L’ACTA en l’état ne passera pas par moi !

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Raïssa Bandou - CC by«  Depuis le printemps 2008, l’Union européenne, les États-Unis, le Japon, le Canada, la Corée du Sud, l’Australie ainsi qu’un certain nombre d’autres pays négocient secrètement un accord commercial destiné à lutter contre la contrefaçon (Anti-Counterfeinting Trade Agreement ou ACTA). Suite à des fuites de documents confidentiels, il apparaît clairement que l’un des buts principaux de ce traité est de forcer les pays signataires à mettre en place des mesures de répression de partage d’œuvre sur Internet sous la forme de riposte graduée et de filtrage du Net.

Alors que d’importants débats ont lieu sur la nécessité d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique, ce traité cherche à contourner les processus démocratiques afin d’imposer, par la généralisation de mesures répressives, un régime juridique fondamentalement dépassé.  »

Ainsi s’ouvre la rubrique ACTA du site de La Quadrature du Net qui nous demande aujourd’hui d’écrire à nos représentants pour appuyer une initiative de quatre eurodéputés s’opposant à l’accord.

Sur le fond comme dans la forme, cet accord s’apparente à un pur scandale. Ces petites négociations entre amis seraient passées comme une lettre à la poste il y a à peine plus de dix ans. Mais aujourd’hui il y a un caillou dans les souliers de ceux qui estiment bon de garder le secret[1]. Un caillou imprévu qui s’appelle Internet. Raison de plus pour eux de le museler et pour nous de résister…

Pour évoquer cela nous avons choisi de traduire un article de Cory Doctorow qui résume bien la (triste) situation et comment nous pouvons tous ensemble tenter d’y remédier.

ACTA et le Web  : quand le copyright s’installe en douce

Copyright Undercover : ACTA & the Web

Cory Doctorow – 17 février 2010 – InternetEvolution.com
(Traduction Framalang  : Tinou, Psychoslave, Barbidule, Goofy et Don Rico)

Introduction

Le septième round de négociations secrètes sur l’ACAC (Accord commercial anti-contrefaçon, en anglais ACTA) s’est achevé le mois dernier à Guadalajara (Mexique). Le silence radio sur ces négociations est quasi-total  : tels les kremlinologues de l’ère soviétique, nous devons nous contenter d’interpréter les maigres indices qui transpirent au-delà des portes closes.

Voici ce que nous savons  : l’idée que des traités fondamentaux sur le droit d’auteur puissent être négociés secrètement est en train de perdre du terrain partout dans le monde. Les législateurs des pays participant aux négociations exigent que ce processus soit ouvert à la presse, aux activistes et au public.

Pour leur répondre, les négociateurs soutiennent — de manière surprenante — que le traité ne modifiera en rien les lois de leur pays, et que seuls les autres états devront faire évoluer leur droit (comme tous ces pays ont des législations foncièrement divergentes en matière de droits d’auteur, quelqu’un ment forcément. Je parie qu’il mentent tous).

Nous connaissons enfin l’attitude des promoteurs de l’ACAC à l’égard du débat public  : au cours de la terne «  réunion publique  » tenue avant que les négociations ne débutent, une activiste a été expulsée pour avoir ébruité sur Twitter un compte-rendu des promesses faites verbalement par les intervenants à la tribune. Alors qu’on l’emmenait, elle a été huée par les lobbyistes qui peuvent participer à ce traité dont sont exclus les simples citoyens.

Cette situation embarrasse toutes les parties concernées, mettant à nu une attitude pro-capitaliste dont l’intérêt dépasse largement le cadre du copyright. Cela doit cesser. Nous verrons dans cet article comment nous en sommes arrivés là, et ce que vous pouvez faire pour mettre un terme à cette menace.

Comment en sommes-nous arrivés là  ?

Un peu d’histoire, pour ceux à qui les épisodes sous-médiatisés précédents auraient échappé  : les traités internationaux sur le droit d’auteur émanent à l’origine d’une agence des Nations Unies appelé l’OMPI, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Au départ, il s’agissait d’une agence privée créée pour servir de bras armé aux grandes «  industries de la propriété intellectuelle  » (musique, films, produits pharmaceutiques, télévision, etc.). Elle a pris forme en tant que consortium d’industries du privé, puis a ultérieurement gagné une légitimité lors de son intégration à l’ONU.

La prise en compte par l’ONU a donné un pouvoir énorme aux intérêts privés qui ont fondé l’OMPI, mais dans le même temps cela signifiait qu’ils devaient suivre les règles de l’ONU, c’est-à-dire que les organismes non-gouvernementaux et la presse était autorisés à assister aux négociations, à en rendre compte et même à y participer. Au début des années 2000, le groupement d’intérêt public Knowledge Ecology International a commencé à embrigader d’autres organisations pour suivre les actions de l’OMPI.

Ah, au fait, j’étais l’un des délégués qui a rejoint cette vague, au nom de l’Electronic Frontier Foundation. Les militants présents à l’OMPI ont tué dans l’œuf le traité en cours de négociation, le Traité de Télédiffusion, et l’ont remplacé par un autre destiné à aider les personnes aveugles et handicapées, les archivistes et les éducateurs. Pas vraiment les actions prioritaires pour les grosses multinationales du divertissement.

Ils ont donc déplacé leurs forums. Depuis 2006, divers pays riches — les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Union Européenne, l’Australie et d’autres – ont tenu une série de séances de rédaction de traité en comité privé, sous le sceau de la non-divulgation.

Tout secret connu de deux personnes ou plus finit toujours par s’éventer, aussi de nombreuses divulgations nous donnent-elles un aperçu du chapitre «  Internet  » du traité, où des dispositions ont été prises sur la gouvernance et les restrictions imposées au réseau mondial. Lisez donc la suite.

Ce qu’a fait l’ACAC jusqu’ici

Arrêtons-nous un instant pour parler des concepts de copyright, d’Internet, et de gouvernance. Historiquement, les lois sur le copyright ont été écrites par et au bénéfice des prestataires de l’industrie du divertissement. Les règles du copyright n’ont pas été pensées pour contrôler de façon appropriée un quelconque autre domaine : on n’essaie pas de caser des morceaux du code du travail, des lois sur la finance, l’éducation, la santé ou les campagnes électorales dans le système du copyright.

Mais dès que vous transférez ces activités à Internet, le copyright devient la première méthode de contrôle, faisant autorité sur tout. Il est impossible de faire quoi que ce soit sur Internet sans faire de copie (vous venez de créer entre 5 et 50 copies de cet article rien qu’en suivant le lien qui vous y a amené). Et comme le copyright régit la copie, toute règle qui touche à la copie touchera également à ces domaines.

Et c’est bien ce qui dérange dans le secret qui entoure l’ACAC, même quand on ne se préoccuppe pas de copyright, d’utilisation équitable (NdT  : «  fair use  »), ou de tout autre sujet biscornu.

Divers brouillons de l’ACAC ont inclus l’obligation pour les FAI d’espionner leurs clients et d’interdire quoi que ce soit qui ressemble à une violation de copyright. (Cela signifie-t-il qu’on vous empêchera d’enregistrer une publicité trompeuse ou mensongère et de l’envoyer à votre député  ?) L’ACAC a également soutenu la fouille des supports multimédia aux postes frontières pour y chercher des infractions au copyright (Les secrets professionnels de votre ordinateur portable, les données clients confidentielles, des correspondances personnelles, votre testament, vos coordonnées bancaires et les photos de vos enfants prenant leur bain pourraient être fouillées et copiées la prochaine fois que vous partez en voyage d’affaires).

L’ACAC a en outre appelé à la création de procédures simplifiées pour couper l’accès à Internet d’un foyer entier si l’un de ses membres est accusé d’une infraction (ainsi, votre épouse perdra la capacité de contacter par e-mail un praticien gériatre au sujet de la santé de grand-papa si votre enfant est soupçonné d’avoir téléchargé trop de fichiers par poste-à-poste (P2P).

Ce n’est pas tout, mais ce sont là quelques exemples des propositions principales des sommets secrets de l’ACAC.

Ce qui a eu lieu à Mexico et pourquoi vous devriez vous y intéresser

Je pense par ailleurs que toutes les ébauches de l’ACAC sont également mauvaises pour le copyright et les créations qu’il protège. Je suis l’un des nombreux artistes qui gagnent leur vie en ligne, et qui profitent d’un Internet libre et ouvert. Mes livres sont disponibles au téléchargement gratuit le jour même où mes éditeurs le mettent en rayon. Mon premier roman pour jeunes adultes – Little Brother (NdT  : «  Petit Frère  ») – a atteint le classement des meilleurs ventes du New York Times grâce à cette stratégie.

Mais même si vous vous fichez éperdument de la musique, des films, des jeux ou des livres, vous devez prêter attention à l’ACAC.

Ceci dit, le fait est que nous ne savons presque rien de la façon dont s’est déroulée la septième réunion. Elle a assez mal démarré  : lors d’une réunion d’information publique, les organisateurs de l’ACAC ont tenté de faire signer à l’assistance un accord de non-divulgation (lors d’une réunion publique  !), et ont ensuite fait sortir une activiste qui ébruitait des notes sur les éléments publiés — elle a été évincée manu militari sous les huées des lobbyistes présents, outrés que le public puisse assister à la réunion.

Pendant la réunion, des membres de diverses représentations parlementaires de par le monde se sont levés au sein de leur institution, et ont exigé de prendre connaissance des détails du traité qui était négocié par le département du commerce de leur pays, sans la supervision de leur sénat ni de leur parlement. Les législateurs de toute l’Europe, les membres des parlements canadien et australien, et les représentants du Congrès des États-Unis se sont vu opposer un silence de marbre et de vagues garanties.

Ces assurances étant les seules informations publiques visibles que nous ayons sur la question, elles méritent notre attention  : l’Union Européenne, les États-Unis et le Canada ont tous affirmé que rien dans l’ACAC n’aura d’impact sur le droit national dont les représentants élus sont responsables.

Au lieu de cela, ils prétendent que l’ACAC ne fait qu’incarner les lois nationales dans un accord international, ce qui dans les faits oblige tout le monde à s’aligner sur les lois existantes.

Cette absurdité — pourquoi négocier un traité qui ne changerait rien  ? — devient encore plus ridicule lorsque l’on considère que l’Union Européenne, le Canada et les États-Unis ont des règles de droit d’auteur différentes et incompatibles sur les questions en discussion à l’ACAC. Il est littéralement impossible pour l’ACAC de parvenir à un ensemble de règles qui n’entraînerait pas de modifications pour tout le monde.

Ce que l’avenir nous réserve – et ce que vous pouvez faire

Certes, nous pourrions tous constater par nous-mêmes ce qui a été proposé, si seulement l’ACAC était ouvert au public, comme tous les autres traités sur le copyright mondial le sont depuis l’avènement d’Internet.

Là encore, voici une série de déclarations contradictoires sur lesquelles nous creuser la tête  : le délégué en chef du commerce États-Unien dit que le secret est une condition requise par les partenaires des États-Unis. Or, la déclaration sur la confidentialité qui a été divulguée provient clairement des États-Unis. De nombreux États de l’UE sont sur le point de lancer un appel officiel pour la transparence de l’ACAC.

Pour ma part, je parie sur les États-Unis. L’industrie mondiale du divertissement a plus d’emprise là-bas que dans toute autre nation, et l’administration Obama est allée jusqu’à nier la loi sur la liberté de l’information (NdT «  Freedom of Information Act  ») pour le traité en prétextant des raisons de sécurité nationale. (Oui, la sécurité nationale  ! Ceci est un traité de droit d’auteur, pas une liste des codes de lancement de missiles.) Et le Bureau du Représentant État-Unien au Commerce (ndt  : «  United States Trade Representative  », USTR) a déclaré clairement que l’administration Obama prévoit de ratifier l’ACAC par décret, sans la faire passer par le Congrès.

Le prochain sommet de l’ACAC se déroulera en Nouvelle-Zélande en avril, et les militants se préparent pour la bataille. En Nouvelle-Zélande, les opposants au copyright (NdT  : «  copyfighters  ») sont aguerris et prêts à en découdre, ayant récemment repoussé le règlement 92A qui aurait permis aux producteurs de cinéma et de musique de couper l’accès à Internet sur simple accusation — sans preuve — de violation de copyright.

Impliquez-vous. Appelez votre sénateur, votre député, votre euro-député. Dites-leur que vous voulez que l’ACTA soit négocié de façon ouverte, avec la participation du public et de la presse.

Refusez que des règles affectant les moindres recoins de votre vie en ligne soient décidées en douce par ceux qui ne défendent que les intérêts de leur portefeuille.

Cory Doctorow
Militant de l’Internet, blogueur – Co-rédacteur en chef de Boing Boing

Notes

[1] Crédit photo  : Raïssa Bandou (Creative Commons By)

28 Responses

  1. Tenshu

    Pas de quoi s’étonner, l’ACGS est tranquillement en train de s’instaurer en Europe via la directive Services. Le sénateur de l’UMP le dit lui même mieux vaut le faire voter en petits morceaux pour ne pas alerter le peuple.

    Toutes ces instances internationales ne servent que le capitalisme triomphant et son marché libre et non faussé. Leur mondialisation prépare l’assassinat des peuples pour asseoir l’impérialisme.
    Nous avons peut de latitude pour agir, forger l’éducation populaire, expliquer qui nous dirige et au nom de quels principes. L’insurection civique reste notre seule solution, car tant que ces gens resteront au pouvoir rien ne changera.
    Pas gagné quand on voit l’abstention dans nos pays.

  2. djib

    Il y a quelque chose qui m’intrigue : pourquoi est-ce que les défenseur d’art libre cherchent désespérément à imposer ce modèle à ceux qui n’en veulent pas (que ce soit parce qu’ils n’y croient pas, parce qu’ils ne connaissent pas, etc.) ? En ce sens, si un auteur décide qu’il ne souhaite pas partager ses créations, il me semble normal qu’il existe des mesures répressives pour les personnes qui ne respectent pas son désir.

  3. Grunt

    L’ACTA ne passera pas par moi non plus: je ne file plus un centime aux entreprises qui font du lobbying en faveur de ce traité. Je n’achète plus leurs DVD, ni leurs CD, ni leurs places de cinéma ou de concert.

    @djib:
    +42. Il y a beaucoup de mauvaise foi dans le monde du libre, les mêmes qui s’indignent dès qu’un fabricant ne respecte pas la licence GPL sont les premiers à trouver normal que des millions d’internautes ne respectent pas les licences des oeuvres numérisables.

  4. aKa

    @djib (et Grunt) : Pour ce qui me concerne, je ne cherche pas à "imposer" quoi que ce soit. Juste à faire une place. Ce qui aura d’autant plus de chances de se produire si l’Internet demeure neutre et ouvert.

  5. yagraph

    @djib

    Faire une copie d’une œuvre n’est pas manquer de respect à son auteur. Au contraire, ça prouve qu’on apprécie l’œuvre et qu’on souhaite la diffuser, ou simplement la partager avec nos proches.
    Ce que disent les défenseurs de l’art libre, c’est simplement qu’il y a des moyens justes de concilier les intérêts des auteurs et de leur public, et que la répression n’est pas du tout la solution pour régler cette question.
    Bref, on voudrait déjà pouvoir en discuter, avant d’être traité de criminel parce qu’on a passé un film a un voisin !

  6. djib

    Grunt, ça fait plaisir de lire d’autres personnes du même avis.

    aKa, ma remarque n’était pas une accusation envers toi, mais bien une remarque honteusement généralisée.

    yagraph, je ne dis pas que le partage n’est pas bon (au contraire), mais je dis que si certaines personnes refusent que leur travail soit partagé, il me semble normal de respecter leur droit. C’est justement ce qui fait la beauté du libre : c’est un choix par forte conviction et non parce qu’il t’es imposé.

  7. Grunt

    @yagraph:

    Sans vouloir jouer l’avocat du diable, je comprends en partie l’attitude des ayants-droits.
    Il y a un réel problème comportemental de la part de millions d’internautes. Je ne joue pas à "qui lave plus blanc", moi aussi j’ai fait des conneries y’a une époque.

    Le comportement de la majorité des gens qui téléchargent des contrefaçons n’est pas motivé par des idéaux comme le partage, l’accès à la culture ou à la connaissance.

    Il s’agit d’avoir gratuitement, facilement, sans risques, accès à quelque chose dont la publicité et le contexte sociale nous convainquent du caractère indispensable. Point barre. La très grande majorité des usages illégaux du P2P n’ont strictement rien à voir avec une volonté de partager ou de faire découvrir des aspects culturels à autrui. Les utilisateurs y voient une réserve de divertissement. Si ce n’était le système de "bonus", il n’y a pas grand monde qui se prendrait la tête à "seeder".
    Je pense que la motivation centrale, l’élan initial du P2P illégal, n’est pas de partager ou faire découvrir quelque chose à autrui, mais bel et bien d’avoir gratuitement ce qui est payant. Son usage principal n’est pas de découvrir des nouveautés, mais au contraire de consommer les oeuvres prescrites par les médias et la publicité, les oeuvres que tout le monde consommera. Pour 3 pelés qui partagent "Le graphique de Boscop" sur eMule, afin de garantir un accès à ce chef d’oeuvre introuvable ailleurs, il y a des milliers de gens prêts à te filer une copie d’un Terminator 3 dont tu connais déjà l’histoire, et qui est trouvable légalement dans n’importe quelle FNAC.

    De plus, le P2P illégal ne résoud pas le problème fondamental. Aujourd’hui, la quasi totalité des auteurs trouvent indispensables de passer par l’industrie de l’audiovisuel, afin d’être diffusés. Pourquoi ce choix?
    1) Parce que cette industrie leur assure un préfinancement, assuré par les succès précédents. Un auteur qui promet de bonnes ventes sera produit avec des moyens dequalité professionnel. Avant de publier la moindre chanson ou le moindre film, il reçoit déjà de l’argent, si son projet tient la route. Combien d’adeptes du P2P illégal seraient prêts à pré-financer un artiste prometteur sur la base d’une maquette ou d’un scénario?
    2) Parce que cette industrie leur permet de se faire connaître. Les grands succès sont ceux qui bénéficient d’une large couverture médiatique. Les radios, les télévisions, les journaux, les affiches publicitaires, font la différence entre les oeuvres à diffusion confidentielles, et les oeuvres qui connaissent le succès. Ça aussi ça coûte du fric. Combien de téléchargeurs sont prêts à cesser de se laisser dicter leurs goûts par les médias habituels, et sont prêts à faire l’effort volontaire d’aller chercher des choses intéressantes par eux-mêmes, en y passant le temps nécessaire?

    Télécharger illégalement les artistes contribue à leur succès, mais c’est justement pour cette raison qu’il ne faut pas télécharger illégalement. Montrons aux artistes que passer par les majors est un mauvais choix. On ne peut pas dire "Bon, ok, le boulot formidable fait en studio, je prends, la campagne de pub qui m’a fait connaître l’oeuvre, je prends, le CD à 20€ je jette": ça va ensemble, parce que les majors l’ont décidé, et si l’oeuvre est produite par des majors c’est parce que les artistes l’ont décidé ainsi. Le fonctionnement actuel est très malsain: l’oeuvre est achetée légalement, copiée illégalement, de temps en temps quelqu’un qui partage prend très cher parce qu’il se fait attraper, et on continue comme ça. Les artistes n’ont aucune raison de changer, vu que de leur point de vue "ça tourne". Les majors ne changeront pas. C’est donc au public de se bouger le cul.

    Croire qu’on emmerde le système ou qu’on pallie à ses défauts en s’y accrochant, en continuant à partager ses oeuvres, est une mauvaise piste. Prenons exemple sur le logiciel libre! Le logiciel libre ne consiste pas à télécharger gratuitement Photoshop sur la mule: ça, ça rend service à Adobe, ça maintient les utilisateurs prisonniers, ça ne change rien au problème du fait que, dès qu’il y a un risque légal, les gens sont contraints de payer cher une licence. Le logiciel libre c’est utiliser Gimp, accepter de contribuer financièrement à Gimp (arg, payer alors que y’a Photoshop gratuit sur la mule, et qu’on est pas obligé de payer Gimp, je sais que ça va choquer 99% des adeptes de la mule).

  8. aKa

    @Grunt : Ton point de vue est intéressant, merci du développement. En le réarrangeant un peu, on pourrait en faire un article à part entière pour le Framablog d’ailleurs si ça te dit 😉

    (ps : ceci dit ce commentaire est selon moi plus à sa place sur un article "hadopi" que "acta" où ici on a aussi un problème avec la forme secrète de l’accord)

  9. djib

    Je veux bien participer à l’article ou plus modestement en faire une relecture.

  10. Actarus

    Tout à fait d’accord avec Grunt dans l’enssemble mais je ne pense pas que le public soit pret à abandonner le commercial pour du libre. C’est un doux rêve.
    C’est pourquoi, pour reprendre l’exemple de Photoshop, Adobe paiera les entreprises, les ecoles pour qu’ils forment et utilisent leur logiciel. Ainsi, si une fonction n’existe pas sur Gimp qui n’est pas un clone de Photoshop mais seulement une alternative, le public sera sans autre choix que de payer ou pirater pour poursuivre leur travail ou leur etude.
    Ce n’est donc pas au public de s’adapter mais au libre à copier ce qu’il se fait de commercial. Et nous savons que les libristes n’aiment pas ça. Il veulent faire differement ou mieux mais c’est souvent un echec. La copie en est presque honteuse pour un developpeur.

    Ca c’est pour le logiciel. Pour les medias numeriques c’est autre chose. Le piratage existe depuis qu’on sait diffuser un support audio et/ou video. Les techniques de diffusion ont changé. Beaucoup de gens pauvres n’ont jamais acheté d’oeuvres et les ont toujours piraté, loué ou acheté d’occasion. Internet a mis ce probleme en evidence et a fourni un outil bien plus rapide que tout le monde a adopté car du coté pratique la copie est beaucoup plus rapide que d’aller chez son voisin avec deux magnetoscope ou un enregistreur cassette sachant que tout ceci diminuais la qualité. Le Mp3 et le divx aussi diminue la qualité. Les puristes iront jusqu’à acheter l’oeuvre originale mais les autres se contenteront largement du divx et autre mp3. Et ceci existera toujours.
    Je pense que c’est vu par les pirates comme une sorte de victoire sur un monde commercial controlé. Ces pirateries n’ont jamais pu etre controlées, et elles resteront incontrolables, meme avec un minitel. Car meme si je dois etre connecté pour regarder ou ecouter quelque chose, rien ne m’empechera de l’enregistrer comme autrefois.
    En admettant qu’ils arrivent à empecher la copie par flux, ils ne pourront empecher la copie à la volée. Ils reduieront difficilement le piratage et l’internet et nos libertés en subiront les consequences mais les pirates seront toujours là et pourront meme faire profit de leurs actions si la technique se compliquais.

    Je pense que le public souhaiterais que la taxation sur la culture et meme le logiciel de bien commun se fasse autrement. C’est lui qui possede le pouvoir, pas l’acta ni l’hadopi.

  11. Changaco

    @Actarus:
    Non, le logiciel libre ne doit pas être une copie parfaite des équivalents propriétaires. Meilleur est le logiciel libre, plus il y a de raisons de faire la transition.

  12. Changaco

    @Grunt:
    Tu dis que le téléchargement illégal est une mauvaise solution, mais que proposes-tu ? De ne télécharger que du libre ?

    Examinons l’analogie avec le logiciel.
    Dans le cas du logiciel ce n’est pas le fait de télécharger et de se servir illégalement d’un logiciel propriétaire qui fait perdurer le problème, c’est quand on oblige autrui à s’en servir également, par exemple à cause de formats et/ou protocoles propriétaires ou dans le cadre d’une formation.
    Dans le cas de la culture ce n’est pas le fait de télécharger et de regarder/écouter illégalement une œuvre qui fait perdurer le problème, c’est quand on acquiert ou qu’on encourage autrui à acquérir l’œuvre légalement que l’on entretient les majors.

    Le téléchargement illégal est la conséquence de la non-adaptation des majors (et de la société toute entière) au numérique, il a fait réalisé à beaucoup qu’un autre modèle était nécessaire. Bien sûr rester indéfiniment dans l’illégalité n’est pas la solution, mais ce n’est pas en restant dans la légalité que les choses vont changer.

    «Les artistes n’ont aucune raison de changer, vu que de leur point de vue "ça tourne".»
    Non, très peu d’artistes ne vivent que de leurs œuvres, les superstars et les majors ne voient pas de raisons de changer car ils s’engraissent sur le dos de tout le monde, mais les petits artistes, eux, n’approuvent pas le système.

    «"Bon, ok, le boulot formidable fait en studio, je prends, la campagne de pub qui m’a fait connaître l’oeuvre, je prends, le CD à 20€ je jette"»
    Je sais pas pour la majorité, mais moi c’est pas ce que je dis. Oui je prends «le boulot formidable fait en studio», non je ne prends pas la publicité, non je n’achète pas le CD (parce que ça entretient le système) mais oui si on me donne la possibilité de donner la somme d’argent que je souhaite aux créateurs je veux bien. À ce sujet l’initiative Flattr est à surveiller.

  13. Actarus

    @Changaco

    Le commercial devancera toujours le libre car les idées ont une valeur. Aujourd’hui les libristes "donnent" leurs idées pour la bonne cause.
    Ils croient en un changement possible du fonctionnement actuel de la société.
    Mais ils sont bien conscients de cette valeur et dans un monde ou l’internet serait comme les desirs de Grunt, soit ou le createur a aussi le droit de faire commerce de son oeuvre avec des protections incontournables c’est en fait un reve pour le libriste qui ne croit actuellement pas que c’est possible (d’ou son militantisme).
    Mais si c’etait possible, croit moi, le libre n’existerait plus. Tout comme il n’existait pas avant celà.
    Le libre s’est simplement adapté à la situation en revant d’un monde meilleur ou tout se partagerai sans la domination du commerce et ce, parce qu’internet lui a donné la possibilité de le faire. Mais je ne crois pas en la cohabitation de ces deux systemes. Ce sont bien deux politiques opposées. Les developpeurs choisiront le camp qui convient à la société actuelle, celle ou il faut faire de l’argent dès que les contrôles seront au point. C’est a dire, dès que nos ayants-droit seront certains de pouvoir appliquer les règles et qu’il n’y ai pas de "triche" possible.
    Je ne sais ou celà nous mènera mais la societe fonctionne sur la philosophie du tout commercial et rien n’est gratuit. La passion artistique a montré qu’elle pouvait etre remuneree. Le libre n’a donc pas sa place et sera oublié car il ne peut suivre le train de l’innovation par l’argent par la récompense au travail ou à la passion.

  14. Actarus

    D’ailleurs les commerciaux utilisent toujours la technique du gratuit pour s’atirer les foudres. Le libre ici n’est pas de taille.
    Qu’est-ce que les utilisateurs en ont à faire que dans un cas le code soit ouvert et dans l’autre fermé si au bout ils n’ont pas a depenser d’argent ?
    A moins de faire comprendre les enjeux au public, mais quels enjeux ?
    Un logiciel libre peut tres bien fournir une partie de code libre et une autre privee et faire remunerer son logiciel. Au final ça reviens au même pour l’utilisateur. Freeware ou libre… pas de differences, si ce n’est une base de code disponible mais obsolète.
    Le libre servira donc le commercial par sa grande generosité. Et quand ca n’existera plus, on achetera ces bases de code.

  15. yagraph

    @Grunt, djib et aux autres :
    Je suis assez d’accord aussi, et si tu cliques sur mon pseudo tu verras que je suis graphiste indépendant, que je travaille uniquement avec des logiciels libres, et que je propose des formations sur Gimp entre autres.
    Mon boulot m’amène régulièrement à faire des dons ou à acheter du contenu sous licence libre, en provenance de la Blender Foundation ou du Framablog (biographie de RMS), ou encore à investir dans des outils comme Feng office en commandant le développement de fonctions.

    Je ne roule pas sur l’or, mais je peux t’assurer qu’il y a une économie viable dans ce modèle. Je suis aussi une sorte d’auteur, je n’ai jamais vendu de copie de mes "œuvres", et je vis bien en faisant du service.

    Alors j’ai l’impression d’être légitime pour te répondre : je ne vois pas le problème quand un ado télécharge une copie de Terminator 3 qui est une rente pour Hollywood (je n’ai pas l’impression que tu dise le contraire d’ailleurs). À coté de ça il y a des gens qui y crois et qui lance des projet comme Durian (http://durian.blender.org/) avec beaucoup de succès, ou qui se battent contre 10 ans de DRM (http://www.defectivebydesign.org/de…). D’accord pour l’instant c’est marginal, et ce n’est pas le même public qui soutient le projet Durian et qui télécharge Terminator 3 (quoi que), mais ça n’empêche pas qu’un autre modèle existe.

    De plus, sur les moyens, la plupart des "artistes" se base sur leur énergie et leur volonté pour produire du contenu, pas sur le bon vouloir d’un riche producteur qui a de la peine a les écouter. Nombreux sont ceux qui demande d’abord à leur public de les soutenir (pré-réservation auprès des amis, etc.). Et la qualité produite est autant au rendez-vous, y compris techniquement (le projet Durian ambitionne de sortir son film en 4k, soit bien plus que de la HD…).

    L’industrie du disque et du film ont créés elles-même leur situation schizophrénique, comme tu l’expliques très bien. Ça ne veut pas dire qu’il faut criminaliser le public, quel que soit la culture (car oui Terminator est une forme de culture) qu’il partage.

    À mon avis la liberté, le partage, la coopération, l’entraide et l’échange veulent dire quelque chose au yeux du public, même s’il est ado. Il faut simplement montrer que ça existe. Le public paiera ce qui a de la valeur a ses yeux, et je connais peu de gens qui ne donne aucune valeur à la liberté.

    si je peux filer un coup de main pour un article, n’hésitez pas à me solliciter !

    yagraph, qui a échangé Terminator illégalement.

  16. modagoose

    Grunt a écrit :
    "Je ne joue pas à "qui lave plus blanc", moi aussi j’ai fait des conneries y’a une époque."

    J’adore ce genre d’arguments…
    Bon, déja on s’en fout et ensuite, ça ne renforce pas le fait que tu sais mieux de quoi tu parles parce que tu te décris toi-même comme un ancien délinquant repentis. Ce n’est pas parce que tu as décidé de vivre comme un ascète que tout le monde doit ou devrait suivre le même chemin.

    "Le comportement de la majorité des gens qui téléchargent des contrefaçons n’est pas motivé par des idéaux comme le partage, l’accès à la culture ou à la connaissance."

    Et qu’est-ce qui te permet d’affirmer de telles choses ?
    La majorité ?
    Tu as des chiffres ou une étude sociologique impartiale et indépendante qui te permette d’affirmer que la majorité se comporte de telle ou telle manière ?
    Personne ne télécharge des contrefaçons. Ca c’est le discours de l’industrie du divertissement. Il n’y a que des copies sur le Net, aucun original, donc pas de contrefaçons.

    Ensuite, télécharger du full copyright ou du copyright ouvert, c’est exactement la même chose, c’est juste la loi qui fait une différence entre les deux. Mettre à disposition une oeuvre quelle qu’elle soit sur le net, que cela soit permis ou pas par l’ayant droit n’est pas d’un côté mal et de l’autre bien. C’est aussi du partage.

    Plutôt que de montrer du doigt les mauvais internautes, il faudrait se demander quel est l’enjeu et pourquoi on criminalise des comportements comme le partage des fichiers numériques full copyright. Aujourd’hui, les oeuvres appartenant aux Majors du divertissement, demain les idées, toutes les idées. En Europe, il n’est pas encore permis de copyrighter les idées, mais ce n’est qu’une question de temps pour que cela change, et je vous laisse imaginer les conséquences. Et l’arsenal légal sera déja en place pour inculper les contrevenants.

    Peu importe que des personnes mettent à disposition du reste du monde des oeuvres de l’esprit sans l’autorisation des ayant-droits ( la plupart du temps, des entreprises et non des artistes indépendants ), les lois liberticides mises en place pour contrer ( sans succés ) ce qu’elles considèrent comme une atteinte à leurs revenus est surtout une atteinte à nos libertés, celles qui consistent à partager, entrer en relation, communiquer et donc connaître les autres et le monde. On n’est pas un délinquant parce qu’on copie et qu’on fait passer, et le croire c’est être endoctriné par le discours des dominants.

    La connaissance et la culture dans son ensemble, ce sont des idées.

  17. gruik

    @modagoose

    Tu confonds contrefaçon et vol. Voler, c’est se procurer illégalement une œuvre originale. La contrefaçon, c’est le fait d’obtenir (illégalement aussi) une copie de l’œuvre. Il n’y a effectivement pas de vol sur internet, mais bien de la contrefaçon.

    Ensuite, je ne vois pas le partage sous le même angle que toi. Pour moi, partager la culture, c’est contribuer à faire connaitre les artistes/auteurs que j’apprécie, par exemple : "j’ai écouté le dernier album de XXX, il est bien/nul et je le conseille/déconseille". Publier une œuvre numérique gratuitement sur Internet, moi je vois pas en quoi ça encourage la culture, surtout que ça prive l’auteur de sa juste rémunération. Le "tout gratuit" t’intéresse visiblement plus que l’auteur qui publie son travail sous licence libre dans le but justement de le diffuser plus largement (c’est en tout cas ce que j’interprète de tes propos).

    Ceci dit, c’est vrai qu’il y a le problème des majors qui nous arnaquent (DRM, prix élevés de la musique, marges importantes sur le dos des artistes,…), mais à mon avis ce n’est pas en montrant ton intérêt pour les œuvres copyrightées en les téléchargeant que tu vas leur montrer que tu soutiens la libre diffusion des connaissances.

  18. Changaco

    @Actarus:
    Non le libre n’est pas en retard sur le propriétaire. J’aimerais bien savoir sur quoi tu te bases pour affirmer cela.
    Oui le libre n’adhère pas aux principes de la société de sur{consommation,production,travail} mais ça n’empêche pas les deux de cohabiter. De plus celui des deux qui est en difficulté ce n’est pas le libre qui se porte plutôt bien (même s’il irait mieux dans une société moins nombriliste), c’est le modèle de société actuel comme en témoigne «la crise».

  19. Changaco

    @gruik:
    Partager la culture sur Internet c’est favoriser de fait sa libre diffusion. La seule différence avec le contenu libre c’est qu’étant donné que tu n’en as pas le droit, tu prends le gauche. Ça pousse les artistes à mettre leurs créations sous licence libre dès le début et à trouver d’autres sources de financement.

    Je ne vois que trois possibilités (non exclusives):
    – partager illégalement du contenu protégé
    – partager légalement du libre
    – ne pas partager et se faire plumer par les majors
    Seule la dernière entretient le système actuel.

  20. modagoose

    Gruik a écrit :
    "Tu confonds contrefaçon et vol. Voler, c’est se procurer illégalement une œuvre originale. La contrefaçon, c’est le fait d’obtenir (illégalement aussi) une copie de l’œuvre. Il n’y a effectivement pas de vol sur internet, mais bien de la contrefaçon."

    Non.
    Voler c’est prendre le bien d’autrui sans son consentement, contrefaire c’est faire une copie d’un produit couvert par un brevet ou le droit d’auteur sans le consentement de l’auteur ou du détenteur du brevet et en faire commerce.

    Tout est copie sur internet, il n’y a aucun original. D’ailleurs aujourd’hui dans un grand nombre de discipline ( musique, écriture, photo, cinéma… ), l’oeuvre de l’esprit est un fichier de sa création à sa diffusion. Donc parler d’originaux n’a plus guère de sens.

    Je vois beaucoup de fichiers échangés entre personnes sur le web très peu en faire commerce.
    On est là dans l’échange et le partage, rien à voir avec la contrefaçon.

    Bon, je ne sais pas où tu étais pendant hadopi I et II mais il y a eu un peu partout sur le net des discussions houleuses sur tous ces sujets.

    Le truc sur la juste rémunération des artistes ça me fait doucement rigolé. Ca fait des années que les majors plument les artistes tout en maintenant les prix des supports à des niveaux élevés sans que personne ne se soit ému plus que ça. Aujourd’hui, ce sont les mêmes majors qui pointent du doigt les internautes en les accusant d’être la cause de la soi-disant baisse de la création et des plans sociaux dans le circuit de la distribution de leurs produits. Soyons sérieux 30 secondes.

    La création ne s’est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui, il n’y a qu’à voir le nombre de gens qui publient leurs travaux sur le web pour s’en convaincre que ce soit sous licences ouvertes ou où sous le droit d’auteur fermé. Des artistes comme Doctorow, le gars qui a écrit l’article publie simultanément chez un éditeur classique et sous une licence creative commons sur son propre site. NIN s’est fait un max de thune avec l’album Slip en cc-by-nc-sa.

    Personnellement je diffuse ce que je fais en LAL. Internet et le Web, ne sont pas conçu pour faire du fric avec des produits culturels au kilomètre. Ou alors il faut changer la nature du réseau. Il faut le centraliser ou rendre le client dépendant d’un outil hardware qui t’oblige à acheter sur Amazon, ou l’applestore, par exemple.

    La culture ce n’est pas que l’art, c’est un ensemble de chose dont le langage et les échanges humains font partis. Echanger, partager, discuter, manger ensemble, c’est faire acte de culture.

    "Ceci dit, c’est vrai qu’il y a le problème des majors qui nous arnaquent (DRM, prix élevés de la musique, marges importantes sur le dos des artistes,…), mais à mon avis ce n’est pas en montrant ton intérêt pour les œuvres copyrightées en les téléchargeant que tu vas leur montrer que tu soutiens la libre diffusion des connaissances.

    Je n’encourage rien, je discute sur les termes employés et la signification des mots.
    Si on ne pouvait diffuser librement que ce qui est sous licences ouvertes, on ne diffuserait pas grand chose, vois-tu, car la plus grande part de notre culture, de la culture mondiale est aujourd’hui sous copyright et la plus grande part des connaissances couverte par une brevet.

    Ce ne sont pas ceux qui partagent des fichiers sous copyright sans l’aval des ayant-droits les délinquants, mais ceux qui volent la connaissance au monde en posant un brevet ou une licence restrictive dessus empêchant sa diffusion ou ne la permettant qu’auprés de ceux qui peuvent payer.

    Tout un chacun devrait avoir le droit de copier, de transformer, de diffuser, de participer et de s’exprimer librement et sans contrainte sans risquer de tomber sous le coup de la loi. Le droit d’auteur, en France a été créé pour protéger les auteurs des éditeurs, de ceux qui font commerce du travail des autres. Jamais le droit d’auteur n’a été créé pour restreindre l’accés aux oeuvres auprès du public.

    Hadopi, LLOPSI, ACTA; tous ces acronymes cachent un dessein autre que le simple contrôle des échanges des oeuvres sous copyright. Derrière ça il y a des mots qui changent de sens et l’acceptation par le plus grand nombre – celui qui qui n’a pas encore eu le temps de s’intéresser à tous ces sujets – d’un ordre mondial ou le réseau internet deviendrait un moyen de contrôler les citoyens en contrôlant leurs paroles. Dans 1984, on changeait le sens des mots et on modifiait le passé pour le faire coller au présent décidé par Big brother. Dans le monde réel, on finira par breveter des langages, des mots et des expressions pour qu’on ne puisse plus exprimer certaines idées.

  21. gruik

    @modagoose

    OK, je comprends mieux ta position 😉

    Je suis tout à fait d’accord sur le fait que le savoir devrait être diffusable sans contraintes. Cependant, certains adeptes du "partage" se servent de ce type d’arguments pour justifier leur envie de consommer gratos à tout-va (je rejoins ce qu’a dit Grunt sur ce point) ; c’est quand même pas si contraignant que ça de payer quelques euros pour voir un film ou écouter de la musique (qu’elle soit libre ou pas) ! Par contre, je vois pas d’inconvénient à ce qu’on télécharge une copie de Terminator parce que le DVD qu’on a acheté ne passe pas dans le lecteur du salon à cause des DRM.

    Comme tu le dis, c’est possible pour des artistes de vivre tout en produisant sous des licence de libre diffusion (NIN, …). Cependant, comme on le voit en ce moment avec ACTA/HADOPI/LOPPSI, on arrive à une situation de blocage à cause d’extrémistes (téléchargeurs qui ne paient rien d’un côté, majors et leurs marges de l’autre) qui campent sur leurs positions. L’idéal serait évidemment d’arriver à une situation telle que tu l’as décrite, mais si chacun attend que l’autre fasse le premier pas, on en restera là encore longtemps…

  22. Grunt

    @Actarus:
    "Ainsi, si une fonction n’existe pas sur Gimp qui n’est pas un clone de Photoshop mais seulement une alternative, le public sera sans autre choix que de payer ou pirater pour poursuivre leur travail ou leur etude."
    -> Et vice-versa? Pourquoi est-ce que _une_ fonction d’un logiciel le rendrait indispensable? Il faut cesser de prendre le propriétaire comme étant la norme, et de considérer tout ce que le libre a en plus comme étant inutile, et en moins comme étant manquant?
    De plus, le modèle de développement des logiciels libres rend bien plus facile l’ajout d’une fonction "à la demande", là où l’éditeur d’un logiciel propriétaire a tout pouvoir.
    Mais bien sûr, à l’époque du "tout gratuit", l’idée que 3 écoles et 100 étudiants mettent ensemble assez d’argent pour payer le développement d’une fonction supplémentaire peut choquer: c’est bien plus facile de prendre Photoshop gratuit et de laisser les entreprises le payer parce qu’elles ne peuvent pas risquer d’en utiliser une contrefaçon.

    @yagraph:
    "Ça ne veut pas dire qu’il faut criminaliser le public, quel que soit la culture (car oui Terminator est une forme de culture) qu’il partage."
    -> Le public se criminalise tout seul. Les auteurs disent "Faire une copie illégale c’est un crime." Tu prends ou tu laisses, mais dans les deux cas tu assumes. Si vraiment ces auteurs et distributeurs-là sont aussi méprisant de leur public, la plus saine réaction est de leur tourner le dos. Mais encore faudrait-il le pouvoir. Et si c’est si difficile de leur tourner le dos, si on est "accroc" à leur contenu, alors ils ont peut-être bien raison de le vendre hors de prix et de réclamer la prison contre ceux qui copient: car, manifestement, même ça n’empêche pas le public d’acheter trop cher ou de risquer la prison. C’est bien que, finalement, ce qu’ils ont à vendre doit valoir le coup.

    @modagoose:
    <<Grunt a écrit :
    "Je ne joue pas à "qui lave plus blanc", moi aussi j’ai fait des conneries y’a une époque."
    J’adore ce genre d’arguments…>>
    -> Si j’ai dit ça, c’est surtout pour anticiper le classique "ah, parce que t’as jamais téléchargé, toi?", qui coupe bien souvent court à tout débat.

    <<Personne ne télécharge des contrefaçons. Ca c’est le discours de l’industrie du divertissement. Il n’y a que des copies sur le Net, aucun original, donc pas de contrefaçons.>>
    Si, une copie de copie de copie de copie d’original est une contrefaçon. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le droit d’auteur. Si le droit d’auteur pose problème, il ne faudrait pas oublier qu’il n’a pas attendu Internet pour exister. Comment se fait-il que personne ne s’est réveillé avant la généralisation du P2P pour dire "hé, attendez, votre droit d’auteur et vos licences ils sont moches", si le droit d’auteur posait vraiment un problème? Le ver était dans le fruit depuis bien longtemps. Le public a laissé ce fruit véreux grossir, lui a accordé toute son attention, sans remettre en cause un instant la présence d’un ver à l’intérieur. Et, soudainement, quand la présence du ver pose problème, que les droits d’auteurs se posent comme barrière sensible sur un chemin que peu de monde avait parcouru, on fait mine de s’indigner. S’il existait une réelle volonté collective de rendre la culture accessible à tous, on n’aurait pas attendu Internet pour trouver scandaleuse l’interdiction de publier des copies à titre gracieux.

    <<Ensuite, télécharger du full copyright ou du copyright ouvert, c’est exactement la même chose, c’est juste la loi qui fait une différence entre les deux.>>
    Oui, certes. Entre entrer gratuitement dans un parc public, et entrer gratuitement dans Disneyland, c’est "juste" la loi, et la volonté du propriétaire des lieux, qui fait la différence. Pourtant cette différence est là. En téléchargeant un film ou en resquillant à Disneyland, tu ne coûtes pas plus cher à ceux qui produisent ton divertissement. Et pourtant, dans les deux cas, ils entendent te l’interdire, car ils ont basé leur économie sur un investissement quasi fixe, et une répartition du coût sur le nombre de spectateurs divertis. Si ça ne te plaît pas, libre à toi de changer de divertissement.

    Je remarque que ton discours passe totalement sous licence la liberté de choix de l’auteur. Comme s’il n’était qu’une machine à pondre des oeuvres, sans volonté propre. La licence sous laquelle l’auteur place son oeuvre, la société à laquelle il décide éventuellement d’en confier les droits d’exploitation, font partie de ses choix, de même façon qu’il fait le choix de traiter de tel ou tel sujet, de telle ou telle façon, dans son oeuvre. Pourquoi élever toute oeuvre au rang de "culture" et la considérer comme si indispensable qu’il faudrait qu’elle soit partageable par tous (alors que, curieusement, quand elle n’était pas disponible, on ne souffrait pas l’agonie, hein), et nier le choix de l’auteur en considérant que, quel que soit le modèle économique auquel il a adhéré, ça ne fait aucune différence?

    @Changaco:
    <<Je ne vois que trois possibilités (non exclusives):
    – partager illégalement du contenu protégé
    – partager légalement du libre
    – ne pas partager et se faire plumer par les majors
    Seule la dernière entretient le système actuel.>>
    -> Faux. Partager illégalement le contenu protégé entretient également le système actuel. Cela contribue à entretenir la dépendance de l’individu et de son milieu social aux majors. En restant dépendant (le mot n’est pas trop fort: quand on est prêt à se mettre hors la loi pour accéder coûte que coûte à quelque chose, quitte à payer un VPN, ça relève de la dépendance) au contenu dont les ayants-droits nous crachent à la gueule, on continue à leur accorder une emprise sur nos esprits. Accepter de faire entrer dans notre culture, dans nos conversations, dans nos références, leurs oeuvres, continuer à écouter les mêmes radios, à accorder de l’attention aux mêmes médias, c’est continuer à leur permettre de décider de ce que nous aimons ou pas. Ils vous tiennent (je dis "vous", car le full-copyrighté des majors, même en gratuit sur Deezer je n’en veux pas), non pas par les couilles ou par l’estomac, mais par les émotions. Vibrez tous ensemble sur la musique et les images de la SACEM, de Universal, de Warner, de l’ACTA.

    Du reste, mettre sur le même plan les oeuvres propriétaires et celles libres, c’est faire bien peu de cas du courage des artistes qui ont décidé de respecter leur public en choisissant des licences libres. Le message que vous leur envoyez c’est "quels que soient vos choix, nous copierons." La copie étant acquise, il leur faudrait une sacrée abnégation pour renoncer aux rentes promises par l’industrie. Le problème est exactement le même que pour le logiciel propriétaire: si on copie joyeusement ce qui ne devrait pas l’être, on étouffe dans le même mouvement la volonté de permettre la copie. Un monde dans lequel les licences seraient scrupuleusement respectées, serait un monde dans lequel les oeuvres libres auraient une chance d’émerger pour de bon, de bousculer l’industrie du propriétaire et de la pousser à se renouveler face à la concurrence d’oeuvres à prix libre.

    @modagoose:
    <<Si on ne pouvait diffuser librement que ce qui est sous licences ouvertes, on ne diffuserait pas grand chose, vois-tu, car la plus grande part de notre culture, de la culture mondiale est aujourd’hui sous copyright et la plus grande part des connaissances couverte par une brevet.>>

    À qui la faute? La culture est ce que les gens ont décidé de partager et de faire connaître. Ce qui fait la différence entre une curiosité connue de quelques initiés, et une référence culturelle, c’est la popularité, le choix fait par les individus de s’approprier et de répandre des mèmes. Si le public ne tient absolument pas compte des dangers qu’un copyright très restrictif fait peser, et accepte de faire entrer dans le patrimoine commun, comme en sursis, des choses dont la licence reste très privative, c’est prévisible qu’un jour il se retrouve coincé.

    La même chose nous pend au nez avec l’informatique: si demain, Microsoft, Adobe, Google, pètent un cable, et décident de vendre à un prix faramineux leur Windows, leur Ms Office, leur plugin Flash, leur Gmail, en faisant une chasse impitoyable aux copies illégales. Peut-être parce que les éditeurs de logiciels savent, étant né "là dedans", qu’ils ont intérêt à laisser du gratuit au plus grand nombre et à faire passer la pilule en douce. Mais la menace est bien là, latente. On avait les couilles dans l’étau avec la culture, et ils ont resserré l’étau. On les a aussi dans l’étau avec les logiciels, et si un jour le monde du logiciel comment à serrer la vis, il ne faudra pas dire "Ho ben zut, vos outils propriétaires devraient être copiables par tout le monde": ce n’est pas faute d’avoir été prévenus, on ne peut pas dire que les CLUF ne se manifestent pas de façon visible dès qu’on lit un DVD ou qu’on installe un logiciel. La conscience politique ce n’est pas de justifier, à posteriori, son envie d’avoir tout gratuit en parlant de "partage de la culture": c’est de commencer à se demander de quelle culture on veut, et de se construire une culture en faisant des choix libérateurs.

  23. modagoose

    Il n’est pas aisé d’avoir un échange long et argumenté sur le modèle du commentaire tel qu’il est permis sur Framasoft.

    Bref.

    Grunt, je connais le droit d’auteur, publiant ce que je fais sous licences libres ( by sa ou lal ou ma licence D2U ) cela fait 7 ans que je me prends la tête avec le code de la propriété intellectuelle et les artistes qu’ils soient dans le Libre ou à la Sacem. Mais mon propos n’est pas dans la défense du Libre face ou contre le non libre. Nous ne sommes plus depuis DADVSI dans le respect du droit d’auteur mais dans un tout autre schéma. Ce sont des multinationales qui sous le couvert du respect des artistes et de la création font voté des lois contre les citoyens. Ca n’a plus rien à voir avec un droit d’auteur que ces entreprises enfreignent tranquillement elle quand ça les arrange. Ces entreprises exploitent toute une catégorie de faiseurs de produits culturels visant à remplir un catalogue. Les auteurs n’existent pas dans ce système, seules quelques têtes de gondoles sont mises en avant pour maintenir l’illusion dans les media de masse et sont largement réttribuées pour cela. Mais en face de nous, c’est un processus industriel auquel nous avons à faire, et qui dit processus industriel dit collusion avec le pouvoir politique. D’un côté des entreprises dont le chiffre d’affaire représente le budgets de certains petits pays dans le monde et de l’autre un Etat qui ne représente plus que lui-même; au milieu des intérêts communs : Nous, notre force de travail, notre capacité à consommer, notre capacité à être formatés.

    Cela donne des lois dont la finalité est de nous soulager de nos libertés à penser, exprimer, partager, donner, à être ce que nous sommes en tant qu’êtres humains, une espèce sociale.

    Le Libre ne nous sauvera pas. Simplement parce qu’il est trop tard pour cela. Si la prise de conscience des citoyens du monde avait eu lieu il y a dix ans, peut-être le Libre serait-il plus à même d’être un contre-pouvoir politique efficace aujourd’hui mais les enjeux industriels et économiques sont tels que tout ce que le Libre pourra faire, c’est de la guerilla.

    Je parle du Libre à la Stallman pas de l’Open source.

    Le Libre à la Stallman est un Libre basé sur la pensée humaine et qui dépasse le cadre de l’informatique pour s’étendre à la société dans son ensemble. Fabriquer du programme au kilomètre en mettant à disposition le code source sans la pensée Stallmanienne revient à pondre du produit culturel au kilomètre libre ou pas libre pour servir de bande-son à tout ce que la société consumériste qu’elle soit réelle ou virtuelle conçoit.

    Sans cette pensée que certains même dans le Libre n’hésitent pas à qualifier d’intégrisme, nous serons, sommes récupérés par le système contre lequel nous prétendons nous battre. Le Libre pourrait être une alternative et vivre à côté du non Libre comme un choix laissé aux citoyens mais il est déja considéré comme un concurrent par les mutinationales et les Etats cités plus hauts. Le Libre est la clef qui permet de sortir de la prison blanc clinique aseptisée que l’on nous propose, bien sûr que les privateurs de la liberté à disposer de nous-même vont faire en sorte que nous n’y ayons plus accés ou que nous nous en détournions. On fera voter des lois, on provoquera un scandale, on utilisera la peur, bref, on emploiera la recette habituelle qui fontionnera à n’en pas douter auprès des gens non avertis ou des avertis qui ne veulent pas d’histoires ou qui y trouveront leur compte.

    Tout cela pour vous dire qu’ACTA n’a rien à voir avec le droit d’auteur des artistes ou la lutte contre le "piratage" des produits culturels. Ca a avoir avec la liberté de penser. Je ne parle pas de liberté d’exprimer car on maintiendra toujours l’illusion que nous avons la liberté d’expression. Je parle de liberté de penser. La liberté de penser, ca veut dire que dans son for intérieur, on peut manipuler tout ce que l’esprit nous donne pour aboutir à nos propres conclusions en dehors de toutes influences extèrieures. Seulement pour pouvoir librement penser, il faut être libre d’abord physiquement. Libre de voir, de lire, de parler, de donner, d’échanger, de prendre, de recevoir, ce sont nos rapports avec les autres, nos échanges sous toutes leurs formes qui permettent à un individu d’être libre de se penser d’abord et de penser le monde ensuite.

    Ce qu’on nous pro…Impose, c’est tout l’inverse. Et ca commence par la ciminalisation de certains comportements comme l’échange de copies de produits culturels ou d’oeuvres qui appartiennent à la communauté mondiale mais sur lesquelles on a posé un copyright pour empécher sa libre diffusion. Nous avons des milliers d’années de cultures derrière nous; des livres, des documents scientifiques, de la philosophie, de la pharmacopée, des traités de médecine, de l’Histoire, de l’astronomie, de l’herboristerie, de l’architecture, de l’art et j’en oublie. Ce patrimoine est mondial et ce patrimoine certains ont mis et mettent la main dessus à coup de brevets et de copyright. Nos cellules finiront par appartenir à des entreprises, notre génome aussi. Tout cela, je le lis dans la SF depuis que je suis un ado et aujourd’hui à plus de 40 ans, je le vois se réaliser, ce n’est plus de l’anticipation. Que des Etats associés à des multinationales qui ont déja accouchés de ce truc totalitaire qu’est l’OMC remettent le couvert avec une couche spécifique à la propriété intellectuelle devrait nous faire craindre le pire et nous sortir des poncifs liés au téléchargement soit disant illégal qui n’a rien à voir avec le problème. Croire que les lois se durcissent à cause du comportement de certains c’est épouser le discours de ceux qui nous explique que la privation de la liberté est le meilleur moyen de garantir la démocratie.

    Les mots changent de sens, réfléchissons.

  24. Grunt

    @modagoose:
    Concernant les milliers d’année de culture derrière nous, ils sont majoritairement dans le domaine public, et (que je sache) il n’existe pas de projet voulant les faire tomber dans l’escarcelle d’ayants-droits privés. Ça me paraît d’ailleurs plutôt imbitable de retrouver les lointains descendants (quand ils en ont eu) des auteurs de tout notre patrimoine culturel.

    Concernant les vélléités liberticides à l’oeuvre derrière ACTA, je doute aussi. Je ne pense pas que ACTA (contrairement, par exemple, à LOPPSI) vise à contrôler ce que pensent les gens. Les majors semblent déterminées à faire respecter les droits d’auteur, coûte que coûte. Y compris si cela empiète sur les libertés individuelles. Mais je ne pense pas que les libertés individuelles soient directement leur cible.

    Pour le reste, si j’ai bien compris, la liberté de copier les oeuvres produites par les multinationales est censée nous libérer de leur emprise? Je reste plus que sceptique.
    Ce sont eux qui décident de ce qu’ils mettent en "tête de gondole". Si tu as raison de dire que se focaliser sur le téléchargement illégal c’est oublier des choses plus importantes, je retournerais l’argument: vu qu’il y a plus important que d’accéder à tout prix à leur contenu, c’est totalement idiot de leur fournir des bonnes ou mauvaises raisons, en téléchargeant leurs trucs. Il y a mieux à faire avec Internet, que télécharger une énième copie de ce qu’ils veulent nous faire écouter ou regarder. S’il s’agit d’un combat pour la liberté d’expression et d’échange, ce n’est pas une mule pleine à craquer de Divx contrefaits qu’il faut installer chez soi: c’est un serveur Web, ou IRC, enfin bref des outils destinés à communiquer. La liberté d’expression ne s’use que quand on s’en sert pas, et diffuser une copie scrupuleusement identique d’une oeuvre qui a fait le tour de la terre n’a rien à voir avec la liberté d’expression: l’expression consiste à ajouter quelque chose de personnel dans le bien commun de l’humanité, pas à recopier ce qui est le plus "tape à l’oeil" dans la masse immense des ressources disponibles.

    Arrêtons de leur donner des prétextes faciles, laissons tomber le recopiage à l’infini de ce qu’ils font. Signifions aux artistes que passer par cette industrie est un mauvais choix. Si vraiment la majorité des internautes veut un monde nouveau et libre, dupliquer des Go de films hollywoodiens et de musiques sacemisées n’est très clairement pas le meilleur moyen d’un parvenir.

  25. Changaco

    @modagoose:
    > "Il n’est pas aisé d’avoir un échange long et argumenté sur le modèle du commentaire tel qu’il est permis sur Framasoft."

    +1, ceux de linuxfr sont bien mieux

    @Grunt:
    > "Faux. Partager illégalement le contenu protégé entretient également le système actuel. Cela contribue à entretenir la dépendance de l’individu et de son milieu social aux majors. En restant dépendant (le mot n’est pas trop fort: quand on est prêt à se mettre hors la loi pour accéder coûte que coûte à quelque chose, quitte à payer un VPN, ça relève de la dépendance) au contenu dont les ayants-droits nous crachent à la gueule, on continue à leur accorder une emprise sur nos esprits. Accepter de faire entrer dans notre culture, dans nos conversations, dans nos références, leurs oeuvres, continuer à écouter les mêmes radios, à accorder de l’attention aux mêmes médias, c’est continuer à leur permettre de décider de ce que nous aimons ou pas. Ils vous tiennent (je dis "vous", car le full-copyrighté des majors, même en gratuit sur Deezer je n’en veux pas), non pas par les couilles ou par l’estomac, mais par les émotions. Vibrez tous ensemble sur la musique et les images de la SACEM, de Universal, de Warner, de l’ACTA."

    Là tu mets tout le monde dans le même paquet :
    – ceux qui téléchargent systématiquement tout ce qui sort, et leurs contraire, ceux qui téléchargent ponctuellement
    – ceux qui ne portent pas un regard critique quand ils découvrent une œuvre et leurs contraire
    – etc
    Dans la vie tout n’est pas blanc ou noir.

    De plus tu confonds allègrement artistes et financiers.

    Enfin ce n’est pas parce qu’une œuvre n’est pas libre qu’elle est artistiquement mauvaise ( de la même manière qu’un logiciel propriétaire peut être techniquement bon mais jamais éthiquement ).

    > "Du reste, mettre sur le même plan les oeuvres propriétaires et celles libres, c’est faire bien peu de cas du courage des artistes qui ont décidé de respecter leur public en choisissant des licences libres."

    J’ai un profond respect pour ceux qui choisissent le libre et un profond dégout envers ceux qui choisissent consciemment le propriétaire et soutiennent l’HADOPI ou l’ACTA, mais il ne faut pas oublier ceux qui n’ont pas réellement choisi, car pour pouvoir choisir il faut déjà connaitre les différentes options.
    Sous prétexte qu’ils ne se sont pas (encore) remis en question on les jette aux lions ? Non.

    > "Le message que vous leur envoyez c’est "quels que soient vos choix, nous copierons." La copie étant acquise, il leur faudrait une sacrée abnégation pour renoncer aux rentes promises par l’industrie. Le problème est exactement le même que pour le logiciel propriétaire: si on copie joyeusement ce qui ne devrait pas l’être, on étouffe dans le même mouvement la volonté de permettre la copie."

    Sauf que c’est pas ça le message. Une bonne partie de ceux qui partagent sont prêts à donner de l’argent aux artistes ( chacun en fonction de ses moyens ) mais ils refusent de se faire plumer à longueur d’année pendant que les artistes ne reçoivent quasiment rien.

    Le message c’est plutôt: "si vous nous obligez à payer on ne paiera pas, si vous autorisez le partage on est prêt à donner".

    > "Un monde dans lequel les licences seraient scrupuleusement respectées, serait un monde dans lequel les oeuvres libres auraient une chance d’émerger pour de bon, de bousculer l’industrie du propriétaire et de la pousser à se renouveler face à la concurrence d’oeuvres à prix libre."

    Permet-moi d’en douter fortement, le consommateur lambda se ferait plumer par les majors faute d’alternative et seule une minorité de libriste abandonnerait le propriétaire pour passer au libre.

  26. Changaco

    @Grunt:
    «Pour le reste, si j’ai bien compris, la liberté de copier les oeuvres produites par les multinationales est censée nous libérer de leur emprise? Je reste plus que sceptique.
    Ce sont eux qui décident de ce qu’ils mettent en "tête de gondole".»

    Encore une fois il y a des œuvres intéressantes qui ne sont pas libres, toutes ne sont pas complètement formatées, arrête de confondre artistes et majors. Ce n’est pas des artistes qu’il faut se libérer mais des majors, c’est ce à quoi on participe en leur coupant leurs revenus (car c’est bien les majors que l’on pénalise, les artistes n’ayant en général pas grand chose dans tous les cas).

    «Il y a mieux à faire avec Internet, que télécharger une énième copie de ce qu’ils veulent nous faire écouter ou regarder. S’il s’agit d’un combat pour la liberté d’expression et d’échange, ce n’est pas une mule pleine à craquer de Divx contrefaits qu’il faut installer chez soi: c’est un serveur Web, ou IRC, enfin bref des outils destinés à communiquer. La liberté d’expression ne s’use que quand on s’en sert pas, et diffuser une copie scrupuleusement identique d’une oeuvre qui a fait le tour de la terre n’a rien à voir avec la liberté d’expression: l’expression consiste à ajouter quelque chose de personnel dans le bien commun de l’humanité, pas à recopier ce qui est le plus "tape à l’oeil" dans la masse immense des ressources disponibles.»

    Sans même parler de la complexité de la chose du point de vue de Madame Michu, qu’est-ce que tu veux que le particulier fasse d’un serveur Web ou IRC ? Déjà il est derrière un NAT donc il faut qu’il ouvre des ports, ensuite s’il a une adresse IP dynamique il faut qu’il mette en place un service style DynDNS, encore en plus il est majoritairement en ADSL avec un débit montant de merde et enfin les coupures réseau et électrique (plus ou moins fréquente selon là où on habite) l’empêchent d’offrir un service en continu.

    Je suis un grand partisan de la décentralisation mais faudrait pas pousser le bouchon jusqu’à demander à Madame Michu de faire tout ça pour un gain quasi-nul. C’est plutôt au niveau des standards de l’Internet et du Web qu’il y a du travail à faire. Par exemple malgré les qualité de XMPP il n’a pas réussi à détrôner ni IRC ni MSN ni tous les autres. Autre exemple, XML est toujours rejeté par de nombreux développeurs à cause de sa verbosité et de ses API standard de qualité plus que discutable.

    Tu donnes beaucoup de leçons mais toi, que fais-tu pour la liberté d’expression ?

    «Arrêtons de leur donner des prétextes faciles, laissons tomber le recopiage à l’infini de ce qu’ils font. Signifions aux artistes que passer par cette industrie est un mauvais choix.»

    C’est exactement ce qu’on fait en refusant de payer.

    «Si vraiment la majorité des internautes veut un monde nouveau et libre, dupliquer des Go de films hollywoodiens et de musiques sacemisées n’est très clairement pas le meilleur moyen d’un parvenir.»

    Si je ne peux pas parler pour la majorité, je pense que l’on peut affirmer qu’elle n’est pas spécialement libriste et qu’elle conteste plutôt un mauvais rapport qualité/prix de l’offre légale, tandis que les libristes contestent également la licence.

  27. Ginko

    @ Grunt:

    "Si le droit d’auteur pose problème, il ne faudrait pas oublier qu’il n’a pas attendu Internet pour exister. Comment se fait-il que personne ne s’est réveillé avant la généralisation du P2P pour dire "hé, attendez, votre droit d’auteur et vos licences ils sont moches", si le droit d’auteur posait vraiment un problème? Le ver était dans le fruit depuis bien longtemps. Le public a laissé ce fruit véreux grossir, lui a accordé toute son attention, sans remettre en cause un instant la présence d’un ver à l’intérieur. Et, soudainement, quand la présence du ver pose problème, que les droits d’auteurs se posent comme barrière sensible sur un chemin que peu de monde avait parcouru, on fait mine de s’indigner. S’il existait une réelle volonté collective de rendre la culture accessible à tous, on n’aurait pas attendu Internet pour trouver scandaleuse l’interdiction de publier des copies à titre gracieux."

    Sorti du contexte, c’est très facile de dire ça. Mais remettons le contexte: avant Internet, les échanges même en masse de produits culturels se faisaient soit sur des supports physiques, soit par des canaux médiatiques à sens unique (radio, télé, etc, et donc lors d’un échange non-commercial). Lors de l’acte d’acquisition du bien culturel, le consommateur achetait non seulement l’œuvre mais également son support physique. Ça faisait passer un peu mieux la pilule et dans tous les cas, le vol était clairement identifié comme tel.

    Internet dématérialise les échanges; tout échange (légal ou non) passant par la copie, il devient plus difficile pour le public de faire la différence. La contrefaçon est extrêmement facilitée. De plus le réseau massifie intensément les volumes de contrefaçon. C’est à cause de ces 3 éléments combinés que le problème émerge, pas par hasard.

    On se retrouve donc dans un cas où une loi vient à l’encontre de l’usage de centaines de milliers de personnes au bas mot. Une vielle loi (ou du moins une loi qui évolue grosso modo dans le même sens depuis plusieurs dizaines d’années) contre un usage qui a au maximum une quinzaine d’années. Les usages et la loi ne sont plus en phase. Que faut-il faire? Continuer à respecter une loi inadaptée et engraissant inexorablement une minorité? Ou modifier cette loi pour prendre en compte ces nouveaux usages? Les français auraient-il du se retenir de faire la révolution car elle était contraire à la loi de l’époque?

    La technologie précède les usages qui eux-même précèdent les lois. Lorsque des centaines de milliers de personnes enfreignent une loi, c’est qu’elle est manifestement à revoir. Et c’est ce qu’il se passe, dans un sens ou dans un autre, il n’y a pas de statu quo, HADOPI et consorts nous le montrent bien, mais est-ce le bon sens?

    ****************
    De la liberté.

    La liberté est souvent revenue dans ce débat.

    La liberté de l’auteur.
    C’est vrai que dans l’absolu, l’auteur a le droit de placer une œuvre sous la licence qu’il souhaite. En revanche, en France, par exemple, s’il désire qu’une de ses œuvres soit placée sous la "protection" de la SACEM, il doit déposer toutes ses œuvres à la SACEM et à partir de là, il n’aura plus aucune liberté de placer ses œuvres sous la licence qu’il souhaite, toutes ses œuvres seront gérées par la SACEM et qu’il aille se faire voir s’il n’avait pas pensé à ce désagrément avant de s’engager. Un auteur a-t-il vraiment le choix? Est-il vraiment libre? La seule liberté qu’il a c’est celle de galérer s’il veut faire valoir son droit d’auteur tout seul s’il n’a pas envie de se faire SACEMiser.
    Bon, cette exemple est vrai pour les musiciens et chanteurs, et je ne sais pas ce qu’il en est pour les autres auteurs, mais ça montre qu’au moins certains auteurs sont loin d’être libres.

    La liberté des lecteurs, auditeurs, consommateurs, etc.
    Rien qu’un exemple qui prouve que même si l’on voulait ne jamais rentrer en contact avec une œuvre non libre, on ne le pourrait pas. Il suffit pour cela de rentrer dans un salon de coiffure qui diffuse de la musique (CD ou radio par exemple). Et si vous pensez que vous ne le paieriez pas, vous avez tout simplement faux puisque, outre votre temps de cerveau (pour les pubs et la musique en elle-même), le salon de coiffure paie la SACEM pour diffuser cette musique et que vous payez le salon de coiffure. Vous avez indirectement financé (payé!) la SACEM. Ne pas pouvoir entrer dans un salon de coiffure parce que vous avez décidé de ne pas payer de droits d’auteurs, est-ce être libre?

    **************
    Pour finir, bien sur que télécharger des œuvres illégalement n’a pas originellement le but de se libérer de leur emprise. Non, cet usage est notamment le résultat de l’entrecroisement de 50 ans de dérive consumériste avec la nouvelle technologie qu’est Internet. Quand d’un côté on nous martèle de consommer toujours plus et que de l’autre nous n’en avons pas les moyens… lorsqu’arrive la possibilité de le faire, on a des difficultés à faire autrement, même si c’est illégal.

    Reste que certains veulent toujours s’en mettre plus dans les poches, et que lorsqu’ils perdent le contrôle des usages à cause d’une technologie qu’ils n’avaient pas du tout prise en compte *, il ne leur reste plus que le levier de la loi pour continuer leur engraissement exponentiel.

    Et cela est inacceptable d’autant plus que les dérives qui en découleront tôt ou tard seront dignes des meilleures œuvres d’anticipation.

    Enfin, ça fait beaucoup de constats et de critiques, donc les solutions seraient de modifier le droit d’auteur dans le bon sens (et donc de ne plus jouer à "quel pays attendra les 200 ans avant de tomber dans le domaine public" en premier), de changer les modalités de la rémunération des auteurs (il y a sans aucun doute une alternative au système (majors +) SACEM) et surtout d’arrêter de céder aux pressions de cette minorité qui veut le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière, sinon la prochaine révolution se fera de mon vivant…

    *: la technologie précède tout le temps les usages. L’un des corollaires est que toute nouvelle technologie peut potentiellement changer radicalement les usages. Or, cela, bien peu de personnes semblent en être conscientes. (lire http://ginkobox.fr/archive/wordpres… à ce propos)