Geektionnerd : Copyleft

Le copyleft, c’est l’obligation de rester libre 😉

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

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CrĂ©dit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Logiciel Libre : la Guerre Mondiale aura bien lieu

The U.S. Army - CC byUn Ă©vĂšnement d’importance est passĂ© totalement inaperçu la semaine derniĂšre du cĂŽtĂ© des mĂ©dias francophones (Ă  l’exception notable de Numerama). Il faut dire qu’Ă  priori cela ne nous concerne pas puisqu’il oppose un lobby amĂ©ricain Ă  l’Ă©tat indonĂ©sien.

Et pourtant, Ă  l’heure de la mondialisation (de moins en moins heureuse), cet Ă©pisode est riche d’enseignements et annonce peut-ĂȘtre la fin de l’enfance et de l’innocence pour le logiciel libre.

« Ils Â» veulent la guerre Ă©conomique et politique ? Alors ils l’auront ! Et tant qu’Internet demeurera neutre et ouvert, « nous Â» ne sommes en rien assurĂ©s de la perdre, quand bien mĂȘme nous n’ayons pas la puissance financiĂšre de notre cĂŽtĂ© et la capacitĂ© Ă  mobiliser un bataillon des meilleurs avocats Ă  notre service[1].

En perdant un brin notre sang-froid, nous pourrions presque qualifier cela de « Choc des Civilisations 2.0 Â» !

Plantons le dĂ©cor de ce qui ressemble au dĂ©part Ă  une information trop grosse pour ĂȘtre vraie.

Compagnies aĂ©riennes, paradis fiscaux, organisations terroristes… nombreuses sont les listes noires, Ă©manant d’organismes divers et variĂ©s (nationaux ou internationaux, publics ou privĂ©s). Ainsi en va-t-il du « Special 301 Report Â» qui provient du bureau s’occupant officiellement de la politique commerciale internationale des États-Unis (The Office of the United States Trade Representative ou USTR).

Ce rapport vise Ă  examiner chaque annĂ©e la situation de la protection et de l’application des droits de la « propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» Ă  l’échelle mondiale. Il classe ainsi les pays en trois catĂ©gories : « surveillance en prioritĂ© Â» (on y retrouve en 2009 par exemple la Chine, la Russie et, plus surprenant, le Canada), « surveillance infĂ©rieure Â» et les autres, les bons Ă©lĂšves (cf cette mappemonde WikipĂ©dia).

C”est un instrument de la politique Ă©conomique internationale des États-Unis, et gare Ă  vous si vous ĂȘtes en haut de la pyramide. Parce que vous fabriquez de fausses chaussures Nike, parce que vous produisez des mĂ©dicaments sans y avoir autorisation, parce que vous proposez, dans la rue ou sur vos serveurs, des versions « piratĂ©s Â» de tel film, musique ou logiciel, etc.

Que la contrefaçon, la copie illĂ©gale, le non respect des brevets… fassent du tort Ă  une Ă©conomie amĂ©ricaine qui repose beaucoup sur l’exploitation de sa « propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» et constituent par lĂ -mĂȘme un grand manque Ă  gagner, nul ne le conteste. Qu’adossĂ©s Ă  l’USTR on trouve un certain nombre d’associations qui agissent comme des lobbys en poussant le gouvernement amĂ©ricain Ă  faire pression sur les pays incriminĂ©s pour qu’ils prennent les mesures nĂ©cessaires afin d’amĂ©liorer la situation, c’est de bonne guerre, d’autant que l’on connait l’influence et la force de persuasion des États-Unis dans la gĂ©opolitique internationale.

Mais que, tenez-vous bien, la volontĂ© d’un Ă©tat Ă  dĂ©velopper le logiciel libre dans son pays en fasse un ennemi des intĂ©rĂȘts amĂ©ricains de la « propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» propre Ă  vouloir le faire figurer en bonne place dans le « Special 301 Report Â», c’est nouveau, c’est scandaleux, et c’est ĂŽ combien rĂ©vĂ©lateur des craintes, pour ne pas dire de la panique, qu’il suscite dĂ©sormais dans l’Ă©conomie « traditionnelle Â» de la connaissance.

C’est pourtant ce que n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  suggĂ©rer la trĂšs sĂ©rieuse et puissante International Intellectual Property Alliance (ou IIPA), coalition d’associations reprĂ©sentants les plus grandes multinationales des secteurs de la culture, du divertissement et des nouvelles technologies. On y retrouve ainsi le RIAA pour l’industrie musicale (Universal, Warner…), le MPAA pour le cinĂ©ma (Walt Disney, Paramount…), l’IFTA pour la tĂ©lĂ©vision, l’ESA pour le jeu vidĂ©o (Electronic Arts, Epic Games…) sans oublier la BSA pour l’informatique (Apple, Microsoft…).

Donc ici l’Inde, la BrĂ©sil et surtout l’IndonĂ©sie sont pointĂ©s du doigt pour la simple et (trĂšs) bonne raison qu’ils souhaitent favoriser l’usage du logiciel libre au sein de leur administration ! Vous avez bien lu, mis Ă  l’index non pas parce qu’on veut l’imposer (ce qui aurait pu alors se discuter) mais juste parce qu’on souhaite l’encourager !

Plus c’est gros mieux c’est susceptible de passer, comme dirait le dicton populaire. Mais quels sont alors les (pseudos) arguments avancĂ©s ? Vous le saurez en parcourant l’article ci-dessous, traduit du journal anglais The Guardian.

On veut clairement nous abuser en nous faisant croire qu’il y a la « propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» d’un cĂŽtĂ© et le logiciel libre de l’autre (qui tel Attila dĂ©truirait toute valeur marchande sur son passage). C’est de la propagande Ă©conomique mais ne nous y trompons pas, c’est Ă©galement Ă©minemment politique puisque derriĂšre cette initiative se cache une certaine conception du libĂ©ralisme et du rĂŽle des Ă©tats, oĂč vieille Europe et monde anglo-saxon ne sont d’ailleurs pas forcĂ©ment toujours sur la mĂȘme longueur d’onde.

Cet Ă©pisode est Ă©videmment Ă  rapprocher avec ce qui se passe en ce moment du cĂŽtĂ© de l’ACTA.

L’ironie de l’histoire (outre le fait que le logiciel libre soit « nĂ© Â» aux USA), c’est que le Framablog passe son temps Ă  patiemment ajouter des pays Ă  sa propre liste blanche des institutions lĂ©gitimement intĂ©ressĂ©es par les logiciels, les contenus et les formats libres et ouverts : Suisse, Angleterre, Canada, BrĂ©sil, Équateur, AmĂ©rique latine… sans oublier les États-Unis d’Obama qui n’en sont plus Ă  un paradoxe prĂšs.

La liste est blanche pour certains et noire pour d’autres. Un nouvel Ă©chiquier se dessine, et la partie peut alors commencer…

Vous utilisez l’open source ? Vous ĂȘtes un ennemi de la nation !

When using open source makes you an enemy of the state

Bobbie Johnson – 23 FĂ©vrier 2010 – The Guardian Blog Technology
(Traduction Framalang : Tinou et Goofy)

Le lobby du copyright aux États-Unis s’est longtemps battu contre les logiciels open source – c’est maintenant au tour de l’IndonĂ©sie d’ĂȘtre dans la ligne de mire pour avoir poussĂ© Ă  leur utilisation dans les institutions gouvernementales.

Nous ne sommes que mardi, et cette semaine s’est dĂ©jĂ  rĂ©vĂ©lĂ©e intĂ©ressante pour les droits numĂ©riques. Le gouvernement britannique a reformulĂ© sa proposition controversĂ©e de riposte graduĂ©e, et le traitĂ© secret de lutte contre la contrefaçon, l’ACAC (NdT : ou ACTA en anglais), fait de nouveau les gros titres. Pendant ce temps, un juge amĂ©ricain est encore en train de dĂ©libĂ©rer dans l’affaire Google Books.

Et comme si cela ne suffisait pas, voilĂ  une nouvelle pierre Ă  ajouter Ă  l’Ă©difice branlant des derniĂšres nouvelles, grĂące Ă  Andres Guadamuz, professeur de droit Ă  l’universitĂ© d’Édimbourg.

Suite Ă  des recherches, Guadamuz a dĂ©couvert qu’un lobby influent demande, en substance, au gouvernement des États-Unis de considĂ©rer l’open source comme l’Ă©quivalent de la piraterie — voire pire.

Pardon ?

Il apparaĂźt que l’Alliance Internationale pour la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (NdT : International Intellectual Property Alliance ou IIPA en anglais), groupe qui allie des organisations comme la MPAA et la RIAA, a demandĂ© au reprĂ©sentant amĂ©ricain au commerce d’envisager d’inclure des pays comme l’IndonĂ©sie, le BrĂ©sil et l’Inde dans sa « Liste de surveillance n°301 Â», parce qu’ils utilisent des logiciels libres.

Qu’est-ce que la « Liste de surveillance n°301 Â» ? C’est un rapport sur « le respect rĂ©el de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» dans le monde – en rĂ©alitĂ© une liste de pays que le gouvernement des États-Unis considĂšre comme des ennemis du capitalisme. Elle est souvent utilisĂ©e comme moyen de pression commerciale — souvent dans le domaine de l’industrie pharmaceutique et de la contrefaçon — pour essayer de forcer les gouvernements Ă  changer d’attitude.

On pourrait avancer qu’il n’est pas surprenant de la part du reprĂ©sentant amĂ©ricain au commerce — supposĂ© militer pour un capitalisme de l’Ă©conomie de marchĂ© — de ne pas aimer pas les logiciels libres, mais la situation n’est pas aussi simple.

Je sais bien qu’on a tendance Ă  rattacher l’open source aux idĂ©aux socialistes, mais je pense aussi que c’est un exemple de l’Ă©conomie de marchĂ© en action. Quand les entreprises ne peuvent pas jouer contre des concurrents Ă©crasants, elles contournent le problĂšme et trouvent d’autres moyens de rĂ©duire les coĂ»ts pour rester dans la course. La plupart des logiciels libres, qui n’appartiennent pas Ă  des Ă©tats, se contentent de pousser la logique de la rĂ©duction du coĂ»t jusqu’Ă  son terme et se servent de la gratuitĂ© comme d’un bĂąton pour taper sur la concurrence (iriez-vous accuser Google, dont le produit phare est gratuit, d’ĂȘtre anti-capitaliste ?).

Ceci dit, dans les pays oĂč le gouvernement a lĂ©gifĂ©rĂ© en faveur de l’adoption de logiciels libres et/ou open source, cette tactique ne manque pas de cohĂ©rence, puisqu’elle attaque des acteurs comme Microsoft. Mais ce n’est pas tout.

LĂ  oĂč ça devient intĂ©ressant, c’est que Guadamuz a dĂ©couvert que les gouvernements n’ont mĂȘme pas besoin de lĂ©gifĂ©rer. Une simple recommandation suffit.

L’annĂ©e derniĂšre, par exemple, le gouvernement indonĂ©sien a envoyĂ© une circulaire Ă  tous ses ministĂšres et aux entreprises nationales, les incitant Ă  utiliser des logiciels libres. Selon l’IIPA, il « encourage les agences gouvernementales Ă  utiliser des logiciels libres ou open source, avec l’objectif d’en avoir terminĂ© le dĂ©ploiement fin 2011. On aboutira ainsi, selon la circulaire, Ă  un usage lĂ©gitime de logiciels libres, ainsi qu’Ă  une rĂ©duction gĂ©nĂ©rale des coĂ»ts en logiciel Â».

Rien de grave lĂ -dedans, non ? AprĂšs tout, le gouvernement britannique a dĂ©clarĂ© qu’il mettrait le turbo sur l’usage de logiciel open source.

Mais l’IIPA suggĂšre que l’IndonĂ©sie mĂ©rite sa place sur la liste n°301 parce qu’encourager (et non forcer) de telles initiatives « affaiblit l’industrie du logiciel Â» et « ne contribue pas au respect des droits relatifs Ă  la propriĂ©tĂ© intellectuelle Â».

Extraits de la recommandation :

« La politique du gouvernement indonĂ©sien (…) affaiblit l’industrie du logiciel et sabote sa compĂ©titivitĂ© Ă  long terme en crĂ©ant une prĂ©fĂ©rence artificielle pour des sociĂ©tĂ©s qui proposent des logiciels open source et des services dĂ©rivĂ©s, et va mĂȘme jusqu’Ă  refuser l’accĂšs du marchĂ© gouvernemental Ă  des entreprises reconnues.

Au lieu de promouvoir un systĂšme qui permettrait aux utilisateurs de bĂ©nĂ©ficier de la meilleure solution disponible sur le marchĂ©, indĂ©pendamment du modĂšle de dĂ©veloppement, elle encourage un Ă©tat d’esprit qui ne reconnaĂźt pas Ă  sa juste valeur la crĂ©ation intellectuelle.

Ainsi, elle Ă©choue Ă  faire respecter les droits liĂ©s Ă  la propriĂ©tĂ© intellectuelle et limite Ă©galement la capacitĂ© du gouvernement ou des clients du secteur public (comme par exemple les entreprises nationales) Ă  choisir les meilleures solutions. Â»

Oublions que cet argument ne tient pas compte du grand nombre d’entreprises qui prospĂšrent autour du modĂšle du logiciel open source (RedHat, WordPress et Canonical, pour ne citer qu’eux). Au-delĂ  de ça, voici ce qui me paraĂźt stupĂ©fiant : il suffit de recommander des produits open source — produits qui peuvent ĂȘtre facilement taillĂ©s sur mesure sans affecter les rĂšgles dĂ©finies par la licence — pour ĂȘtre accusĂ© de vouloir tout « saboter Â».

En fait, la mise en Ɠuvre du respect de la propriĂ©tĂ© intellectuelle est souvent plus stricte dans la communautĂ© open source, et ceux qui enfreignent les licences ou oublient d’attribuer les crĂ©dits Ă  qui de droit sont souvent clouĂ©s au pilori.

Si ce que vous lisez vous met hors de vous, vous avez raison. C’est abracadabrant. Mais l’IIPA et l’USTR n’en sont pas Ă  leur coup d’essai : il y a quelques annĂ©es, ils ont mis le Canada sur leur liste des pays Ă  surveiller en prioritĂ©.

Notes

[1] CrĂ©dit photo : The U.S. Army (Creative Commons By)




Mardi 4 mai 2010 : JournĂ©e Mondiale contre les DRM

Martin Krzywinski - CC byLe 21 mars 2010 aura lieu la dixiĂšme Ă©dition de l’initiative Libre en FĂȘte, permettant de faire dĂ©couvrir le logiciel libre sur tout le territoire français.

Mais il n’y a pas que des journĂ©es de promotion. DictĂ© par le contexte actuel, il existe Ă©galement des journĂ©es de rĂ©sistance.

Ainsi en va-t-il du 4 mai prochain que la Free Software Foundation et l’Open Rights Group ont dĂ©cidĂ© d’Ă©riger en « JournĂ©e Mondiale contre les DRM Â», (ou GDN en français, pour Gestion des Droits NumĂ©riques).

Il faut dire que le sujet est malheureusement toujours, voire plus que jamais, d’actualitĂ©. Pour s’en convaincre il suffit de parcourir cette longue chronologie non exhaustive de faits et de mĂ©faits qui courent sur une dĂ©cennie sur le site Defective by Design (la lecture de l’article dĂ©diĂ© de WikipĂ©dia Ă©tant Ă©galement particuliĂšrement instructive)[1].

Il y a un choix Ă  faire (ou tout du moins accepter les alternatives). Soit contraindre la technologie actuelle pour la forcer artificiellement Ă  rentrer dans les cases de la production de valeur de l’Ă©conomie d’avant (fondĂ©e principalement sur la captation du client et la raretĂ© du produit). Soit s’adapter et tirer parti des formidables possibilitĂ©s de crĂ©ation et d’Ă©changes liĂ©es Ă  l’interopĂ©rabilitĂ© des fichiers, leur copie et leur remix Ă  coĂ»t marginal, ainsi que leur diffusion massive et rapide sur le rĂ©seau.

En 1997, Richard Stallman Ă©crivait sa nouvelle Le droit de lire. De la pure science-fiction (ou du dĂ©lire paranoĂŻaque) a-t-on pu alors penser. Sauf qu’en 2009, Amazon a dĂ©cidĂ©, sans prĂ©avis et sans accord prĂ©alable, de s’introduire dans le Kindle de ses clients pour en effacer tous les romans 1984 de George Orwell (notes des lecteurs incluses). La rĂ©alitĂ© peut toujours dĂ©passer la fiction…

JournĂ©e mondiale contre les DRM : mardi 4 mai 2010

Day Against DRM: Tuesday, May 4th 2010

Holmes Wilson- 25 fĂ©vrier 2010 – CommuniquĂ© FSF
(Traduction Framalang : Don Rico)

« Chaque fois qu’une entreprise conçoit des produits destinĂ©s Ă  limiter nos libertĂ©s, nous devons nous organiser afin de dĂ©jouer ses projets Â» — Richard Stallman, prĂ©sident de la FSF.

Le 25 février, des groupes pour la défense de la justice sociale et les droits en ligne ont annoncé que le mardi 4 mai 2010 aura lieu la Journée Mondiale contre les DRM.

La JournĂ©e contre les DRM rĂ©unira de nombreux acteurs — organisations pour l’intĂ©rĂȘt public, sites Internet et citoyens —, qui mettront sur pied une opĂ©ration destinĂ©e Ă  attirer l’attention de l’opinion publique sur les dangers d’une technologie qui restreint l’accĂšs des utilisateurs aux films, Ă  la musique, Ă  la littĂ©rature, aux logiciels, et d’ordre plus gĂ©nĂ©ral Ă  toutes les formes de donnĂ©es numĂ©riques. De nombreux dispositifs de DRM enregistrent les activitĂ©s de l’utilisateur et transmettent leurs donnĂ©es aux grosses entreprises qui les imposent.

Dans le cadre de sa campagne anti-DRM, Defective by Design, la Free Software Foundation (FSF) participera Ă  la coordination des activistes anti-DRM de par le monde pour mobiliser l’opinion publique contre cette technologie antisociale. Il a aussi Ă©tĂ© publiĂ© un billet offrant un bref historique d’une DĂ©cennie de DRM (NdT : Decade in DRM).

« Les DRM s’en prennent Ă  votre libertĂ© Ă  deux Ă©gards. Leur but est d’attaquer votre libertĂ© en limitant l’utilisation que vous pouvez faire de vos copies d’Ɠuvres numĂ©riques. Pour cela, ils vous obligent Ă  utiliser des logiciels privateurs, dont vous ne contrĂŽlez pas les actions. Chaque fois qu’une entreprise conçoit des produits destinĂ©s Ă  limiter nos libertĂ©s, nous devons nous organiser afin de dĂ©jouer ses projets, Â» a dĂ©clarĂ© Richard Stallman, le prĂ©sident de la FSF.

Jim Killock, le directeur exĂ©cutif de l’Open Rights Group, prĂ©cise quant Ă  lui que « les dispositifs de DRM sont une catastrophe pour les usages lĂ©gaux de musique, de films et de livres. Ils sont conçus pour enchaĂźner les utilisateurs Ă  des logiciels et Ă  des appareils particuliers, et anĂ©antissent vos droits Ă  l’usage de la libertĂ© d’expression tels que l’information, l’enseignement et la critique. À cause des DRM, vous n’avez plus la maĂźtrise des donnĂ©es et ĂȘtes Ă  la merci des fabricants. Â»

Richard Esguerra, de l’Electronic Frontier Foundation, partenaire de la JournĂ©e contre les DRM, explique que « Les activistes et les utilisateurs de technologie bien informĂ©s ont jouĂ© un rĂŽle clĂ© dans la dĂ©nonciation des mĂ©faits des DRM Ă  l’Ă©poque oĂč les mesures techniques consistaient en programmes anticopie. À prĂ©sent, les DRM Ă©voluent car les entreprises cherchent Ă  limiter les utilisateurs bien au-delĂ  de leur capacitĂ© Ă  copier des fichiers. La JournĂ©e mondiale contre les DRM est une nouvelle occasion de relever le dĂ©fi et de se battre pour la libertĂ© technologique. Â»

Les Ă©vĂšnements, partenaires et partisans qui s’ajouteront Ă  la « JournĂ©e contre les DRM Â» seront annoncĂ©s Ă  mesure que la date approchera. Les organisations et les particuliers qui souhaitent s’impliquer peuvent contacter info@defectivebydesign.org ou se rendre sur le site http://defectivebydesign.org/ pour s’inscrire et suivre la campagne.

La Free Software Foundation

La Free Software Foundation, fondĂ©e en 1985, se consacre Ă  la dĂ©fense des droits des utilisateurs Ă  utiliser, Ă©tudier, copier, modifier et redistribuer les programmes informatiques. La FSF promeut la conception et l’utilisation des logiciels libres — en particulier du systĂšme d’exploitation GNU et de ses dĂ©rivĂ©es GNU/Linux —, et d’une documentation libre pour les logiciels libres. La FSF contribue aussi Ă  informer le public sur les questions Ă©thiques et politiques qui sont en jeu dans la libertĂ© d’utilisation des logiciels ; ses sites Web, que l’on trouve aux adresses fsf.org et gnu.org, offrent d’importantes sources d’information sur GNU/Linux. Si vous souhaitez soutenir financiĂšrement l’action de la FSF, vous pouvez faire un don sur la page http://donate.fsf.org. Son siĂšge se trouve Ă  Boston, Massachusetts, aux États-Unis.

L’Open Rights Group

L’Open Rights Group est un groupe de dĂ©fense des droits numĂ©riques basĂ© au Royaume-Uni, qui vise Ă  attirer l’attention sur les questions des droits numĂ©riques, Ă  favoriser l’activitĂ© citoyenne, ainsi qu’Ă  protĂ©ger et Ă©tendre les libertĂ©s civiques Ă  l’Ăšre numĂ©rique.

Notes

[1] CrĂ©dit photos : Martin Krzywinski (Creative Commons By) et Martin Krzywinski (Creative Commons By)




L’ACTA en l’Ă©tat ne passera pas par moi !

RaĂŻssa Bandou - CC by« Depuis le printemps 2008, l’Union europĂ©enne, les États-Unis, le Japon, le Canada, la CorĂ©e du Sud, l’Australie ainsi qu’un certain nombre d’autres pays nĂ©gocient secrĂštement un accord commercial destinĂ© Ă  lutter contre la contrefaçon (Anti-Counterfeinting Trade Agreement ou ACTA). Suite Ă  des fuites de documents confidentiels, il apparaĂźt clairement que l’un des buts principaux de ce traitĂ© est de forcer les pays signataires Ă  mettre en place des mesures de rĂ©pression de partage d’Ɠuvre sur Internet sous la forme de riposte graduĂ©e et de filtrage du Net.

Alors que d’importants dĂ©bats ont lieu sur la nĂ©cessitĂ© d’adapter le droit d’auteur Ă  l’Ăšre numĂ©rique, ce traitĂ© cherche Ă  contourner les processus dĂ©mocratiques afin d’imposer, par la gĂ©nĂ©ralisation de mesures rĂ©pressives, un rĂ©gime juridique fondamentalement dĂ©passĂ©. Â»

Ainsi s’ouvre la rubrique ACTA du site de La Quadrature du Net qui nous demande aujourd’hui d’Ă©crire Ă  nos reprĂ©sentants pour appuyer une initiative de quatre eurodĂ©putĂ©s s’opposant Ă  l’accord.

Sur le fond comme dans la forme, cet accord s’apparente Ă  un pur scandale. Ces petites nĂ©gociations entre amis seraient passĂ©es comme une lettre Ă  la poste il y a Ă  peine plus de dix ans. Mais aujourd’hui il y a un caillou dans les souliers de ceux qui estiment bon de garder le secret[1]. Un caillou imprĂ©vu qui s’appelle Internet. Raison de plus pour eux de le museler et pour nous de rĂ©sister…

Pour Ă©voquer cela nous avons choisi de traduire un article de Cory Doctorow qui rĂ©sume bien la (triste) situation et comment nous pouvons tous ensemble tenter d’y remĂ©dier.

ACTA et le Web : quand le copyright s’installe en douce

Copyright Undercover: ACTA & the Web

Cory Doctorow – 17 fĂ©vrier 2010 – InternetEvolution.com
(Traduction Framalang : Tinou, Psychoslave, Barbidule, Goofy et Don Rico)

Introduction

Le septiĂšme round de nĂ©gociations secrĂštes sur l’ACAC (Accord commercial anti-contrefaçon, en anglais ACTA) s’est achevĂ© le mois dernier Ă  Guadalajara (Mexique). Le silence radio sur ces nĂ©gociations est quasi-total : tels les kremlinologues de l’Ăšre soviĂ©tique, nous devons nous contenter d’interprĂ©ter les maigres indices qui transpirent au-delĂ  des portes closes.

Voici ce que nous savons : l’idĂ©e que des traitĂ©s fondamentaux sur le droit d’auteur puissent ĂȘtre nĂ©gociĂ©s secrĂštement est en train de perdre du terrain partout dans le monde. Les lĂ©gislateurs des pays participant aux nĂ©gociations exigent que ce processus soit ouvert Ă  la presse, aux activistes et au public.

Pour leur rĂ©pondre, les nĂ©gociateurs soutiennent — de maniĂšre surprenante — que le traitĂ© ne modifiera en rien les lois de leur pays, et que seuls les autres Ă©tats devront faire Ă©voluer leur droit (comme tous ces pays ont des lĂ©gislations fonciĂšrement divergentes en matiĂšre de droits d’auteur, quelqu’un ment forcĂ©ment. Je parie qu’il mentent tous).

Nous connaissons enfin l’attitude des promoteurs de l’ACAC Ă  l’Ă©gard du dĂ©bat public : au cours de la terne « rĂ©union publique Â» tenue avant que les nĂ©gociations ne dĂ©butent, une activiste a Ă©tĂ© expulsĂ©e pour avoir Ă©bruitĂ© sur Twitter un compte-rendu des promesses faites verbalement par les intervenants Ă  la tribune. Alors qu’on l’emmenait, elle a Ă©tĂ© huĂ©e par les lobbyistes qui peuvent participer Ă  ce traitĂ© dont sont exclus les simples citoyens.

Cette situation embarrasse toutes les parties concernĂ©es, mettant Ă  nu une attitude pro-capitaliste dont l’intĂ©rĂȘt dĂ©passe largement le cadre du copyright. Cela doit cesser. Nous verrons dans cet article comment nous en sommes arrivĂ©s lĂ , et ce que vous pouvez faire pour mettre un terme Ă  cette menace.

Comment en sommes-nous arrivĂ©s lĂ  ?

Un peu d’histoire, pour ceux Ă  qui les Ă©pisodes sous-mĂ©diatisĂ©s prĂ©cĂ©dents auraient Ă©chappĂ© : les traitĂ©s internationaux sur le droit d’auteur Ă©manent Ă  l’origine d’une agence des Nations Unies appelĂ© l’OMPI, l’Organisation Mondiale de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle. Au dĂ©part, il s’agissait d’une agence privĂ©e crĂ©Ă©e pour servir de bras armĂ© aux grandes « industries de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Â» (musique, films, produits pharmaceutiques, tĂ©lĂ©vision, etc.). Elle a pris forme en tant que consortium d’industries du privĂ©, puis a ultĂ©rieurement gagnĂ© une lĂ©gitimitĂ© lors de son intĂ©gration Ă  l’ONU.

La prise en compte par l’ONU a donnĂ© un pouvoir Ă©norme aux intĂ©rĂȘts privĂ©s qui ont fondĂ© l’OMPI, mais dans le mĂȘme temps cela signifiait qu’ils devaient suivre les rĂšgles de l’ONU, c’est-Ă -dire que les organismes non-gouvernementaux et la presse Ă©tait autorisĂ©s Ă  assister aux nĂ©gociations, Ă  en rendre compte et mĂȘme Ă  y participer. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le groupement d’intĂ©rĂȘt public Knowledge Ecology International a commencĂ© Ă  embrigader d’autres organisations pour suivre les actions de l’OMPI.

Ah, au fait, j’Ă©tais l’un des dĂ©lĂ©guĂ©s qui a rejoint cette vague, au nom de l’Electronic Frontier Foundation. Les militants prĂ©sents Ă  l’OMPI ont tuĂ© dans l’Ɠuf le traitĂ© en cours de nĂ©gociation, le TraitĂ© de TĂ©lĂ©diffusion, et l’ont remplacĂ© par un autre destinĂ© Ă  aider les personnes aveugles et handicapĂ©es, les archivistes et les Ă©ducateurs. Pas vraiment les actions prioritaires pour les grosses multinationales du divertissement.

Ils ont donc dĂ©placĂ© leurs forums. Depuis 2006, divers pays riches — les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Union EuropĂ©enne, l’Australie et d’autres – ont tenu une sĂ©rie de sĂ©ances de rĂ©daction de traitĂ© en comitĂ© privĂ©, sous le sceau de la non-divulgation.

Tout secret connu de deux personnes ou plus finit toujours par s’Ă©venter, aussi de nombreuses divulgations nous donnent-elles un aperçu du chapitre « Internet Â» du traitĂ©, oĂč des dispositions ont Ă©tĂ© prises sur la gouvernance et les restrictions imposĂ©es au rĂ©seau mondial. Lisez donc la suite.

Ce qu’a fait l’ACAC jusqu’ici

ArrĂȘtons-nous un instant pour parler des concepts de copyright, d’Internet, et de gouvernance. Historiquement, les lois sur le copyright ont Ă©tĂ© Ă©crites par et au bĂ©nĂ©fice des prestataires de l’industrie du divertissement. Les rĂšgles du copyright n’ont pas Ă©tĂ© pensĂ©es pour contrĂŽler de façon appropriĂ©e un quelconque autre domaine: on n’essaie pas de caser des morceaux du code du travail, des lois sur la finance, l’Ă©ducation, la santĂ© ou les campagnes Ă©lectorales dans le systĂšme du copyright.

Mais dĂšs que vous transfĂ©rez ces activitĂ©s Ă  Internet, le copyright devient la premiĂšre mĂ©thode de contrĂŽle, faisant autoritĂ© sur tout. Il est impossible de faire quoi que ce soit sur Internet sans faire de copie (vous venez de crĂ©er entre 5 et 50 copies de cet article rien qu’en suivant le lien qui vous y a amenĂ©). Et comme le copyright rĂ©git la copie, toute rĂšgle qui touche Ă  la copie touchera Ă©galement Ă  ces domaines.

Et c’est bien ce qui dĂ©range dans le secret qui entoure l’ACAC, mĂȘme quand on ne se prĂ©occuppe pas de copyright, d’utilisation Ă©quitable (NdT : « fair use Â»), ou de tout autre sujet biscornu.

Divers brouillons de l’ACAC ont inclus l’obligation pour les FAI d’espionner leurs clients et d’interdire quoi que ce soit qui ressemble Ă  une violation de copyright. (Cela signifie-t-il qu’on vous empĂȘchera d’enregistrer une publicitĂ© trompeuse ou mensongĂšre et de l’envoyer Ă  votre dĂ©putĂ© ?) L’ACAC a Ă©galement soutenu la fouille des supports multimĂ©dia aux postes frontiĂšres pour y chercher des infractions au copyright (Les secrets professionnels de votre ordinateur portable, les donnĂ©es clients confidentielles, des correspondances personnelles, votre testament, vos coordonnĂ©es bancaires et les photos de vos enfants prenant leur bain pourraient ĂȘtre fouillĂ©es et copiĂ©es la prochaine fois que vous partez en voyage d’affaires).

L’ACAC a en outre appelĂ© Ă  la crĂ©ation de procĂ©dures simplifiĂ©es pour couper l’accĂšs Ă  Internet d’un foyer entier si l’un de ses membres est accusĂ© d’une infraction (ainsi, votre Ă©pouse perdra la capacitĂ© de contacter par e-mail un praticien gĂ©riatre au sujet de la santĂ© de grand-papa si votre enfant est soupçonnĂ© d’avoir tĂ©lĂ©chargĂ© trop de fichiers par poste-Ă -poste (P2P).

Ce n’est pas tout, mais ce sont lĂ  quelques exemples des propositions principales des sommets secrets de l’ACAC.

Ce qui a eu lieu à Mexico et pourquoi vous devriez vous y intéresser

Je pense par ailleurs que toutes les Ă©bauches de l’ACAC sont Ă©galement mauvaises pour le copyright et les crĂ©ations qu’il protĂšge. Je suis l’un des nombreux artistes qui gagnent leur vie en ligne, et qui profitent d’un Internet libre et ouvert. Mes livres sont disponibles au tĂ©lĂ©chargement gratuit le jour mĂȘme oĂč mes Ă©diteurs le mettent en rayon. Mon premier roman pour jeunes adultes – Little Brother (NdT : « Petit FrĂšre Â») – a atteint le classement des meilleurs ventes du New York Times grĂące Ă  cette stratĂ©gie.

Mais mĂȘme si vous vous fichez Ă©perdument de la musique, des films, des jeux ou des livres, vous devez prĂȘter attention Ă  l’ACAC.

Ceci dit, le fait est que nous ne savons presque rien de la façon dont s’est dĂ©roulĂ©e la septiĂšme rĂ©union. Elle a assez mal dĂ©marrĂ© : lors d’une rĂ©union d’information publique, les organisateurs de l’ACAC ont tentĂ© de faire signer Ă  l’assistance un accord de non-divulgation (lors d’une rĂ©union publique !), et ont ensuite fait sortir une activiste qui Ă©bruitait des notes sur les Ă©lĂ©ments publiĂ©s — elle a Ă©tĂ© Ă©vincĂ©e manu militari sous les huĂ©es des lobbyistes prĂ©sents, outrĂ©s que le public puisse assister Ă  la rĂ©union.

Pendant la rĂ©union, des membres de diverses reprĂ©sentations parlementaires de par le monde se sont levĂ©s au sein de leur institution, et ont exigĂ© de prendre connaissance des dĂ©tails du traitĂ© qui Ă©tait nĂ©gociĂ© par le dĂ©partement du commerce de leur pays, sans la supervision de leur sĂ©nat ni de leur parlement. Les lĂ©gislateurs de toute l’Europe, les membres des parlements canadien et australien, et les reprĂ©sentants du CongrĂšs des États-Unis se sont vu opposer un silence de marbre et de vagues garanties.

Ces assurances Ă©tant les seules informations publiques visibles que nous ayons sur la question, elles mĂ©ritent notre attention : l’Union EuropĂ©enne, les États-Unis et le Canada ont tous affirmĂ© que rien dans l’ACAC n’aura d’impact sur le droit national dont les reprĂ©sentants Ă©lus sont responsables.

Au lieu de cela, ils prĂ©tendent que l’ACAC ne fait qu’incarner les lois nationales dans un accord international, ce qui dans les faits oblige tout le monde Ă  s’aligner sur les lois existantes.

Cette absurditĂ© — pourquoi nĂ©gocier un traitĂ© qui ne changerait rien ? — devient encore plus ridicule lorsque l’on considĂšre que l’Union EuropĂ©enne, le Canada et les États-Unis ont des rĂšgles de droit d’auteur diffĂ©rentes et incompatibles sur les questions en discussion Ă  l’ACAC. Il est littĂ©ralement impossible pour l’ACAC de parvenir Ă  un ensemble de rĂšgles qui n’entraĂźnerait pas de modifications pour tout le monde.

Ce que l’avenir nous rĂ©serve – et ce que vous pouvez faire

Certes, nous pourrions tous constater par nous-mĂȘmes ce qui a Ă©tĂ© proposĂ©, si seulement l’ACAC Ă©tait ouvert au public, comme tous les autres traitĂ©s sur le copyright mondial le sont depuis l’avĂšnement d’Internet.

LĂ  encore, voici une sĂ©rie de dĂ©clarations contradictoires sur lesquelles nous creuser la tĂȘte : le dĂ©lĂ©guĂ© en chef du commerce États-Unien dit que le secret est une condition requise par les partenaires des États-Unis. Or, la dĂ©claration sur la confidentialitĂ© qui a Ă©tĂ© divulguĂ©e provient clairement des États-Unis. De nombreux États de l’UE sont sur le point de lancer un appel officiel pour la transparence de l’ACAC.

Pour ma part, je parie sur les États-Unis. L’industrie mondiale du divertissement a plus d’emprise lĂ -bas que dans toute autre nation, et l’administration Obama est allĂ©e jusqu’Ă  nier la loi sur la libertĂ© de l’information (NdT « Freedom of Information Act Â») pour le traitĂ© en prĂ©textant des raisons de sĂ©curitĂ© nationale. (Oui, la sĂ©curitĂ© nationale ! Ceci est un traitĂ© de droit d’auteur, pas une liste des codes de lancement de missiles.) Et le Bureau du ReprĂ©sentant État-Unien au Commerce (ndt : « United States Trade Representative Â», USTR) a dĂ©clarĂ© clairement que l’administration Obama prĂ©voit de ratifier l’ACAC par dĂ©cret, sans la faire passer par le CongrĂšs.

Le prochain sommet de l’ACAC se dĂ©roulera en Nouvelle-ZĂ©lande en avril, et les militants se prĂ©parent pour la bataille. En Nouvelle-ZĂ©lande, les opposants au copyright (NdT : « copyfighters Â») sont aguerris et prĂȘts Ă  en dĂ©coudre, ayant rĂ©cemment repoussĂ© le rĂšglement 92A qui aurait permis aux producteurs de cinĂ©ma et de musique de couper l’accĂšs Ă  Internet sur simple accusation — sans preuve — de violation de copyright.

Impliquez-vous. Appelez votre sĂ©nateur, votre dĂ©putĂ©, votre euro-dĂ©putĂ©. Dites-leur que vous voulez que l’ACTA soit nĂ©gociĂ© de façon ouverte, avec la participation du public et de la presse.

Refusez que des rĂšgles affectant les moindres recoins de votre vie en ligne soient dĂ©cidĂ©es en douce par ceux qui ne dĂ©fendent que les intĂ©rĂȘts de leur portefeuille.

Cory Doctorow
Militant de l’Internet, blogueur – Co-rĂ©dacteur en chef de Boing Boing

Notes

[1] CrĂ©dit photo : RaĂŻssa Bandou (Creative Commons By)




L’Affaire Copyright ou les aventures de Tintin au pays des ayants droit

L'Affaire Copyright - Couverture - PiccoloNous avons dĂ©jĂ  eu l’occasion de le signaler dans notre billet sur Le Petit Prince. Fixer arbitrairement Ă  une trĂšs longue pĂ©riode de 70 ans la durĂ©e des droits patrimoniaux aprĂšs la mort de l’auteur au bĂ©nĂ©fice des ayants droit est devenu quelque peu problĂ©matique Ă  l’Ăšre du rĂ©seau.

Ce qui se voulait au départ un équilibre équitable entre les droits du public et celui du créateur penche désormais trÚs clairement en faveur du second (et de sa progéniture) sans autre réelle justification que le contrÎle et le profit.

D’ailleurs Ă  ce propos une petite parenthĂšse mathĂ©matique. Sans remonter le temps juste aprĂšs la RĂ©volution française oĂč cette durĂ©e n’Ă©tait que de 10 ans, on peut faire remarquer qu’en 1900 la durĂ©e Ă©tait de 50 ans mais avec une espĂ©rance de vie dĂ©passant Ă  peine les 40 ans. Or aujourd’hui on a non seulement rallongĂ© la durĂ©e des droits Ă  70 ans, mais l’espĂ©rance de vie approche les 80 ans[1].

Conclusion : Les ayants droit ont gagnĂ© en un siĂšcle 20+40, soit 60 ans de plus en moyenne pour exploiter les Ɠuvres !

Tout ceci n’est guĂšre raisonnable. D’autant que cela aiguise les appĂ©tits des enfants et petits-enfants du crĂ©ateur dans ce qui peut devenir lĂ  une source de revenus suffisante pour bien vivre, sans autre travail que de veiller jalousement au patrimoine du gĂ©nie de la famille.

Capitaine HaddockCela leur fait mĂȘme parfois un peu tourner la tĂȘte. Nous avions Ă©voquĂ© briĂšvement le cas de l‘anarchiste LĂ©o FerrĂ©, qui doit s’en retourner dans sa tombe. Mais la palme revient peut-ĂȘtre aux ayants droit de Tintin, ou plutĂŽt de son papa HergĂ©, enfin surtout de ses hĂ©ritiers, en l’occurrence sa veuve et son nouveau mari par l’entremise de la SociĂ©tĂ© Moulinsart chargĂ©e de l’exploitation commerciale de l’Ɠuvre du cĂ©lĂšbre dessinateur.

Cette sociĂ©tĂ© a l’honneur d’un article sur WikipĂ©dia. Extrait :

La gestion de l’Ɠuvre d’HergĂ© reste trĂšs controversĂ©e par certains tintinophiles qui l’estiment parfois trop stricte, trop commerciale, voire maladroite. Le prix Ă©levĂ© des produits dĂ©rivĂ©s, le contrĂŽle rigoureux des sites internet amateurs ou encore les ratĂ©s de certains projets (l’adaptation de Tintin au cinĂ©ma et le musĂ©e HergĂ© par exemple) sont souvent pointĂ©s du doigt. Ainsi, en octobre 2009, Moulinsart SA a fait condamner en appel le romancier Bob Garcia Ă  une amende de plus de 48 000 euros pour des vignettes qu’il avait citĂ©es dans un ouvrage pour enfants Ă©ditĂ©s Ă  seulement 500 exemplaires, voire pour des vignettes qui n’Ă©taient pas citĂ©es du tout dans les ouvrages de l’auteur. Celui-ci n’Ă©tant pas solvable, la sociĂ©tĂ© n’hĂ©sitera pas Ă  faire saisir sa maison.

Pour en savoir plus sur cette sombre histoire, voir Moulinsart l’a tuĂ©, presque sur La rĂ©publique des livres, le blog de Pierre Assouline (l’un des biographes d’HergĂ© soit dit en passant).

Capitaine HaddockIl faut bien comprendre que la moindre reproduction de vignettes est interdite par les avocats de Moulinsart : « une vignette de bande dessinĂ©e est une Ɠuvre Ă  part entiĂšre, or une Ɠuvre Ă  part entiĂšre ne peut pas ĂȘtre citĂ©e (…) il y a environ mille vignettes par album, il y a donc mille dessins protĂ©gĂ©s par des droits d’auteur Â» (source JDD).

Impossible donc a priori de faire Ă©tat d’un « droit de courte citation graphique Â». Ainsi les quelques imagettes qui illustrent ce billet, d’un Capitaine Haddock abasourdi par la situation, sont en thĂ©orie illĂ©gales, sauf Ă  penser qu’elles ne sont que des parties de vignettes et donc en quelque sorte des citations de vignettes (qu’elles proviennent indĂ»ment d’une photo d’exposition placĂ©e sous Creative Commons n’arrange Ă©videmment rien Ă  l’affaire).

Mais il n’y a pas que Bob Garcia qui ait eu Ă  subir la vindicte de Moulinsart SA. On peut citer Ă©galement les difficultĂ©s actuelles des Ă©ditions BĂ©dĂ©story.

BĂ©dĂ©StoryBĂ©dĂ©Story publie sous le titre gĂ©nĂ©rique « Comment HergĂ© a créé  Â» des Ă©tudes portant sur la genĂšse de l’Ɠuvre d’HergĂ© : Comment HergĂ© a crĂ©Ă© Tintin au Congo, Comment HergĂ© a crĂ©Ă© Tintin en AmĂ©rique, et ainsi de suite.

Des titres proches des originaux, quelques vignettes reprises çà et lĂ , et c’est la sanction : Moulinsart SA attaque pour rien moins que contrefaçon ! Heureusement le tribunal (d’Évry) a logiquement dĂ©boutĂ© et condamnĂ© Moulinsart pour procĂ©dure abusive et ordonnĂ© la main-levĂ©e des ouvrages.

Mais cela n’a pas suffit. Ils ont en effet fait pression sur les distributeurs dont la FNAC et Amazon, pour qu’ils ne proposent plus la dite collection dans leur catalogue, une lettre non Ă©quivoque de Moulinsart Ă  la FNAC ayant Ă©tĂ© interceptĂ©e. BĂ©dĂ©Story s’en insurge : « Nous tenons Ă  dĂ©noncer avec force les mĂ©thodes commerciales scandaleuses utilisĂ©es par Moulinsart pour nous Ă©liminer du marchĂ© sans le moindre jugement dĂ©favorable Ă  notre encontre, ainsi que l’attitude lamentable de la FNAC qui n’a pas daignĂ© rĂ©pondre Ă  notre demande d’explication. Â»

Capitaine HaddockL’ironie de l’histoire c’est que BĂ©dĂ©Story a Ă©galement publiĂ© tout rĂ©cemment un album aux Ă©ditions « Parodisiaques Â» (histoire que ce soit bien clair) dont le titre, dans ce contexte, ne passe pas inaperçu : L’affaire copyright.

En voici sa prĂ©sentation, parce que je ne vais pas me gĂȘner pour en faire la publicitĂ© (la couverture, tout en haut, et la page de garde, tout en bas, sont de Piccolo) :

Dix scĂ©naristes et dessinateurs de bande dessinĂ©e (Calza, Chabaud, Di Martino, Domas, Fortin, MibĂ©, Piccolo, Sen et Roulin) rendent hommage Ă  HergĂ© Ă  travers de courtes histoires parodiques (Brocante Ă  Moulinsart, Tartarin et les cent dalles du pharaon, On a zappĂ© sur Saturne, Cauchemar Ă  Moulinbar, Remue-mĂ©nage Ă  Moul1sard, Crincrin au chĂŽmage, Crincrin chez le psychanalyste, Les Aventures de Crincrin, Pinpin et la fin de l’or noir) en 52 pages quadri Ă©tonnantes d’imagination et d’humour. Ce recueil est le premier album parodique exclusivement consacrĂ© Ă  Tintin.

Or, cette fois-ci, l’ouvrage ne va pas ĂȘtre retirĂ© de la circulation, il ne va tout simplement pas ĂȘtre rĂ©fĂ©rencĂ© !

Ces petits rĂ©cits (dont la plupart ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© publiĂ©es prĂ©cĂ©demment avec l’accord Ă©crit de Moulinsart). ne constituent pas des suites des Aventures de Tintin. Elles sont des hommages trĂšs respectueux Ă  l’Ɠuvre de HergĂ© et Ă  Tintin, rĂ©alisĂ©es avec passion et talent par une dizaine d’auteurs vraiment tintinophiles. Elles ne contiennent aucune violence, ni racisme, ni allusion politique, etc. et ne peuvent en aucun cas faire de tort Ă  l’image de Tintin. Elles s’inscrivent parfaitement dans le strict droit de l’exception de parodie.

Or, la Fnac (et la plupart des grandes librairies bĂ©dĂ©, sites de vente en ligne, etc.) refusent purement et simplement de rĂ©fĂ©rencer l’ouvrage « suite aux pressions et menaces de Moulinsart Â». Donc, cette fois Moulinsart fait l’économie d’un procĂšs. Il suffit que leurs avocats envoient des lettres types de menace pour que commercialisation de cet ouvrage – parfaitement lĂ©gal – soit dĂ©finitivement compromise.

Faute de trouver une meilleure solution pour l’instant, BĂ©dĂ©Story a dĂ©cidĂ© de proposer cet ouvrage en vente directe Ă  nos quelques clients fidĂšles et aux quelques libraires qui ont encore un peu de dignitĂ©.

Cet album vous intĂ©resse ? Un message de soutien ?

Vous pouvez leur Ă©crire Ă  : bedestory AT gmail.com.

Tiens, il me vient en mĂ©moire ce chinois qui, un sabre Ă  la main, poursuivait Tintin dans Le lotus bleu : « Il faut trouver la voie ! Moi je l’ai trouvĂ©e. Il faut donc que vous la trouviez aussi
 Je vais d’abord vous couper la tĂȘte. Ensuite, vous trouverez la vĂ©ritĂ© ! Â».

Ce chinois Ă©tait devenu fou. Lui aussi.

L'Affaire Copyright - Page de garde - Piccolo

Triste (et scandaleux) Ă©pilogue : Cet article a Ă©tĂ© mis en ligne le 22 fĂ©vrier 2010. Une semaine plus tard, la SociĂ©tĂ© Moulinsart gagnait un nouveau procĂšs et obligeait BĂ©dĂ©Story a mettre dĂ©finitivement la clĂ© sous la porte

Notes

[1] Les sources de ma parenthÚse mathématique proviennent de cet article mais surtout de ce graphique.




L’Éclaternet ou la fin de l’Internet tel que nous le connaissons ?

RaĂșl A. - CC byUne fois n’est pas coutume, nous vous proposons aujourd’hui une traduction qui non seulement ne parle pas de logiciel libre mais qui en plus provient de CNN, et mĂȘme pire que cela, de sa section Money !

Et pourtant il nous semble pointer du doigt une possible Ă©volution d’Internet, celle de son Ă©clatement sous la pression des smartphones et autres objets connectĂ©s tels ces nouvelles liseuses et tablettes dont on vante tant les futurs mĂ©rites.

Une Ă©volution possible mais pas forcĂ©ment souhaitable car c’est alors toute la neutralitĂ© du Net qui vacille puisque les trois couches qui dĂ©finissent le rĂ©seau d’aprĂšs Lessig se trouvent ensemble impactĂ©es.

l’iPad ou le Kindle en sont des exemples emblĂ©matiques car ce sont des ordinateurs (la couche « physique Â») dont Apple et Amazon contrĂŽlent Ă  priori les protocoles et les applications (la couche « logique Â») et peuvent filtrer Ă  leur guise les fichiers (la couche des « contenus Â»).

L’article s’achĂšve sur une note optimiste quant au HTML5 et au souci d’interopĂ©rabilitĂ©. Encore faudrait-il avoir affaire Ă  des utilisateurs suffisamment sensibilisĂ©s sur ces questions[1].

Hier encore on nous demandait : T’es sous quel OS, Windows, Mac ou Linux ? Aujourd’hui ou tout du moins demain cela pourrait ĂȘtre : T’es sous quel navigateur, Firefox, Internet Explorer ou Chrome ?

Et aprĂšs-demain on se retrouvera Ă  la terrasse des cafĂ©s wi-fi, on regardera autour de nous et on constatera, peut-ĂȘtre un peu tard, qu’Ă  chaque objet diffĂ©rent (netbook, smartphone, iPad, Kindle et leurs clones…) correspond un Internet diffĂ©rent !

La fin de l’Internet tel que nous le connaissons, grĂące Ă  l’iPad et aux autres

End of the Web as we know it, thanks to iPad and others

Julianne Pepitone – 3 fĂ©vrier 2010 – CNNMoney.com
(Traduction Framalang : Martin et Goofy)

Pendant plusieurs annĂ©es, l’Internet a Ă©tĂ© relativement simple : tout le monde surfait sur le mĂȘme rĂ©seau.

Plus on s’avance vers 2010, plus l’idĂ©e d’un mĂȘme Internet « taille unique Â» pour tous devient un souvenir lointain, Ă  cause de l’arrivĂ©e de l’iPhone, du Kindle, du BlackBerry, d’Android, et bien sĂ»r du fameux iPad.

La multiplication des gadgets mobiles allant sur Internet s’accompagne Ă  chaque fois d’un contenu spĂ©cifique pour chaque appareil. Par exemple, l’application populaire pour mobile Tweetie permettant de se connecter Ă  Twitter n’est disponible que pour l’iPhone, alors que l’application officielle pour Gmail ne l’est que pour Android. Et si vous achetez un e-book pour le Kindle d’Amazon, vous ne pourrez pas forcĂ©ment le lire sur d’autres lecteurs Ă©lectroniques.

En mĂȘme temps de plus en plus de contenus en ligne sont protĂ©gĂ©s par un mot de passe, comme la plupart des comptes sur Facebok et certains articles de journaux.

C’est un Internet emmĂȘlĂ© qui est en train de se tisser. Simplement, le Web que nous connaissions est en train d’Ă©clater en une multitude de fragments. C’est la fin de l’Ăąge d’or, selon l’analyste de Forrester Research Josh Bernoff, qui a rĂ©cemment formulĂ© le terme de « Ă©claternet Â» pour dĂ©crire ce phĂ©nomĂšne (NdT : the splinternet).

« Cela me rappelle au tout dĂ©but d’Internet la bataille de fournisseurs d’accĂšs entre AOL et CompuServe Â» dit Don More, du fond de capital risque Updata, une banque d’investissement conseillĂšre dans les technologies Ă©mergentes de l’information. « Il y aura des gagnants et des perdants Â».

Dans ces premiers temps du Web, les utilisateurs accĂ©daient aux contenus en utilisant des systĂšmes spĂ©cifiques ; ainsi les abonnĂ©s de chez AOL ne pouvaient voir que les contenus AOL. Puis le World Wide Web est devenu une plateforme ouverte. Maintenant les appareils nomades sont Ă  noueau en train de morceler le Web.

D’aprĂšs Bernoff, « Vous ne pouvez plus recoller les morceaux, la stabilitĂ© qui a aidĂ© le Web Ă  prendre forme s’en est allĂ©e, et elle ne reviendra plus Â».

Des angles morts

Quand les utilisateurs d’appareils mobiles choisissent d’acheter un iPhone, un Motorola avec Android, un BlackBerry ou d’autres, ils sont effectivement en train d’opter pour certains types de contenus ou au contraire d’en abandonner d’autres, puisque toutes les applications ne sont pas disponibles sur tous ces gadgets.

D’aprĂšs Don More de Updata, ce phĂ©nomĂšne est en train de mettre le contenu dans des « communautĂ©s fermĂ©s Â». Les fabricants de ces appareils peuvent (et ils le font) prendre et choisir quelles applications fonctionneront avec leur machine, en rejetant celles qui pourraient ĂȘtre en concurrence avec leurs propre produits, ou bien celles qu’ils estiment n’ĂȘtre pas Ă  la hauteur.

Par exemple, Apple a rejetĂ© l’application Google Voice sur l’iPhone, qui aurait permis aux utilisateurs d’envoyer gratuitement des messages et d’appeler Ă  l’Ă©tranger Ă  faible coĂ»t.

Et les limitations ne s’arrĂȘtent pas seulement aux applications. Une affaire d’actualitĂ© : Le nouvel iPad ne prend pas en charge le lecteur Flash d’Adobe, ce qui empĂȘchera les utilisateurs d’accĂ©der Ă  de nombreux sites.

Bernoff ajoute : « bien que (cette tendance) ne soit pas nĂ©cessairement mauvaise pour les consommateurs, ils devraient prendre conscience qu’ils sont en train de faire un choix. Quoi qu’ils choisissent, certains contenus ne leur seront pas disponibles Â».

Des choix difficiles

Les entreprises qui crĂ©ent les applications sont maintenant confrontĂ©es Ă  des choix difficiles. Quels appareils choisiront-elles de prendre en charge ? Combien d’argent et de temps devront-elles prendre pour que leurs contenus fonctionnent sur ces gadgets ?

Quel que soit le choix des dĂ©veloppeurs, il leur manquera toujours une partie des consommateurs qu’ils pouvaient auparavant toucher lorsque le Web Ă©tait un seul morceau.

Sam Yagan, co-fondateur du site de rencontres OKCupid.com, ajoute : « quand nous avons commencĂ© notre projet, jamais nous avons pensĂ© que nous aurions Ă  faire face Ă  un tel problĂšme. RĂ©Ă©crire un programme pour un tĂ©lĂ©phone diffĂ©rent c’est une perte de temps, d’argent, et c’est un vrai casse-tĂȘte Â».

D’aprĂšs Yagan, OkCupid emploie 14 personnes, et son application pour l’iPhone a nĂ©cessitĂ© 6 mois de travail pour ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e. L’entreprise envisage de crĂ©er une application pour Android, ce qui prendra environ 2 mois.

« C’est un Ă©norme problĂšme de rĂ©partition des ressources, surtout pour les petites entreprises Â», explique Yagan, « Nous n’avons tout simplement pas assez de ressources pour mettre 5 personnes sur chaque appareil qui sort Â».

Chris Fagan, co-fondateur de Froogloid, une société qui propose un comparateur pour le commerce électronique, dit que son entreprise a choisi de se spécialiser sur Android, car il marche avec plusieurs téléphones comme le Droid, Eris, ou G1.

Selon Fagan « les consommateurs sont en train de perdre des choix possibles, et les entreprises sont en train de souffrir de ces coĂ»ts supplĂ©mentaires Â». Mais il ajoute que la popularitĂ© en plein essor des applications signifie que les entreprises continueront Ă  en concevoir malgrĂ© leur coĂ»t.

Et aprĂšs ?

Comme un Internet plus fragmentĂ© devient chose courante, Bernoff de Forrester pense qu’il y aura un contrecoup : une avancĂ©e pour rendre le contenu sur mobile plus uniforme et interopĂ©rable.

La solution pourrait bien ĂȘtre la nouvelle version du langage Web qui arrive Ă  point nommĂ©, le HTML5, qui d’aprĂšs Bernoff pourrait devenir un standard sur les appareils nomades dans quelques annĂ©es. Par exemple, le HTML5 permet de faire fonctionner des animations sur les sites Web sans utiliser le Flash.

Mais l’arrivĂ©e de n’importe quelle nouvelle technologie dĂ©clenchera une lutte pour la contrĂŽler. Don More de Updata s’attend Ă  voir « une bataille sans merci entre les entreprises (pas seulement Apple et Google, mais aussi Comcast, Disney et tous ceux qui s’occupent des contenus). Que ce soit les applications, les publicitĂ©s, les appareils… tout le monde est en train d’essayer de contrĂŽler ces technologies Ă©mergentes Â».

Évidemment, personne ne peut prĂ©voir le futur du Web. Mais Bernoff est au moins sĂ»r d’une chose.

« Nous ne connaissons pas ce que seront les tous nouveaux appareils en 2011. Mais ce qui est certain, c’est que l’Internet ne fonctionnera plus comme on l’a connu. Â»

Notes

[1] CrĂ©dit photo : RaĂșl A. (Creative Commons By)




Au secours, l’Hadopi arrive en Belgique !

Yumyumbubblegum - CC byOn peut ĂȘtre Ă©ventuellement fiers d’exporter nos parfums et nos vins, mais certainement pas notre Hadopi !

C’est pourtant la menace qui plane en Belgique. Ce court extrait vidĂ©o d’un rĂ©cent dĂ©bat tĂ©lĂ©visĂ© de la RTBF vous rappellera en effet illico bien des souvenirs.

Pour en savoir plus nous avons recontrĂ© un membre d’une association locale qui souhaite sensibiliser et mobiliser le grand public pour Ă©viter la contagion française.

PS : DĂ©solĂ© pour le choix de la photo clichĂ©e de la Belgique[1], mais ça symbolise les quatre majors du disque pissant dans les violons des artistes 😉

Entretien avec André Loconte du collectif NURPA

Bonjour, pouvez-vous vous prĂ©senter succinctement ?

AndrĂ© Loconte, belge, Ă©tudiant ingĂ©nieur, politiquement orientĂ© vers le logiciel libre, dĂ©veloppeur et fervent dĂ©fenseur de l’accessibilitĂ© du Web et de la neutralitĂ© du Net. Mes connaissances techniques liĂ©es Ă  l’informatique sont issues principalement (pour ne pas dire « exclusivement Â») du Net.

Je suis l’un des trois co-fondateurs de NURPA (avec Laurent Peuch et FrĂ©dĂ©ric Van Der Essen).

Qu’est ce que NURPA ? (et pourquoi un acronyme anglophone dans un pays qui a dĂ©jĂ  trois autres langues officielles ?)

Nous sommes un collectif hĂ©tĂ©roclite constituĂ© initialement d’étudiants (sciences informatiques, ingĂ©nieurs, ..) bercĂ©s dans la culture du libre mais qui s’est trĂšs vite complĂ©tĂ© de citoyens de tous horizons professionnels, concernĂ©s par les problĂšmes que l’application de lois telles que celle proposĂ©e par le sĂ©nateur Philippe Monfils (Proposition de loi visant Ă  promouvoir la crĂ©ation culturelle sur Internet) serait susceptible d’engendrer. Deux des co-fondateurs ont contribuĂ© (et contribuent toujours) chacun Ă  leur maniĂšre aux dĂ©bats qui font rage en France.

La Net Users’ Rights Protecion Association (trad. Association de protection des droits des internautes) est la rĂ©ponse collective de citoyens amoureux du Net et de leurs libertĂ©s, dĂ©cidĂ©s Ă  ne brader ni l’un ni l’autre au prĂ©texte qu’un gouvernement flexible au poids des industries du divertissement tente d’imposer subrepticement une surveillance gĂ©nĂ©ralisĂ©e du Net. Si l’on Ă©carte une hypothĂ©tique pression des lobbys, il est Ă©vident que nos politiques ont un retard considĂ©rable dans l’apprĂ©hension d’Internet et dans la comprĂ©hension de sa complexitĂ©. C’est donc avant tout dans une dĂ©marche pĂ©dagogique forte que s’inscrit NURPA : (in)former pour Ă©viter de voir se reproduire en Belgique les erreurs qui ont conduit Ă  la promulgation d’HADOPI en France (et qui ont poussĂ© les dĂ©putĂ©s Ă  aller plus loin dans l’absurde avec HADOPI2, LOPPSI…).

En observateurs avisĂ©s des dĂ©boires français et du contexte europĂ©en, nous craignons que cet HADOPI Ă  la belge ne soit qu’un cheval de Troie, le calme avant la tempĂȘte. L’ombre d’ACTA plane. Nous ne nous positionnons pas comme collectif uniquement contre l’HADOPI de Monfils, nous sommes Ă©videmment contre cette loi, mais le dĂ©bat ne s’arrĂȘte pas lĂ .

Dans un pays qui possĂšde trois langues officielles (l’allemand, le nĂ©erlandais et le français), l’utilisation de l’anglais pour la formation du nom, in fine de l’acronyme, a Ă©tĂ© pour nous une maniĂšre de passer outre cette indĂ©niable barriĂšre linguistique. Il nous a semblĂ© que l’anglais Ă©tait le meilleur choix pour garantir que notre but soit compris de tous.

Voici donc que la Belgique nous propose par l’entremise du sĂ©nateur Philippe Monfils son « Hadopi locale Â» baptisĂ©e tendancieusement « Proposition de loi visant Ă  promouvoir la crĂ©ation culturelle sur Internet Â». Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les similaritĂ©s et diffĂ©rences par rapport Ă  la loi française ?

Le sĂ©nateur Monfils, qui a dĂ©clarĂ© « la culture gratuite, ça n’existe pas Â» (lors de l’émission InterMedia de la RTBF du 25 janvier 2010), explique que des systĂšmes de juste rĂ©munĂ©ration des artistes et de contrĂŽle du Net ont fait leur preuve ailleurs et cite sans scrupule, .. HADOPI en France (page 5, paragraphe 5 de sa proposition de loi). Signe Ă©vident selon nous d’une part, de sa mĂ©connaissance du contexte qui a entourĂ© la promulgation du texte de loi non seulement dans l’hexagone mais Ă©galement au niveau europĂ©en; d’autre part, de la nature inapplicable de la loi française.

Le texte belge est une version Ă©dulcorĂ©e de l’HADOPI français, on y retrouve d’ailleurs les erreurs de jeunesse d’HADOPI :

  • Pas de Haute AutoritĂ© de ContrĂŽle mais des agents commissionnĂ©s par le ministĂšre de l’économie : des agents qui ont un pouvoir d’investigation a priori illimitĂ© (car non-dĂ©fini dans la proposition de loi), qui constatent les infractions et qui dĂ©cident des sanctions.
  • Pas de mouchard mais une collaboration des FAI : les FAI (Fournisseurs d’AccĂšs Ă  Internet) auront l’obligation juridique de fournir toutes les informations nĂ©cessaires pour l’association d’une personne physique Ă  une adresse IP. Actuellement, obtenir ce type d’information nĂ©cessite l’ordonnance d’un juge, ce qui garantit le respect de la vie privĂ©e et limite les dĂ©rapages.

    Une diffĂ©rence importante par rapport au dispositif français qui pĂ©nalise le titulaire de la ligne en cas de dĂ©faut de sĂ©curisation, le texte belge ne prĂ©voit de peine que pour le titulaire qui tĂ©lĂ©charge illĂ©galement du contenu soumis au droits d’auteur ou droits voisins sur sa propre ligne. On imagine aisĂ©ment l’immense difficultĂ© de prouver qu’il s’agit effectivement du titulaire qui s’est rendu coupable de tĂ©lĂ©chargements illĂ©gaux sur sa propre ligne.

  • Double peine : le paiement de l’abonnement Ă  Internet dans sa totalitĂ© est d’application mĂȘme si celui-ci a Ă©tĂ© suspendu pour raison de tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal.
  • ThĂ©oriquement pas de coupure de la ligne mais un bridage du dĂ©bit : « en thĂ©orie Â» car bien que cela semble ĂȘtre l’argument clĂ© de Philippe Monfils, sa proposition de loi ne manque pas de prĂ©ciser que la coupure serait tout Ă  fait envisageable en cas de multiple rĂ©cidive. Bridage du dĂ©bit, c’est Ă  dire : diminuer la vitesse de transfert de telle sorte que l’internaute puisse continuer Ă  chercher du travail et Ă  consulter ses mails (sic).

    On conçoit un peu mieux la qualitĂ© de ce texte quand on sait qu’un dĂ©bit suffisant Ă  la consultation de mail et Ă  la recherche d’emploi est Ă©galement suffisant au tĂ©lĂ©chargement de la plupart des fichiers (moins rapidement certes). Ne parlons mĂȘme pas des mises Ă  jour de sĂ©curitĂ© qui vont devenir pĂ©nible Ă  obtenir et toutes les consĂ©quences fĂącheuses que cela risquerait d’entraĂźner.

    Lors d’une coupure (en cas de rĂ©cidive aprĂšs le bridage), quid du tĂ©lĂ©chargement lĂ©gal ? L’internaute qui verrait sa ligne coupĂ©e serait en effet dans l’incapacitĂ© d’acheter du contenu lĂ©galement en ligne. A cela s’ajoute la dĂ©cision du 10 juin 2009 du Conseil Constitutionnel français qui prĂ©sente Internet comme une composante de la libertĂ© d’expression et de consommation nĂ©cessaire Ă  l’exercice la libertĂ© d’expression et de consommation tel que dĂ©crit dans l’article 11 de la dĂ©claration des droits de l’homme de 1789.

  • Enfin, le texte qui trouve sa justification dans la juste rĂ©munĂ©ration des artistes, ne contient pas une ligne Ă  leur propos.

L’Hadopi est certes passĂ©e en France mais modifiĂ©e par rapport au texte initial (et non encore appliquĂ©e). Et puis « nous Â» avons coutume de dire que c’est une victoire Ă  la Pyrrhus car « nous Â» avons gagnĂ© au passage la bataille de la mĂ©diatisation et des idĂ©es. Comment alors selon vous peut-elle encore servir d’exemple Ă  d’autres pays ?

Je soulevais la question plus haut : profonde mĂ©connaissance du dossier, incompĂ©tence technique, influence des lobbys du divertissement ? Probablement un savant mĂ©lange des trois.

Et pour citer un certain JĂ©rĂ©mie Zimmerman (reprenant Michel Audiard) : « Les cons ça osent tout, c’est Ă  ça qu’on les reconnaĂźt Â».

D’autres sĂ©nateurs (Ă©cologistes je crois) ont rĂ©digĂ© une proposition de loi visant Ă  instaurer quelque chose qui ressembe Ă  une « licence globale Â». Approuvez-vous cette initiative ? A-t-elle une chance d’ĂȘtre comprise et entendue par les politiques en particulier et la sociĂ©tĂ© belge en gĂ©nĂ©rale ?

Cette idĂ©e de licence globale est en effet portĂ©e par Ecolo (Ă  travers Benoit Hellings) et n’a pas encore Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e. Il nous est donc impossible de nous prononcer prĂ©cisĂ©ment Ă  son sujet. Les interventions tĂ©lĂ©visuelles de Benoit Hellings permettent cependant de dresser un rapide Ă©tat des lieux : il semble que cette licence globale soit largement inspirĂ©e du livre de Philippe Aigrain « Internet & CrĂ©ation. Comment reconnaĂźtre les Ă©changes hors-marchĂ© sur internet en finançant et rĂ©munĂ©rant la crĂ©ation ? Â» (sic); que la contribution de l’internaute serait rĂ©percutĂ©e directement dans le prix de l’abonnement (sans sur-coĂ»t); que la grille de rĂ©partition des biens aux artistes serait semblable Ă  celle actuellement en usage par la SABAM (NDLR : la SACEM locale). Il est Ă©voquĂ© Ă©galement la possibilitĂ© de crĂ©ation d’un organisme indĂ©pendant chargĂ© d’Ă©tablir des statistiques sur les tĂ©lĂ©chargements sur base d’enquĂȘtes anonymes.

Sans chercher Ă  crĂ©er la polĂ©mique avant mĂȘme que la proposition de loi d’Ecolo ne soit dĂ©posĂ©e, nous relevons dĂ©jĂ  plusieurs points qui Ă  n’en pas douter seraient problĂ©matiques s’ils Ă©taient introduits dans la proposition de loi :

  • Je parlais de contribution directement rĂ©percutĂ©e dans le prix de l’abonnement, Benoit Heillings va plus loin : il suggĂšre une retarification des connexions au Net selon le critĂšre du tĂ©lĂ©chargement, en d’autres termes les « gros tĂ©lĂ©chargeurs Â» bĂ©nĂ©ficieraient, pour des tarifs semblables Ă  ceux pratiquĂ©s actuellement, de vitesses de connexion plus Ă©levĂ©es et d’une capacitĂ© de tĂ©lĂ©chargement supĂ©rieure (illimitĂ©e ?); les autres, pour un tarif plus modeste, de vitesses de connexion rĂ©duites et de capacitĂ© de tĂ©lĂ©chargement infĂ©rieure (permettant uniquement la consultation des mails et la recherche d’emploi). De notre point de vue, cette vision bipolaire du comportement des internautes (soit il tĂ©lĂ©charge, soit il ne tĂ©lĂ©charge pas du tout) traduit une fois de plus une mĂ©connaissance profonde d’Internet et de ses usages.

    Ce n’est pas la premiĂšre fois que le gouvernement belge est pris Ă  dĂ©faut sur cette problĂ©matique, on se rappellera le courrier adressĂ© par Microsoft au Ministre fĂ©dĂ©ral des tĂ©lĂ©communications Ă  propos des quotas de tĂ©lĂ©chargement en application en Belgique qui empĂȘcheraient la firme de Redmond de dĂ©ployer son service de VOD.

  • Ensuite, l’utilisation de la grille de rĂ©partition – dĂ©jĂ  obsolĂšte – de la SABAM ne permettrait en rien une meilleure rĂ©munĂ©ration des artistes.
  • Enfin, nous voyons d’un oeil mĂ©fiant la crĂ©ation d’un organisme indĂ©pendant, ĂŽ combien respectueux de l’anonymat soit-t-il. A quel niveau et de quelle maniĂšre s’effectuerait l’analyse des Ă©changes ? Qui s’assurait que cet organisme respecte le cadre de ses attributions, la vie privĂ©e des internautes ? Quels moyens cet organisme serait-il capable de mettre en place afin d’observer les Ă©changes via les VPN ou dans les Darknet ?

Nous n’hĂ©siterions pas Ă  leur faire part de ces remarques si nos craintes s’avĂ©raient fondĂ©es Ă  la lecture du projet de loi.

NURPA est-elle la seule structure belge Ă  s’opposer ? Quelles sont les forces en prĂ©sence ? Etes-vous en contact avec, par exemple, La Quadrature du Net ? Et quelles sont vos relations avec le tout jeune Parti Pirate belge ?

NURPA n’est heureusement pas la seule association que cette proposition de loi rĂ©volte. Citons par exemple « HADOPI mayonnaise Â» qui partage de nombreux points d’accord avec notre vision et avec qui nous collaborerons bientĂŽt.

Quant aux forces en prĂ©sence, le systĂšme de majoritĂ© Ă©tant diffĂ©rent en Belgique et en France, c’est avec la proposition Ecolo et la proposition annoncĂ©e du PS que les dĂ©bats parlementaires se dĂ©rouleront. Contrairement Ă  la situation qu’a connu la France avec l’UMP, la possibilitĂ© pour le Mouvement RĂ©formateur (dont est issu P. Monfils) de faire passer sa loi de force est rendue complexe (pour ne pas dire impossible) tant la rĂ©partition des siĂšges Ă  la Chambre et au SĂ©nat est panachĂ©e.

Nous avons eu il y a quelques semaines, des Ă©changes avec Jeremy Zimmerman, il nous a prodiguĂ© – fort de son expĂ©rience avec La Quadrature du Net – de prĂ©cieux conseils d’ordre organisationnel. Des actions coordonnĂ©es pourraient ĂȘtre envisagĂ©es mais ne sont pas d’actualitĂ©.

Nous avons contactĂ© le Parti Pirate belge afin de recueillir leur avis concernant la proposition de loi du sĂ©nateur MR. Notre interlocuteur (Germain Cabot) a manifestĂ© un rĂ©el intĂ©rĂȘt pour la question et nous a informĂ© que le PP belge dressait un Ă©tat des initiatives citoyennes afin d’envisager des collaborations. Le Parti Pirate belge fait les frais de sa jeunesse politique (crĂ©ation en juillet 2009), ne disposant pas de siĂšge parlementaire, il verra son rĂŽle limitĂ© Ă  celui de commentateur sans avoir l’opportunitĂ© d’apporter un rĂ©el contre-poids politique.

Nous tenons à conserver une indépendance politique certaine, nos rapports au PP belge ne seront pas différents de ceux envers les autres partis politiques.

Quelles sont les Ă©chĂ©ances et quels moyens d’action envisagez-vous ?

Il n’y a pour l’instant pas d’Ă©chĂ©ances prĂ©cises, en Belgique, un projet de loi met habituellement une annĂ©e Ă  passer Ă  travers les rouages parlementaires. Bien que le projet de loi de P. Monfils ait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©, celui-ci est en cours de correction et de traduction. ECOLO n’a pas encore publiĂ© le leur et le PS s’en tient Ă  des dĂ©clarations d’intention sans plus de prĂ©cisions. Cela ne nous dispense pas de faire preuve de vigilence dĂšs Ă  prĂ©sent, c’est un combat de longue haleine qui nous attend.

Nous allons principalement nous concentrer sur l’information et la sensibilisation de l’opinion publique et politique Ă  ce sujet au travers d’analyses, de dossiers et de communiquĂ©s de presses, de rencontres et d’actions sur le terrain.

Nous avons, dĂšs les premiers jours, mis Ă  disposition un wiki afin d’asseoir l’aspect communautaire prĂ©pondĂ©rant de notre action.

InspirĂ© par le modĂšle de La Quadrature du Net, nous comptons Ă©galement attirer les projecteurs des mĂ©dias pour Ă©viter que cette proposition de loi et les dĂ©bats qui l’entourent soient passĂ©s sous silence.

Au delĂ  d’Hadopi, vous dites ĂȘtre Ă©galement sensible Ă  des sujets comme le filtrage du Net ou la taxe sur la copie privĂ©e. En France on est actuellement mobilisĂ© sur le front de la loi Loppsi et les cachotteries de l’Acta. Les libertĂ©s numĂ©riques dans leur ensemble sont-elles menacĂ©es ?

Lorsque l’on constate l’inconscience et l’incompĂ©tence avec laquelle les libertĂ©s numĂ©riques sont abordĂ©es par les politiques, on ne peut que craindre pour la pĂ©rennitĂ© de celles-ci. C’est pourquoi nous nous faisons un devoir d’Ă©duquer et de sensibiliser les politiques Ă  ces sujets.

Nous craignons que cet « HADOPI Ă  la belge Â» soit le prĂ©cĂ©dent nĂ©cessaire et suffisant Ă  l’Ă©mergence d’autres lois plus pernicieuses encore. Je le disais en prĂ©ambule, nous partons avec l’avance non nĂ©gligeable que sont les enseignements tirĂ©s de l’expĂ©rience française.

Nous ferons ce qui est en notre pouvoir afin de nous assurer que ce projet de loi ne soit jamais promulguĂ© et que LOPPSI et consorts demeurent le fait de l’exception française.

Brel disait « Je prĂ©fĂšre les hommes qui donnent Ă  ceux qui expliquent Â».

La connaissance est parfois tout ce que l’on a Ă  offrir. Tant qu’Ă  la partager, autant que cela se fasse sous licence libre.

Que ferait le Grand Jacques aujourd’hui, il s’enfuirait aux Marquises ou rĂ©sisterait debout ?

Il chanterait.

Pour NURPA, André Loconte

Notes

[1] CrĂ©dit photo : Yumyumbubblegum (Creative Commons By)




iPad is iBad for freedom

iPad is iBad for freedomLa prĂ©sentation de l’iPad par Steve Jobs le 27 janvier dernier Ă  San Fransisco a fait grand bruit dans la presse.

Personne n’a Ă©voquĂ© les quelques hurluberlus du groupe Defective by Design qui sont venus, pancartes Ă  la main, sur le perron de la confĂ©rence pour tenter, non pas de perturber la grand-messe, mais d’alerter les invitĂ©s sur les dangers du modĂšle Apple.

C’Ă©tait peine perdue mais c’Ă©tait courageux. En cliquant sur l’image ci-contre vous aurez un agrandissement de cette pancarte.

« Vous entrez dans une zone restreinte contrĂŽlĂ©e par Apple oĂč le logiciel libre, le partage et l’installation libre d’applications depuis Internet n’existent pas, sachant de plus qu’Apple peut Ă  tout moment dĂ©cider de modifier ou supprimer le contenu de votre appareil. Votre ordinateur est notre ordinateur. Â»

Tel Ă©tait en substance le message.

Un message corroborĂ© par ce communiquĂ© de la Free Software Foundation que nous vous proposons traduit ci-dessous et dont on peut retenir la citation suivante : « C’est un Ă©norme pas en arriĂšre dans l’histoire de l’informatique Â».

iPad’libertĂ©s pour les utilisateurs

iPad is iBad for freedom

John Sullivan – 27 janvier 2010 – CommuniquĂ© de la FSF
(Traduction Framalang : Olivier)

Avec sa nouvelle tablette tactile, Apple profite de la sortie d’un nouveau type d’appareil pour verrouiller plus que jamais un ordinateur grand public.

iPad is iBad for freedomAu moment oĂč Steve Jobs et Apple s’apprĂȘtaient Ă  prĂ©senter leur tablette, des activistes opposĂ©s aux Mesures Techniques de Privations (MTP)[1] du groupe Defective by Design tentaient eux d’attirer l’attention des mĂ©dias sur les restrictions toujours plus contraignantes qu’Apple impose sur ses produits grand public. Le groupe avait mis en place des « PĂ©rimĂštres de restriction Apple Â» sur le chemin menant au Yerba Buena Center for Arts Ă  San Francisco, informant les journalistes, sur le point de pĂ©nĂ©trer dans la salle de confĂ©rence, des concessions qu’ils devaient accepter au nom d’Apple.

Apple utilise les MTP pour restreindre les libertĂ©s des utilisateurs de diverses maniĂšres. Ainsi, pour ne citer que deux exemples, il est impossible d’installer un logiciel ne provenant pas de l’App Store officiel et l’usage que vous faites des films achetĂ©s sur iTunes est surveillĂ©. Et, qui plus est, Apple affirme que le contournement de ces restrictions est un acte criminel, mĂȘme Ă  des fins lĂ©gales au regard du droit d’auteur.

Organisateur de la manifestation, John Sullivan, responsable des opĂ©rations Ă  la Free Software Foundation (FSF) dĂ©clarait : « Notre campagne Defective by Design n’en est pas Ă  son coup d’essai contre Apple et elle a dĂ©jĂ  portĂ© ses fruits. Nous avons dĂ©jĂ  organisĂ© des actions Ă  l’extĂ©rieur des Apple Stores pour protester contre les MTP limitant la musique sur iTunes et sous la pression Steve Jobs a abandonnĂ© les MTP sur la musique. Aujourd’hui, nous sommes prĂ©sents pour rĂ©pĂ©ter le mĂȘme message concernant les autres restrictions qu’Apple impose sur les logiciels, les livres Ă©lectroniques et les films. Si crĂ©ativitĂ©, libertĂ© et individualitĂ© signifient quelque chose pour Jobs et Apple, ils devraient le prouver en abandonnant les restrictions qui rendent la crĂ©ativitĂ© et la libertĂ© illĂ©gales.»

Le groupe fait signer une pétition aux citoyens pour pousser Steve Jobs a retirer les MTP des appareils Apple.
Vous pouvez trouver cette pĂ©tition Ă  l’adresse http://www.defectivebydesign.org/ipad.

Myuibe - CC by« Notre sociĂ©tĂ© est de plus en plus dĂ©pendante de son infrastructure informatique, nous nous devons d’ĂȘtre vigilant. Par le passĂ©, nous avons vu comment des dĂ©fenseurs des Droits de l’Homme et de la dĂ©mocratie se sont fait piĂ©ger par les sociĂ©tĂ©s qui fournissent les biens et les services dont ils dĂ©pendent. Vous seul devriez avoir le contrĂŽle de votre ordinateur. Avec ces restrictions, Steve Jobs Ă©tablit un prĂ©cĂ©dent dangereux pour notre libertĂ© au nom de ses profits.» poursuit Peter Brown, directeur exĂ©cutif de la FSF[2].

D’autres opposants des MTP ont soutenu qu’Apple n’est pas seul responsable, que ce sont les Ă©diteurs qui imposent ces restrictions. Pourtant, sur son iPhone et sur sa nouvelle tablette, Apple n’offre pas aux Ă©diteurs le choix d’appliquer ou non ces restrictions, idem pour les auteurs de logiciels libres ou de culture libre qui auraient dĂ©sirĂ© donner la permission lĂ©gale aux utilisateurs de partager leurs travaux.

« C’est un Ă©norme pas en arriĂšre dans l’histoire de l’informatique Â» conclut Holmes Wilson, de la FSF. « Si les premiers ordinateurs personnels avaient dĂ©pendu de l’autorisation du constructeur pour chaque nouveau programme ou chaque nouvelle fonctionnalitĂ©, l’histoire de l’informatique serait aussi lamentablement totalitaire que l’image qu’en renvoyait la cĂ©lĂšbre publicitĂ©[3] Apple du Superbowl Â».

Notes

[1] NdT : Les fameux DRM qui de Digital Rights Management deviennent les Digital Restrictions Management.

[2] CrĂ©dit photo : Myuibe (Creative Commons By)

[3] NdT : Pour mĂ©moire, la vidĂ©o en question sur YouTube.