usage et non du nombre d’utilisateurs, si bien que cette avant-garde – qui est grosse utilisatrice du Web – influence les statistiques plus que d’autres, ce qui peut faire croire que Chrome est utilisé par davantage de gens qu’en réalité. Nous avons connu le même effet dans les premiers temps de Firefox, à l’époque nous n’en avions pas conscience faute d’outils adéquats pour le mesurer.

Nous avons aussi effectué quelques recherches et découvert qu’un tas de gens semblent choisir leur navigateur suivant des fonctionnalités particulières. Par exemple beaucoup d’utilisateurs préfèrent retrouver leurs sites récemment visités dès l’ouverture de leur navigateur, donc ils utilisent Chrome. S’ils préfèrent démarrer avec une page vierge, ils utilisent plutôt Firefox. Je pense donc que ce que l’on commence à voir, c’est des gens différents qui veulent faire des choses différentes, et qui vont choisir leur navigateur selon leurs préférences. Et nous n’en sommes qu’au début.

Nous savons que nous ne pourrons pas satisfaire les désirs de tous et ce n’est d’ailleurs pas le but de notre organisation. Nous voulons faire en sorte que le Web devienne une plateforme et nous avons plutôt bien réussi sur ce point.

Google se lance maintenant dans un cycle de développement visant à offrir une nouvelle mise à jour stable toutes les six semaines, pour essayer de proposer des innovations plus rapidement aux utilisateurs. Mozilla, de son côté, publie au mieux une nouvelle version par an : cela n’est-il pas handicapant d’un point de vue marketing ?

Cela dépend du rythme que vous voulez adopter. Les gens de Chrome ont une approche un petit peu différente de la nôtre. Il va être intéressant de voir si d’autres utilisateurs que les avant-gardistes seront d’accord pour voir leur navigateur changer tous les mois et demi. Nous préférons prendre davantage de temps pour préparer les gens à des changements d’interface plus importants.

Pour autant nous ne modifions pas toujours le numéro de version pour les gros changements. Citons par exemple l’isolation des plugins que nous avons récemment ajoutée à la série 3.6.x, qui résulte d’un énorme travail et qui a grandement amélioré l’expérience des utilisateurs de Firefox.

À vrai dire, je suis quelque peu sceptique à l’idée d’un cycle de six semaines. Comment peut-on vraiment innover en un laps de temps si court ? Accélérer la cadence est néanmoins dans nos projets, il faut juste que nous trouvions celle qui nous convient.

Un des avantages d’un cycle de publication rapide, c’est que Google peut diffuser très vite des fonctionnalités comme le futur web-store de Chrome. Aimeriez-vous aussi proposer une plateforme de téléchargement d’applications Web chez Mozilla ?

En ce qui me concerne, je pense qu’un app-store pour le Web est une idée intéressante, car en gros cela rend les applications Web plus accessibles et fournit un modèle de monétisation. Mais pour bien faire, il faut tenir compte de nombreux autres paramètres, et c’est là-dessus que nous allons d’abord nous concentrer.

Quels éléments manque-t-il encore pour concevoir un bon web-store ?

Les performances Javascript sont très importantes, mais nous touchons au but, car nous sommes en passe d’obtenir les mêmes performances que les applications exécutées nativement. Vient ensuite le webGL pour les applications en 3D, et nous devons aussi régler la question du stockage de données hors-connexion qui est loin d’être abouti pour le moment. Il faut aussi accorder une grande importance à la sécurité, question sur laquelle nous sommes justement en train de travailler. Par exemple, grâce à la fonctionnalité ForceHTTPS, un site Web pourra dire à un navigateur de ne communiquer avec lui que par données chiffrées, ce qui préviendra certains types d’attaques. Nous nous penchons aussi sur la politique de sécurité des contenus, ce qui sera très utile pour lutter contre une catégorie entière d’attaques type cross-site scripting (NdT : citons par exemple la fonctionnalité X-FRAME récemment introduite contre le clickjacking).

Dans les tests de performances Javascript récents, Firefox semble avoir dégringolé dans le bas du classement, et se place même derrière Internet Explorer 9. N’arrivez-vous plus à suivre ?

Firefox 4 apportera de nombreuses améliorations dans ce domaine-là aussi, mais elles ne sont pas encore intégrées à nos versions de développement. Nous avons constaté que, lorsque notre Tracing-Engine (NdT : moteur basé sur la technologie du tracé) est utilisé, nous sommes plus rapides que tous les autres. Nous ne sommes à la traîne que dans les cas où cette technologie ne peut être exploitée. Nous travaillons donc à améliorer les performances de base de notre moteur JavaScript, qui, combinées à l’optimisation JIT Tracing , nous donneront une génération d’avance sur tout le monde (NdT : Jägermonkey, le résultat de ce travail, vient d’être intégré à la version de développement de Firefox 4).

La vérité c’est que la marge d’amélioration est encore énorme. La génération actuelle des moteurs Javascript a atteint un palier : en pourcentage, les différences que nous constatons entre les différents navigateurs sont infimes. En outre, les tests de performance ne sont plus d’une grande utilité, car, pour la plupart, ces chiffres ne sont plus influencés par les performances Javascript réelles. Voici un exemple des conséquences négatives des tests de performance : nous avons dû fournir des efforts particuliers sur l’optimisation du calcul de décalage horaire car cela influe négativement certains tests de performance, mais ça n’améliore pas réellement les performances Javascript. Sunspider est affecté par ces problèmes et V8 contient aussi du code bancal, il est donc difficile de trouver de bons tests de performance (NdT : Mozilla vient de lancer Kraken, un test censé mesurer les performances JavaScript en situation réelle).

Firefox 4 va utiliser l’accélération matérielle grâce à Direct2D et à DirectWrite sous Windows. Des fonctionnalités similaires sont-elles prévues pour Linux et Mac OS X ?

Dans la limite des outils qui sont disponibles, oui. Nous essayons de procurer aux utilisateurs la meilleure expérience possible sur chaque plateforme. Pour Windows Vista et 7 nous constatons d’immenses améliorations lorsque le navigateur doit réaliser des tâches graphiques intensives. Sur OS X, par exemple, nous prenons en charge l’OpenGL pour la composition d’images, et nous faisons de même sous Linux. Mais en général les API dont nous disposons sous Windows sont meilleures et plus riches que sur les autres plateformes. Sous Linux, Cairo et Pixman étaient censées être rapides, mais hélas l’infrastructure sur lesquelles elles reposent n’a jamais vraiment atteint la vélocité désirée. Sur OS X, Firefox est assez rapide, mais pour l’instant Direct2D confère l’avantage à la version Windows (NdT : plus d’informations sur cet article de Paul Rouget).

L’isolation des plugins devait n’être que la première étape d’un Firefox multi-processus, avec un processus séparé pour chaque onglet. C’est un des gros morceaux du cahier des charges de Firefox 4. C’est toujours prévu ?

Bien sûr, mais pas pour Firefox 4. Ce sera sans doute disponible pour la version mobile avant la version desktop. C’est intéressant de constater que c’est plus facile sur cette plateforme.

Il y a peu, vous avez endossé le rôle de « Directeur de plateforme Web » chez Mozilla. En quoi cela affecte-il vos responsabilités quotidiennes ?

Auparavant, je me chargeais essentiellement de diriger les groupes d’évangélisation et de communication, mais j’ai fini par travailler de plus en plus sur les questions de plateforme Web – réfléchir à l’avenir du Web, discuter régulièrement avec les autres concepteurs de navigateurs. Tout cela a pris une telle importance que j’ai décidé de m’y consacrer à plein temps.

Par exemple, je viens de participer à une réunion de l’IETF, où nous avons eu des discussions très riches sur le http, les websockets, et aussi sur les codecs. Ils sont en train de mettre au point un codec audio de nouvelle génération pour les communications en temps réel et s’appuient sur l’IETF pour les spécifications. En gros, c’est une combinaison de techniques existantes, et l’accent est mis sur une latence très basse, un domaine où le Vorbis ou le MP3 sont mauvais. Ce travail s’effectue en collaboration avec Skype.

Une des grosses annonces de ces derniers mois concernait la création du WebM comme nouveau format vidéo ouvert basé sur le VP8 et Vorbis. Pensez-vous que ses chances de réussites soient meilleures que celles de Theora ?

Oui, pour des raisons de qualité. Quelques explications : il est bon de savoir que lorsqu’on utilise le H.264, on doit en gros choisir un des trois profils que propose ce codec. En général, les sites vidéos doivent offrir la version basique car c’est la seule prise en compte par l’iPhone, notamment dans ses anciennes versions qui sont utilisées par des dizaines de millions de personnes. Donc, si l’on compare les formats vidéo, il faut comparer le VP8 au H.264 « basique », et ce n’est pas qu’une manœuvre réthorique, c’est la réalité pour tous les services. J’ai discuté avec les gens de YouTube, par exemple : ils ont essayé d’utiliser un autre profil du H.264, mais ils ont dû revenir au « basique » à cause du manque de prise en charge. Sur cette base, la question de la qualité n’a plus lieu d’être, et le VP8 est tout à fait compétitif.

Si l’on parle de l’implémentation de la balise vidéo HTML5, il faut aussi prendre en compte l’évolution du marché. Si l’on envisage un monde où la vidéo HTML5 est répandue dans la majorité des navigateurs – par-là je pense à une proportion de 80%, ce qui devrait être le cas d’ici deux ans –, il faut compter avec les tendances et les changements dans les parts de marché des systèmes d’exploitation. On se rend alors compte qu’on se retrouve avec un marché segmenté. Ceux qui voudront diffuser de la vidéo devront prendre en charge à la fois H.264 et WebM. Sur le long terme, je suis certain que les codecs libres sont en meilleure posture, surtout si l’on prend en considération les tendances à venir comme les communications en temps réel ou les plateformes mobiles, où WebM est très performant – ou va l’être grâce à des partenariats avec des constructeurs de matériel.


Firefox 4 va permettre de construire des extensions « poids plume » sous forme de Jetpacks. Quand vont-ils remplacer la génération actuelle d’extensions ?

Les Jetpacks ne sont pas conçus pour remplacer les extensions XUL. Firefox est une plateforme que l’on peut étoffer à l’envi grâce à une large palette d’interfaces. On peut aussi modifier beaucoup de choses dans les paramètres mêmes de Firefox, ce qu’aucun autre navigateur ne permet. Comme projet, c’est extraordinaire : une grand part de nos innovations sont arrivées par les extensions avant d’intégrer directement le navigateur.

Pour nous, les Jetpacks sont grosso modo un équivalent des extensions pour Chrome, qui offrent beaucoup moins de possibilités que nos extensions XUL classiques. Ils seront néanmoins beaucoup plus faciles à réaliser. Nous allons fournir un éditeur en ligne qui facilitera leur développement. Ces Jetpacks seront aussi plus faciles à tester, et l’on pourra les installer sans avoir à redémarrer le navigateur. Ce qui est d’ailleurs déjà possible avec certaines extensions XUL dans Firefox 4, à condition que cela soit signalé et que l’extensions soit codée avec soin.

Notes

[1] Crédit photo : Keven Law (Creative Commons By-Sa)

[2] Chris Blizzard a déjà fait l’objet d’une traduction sur le Framablog : De l’honnêteté intellectuelle et du HTML5.

[3] Lire à ce propos Comment Firefox peut améliorer le respect de la vie privée en ligne, privacy-related changes coming to CSS :visited et Account Manager coming to Firefox.




Geektionnerd : Firefox is back et si t’es pas content va t’faire enchromer

Cf ce billet mais surtout les commentaires de ce billet : Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




De l’honnêteté intellectuelle et du HTML5 – Christopher Blizzard (Mozilla)

Christopher Blizzard est évangéliste chez Mozilla (pour rappel, évangéliste n’est pas un gros mot). Il a récemment publié un billet coup de gueule sur son blog dont ZDNet et PC Inpact se sont faits l’écho.

Extrait de l’article Un évangéliste de Mozilla critique l’emprise marketing d’Apple et Google sur HTML5 de ZDNet :

Apple et Google seraient allés trop loin. Pour Christopher Blizzard, évangéliste Open Source chez Mozilla, les deux sociétés ont chacune à leur manière tiré la couverture de HTML5 à elles au détriment des autres acteurs qui contribuent à son développement, comme Mozilla. Première cible : Apple. La firme a mis en ligne sur son site des démonstrations des capacités de HTML5, CSS3 et javascript… réservées aux utilisateurs de Safari. Selon notre évangéliste, Apple donne du coup l’impression aux internautes d’être le seul à supporter ces standards en ajoutant « tous les navigateurs ne les supportent pas ».

Extrait de l’article HTML5 : Un évangéliste de Mozilla s’en prend à Apple et Google de PC Inpact :

Le HTML5 est devenu synonyme pour beaucoup de futur du Web. Au point qu’il est également devenu un argument marketing important pour plusieurs sociétés, dont Google, Apple ou encore Microsoft. Christopher Blizzard, évangéliste chez Mozilla, fulmine dans un billet sur son blog à propos de toutes les déformations que l’on peut lire ici et là.

Vous trouverez ce fameux billet traduit ci-dessous dans son intégralité.

Remarque : Les copies d’écran ont été également francisées par nos soins et ne sont donc pas directement issues du site d’Apple.

De l’honnêteté intellectuelle et du HTML5

Intellectual honesty and html5

Christopher Blizzard – 4 juin 2010 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Julien, Goofy, Joan et Don Rico)

Je vous préviens, le billet qui suit expose ce que tout le monde sait déjà dans le milieu des navigateurs, sans oser le dire tout haut. Il est grand temps que quelqu’un fasse tomber les masques. Il est dommage que la principale victime ici soit Apple, sachant que c’est Google qui est passé maître dans ce genre de stratégie, mais après tout, Apple s’est distingué de façon si outrancière et trompeuse qu’ils méritent une volée de bois vert. (Lors de sa conférence I/O, Google a réussi à faire passer son modèle d’applications natives et Chrome store pour du HTML5 – ils se sont surpassés. Mais j’en parlerai dans un autre billet, une prochaine fois.)

Commençons d’abord par la contradiction la plus flagrante. Voilà sur quoi on tombe :

HTML5 et les standards du Web

Comme c’est beau ! Ils sont le web, j’adore ça ! J’aurais pu l’écrire. J’aurais l’écrire.

Le titre gris foncé classique au-dessus du texte gris clair typique de chez Apple que tout le monde adore. Et le texte : les standards, les CSS, JavaScript, les web designers, les bisounours sous l’arc-en-ciel… Comment pourrait-on ne pas être d’accord ? Du point de vue marketing, c’est impeccable – message vague, sympathique, Apple aime le web, Apple vous aime.

Mais comment le prouvent-ils ?

Only Safari

Vous avez bien lu. Si vous ne naviguez pas avec Safari, allez vous faire foutre.

Au-delà des termes un peu vifs que j’emploie pour vous aider à comprendre de quoi il retourne, voici le message qu’il faut lire entre les lignes : si vous n’avez pas accès à Safari, vous ne devez pas avoir accès au HTML5. Attendez un peu… N’y a-t-il que Safari qui gère le HTML5 ?

Eh non, c’est le cas d’un tas d’autres navigateurs. Aujourd’hui, la majeure partie des internautes a accès à des standards comme le HTML5. D’ailleurs, puisque l’on parle d’HTML5, vous pourriez vous demander quel est le navigateur qui le prend le mieux en charge actuellement… Pas Safari. Ni Chrome. Un navigateur qui, se trouve-t-il, possède également une part de marché significative — j’ai nommé Firefox.

HTML5 et navigateurs

(Le meilleur site pour obtenir des informations utiles sur le sujet est un site que malheureusement peu de gens utilisent : caniuse.com — amoureusement maintenu par Alexis Deveria sur son temps libre.)

Bien sûr, le gros problème, c’est que HTML5 finit par vouloir dire un tas de choses, principalement grâce à Google. Au fond, ils ont enfourché ce cheval de bataille, l’ont fait avancer à la cravache, et se le sont approprié. (Ça et les performances – un message marketing simple et génial. J’apprécie, même si la malhonnêteté avec laquelle c’est réalisé me fait bouillir).

Et je suis convaincu que si Apple a pondu ce site, c’est parce qu’ils sont confrontés au même problème que nous. Le meilleur exemple qu’on puisse en donner, c’est la question que nous a posée récemment un candidat lors d’un entretien d’embauche : « Hé, vous comptez supporter le HTML5 un jour ? »

Tu te fous de moi ou quoi ? Voilà la preuve que le marketing, ça marche. Le fossé entre la perception de la réalité et la réalité telle qu’elle est vraiment est énorme.

Je suis certain c’est pareil chez Apple. Ils doivent se dire en interne « Flûte, tout le monde pense qu’on ne supporte pas HTML5, il faut qu’on prouve le contraire ! On va créer des tests ! Des démos ! La vérité éclatera enfin au grand jour et on nous percevra de nouveau comme les fers de lance du projet Webkit, lui aussi plein de bisounours et d’arcs-en-ciel ! ».

Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec des sites de ce genre. Des sites qui passent complètement à côté de la vraie nature du web, de l’interopérabilité, des standards et du HTML5. Les démos qu’ils ont mis en ligne ne contiennent rien d’autre que des trucs bricolés par Apple, qui ne sont pas du HTML5, et qui entament à peine le processus de standardisation. Ça fait partie du CSS3 ? Plus ou moins, mais encore en plein développement et toujours en phase de feedback.

Soyons clairs. Si je suis sarcastique, c’est surtout pour attirer votre attention. Parce que c’est vraiment important. Et si vous ne deviez lire qu’un paragraphe, ce serait celui-ci :

La caractéristique la plus importante du HTML5, ce ne sont pas les nouveaux trucs comme la balise vidéo ou la balise canvas (que Safari comme Firefox ont intégrées depuis longtemps), c’est bel et bien de permettre une interopérabilité absolue. Même chez ces vieux raseurs de Microsoft, qui ont fait de leur mieux pour freiner le web pendant presque une décennie, on a compris ça : vous allez le voir en long et en large pendant leur campagne marketing pour IE9 (leur slogan est « balisage unique » – ouvrez l’œil, vous le verrez partout dans leur communication). C’est l’idée que des balises identiques, même si elles comportent des erreurs, auront un rendu en tout point semblable. HTML5 représente une bonne occasion pour les navigateurs Internet de travailler ensemble et de trouver un terrain d’entente.

Avant que l’on ne se méprenne sur mes propos, je précise que c’est une tout autre question que celle de l’innovation sur les navigateurs. Les standards font partie du processus, mais les standards suivent bien plus souvent qu’ils ne guident. Le HTML5 recèle un grand nombre de nouveautés qui ne proviennent pas d’IE, qui donne donc l’impression d’innover, mais chez Mozilla, on utilise la majeure partie du HTML5 comme on respire. Nous travaillons avec depuis des années. Aujourd’hui, ce qui nous intéresse le plus, c’est l’étape suivante.

Hélas, je crois qu’il est inévitable que les navigateurs s’affrontent sur le mieux-disant HTML5. Il est pourtant indispensable de s’interroger : quand quelqu’un commence à se vanter, quel est son véritable but ? Se trouve-t-on face à un test bidonné par le constructeur ? La démo d’une fonctionnalité qui va bien au-delà des standards existants ? (Elle a tout à fait sa place mais devrait être présentée pour ce qu’elle est !) Est-ce un test destiné à exhiber les bogues des autres navigateurs de façon articulée et constructive ? La personne qui conduit les tests sait-elle ce qu’elle fait, et tient-elle compte des commentaires constructifs ?

À l’évidence, Apple a pour objectif de crier sur les toits qu’ils adorent le web, mais leurs démos et le fait qu’on ne peut y accéder en utilisant un autre navigateur que le leur ne collent pas avec leur slogan. Il s’agit d’un manque flagrant d’honnêteté intellectuelle.

Puisque vous m’avez lu jusqu’ici, je vais vous faire une promesse. Je ne peux pas réparer les erreurs commises par le passé, mais je peux donner des idées pour bâtir un avenir meilleur. Moi qui suis en bonne partie à l’origine de la communication qui émane de Mozilla (même si ça risque de changer après ce billet !), voici à quoi je m’engage :

  • Je serai aussi honnête que possible pour expliquer ce que nous faisons, ce que cela implique pour les autres navigateurs et même pour le le nouvel enfant chéri du web, le HTML5.
  • Je ferai tout ce que je peux pour m’assurer que les démos que crée Mozilla fonctionnent sur autant de navigateurs que possible, même s’il faut leur proposer gentiment une solution de repli.
  • Les démos et les messages qui sont destinés à montrer des trucs qui ne sont conformes à aucun standard seront identifiés clairement comme tels.

Le HTML5 est un terrain miné, car tout le monde veut se l’attribuer, mais personne n’en est au même point sur sa prise en charge ni même sur sa définition. Je ne peux pas m’engager pour d’autres entreprises, mais je peux au moins annoncer comment moi je vais me comporter. Chez Mozilla, l’honnêteté intellectuelle n’est pas un vain mot, et c’est également le cas pour moi de façon personnelle. C’est pourquoi je pense que nous ne nous abaisserons jamais à de telles pratiques. Pour nous, le web et ses utilisateurs importent plus que n’importe quel standard ou navigateur particuliers. Et vous retrouverez cette philosophie dans mes billets et dans nos campagnes marketing.