Voici aujourd’hui le 5e et dernier article que Nicolas Vivant consacre à la dégooglisation de la ville d’Échirolles (si vous avez raté les épisodes précédents). Maintenant que les outils sont en place, il est temps d’envisager comment la mutualisation et la décentralisation conjuguées pourraient ouvrir de nouvelles perspectives aux citoyens et citoyennes de l’agglomération.
Le grand absent de ce récit est le travail important entamé sur la réduction de l’impact environnemental du numérique. C’est un fil conducteur permanent pour notre action. De nombreuses choses sont faites, mais d’autres décrivent beaucoup mieux que nous les enjeux, les outils et ce qu’il convient de faire pour avancer. Leur travail nous sert de guide. J’y reviendrai dans un article (modeste et) dédié.
Voir plus loin pour viser juste
Une vision pour l’avenir, ce n’est pas une prédiction, ni même une prévision. C’est simplement un axe, une direction. C’est ce qui permet, quand deux chemins existent, de faire un choix. Ce n’est évidemment pas une garantie que ce choix soit le bon mais si, à chaque carrefour, une direction existe qui aide à se déterminer, alors nous gagnons en cohérence, en rapidité de décision et, finalement, en efficacité.
Dans un monde où la dégooglisation serait une réalité, où les logiciels libres seraient dominants et où transparence et partage des données s’imposeraient comme une évidence, quel pourrait être l’étape suivante ? Et quelles pierres poser, dès aujourd’hui, qui tendraient vers cet objectif et pourraient orienter notre action ?
La décentralisation comme facteur de résilience
Historiquement, l’internet public est une architecture décentralisée. C’est même l’une des raisons de sa création : l’interconnexion de réseaux divers, dans un but de coopération. Même si le récit d’un internet construit comme un réseau permettant de résister à une attaque nucléaire est une légende urbaine, les événements récents ont permis de vérifier que la décentralisation était bien l’une des clés de la résilience des systèmes d’information.
En France, la plupart des accès résidentiels reposent sur Orange, Free, Bouygues et SFR. Quatre infrastructures qui, si elles étaient attaquées, affecteraient durablement nos communications. Une étude du RIPE a montré comment l’internet ukrainien résistait au black-out général malgré les nombreuses dégradations de l »infrastructure. Le secret ? Une structure distribuée, décentralisée, et des fournisseurs d’accès locaux partout dans le pays.
L’exemple le plus connu (et l’un des plus anciens) d’un système fédéré est la messagerie électronique. Les fournisseurs d’adresses e-mail sont innombrables mais, parce qu’ils ont choisi d’utiliser des protocoles standard, interopérables, chaque utilisateur peut échanger des messages avec tous les autres. Si l’un des prestataires techniques disparaît (c’est arrivé plusieurs fois), il ne met pas en danger l’intégralité du système. La domination d’un acteur, en revanche, parce qu’elle repose sur la centralisation des ressources (pensons à Gmail), peut fragiliser cette construction.
Mais l’angle de la résilience n’est pas le seul qu’il est intéressant d’interroger.
Décentralisation et mutualisation
Dans l’esprit de la plupart de nos décideurs, mutualisation et centralisation vont de pair, l’un des objectifs d’un effort de mise en commun des moyens étant de réaliser des économies d’échelle. Pour un certain nombre d’applications centrales, cette promesse est tenue. Cependant, quelques inconvénients sont associés à ce type de projet :
éloignement des organes de décision
perte d’autonomie dans les choix techniques ou politiques
moindre connaissance de l’environnement des utilisateurs
moindre réactivité dans la mise en œuvre des projets
…
Comment articuler coopération (pour une plus grande efficacité dans les projets transversaux) et autonomie (pour conserver une certaine liberté de choix et d’action) ?
En coopérant, des structures indépendantes peuvent créer des réseaux au service de projets d’envergure, tout en conservant leur autonomie de gestion, d’évolution et d’action. Des moyens techniques existent, et elles sont très largement implantées dans les solutions libres. ActivityPub a été officiellement publié comme recommandation du W3C le 23 janvier 2018.
Ce standard, qui permet d’interfacer des solutions diverses, est présent dans plusieurs des logiciels utilisés par la ville d’Échirolles : Nextcloud (plateforme collaborative), Peertube (hébergement de vidéos), Mastodon (réseau social) et WordPress (création de sites web). Ces quatre outils sont de plus en plus utilisés par les collectivités territoriales, les ministères et les partenaires de la ville, mais les fonctionnalités de fédération sont rarement mises en œuvre, en interne comme en externe. Pourtant, les applications pourraient être nombreuses : partage d’annuaires/de dossiers entre collectivités (Nextcloud), meilleure visibilité de la communication des structures associées (Peertube), création de sites dans le cadre de projets intercommunaux (WordPress), mise en avant des actions d’un territoire (Mastodon), etc.
La fédération comme horizon
Au sein d’Alpes Numérique Libre, le collectif de DSI de la région grenobloise autour des logiciels libres, le sujet est en train de naître, sans concrétisation pour le moment. La mise en place d’une fédération des acteurs au sein d’un même territoire géographique pourrait être une première pierre posée, une expérience intéressante du point de vue de l’action publique dont nous pourrions, peut-être, tirer des enseignements plus larges.
Les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), comme le SITPI ou Grenoble Alpes Métropole dans notre région, pourraient jouer un rôle moteur dans ce type d’initiative : idéalement positionnés au centre des réseaux communaux, ils disposent d’une architecture parfaitement adaptée.
L’instance Mastodon colter.social, créée, hébergée et maintenue par le SITPI est, à ce titre, un précurseur intéressant de ce que pourraient être ces fonctionnements fédératifs. Mise à disposition de l’ensemble des collectivités territoriales, sa modération est assurée par les agents de collectivités qui ne sont pas forcément adhérentes du syndicat, mais qui ont choisi de coopérer. Des outils comme Zammad ou Signal (pour des instances plus importantes, pourquoi pas un serveur Matrix ?) permettent d’organiser efficacement ce travail.
Plusieurs autres systèmes de mutualisation innovants pourraient être imaginés, alliant la mise à disposition de ressources pour les petites collectivités (un serveur PeerTube partagé, par exemple) et une fédération avec les structures de taille plus importante, chacune maintenant sa propre solution.
Nous n’en sommes pas là pour le moment, et nombreuses sont les collectivités qui reposent sur des solutions hébergées (en mode SaaS), souvent chez des grands acteurs américains (Google, Microsoft, Amazon…), parce qu’elles n’ont pas les compétences ou les ressources financières permettant un autre fonctionnement.
Pas toujours très bien structurées, focalisées sur leur transformation numérique, choisie ou subie, ce type de projet peut paraître bien éloigné de leurs préoccupations quotidiennes. Mais il me semblait intéressant de faire ce travail de prospective, comme un horizon vers lequel nous pourrions, individuellement et collectivement, choisir de tendre.
Nous vous avons proposé déjà trois articles qui font écho à l’actualité récente autour de Mastodon en voici un 4e, celui d’Aral Balkan, traduit pour vous par Framalang. Le héraut du SmallWeb insiste avec humour sur un point en effet crucial : la taille géante de certaines instances, due à la conception technique même du Fédiverse, risque d’être problématique…
(Ou « Pourquoi chaque pouet est aussi potentiellement une attaque par déni de service »)
par Aral Balkan
Stephen est un gros poisson dans une petite mare (oui, j’en ai d’autres en réserve).
Attention : le Fédivers est sur le point de frire. Stephen Fry(re) bien sûr.
À la suite du récent rachat de Twitter par un milliardaire proto-fasciste immature, des gens ont fui1 vers le Fédiverse2. Parmi eux, certains avaient, au moins sur Twitter, des millions de followers, comme Greta Thunberg et, plus récemment, Stephen Fry3
— Eh bien, c’est sûrement une bonne chose, non ? Tout le monde va parler du Fédiverse, de la décentralisation, et peut-être même de ce Small Web dont tu parles tout le temps, Aral, non ?
Eh bien, oui et non… Trop de bonnes choses tue les bonnes choses. Et, dans le Fédiverse actuel, les bonnes choses seraient les « comptes populaires ». En fait, cela pourrait bien être fatal (pour les instances Mastodon). Je vais essayer de détailler dans cet article ce que je veux dire en prenant mon propre compte comme exemple.
Comment tuer un Mastodon(te)
(indice : en étant bavard quand vous êtes populaire)
Inutile de le préciser, je ne suis pas une célébrité.
Et pourtant, dans le Fédiverse, je me retrouve dans une situation un peu unique dans laquelle :
1. J’ai ma propre instance Mastodon, juste pour moi4.
2. Je suis suivi par pas mal de personnes. Plus de 22 000, pour être précis5.
3. Je suis beaucoup de personnes, et j’aime vraiment avoir des conversations avec elles (je pense que c’est ce que les jeunes branchés appellent « l’engagement »).
Malheureusement, la combinaison de ces trois facteurs a créé la tempête parfaite6, ce qui veut dire que désormais, chaque fois que je poste quelque chose qui suscite beaucoup d’engagement, je finis par conduire une attaque par déni de service contre moi-même.
Mastodon : déni de service en tant que service ?
Hier, c’était mon anniversaire.
Et, bien sûr, j’ai posté sur ce sujet depuis mon instance Mastodon.
J’ai eu pas mal de réponses. Et, pour être poli, j’ai commencé à répondre à tout le monde avec des messages de remerciements. Oh non, mon pauvre naïf ! Qu’est-ce que tu n’avais pas fait ?
Je vais laisser mon ami Hugo Gameiro, qui gère masto.host et héberge mon instance, expliquer ce qui s’est passé ensuite7 :
Vous avez beaucoup d’engagement et cela sollicite beaucoup Sidekiq8.
Prenez, par exemple, votre message d’anniversaire. En plus de demander à des milliers de serveurs de traiter votre demande de réalisation (on appelle ça des « jobs ») pour propager votre message (pour 23 000 abonnés, disons 3 000 serveurs), votre serveur au moment de la création de votre message va créer 3 000 jobs Sidekiq. Et comme votre Sidekiq n’a que 12 threads, traiter 3 000 jobs va prendre du temps puisqu’il ne peut en traiter que 12 à la fois.
Ensuite, pour chaque réponse à ce message, 3 000 jobs sont à nouveau créés, afin que vos abonnés puissent voir votre réponse sans avoir à changer de serveur ou aller sur votre profil. Et puis, si vous répondez à votre réponse, 3 000 jobs supplémentaires sont créés, etc.
Si vous répondez aux 100 réponses que vous avez reçues en 10 minutes (en supposant que l’estimation de mon nombre de serveurs est correcte), vous créez 300 000 jobs Sidekiq. C’est pour cela que ça bouchonne.
Mais qu’est-ce que tout cela veut bien dire, si on omet le jargon technique ? Eh bien, que je parlais trop en étant trop connu de tous.
Voilà à quoi ressemble un embouteillage sur Mastodon.
Alors, quelle est la solution ?
Eh bien, il n’y a qu’une chose à faire quand vous vous retrouvez dans ce pétrin : agrandir votre instance Mastodon9. Le problème ? Ça commence à coûter cher.
Avant la dernière migration de Twitter10, je payais environ 280 €/an (un peu plus de 20 €/mois) pour mon instance Mastodon grâce à un partenariat que j’avais avec Hugo depuis le début. Cette semaine, je l’ai agrandie avec un plan à 50 €/mois. Et ce n’est toujours pas assez, comme le montre mon message d’anniversaire, donc Hugo a gentiment suggéré de me proposer un plan sur mesure.
Le problème n’est pas résolu pour autant, il est juste repoussé (sauf si cet article énerve tout le monde, bien sûr).
Heureusement, comme j’ai ma propre instance, la seule personne pénalisée par cette dépense supplémentaire, c’est moi. Mais que se serait-il passé si j’étais sur une instance publique gérée par quelqu’un d’autre ?
Tu déconnes, Elon ?
Si Elon Musk voulait détruire mastodon.social, l’instance phare de Mastodon, il lui suffirait de s’y inscrire11.
Heureusement, Elon n’est pas assez intelligent pour ça.
Je plaisante, bien sûr… Eugen bannirait très probablement son compte dès qu’il le verrait. Mais ça illustre un problème : Elon est facile à bannir. Stephen Fry l’est beaucoup moins. C’est un véritable trésor national pour nous tous. On ne le bannit pas comme ça.
Et pourtant, Stephen peut lui aussi (bien qu’involontairement) coûter très cher aux gens qui gèrent des instances Mastodon, simplement en rejoignant l’une d’elles12..
La solution, pour Stephen tout du moins, est simple : il devrait gérer sa propre instance personnelle.
Ou demander à quelqu’un de le faire à sa place, comme je le fais13.
Gérer sa propre instance apporterait aussi à Stephen un autre bénéfice : il serait automatiquement vérifié. Après tout, si vous parlez à, mettons, @stephen@social.stephenfry.com, vous pouvez être certain que c’est bien lui parce que vous savez qu’il gère son propre domaine.
Des instances personnelles à la rescousse
Mon discours au Parlement européen sur les problèmes avec la Big Tech et les approches différentes que proposent Mastodon, le Fédiverse, et le Small Web.
— Attends, je suis largué… Tu ne viens pas de dire que les instances personnelles étaient une partie du problème ?
— Oui et non : elles le sont et elles ne devraient pas l’être.
Si ActivityPub (le protocole) et Mastodon (un serveur qui adhère à ce protocole) avaient été conçus pour promouvoir la décentralisation, alors avoir plus d’instances sur le réseau ne serait pas un problème. En fait, ça serait même le signe d’un réseau décentralisé sain.
Cependant, ActivityPub et Mastodon ont été conçus de la même manière que la Big Tech / Big Web : pour encourager des services qui hébergent le plus d’utilisateurs14 possible.
Cette architecture est à la fois complexe (ce qui la rend difficile et coûteuse à héberger) et très efficace pour la Big Tech (où les choses sont centralisées et passent à l’échelle verticalement, et où le but est d’avoir / de contrôler / d’exploiter autant d’utilisateurs que possible).
Dans la Big Tech, le coût initial pour passer à l’échelle est subventionné par de nombreuses sociétés de capital-risque (des personnes riches investissant dans de nouveaux business d’extraction et d’exploitation – ce que la Silicon Valley appelle des startups – dans le but de devenir encore plus riches), et ça mène à ces silos géants15 que sont aujourd’hui les Google, Facebook et Twitter.
Toutefois, à la différence de la Big Tech, le but avoué du Fédiverse est de décentraliser les choses, pas de les centraliser. Du coup, comment pourrions-nous atteindre l’opposé des buts de la Big Tech en adoptant leurs architectures de base ?
Lorsque vous adoptez le design de quelque chose, vous héritez aussi des critères de réussite qui ont mené à ce design. Si ces critères de réussite ne correspondent pas à vos objectifs, vous avez un sacré problème.
Pour le dire plus simplement :
N’adoptez pas les critères de réussite de la Big Tech, sinon vous deviendrez la Big Tech.
Ce n’est pas la taille qui compte
Aujourd’hui, il y a une équivalence entre la taille de mastodon.social (l’instance gérée par Eugen) et le succès de Mastodon (le logiciel créé par Eugen). C’est très dangereux. Plus mastodon.social grossit, plus il va ressembler à Twitter.
Je peux presque vous entendre crier : « Mais Aral, c’est fédéré ! Au moins, il n’y a pas de verrous sur mastodon.social ! ».
Et c’est vrai.
Vous savez ce qui est également fédéré ? L’e-mail.
Avez-vous déjà entendu parler de cette petite et vieille instance appelée Gmail ? (Ou peut-être les termes « adopte, étend, étouffe » ?)
Savez-vous ce qui arrive à votre e-mail si Google déclare (à tort ou à raison) que vous êtes un spam ? Personne ne voit votre e-mail.
Vous savez ce qui se passe si mastodon.social bloque votre instance ? Des centaines de milliers de gens (bientôt des millions ?) ne pourront plus décider d’afficher ou non vos messages.
Que se passe-t-il quand votre instance bloque mastodon.social ? Absolument rien.
C’est un réel déséquilibre des puissances.
La décentralisation commence par soi-même
Mastodon est non-lucratif, et je n’ai pas de raison de croire qu’Eugen n’ait pas les meilleures intentions du monde. Et pourtant, la décentralisation commence par se décentraliser soi-même.
C’est dans l’intérêt du Fédiverse que mastodon.social donne le bon exemple en limitant sa taille volontairement.
En fait, ça devrait même être intégré au logiciel. Les instances Mastodon devraient être empêchées de croître au-delà d’une certaine taille. Les instances qui sont déjà trop grosses devraient avoir des moyens d’encourager les gens à migrer vers des plus petites.
En tant que communauté, nous devrions aborder les grandes instances comme des tumeurs : comment pouvons-nous les détruire pour qu’elles ne soient plus un danger pour l’organisme ?
En poussant ce raisonnement, on arrive au concept du Small Web, un internet où nous possédons et maîtrisons notre propre lieu (ou nos propres lieux).
Cliquez sur l’image pour voir une vidéo (sur aperi.tube, une instance PeerTube) : Aral expliquant ce qu’est pour lui le Small Web
Small is beautiful! (Petit c’est mieux) (octobre 2022) : Qu’est-ce que le Small Web et pourquoi en avons-nous besoin ?
Cui-cui ?
Je ne dis pas que les protocoles et applications actuels du Fédiverse peuvent, vont, ou même devraient évoluer vers le Small Web16. Pour l’instant, le Fédiverse est un palliatif inestimable qui fournit un lieu plus sûr que les fosses septiques centralisées de la Silicon Valley.
Le temps que durera le palliatif dépendra de notre capacité à résister à la centralisation. Les designs des serveurs et des protocoles qui incitent au passage à l’échelle vertical ne rendront pas forcément cette tâche plus facile. Et pourtant, il y a des moyens de pression sociaux que nous pouvons utiliser pour contrer leurs effets.
La dernière chose qu’on souhaite, c’est qu’une poignée de Zuckerbergs au petit pied gouvernent le Fédiverse. Ou pire encore, que vous deveniez vous-même un de ces mini-Zuckerbergs.
J’aime le fait que le Fédiverse existe. Et j’ai le plus grand respect pour les efforts gargantuesques qui lui sont dédiés. Mais je suis aussi très préoccupé par les décisions prises en termes d’architecture qui incitent à la centralisation, et non à la décentralisation. Je nous implore de reconnaître cela, pour limiter les risques du mieux que nous le pouvons, pour nous efforcer d’apprendre de nos erreurs, et pour faire encore mieux demain.
Gens d’ActivityPub et de Mastodon :
Considérez-moi comme votre canari dans une mine de charbon…
« Cui-cui ! Cui-cui ! Cui-cui ! »
*Si vous souhaitez soutenir la Small Technology Foundation, qui est sans but lucratif : https://small-tech.org/fund-us
What Framasoft would like to do in 2021 thanks to your donations
For 2021, Framasoft has many desires (we always have!): popular digital education, software developments and actions to participate in the web re-decentralization.
Here are the main actions we plan to carry out next year. However 2020 confirmed us that we can’t take anything for granted and that everything can change. So this article is more a snapshot of our todo list for 2021 than a roadmap set in stone.
Here is what we plan to do next year if we are not forced to change our plans in the middle of the year and if we can. We hope you will help us accomplish it by joining our donators.
Taking more time to develop ethical tools
In 2021, Framasoft will obviously continue to work on softwares we have been developping for years. But this year we didn’t plan any fundraising for one of these softwares.
Indeed, if organizing a fundraising allows to know and finance an initiative, it’s also the start of a sprint to code mainstream features in time.
This year we want to work on improvements, on mediation tools: features that may seem less sexy but that are just as important. We also want to take time to better listen to your feedbacks and needs.
Finding a community for Framaforms (the software)
In 2021 Théo will spend a few more months with us to continue the work (already well underway) on the software behind Framaforms: bugs resolution and new features requested by users. Thanks to these improvements, Framaforms will be much easier to use and administrate.
One of Théo’s missions is to create a contribution community around this software. Our goal is that this software’s evolution doesn’t exclusively rest upon our small not-for-profit shoulders. We’ll publish a presentation website in the coming months.
Because Framaforms is one of our most visited services, we deeply hope that other people will be interested in this solution and will continue to keep it alive and to make it evolve. The need to free forms from Google is important: free-libre softwares have strong arguments in this area and the development effort can’t rely solely on our small not-for-profit.
Slidewalker, an alternative to Slideshare and Scribd
We have been dying to carry out this idea for years: to create a free-libre software so that hosters can offer online documents hosting and consulting service, an alternative to slideshare or scribd.
Slidewalker would help anyone share documents (not just slideshows) in open formats (open documents) or in PDF format. For those using closed formats (docx, xlsx, pptx…) we will find how to convert them into a PDF format. But if you want something better, ask Microsoft to open their proprietary formats.
Once hosted, the files could be described, viewed, embed and opened to comments (or not, it’s not compulsory!). We also think of group features and quotas… we don’t lack of ideas for this software.
But we are realistic and know that we will not achieve to develop all of them in 2021, nor on the V1. For example, it won’t be a federated tool this time! We don’t even know if we will provide a public instance of this software.
We want a simple and efficient tool that works without embellishments. So far, we have only imagined it. Let’s meet in 2021 to see how this plan will become true (if it does!).
Consolidating PeerTube towards its v4
As mentioned several times, PeerTube’s v3 including live and peer-to-peer video streaming should be released in January 2021. First, this « live » will be minimalistic (no chat and reaction tools, etc.) but we will probably develop it and add new tools. Your feedbacks will influence updates about the interface itself or in addition to this main feature.
In 2020, Marie-Cécile Godwin, our partner designer, directed interviews with video makers, instance administrators and Internet users who wanted to watch videos elsewhere than on web giants platforms. These interviews confirmed our impressions: it’s confusing to come across a federated software (PeerTube) when you are expecting to find a video sharing platform (« in YouTube’s style »).
Google and its co-workers wrongly accustom us and it’s difficult for Internet users to apprehend decentralized web and federation principles… That’s why in 2021 we would like to make this understanding easier.
We want to modify significantly the interface, for example by inserting educational elements. We would like people who visit ExampleTube to see at a glance if a video is hosted by ExampleTube or if it’s on an instance federated with ExampleTube. Identifying immediately where a video comes from can change everything for watchers, videomakers and instance administrators.
We would also like to improve contents discoverability of both videos and channels. Even if SepiaSearch, our search engine, is a wonderful tool to search for videos, you have to know what you’re looking for.
For those who just want to browse, only this JoinPeertube page offers you videos, channels and instances selections. Thus we would like to create a tool allowing instance administrators to present and recommend content. Videomakers will also be able to customize their PeerTube channels by highlighting a video, modifying their playlists, adding a banner or by recommending other channels.
A Mobilizon suited to your needs
By publishing Mobilizon’s first version in the end of last October, we have proved that it’s now possible for those who want to gather, mobilize and organize themselves to use a free-libre and federated tool. We look forward to improving Mobilizon in 2021.
For example, we would like to use your feedbacks from previous weeks by implementing a new notification system to easily see the activity of events you have signed up for and new contents published in groups.
But we don’t want to overwhelm you with notifications nor to offer you a poor imitation of a Facebook wall. It would be against the spirit of attention simplicity we wanted for this tool. We will take all the time needed to imagine the most appropriate notification system. It seems more a design complexity than a code issue. For this reason (and many more), we’ll keep working with Marie-Cécile Godwin.
We also want to improve events discoverability. In the « Explore » menu, you currently can search for events with geographical localization. But displaying them on a map could be another way to discover the events next to you.
Some of you told us that the events selected in the « Featured events » and « These events may interest you » sections, at the bottom of event pages, didn’t seem pertinent. Therefore we will try to make the selection criteria more understandable (title, tag, date, location, etc.).
Finally we’re planning to create a dedicated space for the different contributions (feedbacks, issues, translations, code and support to the installation, etc.) on JoinMobilizon. We will also consider your desires about this tool and probably add features we haven’t thought about yet.
Decentralizing to avoid power concentration
Web giants are a handful of companies who managed to get us spend as much time as possible in front of our screens, so they can best decide what will be displayed on them.
The more people use their tools, the more power web giants get and the more complicated it becomes for each of us to use alternative tools.
Even at our level (a huge level for a small not-for-profit organization but a very small comparing to Google and co) we can notice that. The more one of our services are, the more it attracts problematic uses (moderation or spam) and causes imbalance issues (and some moral dilemma for our team when we have to decide!).
One solution is to increase the number of services hosting. It’s a truth that we will uphold for many years: de-google-ifying is great, yes, but it is not enough. It’s just the first step in decentralizing one’s digital uses.
Providing alternatives to some Frama-services
In 2021, Framasoft will continue to remake some of our services into portals to the same tools but hosted by other trusted providers, most often members of the CHATONS collective. This is what we’ve already done with the services we closed in 2020: Framabee, Framanews and Framastory.
We will close down very shortly Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama and the former Framindmap version, replacing them with an « Alternative » page, similar to the one above. As we explained in this article, in mid-2021, Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag and Framacalc will display alternatives.
We will also restrict uses of some other services during the year. Therefore you won’t be able to shorten new links via Frama.link anymore but the already shortened URLS will still work. We will also close down signing ups on Framasphère and Framapiaf (if you already have a Framapiaf account, nothing will change for you, whereas Framasphère will close in october).
However we consider not to restrict the Framalistes service this year contrary to what was indicated in our service closure schedule. Alternatives (even under another free-libre software) are uncommon and a much more used service in this period of social distancing. We will not restrict this service until we find a substainable solution.
More generally, in early 2021, we will reconsider our plans to « de-framasoft-ify the Internet ». Without questioning this approach, we thought this plan more than two years ago. And since then the world and the free-libre software landscape have changed: it’s time for a little update!
Supporting CHATONS (the Collective of Independent, transparent, open, neutral and ethical hosters providing FLOSS-based online services)
In 2021 we want to keep working on the coordination of CHATONS: the alternative hosting collective.
Each year, organizations that are collective’s members and alternative services they offer are increasing. That’s why in 2021 the collective thinks of reconsidering his website for you to find more easily the service or the organization that feets your needs the best.
Finally, the collective CHATONS plans to build a new interface for its website, to better show the works carried out by the 90 organizations composing it.
Contributing to other’s digital tools
It’s always nice to participate in projects carried out by other organizations. In 2021, we will continue to support tool developments conducted by other organizations to which we have already contributed.
Released in 2019, Bénévalibre is a free-libre software allowing you to count volunteering hours within an association (French for not-for-profit NGO). Although the « all accounting » logic is not really part of our values, we think that such a requirement should not depend on proprietary softwares.
That’s the reason why friends of the April LibreAssociation group carried out this development and why we supported them. Since Bénévalibre’s v1 in September 2019, there has been a lot of hindsights and uses to know how to contribute to it and improve it in 2021.
Petition tools need to be freed from surveillance capitalism mechanisms. In 2021 we will logistically and financially support the Pytitions software development in the hope to get rapidly to a general public version.
Contributing to people’s digital emancipation
We can’t list below all the popular education actions we will contribute to in 2021.
Firstly because some of these actions will be at the reflection phase and also because collective intelligence requires time and is hard to plan.
For example, in 2021 there may be a radical change of paradigm and functioning within our publishing house, Framabook. We may also think about the next MOOC CHATONS modules… but we haven’t decided yet.
Secondly, because some of these actions are carried out according to new needs, to wills coming together and to common schedules, etc.
Here are the outlines we can draw today. It will be very fun to compare this sketch with a more complete review of our popular education actions in the end of 2021.
We can’t wait seeing you again, away from keyboards!
In 2021 we hope the sanitary conditions will allow us to go back physically to our meetings, workshops, conferences or round-tables. Of course health comes first! Respecting our health and yours will be a main condition before accepting any of them.
This being said, we still hope that it will be possible because… we miss you! It’s important for us to meet regularly with different audiences and share opinions about web giant’s supremacy and the world that Surveillance Capitalism companies are planning for us.
Meanwhile we will continue our online meetings and we can already tell we have some planned for the first half of 2021!
Promoting the « Métacartes numérique éthique » (Cardgame to discover ethical digital alternatives)
This tool that helps digital mediators to easily raise awareness on technology issues and to present alternatives that are respectful to Internet user’s should be released in 2021.
Framasoft will keep supporting this nice initiative we can’t wait to discover in 2021! To help producing it, we have (among others) pre-ordered games and we hope we will be able to spread this major animation system to amator and professional mediators.
Describing the Fediverse with a thesis or a drawing
For example, when we talk about PeerTube or Mobilizon, we see that it’s hard to tackle the concepts of « federated software », « instance » and « federation ». Indeed, those last twenty years, web giants have limited the web to « a website = a platform = a service » suggesting to most users that there is no alternative.
In 2021, we plan to work on making these concepts more accessible for everyone. For example, we asked LILA association (who made the « What Is PeerTube? » animated video) to produce some short videos popularizing key concepts.
A year ago we were talking about our « Framasoft cloud » project: a service based on Nextcloud software giving easily access to many collaborative tools. Meanwhile, the world and our thoughts on this project have changed.
Due to the covid19 crisis, many people had to use new digital tools without any support. Even though we are spending more and more time « working/collaborating/cooperating/exchanging/producing » in front of our screens: most of us are not very comfortable with these digital practices.
Nextcloud remains a free-libre software that can meet these needs especially for an audience (organizations, collectives, etc.) wanting digital emancipation. In 2021, we want to devote time and energy to create awareness and understanding tools about what Nextcloud is (and isn’t), about what we can do with it and how… in order to increase your organization and collaboration abilities.
Taking time to think the Popular University UPLOAD project
This project of a Libre Open Accessible and Decentralized Popular University (UPLOAD) was conceived during Contributopia’s campaign in October 2017. In 2021, we will be far from completing it but we want to start defining it more concretely.
Our first goal it to create a space for people to get to a lot of re-appropriable knowledge (with contents under free-licence of course). This space should be able to adapt to many popular educational and empowerment uses.
It’s also to think about how digital coaches’ works could be facilitated so that these contents can be appropriated and organized online or physically.
In order to think of the most relevant tool, and how we could humbly contribute to this environment where many initiatives were launched before us, Framasoft gives itself one year to note what already exists on this matter and think about how this project could be organized to be the most effective.
A year to find each other
Let’s be honest: even us when we read this huge list, we don’t know how we will accomplish all of it! But if we look closely, most of the actions are the continuation of projects and partnerships or the first steps to develop ideas we have always liked.
Today if we had to describe how we think about 2021 in one word it will be « finding »: finding our marks, finding you back, and finding ourselves in action. Because we never lost the meaning of what we do, for you and with you.
In 2021, we want lead our way to this meaning given in our actions, towards these values of digital emancipation, power decentralization and popular education.
As Framasoft only lives from your donations, we hope you will follow us and support us once again in this direction.
Ce que Framasoft aimerait faire en 2021 grâce à vos dons
Pour l’année 2021, Framasoft a encore de nombreuses envies (ça, on n’en manque jamais !) : éducation populaire au numérique, développement des logiciels que nous maintenons et actions pour participer à la re-décentralisation du web.
À noter :
Découvrez la version en anglais de cet article réalisée par notre stagiaire Coraline
Nous vous présentons ici les principales actions que nous prévoyons de mener l’année prochaine. Cependant, si 2020 nous a confirmé quelque chose, c’est que rien n’est acquis, que tout peut être chamboulé. Il ne s’agit donc pas ici d’une roadmap (feuille de route) gravée dans le marbre, mais bien d’un instantané de notre to do list (ou « liste des choses à faire ») pour 2021.
Voilà donc ce que nous envisageons de faire l’an prochain, si le monde ne nous fait pas réviser nos plans en plein milieu de l’année et si nous le pouvons. Nous espérons que vous nous donnerez les moyens de le réaliser en rejoignant nos donateurs et donatrices.
Prendre plus de temps pour développer des outils éthiques
En 2021, Framasoft va bien évidemment continuer à travailler sur les logiciels que l’association développe depuis plusieurs années. Cependant, nous ne prévoyons pas de collecte dédiée à l’un de ces logiciels pour cette année.
En effet, si animer une collecte permet de faire connaître une initiative tout en la finançant, c’est aussi, souvent, le début d’un sprint pour coder des fonctionnalités phares dans les temps annoncés.
Cette année, nous voulons travailler sur des améliorations, des outils d’appropriation, des fonctionnalités peut-être moins sexy mais tout aussi importantes. Nous voulons aussi prendre le temps de mieux nous adapter à vos retours et vos besoins.
Trouver une communauté pour (le logiciel) Framaforms
Théo passera encore quelques mois avec nous en 2021 pour poursuivre le travail déjà bien engagé sur le logiciel qui propulse Framaforms : résolution de bugs et ajout de fonctionnalités demandées par les utilisateur⋅ices. Toutes ces améliorations font que Framaforms pourra bien plus facilement être utilisé et administré.
Théo a d’ailleurs pour mission de faire émerger une communauté de contributeur⋅ices autour de ce logiciel afin que son évolution ne repose pas exclusivement sur notre petite association. Un site web de présentation verra le jour dans les mois à venir.
Nous espérons vivement que d’autres vont s’intéresser à cette solution et continuer de la faire vivre et évoluer, car Framaforms est un de nos services les plus utilisés. Le besoin de formulaires libérés des griffes de Google est grand, le Libre a des arguments solides dans ce domaine, et l’effort de développement ne peut pas reposer uniquement sur les épaules de notre association.
Slidewalker, une alternative à Slideshare et Scribd
Voilà une idée qui nous démange depuis quelques années… Créer un logiciel libre pour que des hébergeurs web puissent proposer un service d’hébergement et de consultation de documents en ligne, une alternative à slideshare ou scribd.
Slidewalker permettrait d’y envoyer des documents (pas uniquement des diaporamas) en formats ouverts (open documents) ou en pdf. Bon, pour les personnes qui utilisent des formats fermés (docx, xlsx, pptx…) on trouvera bien une solution pour convertir ça en pdf au passage, hein. Mais si vous voulez mieux, faudra demander à Microsoft d’ouvrir les formats de ses fichiers propriétaires !
Une fois hébergés, ces fichiers pourraient être décrits, consultés, intégrés dans une page web, ouverts aux commentaires (ou pas, hein, c’est pas obligé !). On imagine même des fonctionnalités de groupes, de quotas… ce ne sont pas les idées qui manquent.
Cependant, nous sommes réalistes et savons que nous ne les réaliserons pas toutes en 2021, ni pour la v1 de ce projet. Par exemple, nous n’envisageons pas de faire un outil fédéré sur ce coup-là ! Nous ne savons même pas si nous proposerons une instance ouverte de ce logiciel.
Nous avons envie d’un outil modeste et efficace, qui fait le job sans fioriture. À ce jour, nous n’en sommes qu’à l’imaginer, rendez-vous en 2021 pour voir comment cette envie se concrétisera (et si on y parvient !).
Consolider PeerTube vers sa v4
Comme nous vous l’avons indiqué à de multiples reprises, nous prévoyons de sortir la v3 de PeerTube intégrant la diffusion de vidéos en direct et en pair à pair en janvier 2021. Cependant, ce « live » sera dans un premier temps minimaliste (pas d’outil de chat, pas de réactions, etc.) et il sera sûrement nécessaire de le faire évoluer, d’y ajouter des outils. Nous envisageons donc des mises à jour au regard de vos retours, que ce soit au niveau de l’interface ou en complément à cette fonctionnalité majeure.
En 2020, notre designer associée, Marie-Cécile Godwin, a réalisé plusieurs entretiens avec des vidéastes, des administrateur⋅ices d’instances et des internautes souhaitant visionner des vidéos ailleurs que sur les plateformes des géants du web. Ces entretiens ont confirmé nos impressions : tomber sur un logiciel fédéré (PeerTube) quand on s’attend à trouver une plateforme vidéo (« à la YouTube »), c’est déroutant !
Google et ses collègues de bureaux nous ont mal habitué⋅es, et il est difficile pour les internautes d’appréhender les principes du web décentralisé et de la fédération… Nous aimerions donc réussir en 2021 à faciliter cette compréhension.
Nous envisageons plusieurs modifications notables de l’interface, par exemple en y insérant des éléments pédagogiques. Nous aimerions que les internautes qui visitent ExempleTube puissent facilement voir si telle vidéo est hébergée par ExempleTube ou si elle se trouve sur les disques durs d’une instance fédérée à ExempleTube. Pouvoir identifier la provenance d’une vidéo d’un regard, cela peut tout changer, que ce soit pour le spectateur, la vidéaste ou l’admin qui héberge l’instance.
Nous aimerions aussi améliorer la découvrabilité des contenus hébergés par une instance, que ce soit des vidéos ou des chaînes. Notre moteur de recherche SepiaSearch est un merveilleux outil pour rechercher des vidéos, mais il faut savoir ce que l’on cherche.
Pour les personnes qui veulent juste naviguer, il n’y a pour le moment que cette page de JoinPeertube qui vous propose une sélection de vidéos, de chaînes et d’instances. Nous aimerions donc créer un outil pour que les administrateur⋅ices d’instances puissent mettre en valeur, voire recommander certains contenus. On pourrait aussi permettre aux vidéastes de davantage personnaliser leurs chaînes PeerTube par la mise en avant d’une vidéo, en réorganisant leurs playlists, en ajoutant une bannière ou en recommandant d’autres chaînes.
Développer le Mobilizon qui vous servira
En publiant fin octobre la première version de Mobilizon, nous avons démontré qu’il est désormais possible pour celles et ceux voulant se rassembler, se mobiliser et s’organiser, d’utiliser un outil libre et fédéré. Nous avons hâte d’améliorer Mobilizon en 2021.
Nous aimerions, par exemple, prendre en compte plusieurs retours qui nous ont été faits ces dernières semaines, en mettant en place un système pour voir facilement l’activité d’un évènement auquel on s’est inscrit, ou les nouveaux contenus publiés dans les groupes qu’on a rejoints.
Mais on ne veut pas non plus vous submerger de notifications, ni vous proposer une pâle copie du fil d’actualités proposé par Facebook et consorts. Ce serait totalement contraire à l’esprit de sobriété attentionnelle que nous avons voulu pour cet outil. Nous allons donc prendre le temps nécessaire d’imaginer le système le plus approprié et pour cela, nous continuons à travailler avec Marie-Cécile Godwin car il nous semble que nous sommes davantage face à une complexité de design qu’à une problématique de code.
Nous pensons aussi à améliorer la découvrabilité des évènements. Dans le menu ‘Explorer’, vous avez actuellement la possibilité de rechercher des évènements par localisation géographique. Mais un affichage sur une carte pourrait être une autre façon de rendre visibles les évènements qui se déroulent à proximité de chez vous.
Vous avez été nombreu⋅ses à nous indiquer ne pas comprendre ce qui était sélectionné dans la section « Évènements à la Une » ou dans la section « Ces évènements peuvent vous intéresser » qui s’affiche en bas des pages évènements. Nous allons donc essayer de rendre plus compréhensibles les critères de ces sélections (titre, tag, date, lieu, etc.).
Enfin, nous prévoyons de créer un espace dédié aux différentes contributions sur JoinMobilizon (retours, questions, traductions, code et aide à l’installation, etc.). Nous pourrons ainsi prendre connaissance de vos envies concernant cet outil et sûrement ajouter des fonctionnalités auxquelles nous n’avons pas encore pensé.
Décentraliser pour ne pas concentrer les pouvoirs
Les géants du web, c’est une poignée d’entreprises qui a réussi à ce que l’on passe le plus de temps possible devant nos écrans, pour mieux décider de ce qui va s’y afficher.
Plus il y a de monde utilisant leurs outils, plus ils ont de pouvoir, plus il est compliqué pour chacun·e d’entre nous d’utiliser des outils alternatifs.
Nous le constatons même à notre niveau (énorme pour une petite association loi 1901, mais ridiculement petit par rapport à Google, par exemple). Plus un de nos services est utilisé, plus il attire les usages problématiques (modération, spam) et plus cela pose des problèmes de déséquilibre (et beaucoup de cas de conscience pour notre équipe lorsque l’on doit trancher !).
La solution à cela, c’est de proposer encore et toujours plus d’hébergements de services variés. C’est une vérité que l’on va devoir accompagner sur plusieurs années : se dégoogliser c’est bien, c’est déjà énorme, et cela ne suffit pas. Ce n’est que la première étape pour décentraliser ses usages numériques.
Proposer des alternatives à certains Frama-services
Framasoft continuera en 2021 à transformer certains de ses services en portails vers ces mêmes outils, mais installés chez d’autres hébergeurs de confiance, le plus souvent membres du collectif CHATONS. C’est déjà le cas pour les services que nous avons fermés en 2020 : Framabee, Framanews et Framastory.
Très prochainement, nous fermerons les services Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama et l’ancienne version de Framindmap, pour les remplacer par une page « Alternatives », similaire à celle ci-dessus. Mi-2021, ce sera au tour des services Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag et Framacalc de présenter des alternatives, comme nous l’avons expliqué dans cet article.
Nous allons aussi restreindre l’usage de certains services dans l’année. Ainsi, il ne sera bientôt plus possible de raccourcir de nouveaux liens via Frama.link, mais les urls déjà raccourcies continueront à fonctionner. Nous allons aussi fermer les inscriptions sur Framasphère et Framapiaf (mais si vous avez déjà un compte, rien ne va changer pour vous).
En revanche, contrairement à ce qui est indiqué sur notre calendrier de fermetures, nous pensons ne pas restreindre le service Framalistes cette année. Les alternatives (même sous un autre logiciel libre) sont rares, et c’est un service d’autant plus utilisé en période de distanciation sociale. Nous avons décidé de ne pas restreindre ce service le temps de trouver une solution durable.
Plus généralement, début 2021, nous allons repenser nos plans pour « déframasoftiser Internet ». Sans remettre en cause la démarche, voilà plus de 2 ans que nous avons commencé à imaginer ce calendrier. Depuis, le monde a bien changé, le paysage du logiciel libre aussi : il est temps d’une petite mise à jour !
Soutenir le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires (CHATONS)
En 2021, nous souhaitons aussi continuer de nous investir dans la coordination du collectif d’hébergeurs alternatifs CHATONS.
Le nombre de structures membres du collectif croît chaque année et le nombre de services alternatifs que ces structures proposent est de plus en plus important. C’est pourquoi le collectif envisage en 2021 de revoir son site web afin que vous puissiez trouver encore plus facilement le service ou la structure qui correspond le mieux à vos besoins.
Un travail de la refonte de la litière, le wiki du collectif, est actuellement en cours et devrait prochainement vous donner accès à l’ensemble de la documentation produite par le collectif.
Enfin, CHATONS prévoit de se doter d’une nouvelle interface qui permettra à tous les internautes de prendre conscience de l’activité réalisée par les 90 structures qui le composent.
Contribuer aux outils numériques des autres
C’est toujours très agréable de contribuer à des projets portés par d’autres structures. En 2021, nous allons continuer de soutenir des développements d’outils qui sont menés par d’autres structures et auxquels nous avons déjà apporté notre pierre.
Nous vous le présentions en 2019, Bénévalibre est un logiciel libre qui permet de comptabiliser les heures de bénévolats au sein d’une association. Si la logique du « tout comptable » ne fait pas vraiment partie de nos valeurs, il nous semble malgré tout évident qu’une telle exigence ne doit pas dépendre de logiciels propriétaires.
C’est d’ailleurs pour cela que les ami·es du groupe LibreAssociation de l’April ont porté ce développement, et que nous les avons soutenu.es. La v1 de Bénévalibre datant de septembre 2019, il y a désormais bien du recul et des utilisations pour déterminer comment y contribuer et l’améliorer en 2021.
Il y a un grand besoin de libérer les outils de pétitions des mécanismes du capitalisme de surveillance. En 2021, notre soutien au logiciel Pytitions sera logistique mais aussi financier, dans l’espoir de le faire avancer plus rapidement vers une version grand public.
Contribuer à l’émancipation numérique des internautes
Nous n’allons pas pouvoir lister ici l’ensemble des actions d’éducation populaire auxquelles nous allons contribuer en 2021.
D’une part parce qu’une partie de ces actions en sera au stade de la réflexion, et que faire travailler l’intelligence collective, ça prend du temps et c’est complexe à planifier.
Par exemple, il est possible qu’en 2021 on expérimente un changement radical de paradigme et de fonctionnement au sein de la maison d’édition Framabook, ou qu’on réfléchisse aux prochains modules du MOOC CHATONS… mais c’est encore à déterminer avec les collectifs concernés.
D’autre part, parce qu’une autre partie de ces actions se font en fonction des besoins qui naissent, des volontés qui se rencontrent, des plannings qui trouvent un moment en commun, etc.
Voici donc les grandes lignes que l’on peut tracer aujourd’hui, et il sera très amusant de comparer ce croquis avec un bilan plus complet de nos actions d’éducation populaire fin 2021.
Vous retrouver, loin des claviers, ça nous manque !
Nous espérons qu’en 2021 les conditions sanitaires nous permettront de reprendre nos interventions, ateliers, conférences ou tables-rondes lors de rencontres physiques. Certes, la santé passe avant tout ! Respecter notre santé et la vôtre sera pour nous une condition essentielle avant d’accepter toute intervention.
Ceci étant dit, nous gardons espoir que ce soit possible, car… vous nous manquez ! C’est pour nous essentiel d’aller régulièrement à la rencontre de publics variés pour partager nos observations sur l’hégémonie des géants du web et le monde que nous préparent les entreprises du Capitalisme de Surveillance.
En attendant, nous ne manquerons pas de poursuivre nos interventions en ligne, et autant vous dire qu’il y en a déjà de prévues pour le premier semestre 2021 !
Cet outil à destination des médiateur⋅ices numériques pour qu’iels puissent facilement sensibiliser aux enjeux des technologies du numérique et proposer des alternatives respectueuses des internautes devrait donc voir le jour dans le courant de l’année 2021.
Framasoft va poursuivre son soutien à cette belle initiative que nous avons hâte de voir naître en 2021 ! Pour aider la production, nous avons (entre autres) pré-commandé des jeux et espérons pouvoir diffuser ce dispositif d’animation incontournable auprès de médiateurs amateurs et médiatrices professionnelles.
Décrire le Fediverse, en une thèse ou un dessin
Lorsque nous parlons de PeerTube ou de Mobilizon par exemple, nous voyons bien que les notions de « logiciel fédéré », d’« instances » et de fédération sont complexes à aborder. Il faut dire que, ces vingt dernières années, les multinationales du numérique ont réduit le web à « un site = une plateforme = un service », laissant entendre à la majorité des internautes qu’il n’y aurait pas d’alternative.
En 2021, nous aimerions donc travailler à ce que ces notions deviennent plus abordables pour tous et toutes. Par exemple, nous avons demandé à l’association LILA (qui a réalisé pour nous la vidéo d’animation What Is PeerTube?) de remettre le couvert pour créer quelques courtes vidéos vulgarisant des notions clés.
Il y a un an, on vous parlait de notre projet de « cloud Framasoft », un service basé sur le logiciel Nextcloud permettant d’accéder aisément à une multitude d’outils collaboratifs. Entre temps, le monde a changé et notre réflexion sur ce projet a elle aussi évolué.
La crise COVID19 a en effet imposé de manière brutale et sans accompagnement de nouveaux usages numériques à une grande partie de la population. Si nous passons de plus en plus de temps à « travailler/collaborer/coopérer/échanger/produire » devant un écran, la majorité d’entre nous n’est pas très à l’aise avec ces pratiques numériques.
Nextcloud reste un logiciel libre qui peut répondre à ces besoins, notamment pour un public (associations, collectifs, etc.) en recherche d’émancipation numérique. En 2021, nous voulons consacrer du temps et de l’énergie à créer des outils de sensibilisation et de compréhension de ce qu’est (et n’est pas) Nextcloud, de ce que l’on peut faire avec, et comment… afin d’accroître vos capacités d’organisation et de collaboration.
Mettre du temps de cerveau sur le projet d’Université Populaire UPLOAD
Ce projet d’Université Populaire du Libre, Ouverte, Accessible et Décentralisée (UPLOAD) a été imaginé lors de la campagne Contributopia, en octobre 2017. En 2021 nous serons encore loin de réaliser ce projet, mais nous voulons commencer à le définir plus concrètement.
L’objectif serait de mettre à disposition des internautes un espace qui leur permettra d’accéder à de nombreuses connaissances réappropriables (donc avec du contenu forcément sous licence libre) et pouvant s’adapter à de nombreux usages d’éducation populaire et d’empowerment.
C’est aussi de penser comment faciliter la vie des médiateurs et médiatrices afin que l’appropriation de ces contenus puisse être animée, en ligne et lors de rencontres physiques.
Afin de penser l’outil le plus adapté pour cela, et la contribution que nous pourrions humblement apporter dans ce milieu où tant de belles initiatives ne nous ont pas attendu.es pour se lancer, Framasoft se donne une année pour réaliser un diagnostic de ce qui existe déjà sur le sujet afin de nourrir notre réflexion sur la forme que pourrait prendre ce dispositif pour être le plus efficace.
Une année pour se retrouver
Soyons sincères : nous-même, à la lecture de cette énorme liste, nous demandons comment faire tout cela ! Mais à bien y regarder la plupart de ces actions sont soit la poursuite de projets et de partenariats que nous avons déjà entamés, soit les premières pistes pour concrétiser des idées qui nous faisaient déjà envie.
2020 a été, pour nous (et nous imaginons bien que c’est pour tout le monde pareil) une année particulière, où les priorités ont été bousculées, où l’on s’est un peu perdues, où l’on a été submergés.
Si on devait décrire en un mot comment on imagine 2021 aujourd’hui, ce serait « retrouver ». Retrouver nos marques, se retrouver physiquement, s’y retrouver dans nos actions. Car ce que nous n’avons jamais perdu, c’est le sens de ce que nous faisons, pour et avec vous.
En 2021, c’est vers ce sens donné à nos actions, vers ces valeurs d’émancipation numérique, de décentralisation des pouvoirs et d’éducation populaire que nous voulons mener notre barque.
Framasoft ne vivant que grâce à vos dons, nous espérons que vous nous suivrez et nous soutiendrez, une fois de plus dans une telle direction.
D’autres technologies pour répondre à l’urgence de la personne ?
« Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la Big Tech. Nous avons besoin de Small Tech – des outils de tous les jours conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises. »
Ce n’est pas une théorie complotiste : le profilage et la vente de données privées font, depuis des années, partie intégrante du modèle économique de la plupart des entreprises du numérique. Dans cet article traduit par Framalang, Aral Balkan (auquel nous faisons régulièrement écho) suggère qu’il est urgent de s’éloigner de ce modèle qui repose sur les résultats financiers pour gagner en indépendance et explique pourquoi c’est important pour chacun d’entre nous.
Grâce à Greta Thunberg, nous parlons sans aucun doute de la première. La question de savoir si nous allons vraiment faire quelque chose à ce sujet, bien sûr, fait l’objet d’un débat.18
De même, grâce à la montée de l’extrême droite dans le monde entier sous la forme de (entre autres) Trump aux États-Unis, Johnson au Royaume-Uni, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie et Erdoğan en Turquie, nous parlons également de la seconde, y compris du rôle de la propagande (ou « infox ») et des médias sociaux dans sa propagation.
Celle sur laquelle nous sommes les plus désemparé·e·s et partagé·e·s, c’est la troisième, même si toutes les autres en découlent et en sont les symptômes. C’est l’urgence sans nom. Enfin, jusqu’à présent.
L’urgence de la personne
On ne peut pas comprendre « l’urgence de la personne » sans comprendre le rôle que la technologie de réseau et numérique grand public joue dans sa perpétuation.
Votre télé ne vous regardait pas, YouTube si.
La technologie traditionnelle – non numérique, pas en réseau – était un moyen de diffusion à sens unique. C’est la seule chose qu’un livre imprimé sur la presse Gutenberg et votre téléviseur analogique avaient en commun.
Autrefois, quand vous lisiez un journal, le journal ne vous lisait pas aussi. Lorsque vous regardiez la télévision, votre téléviseur ne vous regardait pas aussi (à moins que vous n’ayez spécifiquement permis à une société de mesure d’audience, comme Nielsen, d’attacher un audimètre à votre téléviseur).
Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration farfelue, mais simplement du modèle d’affaires de la technologie actuelle. J’appelle ce modèle d’affaires « l’élevage d’êtres humains ». C’est une partie du système socio-économique, dont nous faisons partie, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance.19
Et pis encore : Alphabet Inc, qui possède Google et YouTube, ne se contente pas de vous observer lorsque vous utilisez un de leurs services, mais vous suit également sur le Web lorsque vous allez de site en site. À lui seul, Google a les yeux sur 70 à 80 % du Web.
Mais ils ne s’arrêtent pas là non plus. Les exploitants d’êtres humains achètent également des données auprès de courtiers en données, partagent ces données avec d’autres exploitants et savent même quand vous utilisez votre carte de crédit dans les magasins ayant pignon sur rue. Et ils combinent toutes ces informations pour créer des profils de vous-même, constamment analysés, mis à jour et améliorés.
Nous pouvons considérer ces profils comme des simulations de nous-mêmes. Ils contiennent des aspects de nous-mêmes. Ils peuvent être (et sont) utilisés comme des approximations de nous-mêmes. Ils contiennent des informations extrêmement sensibles et intimes sur nous. Mais nous ne les possédons pas, ce sont les exploitants qui les possèdent.
Il n’est pas exagéré de dire qu’au sein de ce système, nous ne sommes pas en pleine possession de nous-mêmes. Dans un tel système, où même nos pensées risquent d’être lues par des entreprises, notre identité et le concept même d’autodétermination sont mis en danger.
Nous sommes sur le point de régresser du statut d’être humain à celui de propriété, piratés par une porte dérobée numérique et en réseau, dont nous continuons à nier l’existence à nos risques et périls. Les conditions préalables à une société libre sont soumises à notre compréhension de cette réalité fondamentale.
Si nous nous prolongeons en utilisant la technologie, nous devons étendre le champ d’application légal des droits de l’homme pour inclure ce « Moi » prolongé.
Si nous ne pouvons définir correctement les limites d’une personne, comment pouvons-nous espérer protéger les personnes ou l’identité d’une personne à l’ère des réseaux numériques ?
Aujourd’hui, nous sommes des êtres fragmentés. Les limites de notre être ne s’arrêtent pas à nos frontières biologiques. Certains aspects de notre être vivent sur des morceaux de silicium qui peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de nous.
Il est impératif que nous reconnaissions que les limites du moi à l’ère des réseaux numériques ont transcendé les limites biologiques de nos corps physiques et que cette nouvelle limite – le « Moi » prolongé ; la totalité fragmentée du moi – constitue notre nouvelle peau numérique et que son intégrité doit être protégée par les droits de l’homme.
Si nous ne faisons pas cela, nous sommes condamné·e·s à nous agiter à la surface du problème, en apportant ce qui n’est rien d’autre que des changements cosmétiques à un système qui évolue rapidement vers un nouveau type d’esclavage.
C’est l’urgence de la personne.
Un remaniement radical de la technologie grand public
Si nous voulons nous attaquer à l’urgence de la personne, il ne faudra rien de moins qu’un remaniement radical des technologies grand public.
Nous devons d’abord comprendre que si réglementer les exploitants d’humains et les capitalistes de la surveillance est important pour réduire leurs préjudices, cette réglementation constitue une lutte difficile contre la corruption institutionnelle et n’entraînera pas, par elle-même, l’émergence miraculeuse d’une infrastructure technologique radicalement différente. Et cette dernière est la seule chose qui puisse s’attaquer à l’urgence de l’identité humaine.
Imaginez un monde différent.
Faites-moi le plaisir d’imaginer ceci une seconde : disons que votre nom est Jane Smith et que je veux vous parler. Je vais sur jane.smith.net.eu et je demande à vous suivre. Qui suis-je ? Je suis aral.balkan.net.eu. Vous me permettez de vous suivre et nous commençons à discuter… en privé.
Imaginez encore que nous puissions créer des groupes – peut-être pour l’école où vont nos enfants ou pour notre quartier. Dans un tel système, nous possédons et contrôlons tou·te·s notre propre espace sur Internet. Nous pouvons faire toutes les choses que vous pouvez faire sur Facebook aujourd’hui, tout aussi facilement, mais sans Facebook au milieu pour nous surveiller et nous exploiter.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système en pair à pair qui établisse une passerelle avec le réseau mondial existant.
Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la « Big Tech » (industrie des technologies). Nous avons besoin de « Small Tech » (technologie à petite échelle) – des outils de tous les jours pour les gens ordinaires, conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises.
Étapes concrètes
À la Small Technology Foundation, Laura et moi avons déjà commencé à construire certains des éléments fondamentaux d’un pont possible entre le capitalisme de surveillance et un avenir radicalement démocratique, entre pairs. Et nous continuerons à travailler sur les autres composantes cette année et au-delà. Mais il y a des mesures pratiques que nous pouvons tou·te·s prendre pour aider à faire avancer les choses dans cette direction.
Voici quelques suggestions pratiques pour différents groupes :
Les gens ordinaires
1. Ne vous culpabilisez pas, vous êtes les victimes. Quand 99,99999 % de tous les investissements technologiques vont aux « exploitants d’humains », ne laissez personne vous dire que vous devriez vous sentir mal d’avoir été obligé·e·s d’utiliser leurs services par manque d’alternatives.
2. Cela dit, il existe des alternatives. Cherchez-les. Utilisez-les. Soutenez les gens qui les fabriquent.
3. Prenez conscience que ce problème existe. Appelez des responsables et défendez ceux qui le font. À tout le moins, n’écartez pas les préoccupations et les efforts de ceux et celles d’entre nous qui tentent de faire quelque chose à ce sujet.
Les développeurs
1. Cessez d’intégrer les dispositifs de surveillance d’entreprises comme Google et Facebook dans vos sites Web et vos applications. Cessez d’exposer les gens qui utilisent vos services au capitalisme de surveillance.
2. Commencez à rechercher d’autres moyens de financer et de construire des technologies qui ne suivent pas le modèle toxique de la Silicon Valley.
3. Laissez tomber la « croissance » comme mesure de votre succès. Construisez des outils que les individus possèdent et contrôlent, et non votre entreprise ou organisation. Créez des applications Web pour utilisateur unique (dont chaque personne sera l’unique propriétaire). Soutenez des plateformes libres (comme dans liberté) et décentralisées (sans nager dans les eaux troubles de la blockchain).
L’Union Européenne
1. Cessez d’investir dans les start-ups et d’agir comme un Département de recherche et développement officieux de la Silicon Valley et investissez plutôt dans les « stayups » (entreprises durables, PME ou micro-entreprises matures).
2. Créez un domaine de premier niveau (DPN) non commercial ouvert à tous, où chacun peut enregistrer un nom de domaine (avec un certificat Let’s Encrypt automatique) pour un coût nul avec un seul « appel API ».
3. Appuyez-vous sur l’étape précédente pour offrir à chaque citoyen·ne de l’Union Européenne, payé par l’argent du contribuable européen, un serveur privé virtuel de base, doté de ressources de base pour héberger un nœud actif 24h/24 dans un système pair-à-pair qui le détacherait des Google et des Facebook du monde entier et créerait de nouvelles possibilités pour les gens de communiquer en privé ainsi que d’exprimer leur volonté politique de manière décentralisée.
Et, généralement, il est alors temps pour chacun·e d’entre nous de choisir un camp.
Le camp que vous choisissez décidera si nous vivons en tant que personnes ou en tant que produits. Le côté que vous choisissez décidera si nous vivons dans une démocratie ou sous le capitalisme.
Démocratie ou capitalisme ? Choisissez.
Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80, vous avez probablement accepté sans réfléchir la maxime néolibérale selon laquelle la démocratie et le capitalisme vont de pair. C’est l’un des plus grands mensonges jamais propagés. La démocratie et le capitalisme sont diamétralement opposés.
Vous ne pouvez pas avoir une démocratie fonctionnelle et des milliardaires et des intérêts corporatifs de billions de dollars et la machinerie de désinformation et d’exploitation des Big Tech de la Silicon Valley. Ce que nous voyons, c’est le choc du capitalisme et de la démocratie, et le capitalisme est en train de gagner.
Avons-nous déjà passé ce tournant ? Je ne sais pas. Peut-être. Mais on ne peut pas penser comme ça.
Personnellement, je vais continuer à travailler pour apporter des changements là où je pense pouvoir être efficace : en créant une infrastructure technologique alternative pour soutenir les libertés individuelles et la démocratie.
L’humanité a déjà mis en place l’infrastructure du techno-fascisme. Nous avons déjà créé (et nous sommes toujours en train de créer) des éléments panoptiques. Tout ce que les fascistes ont à faire, c’est d’emménager et de prendre les commandes. Et ils le feront démocratiquement, avant de détruire la démocratie, tout comme Hitler l’a fait.
Et si vous pensez que «les années 30 et 40 c’était quelque chose», rappelez-vous que les outils les plus avancés pour amplifier les idéologies destructrices de l’époque étaient moins puissants que les ordinateurs que vous avez dans vos poches aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons le « Machine Learning » (Apprentissage machine) et sommes sur le point de débloquer l’informatique quantique.
Nous devons nous assurer que les années 2030 ne reproduisent pas les années 1930. Car nos systèmes centralisés avancés de saisie, de classification et de prévision des données, plus une centaine d’années d’augmentation exponentielle de la puissance de traitement (notez que je n’utilise pas le mot « progrès »), signifient que les années 2030 seront exponentiellement pires.
Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons un ennemi commun : l’Internationale nationaliste. Les problèmes de notre temps dépassent les frontières nationales. Les solutions le doivent également. Les systèmes que nous construisons doivent être à la fois locaux et mondiaux. Le réseau que nous devons construire est un réseau de solidarité.
Nous avons créé le présent. Nous allons créer le futur. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cet avenir soit celui dans lequel nous voulons vivre nous-mêmes.
Discours d’Aral Balkan au Parlement européen, fin 2019, lors de la rencontre sur l’avenir de la réglementation de l’Internet. Merci à la Quadrature du Net et à sa chaîne PeerTube.
La Fée diverse déploie ses ailes
Il n’est pas si fréquent que l’équipe Framalang traduise un article depuis la langue italienne, mais la récapitulation bien documentée de Cagizero était une bonne occasion de faire le point sur l’expansion de la Fediverse, un phénomène dont nous nous réjouissons et que nous souhaitons voir gagner plus d’amplitude encore, tant mieux si l’article ci-dessous est très lacunaire dans un an !
Mastodon, la Fediverse et l’avenir des réseaux décentralisés
par Cagizero
Peu de temps après une première vue d’ensemble de Mastodon il est déjà possible d’ajouter quelques observations nouvelles.
Tout d’abord, il faut noter que plusieurs personnes familières de l’usage des principaux médias sociaux commerciaux (Facebook, Twitter, Instagram…) sont d’abord désorientées par les concepts de « décentralisation » et de « réseau fédéré ».
En effet, l’idée des médias sociaux qui est répandue et bien ancrée dans les esprits est celle d’un lieu unique, indifférencié, monolithique, avec des règles et des mécanismes strictement identiques pour tous. Essentiellement, le fait même de pouvoir concevoir un univers d’instances séparées et indépendantes représente pour beaucoup de gens un changement de paradigme qui n’est pas immédiatement compréhensible.
Dans un article précédent où était décrit le média social Mastodon, le concept d’instance fédérée était comparé à un réseau de clubs ou cercles privés associés entre eux.
Certains aspects exposés dans l’article précédent demandent peut-être quelques éclaircissements supplémentaires pour celles et ceux qui abordent tout juste le concept de réseau fédéré.
1. On ne s’inscrit pas « sur Mastodon », mais on s’inscrit à une instance de Mastodon ! La comparaison avec un club ou un cercle s’avère ici bien pratique : adhérer à un cercle permet d’entrer en contact avec tous ceux et celles qui font partie du même réseau : on ne s’inscrit pas à une plateforme, mais on s’inscrit à l’un des clubs de la plateforme qui, avec les autres clubs, constituent le réseau. La plateforme est un logiciel, c’est une chose qui n’existe que virtuellement, alors qu’une instance qui utilise une telle plateforme en est l’aspect réel, matériel. C’est un serveur qui est physiquement situé quelque part, géré par des gens en chair et en os qui l’administrent. Vous vous inscrivez donc à une instance et ensuite vous entrez en contact avec les autres.
2. Les diverses instances ont la possibilité technique d’entrer en contact les unes avec les autres mais ce n’est pas nécessairement le cas. Supposons par exemple qu’il existe une instance qui regroupe 500 utilisateurs et utilisatrices passionné⋅e⋅s de littérature, et qui s’intitule mastodon.litterature : ces personnes se connaissent précisément parce en tant que membres de la même instance et chacun⋅e reçoit les messages publics de tous les autres membres.
Eh bien, chacun d’entre eux aura probablement aussi d’autres contacts avec des utilisateurs enregistrés sur difFerentes instances (nous avons tous des ami⋅e⋅s qui ne font pas partie de notre « cercle restreint », n’est-ce pas ?). Si chacun des 500 membres de maston.litterature suit par exemple 10 membres d’une autre instance, mastodon.litterature aurait un réseau local de 500 utilisateurs, mais aussi un réseau fédéré de 5000 utilisateurs !
Bien. Supposons que parmi ces 5000 il n’y ait même pas un seul membre de l’instance japonaise japan.nuclear.physics dont le thème est la physique nucléaire : cette autre instance pourrait avoir peut-être 800 membres et avoir un réseau fédéré de plus de 8000 membres, mais si entre les réseaux « littérature » et « physique nucléaire » il n’y avait pas un seul ami en commun, ses membres ne pourraient en théorie jamais se contacter entre eux.
En réalité, d’après la loi des grands nombres, il est assez rare que des instances d’une certaine taille n’entrent jamais en contact les unes avec les autres, mais l’exemple sert à comprendre les mécanismes sur lesquels repose un réseau fédéré (ce qui, en se basant justement sur la loi des grands nombres et les principes des degrés de séparation, confirme au contraire l’hypothèse que plus le réseau est grand, moins les utilisateurs et instances seront isolés sur une seule instance).
3. Chaque instance peut décider volontairement de ne pas entrer en contact avec une autre, sur la base des choix, des règles et politiques internes qui lui sont propres. Ce point est évidemment peu compris des différents commentateurs qui ne parviennent pas à sortir de l’idée du « réseau social monolithique ». S’il y avait sur Mastodon une forte concentration de suprémacistes blancs en deuil de Gab, ou de blogueurs porno en deuil de Tumblr, cela ne signifie pas que ce serait l’ensemble du réseau social appelé Mastodon qui deviendrait un « réseau social pour suprémacistes blancs et porno », mais seulement quelques instances qui n’entreraient probablement jamais en contact avec des instances antifascistes ou ultra-religieuses. Comme il est difficile de faire comprendre un tel concept, il est également difficile de faire comprendre les potentialités d’une structure de ce type. Dans un réseau fédéré, une fois donnée la possibilité technique d’interagir entre instances et utilisateurs, chaque instance et chaque utilisateur peut ensuite choisir de façon indépendante l’utilisation qui en sera faite.
Supposons qu’il existe par exemple :
Une instance écologiste, créée, maintenue et soutenue financièrement par un groupe de passionnés qui veulent avoir un lieu où échanger sur la nature et l’écologie, qui pose comme principe qu’on n’y poste ni liens externes ni images pornographiques.
Une instance commerciale, créée par une petite entreprise qui dispose d’un bon serveur et d’une bande passante très confortable, et celui ou celle qui s’y inscrit en payant respecte les règles fixées auparavant par l’entreprise elle-même.
Une instance sociale, créée par un centre social et dont les utilisateurs sont surtout les personnes qui fréquentent ledit centre et se connaissent aussi personnellement.
Une instance vidéoludique, qui était à l’origine une instance interne des employés d’une entreprise de technologie mais qui dans les faits est ouverte à quiconque s’intéresse aux jeux vidéos.
Avec ce scénario à quatre instances, on peut déjà décrire quelques interactions intéressantes : l’instance écologiste pourrait consulter ses utilisateurs et utilisatrices et décider de bannir l’instance commerciale au motif qu’on y diffuse largement une culture contraire à l’écologie, tandis que l’instance sociale pourrait au contraire maintenir le lien avec l’instance commerciale tout en choisissant préventivement de la rendre muette dans son propre fil, laissant le choix personnel à ses membres d’entrer ou non en contact avec les membres de l’instance commerciale. Cependant, l’instance sociale pourrait bannir l’instance de jeu vidéo à cause de la mentalité réactionnaire d’une grande partie de ses membres.
En somme, les contacts « insupportables/inacceptables » sont spontanément limités par les instances sur la base de leurs différentes politiques. Ici, le cadre d’ensemble commence à devenir très complexe, mais il suffit de l’observer depuis une seule instance, la nôtre, pour en comprendre les avantages : les instances qui accueillent des trolls, des agitateurs et des gens avec qui on n’arrive vraiment pas à discuter, nous les avons bannies, alors que celles avec lesquelles on n’avait pas beaucoup d’affinités mais pas non plus de motif de haine, nous les avons rendues muettes. Ainsi, si quelqu’un parmi nous veut les suivre, il n’y a pas de problème, mais ce sera son choix personnel.
4. Chaque utilisateur peut décider de rendre muets d’autres utilisateurs, mais aussi des instances entières. Si vous voulez particulièrement éviter les contenus diffusés par les utilisateurs et utilisatrices d’une certaine instance qui n’est cependant pas bannie par l’instance qui vous accueille (mettons que votre instance ne ferme pas la porte à une instance appelée meme.videogamez.lulz, dont la communauté tolère des comportements excessifs et une ambiance de moquerie lourde que certains trouvent néanmoins amusante), vous êtes libres de la rendre muette pour vous seulement. En principe, en présence de groupes d’utilisateurs indésirables venant d’une même instance/communauté, il est possible de bloquer plusieurs dizaines ou centaines d’utilisateurs à la fois en bloquant (pour vous) l’instance entière. Si votre instance n’avait pas un accord unanime sur la manière de traiter une autre instance, vous pourriez facilement laisser le choix aux abonnés qui disposent encore de ce puissant outil. Une instance peut également choisir de modérer seulement ses utilisateurs ou de ne rien modérer du tout, laissant chaque utilisateur complètement libre de faire taire ou d’interdire qui il veut sans jamais interférer ou imposer sa propre éthique.
La Fediverse
Maintenant que nous nous sommes mieux concentrés sur ces aspects, nous pouvons passer à l’étape suivante. Comme déjà mentionné dans le post précédent, Mastodon fait partie de quelque chose de plus vaste appelé la Fediverse (Fédération + Univers).
En gros, Mastodon est un réseau fédéré qui utilise certains outils de communication (il existe plusieurs protocoles mais les principaux sont ActivityPub, Ostatus et Diaspora*, chacun ayant ses avantages, ses inconvénients, ses partisans et ses détracteurs), utilisés aussi par et d’autres réalités fédérées (réseaux sociaux, plateformes de blogs, etc.) qui les mettent en contact pour former une galaxie unique de réseaux fédérés.
Pour vous donner une idée, c’est comme si Mastodon était un système planétaire qui tourne autour d’une étoile (Mastodon est l’étoile et chaque instance est une planète), cependant ce système planétaire fait partie d’un univers dans lequel existent de nombreux systèmes planétaires tous différents mais qui communiquent les uns avec les autres.
Toutes les planètes d’un système planétaire donné (les instances, comme des « clubs ») tournent autour d’un soleil commun (la plate-forme logicielle). L’utilisateur peut choisir la planète qu’il préfère mais il ne peut pas se poser sur le soleil : on ne s’inscrit pas à la plateforme, mais on s’inscrit à l’un des clubs qui, avec tous les autres, forme le réseau.
Dans cet univers, Mastodon est tout simplement le « système planétaire » le plus grand (celui qui a le plus de succès et qui compte le plus grand nombre d’utilisateurs) mais il n’est pas certain qu’il en sera toujours ainsi : d’autres « systèmes planétaires » se renforcent et grandissent.
[NB : chaque plate-forme évoquée ici utilise ses propres noms pour définir les serveurs indépendants sur lesquels elle est hébergée. Mastodon les appelle instances, Hubzilla les appelle hubs et Diaspora* les appelle pods. Toutefois, par souci de simplicité et de cohérence avec l’article précédent, seul le terme « instance » sera utilisé pour tous dans l’article]
Sur Kumu.io on peut trouver une représentation interactive de la Fediverse telle qu’elle apparaît actuellement. Chaque « nœud » représente un réseau différent (ou « système planétaire »). Ce sont les différentes plateformes qui composent la fédération. Mastodon n’est que l’une d’entre elles, la plus grande, en bas au fond. Sur la capture d’écran qui illustre l’article, Mastodon est en bas.
En sélectionnant Mastodon il est possible de voir avec quels autres médias ou systèmes de la Fediverse il est en mesure d’interagir. Comme on peut le voir, il interagit avec la plupart des autres médias mais pas tout à fait avec tous.
En sélectionnant un autre réseau social comme GNU Social, on observe qu’il a différentes interactions : il en partage la majeure partie avec Mastodon mais il en a quelques-unes en plus et d’autres en moins.
Cela dépend principalement du type d’outils de communication (protocoles) que chaque média particulier utilise. Un média peut également utiliser plus d’un protocole pour avoir le plus grand nombre d’interactions, mais cela rend évidemment leur gestion plus complexe. C’est, par exemple, la voie choisie par Friendica et GNU Social.
En raison des différents protocoles utilisés, certains médias ne peuvent donc pas interagir avec tous les autres. Le cas le plus important est celui de Diaspora*, qui utilise son propre protocole (appelé lui aussi Diaspora), qui ne peut interagir qu’avec Friendica et Gnu Social mais pas avec des médias qui reposent sur ActivityPub tels que Mastodon.
Au sein de la Fediverse, les choses sont cependant en constante évolution et l’image qui vient d’être montrée pourrait avoir besoin d’être mise à jour prochainement. En ce moment, la plupart des réseaux semblent s’orienter vers l’adoption d’ActivityPub comme outil unique. Ce ne serait pas mal du tout d’avoir un seul protocole de communication qui permette vraiment tout type de connexion !
Mais revenons un instant à l’image des systèmes planétaires. Kumu.io montre les connexions techniquement possibles entre tous les « systèmes planétaires » et, pour ce faire, relie génériquement les différents soleils. Mais comme nous l’avons bien vu, les vraies connexions ont lieu entre les planètes et non entre les soleils ! Une carte des étoiles montrant les connexions réelles devrait montrer pour chaque planète (c’est-à-dire chaque « moustache » des nœuds de Kum.io), des dizaines ou des centaines de lignes de connexion avec autant de planètes/moustaches, à la fois entre instances de sa plateforme et entre instances de différentes plateformes ! La quantité et la complexité des connexions, comme on peut l’imaginer, formeraient un enchevêtrement qui donnerait mal à la tête serait graphiquement illisible. Le simple fait de l’imaginer donne une idée de la quantité et de la complexité des connexions possibles.
Et cela ne s’arrête pas là : chaque planète peut établir ou interrompre ses contacts avec les autres planètes de son système solaire (c’est-à-dire que l’instance Mastodon A peut décider de ne pas avoir de contact avec l’instance Mastodon B), et de la même manière elle peut établir ou interrompre les contacts avec des planètes de différents systèmes solaires (l’instance Mastodon A peut établir ou interrompre des contacts avec l’instance Pleroma B). Pour donner un exemple radical, nous pouvons supposer que nous avons des cousins qui sont des crétins, mais d’authentiques crétins, que nous avons chassés de notre planète (mastodon.terre) et qu’ensuite ils ont construit leur propre instance (mastodon.saturne) dans notre voisinage parce que ben, ils aiment bien notre soleil « Mastodon ». Nous décidons de nous ignorer les uns les autres tout de suite. Ces cousins, cependant, sont tellement crétins que même nos parents et amis proches des planètes voisines (mastodon.jupiter, mastodon.venus, etc.) ignorent les cousins crétins de mastodon.saturne.
Aucune planète du système Mastodon ne les supporte. Les cousins, cependant, ne sont pas entièrement sans relations et, au contraire, ils ont beaucoup de contacts avec les planètes d’autres systèmes solaires. Par exemple, ils sont en contact avec certaines planètes du système planétaire PeeeTube: peertube.10287, peertube.chatons, peertube.anime, mais aussi avec pleroma.pizza du système Pleroma et friendica.jardinage du système Friendica. En fait, les cousins crétins sont d’accord pour vivre sur leur propre petite planète dans le système Mastodon, mais préfèrent avoir des contacts avec des planètes de systèmes différents.
Nous qui sommes sur mastodon.terre, nous ne nous soucions pas moins des planètes qui leur sont complaisantes : ce sont des crétins tout autant que nos cousins et nous les avons bloquées aussi. Sauf un. Sur pleroma.pizza, nous avons quelques ami⋅e⋅s qui sont aussi des ami⋅e⋅s de certains cousins crétins de mastodon.saturne. Mais ce n’est pas un problème. Oh que non ! Nous avons des connexions interstellaires et nous devrions nous inquiéter d’une chose pareille ? Pas du tout ! Le blocage que nous avons activé sur mastodon.saturne est une sorte de barrière énergétique qui fonctionne dans tout le cosmos ! Si nous étions impliqués dans une conversation entre un ami de pleroma.pizza et un cousin de mastodon.saturne, simplement, ce dernier ne verrait pas ce qui sort de notre clavier et nous ne verrions pas ce qui sort du sien. Chacun d’eux saura que l’autre est là, mais aucun d’eux ne pourra jamais lire l’autre. Bien sûr, nous pourrions déduire quelque chose de ce que notre ami commun de pleroma.pizza dira, mais bon, qu’est-ce qu’on peut en espérer ? 😉
Cette image peut donner une idée de la façon dont les instances (planètes) se connectent entre elles. Si l’on considère qu’il existe des milliers d’instances connues de la Fediverse, on peut imaginer la complexité de l’image. Un aspect intéressant est le fait que les connexions entre une instance et une autre ne dépendent pas de la plateforme utilisée. Sur l’image on peut voir l’instance mastodon.mercure : c’est une instance assez isolée par rapport au réseau d’instances Mastodon, dont les seuls contacts sont mastodon.neptune, peertube.chatons et pleroma.pizza. Rien n’empêche mastodon.mercure de prendre connaissance de toutes les autres instances de Mastodon non par des échanges de messages avec mastodon.neptune, mais par des commentaires sur les vidéos de peertube.chatons. En fait, c’est d’autant plus probable que mastodon.neptune n’est en contact qu’avec trois autres instances Mastodon, alors que peertube.chatons est en contact avec toutes les instances Mastodon.
Essayer d’imaginer comment les différentes instances de cette image qui « ne se connaissent pas » peuvent entrer en contact nous permet d’avoir une idée plus précise du niveau de complexité qui peut être atteint. Dans un système assez grand, avec un grand nombre d’utilisateurs et d’instances, isoler une partie de celui-ci ne compromettra en aucune façon la richesse des connexions possibles.
Une fois toutes les connexions possibles créées, il est également possible de réaliser une expérience différente, c’est-à-dire d’imaginer interrompre des connexions jusqu’à la formation de deux ou plusieurs réseaux parfaitement séparés, contenant chacune des instances Mastodon, Pleroma et Peertube.
Et pour ajouter encore un degré de complexité, on peut faire encore une autre expérience, en raisonnant non plus à l’échelle des instances mais à celle des utilisateurs⋅rices individuel⋅le⋅s des instances (faire l’hypothèse de cinq utilisateurs⋅rices par instance pourrait suffire pour recréer les différentes situations). Quelques cas qu’on peut imaginer :
1) Nous sommes sur une instance de Mastodon et l’utilisatrice Anna vient de découvrir par le commentaire d’une vidéo sur Peertube l’existence d’une nouvelle instance de Pleroma, donc maintenant elle connaît son existence mais, choisissant de ne pas la suivre, elle ne fait pas réellement connaître sa découverte aux autres membres de son instance.
2) Sur cette même instance de Mastodon l’utilisateur Ludo bloque la seule instance Pleroma connue. Conséquence : si cette instance Pleroma devait faire connaître d’autres instances Pleroma avec lesquelles elle est en contact, Ludo devrait attendre qu’un autre membre de son instance les fasse connaître, car il s’est empêché lui-même d’être parmi les premiers de son instance à les connaître.
3) En fait, la première utilisatrice de l’instance à entrer en contact avec les autres instances Pleroma sera Marianne. Mais elle ne les connaît pas de l’instance Pleroma (celle que Ludo a bloquée) avec laquelle ils sont déjà en contact, mais par son seul contact sur GNU Social.
Cela semble un peu compliqué mais en réalité ce n’est rien de plus qu’une réplique de mécanismes humains auxquels nous sommes tellement habitué⋅e⋅s que nous les tenons pour acquis. On peut traduire ainsi les différents exemples qui viennent d’être exposés :
1) Notre amie Anna, habituée de notre bar, rencontre dans la rue une personne qui lui dit fréquenter un nouveau bar dans une ville proche. Mais Anna n’échange pas son numéro de téléphone avec le type et elle ne pourra donc pas donner d’informations à ses amis dans son bar sur le nouveau bar de l’autre ville.
2) Dans le bar habituel, Ludo de Nancy évite Laura de Metz. Quand Laura amène ses autres amies Solène et Louise de Metz au bar, elle ne les présente pas à Ludo. Ce n’est que plus tard que les amis du bar, devenus amis avec Solène et Louise, pourront les présenter à Ludo indépendamment de Laura.
3) En réalité Marianne avait déjà rencontré Solène et Louise, non pas grâce à Laura, mais grâce à Stéphane, son seul ami à Villers.
Pour avoir une idée de l’ampleur de la Fediverse, vous pouvez jeter un coup d’œil à plusieurs sites qui tentent d’en fournir une image complète. Outre Kumu.io déjà mentionné, qui essaie de la représenter avec une mise en page graphique élégante qui met en évidence les interactions, il y a aussi Fediverse.network qui essaie de lister chaque instance existante en indiquant pour chacune d’elles les protocoles utilisés et le statut du service, ou Fediverse.party, qui est un véritable portail où choisir la plate-forme à utiliser et à laquelle s’enregistrer. Switching.software, une page qui illustre toutes les alternatives gratuites aux médias sociaux et propriétaires, indique également quelques réseaux fédérés parmi les alternatives à Twitter et Facebook.
Pour être tout à fait complet : au début, on avait tendance à diviser tout ce mégaréseau en trois « univers » superposés : celui de la « Fédération » pour les réseaux reposant sur le protocole Diaspora, La « Fediverse » pour ceux qui utilisent Ostatus et « ActivityPub » pour ceux qui utilisent… ActivityPub. Aujourd’hui, au contraire, ils sont tous considérés comme faisant partie de la Fediverse, même si parfois on l’appelle aussi la Fédération.
Tant de réseaux…
Examinons donc les principales plateformes/réseaux et leurs différences. Petites précisions : certaines de ces plateformes sont pleinement actives alors que d’autres sont à un stade de développement plus ou moins avancé. Dans certains cas, l’interaction entre les différents réseaux n’est donc pas encore pleinement fonctionnelle. De plus, en raison de la nature libre et indépendante des différents réseaux, il est possible que des instances apportent des modifications et des personnalisations « non standard » (un exemple en est la limite de caractères sur Mastodon : elle est de 500 caractères par défaut, mais une instance peut décider de définir la limite qu’elle veut ; un autre exemple est l’utilisation des fonctions de mise en favori ou de partage, qu’une instance peut autoriser et une autre interdire). Dans ce paragraphe, ces personnalisations et différences ne sont pas prises en compte.
Mastodon (semblable à : Twitter)
Mastodon est une plateforme de microblogage assez semblable à Twitter parce qu’elle repose sur l’échange de messages très courts. C’est le réseau le plus célèbre de la Fediverse. Il est accessible sur smartphone à travers un certain nombre d’applications tant pour Android que pour iOS. Un de ses points forts est le design bien conçu et le fait qu’il a déjà un « parc d’utilisateurs⋅rices » assez conséquent (presque deux millions d’utilisateurs⋅rices dans le monde, dont quelques milliers en France). En version bureau, il se présente comme une série de colonnes personnalisables, qui montrent les différents « fils », sur le modèle de Tweetdeck. Pour le moment, Mastodon est la seule plateforme sociale fédérée accessible par des applications sur Android et iOS.
Pleroma (semblable à : Twitter et DeviantArt)
Pleroma est le réseau « sœur » de Mastodon : fondamentalement, c’est la même chose dans deux versions un peu différentes. Pleroma offre quelques fonctionnalités supplémentaires concernant la gestion des images et permet par défaut des messages plus longs. À la différence de Mastodon, Pleroma montre en version bureau une colonne unique avec le fil sélectionné, ce qui le rend beaucoup plus proche de Twitter. Actuellement, de nombreuses instances Pleroma ont un grand nombre d’utilisateurs⋅rices qui s’intéressent à l’illustration et au manga, ce qui, comme ambiance, peut vaguement rappeler l’ambiance de DeviantArt. Les applications pour smartphone de Mastodon peuvent également être utilisées pour accéder à Pleroma.
Misskey (semblable à : un mélange entre Twitter et DeviantArt)
Misskey est une sorte de Twitter qui tourne principalement autour d’images. Il offre un niveau de personnalisation supérieur à Mastodon et Pleroma, et une plus grande attention aux galeries d’images. C’est une plateforme qui a eu du succès au Japon et parmi les passionnés de manga (et ça se voit !).
Friendica (semblable à : Facebook)
Friendica est un réseau extrêmement intéressant. Il reprend globalement la structure graphique de Facebook (avec les ami⋅e⋅s, les notifications, etc.), mais il permet également d’interagir avec plusieurs réseaux commerciaux qui ne font pas partie de la Fediverse. Il est donc possible de connecter son compte Friendica à Facebook, Twitter, Tumblr, WordPress, ainsi que de générer des flux RSS, etc. Bref, Friendica se présente comme une sorte de nœud pour diffuser du contenu sur tous les réseaux disponibles, qu’ils soient fédérés ou non. En somme, Friendica est le passe-partout de la Fediverse : une instance Friendica au maximum de ses fonctions se connecte à tout et dialogue avec tout le monde.
Osada (semblable à : un mélange entre Twitter et Facebook)
Osada est un autre réseau dont la configuration peut faire penser à un compromis entre Twitter et Facebook. De toutes les plateformes qui rappellent Facebook, c’est celle dont le design est le plus soigné.
GNUsocial (semblable à : un mélange entre Twitter et Facebook)
GNUsocial est un peu le « grand-père » des médias sociaux listés ici, en particulier de Friendica et d’Osada, dont il est le prédécesseur.
Aardwolf (semblable à : Twitter, éventuellement)
Aardwolf n’est pas encore prêt, mais il est annoncé comme une sorte d’alternative à Twitter. On attend de voir.
PeerTube (semblable à : YouTube)
PeerTube est le réseau fédéré d’hébergement de vidéo vraiment, mais vraiment très semblable à YouTube, Vimeo et d’autres services de ce genre. Avec un catalogue en cours de construction, Peertube apparaît déjà comme un projet très solide.
Pixelfed (semblable à : Instagram)
Pixelfed est essentiellement l’Instagram de la Fédération. Il est en phase de développement mais semble être plutôt avancé. Il lui manque seulement des applications pour smartphone pour être adopté à la place d’Instagram. Pixelfed a le potentiel pour devenir un membre extrêmement important de la Fédération !
NextCloud (semblable à : iCloud, Dropbox, GDrive)
NextCloud, né du projet plus ancien ownCloud, est un service d’hébergement de fichiers assez semblable à Dropbox. Tout le monde peut faire tourner NextCloud sur son propre serveur. NextCloud offre également des services de partage de contacts (CardDAV) ou de calendriers (CalDAV), de streaming de médias, de marque-page, de sauvegarde, et d’autres encore. Il tourne aussi sur Window et OSX et est accessible sur smartphone à travers des applications officielles. Il fait partie de la Fediverse dans la mesure où il utilise ActivityPub pour communiquer différentes informations à ses utilisateurs, comme des changements dans les fichiers, les activités du calendrier, etc.
Diaspora* (semblable à : Facebook, et aussi un peu Tumblr)
Diaspora* est un peu le « cousin » de la Fediverse. Il fonctionne avec un protocole bien à lui et dialogue avec le reste de la Fediverse principalement via GNU social et Friendica, le réseau passe-partout, même s’il semble qu’il circule l’idée de faire utiliser à Diaspora* (l’application) aussi bien son propre protocole qu’ActivityPub. Il s’agit d’un grand et beau projet, avec une base solide d’utilisateurs⋅rices fidèles. Au premier abord, il peut faire penser à une version extrêmement minimaliste de Facebook, mais son attention aux images et son système intéressant d’organisation des posts par tag permet également de le comparer, d’une certaine façon, à Tumblr.
Funkwhale (semblable à : SoundCloud et Grooveshark)
Funkwhale ressemble à SoundCloud, Grooveshark et d’autre services semblables. Comme une sorte de YouTube pour l’audio, il permet de partager des pistes audio mais au sein d’un réseau fédéré. Avec quelques fonctionnalités en plus, il pourrait devenir un excellent service d’hébergement de podcasts audio.
Plume, Write Freely et Write.as (plateformes de blog)
Plume, Write Freely et Write.as sont des plateformes de blog assez minimalistes qui font partie de la Fédération. Elles n’ont pas toute la richesse, les fonctions, les thèmes et la personnalisation de WordPress ou de Blogger, mais elles font leur travail avec légèreté.
Hubzilla (semblable à : …TOUT !!)
Hubzilla est un projet très riche et complexe qui permet de gérer aussi bien des médias sociaux que de l’hébergement de fichiers, des calendriers partagés, de l’hébergement web, et le tout de manière décentralisée. En bref, Hubzilla se propose de faire tout à la fois ce que font plusieurs des services listés ici. C’est comme avoir une seule instance qui fait à la fois Friendica, Peertube et NextCloud. Pas mal ! Un projet à surveiller !
GetTogether (semblable à : MeetUp)
GetTogether est une plateforme servant à planifier des événements. Semblable à MeetUp, elle sert à mettre en relation des personnes différentes unies par un intérêt commun, et à amener cet intérêt dans le monde réel. Pour le moment, GetTogether ne fait pas encore partie de la Fediverse, mais il est en train de mettre en place ActivityPub et sera donc bientôt des nôtres.
Mobilizon (semblable à : MeetUp)
Mobilizon est une nouvelle plateforme en cours de développement, qui se propose comme une alternative libre à MeetUp et à d’autres logiciels servant à organiser des réunions et des rencontres en tout genre. Dès le départ, le projet naît avec l’intention d’utiliser ActivityPub et de faire partie de la Fediverse, en conformité avec les valeurs de Framasoft, association française née avec l’objectif de diffuser l’usage des logiciels libres et des réseaux décentralisés. Voir la présentation de Mobilizon en italien.
Prismo est une application encore en phase de développement, qui se propose de devenir un sorte de version décentralisée de Reddit, c’est-à-dire un média social centré sur le partage de liens, mais qui pourrait potentiellement évoluer en quelque chose qui ressemble à Pocket ou Evernote. Les fonctions de base sont déjà opérationnelles.
Socialhome
Socialhome est un média social qui utilise une interface par « blocs », affichant les messages comme dans un collage de photos de Pinterest. Pour le moment, il communique seulement via le protocole de Diaspora, mais il devrait bientôt mettre en place ActivityPub.
Et ce n’est pas tout !
Il existe encore d’autres applications et médias sociaux qui adoptent ou vont adopter ActivityPub, ce qui rendra la Fediverse encore plus structurée. Certains sont assez semblables à ceux déjà évoqués, alors que d’autres sont encore en phase de développement, on ne peut donc pas encore les conseiller pour remplacer des systèmes commerciaux plus connus. Il y a cependant des plateformes déjà prêtes et fonctionnelles qui pourraient entrer dans la Fediverse en adoptant ActivityPub : NextCloud en est un exemple (il était déjà constitué quand il a décidé d’entrer dans la Fediverse) ; le plugin de WordPress est pour sa part un outil qui permet de fédérer une plateforme qui existe déjà ; GetTogether est un autre service qui est en train d’être fédéré. Des plateformes déjà en place (je pense à Gitter, mais c’est juste un exemple parmi tant d’autres) pourraient trouver un avantage à se fédérer et à entrer dans une grande famille élargie. Bref : ça bouge dans la Fediverse et autour d’elle !
… un seul Grand Réseau !
Jusqu’ici, nous avons vu de nombreuses versions alternatives d’outils connus qui peuvent aussi être intéressant pris individuellement, mais qui sont encore meilleurs quand ils collaborent. Voici maintenant le plus beau : le fait qu’ils partagent les mêmes protocoles de communication élimine l’effet « cage dorée » de chaque réseau !
Maintenant qu’on a décrit chaque plateforme, on peut donner quelques exemples concrets :
Je suis sur Mastodon, où apparaît le message d’une personne que je « suis ». Rien d’étrange à cela, si ce n’est que cette personne n’est pas utilisatrice de Mastodon, mais de Peertube ! En effet, il s’agit de la vidéo d’un panorama. Toujours depuis Mastodon, je commente en écrivant « joli » et cette personne verra apparaître mon commentaire sous sa vidéo, sur Peertube.
Je suis sur Osada et je poste une réflexion ouverte un peu longue. Cette réflexion est lue par une de mes amies sur Friendica, qui la partage avec ses followers, dont certains sont sur Friendica, mais d’autres sont sur d’autres plateformes. Par exemple, l’un d’eux est sur Pleroma, il me répond et nous commençons à dialoguer.
Je publie une photo sur Pixelfed qui est vue et commentée par un de mes abonnés sur Mastodon.
En somme, chacun peut garder contact avec ses ami⋅e⋅s/abonné⋅e⋅s depuis son réseau préféré, mêmes si ces personnes en fréquentent d’autres.
Pour établir une comparaison avec les réseaux commerciaux, c’est comme si l’on pouvait recevoir sur Facebook les tweets d’un ami qui est sur Twitter, les images postées par quelqu’un d’autre sur Instagram, les vidéos d’une chaîne YouTube, les pistes audio sur SoundCloud, les nouveaux posts de divers blogs et sites personnels, et commenter et interagir avec chacun d’eux parce que tous ces réseaux collaborent et forment un seul grand réseau !
Chacun de ces réseaux pourra choisir la façon dont il veut gérer ces interactions : par exemple, si je voulais une vie sociale dans un seul sens, je pourrais choisir une instance Pixelfed où les autres utilisateurs⋅rices peuvent me contacter seulement en commentant les photos que je publie, ou bien je pourrais choisir une instance Peertube et publier des vidéos qui ne pourraient pas être commentées mais qui pourraient tourner dans toute la Fediverse, ou choisir une instance Mastodon qui oblige mes interlocuteurs à communiquer avec moi de manière concise.
Certains détails sont encore à définir (par exemple : je pourrais envoyer un message direct depuis Mastodon vers une plateforme qui ne permet pas à ses utilisateurs⋅rices de recevoir des messages directs, sans jamais être averti du fait que le/la destinataire n’aura aucun moyen de savoir que je lui ai envoyé quelque chose). Il s’agit de situations bien compréhensibles à l’intérieur d’un écosystème qui doit s’adapter à des réalités très diverses, mais dans la majorité des cas il s’agit de détails faciles à gérer. Ce qui compte, c’est que les possibilités d’interactions sont potentiellement infinies !
Connectivité totale, exposition dosée
Toute cette connectivité partagée doit être observée en gardant à l’esprit que, même si par simplicité les différents réseaux ont été traités ici comme des réseaux centralisés, ce sont en réalité des réseaux d’instances indépendantes qui interagissent directement avec les instances des autres réseaux : mon instance Mastodon filtrera les instances Peertube qui postent des vidéos racistes mais se connectera à toutes les instances Peertube qui respectent sa politique ; si je suis un certain ami sur Pixelfed je verrai seulement ses posts, sans que personne m’oblige à voir toutes les photos de couchers de soleil et de chatons de ses ami⋅e⋅s sur ce réseau.
La combinaison entre autonomie des instances, grande interopérabilité entre celles-ci et liberté de choix permet une série de combinaisons extrêmement intéressantes dont les réseaux commerciaux ne peuvent même pas rêver : ici, l’utilisateur⋅rice est membre d’un seul grand réseau où chacun⋅e peut choisir :
Son outil d’accès préféré (Mastodon, Pleroma, Friendica) ;
La communauté dans laquelle il ou elle se sent le plus à l’aise (l’instance) ;
La fermeture aux communautés indésirables et l’ouverture aux communautés qui l’intéressent.
Tout cela sans pour autant renoncer à être connecté à des utilisateurs⋅rices qui ont choisi des outils et des communautés différents. Par exemple, je peux choisir une certaine instance Pleroma parce que j’aime son design, la communauté qu’elle accueille, ses règles et la sécurité qu’elle procure mais, à partir de là, suivre et interagir principalement avec des utilisateurs⋅rices d’une instance Pixelfed particulière et en importer les contenus et l’esthétique dans mon instance.
À cela on peut ajouter que des instances individuelles peuvent littéralement être installées et administrées par chaque utilisateur individuel sur ses propres machines, ce qui permet un contrôle total du contenu. Les instances minuscules auto-hébergées « à la maison » et les instances de travail plus robustes, les instances scolaires et les instances collectives, les instances avec des milliers d’utilisateurs et les instances avec un seul utilisateur, les instances à l’échelle d’un quartier ou d’un immeuble, toutes sont unies pour former un réseau complexe et personnalisable, qui vous permet de vous connecter pratiquement à n’importe qui mais aussi de vous éviter la surcharge d’information.
C’est une sorte de retour aux origines d’Internet, mais un retour à un âge de maturité, celui du Web 2.0, qui a tiré les leçons de l’expérience : être passé par la centralisation de la communication entre les mains de quelques grands acteurs internationaux a renforcé la conviction que la structure décentralisée est la plus humaine et la plus enrichissante.
Un navigateur pour diffuser votre site web en pair à pair
Les technologies qui permettent la décentralisation du Web suscitent beaucoup d’intérêt et c’est tant mieux. Elles nous permettent d’échapper aux silos propriétaires qui collectent et monétisent les données que nous y laissons.
Vous connaissez probablement Mastodon, peerTube, Pleroma et autres ressources qui reposent sur le protocole activityPub. Mais connaissez-vous les projets Aragon, IPFS, ou ScuttleButt ?
Aujourd’hui nous vous proposons la traduction d’un bref article introducteur à une technologie qui permet de produire et héberger son site web sur son ordinateur et de le diffuser sans le moindre serveur depuis un navigateur.
Nous sommes Blue Link Labs, une équipe de trois personnes qui travaillent à améliorer le Web avec le protocole Dat et un navigateur expérimental pair à pair qui s’appelle Beaker.
Nous travaillons sur Beaker car publier et partager est l’essence même du Web. Cependant pour publier votre propre site web ou seulement diffuser un document, vous avez besoin de savoir faire tourner un serveur ou de pouvoir payer quelqu’un pour le faire à votre place.
Nous nous sommes donc demandé « Pourquoi ne pas partager un site Internet directement depuis votre navigateur ? »
Un protocole pair-à-pair comme dat:// permet aux appareils des utilisateurs ordinaires d’héberger du contenu, donc nous utilisons dat:// dans Beaker pour pouvoir publier depuis le navigateur et donc au lieu d’utiliser un serveur, le site web d’un auteur et ses visiteurs l’aident à héberger ses fichiers. C’est un peu comme BitTorrent, mais pour les sites web !
Architecture
Beaker utilise un réseau pair-à-pair distribué pour publier des sites web et des jeux de données (parfois nous appelons ça des « dats »).
Les sites web dat:// sont joignables avec une clé publique faisant office d’URL, et chaque donnée ajoutée à un site web dat:// est attachée à un log signé.
Les visiteurs d’un site web dat:// peuvent se retrouver grâce à une table de hachage distribuée20, puis ils synchronisent les données entre eux, agissant à la fois comme téléchargeurs et téléverseurs, et vérifiant que les données n’ont pas été altérées pendant le transit.
Techniquement, un site Web dat:// n’est pas tellement différent d’un site web https:// . C’est une collection de fichiers et de dossiers qu’un navigateur Internet va interpréter suivant les standards du Web. Mais les sites web dat:// sont spéciaux avec Beaker parce que nous avons ajouté une API (interface de programmation) qui permet aux développeurs de faire des choses comme lire, écrire, regarder des fichiers dat:// et construire des applications web pair-à-pair.
Créer un site Web pair-à-pair
Beaker rend facile pour quiconque de créer un nouveau site web dat:// en un clic (faire le tour des fonctionnalités). Si vous êtes familier avec le HTML, les CSS ou le JavaScript (même juste un peu !) alors vous êtes prêt⋅e à publier votre premier site Web dat://.
L’exemple ci-dessous montre comment fabriquer le site Web lui-même via la création et la sauvegarde d’un fichier JSON. Cet exemple est fictif mais fournit un modèle commun pour stocker des données, des profils utilisateurs, etc. pour un site Web dat:// : au lieu d’envoyer les données de l’application sur un serveur, elles peuvent être stockées sur le site web lui-même !
// index.js // first get an instance of the website's files var files = new DatArchive(window.location) document.getElementById('create-json-button').addEventListener('click', saveMessage) async function saveMessage () { var timestamp = Date.now() var filename = timestamp + '.json' var content = { timestamp, message: document.getElementById('message').value }
// write the message to a JSON file // this file can be read later using the DatArchive.readFile API await files.writeFile(filename, JSON.stringify(content)) }
Pour aller plus loin
Nous avons hâte de voir ce que les gens peuvent faire de dat:// et de Beaker. Nous apprécions tout spécialement quand quelqu’un crée un site web personnel ou un blog, ou encore quand on expérimente l’interface de programmation pour créer une application.
Beaucoup de choses sont à explorer avec le Web pair-à-pair !
Tara est la co-créatrice du navigateur Beaker. Elle a travaillé précédemment chez Cloudflare et participé au Recurse Center.
Les flux RSS, maintenant !
Il n’y a pas si longtemps, les flux RSS nous étaient familiers et fort utiles. Aral Balkan nous invite à nous en servir partout et explique pourquoi ils sont peut-être l’avenir d’un autre Web en gestation..
Peu compliqués à mettre en place sur une page web, ils permettent un lien sans intermédiaire entre la production de contenu et son audience, court-circuitant ainsi les plateformes centralisatrices que nous avons laissé parasiter nos communications. Tandis que se confirme une tendance forte à la fédération des contenus, la pertinence des flux RSS qui permet de les découvrir pourrait être un allié important pour re-décentraliser le Web.
Pour ceux et celles qui sont né⋅e⋅s dans le monde des silos du Web centralisateur, les RSS sont une antique technologie du Web 1.0 (« le Web ingénu des premiers âges » ?). Comme pour beaucoup de choses de cette époque, le nom dit la chose : ils permettent de syndiquer facilement les contenus de votre site, c’est-à-dire de les partager. Les personnes que cela intéresse de suivre vos publications souscrivent à votre flux et reçoivent ainsi les mises à jour en utilisant leur lecteur de RSS. Pas de Twitter ni de Facebook pour s’interposer avec des algorithmes pour censurer… euh … « modérer » vos billets.
RSS est d’une simplicité enfantine à implémenter (juste un fichier XML). Vous pouvez l’écrire à la main si vous voulez (même si je ne le recommande pas).
Voici un extrait du flux RSS de mon site, qui vous montre quelques-uns des champs de l’entrée courante de ce billet :
<?xml version="1.0" encoding="utf-8" standalone="yes" ?> <rss version="2.0" xmlns:atom="http://www.w3.org/2005/Atom"> <channel> <title>Aral Balkan</title> <link>https://ar.al/</link> <description>Recent content on Aral Balkan</description> <lastBuildDate>Fri, 29 Jun 2018 11:33:13 +0100</lastBuildDate> … <item> <title>Rediscovering RSS</title> <link>https://ar.al/2018/06/29/rediscovering-rss/</link> <pubDate>Fri, 29 Jun 2018 11:33:13 +0100</pubDate> <author>mail@ar.al (Aral Balkan)</author> <description>(The content of this post goes here.)</description> </item> … </channel> </rss>
De plus son implémentation est quasi-universelle.
Où est mon RSS ?
Il y a bien des chances, si vous avez un site web, que vous ayez déjà un flux RSS, que vous le sachiez ou non. Si par exemple vous utilisez comme moi Hugo pour créer votre site, votre flux RSS est là : /index.xml
D’autres générateurs peuvent les insérer ici ou là : at /rss, /feed, /feed.xml, etc.
À une époque, vous ne pouviez pas surfer sur le Web sans voir partout les séduisantes icônes RSS décorer gracieusement les belles vitrines du Web 1.0. Mais ça, c’était avant qu’elles ne soient vampirisées par les traqueurs espions … euh … « les boutons de partage social » des Google et autres Facebook qui pratiquent la traite intensive d’internautes.
Il existait aussi auparavant une saine propension des navigateurs à détecter automatiquement et afficher les flux RSS. Aujourd’hui, il semble qu’aucun navigateur majeur ne le fasse bien nettement.
Il est grand temps de revenir à la charge pour exiger une prise en charge de premier plan des flux RSS, une brique importante pour re-décentraliser le Web.
Mais vous n’avez pas besoin d’attendre que les éditeurs de navigateurs se décident (certains comme Google sont eux-mêmes des agents du capitalisme de surveillance et d’autres, comme Mozilla, doivent leurs ressources financières aux capitalistes de la surveillance). Vous pouvez dès maintenant remettre à l’honneur les flux RSS en retrouvant l’adresse URL de votre propre RSS et en l’affichant fièrement sur votre site.
Rien de bien compliqué : il suffit d’un lien dans la partie <head> de votre page22 et d’un lien dans le <body> avec une icône RSS et hop vous voilà dans la famille du Web décentralisé.
et voilà l’en-tête à mettre dans le <body> qui établit le lien avec le flux RSS avec une icône visuellement repérable.
<a rel='alternate' type='application/rss+xml' href='/index.xml' > <img class='rss' src='/icons/rss.svg' alt='RSS feed icon' title='Subscribe to my RSS feed' > </a>
Jetez un coup d’œil au Noun Project pour choisir votre icône RSS, elles sont toutes sous licence Creative Commons.
RSS lourd ou léger ?
Lorsque vous créez un flux RSS pour votre site, vous avez le choix entre inclure seulement un résumé de votre billet ou bien son contenu intégral. J’ai modifié la configuration de mon Hugo et le modèle de RSS par défaut en suivant les instructions de Brian Wisti pour inclure le contenu intégral dans le flux et je vous recommande d’en faire autant.
Il y a six ans, je préconisais l’inverse ! J’écrivais « le RSS lourd n’est qu’une copie du contenu sous un autre nom ». J’avais tort. J’étais trop obsédé par le maintien d’une mainmise formaliste sur mes conceptions et je n’ai donc pas réussi à faire un choix réfléchi en utilisant des critères de conception éthiques.
Capture d’écran du lecteur de RSS NewsBar RSS sur macOS qui affiche mes souscriptions, la liste des billets de mon blog et un aperçu de mon billet sur Kyarchy, avec l’image et les styles qui ont disparu.
Plus les personnes ont de moyens d’accéder à vos contenus publiés, plus ces contenus ont des chances de rester en ligne et meilleur c’est pour la liberté de tous.
Des contenus dupliqués ? Oui, sans problème ! Plus on en a et mieux ça vaut. Eh eh, avec la version web en pair à pair de mon site, le but est idéalement de dupliquer le contenu autant de fois qu’il y aura de personnes pour le parcourir.
Certes, votre contenu peut être légèrement différent d’un lecteur RSS à l’autre, car certaines applications ne sont pas conformes aux standards, mais c’est leur problème, pas le vôtre. D’après mes tests partiels, le lecteur Leaf pour macOS affiche mon flux RSS lourd parfaitement alors que NewsBar ne le fait pas. Pas grave. (et j’espère que l’équipe de NewsBar en prendra bonne note pour améliorer le rendu dans une prochaine mise à jour. Après tout, aucune application n’arrive parfaite sur le marché).
Maintenant que nous nous éloignons du Web centralisé pour aller vers un Web pair à pair, il est temps de redécouvrir, adopter et exiger les flux RSS.
Tout ce qui est ancien reprend une nouvelle force.
RSS était un élément essentiel du Web 1.0 avant que le capitalisme de surveillance (Web 2.0) ne s’en empare.
Ce sera une composante précieuse du Web+ et au-delà.