Pourquoi le gouvernement du Québec ne s’ouvre pas davantage aux logiciels libres ?

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Telle est en résumé la question posée le 26 avril dernier par Marie Malavoy, députée de Taillon pour le Parti Québécois, lors d’un échange public à la Commission des finances du Québec.

Cet échange est exemplaire et révélateur.

Exemplaire parce qu’il interpelle un gouvernement sur sa timidité vis-à-vis du logiciel libre. Et révélateur parce que les réponses données demeurent prudentes pour ne pas dire confuses voire embarrassées.

Mais ce passage est également à situer dans le contexte particulièrement tendu d’un procès local dénonçant la décision d’accorder sans appel d’offres un contrat public de 722 848 $ à Microsoft Canada pour une migration à Windows Vista. Nous l’avions évoqué dans un précédent billet.

Pour en savoir plus nous vous invitons à vous rendre sur le site de l’association FACIL dont nous profitons de l’occasion pour témoigner de notre soutien.

PS  : Il est fait allusion, en fin d’intervention, à un remboursement de frais exorbitant demandé à FACIL dans le cadre d’une autre procédure (mais dont la coïncidence est plus que troublante). Nous savons désormais que l’association n’aura pas à payer cette somme indigente qui menaçait son existence même.

—> La vidéo au format webm

Transcription

URL d’origine du document (extrait)

Mme Malavoy  : Merci, M. le Président et bonjour. Moi, j’aimerais aborder, Mme la ministre, une question très précise. Je… J’entends la ministre parler des appels d’offres, j’entends la ministre parler d’une concurrence qui existerait malgré tout. Je l’entends, bien entendu, parler de l’impérieuse nécessité de réduire les coûts de tous nos systèmes d’exploitation. Mais il y a une chose dont elle ne parle pas, absolument pas, c’est d’ouvrir ces appels d’offres aux logiciels libres.

Et j’aimerais aborder cette question-là, cet après-midi. J’aimerais l’aborder d’abord parce que dans beaucoup de pays du monde, on a pris le virage des logiciels libres. On leur a permis de, non seulement, faire des soumissions, mais on leur a permis aussi de gagner un certain nombre de systèmes d’exploitation, et il s’agit de logiciels qui sont plus souples, plus efficaces, qui permettent de faire des choses qu’aucun logiciel propriétaire ne permet de…

Mme Malavoy  : …mais on leur a permis aussi de gagner un certain nombre de systèmes d’exploitation, et il s’agit de logiciels qui sont plus souples, plus efficaces, qui permettent de faire des choses qu’aucun logiciel propriétaire ne permet de faire, ils sont mois coûteux pour les contribuables, et, à l’heure où on cherche désespérément de l’argent, j’aimerais comprendre pourquoi le gouvernement du Québec ne fait pas un virage important pour s’ouvrir aux logiciels libres.

Le Président (M. Bernier)  : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay  : Alors, M. le Président, comme mon expertise n’est pas tellement poussée dans la matière, et j’aimerais que la députée ait véritablement la bonne réponse, si vous le permettez, je demanderais au secrétaire associé, M. Parenteau, si vous le souhaitez, de répondre à la députée pour lui donner la meilleure réponse possible.

Le Président (M. Bernier)  : Est-ce qu’il y a consentement du côté de l’opposition officielle ? Consentement. Allez-y, M. Parenteau, on vous écoute. La parole est à vous.

M. Parenteau (Alain)  : Alors, bonjour aux membres de la commission. Écoutez, sur le plan de l’application ou de l’existence des logiciels libres, il y a déjà à des… c’est peut-être pas à une immense envergure, j’en conviens, mais le logiciel libre, au gouvernement du Québec, ça existe : le CSPQ, le MDEIE, le ministère des Services gouvernementaux, le MDEIE, c’est le ministère du Développement économique, là, bon, ont déjà pris en charge des logiciels libres au sein de l’organisation pour des applications peut-être un peu plus locales, mais ça existe.

L’autre défi auquel on est confrontés, puis il faut bien l’admettre, pour des grosses infrastructures, par exemple, si on parle des logiciels propriétaires, on parle des Microsoft et compagnie, quand arrive le temps de faire des changements au niveau des processus informatiques, il y a un… il faut prendre en considération les dimensions du coût d’impact que ça peut avoir que de transformer l’ensemble des… ce n’est pas juste une question de logiciel, il y a toute la mutation et les coûts d’impact que ça va avoir pour faire cette mutation-là.

Le défi auquel on est confrontés actuellement, et sur lequel on travaille, je ne vous dis pas qu’on ne travaille pas, au contraire, on travaille très fort pour essayer de déterminer comment on peut mettre en concurrence justement des entreprises qui favorisent les logiciels libres et les logiciels propriétaires. Je vous dis juste qu’au moment où on se parle sur le plan de la mécanique contractuelle, rien ne s’oppose dans la réglementation à ce qu’on y aille, mais il y a des limitations technologiques auxquelles on est confrontés, dont notamment le fait que, dans certains cas, le besoin est de mettre à niveau certains logiciels existants. Et le gain d’aller en logiciel libre dans un contexte comme celui-là doit être évalué au cas par cas, ce n’est pas nécessairement la meilleure solution, la panacée.

Partir à zéro, puis dire qu’on va y aller… mettons qu’on part qu’une nouvelle entreprise, une nouvelle organisation, puis on repart en logiciel libre, il n’y en a pas de problème. Le problème se pose lorsque tu as déjà une infrastructure de bien établie, par exemple, je ne sais pas, moi, Microsoft de niveau Vista, puis qu’on veut upgrader, par exemple, un certain niveau de logiciel, la question de l’opportunité doit être considérée, et ça, dans ce niveau-là, il y a des coûts d’impact comme je le mentionnais tantôt.

Ce que vous voyez actuellement dans certains ministères qui décident d’aller en appel… en gré à gré, c’est justement à cause de cette difficulté à pouvoir amener la mise à niveau et de mettre en concurrence potentiellement des logiciels libres, puis dire : On fait fi de tout ce qui existe, puis on rentre du logiciel libre. Il faut voir un peu du cas par cas puis comment on peut l’amener. Mais je vous dis : Sérieusement, on travaille là-dessus. Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Parenteau. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy  : J’apprécie beaucoup les commentaires de M. Parenteau, mais il y a aussi une dimension politique à ma question. Et, à cette dimension-là, j’aimerais aussi que la ministre me réponde. Le problème des logiciels propriétaires, c’est qu’à chaque fois que vus voulez les mettre au niveau, vous devez tout racheter. Ça on n’a pas besoin d’être spécialiste pour comprendre ça. Vous êtes pris avec une suite Office, Microsoft Office, vous voulez la mettre à niveau, vous ne pouvez pas l’ajuster à vos besoins, vous devez la mettre de côté, en racheter une autre. Ce sont des coûts astronomiques.

L’avantage du logiciel libre, c’est qu’il a justement dans sa nature même la possibilité d’une évolution permanente en fonction de expertises qu’on a chez nous, mais en fonction des expertises qu’il y a dans le monde entier. Et je pense qu’il ne s’agit pas à ce moment-ci de regarder : Est-ce que l’on peut, cas par cas, à petite dimension, les introduire timidement ? Je pense qu’il s’agit de voir si le gouvernement du Québec pourrait, comme par exemple, les 27 pays de l’OCDE, faire un virage et exprimer une volonté politique. Il y a des millions de dollars en cause dans cette aventure, et je pense qu’il est temps que le Québec prenne le tournant.

Le Président (M. Bernier)  : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay  : Bien, écoutez, M. le Président, c’est qu’on n’est pas en défaveur, là, d’avoir des coûts ou d’essayer d’avoir des coûts moins élevés, au contraire, on est en faveur de ça. Mais, en même temps, il faut dire que c’est des logiciels propriétaires qu’on appelle. Alors, est-ce que, demain matin, on met tout à la porte et on recommence…

Mme Gagnon-Tremblay  : …des faveurs, là, de… d’avoir des coûts ou d’essayer d’avoir des coûts moins élevés. Au contraire, on est en faveur de ça. Mais en même temps, c’est… il faut dire que ça, c’est des logiciels propriétaires, qu’on appelle, alors, est-ce que demain matin on met tout à la porte et on recommence à zéro ? Alors, c’est ça, là, je pense qu’il faut le faire graduellement, mais tu ne peux pas d’une journée à l’autre arriver puis dire : Bien, voici… Ça, c’est comme je vous dis, c’est des logiciels qui sont déjà la propriété. Alors donc, on ne peut pas demain matin tout balancer puis revenir. Alors, il faut le faire correctement, mais il faut le faire aussi, je dirais, régulièrement, mais ça ne peut pas… on ne peut pas tout balancer demain matin. Alors donc, nous, est-ce qu’on est en faveur ? Oui, on est en faveur de… d’avoir… de… on est en faveur d’aller chercher des sommes, des… c’est-à-dire des réductions de coûts, mais il faut le faire correctement. On ne peut demain matin faire table rase et puis dire : Bien, voici, on met de côté tout ce que nous possédons actuellement et on recommence à zéro avec ce genre… ce libre… ces logiciels libres. Mais on n’est pas en défaveur, mais encore faut-il faire correctement.

Le Président (M. Bernier)  : Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Malavoy  : Bien, j’aimerais en profiter, M. le Président, pour dénoncer une situation qui me semble un peu aberrante. Je comprends donc qu’il y a, mettons, une timide volonté politique pour s’ouvrir petit à petit au logiciel libre, en même temps il y a un groupe qui s’appelle le FACIL, qui plaide sa cause depuis des années et le gouvernement du Québec actuellement le poursuit pour 107 000 $. J’essaie de comprendre comment on peut, d’un côté, croire que le logiciel libre est une voie d’avenir éventuellement, et, d’un autre côté, mettre dans la misère, parce que c’est ça qui va se passer, un groupe qui se porte à la défense de ce type d’exploitation qui est assez révolutionnaire, mais qui n’est pas unique au Québec, qui a fait ses preuves déjà dans bien des pays du monde. Et vous me permettrez de donner un seul exemple qui devrait nous toucher. L’Assemblée nationale française, après un projet pilote, est passée entièrement au logiciel libre. Alors, je me demande pourquoi au Québec on devrait être en retard par rapport à d’autres pays de la planète qui ont compris que c’est un virage essentiel.

Le Président (M. Bernier)  : Merci. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay  : Bien, M. le Président, c’est qu’on… comme je le mentionnais tout à l’heure, on ne l’exclut pas, il faut le faire, je dirais, graduellement. Mais en même temps, bon, la députée de Taillon a fait mention d’une compagnie qui est actuellement devant la cour face au gouvernement, alors vous comprendrez que je vais m’abstenir de… d’élaborer sur ce sujet.

10 Responses

  1. Farliec

    Il manque des mots, remplacés par 3 petits points. Ce n’est vraiment pas pratique à lire, d’ailleurs je me suis arrêtée au paragraphe 8 de la retranscription.

  2. popol29

    @Farliec
    Heu… Non… Il ne manque pas des mots… Ces 3 petits points (de suspension) sont là uniquement pour retranscrire les hésitations des intervenants. (si j’ai bien compris et bien écouté la vidéo.)

    La situation géographique du Québec (du Canada) et donc la proximité des États-Unis ne sont peut-être pas étrangers à cette difficulté de migration vers les logiciels libres… L’influence et le poids des lobbies doivent y être aussi puissants que chez leur voisin américain…

  3. popol29

    @Farliec
    Au temps pour moi… il manque bien des mots… Hum, j’avoue que j’avais lu la retranscription "en diagonale" avant de poster… Désolé.

  4. zoubibouzi

    Non il ne manque pas de mots mais il a y bien une répétition entre le paragraphe 2 et 3. Peut être que 2 ou 3 tournures de phrases te semblent différentes, mais la transcription est bien fidèle.
    Comme tu le dis la proximité des états unis ne rends pas facile la migration. Je suis actuellement à l’université au Québec, tout est microsoft (messagerie exchange en ligne pour tous les étudiants). Sans oublier les programme d’offre de licence gratuite (OS complet ou logiciels divers) pour les étudiants en génie. Sachant qu’il y a 40 000 étudiants sur le campus, la facture doit être salée (combien de $ en plus sur les frais étudiants ?). Seul réconfort, le super calculateur (super écolo en plus : http://www.aufil.ulaval.ca/articles…) tourne sous linux 🙂

  5. kalenx

    @zoubibouzi

    Soyons tout de même clair pour ce qui est du super-calculateur : c’est plus à cause de la volonté des responsables du projet à l’université, de la compagnie qui l’a construit (Sun) et à cause du fait que Windows est clairement inadapté à un super-ordinateur que ça a été fait ici.

    Il ne faut (malheureusement) pas voir cela comme une "victoire" du libre sur Microsoft. À témoin, la migration récente du système de messagerie précédemment sous Linux vers Microsoft Exchange (qui semble d’ailleurs peiner par moment), ou la migration du système de gestion des études vers un infâme blob propriétaire de provenance américaine tournant exclusivement sur Windows Server.

    Beaucoup de départements (génie électrique et génie informatique entre autres) ont des laboratoires qui tournent exclusivement sous Linux/MacOS, mais c’est loin d’être la volonté des têtes dirigeantes de l’Université (et c’est le cas pour toutes les universités au Québec).

    Non, clairement, il y a un grand manque de ce côté là au Québec. Quand je vois des "appels d’offre" qui ressemblent à "1200 licences de Microsoft Office 2007, 590 licences de Windows Seven Business", je me peux m’empêcher de soupirer devant l’ignorance visiblement totale du monde logiciel par nos décideurs.

    Je suis moi-même membre de FACIL, mais je peux vous assurer que leur présence dans les médias est généralement anecdotique, hélas.

  6. useless

    À la fin de la vidéo, Mme Gagnon-Tremblay arrête pas de répéter : "ce que nous possédons", "ce qu’on possède" etc. Mais si je ne m’abuse, elle les possède pas les copies de Windows et d’Office, si ? Elle possède juste une licence d’utilisation et le logiciel appartient à Microsoft.

    Sinon, effectivement, on sent qu’elle hésite beaucoup et qu’elle n’y connait pas grand chose sur le sujet.

  7. zoubibouzi

    "À témoin, la migration récente du système de messagerie précédemment sous Linux vers Microsoft Exchange (qui semble d’ailleurs peiner par moment), ou la migration du système de gestion des études vers un infâme blob propriétaire de provenance américaine tournant exclusivement sur Windows Server."

    Ça explique tout (le cout exorbitant de Capsule et ses bugs, la fin d’Agora pour Exchange etc)

  8. MCMic

    Ça parle peut-être un poil trop de budget et de coût et pas assez de liberté et de droit…

    C’est vraiment impossible en politique d’argumenter autrement que par le portefeuille? C’est sensé être un moyen à la base, pas une fin…

  9. vinylourson

    C’est vrai que la Ministre Gagnon-Tremblay n’a pas vraiment l’air au point sur le sujet, elle me rappelle certain(e)s politiques français(es) :).

    Clairement, on sent qu’elle subit la pression des lobbys. Puis effectivement, comme l’ajoute MCMic, ça tourne un peu trop autour de l’argent ; mais à ce qu’il paraitrait, c’est la monnaie qui dirige le monde…
    D’façon je suis pas sûr qu’exposer les quatre libertés fondamentales d’un logiciel libre ou l’idéologie sous-jacente fasse avancer les mentalités d’élus enracinés dans leurs convictions capitalistes qui ont du mal à saisir le modèle économique des logiciels libres, ou qui pensent tout simplement que ce qui ne s’achète pas obligatoirement est forcément moins bien.

    Mais au final, je pense surtout qu’un gros dessous de table attend Mme la Ministre si elle arrive à faire que les logiciels privateurs restent en place.

  10. fredf

    Comme nous en France, ils en ont des bons au Québec! Je pense que Mme Gagnon-Tremblay n’a effectivement pas saisi le sens des mots "logiciel propriétaire" qui semblent signifier pour elle "logiciel dont on est propriétaire". Quel affreux contre-sens!

    Question: existe-t-il un bilan après les 2 ou 3 ans d’utilisation de GNU-Linux par l’assemblée Nationale?