Soutenir les Creative Commons – Lettre de Mohamed Nanabhay (Al Jazeera)

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Oso - CC by-ncL’actuelle campagne de soutien des Creative Commons (CC) bat son plein. Elle vise à récolter un demi-million de dollars avant le 31 décembre. Inutile de vous dire que nous vous encourageons vivement à participer, si vous pensez, comme nous, que ces licences font partie de ce qui est arrivé de mieux à l’Internet au cours de la présente décennie.

À cette occasion, il a été demandé à des personnalités utilisant les CC de témoigner en rédigeant une Commoner Letter. C’est la première de ces lettres que nous avons traduit ici, faisant directement écho à un billet de janvier dernier où nous évoquions l’inauguration par Al Jazeera d’un dépôt d’archives vidéos sous licence Creative Commons[1].

Rendez-vous l’an prochain pour la lettre de TF1  ?

Commoner Letter #1  : Mohamed Nanabhay de la chaîne Al Jazeera

Commoner Letter #1 : Mohamed Nanabhay of Al Jazeera

7 octobre 2009 – Blog Creative Commons
(Traduction Framalang  : Olivier Rosseler et Yostral)

Introduction de Allison Domicone (Creative Commons)

J’ai le plaisir de vous annoncer le lancement de notre série Commoner Letter annuelle, une série de lettres rédigées par des membres importants de la communauté des CC pour appuyer notre campagne de soutien pour les CC. Mais cette campagne ne vise pas qu’à lever des fonds, nous voulons que cela soit bien clair. Nous cherchons avant tout à faire connaître plus largement les CC et à militer pour le partage en ligne et la culture collaborative.

Je suis donc fier de vous annoncer la parution de la première Commoner Letter, de Mohamed Nanabhay, directeur du développement en ligne pour Al Jazeera English. Mohamed et Al Jazeera ont offert une visibilité à l’international aux CC grâce au travail incroyable qu’ils ont founi cette année. Comme vous le savez peut-être déjà, Al Jazeera a lancé plus tôt dans l’année un dépôt Creative Commons qui héberge des rushes vidéo que tout le monde peut partager, réutiliser et remixer. Avoir un tel allié chez Al Jazeera est un honneur et j’espère que vous apprécierez le témoignage personnel que nous livre Mohamed sur son attachement aux Creative Commons.

Lettre de Mohamed Nanabhay (Al Jazeera)

Cher Creative Commoner,

L’année a été riche pour Al Jazeera et sa relation avec les Creative Commons. En janvier nous avons inauguré le premier dépôt mondial de vidéos professionnelles placées sous licence Creative Commons 3.0 Attribution (CC BY). Nous avions alors libéré une sélection de séquences filmées par Al Jazeera, des rushes sur la guerre à Gaza, permettant ainsi à tout le monde de les télécharger, de les partager, de le re-mixer, de les sous-titrer et finalement de les rediffuser, que l’on soit un particulier ou une chaîne de télévision, à la seule condition que nous soyons crédités pour la vidéo.

Embrasser la culture libre, c’est avant tout accepter que l’on renonce au contrôle en échange de quelque chose de plus grand  : son appropriation par la communauté créative. Vous ne savez donc jamais vraiment où tout cela va vous mener. À l’origine, quand nous avons inauguré notre dépôt, nous pensions mettre là à disposition des ressources pertinentes pour quelqu’un désirant produire du contenu sur la guerre et qu’elles seraient principalement utilisées par d’autres chaînes d’informations et des réalisateurs de documentaires.

Le résultat fut à la fois surprenant et enthousiasmant. À peine nos vidéos furent-elles en ligne que déjà des contributeurs de Wikipédia en extrayaient des images pour compléter les articles sur le guerre de Gaza. Et rapidement, enseignants, créateurs de films, développeurs de jeux vidéos, organisations humanitaires et producteurs de clips musicaux s’inspirèrent de nos images. Cet accueil chaleureux de la communauté de la culture libre nous conforta dans notre choix.

Joichi Ito, président de Creative Commons dit au lancement  : «  Les séquences d’informations filmées sont l’un des pilliers du journalisme moderne. Rendre ainsi disponibles sous licence Creative Commons ces images, pour des usages amateurs et commerciaux, est une contribution fantastique au dialogue mondial autour d’évènements importants. Al Jazeera montre l’exemple et sera, nous l’espérons, imitée par beaucoup d’autres.  »

Lancer un projet ne suffit pourtant pas à générer une communauté, un engagement à long terme et des valeurs communes sont nécessaires. Notre association avec Creative Commons remonte à 2007, lorsque Lawrence Lessig, fondateur des Creative Commons, a donné son discours d’introduction lors du 3ème Al Jazeera Forum à Doha, au Qatar. Dans ce discours il nous mettait au défi de libérer nos contenus afin de renforcer la liberté d’expression. Ce défi, nous l’avons relevé, en plus de notre dépôt Creative Commons, nous rendons également disponible nombre de nos reportages sur notre chaîne dédiée sur Youtube.

Après le lancement de notre dépôt, nous avons co-animé un atelier avec Creative Commons ayant pour titre «  Créer des projets médias dans des réseaux ouverts  », dont l’animation était assurée par le directeur de Creative Commons, Joichi Ito. Cet atelier fut diffusé en direct dans tout le Moyen-Orient dans le cadre de notre 4ème Al Jazeera Forum, qui s’est tenu en mars 2009. Cet évènement mondial a rassemblé près de deux cents journalistes, analystes, universitaires et intellectuels.

Grâce aux licences Creative Commons nous touchons un public plus large, mais la portée de notre projet est mieux résumé par ce commentaire de Lawrence Lessig  : «  Al Jazeera nous donne une leçon importante de promotion et de défense de la liberté d’expression. En offrant une ressource libre et gratuite au monde, le réseau encourage l’extension du débat et sa plus grande compréhension.  »

La collaboration avec Creative Commons a été très enrichissante. Nous sommes reconnaissants envers Lawrence Lessig, Joi Ito et toute l’équipe qui œuvrent à la diffusion de la liberté d’expression pour leur aide, leurs conseils et leur soutien.

La collaboration involontaire qui s’est développée après que nous ayons ouvert notre dépôt de vidéos, ainsi que le bon accueil que ce dernier a reçu dans le monde entier, n’auraient pas été possible sans l’aide des licences Creative Commons. Nous apportons notre soutien à leur campagne car nous avons été témoin, et nous le sommes toujours, des bienfaits de l’enrichissement et du renforcement des communs numériques. J’espère que vous aussi, selon vos possibilités, vous apporterez votre soutien aux CC en renforçant ainsi les biens communs. Je vous conseille vivement de vous lancer et d’utiliser vous aussi les licences Creative Commons.

Sincèrement,

Mohamed Nanabhay
Directeur du développement en ligne, Al Jazeera English

Notes

[1] Crédit photo  : Oso (Creative Commons By-Nc)

4 Responses

  1. Zebulon

    C’est intéressant de voir que les pionniers de l’ouverture se situent ici dans le monde "arabo-musulman" dont l’occident n’a de cesse de critiquer les fermetures justement. Comme quoi c’est plus compliqué que ça en a l’air.

    Après faut voir aussi que les vidéos ont été initiées avec la tragique récente guerre de Gaza, où l’on n’avait pas d’images et c’était tant mieux puisque médias et politiques occidentaux avaient clairement choisi leur camp. C’est pas anodin de la parti d’Al Jazeera et ça participe soit de liberté de la presse, soit de la propagande de l’autre camp (ça dépend de votre propre position sur le conflit).

    Quand dans un guerre on choisit un camp et qu’on montre les atrocités générées par les actions de ton propre camp (des choses bien concrètes, du sang qui coule, des femmes et des enfants morts et blessés), ça coince toujours du côté de l’opinion publique. Alors même que l’autre camp fait exactement la même chose, c’est une guerre quoi !

    Désolé pour le hors-sujet mais Creative Commons avec Al Jazeera sur Gaza c’est pas comme Creative Commons avec Télé Picardie sur la petite maison dans la prairie.

  2. doivjcoij

    @zebulon: Le mouvement CC au sein d’Al Jazeera etait deja initie, selon la timeline de la lettre précédente. Hasard de calendrier ?

    Merci pour cet article et cette traduction !

  3. Religio

    @ Zebulon
    Pour parler du moyen-orient, libérons la viande (taxe casher et hallal), les gens (sous le joug d’abjectes idéologies religieuses propagées par réflexe conditionné transmis par haut-parleur, livre et clergés …

    Arrêtons un peu toutes ces conneries, au moins ici (car dans la "vraie vie" ….)

  4. Charlie

    @ Zebulon

    Justement, voir à ce sujet les images diffusées par France 2 le mardi 6 janvier censées illustrer les ravages causés par l’offensive israélienne en cours à Gaza où l’on pouvait voir au sol des combattants du hamas mais aussi de nombreux cadavres de civils alors qu’il s’agissait d’images d’archives datant de 2005 de l’explosion accidentelle d’un camion contenant des roquettes du Hamas, dans un camp de réfugiés à Jabalya.

    Pour les références :

    http://www.desinfos.com/spip.php?pa
    http://www.lepoint.fr/actualites-me
    etc.

    Jusqu’à preuve du contraire une licence décrit les conditions d’utilisation d’une oeuvre mais en aucune manière ne valide son contenu. De plus les licences libres peuvent être également instrumentalisées dans des logiques de guerres religieuses, idéologiques ou commerciales. Voir à ce propos le Méka Cola, à l’origine une boisson issue de l’Open Cola (sous Licence publique générale GNU).
    http://fr.wikipedia.org/wiki/OpenCo

    Notre soutien aux licences libres ne devrait en aucune manière nous entraîner sur le terrain glissant de la propagande sous ses différentes formes.

    Les licences de libre diffusion et/ou libre sont la condition de l’exercice d’une instruction publique fondée sur la libre circulation de l’information scientifique et technique, à l’ère du numérique. Elles ne doivent en aucune manière se substituer à notre sens critique, surtout en matière d’images, sur les contenus.

    Amicalement Charlie

    PS : Je remercie Mohamed Nanabhay pour son soutien aux Creative Commons même si je souhaiterais que nous n’occultions pas la Licence Art Libre.