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Le Parti pirate allemand de Berlin n’osait espérer dépasser les 5 % pour obtenir des sièges lors des élections de dimanche au parlement régional, il en a obtenu près du double en créant une véritable sensation qui va bien au delà des frontières de la cité.
Bien sûr il y a un ensemble de facteurs favorables liés au contexte local qui peuvent expliquer cet incroyable résultat (nature des élections, situation politique générale en Allemagne, dynamisme particulier de la jeunesse de cette ville…). Ce n’est donc pas demain la veille que tous les partis pirates européens auront 10 % à toutes les élections.
Il n’en demeure pas moins que, tout comme le succès du Parti pirate suédois aux élections européennes de 2009, la date est à marquer d’une pierre blanche, de celle qui transcende et exalte le champ des possibles.
« Nous allons démontrer que la politique peut être réformée », nous promet ci-dessous le président du Parti pirate allemand, à la suite de ce succès[1].
C’est tout le mal que nous leur souhaitons, d’autant qu’il va sans dire que le logiciel libre n’était pas absent de leur programme de campagne (une campagne hyperactive sur Internet et qui n’a coûté au final que 40 000 euros, soit dit en passant, alors que les autres partis dépensaient des millions).
Hier les indignés de la Puerta del Sol, aujourd’hui le Parti pirate berlinois, demain viendra peut-être le tour de la France qui sait ?
Le parti pirate entre au Parlement de Berlin après une victoire historique aux élections
Pirate Party Enters Berlin Parliament After Historical Election Win
Ernesto – 18 septembre 2011 – TorrentFreak.com
(Traduction Framalang : Don Rico, Duthils, Lolo le 13, Mammig et Ypll)
Pour la première fois, un parti pirate a réussi à obtenir des sièges dans un parlement régional. Avec une estimation de 9 % du total des suffrages, le Parti pirate dépasse de 5 % le seuil nécessaire pour entrer au Parlement de Berlin et gagne plusieurs sièges. Pour le mouvement international des partis pirates, c’est un deuxième succès important après celui, suédois, des élections européennes de 2009.
Le Parti pirate allemand a remporté une brillante victoire aux élections du Parlement du land de Berlin. Deux heures après la fermeture des bureaux de vote, les premiers résultats indiquaient que les pirates avaient réuni 9 % des suffrages. Cela se traduira par l’obtention de quinze sièges au Parlement.
Fondé en septembre 2006, le Parti pirate allemand a déjà enregistré plusieurs succès au cours de son existence relativement courte. Jusqu’à présent, le parti comptait plus de cinquante membres exerçant des mandats dans diverses circonscriptions allemandes, plus que dans tous les autres pays d’Europe réunis. Toutefois, le résultat du scrutin du 18 septembre reste sans précédent.
Jamais un parti pirate n’avait obtenu de siège dans un parlement régional ou un conseil fédéral. Le seuil requis pour obtenir un siège étant de 5 %, l’exploit des élections berlinoises n’en est que plus impressionnant.
Les premiers résultats montrent que le Parti pirate a fait le plein de voix essentiellement chez les votants les plus jeunes. Quinze pour cent des électeurs de moins de trente ans ont voté pour le Parti pirate, mais même chez les soixante ans et plus, un faible pourcentage a donné son bulletin aux pirates.
Victoire électorale pour les pirates
TorrentFreak a demandé à Sebastian Nerz, président du Parti pirate allemand, ce que ce succès signifiait pour son parti. Il nous a répondu que l’augmentation de son financement et son influence croissante permettront au Parti d’avoir un impact plus grand.
« Pour l’instant, le Parti pirate allemand n’a aucun salarié », explique Nerz. « Tous ceux qui travaillent pour le parti – y compris moi-même – le font en tant que bénévoles. Les députés, eux, sont payés pour leur travail. En outre, ils reçoivent de l’argent de l’État pour payer leurs assistants et leurs collègues. Cela permettra à ces pirates de travailler à plein temps pour le parti, et nous donnera ainsi plus de main d’oeuvre.
« Un autre avantage est que les citoyens et les médias prennent les partis qui ont accès au parlement beaucoup plus au sérieux. Bien des fois on m’a dit « votre parti n’est pas considéré parce qu’il n’a aucun élu ». Suite au succès de ce week-end, le parti sera nettement mieux placé sur ce plan.
De plus, le Parti pirate s’attend à une augmentation de ses membres grâce à son bon score, ainsi que du nombre de personnes travaillant pour le parti. Quant aux idées défendues, le parti se veut aussi transparent que possible, il veut améliorer la protection de la vie privée des citoyens, supprimer les brevets et limiter l’emprise toujours grandissante des organisations exploitant le droit d’auteur.
« Nous allons montrer qu’il est possible de faire de la politique de manière transparente. Jusqu’à maintenant, la politique est un domaine nébuleux et interdit. Les réunions sont tenues à huis clos, les ordres du jour et comptes-rendus sont tenus secrets, les traités non publiés », a déclaré Nerz à TorrentFreak.
« Nous démontrerons qu’il est possible d’informer ouvertement et sans mentir les citoyens de ce qu’il se passe, des alternatives possibles et pourquoi une certaine voie a été choisie. Nous démontrerons que les citoyens peuvent être intégrés dans les processus d’étude des faits et dans les choix politiques. Pourquoi ne pas demander aux citoyens leur opinion avant de décider ? Ça vaut bien un essai ! »
Une chose est sûre. Le Parti pirate a fait un score fantastique aujourd’hui. Avec ce résultat, le Parlement du land de Berlin sentira sans doute le vent frais venant du parti le plus technophile et respectueux de la vie privée. Tous les candidats de Berlin sont prêts et impatients de commencer, d’après le président.
« Pour être bref : Nous allons démontrer que la politique peut être réformée », dit Nerz
Note : nous mettrons à jour les pourcentages au fur et à mesure des résultats
vvillenave
Merci d’avoir rappelé les conditions spécifiques à l’Allemagne, où le système électoral est *nettement* plus favorable à l’émergence de nouvelles formations. (Ce qui n’ôte rien à la performance du PPde bien entendu, mais qui en dit long sur la démocratie dite «à la française»…)
cnestel
Ce résultat est d’autant plus surprenant que le Parti Libéral allié d »Angela Merkel s’effondre et n’obtient pas le pourcentage suffisant lui permettant d’entrer au parlement. Quant aux verts, s’ils progressent, obtiennent un score supérieur à 2006, ce n’est pas la déferlante post Fukushima à laquelle les médias s’attendaient.
L’irruption du Parti Pirate avec un score inattendu de 9% est donc un évènement.
Espérons que ce soit un signal fort en direction des politiques qui occultent systématiquement les enjeux du numérique comme ceux de l’école aussi d’ailleurs (hormis l’aspect non négligeable des suppressions de postes) dans les débats en cours sur les Présidentielles.
gadjou
Ce résultat souligne l’importance du monde numérique dans notre quotidien, et comme le remarque justement le précédent commentateur, la nécessité d’avoir des politiques qui comprennent ce monde et ses attentes, pas des politiques qui pondent des lois destinées à soutenir des modèles économiques et des modes de distributions archaïques.
stilobique
C’est une bonne nouvelle pour le numérique, espérons que ça pourra continuer d’évoluer dans ce sens.
bobo
moi j aime bien ces petits bourgeois qui deviendront grands au moyen du vote .
Eagle
Info pour les traducteurs: en français, on ne dit pas « agendas et protocoles » mais « ordres du jour et comptes-rendus ».
Ginko
aKa a dit:
>Hier les indignés de la Puerta del Sol, aujourd’hui le Parti pirate berlinois, demain viendra peut-être le tour de la France qui sait ?
Comme @vvillenave, pour la France, je n’y crois pas non plus dans un futur proche.
LaTerreDabord
1/ C’est une bonne nouvelle que des citoyens se mobilisent pour faire entendre leur voix.
2/ Quand on entre dans une assemblée, il faut se prononcer sur TOUS les sujets. Un vote pour, contre ou abstention a un effet sur la politique choisie. J’attends avec intérêt les décisions collégiales du parti pirate sur les choix énergétiques, sur la politique sociale, sur la santé. Et puis il va falloir participer ou non à une « coalition ». ÇA ce sera difficile…
3/ Quand on a des financements publics, il faut les affecter à des actions. J’attends avec intérêt la transparence dans leur organisation et leur financement. ÇA ce sera une vraie politique autrement.
Blayotl
Je voudrais pas être trop rabat joie, mais cette formation est purement lobbyiste et ne vaut pas grand chose en démocratie représentative : comment peut-elle représenter ceux qui n’ont pas accès au numérique (ex: pas d’ordi, pour info : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pauvre…) ou encore ceux qui ne le souhaitent pas ?
Ce n’est pas parce que l’on sait se regrouper qu’il faut obligatoirement entrer dans un « parlement ».
Ou bien alors à quand « le gang des bagnoles a acquis 3 sièges au parlement », ou bien « le clan des poussettes présente un candidat au présidentielles » ?
Bof, et rebof,.
Je demande à voir, ça me fait quand même penser aux chanteurs ou comédiens qui s’exprime sur la politique sans y connaitre que dalle. Ok sans doute je me trompe.
Ginko
@Blayotl
>Je demande à voir, ça me fait quand même penser aux chanteurs ou comédiens qui s’exprime sur la politique sans y connaitre que dalle. Ok sans doute je me trompe.
Joli troll. Bien essayé.
Lucie
50 euro de matériel pour produire votre nouriture : ca serait un bon slogan politique
https://singularite.wordpress.com/h…
Pour des habitants totalement autonomes, il ne manque plus que a) de l’énergie renouvelable , et b) des fertilisants et engrais, biologiques, ou produit à partir d’un écosystème … les algues par exemple pour obtenir l’équivalent pétro chimique naturel. c) Soit de la conscience, et de la conscience politique : pas de la décroissance, mais du partage inconditionnel de la sur abondance ! le pouvoir d’achat conditionne la prospérité réelle d) des échanges d’informations sur un réseau respectant à jamais la neutralité du net e) Une mobilité ‘verte’ garantie, f) De la justice, et une intégrité des données / entités / individus
Ce n’est pas tant les moyens de productions qu’il faut se réapproprier, mais bien plus le droit au dividende sur les ressources – qui surabondent : et donc ni une taxe, ni un pouvoir d’achat basée sur le travail.
Les hackers / citoyennistes doivent donc prendre le pouvoir politique, suivant eux mêmes les règles des pirates : partage – celui qui a besoin assouvi son besoin, la communauté et le bien commun avant tout, et le chef n’a pas plus que deux fois la part de celle d’un autre. A l’abordage !!!
Aa
Il me semble extrêmement intéressant de voir un mouvement recueillir autant de voix sur les thématiques des libertés individuelles et du partage de la culture. Liberté et culture sont bien les piliers indispensables d’une société saine…
Les questions que je me pose en voyant ce succès du PP allemand sont les suivantes : comment passer d’une plate-forme d’opinions et de militantisme pour des causes culturelles ou concernant les libertés individuelles, à un parti qui puisse participer pleinement au débat public dans l’entièreté de ses composantes ? Il va falloir au PP se positionner sur des questions économiques, industrielles, écologiques, éducatives, etc, qui n’ont que peu à voir au premier abord avec le cœur de cible du PP.
Et comme la chronique de Valentin aujourd’hui, ou même la jolie parabole semi-trollesque signée U. Eco le laissent voir, ce n’est pas parce qu’on défend la liberté et le partage de la culture, tous, qu’on est d’accords sur le reste. Un article du Berliner Zeitung aujourd’hui qualifiait les pirates d’enfants de Marx et de Microsoft. Alliance du communisme et du capitalisme… On dit souvent les libristes libertaires, libéraux, anarchistes… Et je crois qu’il y a en effet de quoi se rattacher à un peu tout ça, même si le discours que j’entends le plus souvent (et que les pirates allemands défendent) est que ces codes sont de vieux codes qui ne sont plus pertinents.
(l’article est traduit ici : http://www.presseurop.eu/fr/content… )
Reste donc la question de la politique « de tous les jours », qu’il ne sera pas facile de hacker d’un coup, où il leur faudra faire des choix, voter pour ou contre sur des sujets qui n’ont qu’un lointain rapport avec internet, et donc prendre petit à petit des positions qui vont les « marquer », ou alors se placer dans une position d’opposants systématiques, qui les marquera aussi, pour le meilleur ou pour le pire.
L’exemple du mouvement écologiste depuis les années 70 est à ce sujet intéressant, à mon avis, et pas forcément très glorieux. Reste donc à espérer que les Pirates allemands trouvent la meilleure place, et que ce beau succès ne tourne pas à l’eau de boudin…
Épios Bettems
Aa : Pourquoi ne pourraient-ils pas voter blanc ?
Aa
@Epios Bettems : ils peuvent voter blanc, bien sûr. Ou voter contre. Mais je ne suis pas sûre que cela satisfasse leurs électeurs qui doivent attendre bien plus que ça d’eux. Ce score, ça sent l’espoir placé en eux par les électeurs…
vvillenave
Curieusement, la liesse autour du Parti Pirate allemand me rappelle le Parti Pirate d’Autriche, et notamment Florian Hufsky que j’ai eu l’occasion de connaître un peu.
Donc, juste ce petit mot pour rappeler que les Partis Pirates, ce sont aussi des gens et notamment des gens qui meurent : http://www.piratenpartei.at/florian…
Coach sportif
Ce score est peut-être le signe d’un réel changement, il reste toutefois encore du chemin…