Si l’on pouvait copier la nourriture… ou la parabole qui tue

Et si un jour quelqu’un inventait une extraordinaire machine capable d’instantanément dupliquer la nourriture[1] pour la téléporter où bon nous semble sur la planète ? Quel merveilleux progrès alors pour l’humanité !

Rien n’est moins sûr dans le monde insensé où nous vivons actuellement…

Martin Cathrae - CC by-sa

La parabole des fermiers et du duplico-téléporteur

The parable of the farmers and the Teleporting Duplicator

Mike Taylor – 10 février 2012 – The Guardian
(Traduction Framalang : FredB, Isammoc, Goofy, Lamessen, HgO)

Imaginez un monde où la nourriture serait bon marché et accessible librement, grâce à l’incroyable duplico-téléporteur. Qu’est-ce qui pourrait aller de travers ?

Chapitre 1

Il était une fois une planète très semblable à la nôtre. Des milliards de personnes y vivaient, et tous avaient besoin de se nourrir. De nombreuses personnes avaient des emplois chronophages qui les empêchaient de cultiver leur propre nourriture, mais la plupart d’entre eux pouvaient manger grâce aux fermiers.

Les cultivateurs produisaient de quoi nourrir toutes les bouches, et les denrées alimentaires étaient transportées par des distributeurs. Même si chacun des fermiers ne cultivait qu’une seule sorte d’aliment, ils pouvaient manger de manière variée, car chaque fermier avait accès à ce que les autres cultivaient.

Les transporteurs prenaient grand soin de s’assurer de la qualité des aliments distribués, ils ont donc mis en place un système dans lequel les fermiers vérifiaient les aliments des autres, en refusant ceux dont la qualité n’était pas assez bonne. Certains distributeurs étaient considérés comme meilleurs que d’autres, parce qu’ils refusaient davantage de produits aux fermiers que les autres, et distribuaient seulement ce qu’il y avait de mieux.

Le système n’était pas parfait, mais il était bon. Les fermiers avaient besoin des distributeurs pour recevoir leur nourriture et pour l’envoyer aux autres fermiers. Puis les distributeurs ont ajouté de la valeur à la nourriture produite par les fermiers : ils l’ont emballée dans un joli paquet.

Il faut admettre que tout le monde ne recevait pas la nourriture : dans chaque pays, certains mouraient de faim, et dans certains pays, la plupart mouraient de faim. Mais globalement, c’était un bon système – les distributeurs, avec leurs réseaux ferrés et maritimes coûteux, faisaient tout leur possible. Tout le monde avait le même objectif : les gens voulaient de la nourriture, les fermiers voulaient leur en faire parvenir, et les distributeurs gagnaient leur vie en rendant cela possible.

Chapitre 2

Un beau jour, un magicien inventa une machine extraordinaire qui permettait de déplacer les ressources alimentaires d’un point à l’autre intantanément. Plus étonnant encore, la nourriture était présente au point d’origine comme au point d’arrivée. La même nourriture pouvait être téléportées sur un troisième lieu, et un quatrième – autant de fois qu’on le désirait. Non seulement le duplico-téléporteur était un engin stupéfiant, mais en plus il ne coûtait presque rien. Bientôt, des millions de gens du monde entier en furent équipés.

Ce fut une ère merveilleuse. Avec les nouvelles machines, le premier qui tombait sur un mets particulièrement délicieux ou nourrissant pouvait l’envoyer à tous ses amis. Les fermiers pouvaient envoyer leurs nouvelles récoltes directement aux autres cultivateurs, même à ceux qui étaient à l’autre bout de la planète. Les populations des pays les plus reculés où l’agriculture était improductive recevaient la nourriture dont elles avaient besoin.

Chacun pouvait se rendre compte que le duplico-téléporteur avait changé le monde de façon définitive, et que personne ne souffrirait plus de la faim. Un nouvel âge d’or et de prospérité semblait assuré.

Chapitre 3

« Attendez une minute » demandèrent les distributeurs, « et nous ? Nous représentons un segment non-négligeable de la logistique. Nous ajoutons de la valeur. il vaudrait bien mieux continuer à distribuer les produits alimentaires comme avant, avec des trains et des bateaux ».

Mais tout le monde a immédiatement vu que c’était idiot. L’ancienne technologie était obsolète, la nouvelle meilleure sur tous les points. Face au tollé, les distributeurs se sont rendus compte qu’ils ne pourraient plus faire machine arrière, en faisant comme si le duplico-téléporteur n’existait pas.

« Vous ne pouvez pas nous évincer si simplement du circuit de distribution alimentaire, dirent-ils. Ce serait bien mieux si les fermiers et les braves gens ne pouvaient pas utiliser les duplico-téléporteurs. Nous allons les exploiter pour tout le monde, et vendre la nourriture dupliquée. »

Certains fermiers en étaient furieux. « Nous avons désormais une méthode pour distribuer la nourriture, firent-ils remarquer. C’est rapide et peu coûteux. Maintenant que notre nourriture peut être dupliquée librement, il serait mauvais de limiter l’accès en vous laissant ajouter des frais pour cela. La nourriture ne manque plus : elle a une grande valeur mais un coût faible. Nous devons transmettre cette valeur au monde entier. »

Mais les distributeurs répondirent : « Vous ne pouvez pas simplement distribuer nos aliments et… »

« Attendez une minute, dirent les fermiers, vous avez dit vos aliments ?

– Oui, répondirent les distributeurs, nous vous l’avons déjà dit : nous ajoutons de la valeur aux aliments. Ils sont donc à nous.

– Et comment ajoutez-vous de la valeur ?

– Eh bien pour commencer, nous la faisons examiner par des experts pour nous assurer de la qualité de la nourriture.

– C’est nous qui vérifions la qualité ! s’exclamèrent les fermiers, maintenant vraiment remontés.

– Bon, d’accord. Mais nous gérons l’organisation. Nous choisissons les spécialistes, nous expédions les échantillons, analysons les commentaires des testeurs, et prenons la décision d’accepter ou refuser. Nous sommes les éditeurs de la nourriture. »

Mais ce n’était pas vrai non plus, et les fermiers le savaient bien. C’étaient les fermiers eux-mêmes qui faisaient tout ça, se mettant bénévolement au service des distributeurs pour que chacun travaille au mieux de ses possibilités.

« Ah d’accord, dirent les distributeurs. Mais nous nommons les personnes qui doivent choisir les spécialistes et analyser leurs commentaires. Vous voyez bien qu’on ajoute de la valeur. Et ce n’est pas tout : nous enveloppons aussi les aliments dans de jolis paquets. Alors, vous comprenez, vous autres les fermiers, tout ce que vous faites c’est de fournir la matière première. C’est nous les distributeurs qui la transformons en un véritable produit alimentaire, donc logiquement c’est notre propriété. Nous seuls devrions décider de qui peut recevoir de la nourriture et suivant quelles conditions. Après tout, il nous faut bien rentrer dans nos frais et offrir une plus-value à nos actionnaires ».

Chapitre 4

Quand ils entendirent ça, les fermiers prirent conscience que les distributeurs n’avaient véritablement aucun droit de propriété sur la nourriture. Pendant un instant, la nourriture semblait pouvoir devenir universellement disponible et gratuite.

Mais les distributeurs dirent quelque chose de sensé : « Comment les gens sauront-ils que votre nourriture est la meilleure tant qu’ils ne verront pas qu’elle est distribuée par les meilleurs distributeurs ? Vous ne progresserez jamais dans l’industrie agro-alimentaire si les gens ne peuvent pas voir que les meilleurs distributeurs acceptent votre nourriture. »

Alors, les fermiers devinrent très calmes et pensifs. Ils savaient tous que leur nourriture devrait être disponible librement à travers le monde. Mais ils voulaient aussi améliorer leurs conditions de travail et développer leurs fermes. Pour cela, ils devaient augmenter leur réputation. Ce n’était pas possible s’ils utilisaient le duplico-téléporteur pour distribuer gratuitement leur nourriture. Mais c’était possible en le donnant aux distributeurs les plus prestigieux, et en leur permettant de vendre des copies de leur nourriture scrupuleusement protégées et contrôlées aux personnes qui pouvaient se l’offrir.

Les fermiers étaient tristes parce qu’ils voulaient que tout le monde ait à manger. Mais que pouvaient-ils faire ? Laisser toute leur nourriture être dupliquée gratuitement sans le soutien d’un distributeur renommé aurait été un suicide professionnel.

Ainsi les choses revenaient comme avant pour les distributeurs, sauf qu’ils n’avaient plus besoin de dépenser leur argent dans des trains et des bateaux onéreux. Et les choses revenaient comme avant pour les gens avec peu ou pas de nourriture : ils vivaient, ou mouraient le plus souvent, exactement comme avant l’invention du duplico-téléporteur.

Et quelque part dans un pays lointain, la tête dans ses mains, le magicien pleurait.

Addendum : Les opposants au libre accès aux publications universitaires peuvent dire que cette parabole est en fait une hyperbole. Elle l’est, mais uniquement sur un point. Quand les gens n’ont pas accès à la nourriture, ils meurent rapidement. Quand ils n’ont pas accès à la science, ils meurent à petit feu.

Notes

[1] Crédit photo : Martin Cathrae (Creative Commons By)




Adblock Plus ou l’extension qui valait trois milliards… de perdus pour Google & Co !

Nous vous proposons aujourd’hui de partir à la rencontre de « la plus destructrice force d’Internet ».

À priori cela peut sembler exagéré pour une simple extension d’un navigateur. Il y a pourtant du vrai, car si nous nous retrouvions tous à l’utiliser un géant comme Google ferait plus que vaciller sur son socle.

Il s’agit de l’application Adblock Plus qui une fois installée sur Firefox ou Chrome ne réalise qu’une seule chose mais quelle chose : faire disparaître la publicité sur les sites visités !

Pour les internautes que nous sommes c’est une bénédiction, mais pour tous ceux dont le modèle économique repose avant tout sur l’affichage de publicités c’est une terrible menace potentielle (Google, mais aussi Facebook, Yahoo!, la presse mainstream, etc.).

Pour ne rien arranger (à leurs affaires) une prochaine directive européenne va bientôt obliger les sites à prévenir le visiteur de la présence de cookies et demander à ce dernier son autorisation préalable avant de les installer sur sa machine. Bien plus de personnes se rendront alors compte qu’elles sont pistées et partiront alors à la recherche de logiciels antipub comme… Adblock Plus.

Sauf que rien n’est simple en ce bas monde. Comme s’ils craignaient d’eux-même les effets dévastateurs de leur propre application, les développeurs du projet ont récemment mis de l’eau dans leur vin en apportant un changement majeur à la version 2 de décembre dernier : le non blocage par défaut de toute la publicité, en laissant volontairement passer celles jugées subjectivement « acceptables ». L’argument n’est plus alors de l’éliminer mais de « l’améliorer ».

Pour certains utilisateurs ce fut un tremblement de terre, voire une trahison (près de 500 interventions sur le journal LinuxFr dédié mine de rien !). Et l’on ne tarda pas à voir émerger un fork, Trueblock plus, rétablissant la situation antérieure.

Il faut dire que nous sommes quelques uns à souhaiter mettre en place d’autres modèles que ceux majoritairement ou exclusivement basés sur la publicité. Et que plutôt que de d’évoquer la destruction possible de tout Internet, peut-être serait-il plus prudent de parler d’un certain Internet (qui ne serait donc pas le nôtre).

Bref, beaucoup de choses à dire en perspective dans les commentaires, mais en attendant faisons un peu mieux connaissance avec ce logiciel libre pas comme les autres.

Ablock Plus - Firefox

Découvrez l’arme de destruction massive d’Internet

Meet the most destructive force on the internet

Charles Orton-Jones – 3 février 2012 – LondonLovesBusiness
(Traduction Framalang : Clochix, Goofy, Anonymous, Mandourin, Lamessen)

Adblock Plus coûte les yeux de la tête aux entreprises sur Internet. Et comme de nouvelles lois s’imposent pour réglementer la publicité en ligne, l’extension pourrait ravager les revenus de la pub à l’échelle de la planète.

Quels dégâts deux allemands de Cologne peuvent-ils bien causer à Google ?

« Oui, nous leur avons sans doute déjà coûté des milliards », déclare Till Faida. J’ai demandé combien de milliards. Trois, quatre, cinq ? « Ça pourrait bien être cinq milliards » m’a répondu Faida. Il n’en est pas sûr.

Faida et son collègue Wladimir Palant constituent l’équipe derrière Adblock Plus, l’extension Firefox [la plus téléchargée de tous les temps. Adblock Plus est gratuite. Elle ne réalise qu’une seule petite tâche, mais une tâche hautement destructive. Elle bloque toute la pub sur le Web.

En installant Adblock Plus vous pouvez être sûr de ne plus jamais voir de publicité. Y compris les annonces sur lesquelles reposent les revenus de Google.

Je l’ai découverte il y a des années.

Land Rover avait une publicité incroyablement gênante. Je me souviens avoir essayé de lire le site du Financial Times et avoir vu la Land Rover dans le coin rouler au dessus du texte, faire un demi-tour au frein à main au milieu, tourner brusquement vers la gauche puis glisser vers le bas de la page rose. C’était une intrusion intolérable. J’ai cherché comment résoudre le problème et découvert Adblock Plus. Je l’ai installé en deux clics, et… soudain le Web était à nouveau propre.

Au revoir la publicité Land Rover. Adieu les publicités Google. Et adios les bannières clignotantes me racontant que j’avais gagné un téléphone portable. Adblock Plus vous permet de naviguer en paix sur le Web. Les pages se chargent plus vite. Même les vidéos YouTube démarrent sans le préambule publicitaire.

L’extension fonctionne avec les navigateurs Firefox et Google Chrome. D’autres versions existent pour tous les autres navigateurs.

Naturellement, Adblock Plus est très populaire. Les chiffres d’utilisation ne sont pas certains, mais Faida estime qu’aux USA l’extension bloque 4% des publicités. En Allemagne, ça serait 12%. « Ces chiffres sont anciens, ça pourrait être plus », dit Faida.

L’extension a déjà été téléchargée 149 millions de fois, au rythme actuel de 100 mille par jour, même s’il est important de préciser que de nombreux téléchargements sont des ré-installations ou des installations sur une autre machine du même utilisateur.

Plus les utilisateurs sont technophiles, plus il y a de chances qu’ils installent Adblock Plus. « Sur certains blogs techniques en Allemagne, jusqu’à 70% des publicités sont ainsi bloquées », déclare Faida. D’autres sites, plus grand public, évoquent seulement un chiffre de 10%.

L’effet d’Adblock Plus sur le trafic publicitaire peut être dévastateur.

La toile est jonchée de plaidoiries de propriétaires de contenus et de publicitaires qui veulent se débarrasser de cette extension. Voici une complainte typique : « Je suis webmaster et Adblock Plus endommage mon site de la même façon aussi sûrement que si votre maison brûlait ! J’aimerais que tous ses utilisateurs ressentent ce que nous, les webmasters, ressentons. Notre seule source de revenus est constituée des publicités sur le côté de nos pages. Si vous bloquez ces publicités, qui va payer nos factures ? »

Même le puissant Google a une section dédiée à cette menace dans son rapport annuel. Elle indique que « L’essentiel de nos revenus proviennent des annonceurs qui nous paient pour afficher des publicités sur les pages Web. De ce fait, les technologies de blocage des publicités peuvent défavorablement affecter notre résultat opérationnel. »

À présent, voici le problème. Au mois de mai, il va devenir obligatoire pour tous les sites Web d’informer leurs visiteurs de la présence de cookies autorisant à les tracer. Contrairement à aujourd’hui il faudra alors explicitement demander à l’internaute la permission d’installer des cookies sur sa machine. La méthode choisie sera probablement un formulaire nécessitant de cliquer sur Oui ou Non.

La nécessité du « consentement au cookie » va faire tout d’un coup hautement prendre conscience aux internautes qu’ils sont traqués et ciblés par les publicités. Pour beaucoup ça sera une révélation dérangeante. Il est probable qu’il utilisent le Web depuis des années sans savoir ce qu’est un cookie, ni ce qu’il fait.

Le souhait de bloquer les pubs pourrait alors monter en flèche, avec des potentiellement conséquences désastreuses pour les annonceurs et les éditeurs de contenus.

Les gars derrière Adblock Plus

J’ai réalisé une interview avec les gars d’Adblock Plus pour entendre leur son de cloche. Peuvent-ils vraiment détruire la poule aux œufs d’or sur Internet ? Quel est leur but ? Et quelle a été la réaction de Google quand plusieurs milliards de dollars lui sont passés sous le nez ? Aucune entreprise ne peut se permettre d’affronter une telle menace en restant passive et inerte. Pas plus Google que Facebook, Yahoo, AOL et des millions d’autres sites dépendants de la pub.

Wladimir Palant est le développeur d’AdBlock plus. Il a repris le projet en 2006 (d’où l’ajout du Plus), après l’abandon de celui-ci par Henrik Aasted Sørensen qui l’avait lancé en 2002. Palant a entièrement réécrit l’application, et en a fait presque aussitôt l’extension pour Firefox la plus téléchargée au monde.

Till Faida a rejoint Palant il y a deux ans après l’avoir rencontré à l’occasion d’une recherche pour sa thèse universitaire dont le sujet était justement l’influence des bloqueurs de pub sur les revenus d’Internet.

Palant m’a confié par mail que l’anglais de son collègue était meilleur, et que donc c’est Faida qui répondrait.

Au téléphone, Faida a immédiatement insisté sur le fait qu’il n’ont rien d’un duo d’anarchistes, et qu’ils ne se délectent pas à l’idée de priver des sites de leurs sources de revenus

« Wladimir est bien conscient que les pubs sont nécessaires. Il ne veut en aucune façon détruire la publicité. Un tas de gens dans la communauté savent bien que la publicité est jusqu’à ce jour le seul mécanisme de financement des contenus libres sur Internet. Il veut seulement que les utilisateurs aient le contrôle sur ce qu’ils voient sur leur écran. »

Les duettistes sont-ils conscients des torts qu’ils causent aux propriétaires des sites ?

« Oui. Un site techno ici en Allemagne nous a dit que 40% de leurs pubs étaient bloquées. Ils ont envoyé un journaliste assister à une conférence aux États-Unis. S’ils avaient eu des revenus supérieurs ils en auraient envoyé deux. Nous savons bien qu’Adblock plus est maintenant si populaire qu’il peut devenir une arme detructrice pour l’écosystème d’Internet ».

Le pire scénario possible ? « Globalement, 50% de toutes les pubs pourraient être bloquées ».

Cela diminuerait d’un coup la valeur de Google de 90 milliards de livres (NdT: environ 109 millard d’euros), celle de Facebook serait divisée par deux. Les quotidiens, depuis le Telegraph et le Guardian jusqu’aux sites Web comme The Register et The Daily Mash devraient lutter pour leur survie.

En fait, Palant et Faida sont si conscients du pouvoir de leur produit qu’ils ont décidé de l’atténuer. En décembre, ils ont modifié Adblock Plus de sorte qu’un nombre limité de publicités puissent être affichées, par défaut.

Les utilisateurs en devinrent fous furieux, accusant le duo de s’être vendus. L’exacerbation des passions en ligne mérite le détour.

Pourquoi ont-ils autorisé ce changement ?

Faida déclare : « Nous avons enquêté et découvert que les utilisateurs ne sont pas contre les publicités, mais seulement contre celles qui sont agaçantes. Nous voulions trouver un juste milieu. L’initiative des « publicités acceptables » est le premier pas qui doit permettre d’atteindre ce but ».

Il explique que les utilisateurs peuvent toujours bloquer complètement les publicités, mais qu’ils doivent pour cela modifier les réglages par défaut. Pas compliqué, mais en permettant à quelques publicités de se glisser ici et là, deux buts ont été atteints. Tout d’abord, les utilisateurs prennent conscience de la sophistication du produit. Et plus important encore, les concepteurs de publicité sont incités à créer des publicités claires et non intrusives.

« Nous avons un ensemble de critères que doit respecter une publicité pour être affichée », déclare Faida. Les publicités ne doivent pas clignoter, ne doivent pas cacher le texte, se déplacer, ou essayer de duper les utilisateurs (« Le millionième utilisateur qui cliquera ici aura un prix !!! »).

« Nous voulons rendre la publicité meilleure. C’est notre mission : améliorer le Web dans son ensemble ».

Selon la nouvelle règlementation, énoncée ici, les publicités qui se conforment à la politique de bonne conduite seront ajoutées manuellement à la liste blanche, ce qui leur donnera un statut privilégié par rapport à la liste de base d’Adblock Plus. Les utilisateurs peuvent modifier les préférences pour restaurer un bloquage complet, mais Faida et Palant sont persuadés que la plupart d’entre eux seront heureux de laisser passer les bonnes pubs. « Nous pensons que 75% des utilisateurs l’accepteront volontiers » déclare Faida.

Curieusement, la société de Faida et Palant; Eyeo GmbH, n’a aucun revenu. Adblock Plus est distribué gratuitement. Comment donc font-ils pour survivre ?

« Nous recevons des dons, mais pas suffisamment pour couvrir nos frais. Nous avons eu un investisseur privé qui partage nos objectifs. C’est comme cela que nous pouvons nous financer seuls pendant une période assez longue. Nous devons réfléchir au moyen de générer des revenus, mais il n’y pas d’urgence. »

Il dit que Google ne les a jamais contactés. Je le charrie en lui signalant que ça vaudrait le coup pour Google de proposer un milliard de livres (NdT: environ 1.2 milliard d’euros) pour acheter Adblock Plus et tirer le rideau. « Wladimir ne ferait jamais une chose pareille », répond Faida.

Je ne le crois pas sur parole.

Un scénario cauchemardesque

Au mois de mai, il va donc y avoir grand changement sur le front publicitaire quand la directive de « l’acceptation du cookie » entrera en vigueur. De plus, il y a aussi le projet de faire ajouter une icône pour chaque publicité déclenchée par un cookie. European Advertising Standards Alliance et Internet Advertising Bureau of Europe sont derrière ce projet. Les internautes vont davantage se rendre compte qu’on les observe.

Ces initiatives bien intentionnées vont-elles envenimer les choses à l’heure où la popularité d’Adblock Plus grimpe en flèche ?

Oliver Jameson, propriétaire du site de rencontres Cougared.com (où les hommes doivent avoir moins de 35 ans et les femmes, plus de 40) est très inquiet : « Si une masse critique d’internautes installe des logiciels de navigation qui empêchent l’affichage des publicités, inévitablement, les publicitaires verront une réduction du nombre de clics (car les clics aussi mesurent le trafic) et de la notoriété des marques. Comme à peu près tout ce qui est en ligne est quantifiable, les effets seront rapides et dévastateurs. Les publicitaires vont mettre en doute l’intérêt de placer leurs publicités sur les sites Web, ce qui signifie que de nombreux sites dont la survie dépend des rentrées publicitaires seront dégradés, abandonnés, et finiront simplement par cesser d’exister. En fait, beaucoup cesseront d’exister sous leur forme actuelle, en tant que services gratuits, et certains tenteront sans garantie de se recycler sous la forme d’une offre payante. »

D’autres sont plus optimistes. Richard Beaumont, du Cookie Collective, un organisme de recherche qui aide les entreprises à affronter le défi d’obtenir le consentement des internautes tout en respectant la nouvelle directive, dit : « La nouvelle loi peut réduire le besoin de recourir à des outils comme Adblock Plus. Les sites vont devoir obtenir le consentement des internautes, et vont donc concevoir leurs publicités de manière plus réfléchie. » Il dit que ça pourrait se révéler être une opportunité à saisir. « Les entreprises qui jouent la transparence et suscitent la confiance s’en sortiront bien. »

S’il a raison, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

Si c’est Jameson qui a raison, et que le blocage des pubs s’apprête à se répandre comme un virus, alors l’Internet va se retrouver en état de choc.




Comment j’ai appris à programmer ou le témoignage qui donnait envie de s’y mettre

Randall a 23 ans et il nous explique ici comment il est devenu un bidouilleur de code pour son plus grand plaisir. Il a découvert la programmation par lui-même et nous livre ici son témoignage et le fruit de sa jeune expérience.

Tout le monde ne partagera pas sa passion avant autant d’intensité. Nous espérons cependant que nombreux seront les enfants et leurs parents à tomber par hasard sur cet article (d’autant que cette sensibilisation est toujours absente de l’école d’aujourd’hui)[1]. Et, qui sait, peut-être que cela suscitera de nouvelles vocations ?

Sur le même sujet on pourra parcourir ces récents articles du Framablog illustrant l’enjeu majeur d’une éducation informatique (libre et ouverte) dans nos sociétés en mutation : De l’impact politique d’apprendre aux enfants la libre programmation, Les codeurs sont la nouvelle élite politique, Le code deviendra-t-il le latin du XXIe siècle ? et surtout Exercice de la citoyenneté et culture informatique.

Francisco Osorio - CC by

Comment j’ai appris à programmer

How I Learned to Program

Randall Degges – 4 février 2012 – Blog perso
(Traduction Framalang/Twitter : Calystod, Twix, kinou, HgO, monsieurab, Spartition, ametaireau, Grom, alaindalche, Evpok, Grom, Fred)

Programmer est, sans aucun doute, la chose la plus gratifiante intellectuellement que j’ai jamais réalisée. Programmer m’a appris que la vie se devait d’être amusante, remplie de créativité et vécue au maximum de son intensité. Programmer m’a appris que tout était possible ; je peux faire ce qui me plait en utilisant seulement mon esprit.

Programmer m’a également enseigné qu’apprendre est drôle et ludique. Cela m’a montré que plus vous en savez, plus vous comprenez et êtes acteur du monde qui vous entoure. Programmer m’a confirmé qu’une vie en apprentissage continu est une meilleure vie à vivre. Programmer m’a révélé qui je suis au fond de moi, m’a donné une bonne estime de moi et m’a continuellement aidé à arriver à mes fins.

Je me sens extrêmement chanceux d’avoir eu la volonté et l’opportunité d’apprendre à programmer tôt dans la vie. Et si mes méthodes ne sont certainement pas les meilleures pour tout le monde, elles ont marché pour moi.

Je n’ai aucun regret.

Alors je me suis dit que j’allais partager mes méthodes avec vous, en espérant qu’un débutant lise cet article et en tire quelque chose.

Si vous n’avez pas le temps de le parcourir retenez avant tout ceci : l’important est de s’amuser.

Mtellin - CC by

Installer GNU/Linux sur votre machine

Bien que plus jeune, j’ai découvert les rudiments informatiques sur des ordinateurs MS-DOS Windows grâce aux jeux vidéos, mon véritable apprentissage a commencé le jour où j’ai installé un système GNU/Linux sur mon ordinateur personnel.

Ce n’est pas fondamental d’utiliser ou non Windows (ou Mac OS X) sur votre machine, il y a ainsi beaucoup de programmeurs qui travaillent sous système d’exploitation propriétaires. Mais GNU/Linux est imbattable pour apprendre.

Contrairement aux idées reçues, les développeurs ne font pas que pisser du code. On tape quelque chose, ce qui déclenche autre chose. Il y aurait des entrées et des sorties. Cette vision est erronée.

La programmation est un mode de vie

Les programmeurs sont obsédés par la connaissance. Ils utilisent cette obsession pour alimenter leur soif d’apprendre, de découvrir et de créer. Voilà la vraie définition d’un programmeur.

Une principale raison d’utiliser Linux pour travailler au quotidien est qu’il vous aide à apprendre progressivement et pratiquement la programmation. Sur Windows, si vous voulez copier un fichier d’un dossier à un autre, vous faites du glisser-déposer à la souris. Sur Linux, vous pouvez aussi en faire de même désormais, mais vous pouvez également utiliser scp ou rsync. Parce qu’apprendre à utiliser la ligne de commande vous enseigne des techniques basiques de logique et améliore votre capacité à résoudre des problèmes.

La pratique régulière de l’OS GNU/Linux permet d’acquérir des compétences importante à commencer par l’autonomie. Contrairement à d’autres activités, la programmation ne demande ni de grands efforts de mémorisation, ni de répéter encore et encore les mêmes routines. Ce qu’il faut, c’est surtout énormément de motivation et de détermination. . Même les meilleurs programmeurs n’ont généralement aucune idée précise de ce qu’ils vont faire lorsqu’ils débutent un nouveau projet. Si une seule chose peut résumer mon activité, ce serait la recherche. Les programmeurs se doivent de savoir où trouver l’information, comment la digérer et s’en servir d’une manière utile. Cette compétence demande du temps et de la patience mais il est clair que GNU/Linux aide à cela.

Utiliser Linux vous poussera à rechercher activement des solutions aux problèmes que vous rencontrez. Si vous ne savez pas comment mettre en place un tunnel SSH, et bien vous allez l’apprendre tout simplement. Utiliser Linux vous amènera à découvrir de nouvelles choses auxquelles vous n’auriez jamais pensé en utilisant Mac ou Windows. Apprivoiser petit à petit GNU/Linux fera de vous un meilleur et plus pragmatique développeur. Vous apprendrez à travailler collaborativement pour résoudre un problème, à aller à la chasse aux erreurs, à mobiliser vos connaissances pour créer de nouvelles choses et rendre votre vie (et celle des autres) plus simple.

De plus, en tant que projet libre (tant le système d’exploitation que les logiciels disponibles), GNU/Linux offre un accès privilégié à la culture de la programmation. À coup sûr, vous allez :

  • Trouver un bogue dans une application que vous utilisez
  • Chercher des réponses sur internet
  • Trouver un système de tickets ou un forum sur le logiciel en question
  • Soumettre un ticket concernant le bogue ou poster dans un forum un sujet sur le problème rencontré
  • Interagir avec d’autres utilisateurs pour aidez à le résoudre

Tout cela n’a pas l’air très cool, mais patientez. Une fois ces points achevés, vous aurez fait connaissance avec la communauté hacker. Trouver des problèmes, en discuter avec d’autres personnes, résoudre ces problèmes ensemble et vous voici membre de cette communauté.

Si tout était parfait et qu’il n’y avait pas un seul problème à résoudre dans ce monde la vie serait morne. Mettre le nez dehors et corriger des choses, combattre le chaos, donne un sens à la vie. Alors profitez-en !

Linux peut vous apprendre tout cela, et bien plus encore.

Jon Rawlinson - CC by

Avoir un désir intense

Pourquoi voulez-vous programmer ? Quelles sont vos motivations ? Si vous n’avez pas cette envie pressante d’apprendre à programmer, vous échouerez.

J’ai commencé à coder parce que j’avais une très grande envie de créer des jeux vidéo. Quand j’étais un enfant, les jeux vidéo étaient ma passion. Je rentrais le plus rapidement possible de l’école pour rester scotcher sur l’ordinateur à jouer à des vieux classiques. Mes épiques batailles de Starcraft contre mon frère font parties de mes meilleurs souvenirs.

Plus que tout, je voulais être capable de maîtriser ces jeux. Je voulais les dominer, je voulais rendre servile mon ordinateur esclave afin qu’il fasse ce que je désirais.

Ces vieilles motivations me semblent maintenant un peu idiotes mais je les ressentais alors de manière intense. J’en rêvais la nuit, j’y pensais durant le jour et en était obsédé alors que j’étais derrière mon ordinateur les après-midis.

Quand j’ai décidé d’apprendre à programmer, je savais que je pouvais le faire. Je savais que quoi qu’il arrive dans ma vie, j’apprendrais coûte que coûte à programmer, alors même qu’au début je n’avais aucune idée de comment y arriver et ne connaissais personne dans ce domaine.

Mais j’ai trouvé un moyen. J’ai lu sur le Web des dizaines et des dizaines de pages de documentation. J’ai dépensé sans compter des centaines d’heures à fouiller au hasard les forums à la recherche de bribes d’information. J’étais tellement motivé et entier dans mon désir que cela me semblait facile et m’a aidé à devenir un programmeur à moitié convenable.

Kalyan Kanuri - CC by-sa

Faire de petits programmes en ligne de commande

Aujourd’hui, il semblerait que la majorité apprenne la programmation en plongeant la tête la première dans le développement Web. Même si ça peut marcher pour certaines personnes, ça me semble vraiment fou. Non seulement les technologies Web sont vastes, complexes et vite démodées (construire un site Web moderne requiert des tonnes de compétences différentes qui nécessitent plusieurs années de maturation), mais elles sont souvent frustrantes et décourageantes pour les nouveaux développeurs.

Je suis peut-être de la vieille école (j’ai seulement 23 ans :x), mais il n’y a rien de plus satisfaisant et formateur que d’écrire des tonnes de programmes simples en ligne de commande. J’écrivais des tonnes de choses :

  • Un script simple qui prenait en entrée des noms de fichiers pour les stocker dans des dossiers hiérarchisés et organisés en fonction du type de fichier
  • Un bot IRC qui enregistrait toute l’activité d’un channel dans un fichier texte.
  • Un programme simple qui télechargeait toutes les images d’une page Web donnée.
  • Un outil permettant de convertir des nombres en base dix vers n’importe quelle autre base en CLI
  • Un script compilant et mémorisant d’un coup toutes mes personnalisation graphiques : fonds d’écran, thèmes, etc.
  • Un programme basique qui téléverse automatiquement des captures d’écran sur un hébergeur d’images et en copie automatiquement l’adresse dans mon presse-papier.
  • Et un million d’autres choses encore.

J’ai tiré grand bénéfice de ces petits exercices. Chacun d’eux était suffisamment simple pour être écrit en quelques heures (pas plus), et ils m’ont tous appris quelque chose : un nouveau language, nouvelle bibliothèque ou stratégie. J’ai sans aucun doute gagné une grande partie de mes compétences informatiques en construisant là ces applications.

Mais cela joue également au niveau de la confiance. Chaque application créée aura été une petite satisfaction personnelle dont j’étais fier. J’y revenais du reste en les tenant à jour mais surtout en tentant de les modifier sans cesse par du nouveau code et de nouvelles stratégies. Cela m’a appris les bases de la programmation par itération (améliorer au fil du temps) tout en contribuant effectivement à la communauté du logiciel libre.

Si vous êtes un nouveau programmeur, il n’y a rien de mieux et de plus amusant que d’écrire ces petits utilitaires en ligne de commande. Vous ne me croyez pas ? Essayez, et dites moi si vous ne vous retrouvez pas accro dès la première ligne !

Erin Kohlenberg - CC by

Écrire, Écrire, Écrire

L’écriture est controversée. Lorsque j’ai commencé à programmer, les nerds avaient une réputation d’être inaptes à tout sauf aux ordinateurs. Pendant une période, j’ai supposé que comme étant bon avec les ordinateurs, j’étais naturellement mauvais pour tout le reste : même pour écrire.

C’était idiot.

J’en suis venu à réaliser avec le temps que les programmeurs sont, au contraire, d’excellents auteurs. La capacité à penser logiquement et à résoudre les problèmes est un avantage indéniable pour écrire, alors qu’il est parfois si difficile de coucher ses idées sur le papier. Et réciproquement l’exercice d’écriture m’a aidé à devenir un meilleur développeur. En outre nous savons qu’il est important de bien documenter son code.

Posséder un blog par exemple est une excellente manière de pratiquer l’écriture, pour garder une trace de ce que vous apprenez, et aide à s’assurer d’un progrès constant en particulier sur les sujets techniques.

Si vous écrivez une très très utile application en ligne de commande pour commander des pizzas chez Dominos, il vous sera alors difficile d’en parler sans aller dans le détail pour décrire la technologie que vous utilisez, comment l’API de Dominos fonctionne, etc. En prenant le temps d’écrire en structurant votre pensée, en relatant votre expérience, vous en apprendrez forcément davantage.

L’écriture peut être incroyablement utile lorsqu’elle est utilisée pour décrire des choses techniques, puisqu’elle simplifie et clarifie la cause du problème, vous forçant à réfléchir à ce problème de la manière la plus simple possible pour mieux la communiquer.

Un des mes plus grands regrets est de ne pas avoir conservé mes articles. Au fil des réécritures de mon site Web, d’erreurs de gestion de serveurs, j’ai petit à petit perdu la majeur partie de mes écrits. Le blog que vous lisez actuellement existe principalement suite à la décision que j’ai prise de remédier à cela. Ne faites pas la même erreur !

John Vetterli - CC by-sa

Rejoindre une communauté en ligne

Internet est un vaste lieu. Programmer est un vaste sujet. Il est tout à fait possible de devenir un excellent programmeur tout seul dans son coin mais il est beaucoup plus facile de le faire avec l’aide d’autrui.

Lorsque j’ai commencé à programmer j’ai eu la chance de rencontrer grâce au Net d’autres programmeurs fascinants avec qui j’ai partagé des jours durant des idées via IRC. Ces personnes ainsi rencontrées comptent parmi les individus les plus brillants et passionnés que je n’ai jamais rencontrés dans ma vie. Nous sommes devenus amis et le sommes encore !

Avoir des amis aussi motivés a décuplé ma propre motivation, et m’a aidé à tirer le meilleur de moi-même. Nous écrivions ensemble des articles pour partager les choses que nous avions apprises, nous critiquions nos codes respectifs, nous parlions des projets sur lesquels nous travaillions et sur la meilleure manière de les mener à bien.

Connaître un groupe qui partage la même passion et la même envie que vous est inestimable.

Sham Hardy - CC by-sa

Amusez-vous

Programmer est amusant. Programmer est vraiment, vraiment très amusant. Le simple fait d’en parler me met en joie ! Il est difficile de cacher mon excitation 🙂

Le plus important quand on apprend à programmer c’est de toujours S’AMUSER ! Peu importe que vous commenciez tout juste à programmer ou que vous soyez un programmeur aguerri et confirmé : vous ne devez jamais perdre du vue cette dimension fondamentale de l’informatique.

Supposons que vous veniez de commencer à apprendre le Python (à propos, Dive Into Python reste l’un des meilleurs livres sur le sujet), ne démarrez pas par un projet ennuyant. Écrivez quelque chose de nouveau ! Un truc qui vous semble fun et quelque part utile. Amusez-vous avec, et lancez-vous des defis.

Si votre motivation première pour travailler sur un projet est de le terminer alors vous faites fausse route. Pour devenir un bon programmeur il faut bidouiller des trucs que VOUS trouvez sympa. Le monde est rempli de logiciels tristes alors qu’on a besoin de logiciels GENIAUX. Et la seule façon de faire un logiciel génial c’est de s’éclater en le créant !

Je pourrais déblatérer pendant des heures ainsi. Mais à la place et pour conclure je veux VOUS mettre au défi (oui vous !). Pensez à quelquechose que vous adoreriez faire. Un site de partage ? un éditeur vidéo ? Peu importe ce qui vous exalte et vous transporte. Vous avez saisi ?

OK, maintenant allez-y fabriquez-le !

Notes

[1] Crédit photos : Francisco Osorio, Mtellin, Jon Rawlinson, Kalyan Kanuri, Erin Kohlenberg, John Vetterli, Sham Hardy (Creative Commons By et By-Sa)




Et Dieu créa l’homme à son image de hacker, nous suggère un père jésuite

Né il y a une trentaine d’années, le hacker est très certainement en train de devenir l’une des grandes figures de notre époque contemporaine qui peine à trouver ses héros. C’est ce que nous vous racontons régulièrement en creux ou en plein dans ce modeste blog[1].

Mais il est plus surprenant de se l’entendre dire par le père jésuite Antonio Spadaro qui n’hésite pas à proposer d’audacieux parallèles et y voir l’une des formes les plus abouties de la présence de Dieu en l’homme !

Manuela Ideacrea - CC by

Les moteurs de recherche modifient l’idée même de Dieu

I motori di ricerca cambiano l’idea stessa di Dio

Matteo Lo Presti – 8 janvier 2012 – Il Riformista
(Traduction : Nelly C.)

La philosophie hacker est celle qui pousse à la créativité et au partage, s’opposant ainsi aux modèles de compétition et de propriété privée, c’est du moins ce qu’affirme Antonio Spadaro directeur de la revue Civiltà Cattolica.

Le hacker s’engage à affronter des défis intellectuels pour éviter et dépasser les limites qui lui sont imposées dans ses domaines d’intérêt, Le plus souvent ce terme se réfère à des experts en informatique , mais il peut être étendu à des personnes vivant de façon créative de nombreux autres aspects de leur vie .

Être Hacker c’est donc une philosophie, un mode de vie, un comportement existentiel , où se mêlent jeu et engagement, et qui pousse à la créativité et au partage, s’opposant ainsi aux modèles de contrôle, de compétition et de propriété privée. Cette définition simple et tranquille ne provient pas d’une encyclopédie informatique mais de la revue des pères Jésuites Civiltà Cattolica, fondée en 1850.

L’auteur de cet article est le jeune directeur de la revue, Antonio Spadaro, auteur de nombreuses critiques littéraires, et observateur attentif des problèmes contemporains.

Spadaro soutient qu’entre ses besoins et ses attentes l’homme doit faire face à une situation de finitude qui doit être interprétée avec authenticité et plénitude. « J’ai été frappé », explique-t-il dans le bureau particulièrement ordonné du couvent où il vit, « par les nombreuses réflexions provenant du monde anglo-saxon sur la signification de l’action humaine, sur le thème du travail non plus vu comme une malédiction biblique mais comme une participation joyeuse à la vie du monde : un défi intellectuel, pour cerner la présence de l’homme sur la Terre et sa proximité de plus en plus importante avec la machine ordinateur ».

Antonio Spadaro réfute l’acception commune et médiatique du mot, c’est à dire celle du méchant « pirate informatique », ni même celle du verbe : to hack, et de ses multiples sens : couper, hacher , tailler, ou encore s’ouvrir un passage dans la jungle. Il puise au contraire dans une précieuse tradition philologique qui remonte aux années soixante, et qui avait alors une connotation virtuose : « hacker informatique » valait pour tous ceux qui possédaient des capacités particulières et remarquables de programmateur, aptes alors à faire partie d’une corporation décrite et admirée par Stefen Levy dans son célèbre livre publié en 1984 Hackers: Heroes of the Computer Revolution.

C’est autour de cette année-là que les ordinateurs commencèrent à apparaître un peu partout. Mais c’est aussi à cette époque que débutèrent les stratégies et les expériences à finalité négative par fermeture du code.

Lévy fut fasciné par cette nouvelle réalité et codifia les principes généraux sur lesquels devaient se baser les règles et les comportements hackers : accès illimité aux ordinateurs, toute information doit être libre, se méfier de l’autorité, les hackers doivent être jugés selon leurs hacks (et non selon de faux critères comme les diplômes, l’âge, l’origine ethnique ou le rang social), on peut créer l’art et le beau à l’aide d’un ordinateur, les ordinateurs peuvent améliorer notre vie.

Spadaro part lui aussi de là. « La technologie met en jeu la vie de l’homme et donc l’éternel débat entre le bien et le mal. La révolution d’internet suit les règles des autres révolutions : communiquer un message et créer une relation. Il convient donc de mieux comprendre comment l’homme est en train de modifier sa façon de penser lorsque qu’il navigue. Quelle influence et conséquence sur la foi vécue par l’homme ? Comment se trouve modifiée l’idée même de Dieu avec un moteur de recherche ? À fortiori lorsque l’on entre « Dieu » dans Google ? Comment articule-t-on aujourd’hui les informations qui se trouvent dans les millions de sites où la question de la religion est posée ? Autrefois la boussole indiquait la voie et connaissait la direction, à savoir le Nord. Aujourd’hui nous sommes bombardés par des millions de messages et nous devons savoir, tel un radar, intercepter le bon. Trop nombreuses sont les promesses de salut qui donnent des réponses simples à des questions complexes. »

Mais tenter de clarifier le rôle que jouent les hackers dans le rapport anthropologique entre Dieu et la machine n’est pas chose aisée, même si comme l’a écrit le philosophe Emanuele Severino « la technique est un géant capable de toucher le ciel avec un doigt ».

Spadaro a une bonne opinion de celui qui bidouille sur l’ordinateur. « La culture religieuse comme la culture hacker ont pour objectif d’améliorer la qualité de la vie. Les hackers ont un comportement actif, engagé, partagent les résultats de leurs travaux et de leurs recherches, ils sont toujours en quête de connaissance, collaborent à des projets communs et, à partir du moment où il y a échange au même niveau, l’autorité est bien distribuée entre les membres de la communauté. L’une de mes références est L’Éthique Hacker et l’Esprit de l’ère de l’information de Pekka Himanen qui explique que l’homme est appelé à « une autre vie ». Une vie qui n’est plus celle du fordisme, celle d’un homme lié à l’horloge de l’efficacité, mais d’un homme actif, qui poursuit ses propres passions, qui vit dans un effort créatif sans limites, qui sait que son humanité ne se réalise pas dans un espace temps organisé de façon rigide mais au rythme d’un engagement qui est l’unité de mesure d’un travail humble et profond correspondant mieux à la nature humaine. En clair on s’éloigne de la logique du profit et des contingences matérielles pour rassembler la communauté des hackers autour d’un langage et de valeurs communes. »

La communauté chrétienne a des liens plus étroits avec le monde informatique qu’on pourrait le penser. Ainsi dit-on que Larry Wall créa en 1987 le langage informatique Perl d’après une parabole biblique se trouvant relatée dans l’évangile selon Matthieu (chapitre 13, versets 45 et 46) où un marchand vendit tout ce qu’il possédait pour une simple perle.

Ce que suggèrent les nouvelles technologies est si attirant que Himanen fait appel à Saint Augustin pour tenter de donner une réponse à la question fondamentale : « Pourquoi Dieu a t-il crée le monde ? » Voici la réponse hacker : « Dieu étant un être parfait n’avait nul besoin de faire quelque chose mais il souhaitait créer ». En clair nous sommes face au plus grand hacker de l’Histoire.

Et Père Spadaro de préciser : « Certes le hacker a sa spécificité qui est loin de se généraliser vers un absolu, mais ce que l’on peut dire c’est qu’ici l’homme avec son travail participe à l’action créative de Dieu. Il met tout son génie pour comprendre et participer à des projets, pour naviguer, pour écrire, pour créer et laisser le code ouvert à la libre contribution de tous. On s’échange des connaissances, des compétences, des savoir-faire. On collabore à des projets le plus souvent de manière anonyme, de la même façon que l’on enseigne la théologie et la révélation chrétienne : un don qui vient du ciel, un don inattendu, qui manifeste la surprise, qui exalte le rapport personnel et collectif, un don qui doit être préservé. Le don hacker est une offre pour qui désire le prendre. Or le don chrétien lui aussi signifie avant tout donner quelque chose à quelqu’un (tel le don du sang). La manifestation de Dieu est perçue comme un acte gratuit de Dieu. Aussi ambitieux soit ce projet, il n’est pas sans ressemblance et affinités avec ceux de la confraternité des hackers.

Bien sûr ces théories ne vont pas sans polémiques. Ainsi, à un journaliste de l’Osservatore Romano, Spadaro précise : « Cette vision de l’autorité distribuée implique un intéressant défi sur la façon de percevoir la présence de l’Église. Personne ne veut abolir l’autorité, mais celle-ci doit désormais témoigner, rendre compte, voire rendre des comptes. »

Le cardinal Gianfanci Ravasi a récemment écrit qu’il était « temps d’être sur internet. Nous devons être attentif à tout le système d’information car les moyens de communication sont devenus nos prothèses ». Et Spadaro d’ajouter : « Nous suivons les sillons de Paul VI quand il affirmait que le cerveau mécanique vient en aide au cerveau spirituel. Annoncer la foi à l’époque de la culture digitale c’est en reconnaître la valeur et la dimension spirituelle. »

Antonio Spadaro - CC by-sa

Notes

[1] Crédit photos : Manuela Ideacrea (Creative Commons By) et Antonio Spadaro (Creative Commons By-Sa)




Je ne pense pas que vous naviguez comme moi sur le Web

Parano notre ami David ?

Peut-être prudent tout simplement, quitte à sacrifier un peu de son temps pour que Google & co en sache le moins possible sur lui[1].

Pour vivre heureux, vivons cachés ?

Enrico Policardo - CC by-nc-nd

Je ne pense pas que vous surfez comme moi

I don’t think you browse like I do

David – 4 février 2012 – Microcosm
(Traduction Framalang : Goofy, Antonin, OranginaRouge, Lamessen)

En fait, j’en suis même convaincu.

Cela ne m’est venu à l’esprit que cette semaine quand des amis étaient en train de parler de la façon virale dont Google étend sa connaissance sur vous. Certains étaient choqués par la précision, d’autres amusés d’être référencés dix ans plus jeunes ou dix ans plus vieux. Quelques-uns étaient affublés du mauvais sexe.

Je peux vous dire ce que les préférences de publicités Google savent de moi : rien.

Ce n’est pas par magie, c’est juste dû à la façon dont je surfe. Je ne laisse aucune trace localement, et tant que je ne me connecte pas sur un service, ils ne savent pas qui je suis. En plus, même si je me connecte à un service traquant l’identité comme Google, Twitter ou Facebook, ces services ne voient qu’une petite partie de ce que je fais, étant donné que je sépare énormément la navigation de mes autres usages d’Internet.

Comment est-ce possible? J’utilise plusieurs navigateurs et j’utilise les options sur la vie privée.

Ma configuration:

  • Firefox pour tous les services qui réclament des identifiants (Gmail/G+, Twitter, Facebook, Linkedln, etc).
  • Chrome pour la navigation traditionelle (recherches, forums, actualités, équipement technologiques, musique, etc).
  • Last Pass pour tous les mots de passe.
  • Pinboard pour tous les marque-pages.

J’ai configuré Firefox en utilisant about:config avec thatbrowser.privatebrowsing.autostart = true. Cela signifie que dès que je lance Firefox, il se lance automatiquement en navigation privée et ne stocke rien localement.

J’ai configuré tous les raccourcis de Chrome de façon à ce que tous les chemins de lancement se terminent par --incognito. À nouveau, cela signifie que dès que je lance Chrome, il utilise automatiquement le mode anonyme. La navigation privée de Firefox et le mode anonyme de Chrome font la même chose : ils ne stockent aucun historique, aucun cookie, et ne laissent aucune trace de votre activité en local sur le navigateur de votre ordinateur. Quand vous fermez la fenêtre du navigateur, tous les cookies précédemment créé sont supprimés ce qui empêche toute entreprise de vous pister, et plus rien ne permet de savoir qui vous êtes.

Évidemment, cela n’est pas sans conséquences si vous essayez de m’imiter :

  • Vous aurez toujours à vous identifier partout.
  • Le gestionnaire d’authentification en deux étapes de Google vous demandera tout le temps d’entrer un code.
  • Les marque-pages sous Firefox ne se retrouveront pas sous Chrome et inversement.
  • Cliquer sur un lien dans un service demandant des identifiants ouvrira celui-ci sous Firefox, cliquer dans un e-mail ou un lien relatif sous Chrome l’ouvrira sous Chrome.

Ce sont des points positifs, et voici comment j’ai dépassé ou contourné chaque point :

  • J’utilise Last Point pour me connecter sur les sites, ça ne prend qu’une fraction de seconde et je ne me connecte que si j’ai besoin de faire quelque chose qui nécessite de se connecter. L’avantage est que tous les sites auquel je me connecte ont leur propre mot de passe particulièrement complexe, ce qui est bon pour la sécurité.
  • Le gestionnaire d’authentification en deux étapes augmente aussi votre sécurité et vous avez votre téléphone avec vous, n’est-ce pas ? Je me connecte à Gmail une à deux fois par jour et j’utilise Google Authenticator sur mon téléphone. Les quelques secondes que cela me prend par jour ne me gênent pas.
  • Je stocke les marque-pages dans un navigateur adapté et accessible par le réseau : une page d’accueil personnalisée pour les visites récurrentes. Pinboard pour les visites occasionnelles.
  • Je ne franchis jamais la limite entre les services identifiants et le reste du web. Cela ne prend qu’une seconde de copier le lien, passer sur l’autre navigateur et coller le même lien, et c’est ce que je fais. Étonnamment, ça arrive moins souvent que vous pourriez le penser.

La question évidente qui se pose est la suivante : pour quelle raison feriez-vous une telle chose ?

La réponse est que ma navigation a évolué de cette manière.

J’ai commencé avec un seul navigateur, puis j’ai eu besoin de jongler avec deux pour des questions de développement Web. J’utilisais le mode incognito de Chrome pour simuler de nouvelles visites sur un site Internet, et je devais fréquemment fermer et rouvrir les fenêtres incognito. Parfois, il m’arrivait de fermer accidentellement la fenêtre principale, sans mode incognito… fermant également mes e-mails. J’ai donc déplacé mes e-mails et communications dans Firefox de sorte que je ne puisse plus les perdre à cause d’une action accidentelle (en fermant toutes les fenêtres de Chrome). Ainsi, avec Chrome dédié au développement Web, j’ai décidé d’utiliser le mode incognito en permanence afin de m’éviter la danse folklorique de le passer en incognito à chaque fois (ce qui ouvrait une nouvelle fenêtre) ; le mode incognito restait donc actif en permanence.

En raison du fait que Chrome offrit une « navigation jetable », j’ai remarqué que je me sentais un peu libéré du traçage et je me montrais un peu moins prudent à cliquer sur un site qui aurait pu changer d’état en connaissant qui je suis. Par exemple : les forums que vous avez peur de vister en raison de la quantité d’éléments « non lus » qui seront marqués comme « lus » juste parce que vous vous y êtes précédemment connecté. Utiliser le mode incognito en permanence signifie que je lisais un peu plus d’élements, et je m’immergeais dans les sites de manière plus fréquente.

Ensuite, concernant Firefox, j’ai commencé à remarquer que lorsque quand je suivais un lien je me sentais envahi de sites avec des widgets ou des publicités hyper personnalisées (à commencer par le pays d’où je me connecte). Cela m’inquiéta d’être ainsi étiqueté lorsque un site Web sait que j’aime le vélo par exemple. Ai-je loupé quelquechose ? Pourquoi est-ce que ces recherches me montrent des choix que je ne savais même pas que je voulais faire ? Cela me déplaît d’être catalogué par une vision normalisée basée sur mes actions et celles d’autres personnes similaires. Je souhaitais la version anonyme des résultats mais sans savoir comment l’obtenir.

Ma première astuce pour pallier ceci était de simplement copier-coller les liens dans Google Chrome pour avoir une version anonyme, c’est pourquoi j’en utilise le mode incognito en permanence. Cela marche bien et c’est devenu une habitude.

Après un moment, je me suis rendu compte que je pouvais aussi bien utiliser Firefox en mode privé et terminer ce que j’avais apparemment déjà commencé : éclater les bulles et éviter le pistage des mes informations à moins que je ne l’aie accepté (par l’identification à mon compte).

Je dispose maintenant d’une navigation préservée des pop-ups personnalisés, et qui sépare tous les services identifiants du reste du Web.

Comme je le disais, je ne pense pas que vous naviguez comme moi.

Notes

[1] Crédit photo : Enrico Policardo (Creative Commons By-Nc-Nd)




De l’impact politique d’apprendre aux enfants la libre programmation

Si vous parcourez les articles de nos tags Informatique et Code, vous vous apercevrez que nous sommes de ceux qui poussent pour que la programmation (avec du Libre dedans) entre dans les écoles française sans attendre l’Université[1].

Parce que cela a des implications politiques majeures et ceux qui ont tout intérêt à ce que la situation ne bouge pas l’ont très bien compris…

En Angleterre la prise de conscience est en train de se faire (quitte à ce que ce soit un Google qui vienne l’éveiller). Mais chez nous c’est franchement pitoyable. Tout au plus a-t-on réussi à obtenir une option pour la seule Terminale S l’année prochaine. Attention car, comme disait Barbara, le temps perdu ne se rattrape plus !

Lizette Greco - CC by-nc-sa

Apprendre les rudiments de la programmation aux enfants aura-t-il un impact politique ?

Will teaching children basic programming skills have a political impact?

Sam Tuke – 12 janvier 2012 – FSFE.org
(Traduction Framalang/Twitter : Yoha, Gatitac, Bl0fish, Sophie, Morphix, 0gust1)

La BBC m’a envoyé un courrier électronique la semaine dernière pour me demander mon avis sur la rumeur actuelle qui voudrait que le gouvernement britannique ajoute des compétences informatiques de base aux programmes scolaires en mettant l’accent sur un éventuel impact politique que ceci pourrait avoir sur la façon dont la société interagit avec les technologies. Voici ma réponse.

Question : Enseigner des rudiments de programmation à tous nous oriente-t-il vers une société plus critique et plus créative ?

Oui. Très souvent, les technologies, et en particulier les logiciels, voient leur utilité restreinte pour les intérêts de quelques-uns, comme les entreprises privées, afin de leur permettre de manipuler les consommateurs à leur avantage. Bien que la Grande-Bretagne utilise plus de logiciels et de produits numériques que jamais, seul un pourcentage restreint de la population est capable de participer à la création de ces produits, de les adapter à ses propres besoins, ou bien de créer les siens.

Cela a un impact extrêmement néfaste sur la société. Cela crée un déséquilibre de pouvoir entre les concepteurs des outils et tous les autres, dont le travail dépend de ces outils. Quel que soit le secteur dans lequel il travaille, un salarié a de fortes chances de devoir utiliser un jour ou l’autre un navigateur Web ou un client de messagerie par exemple, ne serait-ce que trouver un emploi. Mais la façon dont une personne interagit avec ces technologies est presque toujours définie par un groupe de personnes extérieures, sans aucun lien avec l’utilisateur final et qui pourraient n’avoir que très partiellement satisfait ses besoins.

Si notre société inculquait davantage les concepts de base de la programmation et de la création numérique, nous serions plus à même d’interagir en connaissance de cause avec notre environnement social et professionnel. C’est particulièrement vrai pour les sujets importants comme par exemple le journalisme citoyen, l’auto-hébergement et la publication. Une compréhension large de la façon dont fonctionnent les systèmes de vote électronique pourrait avoir un impact fort sur la politique future, par exemple.

Pour autant, avoir simplement des compétences en programmation ne suffit pas. Pour être compétitif, efficace et productif, la Grande-Bretagne devra également promouvoir une culture des libertés et du logiciel libre au sein de son industrie informatique. Et ce parce que les restrictions des copyrights et des brevets peuvent mettre au pas la créativité, y compris celle du plus doué des programmeurs, ou les forcer à réinventer constamment la roue avant qu’ils ne puissent commencer à innover.

Le logiciel libre a initié une véritable révolution technologique au cours des trois dernières décennies, nous apportant, entre autres avantages, Internet et des ordinateurs suffisamment abordables pour être distribués en masse dans le Tiers Monde.

Les écoles devraient favoriser la curiosité et l’esprit critique dans un environnement qui encourage les étudiants à apprendre. Une salle de classe exécutant des logiciels propriétaires ne peut fournir cela. « Comment ça marche ? », « Qu’est-ce qui se passe si je change ceci ou cela ? ». Ces questions restent fondamentalement sans réponse quand on enseigne aux enfants en utilisant des systèmes d’exploitation, des suites bureautiques ou des outils de robotique non libres.

Notes

[1] Crédit photo : Lizette Greco (Creative Commons By-Nc-Sa)




Ils ont violé le domaine public !

J’ai fait un cauchemar horrible cette nuit. J’ai rêvé que non content de rallonger ad nauseam la durée du copyright « ils » osaient s’en prendre au sanctuaire du domaine public…

Le titre de ce billet ne fait pas dans la demi-mesure. C’est pourtant un évènement grave et révélateur de notre trouble époque qui a eu lieu récemment aux USA (et passé relativement inaperçu en France).

« Au fil des ans, la durée de protection par le droit d’auteur n’a cessé d’augmenter. Aux États-Unis, le Congrès l’a étendue à 19 reprises en deux siècles, ce qui n’est pas l’apanage des États-Unis : l’Union Européenne et les pays qui en font partie ont fait passer diverses lois et directives aux mêmes visées d’allongement de la durée de protection des œuvres. Chacune de ces lois a fait reculer le domaine public, mais une constante restait : ce qui entre dans le domaine public y reste définitivement. L’URAA est allée plus loin. Pour la première fois de l’histoire des États-Unis, le domaine public a été diminué : des œuvres en ont été arrachées. » Wikimédia France

« Tolkien, Kipling, Orwell, Hitchcock, Prokofiev… Des oeuvres de nombreux auteurs internationaux qui étaient passés dans le domaine aux Etats-Unis retournent dans le régime du copyright traditionnel. Contre toute attente, la Cour Suprême a validé mercredi 18 janvier l’accord de 1994 qui organise une telle expropriation des droits du public. » Numerama

Vous trouverez traduit ci-dessous un article relatant en détail cette décision de justice[1], mais pour mieux en comprendre les enjeux nous vous renvoyons sur le blog de Wikimédia France : Des œuvres du domaine public de nouveau soumises au copyright aux États-Unis. L’encyclopédie et les autres projets sont en effet directement impactés (sur Commons ce sont plus d’un million de fichiers à vérifier !).

Et pour aller encore plus loin et mettre le tout dans une triste perspective qui impose non seulement l’indignation mais également la mobilisation, il y a notre traduction de Cory Doctorow : On ferme ! La guerre imminente contre nos libertés d’utilisateurs.

Remarque : D’où l’intérêt de fêter le domaine public.

Horia Varlan - CC by

La Cour suprême des États-Unis autorise le Congrès à replacer sous copyright des œuvres du domaine public

Supreme Court rules Congress can re-copyright public domain works

David Kravets – janvier 2012 – ArsTechnica
(Traduction Framalang : OranginaRouge, e-Jim, DonRico)

Le 17 janvier, la Cour suprême a statué que le Congrès américain a le droit de retirer compositions musicales et autres œuvres du domaine public, où l’on est libre de les exploiter et de les adapter, et de les placer de nouveau sous le régime du copyright.

Par un vote de six voix contre deux, la Cour a jugé qu’une création qui entre dans le domaine public ne se retrouve pas pour autant dans « un territoire dont les œuvres ne pourront jamais ressortir ».

Le tribunal supérieur examinait une requête déposée par un collectif qui rassemblait chefs d’orchestre, éducateurs, artistes de scène et archivistes, requête demandant aux juges de casser une décision rendue en appel défavorable au groupe, dont les membres s’appuient sur les œuvres artistiques du domaine public pour leur activité professionnelle.

Selon eux, replacer des œuvres du domaine public sous copyright constituerait une atteinte à la liberté d’expression de ceux qui utilisent à présent ces travaux sans devoir s’acquitter de droits d’exploitation. Des millions d’œuvres anciennes sont concernées. Parmi les plus connues, on trouve The Shape of Things to Come de H.G. Wells, Metropolis de Fritz Lang, et les compositions d’Igor Stravinsky.

La Cour ne s’est toutefois pas montrée insensible à l’argumentation des plaignants. Représentant la majorité, la juge Ruth Ginsburg a déclaré « une certaine restriction des possibilités d’expression est l’effet inhérent et recherché de toute attribution de copyright ». Mais la Cour suprême, qui compte un membre de moins depuis la récusation de la juge Elena Kagan, a indiqué que la volonté du Congrès de replacer sous copyright ces œuvres pour se conformer à un traité international demeurait plus importante.

Pour diverses raisons, les œuvres concernées – qui sont étrangères et ont été créées il y a plusieurs décennies – sont entrées dans le domaine public aux États-Unis, mais étaient encore soumises au copyright à l’étranger. En 1994, le Congrès a adopté une législation permettant de ramener les œuvres dans le giron du copyright, afin que la réglementation américaine soit en accord avec un traité international sur le droit d’auteur : la Convention de Berne.

Les juges Stephen Breyer et Samuel Alita, dans une opinion dissidente, ont indiqué que cette législation est en opposition avec la théorie du copyright et « n’incite personne à produire une œuvre nouvelle ». Si le copyright a été inscrit dans la Constitution, ont-ils fait remarquer, c’est pour promouvoir les arts et les sciences.

Cette législation, a avancé Breyer, « n’accorde de récompense pécuniaire qu’aux détenteurs d’œuvres anciennes placées dans le domaine public américain. En outre, cette loi entrave la propagation de ces œuvres, des travaux étrangers publiés hors des États-Unis après 1923, qui se comptent par millions et comprennent films, œuvres d’art, photographies innombrables et, bien sûr, livres – des ouvrages qui (en l’absence de cette loi) prendraient la place qui leur est due dans des bases de données accessibles par ordinateur, diffusant ainsi le savoir dans le monde entier. »

Anthony Falzone, directeur du Fair Use Project à l’université de Stanford et avocat d’un des demandeurs du dossier, a qualifié le verdict de « regrettable », et déclaré que cela « laisse entendre que le Congrès n’est pas tenu à prendre en compte l’intérêt public lorsqu’il vote des lois sur le copyright. »

La majorité a néanmoins rejeté les arguments selon lesquels un jugement favorable à la décision du Congrès équivaudrait à conférer au législateur le droit d’attribuer des périodes de copyright permanentes.

« On ne peut accuser le Congrès de vouloir se diriger subrepticement vers un régime de copyright permanent parce qu’il a aligné les États-Unis sur les autres nations signataires de la Convention de Berne, et donc accordé un traitement équitable à des auteurs étrangers autrefois défavorisés », a rétorqué la juge Ginsburg.

Ce n’est pas la première fois que la Cour suprême approuve l’extension du copyright. En 2002, elle avait déjà entériné la décision du Congrès d’en allonger la durée, qui était alors passée de cinquante ans après la mort de l’auteur à soixante-dix ans après sa mort.

Lawrence Golan, le représentant des plaignants, a indiqué à la haute juridiction que son orchestre ne sera plus en mesure d’interpréter la Symphonie classique et Pierre et le loup de Prokofiev, ni la Symphonie n°14 et le Concerto pour violoncelle de Chostakovitch, à cause des droits d’exploitation.

Chris Schmich - CC by-sa

Notes

[1] Crédit photos : Horia Varlan (Creative Commons By) et Chris Schmich (Creative Commons By-Sa)




Ce n’est qu’un début, continuons la copie !

Le fameux site The Pirate Bay est actuellement dans la tourmente, nous annonce Le Monde, puisque les trois fondateurs viennent d’épuiser un de leurs derniers recours contre leur incarcération.

L’un d’eux, Peter Sunde, a posté sur son blog une réponse que nous avons décidé de traduire ci-dessous.

On pourra la trouver teintée d’une révolte un peu adolescente et lyrique, mais qu’importe. Ce texte permet à minima de rappeler qu’en 2012 des gens vont faire de la prison ferme pour avoir hébergé des liens vers des fichiers…

« Kopimi » (alias « Copiez-moi ») pourrait bien devenir l’un des slogans les plus subversifs du XXIe siècle[1].

Viktor Hertz - CC by

Pas de concession : Kopimi ligne dure.

Maintain. Hardline. Kopimi.

Peter Sunde – 1 février 2012 – Copy me happy
(Traduction Framalang : goofy, albahtaar, Clochix, DonRico)

Nous avons appris aujourd’hui le rejet en appel par la cour suprême du dossier The Pirate Bay (TPB). Nous n’en sommes pas surpris. Les précédents procès suintaient la corruption. Depuis les pressions exercées par les États-Unis sur le ministre de la Justice afin de déférer TPB devant les tribunaux sans justification légale, en passant par l’officier de police responsable de l’enquête (Jim Keyzer) qui décrochait « par hasard » un poste chez Warner Bros quelques semaines avant ma promotion de témoin à suspect, jusqu’aux magistrats de nos procès qui siègent aux conseils d’administration — ou qui en président, comme c’est le cas d’un d’entre eux – de l’institution pro-copyright suédoise, il était clair pour nous que la cour suprême — où de nombreux juges gagnent beaucoup d’argent eux-mêmes grâce au copyright de leurs ouvrages — serait difficile à persuader de se saisir du dossier. Même si la majeure partie de la population voudrait que l’affaire y soit jugée. Même s’il s’agit de l’un des dossiers les plus importants dans toute l’Union européenne.

La Suède tient de beaux discours sur l’attention qu’elle porte à Internet. Elle consacre beaucoup d’argent et de temps pour aider des activistes dans le monde entier. Mais qui sont ces gens qu’ils sont si fiers d’aider ? TPB est l’un des plus importants mouvements de défense de la liberté d’expression en Suède, et œuvre contre la corruption et la censure. Tous ceux qui se sont à un moment ou un autre investis dans TPB l’ont aussi été dans de fameux projet de divulgation d’informations ou ont aidé des gens pendant le printemps arabe. Nous combattons la corruption à l’échelle mondiale. Nous défendons l’égalité des chances des nations pauvres partout dans le monde. Nous avons anéanti le monopole sur l’information. Nos proches, dont beaucoup nous ont aidés à construire TPB, ont été cités comme de possibles lauréats du prix Nobel de la paix. Je ne fanfaronne pas, j’explique cela pour être sûr que l’on comprenne qui ici a une action juste. Je n’ai jamais vu l’industrie du divertissement aider qui que ce soit, si ce n’est elle-même.

La Suède n’a pas l’habitude de la corruption. Ou plutôt, la Suède n’a pas l’habitude de voir la corruption qui sévit chez elle. La société y est fondée sur la croyance que dans les systèmes législatifs suédois tout le monde a de grandes qualités morales et éthiques. La mondialisation a changé cela. Les lobbies du divertissement ont rudoyé la Suède. Et pas seulement la Suède. On le voit dans des législations telles que SOPA, PIPA, ACTA, IPRED, IPRED2, TPP, TRIPS, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes ces législations ont le même but : s’assurer que le contrôle d’Internet soit entre les mains des riches qui possèdent déjà certains pouvoirs de contrôle hors d’Internet.

Je ne suis qu’un homme parmi les millions qui se dressent contre cela. Même si le verdict (auquel nous ne sommes pas encore rendus) n’est pas favorable à ma situation personnelle, le but final pour lequel nous nous battons est bien plus important que les luttes personnelles de quelques individus. Je m’accomoderai de ne pas être riche — ce qui est simple lorsque de toutes façons l’on n’est pas riche. Je m’accomoderai de la peine à laquelle je serai finalement condamné — je vais simplement finir mon livre. Le combat continuera avec ou sans moi, je ne suis qu’un pion. Mais au moins, je suis un pion du côté moral. Je suis très fier de ce que j’ai accompli, et ne changerai rien à mon engagement. Je pense d’ailleurs que j’aurais pu en faire bien plus pour ce combat. Et j’en ai l’intention.

Aujourd’hui, j’appelle instamment chacun de vous à vous assurer que l’industrie du divertissement ne fait pas son beurre sur votre dos. Arrêtez d’aller voir leurs films. Arrêtez d’écouter leur musique. Assurez-vous de trouver des moyens alternatifs d’accéder à la culture. J’ai fondé Flattr.com, qui vous permet de soutenir directement les gens qui créent, plutôt qu’au travers de l’industrie corrompue du divertissement. Utilisez ce système en solidarité avec les créateurs et avec vos concitoyens. Ou lancez un procédé concurrent. Diffusez la culture et participez-y. Remixez, réutilisez, utilisez, abusez. Assurez-vous que personne ne contrôle votre esprit. Créez de nouveaux systèmes et des technologies qui contournent la corruption. Lancez une religion. Lancez votre propre nation, ou achetez-en une. Achetez un bus. Et désossez-le.

Agissez toujours résolument et appliquez une doctrine kopimi sans concession.

Notes

[1] Crédit photo : Viktor Hertz (Creative Commons By)