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Comme le souligne avec malice notre ami Gee, la suite bureautique libre LibreOffice 3.3 vient de voir le jour.
Sauf que, comme son numéro ne l’indique pas, c’est sa toute première version stable. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas logiquement une version 1.0 ? Parce qu’il s’agit d’un fork de la célèbre suite OpenOffice.org qui, au moment de la séparation, en était restée à la version 3.2.
Petit rappel Wikipédia : « Un fork, ou embranchement, est un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant. Cela suppose que les droits accordés par les auteurs le permettent : ils doivent autoriser l’utilisation, la modification et la redistribution du code source. C’est pour cette raison que les forks se produisent facilement dans le domaine des logiciels libres. Les forks sont perçus par certains comme une épée de Damoclès au-dessus des auteurs des projets les moins bons, et aussi comme une méthode pour empêcher l’appropriation d’un projet par un groupe. La « peur de l’embranchement » est un des mécanismes essentiels de régulation et de sélection des projets libres. »[1]
Vous êtes un développeur d’un logiciel libre non satisfait de la manière dont évolue le projet ? Vous avez donc cette possibilité essentielle que constitue le fork. Mais il y parfois un gouffre entre la théorie et la pratique, car il n’est pas simple de reconstituer une communauté active autour du projet dérivé.
C’est pourtant justement ce que vient de réussir l’équipe de LibreOffice, structurée autour de la Document Foundation et qui a décidé de quitter le navire OpenOffice.org suite au rachat de Sun par Oracle. Ce dernier ayant refusé de rejoindre le projet et de céder la marque OpenOffice.org (qu’il continuera de développer par ailleurs), c’est donc désormais LibreOffice (ou LibO) qui sera l’un des fers de lance du logiciel libre grand public aux côtés de Firefox ou GNU/Linux.
LibreOffice 3.3 : les véritables enjeux
The Deeper Significance of LibreOffice 3.3
Glyn Moody – 28 janvier 2011 – ComputerWolrd.uk
(Traduction Framalang : Yonel et Don Rico)
Sur le blog RedMonk, James Governor a publié un billet amusant à propos des forks, suite à l’arrivée imminente d’une mise à jour majeure d’Android, la 3.0, dont le nom de code est « Honeycomb », et laquelle a été conçue en pensant aux tablettes :
Ainsi que le voudrait la sagesse populaire, les développeurs ne devraient pas s’attaquer à des environnements multiples. Ben voyons… le genre de sagesse qui nous a valu une décennie où il n’y en a eu que pour Java, et une vingtaine d’années pendant lesquelles dès qu’il y fallait choisir une architecture on collait du Oracle partout. Avouons que pour l’instant, Android est vraiment pas mal sur les téléphones. J’aime beaucoup mon HTC Desire. J’ai aussi la chance de pouvoir faire joujou avec un Dell Streak qu’on m’a prêté ; encore un bon petit appareil, qui fait bien son boulot pour m’accompagner devant la télé. Mais Android n’a pas été conçu pour un format plus grand, comme l’iPad 10 pouces d’Apple, du moins dans ses premières versions.
Et comme il le fait remarquer :
Tous les éditeurs de logiciels doivent gérer des codebases multiples, en particulier pour les progiciels. Si une entreprise doit gérer les deux codebases, est-ce vraiment un fork ?
Je dirais qu’il s’agit plus de fragmentation, et qu’on en voit partout – dans Android lui-même, dans Windows, admettons, et dans le monde de GNU/Linux à travers les centaines de distributions, chacune avec des versions et des configurations différentes. Rien de bien nouveau.
Les vrais forks ne courent pas les rues, précisément à cause des différences entre le fork et la fragmentation. Cette dernière peut être gênante ou pas, mais elle est rarement aussi douloureuse qu’un fork peut l’être. En général, les forks déchirent les communautés et forcent les programmeurs à choisir leur camp.
C’est ce qui rend l’apparition de LibreOffice si intéressante : c’est un vrai fork, avec des décisions réelles et douloureuses que doivent prendre les codeurs – où vont-ils ? Et à la différence de la fragmentation, qui souvent se produit naturellement et perdure pour un tas de raisons en grande partie banales, les forks exigent beaucoup de travail pour survivre. Résultat, de nombreux forks échouent, car il est souvent plus facile de rester ou de revenir au projet d’origine, plutôt que de se battre pour en installer et en faire grandir un nouveau.
Dans ce contexte, la publication récente de LibreOffice 3.3 est un jalon important, au moins pour ce qu’elle a déjà réussi :
La Document Foundation présente LibreOffice 3.3, la première version stable de la suite bureautique libre développée par la communauté. En moins de quatre mois, le nombre de développeurs codant LibreOffice est passé de moins de vingt à la fin septembre 2010, à largement plus d’une centaine aujourd’hui. Cela nous a permis de publier en avance par rapport au calendrier audacieux fixé par le projet.
À l’évidence, attirer les développeurs est une épreuve cruciale pour le potentiel de survie du fork, et même de son épanouissement. D’autres points importants :
La communauté des développeurs a pu bâtir ses propres méthodes en toute indépendance, et devenir opérationnelle en très peu de temps (eu égard à la taille du codebase et aux grandes ambitions du projet).
Grâce au grand nombre de nouveaux contributeurs qui ont été attirés par ce projet, le code source est vite soumis à un nettoyage d’ampleur, pour offrir une meilleure base aux développements de LibreOffice à venir.
C’est-à-dire que LibreOffice n’en est plus au stade de vague projet, ou à celui des étapes pénibles comme définir l’infrastructure qui permettra au projet d’avancer. La signification de cette réussite va au-delà du fait que la Fondation propose aux utilisateurs une alternative libre à OpenOffice (qui vient également de sortir sa dernière version). La possibilité de choix étant au coeur du logiciel libre, c’est donc certainement une bonne nouvelle, surtout à cause de la politique de copyright de LibreOffice, que j’ai déjà évoquée.
Mais je pense que LibreOffice a une importance supplémentaire parce qu’il représente une attaque délibérée contre la façon dont Oracle traite son catalogue open-source. Hélas, le mécontentement qui a poussé à cette scission va bien plus loin que le seul domaine des suites bureautiques.
L’attitude d’Oracle envers la communauté open-source semble empirer, c’est de plus en plus évident. Marc Fleury le résume bien dans ce billet révélateur. Fondateur de Jboss, et l’un des vrais innovateurs en termes de modèles économiques reposant sur l’open-source, il sait certainement de quoi il parle quand il s’agit de diriger des codeurs open-source dans un contexte professionnel, ce qui rend des commentaires comme celui-ci particulièrement significatifs – et inquiétants pour Oracle :
Il y a d’abord eu le fiasco OpenOffice/Libre Office, où OpenOffice a été forké dans la plus grande partie par sa propre communauté. Puis il y a eu le caprice d’Apache concernant Java/JCP, quand le groupe a bruyamment quitté le JCP (NdT : Java Community Process) après des prises de bec sur les licences open-source de la JVM (Harmony). Et en ce moment, il y a d’autres bisbilles, dont une au sujet de NetBeans. Mais celle qui me concerne le plus (ainsi que mon porte-monnaie), cela concerne un projet mené par un employé de Cloudbees.
Si je comprends bien la situation, le principal développeur était employé par Sun quand il a initié Hudson. Oracle revendique donc l’identité et la marque, ce qui en toute franchise est aberrant, puisque la licence est open-source et que les gars de Cloudbees peuvent poursuivre leur travail sans entrave. Reste donc une dernière étape : la création d’un fork du projet. Et voilà… une grande partie de la communauté open-source dit merde à Oracle.
Ce que LibreOffice montre (jusqu’ici, en tout cas) c’est que dans ces circonstances, il y a bien une vie après Oracle, que les gens se regrouperont dans un fork au lieu de l’éviter, et que le travail alors fourni amène des améliorations non négligeables. Il est vrai que cet argument ne s’appuie que sur un seul exemple, et il faudrait être un expert bien téméraire pour essayer d’en extrapoler quoi que ce soit. Mais cela reste une source d’inspiration importante et tentante pour les codeurs contrariés qui grognent sous le joug d’Oracle. Après tout, comme le met en évidence le nom de LibreOffice, il ne s’agit pas que de code. Il s’agit aussi de liberté.
JluK
Bravo,
Ça fonctionne nickel et, surtout, je peux continuer à utiliser Antidote, mon extrasupercorrecteur orthographique et grammatical !
Il y a toujours de la frayeur quand un logiciel évolue, ne va -‘on ne pas perdre les fonctionnalités apportées par des add-on, extensions ou autres plug-ins ?
Comme cela, Oracle est très mal parti…
Ginko
Surtout qu’OOo n’évoluait (quasiment) plus depuis plusieurs mois (voire années)… Un problème de gouvernance d’après ce que j’avais compris.
Le programme pour LibreOffice a l’air bien plus dynamique. Ils vont faire avancer les choses. La suite bureautique en avait d’ailleurs bien besoin, vu le retard sur le principal concurrent. (Crimosoft fait beaucoup de choses mal, mais s’il y a un truc qu’ils font assez bien, c’est MS Office).
En tous cas, bien fait pour Oracle… Salir de cette façon sa propre image ne m’a pas l’air d’une très bonne stratégie à long terme…
Erondael
Va falloir sortir un nouveau framabook #4 😀
aKa
@Erondael : <teasing>Vous ne croyez pas si bien dire. Rendez-vous dans quelques semaines :)</teasing>
ericb
La version 3.3 d’OpenOffice.org vient de sortir.
Le développement n’est pas arrêté, et si on compare les deux, LibreOffice n’est pas aussi stable qu’OpenOffice.org (voir les doléances sur les listes de LibreOffice).
Ensuite, les problèmes de gouvernance (je pense savoir qui se cache derrière ce commentaire) ont surtout été causés par les responsables du projet francophone, et des NLC, qui n’ont jamais fait leur travail sérieusement. Ils servaient de proxies avec les responsables de Sun, ils racontaient ce qui les arrangeait à la « Communauté », et le pourrissement a fait son chemin.
Enfin, et c’est le plus important : on doit sérieusement se poser la question de la pérénnité du code source d’OpenOffice.org, qu’il soit forké ou pas.
idoric
@aKa
Une mise à jour de « Changer pour OpenOffice.org » ?
Opendentifrice
Il suffit de s »abonner aux mailing listes des deux projets et de voir de quel coté est passé la communauté Francophone … et Mondiale.
Quelques soient les gesticulations et les bêtises que raconte M Eric Bachard, , cela ne change rien à la volonté d’Oracle de se passer d’une quelconque communauté ! Le Fork était inévitable. (Ouh là , Mr Bachard va m’attaquer en diffamation ..)
Le code open source d’OpenOffice dans les mains d’Oracle n’a depuis deux ans pas vraiment fait de gros progrès. Maintenant , M BACHARD, seul note dissonante en France
à propos de LibreOffice n’a t’il rien d’autre à faire que continuer à dénigrer le projet Libreoffice mais surtout les personnes qui y participent ?
M Bachard n’a t il pas quelque chose de plus constructif à faire que d’étaler sa paranoïa dans tous les forums et sur tous les sites qui parlent d’OpenOffice ou de Libreoffice ?
Tient, le site fr.openOffice.org est à l’abandon et plus personne ne fait les test QA ? J’espère que M BACHARD est au moins volontaire pour reprendre la maintenance de ce site ? Il proposera certainement une meilleure gouvernance devant Oracle !
sam7
Bonjour,
je suis bien content qu’openoffice ait été forké par thedocumentfoundation pour créer libreoffice…
… si ça n’avait pas été le cas, ça aurait été vraiment dommage pour le monde du libre de perdre une telle suite bureautique entièrement libre et gratuite…
NB 1:
c’est openoffice qui m’a fait découvrir en 2005 le monde du logiciel libre … & les distributions GNU/Linux (je n’utilise plus windows depuis 2007 ;))
je suis content de voir que la communauté a su rebondir suite au rachat de sun par oracle pour créer libreoffice à qui je souhaite une très longue existance…
NB 2:
voici 2 pages intéressantes concernant libreoffice :
http://wiki.documentfoundation.org/…
http://www.evernote.com/pub/italovi…
à diffuser bien évidemment 😉
Ginko
Opendentifrice, ericb:
Voila qui explique le commentaire d’ericb: « (je pense savoir qui se cache derrière ce commentaire) ».
Parce que bon, j’ai jamais été impliqué en aucune matière dans OOo et je ne visais personne en particulier. J’avais juste lu un article sur le web qui parlait des origines de la lenteur d’évolution d’OOo…
Donc ce n’est pas moi qui suis parano ^^
Bibifri
Pfiouuu !!!
J’ai fini par comprendre pourquoi ericb m’avait fait cette réponse un peu élusive lorsque (de façon peut-être prématurée) je posais sur la fiche d’OOo4kids la question du futur de cette intéressante initiative vis-à-vis de ces « divergences ».
Il semble bien qu’il se soit fortement impliqué dans le projet OOo4kids … ainsi que dans sa version « seniors et newbies » : OOoLight.
Pour les avoir testées toutes les deux, ces versions « adaptées » à des publics « découvreurs » m’ont bien plu et elles méritent de perdurer.
Leur « simplicité » rappelle fortement le pourquoi du succès à une certaine époque de Works, sauf que toutes ces versions sont interopérables, évidemment : elles utilisent le même format de fichiers (ouvert), ce qui est primordial (on ne le répètera jamais assez).
En résumé j’aurais envie de dire « pourquoi tant de haine ? » (version jingle, clin d’œil)
Mais je ne sais rien (et ne veux pas le savoir) des contentieux et/ou frustrations liés à ces évènements, je trouve que c’est bien dommage, mais hélas j’ai vu cela se produire si souvent !
Cordialement à tous
bouts
@opendentifrice
Coder quelques milliers d’heures pour OOo est constructif. Faire des Forks sans Java est constructif (en plus d’être précurseur).
Citer, en le martelant, le nom d’une personne en lieu et place du pseudo est discourtois (surtout quand soi-même on poste sous couvert d’anonymat). Omettre l’apport d’Eric pour le projet OOo est du dénigrement.
@Bibifri
dis-dons, pas curieux ? 🙂
Moi si, d’autant que je suis parano quand je vois ce résumé en image des propos d’Eric:
http://eric.bachard.free.fr/Contrib…
Jacques Le Roux
https://blogs.apache.org/foundation…
anonyme
Bonjour,
Je suis utilisateur de Open Office depuis longtemps (et auparavant Star Office 5.0 à 5.2 à partir de 1999).
J’étais suffisamment satisfait pour n’avoir jamais installé micro$oft office sur mes PC perso.
J’ai upgradé Open Office vers LibreOffice. J’ai fait marche arrière car Java est obligatoire avec Libre Office.
La guerre Libre Office – Open Office m’a fait basculer vers micro$oft office, à mon plus grand regret, pour mon dernier portable sous W7 64 pro).
L’intégration poussée de Google dans Firefox (c’est plus qu’un euphémisme, hélas) m’a fait également fuir de Firefox pour mon dernier PC.
Je mettais de grands espoirs dans le monde libre et suis très déçu.
Pas de Flashplayer sur aucun de mes PC pour la même raison (et même pas de dossier Adobe tout court), pour les mêmes raisons de sécurité.