Dans les souterrains de Paris des hackers veillent au patrimoine culturel

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Connaissiez-vous l’existence, l’histoire et les agissements de ce réseau clandestin parisien appelé Urban eXperiment ou UX  ? Peut-être bien que non et pour cause car ses membres cultivent à juste titre le secret et la discrétion[1].

Mais ils cultivent également autre chose qui les rapproche avant l’heure d’un activiste d’Anonymous, d’un développeur de logiciel libre ou d’un contributeur de Wikipédia.

Difficile de ne pas y voir une sorte de parabole de l’Internet actuel…

DavidPC - CC by-nc-sa

Dans les souterrains de Paris, des hackers veillent au patrimoine artistique

The French Hacker-Artist Underground

Jon Lackman – 20 janvier 2012 – Wired.com
(Traduction Framalang  : Slystone, Goofy, Antoine, kabaka, Cédric)

Il y a trente ans, au cœur de la nuit, un groupe de six adolescents parisiens réussissait ce qui allait se révéler être un vol fatidique. Ils s’étaient rencontrés dans un petit café près de la tour Eiffel pour réviser leurs plans une dernière fois avant de se mettre en chemin dans le noir. En soulevant une grille dans la rue, ils descendirent par une échelle dans un tunnel, un passage en béton ténébreux pourvu d’un câble qui se perdait dans l’inconnu. Ils suivirent le câble jusqu’à sa source, le sous-sol du ministère des télécommunications. Des barreaux horizontaux leur barraient le passage, mais les adolescents élancés réussirent tous à se glisser au travers et à grimper jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment. Là ils trouvèrent trois trousseaux de clés dans le bureau de la sécurité et un journal qui indiquait que les gardes étaient en train de faire leur ronde.

Mais les gardes n’étaient visibles nulle part. Les six intrus passèrent le bâtiment au peigne fin pendant des heures sans rencontrer qui que ce soit, jusqu’à trouver ce qu’ils recherchaient au fond d’un tiroir de bureau  : les plans du ministère pour le réseau de tunnels souterrains. Ils firent une copie de chaque document, puis ramenèrent les clés au bureau de la sécurité. En poussant péniblement la grande porte du ministère pour l’entrebâiller, ils risquèrent un œil dehors  : pas de police, pas de passant, pas de problème. Ils sortirent par l’Avenue de Ségur qui était déserte, et rentrèrent à pied alors que le soleil était en train de se lever. La mission avait été si facile qu’une des jeunes, Natacha, se demanda sérieusement si elle n’avait pas rêvé. Non, conclut-elle  : «  Dans un rêve, cela aurait été plus compliqué.  »

Cette entreprise furtive n’était pas un cambriolage ou un acte d’espionnage, mais plutôt une étape fondatrice pour ce qui allait devenir une association appelée UX, ou «  Urban eXperiment  ». UX s’apparente plus ou moins à un collectif d’artistes, mais loin d’être d’avant-garde et d’affronter le public en repoussant les limites de la nouveauté, ils sont eux-mêmes leur seul public. Plus surprenant encore, leur travail est généralement très conservateur, avec une dévotion immodérée pour l’ancien. Grâce à un travail méticuleux d’infiltration, les membres d’UX ont réussi des opérations audacieuses pour préserver et remettre en état le patrimoine culturel, avec comme philosophie de «  restaurer ces parties invisibles de notre patrimoine que le gouvernement a abandonnées ou n’a plus les moyens d’entretenir  ». Le groupe revendique avoir mené à bien 15 opérations de restauration secrète, souvent dans des quartiers vieux de plusieurs siècles partout dans Paris.

Ce qui a rendu la plupart de ce travail possible, c’est la maîtrise de UX (commencée il y a 30 ans et améliorée depuis) sur le réseau de passages souterrains de la ville, des centaines de kilomètres de réseaux interconnectés de télécom, d’électricité, de tunnels d’eau, d’égouts, de catacombes, de métros, et de carrières vieilles de plusieurs centaines d’années. À la manière des hackers qui piratent les réseaux numériques et prennent subrepticement le contrôle des serveurs, les membres d’UX se lancent dans des missions clandestines en parcourant les tunnels souterrains de Paris censés être interdits. Le groupe utilise couramment les tunnels pour accéder par exemple aux lieux de restauration, au cœur de bâtiments gouvernementaux inoccupés.

L’action la plus spectaculaire du groupe UX (du moins celle qu’on peut révéler aujourd’hui) a été effectuée en 2006. Une équipe a passé des mois à s’infiltrer dans le Panthéon, l’énorme bâtiment parisien qui offre une dernière demeure aux citoyens français les plus vénérés. Huit restaurateurs ont bâti leur atelier clandestin dans un débarras, ils y ont installé l’électricité et un accès Internet, ils l’ont aménagé avec des fauteuils, des tabourets, un réfrigérateur et une plaque chauffante. Au cours de l’année ils ont soigneusement restauré l’horloge du Panthéon, qui date du XIXe siècle et n’avait pas sonné depuis les années 1960. Les habitants du quartier ont dû être assez étonnés d’entendre retentir cette cloche pour la première fois depuis des décennies  : chaque heure, chaque demi-heure et même chaque quart d’heure.

Il y a huit ans, le gouvernement français ignorait jusqu’à l’existence du groupe UX. Quand ses exploits ont commencé à être diffusés dans la presse, ses membres furent alors considérés par certains comme de dangereux hors-la-loi, des voleurs, de possibles sources d’inspiration pour des terroristes. Il n’en demeure pas moins que certains représentants de l’institution ne peuvent cacher leur admiration. Parlez de UX à Sylvie Gautron par exemple, qui fait partie de la police parisienne — elle est spécialement chargée de la surveillance des carrières et catacombes — et elle fera un grand sourire. À une époque où les GPS sont omniprésents, où une cartographie ultra précise menace de dévoiler tous les mystères des grandes villes du monde, UX semble connaître, et en fait posséder une strate entière et invisible de Paris. Ils prétendent étendre leur emprise sur la ville toute entière, en surface et en sous-sol  ; leurs membres disent pouvoir accéder à chaque bâtiment administratif, chaque tunnel étroit pour les télécoms. Est-ce que Gautron le croit  ? «  C’est possible  », dit-elle. «  Tout ce qu’ils font est très intense.  »

Ce n’est en rien compliqué de voler un Picasso, me confie Lazar Kunstmann, un des premiers membres d’UX ainsi que son porte-parole officiel. Ce nom est presque certainement un pseudonyme d’après sa connotation de super-héros inférée par son sens germanique  : «  Art-man  ». Kunstmann a la quarantaine, est chauve, habillé tout en noir, et c’est une personne chaleureuse et spirituelle. Nous sommes assis dans l’arrière-salle d’un café fréquenté par les étudiants, occupés à boire des expressos et à discuter du vol spectaculaire de peintures commis au musée d’art moderne de la ville de Paris en mai 2010 pour une valeur de 100 millions d’euros. Il conteste l’affirmation d’un porte-parole de la police qui évoquait une opération sophistiquée. Selon un article paru dans le journal «  Le Monde  », une seule personne a dévissé le cadre d’une fenêtre à 3h30 du matin, scié un cadenas à une porte, et déambulé dans les galeries en emportant une œuvre de chacun de ces artistes  : Léger, Braque, Matisse, Modigliani et Picasso. «  Le voleur était parfaitement au courant  » dit l’officier au journal. S’il n’avait pas su que la fenêtre avait un détecteur de vibrations, il l’aurait juste cassée. S’il n’avait pas su que le système d’alarme ainsi que le système de sécurité étaient en partie hors-service, il ne serait pas promené dans tout le musée. S’il n’avait pas connu l’heure de chaque ronde de nuit, il ne serait pas arrivé au milieu de la plus longue période de calme.

Impressionnant, n’est-ce pas  ? Non, dit Kunstmann. «  Il a établi que rien ne fonctionnait  ». Kunstmann soupire, pleinement conscient de l’état lamentable de la sécurité du musée en question. Il poursuit  : «  à l’extérieur on voit plein de graffeurs, de sans-abris et de drogués  ». Cela aurait grandement aidé le voleur à se fondre dans la masse pour y regarder discrètement par les fenêtres, la nuit, comment les gardes circulaient.

Un voleur sérieux, selon Kunstmann, aurait adopté une approche complétement différente. Dans le même bâtiment, on trouve une vieille structure large et magnifique appelée le Palais de Tokyo, avec un restaurant qui reste ouvert jusqu’à minuit. Un voleur intelligent passerait commande pour un café là-bas, puis se promènerait à travers le bâtiment entier. «  Beaucoup de choses ont des alarmes  » continue Kunstmann. «  Mais vous essayez de les déclencher, et elles ne font pas de bruit  ! Pourquoi  ? Parce qu’elles ne sont pas activées avant 2h du matin  » (le musée prétend que les alarmes fonctionnent 24h/24). En outre, il y a des larges portions de mur où tout ce qui sépare le musée du reste du bâtiment est juste une mince cloison de placoplâtre. «  Vous avez juste à… » (Kunstmann mime un coup de poing avec sa main). «  Si le type avait vraiment été un professionnel, c’est ce qu’il aurait fait  ».

UX a fait une étude pratique de la sécurité des musées, en étant préoccupé par la vulnérabilité des trésors de Paris, un souci qui n’est pas toujours partagé par les plus grandes institutions culturelles de la ville. Un jour, alors qu’un membre de UX avait découvert des failles de sécurité désastreuses dans un grand musée, ils écrivirent une note en détaillant tout, et la laissèrent au milieu de la nuit sur le bureau du directeur de la sécurité. Au lieu de régler les problèmes, celui-ci se rendit directement à la police en portant plainte contre leurs auteurs (la police refusa, mais elle demanda toutefois à UX de se calmer un peu). Kunstmann pense être sûr que rien n’a changé depuis le cambriolage au Musée d’art moderne. La sécurité reste aussi superficielle que jamais nous dit-il.

Kunstmann a une vision assez peu réjouissante de la civilisation contemporaine, et à ses yeux cette affaire met en évidence beaucoup de ses défauts  : son fatalisme, sa complaisance, son ignorance, son étroitesse d’esprit, et sa négligence. Les autorités françaises, nous dit-il, se soucient de protéger et restaurer le patrimoine adoré par des millions de personnes (le Louvre par exemple). Mais d’autres sites moins connus sont négligés, et s’il apparaît qu’ils sont invisibles au public (souterrains par exemples), ils se désagrègent totalement, quand bien même leur restauration ne nécessiterait qu’une centaine d’euros. UX prend soin du vilain petit canard  : celui qui est étrange, mal-aimé, les objets oubliés de la civilisation française.

Il est difficile toutefois de prendre la mesure exacte de tous ces efforts et de tout cet amour. Le groupe cultive le secret, et ses succès connus ont été révélés seulement par inadvertance. Le public n’a pris connaissance de leur cinéma souterrain après qu’une ex-compagne d’un membre l’ait dénoncé à la police. Les journalistes ont eu vent de l’action au Panthéon parce que les membres d’UX ont commis l’erreur de croire qu’ils pouvaient inviter le directeur de l’institution à entretenir l’horloge qui venait d’être réparée (plus de détails à venir).

En général, l’UX voit la communication avec des personnes extérieures comme dangereuse et stérile. Kunstmann me raconte une histoire sur un de leurs récents projets, mais même celle-ci est entourée d’un voile de mystère. Plusieurs membres venaient d’infiltrer un bâtiment public quand ils ont aperçu des enfants qui jouaient sur les échafaudages de l’immeuble d’en face, qui passaient par les fenêtres et gesticulaient sur le toit. Prétendant être un voisin, un des membres a appelé le chef de chantier pour l’alerter mais a été déçu par sa réponse. Au lieu de dire, «  Merci, la prochaine fois je fermerai la fenêtre  », la personne a répondu  : «  Qu’est-ce que j’en ai à foutre  ?  »

Une personne extérieure pourrait se poser la question de savoir si les adolescents qui ont fondé UX étaient vraiment si différents de ces casse-cous que l’on voit dans la rue aujourd’hui. Renieraient-ils leur propre passé  ? Mais lorsque les membres de l’UX risquent de se faire arrêter, ils le font mais de manière rigoureuse, presque scientifique vis-à-vis des différentes œuvres qu’ils essaient de préserver et de développer. Ils essaient d’explorer et d’expérimenter un peu partout dans la ville. Selon les intérêts de chacun, l’UX a développé une structure cellulaire, avec des sous-groupes qui se spécialisent dans la cartographie, l’infiltration, la mise au point de tunnels, la maçonnerie, la communication interne, l’archivage, la restauration et la programmation culturelle. La centaine de membres originaux est libre de changer de rôle à tout moment et a accès à tous les outils dont dispose le groupe. Il n’y a pas de manifeste, pas de charte, pas de règles (excepté le fait que chaque membre doit garder le secret). Devenir membre se fait seulement par invitation  ; quand le groupe se rend compte que des personnes extérieures ont déjà des activités similaires à celles de l’UX, un échange se crée afin d’unir les forces. Même s’il n’y a pas de frais d’adhésion, les membres contribuent selon leurs ressources.

Je ne peux pas m’empêcher de demander  : est-ce que UX a volé les peintures du musée d’art moderne  ? Est-ce que ce ne serait pas la manière la plus efficace d’alerter les Français sur la façon lamentable dont le gouvernement protège les trésors nationaux  ? Kustmann répond avec un ton tranchant assez convaincant. «  Ce n’est pas notre style  », nous confie-t-il.

La première expérience d’UX, en septembre 1981, était accidentelle. Un collégien parisien nommé Andrei voulait impressionner deux camarades de classe plus âgés, en se vantant qu’avec son ami Peter ils se glissaient souvent dans certains endroits et qu’ils étaient sur le point de s’attaquer au Panthéon, une église énorme qui domine les toits du cinquième arrondissement de Paris. Andrei s’engagea si loin avec son pari que pour sauver la face il dut aller jusqu’au bout, avec ses nouveaux amis pour l’escorter. Ils se cachèrent dans le bâtiment jusqu’à sa fermeture. Leur occupation nocturne s’avéra être d’une aisance choquante, ils ne rencontrèrent aucun garde ni aucune alarme, et l’expérience leur donna de l’énergie. Ils pensèrent  : que pouvons-nous faire d’autre  ?

Kunstmann, un camarade de classe de Andrei et Pierre, rejoignit le groupe dès le début. Ils se mirent vite à autre chose que la simple infiltration. En récupérant les cartes des tunnels du ministère des télécommunications ainsi que d’autres sources, ils purent gagner beaucoup d’autres accès. Beaucoup de bâtiments parisiens se connectent à ces passages à travers leurs souterrains, qui sont aussi médiocrement sécurisés que les tunnels eux-mêmes. Dans leur grande majorité les autorités, me confie Kunstmann, agissent comme si elles croyaient en ce principe absurde  : l’accès aux tunnels est interdit, donc les gens n’y vont pas. Ceci, ajoute-t-il de manière sardonique, est une conclusion infaillible, mais aussi une conclusion très pratique, car si les gens n’y vont pas, alors il est inutile de faire plus que juste condamner les entrées.

Ce n’est pas avant d’être descendu moi-même dans les tunnels (ce qui est illégal et condamnable par une amende pouvant atteindre 60 euros, bien que peu d’explorateurs se fassent attraper), que je compris pourquoi les autorités françaises sont aussi complaisantes. Trouver une entrée qui ne soit pas obstruée me prit 45 minutes de marche depuis la station de métro la plus proche. UX a accès à des tunnels étroits et spacieux, mais le plus accessible que j’empruntais ce jour-là était petit et à moitié inondé. Le temps que je revienne sur mes pas, j’étais épuisé, sale, et contusionné de partout.

À certains endroits, UX a pu mettre en place des connexions abritées entre différents réseaux, en utilisant (parmi d’autres astuces), une invention qu’ils appellent le bassin roulant. C’est un passage au bas d’un tunnel qui apparaît être une grille avec de l’eau en dessous. En fait cette grille et cette eau font partie d’un plateau se déplaçant sur des rouleaux. Et voilà, une porte d’accès vers un autre tunnel d’un réseau différent  ! Kunstmann me dit que UX a un certain penchant pour de tels outils, mais ils n’auront jamais assez de temps et d’argent pour les construire de manière aussi complète qu’ils le souhaiteraient. «  Si demain tout le monde dans UX devenait milliardaire, nous fixerions la cotisation à un milliard d’euros  » rigole t-il (mais il ajoute qu’ils ne seront jamais milliardaires, car ils travaillent aussi peu que possible pour passer autant de temps que possible sur UX).

Donc que fait ce groupe avec tous ces accès  ? Entre autres choses, ils ont monté de nombreuses scènes de théâtre clandestins et des festivals de films. Un été, le groupe a monté un festival de films consacré au thème des déserts urbains, les espaces oubliés et sous-utilisés dans les villes. Lieu idéal pour ce faire, ils choisirent une pièce située en dessous du Palais de Chaillot qu’ils connaissaient depuis longtemps et dont ils jouissaient de l’accès illimité. Le bâtiment était alors la résidence de la fameuse Cinémathèque française de Paris  ! Ils installèrent un bar, une salle à manger, un ensemble de salons, et une petite salle de cinéma qui pouvait accueillir 20 spectateurs, et ils animèrent des festivals là-bas tous les étés pendant des années. «  Chaque cinéma de quartier devrait ressembler à cela  » me dit Kunstmann.

La restauration de l’horloge du Panthéon fut effectuée par un sous-groupe d’UX appelé Untergunther, dont les membres avaient tous une spécialité en restauration. Le Panthéon n’a pas été un choix anodin puisque que c’est là que UX avait commencé, et que le groupe y avait subrepticement projeté des films, exposé des œuvres d’art, et monté des pièces de théâtre. Au cours d’un de ces événements en 2005, le cofondateur d’UX, Jean-Baptiste Viot (l’un des seuls membres qui utilise son vrai nom) étudia de près l’horloge du bâtiment, une horloge Wagner hors d’état de marche, un chef-d’œuvre d’ingénierie du XIXe siècle qui remplaçait un système précédent (les archives indiquent que l’église possédait déjà une horloge en 1790).

Viot avait admiré ce travail de Wagner dès la première fois qu’il avait visité le bâtiment. Il était entre-temps devenu horloger professionnel travaillant pour la prestigieuse marque Breguet. En ce mois de septembre, Viot avait persuadé sept autres membres d’UX de le rejoindre pour réparer l’horloge. Ils avaient envisagé ce projet pendant des années, mais il y avait désormais urgence. L’oxydation avait abîmé les rouages à un tel point qu’il serait vite devenu impossible de les réparer sans devoir remplacer chaque pièce. «  Cela n’eut plus été alors une horloge remise en état, mais un fac-similé  » précise Kunstmann. Quand le projet se mit en branle, il prit une dimension presque mystique pour l’équipe. Paris tel qu’ils le voyaient était au centre de la France, et avait été une fois au centre de la civilisation. Le Quartier latin était le centre intellectuel de Paris. Le Panthéon se situe au milieu du Quartier latin et est consacré aux grands hommes de l’histoire française. Et à l’intérieur se trouve une horloge qui battait comme un cœur, jusqu’à ce que le silence s’installe. Untergunther voulait refaire vivre le cœur du monde. Les huit personnes consacrèrent tout leur temps libre à ce projet.

Ils commencèrent par installer un atelier tout en haut du bâtiment, juste sous le dôme, à un endroit où personne (y compris les gardes) ne venait plus (Kunstmann décrit la pièce comme «  une sorte d’espace flottant  » ponctué ici et là par des fentes étroites pour les fenêtres. «  On pouvait regarder en bas sur tout Paris, d’une hauteur d’une quinzaine d’étages. De l’extérieur il ressemblait à une espèce de soucoupe volante, de l’intérieur à un bunker. L’atelier était équipé avec des fauteuils rembourrés, une table, des étagères, un mini bar, et des rideaux rouges pour tempérer la chaleur ambiante. Chaque élément avait été conçu pour pouvoir se glisser dans des caisses en bois, comme celles que l’on voit à travers tout le bâtiment  » nous confie Kunstmann. Au cœur de la nuit, ils avaient monté des escaliers sans fin, en hissant du bois, des forets, des scies, du matériel de réparation, et tout ce dont ils avaient besoin. Ils améliorèrent l’équipement électrique qui laissait à désirer pour l’atelier. Ils dépensèrent ainsi en tout 4 000 euros de matériel tirés de leurs propres deniers. Sur la terrasse dehors ils plantèrent un potager.

Tout comme au musée d’Art moderne, où un voleur s’était enfui avec des œuvres valant plusieurs millions d’euros, la sécurité au Panthéon était médiocre. «  personne, que ce soit la police ou les passants, ne s’inquiétait de voir des gens entrer et sortir du Panthéon par la grande porte  » me dit Kunstmann. Néanmoins, les huit membres s’équipèrent de badges ressemblant à ceux des officiels. Chacun avait une photographie, une puce, un hologramme du monument, et un code barre qui était «  totalement inutile mais impressionnant  » me confie Kunstmann. Les policiers de passage ne posaient que très rarement des questions. Dans les cas extrêmes, cela se passait ainsi  :

— «  Vous travaillez de nuit  ? On peut voir vos badges  ?  »

— «  Les voici.  »

— «  Ok, merci.  »

Une fois que l’atelier fut prêt et nettoyé à fond, l’équipe des huit se mit au travail. La première étape fut de comprendre comment et pourquoi l’horloge s’était autant dégradée («  une sorte d’autopsie  » selon Kunstmann). Ce qu’ils découvrirent ressemblait à du sabotage. Il apparut que quelqu’un, probablement un employé du Panthéon fatigué de remonter l’horloge une fois par semaine, avait donné un coup sur la roue d’échappement avec ce qui s’apparentait à une barre de fer.

Ils apportèrent les rouages de l’horloge à l’atelier et Viot forma le groupe dédié à la réparation. Tout d’abord ils les nettoyèrent avec ce qu’on appelle le bain de l’horloger. Cela commença avec 3 litres d’eau transportés depuis les toilettes publiques du rez-de-chaussée. À cela furent ajoutés 500 grammes de savon doux et soluble, 25 centilitres d’ammoniac, et une cuillère à café d’acide oxalique (le tout mélangé à une température de plus de 135 degrés). Avec cette solution, l’équipe récura et polit chaque surface. Puis ils réparèrent la vitrine qui abrite le mécanisme, remplacèrent les poulies cassées et les courroies, et recréèrent à partir de zéro la roue d’échappement qui avait été sabotée (une roue dentée qui assure la rotation de l’horloge), ainsi que des pièces manquantes telles que le poids de la pendule.

Dès que ce fut fini, à la fin de l’été 2006, UX communiqua au Panthéon le succès de l’opération. Ils se disaient que l’administration serait contente de s’attribuer le mérite de la restauration, et que l’équipe prendrait le relais pour entretenir l’horloge. Ils informèrent son directeur par téléphone, et proposèrent de donner plus de détails sur place. Quatre d’entre eux s’y rendirent, deux hommes et deux femmes, dont Kunstmann lui-même, et le chef du groupe, une femme dans la quarantaine qui est photographe. Ils furent surpris de constater qu’il refusait de croire à leur histoire. Mais il fut passablement ébranlé lorsqu’ils décidèrent de lui montrer l’atelier («  je crois que j’ai besoin de m’asseoir  » murmura-t-il). L’administration décida plus tard de poursuivre UX en justice, en allant même jusqu’à demander un an d’emprisonnement et une amende de 48 300 euros de dédommagement. Le directeur adjoint de cette époque, qui est maintenant le directeur du Panthéon, alla jusqu’à employer un horloger professionnel pour reconditionner l’horloge dans son état originel en la sabotant de nouveau. Mais l’horloger refusa de faire plus que d’enlever une pièce, la roue d’échappement, la partie même qui avait été sabotée la première fois. UX s’infiltra peu de temps après pour reprendre la roue en leur possession, afin de la mettre en lieu sûr, dans l’espoir qu’un jour une administration plus éclairée saluerait son retour.

Dans l’intervalle, le gouvernement perdit son procès. Il y en eut un autre, perdu également. Il n’y a pas de loi en France, apparemment, contre l’amélioration des horloges. Au tribunal, un juge qualifia les charges de son propre gouvernement contre Untergunther de «  stupides  ». Mais l’horloge est toujours à l’arrêt aujourd’hui, ses aiguilles sont restées suspendues à 10h51.

Les membres d’UX ne sont pas rebelles, ni des agents subversifs, des guérilleros ou des combattants de la liberté, et encore moins des terroristes. Ils n’ont pas réparé l’horloge pour faire honte à l’état, et ne font pas le rêve insensé de le renverser. Tout ce qu’ils font n’a comme but que leur propre plaisir dans l’action. En fait, s’ils peuvent être accusés d’une chose, c’est de narcissisme. Le groupe est en partie responsable du fait qu’ils soient mal compris. Les membres reconnaissent que la majorité de leurs communications extérieures ont pour objectif de générer de fausses pistes, c’est une manière de dissuader les autorités publiques ou d’autres personnes de se mêler de leurs actions. Ils essaient de se fondre dans la plus grande masse possible de Parisiens qui s’aventurent dans les recoins de la ville en tant que fêtards ou touristes.

Pourquoi se préoccupent-ils de ces lieux  ? Kunstmann répond à cette question avec ses propres questions. «  Avez-vous des plantes dans votre logement  ?  » demande-t-il avec impatience. Les arrosez-vous tous les jours  ? Pourquoi les arroser  ? Parce que sinon ce sont de petites choses moches et mortes  ». C’est pour ça que ces icônes culturelles oubliées sont importantes — parce que nous y avons accès, nous les voyons  ». Leur but, dit-il, n’est pas forcément de les faire fonctionner encore une fois. «  Si nous restaurons un abri antiaérien, nous n’espérerons certainement pas un nouveau bombardement pour que les gens puissent encore venir l’utiliser. Si nous restaurons une station de métro du début du XXe siècle, nous n’imaginons pas qu’Électricité de France nous demandera de transformer du 200 000 volts en 20 000. Non, nous voulons juste nous approcher le plus possible de son état de fonctionnement.  »

UX a une raison simple de garder les sites secrets même après avoir fini de les restaurer  : le même anonymat qui les a initialement privés de restauration… «  c’est paradoxalement ce qui va finalement les protéger  » des pilleurs, des graffitis, dit Kunstmann. Ils savent qu’ils n’auront jamais accès à la grande majorité des sites intéressants qui ont besoin de restauration. Pourtant, «  malgré tout ça, savoir que certains d’entre eux, peut-être une infime partie, ne disparaîtront pas car nous avons été capables de les restaurer est une immense satisfaction  ».

Je lui ai demandé de me donner des détails sur les choix de leurs projets. «  On ne peut dire que très peu de choses  », a-t-il répondu, «  car en décrivant ne serait-ce qu’un peu les sites, cela peut aider à les localiser  ». Il a bien voulu cependant me parler d’un site est en sous-sol, au sud de Paris, pas très loin d’ici qui a été découvert assez récemment mais suscite un grand intérêt. Il contredit entièrement l’histoire du bâtiment au-dessus. En examinant son sous-sol, on remarque qu’il ne correspond pas aux informations que l’on peut avoir sur l’histoire du site. C’est de l’histoire en sens inverse, en quelque sorte.

En marchant seul à travers le Quartier latin par une douce soirée, j’essayais de deviner l’endroit que Kunstmann décrivait, et la ville se transformait devant mes yeux et sous mes pieds. Est-ce qu’autrefois les faussaires ont opéré à partir des sous-sols de la Monnaie de Paris  ? Est-ce que l’église du Saint-Sulpice est construite sur un temple païen souterrain  ? C’est tout Paris qui d’un coup se remplit de possibles  : chaque trou de serrure est un judas, chaque tunnel un passage, chaque bâtiment sombre un théâtre.

Mais comme on se souvient d’un premier amour le Panthéon aura toujours une place à part pour UX. Alors que notre reportage se terminait, une collègue eut besoin de joindre Kunstmann pour avoir des précisions. Kunstmann lui avait dit de l’appeler à «  n’importe quelle heure  » sur son portable alors même qu’il était 1 heure du matin à Paris. Elle appela. Quand il décrocha le téléphone, il était essoufflé (en raison du déplacement d’un canapé dit-il). Elle lui posa sa question  : quand l’horloge a cessé de sonner après la réparation, quelle heure est restée figée sur son cadran  ? «  Ne quittez pas, je regarde  » a-t-il répondu.

Jon Lackman (jonlackman.com) est journaliste et historien de l’art.

Notes

[1] Crédit photo  : DavidPC (Creative Commons By-Nc-Sa)

83 Responses

  1. Anaons

    Wooow ! ça met du baume au coeur, une telle histoire…

    Ce qui me surprendra toujours, c’est la capacité qu’a l’administration à toujours faire l’inverse de ce que le bon sens suggère sortie ariège… trainer UX en justice alors qu’ils ont restauré à leur frais une horloge qui avait été laissée à l’abandon ?! pour moi, ça mériterait plutôt des remerciements en grande pompe et une remise des clés de la ville pour service rendus à la république…

    quel monde bizarre… en tout cas j’applaudis cette belle initiative et ce travail formidable!

  2. guiliguili

    Bonjour,

    Fabuleux article décrivant un groupe d’humains incroyables.
    La lecture de leurs déboires m’apparaît malheureusement très représentative de notre environnement : l’individualisme.
    L’esprit contraire anime les membres d’UX.
    Longue vie à eux.

    guiliguili

    PS : étonnant que ce soit Wired qui enquête sur UX ; merci à Framablog (comme d’habitude) pour la traduction.

  3. Twohandsprod

    Cet article m’a fait rêvé merci beaucoup ! Je vais chercher plus de renseignements sur UX car je trouve leur projet fou et vraiment ambitieux .

  4. Tollk

    Vraiment incroyable cet article !
    Mais apparemment, ils sont déjà assez connus. En fouillant un peu, j’ai trouvé cette revue de presse sur eux ; http://www.ugwk.eu
    On peut y lire plusieurs articles en français et en anglais, et surtout y voir la bande annonce d’un film qui s’appelle « Panthéon, mode d’emploi » !… rien que le titre, je brule d’impatience de voir ça !

  5. Julien

    Histoire assez intéressante, d’ailleurs on pourra faire une comparaison : L’ux répare un patrimoine et se fait attaquer en justice comme remerciement, certains piratent cherchent des failles et les indiques aux gérants pour au final se faire eux aussi attaquer en justice.

    La morale de cette histoire, c’est que même si on veut rendre service à des idiots qui ne foutent rien … ses idiots attaquent en justice, alors qu’ils devraient dire « Merci ».

    C’est l’ironie de ce monde …

  6. Anna_Coluthe

    Merci pour cet article fantastique, qu’on lit comme une nouvelle. C’est plein de poésie et ça donne un peu foi en nos semblables.

    Merci aussi aux invisibles qui réenchantent un peu le monde.

  7. Jérémy

    Cet article est superbe, il m’a transporté ! Très bien écrit, il m’a fait découvrir une histoire fascinante sur des gens qui méritent énormément de considération.
    Dommage pour des gens comme eux de se frotter à la stupidité de l’administration française…

  8. hk__

    Le problème, c’est que ces gens restaurent des parties cachées du patrimoine non pas par altruisme, mais pour eux, i.e. il n’y a absolument aucune volonté de montrer ces parties cachées au public, à quelqu’un d’extérieur à leur mouvement. Ça n’a donc rien à voir avec un développeur de logiciel libre ou un contributeur à Wikipedia. Kunstmann a écrit un bouquin sur l’UX, où il explique sa vision du monde qui est en gros divisé en 3 groupes: l’administration idiote, les gens « normaux » ignares, et l’UX, un groupe de personnes forcément très intelligentes et supérieures aux gens normaux qui de toute façon ne comprendront jamais rien à l’Art (et on essayera jamais de leur expliquer).

  9. AdrienD

    Super article !
    Pour aller plus loin, j’ai trouvé ce bouquin écrit par un membre des UX :
    Lazar Kunstmann, La Culture en clandestins.

  10. Anonymous

    @Julien :

    Après on entre dans l’éternelle guéguerre « full disclosure » vs « sécurité par l’obscurité ». Celle qui fait qu’il est paradoxalement moins risqué de choisir le camp des « black hat » que celui des « white hat »…

  11. TiRAVuTuRAViDéVi

    c’est tous simplement très chouette et très gentil, il y a longtemps que je n’avais eu envie de tirer mon chapeau aussi bas. Merci les UX.

  12. gerard

    Article trop long. On est sur le web là.

  13. choumac34

    Cet article m’a transporté et éveille en moi l’envie d’ajouter ma pierre à l’édifice.
    En tous cas, chapeau bas messieurs.

  14. Mafuba

    Cet article m’a permis de voir Paris sous un autre angle. Ça me donne de nouveau envie d’aller visiter et de faire attention à ces détails. Merci UX.

  15. rouage

    Superbe article ! (n’en déplaise à gérard)

  16. FX

    Article magnifique, jamais je n’aurai pensé qu’un tel travail clandestin avait lieu à deux pas de ma fac à l’époque. C’est une super démarche d’aller au delà de la simple découverte des lieux. j’ai toujours aimé la démarche de l’Urbex, mais reste limité à Paris à un bref parcours sur la petite ceinture… là c’est du lourd, à suivre !

  17. khemas

    Fantastique article. J’en ai les larmes aux yeux.

  18. cocodu54i

    je dis un grand BRAVO a ses gars et ses filles

  19. Tim

    Gerard a dit : « Article trop long. On est sur le web là. »

    Alors lis cet article en plusieurs fois. Trois lignes lundi, trois lignes mardi etc.
    Marrant en tout cas de commenter pour dire un truc aussi idiot.

  20. adamsky

    Article vraiment intéressant mais à prendre avec du recul quand même, si je puis me permettre.

    D’abord, personnellement, je ne sais pas si, effectivement une partie du patrimoine culturel français est laissé à l’abandon par l’état français, comme il est dit dans l’article par un des membres de l’Ux. Il y a un côté partisan lié au fait qu’on interviewe seulement ceux qu’on présente comme des sortes de justiciers d’un Paris fantasmé par les Américains qui se rapproche de l’univers dépeint dans le dernier Scorsese, Hugo Cabret. Un Paris mystérieux, plein de passages secrets, de grandes bâtisses de pierres silencieuses, où se déplacent silencieusement des Fantomas, des Belphégors et des fantômes de l’opéra, tout ça noyé dans la vapeur de machines pleines de rouages d’horlogeries complexes.

    Que l’administration toujours présentée comme butée et rétrograde amène devant les tribunaux ceux qui s’introduisent sans permission dans des lieux fermées et interviennent sur des parties du patrimoine sans autorisation n’est en rien surprenant. Si quelqu’un vient chez vous pour faire le ménage pendant votre absence ou pendant votre sommeil sans votre permission, votre première réaction ne va pas être de lui dire merci mais d’être inquiet et de porter plainte.

    Les gens de l’Ux agissent de leur propre chef selon des valeurs qui leur sont propres, et s’étonnent qu’on ne leur dise pas merci. C’est un peu immature comme comportement. Qu’ils prennent sur eux de s’introduire et de restaurer ne me gène pas, mais qu’ils veuillent le faire savoir et se plaignent d’être incompris démontre que leurs intentions ne sont pas claires.

    Quant à Wired, le magazine américain dont est issu l’article, c’est du pain bénit pour eux. D’une part le Paris que j’ai décrit plus haut est ancré dans leur imaginaire, ensuite tout ce qui permet de tirer à vue sur l’état et l’administration, et de présenter de simples citoyens, hackers de surcroit, comme des sortes de justiciers, est le fond de commerce de ce medium à la ligne éditoriale plutôt libérale.

    Je vais voir si je trouve le bouquin de Lazar Kuntzmann histoire d’en apprendre un peu plus sur l’Ux.

  21. Dag

    Magnifique. Que ce soit l’article ou le travail de UX.
    Aujourd’hui, dans un monde ultra médiatisé, la majorité des belles actions se font malheureusement dans l’ombre. Merci à tous ces anonymes ! (si au moins la moitié de cette « histoire » existe telle qu’elle est présentée, comme l’explique Adamsky)

  22. messire

    Cet article redonne foi en l’humanité. Même s’ils bossent pour leur propre « kiff », leur travaille n’en est pas moins remarquable. Leur action pourrait être d’intérêt public s’ils ne s’attardaient pas à alerter l’autorité concernée. L’horloge du panthéon tournerait encore s’ils avaient simplement réparés les rouages et remis en état de marche ni vu ni connu. Le responsable du bâtiment n’y aurait vu que du feu…J’ai énormément de temps à consacrer à L’UX, si ça intéresse…

  23. Juda Nanas

    Oui…. mais, point trop n’en faut! à partir de quelques fait isolés, certes louables comme la restauration de cette pendule, ce lazart, mythomane de renom bâtit une légende urbaine, l’UX (portant d’autre noms comme la mexicaine de perforation, les unthergunther etc. ) dont la seule réalité est la manipulation de journalistes crédules en mal de scoop.

  24. Ginko

    Effectivement, le parallèle avec les chercheurs de failles dans les systèmes informatiques est troublant (et le cas classique : on vous indique gentiment un problème dans votre système, comment le réparer / l’entretenir, vous nous collez un procès…).

    De vrais White hat « IRL ».

    @adamsky, il n’y a pas à douter de la stupidité de la réaction d’un système administratif. Vous ne vous êtes donc jamais frotté à une administration ??? (Ou alors c’est que vous faites justement partie d’un tel organisme… et que vous n’avez pas le courage de reconnaitre qu’un système administratif réagit par nature de façon bête et défensive à tout imprévu).

    De plus, je ne pense pas qu’ils s’étonnent vraiment qu’on ne leur dise pas merci. Ils besognent dans l’ombre sans rien demander à personne. Non, je pense qu’ils s’étonnent de se faire coller un procès au cul, après avoir vu leur travail défait, contre tout bon sens.

    Un être humain sain d’esprit aurait au pire laissé passé sans rien dire. (La solution qui coute le moins cher à lui et à son administration.) Un être broyé par le système au point de vouloir se dégager de tout risque d’engager sa responsabilité en remettant KO l’horloge et en collant un procès à UX est-il encore pleinement « humain » ? Ou n’est-il plus qu’un rouage stupide dans une grande machine sans âme ?

  25. Nox

    Je viens de lire cet article et je trouve qu’il s’agit d’un des plus intéressants que j’ai pu lire dans ma vie. Leurs projets m’ont touchés et m’ont fait réaliser que je n’étais pas seul à penser que le patrimoine devait être sauvé. Leur travail, et l’article, est formidable et j’espère qu’ils continueront encore pour de longues années et trouveront des héritiers pour reprendre le flambeau quand ils ne pourront plus. Bravo à UX et à Jon Lackman pour un papier touchant et intéressant sur un groupe trop peu connu.

  26. K.

    Quand on a un marteau dans les mains, on ne voit plus que des clous autour de soi…

    Rabattre les activités de l’UX sur le monde du hacking démontre deux choses :
    1) Les hackers (ou les wanabees) voient le monde par le petit bout de la lorgnette (et la pratique assidue des « formes de pensée » algorithmiques en est certainement l’explication)
    2) La pauvreté du hacking en terme d’activité intellectuelle donne un goût d’aventure au premier engagement concret venu.

  27. K.

    Par ailleurs, mettre un grand coup de barre à mine dans une horloge me semble être un geste plein de bon sens : ce n’est pas parce que c’est vieux et/ou ingénieux qu’un dispositif technique mérite d’être brandi comme un fétiche.

  28. Ginko

    @K.

    Oui, c’est vrai, il faut détruire tout de suite tout ce qui n’est pas neuf et à la pointe de la technologie. Réparer et entretenir est le Mal absolu. Gloire au consumérisme \o/.

    Non mais vous n’allez pas bien ???

    Question, est-ce que vous pensez vraiment savoir de quoi vous parlez ? Rien que la définition de DIY ou d’un CTF ?

    Dans tous les cas, vous me semblez posséder toute la fermeture d’esprit requise pour ne pas être un hacker.

  29. Tychus

    Super article pour une super initiative! Je suis époustouflé et admiratif face à l’action de ce collectif. Une très grande leçon d’art et de vie. Bravo! 🙂

  30. adamsky

    @Ginko : Vous me demandez si je me suis déjà frotté à l’administration avec un grand A. Etant citoyen français, je vous répondrais, comme tout le monde en France qui n’est pas un rentier. Ca va de la Poste, en passant par EDF, en continuant par Pôle Emploi, la Police, l’administration fiscale, l’éducation nationale, etc, etc…

    Je puis, comme tous les citoyens français constater les disfonctionnements, le corporatisme, la rétention d’information, le jusqu’au boutisme et la bêtise récurrente dont font preuves nos adminitstrations chaque jour. J’ai plus de 40 ans, j’ai donc un certain passif avec ces entités qui régissent nos vies. Est-ce que pour autant ça justifie que chacun puisse faire ce qu’il veut comme il veut sous prétexte que nos administrations et nos institutions sont perfectibles voir défaillantes ?

    Partez-vous du principe que c’est un état naturel et non des causes qui font que nos adminstrations sont pénibles ? Etes-vous un de ces anti-services publics primaires qui ont fleuri à tout vents durant ces 10 dernières années et plus particulièrement ces 5 dernières ?

    Pour ma part, je ne suis pas pour que chacun s’arroge le droit de faire ce qu’il veut quand bon lui semble sous prétexte de bon sens. Le bon sens ça varie d’un individu à l’autre, c’est lié à une échelle de valeurs personnelles. Je me méfie des gens qui revendiquent le fait de faire le bien de leur propre initiative en dehors de tout cadre légal.

    Ma critique face à la lecture agréable de cet article n’est pas directement liée au fait que l’Ux est présentée comme un groupe de Robin des bois de la restauration du patrimoine, mais qu’il n’y ait pas plus d’enquête sur le sujet que ça. Et comme je sais un peu ce que contient Wired, compte tenu de la ligne éditoriale de ce magazine pour Geeks CSP+, qui milite pour une technologie qui va régler tous les travers de nos sociétés, je dis juste que c’est un défaut bien français que de prendre partie contre l’Administration et les fonctionnaires dés que l’occasion se présente.

    Je ne dis pas que le ministère de la culture ne soit pas déficient, 10 ans de Droite n’ont certainement pas arrangé ses finances et ses missions, mais de là à partir du principe que l’administration est par défaut de la merde et que les citoyens devraient prendre l’initiative de tout régler par eux-mêmes il y a un pas que je veux bien franchir si on en débât dans l’espace public et qu’on respecte les lois.

    Je ne dis pas que les membres de Ux ont tort, je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes avec la restauration du patrimoine en France; je connais un peu le sujet de l’archéologie préventive et je sais comment se positionne l’état et les collectivités territoriales face au patrimoine en général, et comment notre Histoire perd régulièrement des morceaux entiers dans l’indifférence générale, pour le bien des profits électoraux des barons locaux et des promoteurs du béton.

    Je dis juste que cet article est orienté, non documenté, qu’il commente une décision de justice en terme de Bien et de Mal, qu’il ne donne la parole qu’à quelqu’un dont on ne sait rien, si ce n’est un pseudo, dans un seul but au final, dire que comme l’administration ne joue pas son rôle alors il est bien de trouver normal que des citoyens remplacent cette administration.

    Nous sommes dans une démocratie républicaine. Tout doit se passer dans l’espace public sous forme de débats, donner lieu à des lois votées par les réprésentants du peuple, donc le peuple, s’appliquant à tous. Bien sûr vous pouvez ne pas être d’accord avec mon point de vue.

    Si désobéissance civile il doit y avoir, ce doit être pour des raisons autrement plus graves qu’une horloge qui ne fonctionne plus et pour le bien public, pas juste pour restaurer un patrimoine qui ne bénéficie à personne d’autre qu’à celui qui restaure. C’est cette démarche que je n’apprécie pas dans ce que fait l’Ux, en tous cas telle qu’elle est présenté dans l’article.

    Maintenant, chacun fait ce qu’il veut, entre dans les musées au mépris de la loi, restaure des horloges sur son temps libre et ses deniers personnels, ce n’est pas plus mon problème que ça, mon intervention est relative à l’article, sa formes, et l’idéologie qu’il véhicule, rien d’autre.

  31. Ginko

    @adamsky,

    >Partez-vous du principe que c’est un état naturel et non des causes qui font que nos adminstrations sont pénibles ?

    En effet, je pense que la structure même d’une organisation administrative entraîne des problèmes de prise de responsabilité et de circulation de l’information de nombreux ordres dont sont issus les dysfonctionnements, le corporatisme, la rétention d’information, le jusqu’au boutisme et la bêtise récurrente.

    >Etes-vous un de ces anti-services publics primaires qui ont fleuri à tout vents durant ces 10 dernières années et plus particulièrement ces 5 dernières ?

    Non. Il existe des moyens d’améliorer une organisation administrative.

    >Est-ce que pour autant ça justifie que chacun puisse faire ce qu’il veut comme il veut sous prétexte que nos administrations et nos institutions sont perfectibles voir défaillantes ?

    Oui, je trouve que l’activisme constitue une expression politique tout à fait valable tant qu’il est pratiqué de façon éthique et moral (inutile de me demander des préciser ces deux derniers termes, nous y passerions des jours).

    >Si désobéissance civile il doit y avoir, ce doit être pour des raisons autrement plus graves qu’une horloge qui ne fonctionne plus et pour le bien public, pas juste pour restaurer un patrimoine qui ne bénéficie à personne d’autre qu’à celui qui restaure.

    Je ne comprends pas. Alors on ne pourrait désobéir que sous un prétexte « suffisamment important » ? Je trouve cela stupide. Ca signifie que je ne devrais pas traverser à 10m d’un passage piétons dans une petite rue en cul-de-sac, mais par contre, sur une autoroute, à 70km du passage piétons le plus proche, ce serait valable ?

    >Maintenant, chacun fait ce qu’il veut, entre dans les musées au mépris de la loi, restaure des horloges sur son temps libre et ses deniers personnels, ce n’est pas plus mon problème que ça, mon intervention est relative à l’article, sa formes, et l’idéologie qu’il véhicule, rien d’autre.

    Que cette histoire soit reprise par Wired à son compte pour véhiculer une idéologie, c’est fort possible. Qu’il ne soit pas sourcé, c’est certain (en même temps, il s’agit d’un témoignage journalistique sur une organisation secrète, non ?). Mais au fond, le problème n’est-il pas que vous n’adhérez pas à cette idéologie ?

  32. Marion

    @ adamsky « ce doit être pour des raisons autrement plus graves qu’une horloge qui ne fonctionne plus et pour le bien public, pas juste pour restaurer un patrimoine qui ne bénéficie à personne d’autre qu’à celui qui restaure. » Donc la culture on s’en tape et on la laisse se casser la gueule puisque ce n’est pas dans l’intérêt public? Belle image…

  33. adamsky

    @ Ginko : « Mais au fond, le problème n’est-il pas que vous n’adhérez pas à cette idéologie ? »

    Celle véhiculée par Wired ? Non, effectivement. Je pense que l’Etat est une chose importante, l’Etat c’est nous, et je suis d’accord avec vous, on peut nettement améliorer le fonctionnement des administrations et des institutions, pas en les transformant en entreprises comme sous Sarko, mais en permettant au peuple de se les ré-approprier. Pour ça, je suis pour un changement de constitution et un régime parlementaire. Mais c’est un vaste débat qui n’a pas sa place ici.

    Je suis d’accord avec vous quand vous écrivez : « Oui, je trouve que l’activisme constitue une expression politique tout à fait valable tant qu’il est pratiqué de façon éthique et moral « 

    Le problème est bien la définition de l’éthique et de la morale. Vous ne voulez pas vous lancer dans ce débât et je suis d’accord avec vous, nous risquerions de nous égarer par rapport à l’article et ce système de commentaires ne s’y prête pas bien. Disons, que pour moi, l’activisme doit se faire au grand jour et les objectifs posés d’entrée de jeu. Il me semble que nous sommes en démocratie même si les 5 dernières années l’ont bien mise à mal. Il me semble donc que Ux pourrait mener des actions au grand jour pour militer pour la ré-appropriation du patrimoine national par les citoyens, un droit de regard sur les budgets alloués par le ministère de la culture, et la politique de conservation du patrimoine au niveau des collectivités territoriales. Au moins, ça aurait le mérite de mener le débât dans l’espace public, de permettre à tout un chacun de s’en emparer et les retombées seraient collectives. Là, on a des personnes qui font des trucs dans leur coins pour elles-seules. En tous cas c’est ce que laisse supposer l’article. Peut-être la réalité est-elle différente. Donc, ce n’est plus de l’activisme mais de la désobéissance civile, c’est différent.

    @Marion : »Donc la culture on s’en tape et on la laisse se casser la gueule puisque ce n’est pas dans l’intérêt public? Belle image… »

    Je ne vois pas bien pourquoi vous déduisez cela de ce que j’écris. La culture on ne s’en tape pas comme vous dîtes. La culture est un bien public, ça regarde tout le monde. Ce n’est pas pour autant que n’importe qui a le droit de décider d’agir en dehors des lois en entrant dans des endroits fermés, même mal. Ma voisine a une freebox « protégée » avec une clé Wep, est-ce que pour autant, j’ai le droit d’aller la craquer et d’utiliser sa connexion pour faire de l’activisme même de façon éthique et morale ? Je ne crois pas.

    Ce qui me gène dans cet article c’est qu’on dépeint des hors-la-loi comme des gens biens et l’Etat comme un truc poussif qui ne sert à rien puisqu’il fait mal les choses. Mais selon qui ? Selon quelle enquête, où sont les arguments ? Hors, encore une fois, on ne sait rien des détails de ce qui est relaté dans l’article. Cet article de par sa forme est totalement romanesque et nous fait le portrait d’une organisation plus ou moins secrète dont le combat serait noble.

    Quand certains font le parallèle avec des White hat, ils se trompent. L’Ux ne se contente pas de signaler qu’un truc ne va pas dans la sécurité des lieux qui sont sensés protéger le patrimoine national, L’Ux s’introduit dans ces lieux, y change des choses. Un White hat signale un problème de sécurité mais ne s’introduit pas dans le système et surtout ne se permet pas de changer quoi que ce soit dans le code.

  34. Nexous

    Que l’on vende toutes ces œuvres qui ne servent a rien et a personne et ce servir des millions gagnés dans des choses utiles … Santé ? Logement ?

  35. Sébastien C.

    Bonsoir à tous,

    J’ai travaillé chez plusieurs employeurs pendant des années pour les « Monuments Historiques » et donc baigné dans ce milieu, rencontrant de manière très proche autant des tailleurs de pierre que des maîtres verriers alors que mon propre domaine tourne plus particulièrement autour de la facture instrumentale. Au cours des vingt dernières années, l’Administration est devenue de plus en plus ubuesque et, à force de manque de crédit, a finit par se transformer en une immense machine propre à se nourrir elle-même, beaucoup plus qu’à servir le but qu’elle prône : celui de « service ». En tant qu’artisan restaurateur qui revendique (quand même) avoir, dans ma vie, adopté une démarche responsable, il y a encore pas si longtemps que cela, j’aurai hurlé à lire ce genre d’article, pensant qu’il fut impossible de laisser entre des mains inexpertes (ou sensées l’être) tant de « charge » de patrimoine. Mais l’artisan que je reste a, depuis, eu à côtoyer l’Administration ou le Politique, et regarde aujourd’hui d’un œil plus qu’amusé (admiratif ?) ce genre d’initiatives. Elle est une réponse bien méritée à un État qui a démontré qu’il n’est plus de droit que quand ça l’arrange et à une Administration qui a atteint une lourdeur dont on se gausse du ridicule pour ne pas pleurer de son insignifiance.

    Le constat sans cesse répété, dans tous les corps du patrimoine (tant de sa restauration que de sa conservation), de voir la machine administrative ne se satisfaire que d’actions superficielles et / ou politiquement avantageuses, m’amène donc à me réjouir de voir poindre ces actes de désobéissance civiles, même s’il m’est aussi donné, en d’autres lieux que Paris, d’avoir eu vent de démarches tout à fait comparables. Ce genre d’article a aussi le mérite d’informer qu’il est des gens qui travaillent à cette industrie de la désobéissance civile, non pour détruire, mais pour construire. Il n’est pas nécessaire d’en détailler plus avant. Interrogez vos voisins, vos amis ; frappez aux portes selon vos intuitions et l’on vous en ouvrira plus que vous ne pouvez même l’imaginer aujourd’hui. N’oubliez pas de « payer » en sortant ; cela ne relève jamais de monnaies sonnantes et trébuchantes, seulement d’un investissement personnel laissé à votre discrétion ou vos capacités… C’est ce même investissement qui vous fera vous extasier davantage sur vos propres moyens ou votre propre foi en vous-même. Bref, sachez que c’est toujours une joie que celle de pratiquer le « Do It Your Self ».

    Donc, au contraire de ce que laisse (péniblement) entendre « adamsky » (à qui « Ginko » et « Marion » me semblent très bien répondre), il ne s’agit pas là de quelque chose de superficiel sauf — qu’on me pardonne ce point Godwin assumé — à sortir votre révolver en entendant le mot « Culture ». À force de se méfier « des gens qui revendiquent le fait de faire le bien de leur propre initiative en dehors de tout cadre légal », on en arrive à une société sclérosée, hyper légaliste, assez amorphe en vérité et qui — et là je rejoins curieusement « adamsky » — ne peut qu’opposer une fin de non recevoir à cette oppression par des comportements extrêmes que la prétendue « légalité » était sensée canaliser. Paradoxes de société finalement assez classiques et que cet article n’est pas le seul, loin s’en faut, à souligner.

    Pour moi, cet article présente aussi l’avantage de laisser voir une réponse (parmi d’autres, on se rassure) à un système sociétal devenu si énorme qu’il se neutralise lui-même. Ce n’est donc pas que négatif. La Culture, celle qui fait le ciment entre les individus, est effectivement en train de devenir souterraine plus qu’elle ne l’était à la fin du XXe siècle. À priori, il me semble que c’est plutôt un mal qu’un bien parce que cela résulte toujours d’une oppression. C’est un mal dans le sens où cela démontre aussi à quel point il devient quasiment impossible, non seulement de s’exprimer « librement » mais également de faire en sorte que le terreau culturel sur lequel tout repose soit simplement conservé pour consolider les fondations porteuses d’à-venir. Cela peut aussi être un mal dans le risque anarchique que cela comporte, effectivement, sauf à considérer qu’il n’est pas d’omelettes faites sans casser d’œufs.

    D’un autre côté, c’est aussi bon signe parce que cela démontre une résistance à l’oppression et que celle-ci est historiquement toujours très féconde. C’est un bien, dans le sens où des initiatives, même totalement illégales, prennent peu à peu corps, ceci, pas seulement en ville comme l’illustre cet article, mais aussi dans les lieux les plus éloignés qui soient ; ceux où j’habite (le plateau de Millevaches) sont, en France, loin d’être les derniers. On peut donc considérer ce genre d’initiatives comme une réaction saine d’un corps que l’on sait attaqué et qui se défend, fut-ce avec un poison que d’aucun nomment « illégallité », avec cette pudeur que je crois aujourd’hui en passe de n’être que fausse, ce qui est dommage au regard du réel…

    On pourrait (devrait ?) travailler à faire connaître plus avant ce genre de démarche ; mais je persiste à croire que c’est finalement une erreur si cette entreprise prend (elle aussi) trop de taille. C’est aussi le côté secret qui empêche toute récupération par le système et qui permet, par la gifle monumentale dont il le gratifie, une remise en question nécessaire au pesé de son évolution. Donc, qu’on ne s’y trompe toutefois pas : je ne prône EN RIEN un « élitisme secret », à fortiori hiérarchisé ; seulement une résistance et une désobéissance citoyenne, consciente, intelligente et partagée qui, si elle doit faire parfois les frais de l’anarchie (est-ce d’ailleurs vraiment un mal?), me semble TOUJOURS être humainement plus intéressante que le respect de la lettre légaliste, à fortiori quand une majorité toujours moins sourde applaudit toujours plus ce qui reste et demeure un exploit : réhabiliter l’Individu dans ce qu’il a d’Humain au mépris du système dans ce qu’il a de totalitaire.

  36. Lenny

    @ adamsky
    • « des sortes de justiciers d’un Paris fantasmé par les Américains qui se rapproche de l’univers dépeint dans le dernier Scorsese, Hugo Cabret »

    Il aurait été plus juste de dire « dont se rapproche (s’inspire notamment) le scénario d’Hugo Cabret » Le livre de Brian Selznick est sorti plusieurs mois après la révélation de « l’affaire de l’horloge du Panthéon »… Brian Selznick a-t-il pensé à reverser une partie de ses droits aux Untergunther ?

    • « Qu’ils prennent sur eux de s’introduire et de restaurer ne me gène pas, mais qu’ils veuillent le faire savoir et se plaignent d’être incompris démontre que leurs intentions ne sont pas claires. »

    Je ne vois vraiment pas où vous voyez qu’ils se plaignent de quoi que ce soit… et encore moins qu’ils veuillent le faire savoir ! Si j’ai bien suivi l’histoire c’est l’administrateur du Panthéon qui a prévenu sa hiérarchie, pas eux. Et c’est les Monuments Historiques qui se sont plaints au final.

    • « Ma voisine a une freebox « protégée » avec une clé Wep, est-ce que pour autant, j’ai le droit d’aller la craquer et d’utiliser sa connexion pour faire de l’activisme même de façon éthique et morale ? »

    Etes-vous sûr de bien faire la difference entre le bien privé et le bien public ? Il est vrai que ces dernières années, les élus de la République n’ont pas semblé trop la faire non plus. Mais je crois que c’est autour de ça que tourne finalement cet article ; la réappropiation du bien public.
    Quand vous en avez la capacité et la compétence (et visiblement ils l’ont puisque leur horloger est consideré par ses pairs comme un des meilleurs sur Paris), alors ne devient-il pas legitime de prendre à sa charge le bien commun que ses gestionnaires ont abandonné ?

  37. Autodidaxie

    Bonsoir à tous également,

    Article intéressant, mais pas autant que ses commentaires ! (Ginko, adamsky, Sébastien C.)

    J’en viens à penser que le vrai « hacking » serait que l’équipe se fasse embaucher (l’horloger-rhabilleur de l’histoire à la facture d’instrument, un lettré au service communication, un fin stratège à un poste-clé de l’administration, etc…) dans le seul but de réaliser la mission de réhabilitation culturelle (et de restauration de son Patrimoine) en toute légalité d’une part, mais également avec l’objectif de PARTAGER cet amour des valeurs que certaines de ses richesses véhiculent.

    C’est à dire, plutôt que du DIY (c’est très bien le Do It Yourself, surtout pour l’estime personnelle), infiltrer le fruit dans le but mélioratif d’y distiller son amour des belles choses.

  38. Sébastien C.

    Bonjour à tous ; je voudrais encore préciser deux ou trois petites choses au sujet du Droit.

    La désobéissance civique (ou « citoyenne » si l’on veut, mais certainement pas « civile ») me semble tourner ici autour de la déclinaison d’un autre concept qui pourrait se résumer comme une sorte de « non assistance à patrimoine en danger ». En d’autres termes :

    1) parce que vous vous ne pouvez/voulez vous occuper de ce que nous constatons être un désastre et que nous le savons relevant du domaine public,

    2) parce que vous nous avez vous-mêmes instruit du fait que vous le signaler aggravera les choses (illustration faite ici par la personne qui désire re-détruire ce qui a été restauré convenablement, même aux dires d’experts et comble de son in-signifiance),

    3) parce que vous prouvez, par les faits d’évidences et confrontés à notre pluralité, que votre action n’est que « pouvoirs » bien avant d’être « devoirs »,

    Nous, Citoyens, avant même d’être reconnus nous-mêmes plus aptes à agir que quiconque, nous déclarons ce que vous, État, nommez « Droit », est un barrage à « l’urgence de la nécessité », donc une chose au-dessus de laquelle, en conscience et conséquence, nous choisissons de nous placer.

    Je précise tout de suite que j’ai bien conscience que cela n’a rien de « démocratique » dans le sens très dilué que l’on nous assène à longueur de discours politiques ou médiatiques. Mais, dans l’évidence de l’urgence, je persiste à soutenir que ça l’est, et que cela donne de plus l’avantage à l’Individu de mettre le Politique au pied de ses incompétences qu’il n’a de cesse, au passage, de renier.

    À charge pour chacune des parties d’assumer, à posteriori et devant la société, la conséquence de ses actes. En l’espèce : « un juge qualifia les charges de son propre gouvernement contre Untergunther de ‘stupides’ » ; ce qui laisse tout de même songeur face à l’appréciation que l’on peut déduire des facultés intellectuelles du directeur en question.

    Là intervient d’ailleurs la raison d’être ou (l’étaiement) du « secret » ou, tout au moins, de la « discrétion ». L’expérience du Panthéon vécue (et divulguée ; merci, entre autres, Framasoft), il s’acquiert aussitôt les conséquences qui doivent en être tirées, bien entendu de manière individuelle. Le souligner encore au sein d’un débat de blog comme l’est le présent, permet à chacun des acteurs qui y participent de spécifier à l’État, gardien du Droit, que les Citoyens que nous sommes attendent, aussi, des solutions politiques à des problèmes qui n’ont RIEN de superficiels, quoiqu’en disent certains.

    Car même s’ils sont ici appuyés par le grossissement d’un cas d’espèce, ils ne s’économisent pas d’en éclairer de plus généraux, dont l’ensemble de la société pourrait profiter de leurs résolutions. La publication, sur Framasoft, de la traduction de cet article me semble donc fort à propos parce qu’elle illustre des problématiques infiniment plus larges que la simple aventure vécue par ce collectif. Que cela soit primitivement publié sur Wired me semble n’y rien changer ; nous sommes bien dans un sujet d’actualité dont il faut dépasser la critique de la forme « romantique » tant elle relève du détail au regard des enjeux qu’elle expose.

    On notera encore, non sans sourire de par le paradoxe soulevé, que c’est là, moins une défiance insurrectionnelle, qu’un rappel à un manquement, une attente presque alanguie à la « raison d’être » de politiques (en tant qu’individus législateurs), dont on retient trop souvent qu’ils ne savent répondre aux aspirations des peuples que par la déclinaison de droit répressif, là où il faudrait, de toute évidence, commencer par un devoir pédagogue. Cette intelligence-là n’a pas besoin de moyens matériels ; elle abonde chez les contradicteurs de l’État qui, à défaut de faire acte d’humilité, devrait en profiter de la nourriture pour faire évoluer son Droit.

    C’est donc, selon moi, à chacun de retrousser ses propres manches pour mettre les politiques au pied du mur de leurs incohérences, quitte à se risquer, soi-même, à la « violence » (même maîtrisée, il est acquis que c’en est une) des Untergunther. Celle-là me semble pourtant répondre à l’absence de ceux qui prétendent nous représenter et il ne faut JAMAIS oublier de le leur rappeler. À leur in-signifiance, nous pouvons leur souligner à quel point il est aussi possible de se passer d’eux ; même si l’on sait bien qu’elle est loin d’être la seule, l’expérience du logiciel libre en est une des plus belles illustrations. Sans oublier, non plus, d’ajouter à quel point on peut, aussi, être amené à juger un tel rejet humain regrettable ; le but n’est pas la guerre en soi contre un système ou contre des personnes, mais bien de partager une forme humaniste de progrès dont la définition n’est pas le privilège d’élus mais bien le lot et la responsabilité de tous.

    Toutefois, parce que son horizon est très noir, l’avenir me semble, à contrario, TRÈS prometteur pour ce qui regarde les ré-appropriations du domaine public. Les crises à venir que nous savons tous nombreuses, seront aussi porteuses des mains tendues, entre-nous, celles-là mêmes qui dépassent, déjà, tout attachement à la lettre du droit, même s’il nous est donné d’être conscient de la nécessité d’en préserver l’esprit. Les lois répressives peuvent continuer de tomber ; on constate en répons des relèvements de tête qui, à défaut d’être des insurrections, ont déjà le goût et la saveur de Résistances. Il y a là un gage d’à-venir ; gardons-le en nous-même, non comme un « fétiche » que les pauvres trolls tentent fort mal à propos de nous reprocher, mais comme une « fondation » sans laquelle nos constructions ne peuvent ni s’élever, ni se communiquer aux générations futures.

    Cela va bien au-delà des simples « techniques » ou des jouissances égotiques des hackers que certains d’entre nous peuvent se revendiquer être. C’est de la Vie, et de la Vie seule qu’il s’agit et c’est, à mon sens, suffisant pour ne pas l’encombrer d’une notion de droit réduite à un devoir « automatique » alors qu’il n’a de sens que « réfléchi ». Par le don de cette réflexion que je laisserai sans peine « Autodidaxie » nommer « amour des belles choses », je crois encore ne pas me défaire de cette notion d’Autrui que le Droit, justement, est sensé garantir.

    Les Untergunther ne sont évidemment pas plus parfait que nous ne le sommes nous-mêmes en matière de maîtrise de nos ego respectifs… Mais il me semble qu’une fois considérée leur action autant que sa justification écrite qui n’a pas manqué, on peut difficilement leur reprocher de ne pas s’être essayé à un partage réflectif, celui qui nous permet, aujourd’hui, de recevoir bien plus de choses que la simple restauration d’une horloge, même quand un imbécile, au demeurant fort triste, nous interdit comme à lui-même, la Joie. Partant, il s’acquiert donc aisément que l’on puisse, encore et en conscience, leur accorder le paiement d’y avoir pris du plaisir ! Leur refuser ce droit non-écrit me semble se refuser à soi-même le devoir de la réflexion ; gageons que nos échanges en ce lieu s’économise cet écueil en lui préférant ce que je crois être la Vie.

    Et c’est tellement au-delà du droit quand cela se teinte d’humanité ; vous ne trouvez pas ?

  39. harrypopof

    Tout acte gratuit, bénévole, libre, désintéressé… doit être réprimé, je n’y voit rien d’inadapté. Il y a une concurrence déloyale! M’enfin si mon voisin change mes pneus usés pendant mon sommeil, comment le marchand va t-il se gaver sur le montage et les prix? Et puis c’est quand même étrange cette démarche, on est pas habitué à tant de « généreuse gentillesse ».
    C’est vrai ça, à quand le prix Nobel de l’altruisme??
    En attendant, toute le monde en rang derrière l’interminable file d’attente administrative. Il faudra valider sa sincérité d’abord! Et puis on entre pas dans un patrimoine de cette façon! 😉
    …Ironiquement ;)…

    Sinon insurgez vous de bienveillance et d’abnégation!

  40. Erstam

    Un article sublime. C’est quand on ne s’y attend pas, au détour d’une page, ou d’une ruelle, qu’on reprend confiance en l’humanité. Je vais faire tourner cette histoire. Ces gens méritent qu’on entende parler d’eux et de leur combat.

  41. Florian.J

    Intéressante cette histoire, cet amour de notre patrimoine alors même que cela semble être le dernier des soucis de notre gouvernement, je trouve ça beau.

    Dans une certaine mesure ça ressemble un peu à l’Urbex, qui consiste à visiter et photographier des lieux oubliés.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Explor

  42. lionel

    vraiment sympa.
    Les histoires sur Paris sont à la mode en ce moment avec le succés de métronome.
    Merci.

  43. Syris

    Je trouve que cet article dessert la cause qu’il prétend mettre en valeur car le journaliste est trop manichéen.

    C’est dommage pour cette mystérieuse et séduisante organisation secrète. L’UX aurait véritablement bénéficié d’un style moins partisan – et plus concis.

  44. Théo

    UX, Organisation d’utilité publique ?
    A partir du moment où le patrimoine culturel, historique et artistique de Paris est conservé, où est le mal ?

  45. mich

    @ lionel « Les histoires sur Paris sont à la mode en ce moment avec le succés de métronome. »

    c’est pas plutot le contraire?

    metronome est a la mode depuis le succes des histoires de l’ux

  46. leprovençal

    Merci aux membres de l’ux, continuez en gardant le plus possible vos activités secrètes, car grace à vous notre histoire continue, vous souhaitant bonne chance dans vos activités qui tout en étant secrètes protège notre patrimoine de la bêtises de nos gardiens qui croient avoir la sciences infuses, mais comme vous le savez la bêtise humaine n’est point facile à expliquer et surtout à comprendre.

  47. Fagin

    Je suis vieux,méchant,aigri,méfiant…..:la mariée est un peu trop belle.

  48. Lewis G.

    Bonjour à tous,

    Je me permet d’ajouter mes deux sous à tous ces commentaires intéressants et pour ceux qui auront eu le courage de tous les lire, sachez que je me range plutôt du côté de Adamsky.

    Il y a une chose qui n’a pas été mentionnée ici et cela me surprend beaucoup à la vue de commentaires aussi construits (que je salue d’ailleurs) mais on ne peut penser à tout : il s’agit de l’interdit.
    Ne pensez-vous pas que ces gens faisant partie de UX ont besoin de cet interdit ? Je ne serais pas choqué d’apprendre que si un lieu à restaurer ne leur permettait pas de franchir la barrière de l’interdit (comprendre par là « l’illégalité ») alors ils s’en passeraient volontiers, tout comme un parachutiste arrêterait de sauter s’il ne sentait plus l’adrénaline l’envahir.

    Maintenant je m’adresse à tous ceux qui pensent que UX a complètement raison. Si leurs actes étaient si louables et si parfaits face aux besoins des trésors oubliés de notre patrimoine, au point qu’ils financent eux-mêmes la totalité de leurs dépenses, pourquoi ne pourraient-ils pas par exemple créer une association légale de défense du patrimoine oublié ? Tout en réalisant les mêmes restaurations mais sans infractions ? En demandant les accès nécessaires ? Cela ne coûte rien à tenter. Par contre en sont-ils seulement capables ? (Confère le paragraphe précédent) On peut rejoindre dès lors la remarque de harrypopof sur la concurrence déloyale, le tout dépendant de l’argent qu’il est possible d’investir, mais surtout par qui, car si personne n’est là pour payer la facture, y a-t-il concurrence déloyale ?

    Je ne prétend pas avoir la solution, loin de là, mais je pense qu’il y a d’autres voies à trouver avant de se rabattre sur celle empruntée par UX qui ressemble plus à un vieux rêve d’adolescent presque mature faisant office de sujet parfait pour le plus grand plaisir des journalistes et du nôtre, lecteurs en attente de sensations.

    Le style de l’article est tant romanesque qu’au final il donne envie de s’en méfier tellement il est séducteur. Beaucoup de lecteurs se sont laissés emporter à en lire certains commentaires au point de ne pas remettre les pieds sur terre avant de passer à autre chose. En effet, restaurer une oeuvre clandestinement ne justifie pas effraction chez autrui : il ne faut pas l’oublier. J’ai beaucoup apprécié le lire cependant et je salue tout de même leurs exploits relatés ici car il faut bien reconnaître qu’au bout du compte leur démarche fait plus de bien que de mal à ce patrimoine culturel en perdition.

  49. Sébastien C.

    Bonsoir à tous,
    @Lewis G.

    Merci de vos commentaires auxquels je crois pouvoir répondre, tout au moins en partie.

    Vous dites : « Ne pensez-vous pas que ces gens faisant partie de UX ont besoin de cet interdit ? »

    Vous avez, il me semble, parfaitement raison d’évoquer cet aspect des choses. L’interdit est aussi un sel (ou une épice) propre à relever ce plat qui, sans lui, pourrait paraître un peu fade, à fortiori parce que sa bravade est révélée à un public qui connaît finalement peu de choses à la préservation du Patrimoine. Mais notez toutefois que l’anecdote de l’horloge du Panthéon n’est que la partie immergée de l’iceberg. Je veux dire qu’il me semble nécessaire de rappeler que les Untergunther ne sont qu’un collectif, parmi d’autres, pourvu d’un excellent « porte parole » en la personne de Lazar Kunstmann. En cela, il faut, je crois, être parfaitement conscient du côté romantique de la chose, non pour se laisser duper comme votre avertissement en montre le danger, mais comme une « forme politique » utilisée pour contrer un système qui détruit beaucoup plus qui ne le dit…

    Il sert donc, d’abord, à informer les gens que ces démarches existent, et que si elles ne sont que très rarement révélées au grand public, c’est bien qu’il y a un problème, tant du côté de l’Administration que de celui du législateur, face à l’urgence qui peut être constatée par des personnes un tant soit peu intéressées au sujet. Il ne s’agit donc pas, de généraliser ici une pratique qui reste du domaine de la Résistance, mais bien d’informer le public que des gens peuvent choisir l’illégalité parce qu’ils n’ont AUCUN espoir d’envisager autre chose. Ce tableau n’est d’ailleurs pas valable que pour la restauration du patrimoine dans une société toujours plus inégalitaire ; vous pouvez le retrouver exprimé ailleurs, et dans bien des domaines.

    Pour revenir au goût de l’interdit, il arrive qu’il ne soit pas (ou peu) présent. J’ai souvenir de l’anecdote de deux ouvriers, travaillant dans une entreprise agrémentée par les « Monuments historiques » qui, de leurs propres chefs, sont allés (beaucoup) plus loin dans l’exécution du « cahier des charges » (CCTP), estimant ce que demandait l’expert superviseur des travaux « absolument nul » en matière de respect et de reconstitution du patrimoine. Avec l’accord de leur employeur, ils travaillèrent le samedi et le dimanche, alignant à leurs frais et pendant des mois les kilomètres pour se rendre sur le chantier en question, sans d’ailleurs même que d’autres ouvriers de leur entreprise soient au courant. Le travail à fournir en plus comportait des risques physiques qu’ils assumèrent. Au final, l’expert en question ne vit pas le dixième de ce qui avait été effectué réellement, trop occupé à SA réception de travaux faite en compagnie de politiques qui, comme le veut l’usage, ne manquèrent pas de se congratuler. Les ouvriers surent se taire et je crois être une des rares personnes à avoir eu connaissance de cette histoire. Des témoignages qui m’ont été apportés, il ne relevait aucunement le goût de l’interdit mais bien plus celui de la belle ouvrage, sinon, sans doute et d’abord, celui de l’honnêteté intellectuelle à laquelle la bêtise et les crédits n’avaient pu surseoir. Mais prenez bien note que cette anecdote est loin d’être la seule de cette teneur ; j’en ai des dizaines d’autres dans ma besace, et elles valent bien celles de certaines horloges… Vous n’imaginez pas l’incurie de l’Administration en matière du patrimoine ; d’aucun prétendent même que le niveau a tendance à baisser actuellement ; c’est là, sans le moindre doute, faute au manque de crédits…

    De même, vous dites : « pourquoi ne pourraient-ils pas par exemple créer une association légale de défense du patrimoine oublié ? »

    Pour une raison simple : un système comme l’est celui instauré en France depuis des années, particulièrement lourd, tenu par une toute petite élite, avide de son pouvoir comme vous n’imaginez pas et sans AUCUN contre-pouvoir de par la spécialisation que cela demande, sera toujours CONTRE le fait de laisser la moindre miette d’un gâteau dont la taille se rétrécie toujours à proportions des crédits qu’on lui accorde… Il est des temps où l’espoir de se mesurer à la légalité requiers une telle ingénuité que s’entrevoir Candide suffit à s’économiser une issue que l’on sait perdue d’avance. Quand un expert en vitraux n’est pas capable de reconnaître que telle ou telle pièce vient d’être peinte par la nouvelle stagiaire et ne date pas, comme il le prétend, du XVe siècle, on a peu envie de se frotter à sa magnificence une fois qu’on le sait être seul décideur concret dans l’attribution des chantiers de restaurations. Plus le gâteau est petit, plus grands sont les pouvoirs ; et, par tradition, au contraire de ce que peuvent vous laisser croire les médias, le Patrimoine n’a jamais été un gros gâteau.

    Cela ne veux pas dire qu’UX ai forcément et toujours « complètement raison » ; comme tout groupe humain, ils font et feront des maladresses. Au passage, cela ne sera jamais pire que celles de l’Administration dont on ne peut, tout de même, pas comparer les moyens… Mais l’anecdote de l’horloge du Panthéon ne fut pas une erreur, car elle a été reconnue par des gens réputés compétents comme une réussite. À partir de là, ne pas engager la moindre réflexion, ou pire, imaginer qu’il ne se puisse se trouver de solutions que dans le retour à l’état initial, relève non plus du romantisme, mais de la démonstration de la plus crasse des stupidités. Au pesé de l’un et de l’autre, le choix de la Raison n’est plus à faire : il coule d’évidence.

    Enfin, la « concurrence déloyale » évoquée par « harrypopof » me semblait être exprimée sur un mode ironique ; c’est ce que l’on peut appeler une antiphrase à laquelle j’aime m’attacher à rire, pour m’éviter, croyez-le, de pleurer par ailleurs.

  50. Lewis G.

    @Sébastien C.

    Merci pour cette réponse très intéressante ! Vous semblez fort d’expériences et de vécu, sagement présenté cependant ce qui est très agréable. Je vous en remercie d’ailleurs.

    Il me reste un point de désaccord, mais je crains qu’il ne tombe dans l’éternelle et célèbre question de philosophie : « La fin justifie-elle les moyens ? ». Même dans le cas précis d’UX je ne sais franchement pas.

  51. Sébastien C.

    @ Lewis G.
    De mon côté, il est acquis que la question « La fin justifie-elle les moyens ? » a achevé sa part d’éternité. Dès les premières lignes de ma première intervention à ce sujet, j’ai écrit : « […] il y a encore pas si longtemps que cela, j’aurai hurlé à lire ce genre d’article […] » ; cela implique donc, au vu de ce que je crois être effectivement une expérience quotidienne, même s’il s’entend bien qu’elle reste personnelle et ne peut donc pas être considérée comme référentielle, que l’on puisse changer d’avis au cours d’une vie. De même, vous n’aurez pas manqué de noter que ça n’est pas pour autant que je considère mon point de vue, ni comme une finalité, ni comme une panacée. Rien n’est définitif en ces domaines et seule notre détermination à mettre les problèmes sur la table COMMUNE permettra, peut-être, de faire avancer les choses. Encore faudra-t-il que les DEUX parties en éprouvent le besoin, ce qui reste aussi à prouver.

    Assumer, au moins un temps, l’illégalité, comme une réponse à l’autisme d’un système qui se trouve lui-même souvent pris en flagrant délit de ne pas respecter ses propres règles, peut se révéler une « fin qui justifie les moyens », non parce que cette fin est, en réalité, celle, immédiate, matérialisée par l’action effective qu’elle impose, mais bien par la réflexion et la remise en question qu’elle propose. C’est sur ce point précis que je crois impossible de critiquer les Untergunther ; et c’est aussi la force de ce point précis qui me laisse assez indulgent à l’égard de leur romantisme, de leur goût de l’interdit, ou même encore, de leur publicité un tantinet cabotine.

  52. Franck M

    Tout d’abord, merci aux traducteurs de cet article pour m’avoir fait découvrir le sujet, et aux commentateurs pour le lien sur le livre de Lazar Kunstmann.

    L’ayant reçu hier, je l’ai commencé assez tard dans la soirée, mais j’ai été incapable de le refermer avant de l’avoir fini. C’est très drôle, bien écrit, et absolument fascinant !

    Du coup, je serais assez tenté d’abonder dans le sens de Sébastien C.
    Avec cette précision que la démarche de l’UX ne me parait pas du tout de remplacer, ou de changer, ou même de critiquer le modèle existant, mais simplement de vérifier pour eux-mêmes qu’il existe d’autres modèles valables que celui qui nous est « imposé ».

    Ce que les médias présentent comme les « actions » de l’UX, a plutôt l’air d’être une série d’expériences collectives (d’où leur nom sans doute) qui ont pour vocation de (les) renseigner précisément sur tous les chemins des traverse, qui permettent d’aller là où « l’autoroute » sur laquelle nous sommes ne va pas.

    L’article le rappelle très bien, ce groupe ne se présente pas comme un groupe politique ou révolutionnaire et ne revendique rien. Ils ne cherchent ni la publicité, ni l’assentiment populaire, et ne prétendent en rien apporter des solutions. D’ailleurs qui dit qu’en dehors de l’UX, ses membres ne participent pas à des activités au grand jour ? Leur horloger fait l’objet de plusieurs articles qui ne parlent pas du tout de travail clandestin.

    Pour moi ces gens sont juste la preuve vivante que la fatalité n’existe pas, comme dans l’exemple (admirable, j’espère qu’il en existe plein d’autres) que donne Sébastien C, où ces deux ouvriers n’ont pu se soumettre à la médiocrité de ce qui leur était demandé. Pour agir autrement que selon ce qu’on nous dicte, il suffit simplement de prendre conscience que c’est possible.

    Est-ce que ce n’est pas exactement ce que nous sommes en train de faire, ici et maintenant ?

  53. Ginko

    @Lewis G.,

    je plussoie Sébastien C. :

    – il est évident que l’interdit a un rôle très important (sans doute primordiale même) dans l’action d’UX. On retrouve cette motivation chez les hackers. Elle y est aussi teintée de compétition (avec les autres, voire soi-même, en se lançant des défis) et d’esthétique.

    – IMHO, tenter de passer par la voie légale et officielle serait autrement plus difficile :

    Les moyens à fournir seraient démesurés. Le travail de recherche de fonds épuisant. Le travail de lobbyisme auprès des institutions serait éreintant : il s’agit là clairement d’une ingérence. Les administration détestent les ingérences.

    Dans le contexte de l’UX, l’illégalité de la manœuvre sert de prétexte facile pour repousser cette ingérence. Dans un contexte officiel, cela se ferait dans le cadre de joutes où les représentants de l’État se feraient un plaisir de rappeler à cette association sont statut d’amateur. De les empêtrer au besoin dans d’infernales démarches administratives. Si ce n’est un refus direct et catégorique sans justification.

    Sans parler du fait que les objets dont on parle sont par nature cachés. Il faudrait déjà obtenir les autorisations pour pénétrer dans les arrières cours, les coulisses. Et cela pose un problème de l’œuf et la poule : si on ne peut pas prouver qu’il y a quelque chose à voir, comment obtenir l’autorisation de la voir ?

    Bref, la voie légale me semble complétement impossible à emprunter dans le contexte dont on parle.

    – En ce qui concerne la question : « La fin justifie-elle les moyens ? », pour moi la réponse est simple :
    nous parlons de biens « publics ». Il me semble que l’esprit du contrat qui nous lie à l’État est le suivant : nous leur consentons un monopole (la propriété) sur ces bâtiments et œuvres d’art afin de pouvoir les entretenir pour que nous puissions en jouir en commun.
    Ce contrat est ici clairement rompu. La mission d’intérêt publique n’est pas remplie. La démarche de l’UX m’apparait comme clairement justifiée même si elle n’en reste pas moins illégale. (De toute façon, la loi n’est pas parfaite, c’est pour cela que nous avons un appareil judiciaire et des juges qui font vivre cet « esprit de loi »).

    Bref, vive l’UX, et puisse mon destin me mener à la rencontre de l’un de ses membres !

  54. myrra

    merci UX , most fun !
    j espere qu ils passent des supers moments ! je me fiche totalement qu ils bravent des interdits ( c est bon ! hein!!)
    ce qu ils font me semble juste ,laissez tomber votre mental avec tout ce qui a ete implante dedans.
    ecoutez votre coeur pour changer , promis ca fait « meme pas mal »
    merci pour cet article
    bonne continuation aux beautés oubliées de Paris et d ailleurs …??

  55. Lewis G.

    Excusez par avance l’absence d’accents, j’utilise un clavier qwerty aujourd’hui.

    @ myrra

    Qu’est-ce qui vous dit que nous n’ecoutons pas notre coeur ? 😉

    @ Ginko

    « tenter de passer par la voie légale et officielle serait autrement plus difficile »

    Vivre en societe implique la definition de regles, de lois, qui vont regir son bon fonctionnement et sa gestion. C’est une etape necessaire que d’accepter ces regles pour faire partie d’une societe. Braver ces regles signifie donc se placer en marge de la societe.
    Comment des lors pretendre avoir la main mise, le mot a dire, sur un patrimoine appartenant a la societe que l’on rejette et dont on se met en marge ? Ca n’a pas de sens et il s’agit la d’un acte purement egoiste.

    Pour repreciser mon point de vue, je suis neutre : je ne sais pas si je dois soutenir UX ou non meme si le rendu final (restauration d’un patrimoine) me plait bequcoup. Mais je pense que les justifications en faveur d’UX sont insuffisantes, s’attardent sur la forme et non le fond. Philosophiquement ca ne tient pas la route (cf paragraphe precedent) et c’est sans doute ce qui me derange le plus. Cependant je suis tout a fait d’accord pour dire que quelque chose est necessaire et que notre systeme ne facilite pas les choses. Enfin je le repete, il y a forcement des solutions a trouver dans un pays comme le notre, aussi libre et en democratie. A l’ere ou nous vivons il existe des moyens de pression incontrolables par nos autorites. Internet en est un excellent exemple.

    « Le travail de recherche de fonds épuisant. »

    Non elle n’est pas epuisante du tout car UX couvre deja tout les frais aujourd’hui, elle peut continuer de la meme maniere dans une association demain.

    « Dans un contexte officiel, cela se ferait dans le cadre de joutes où les représentants de l’État se feraient un plaisir de rappeler à cette association sont statut d’amateur. »

    Son statut d’amateur ? Alors d’un cote on loue les talents d’un excellent horloger reconnu et d’un autre, du fait du milieu associatif, on le traiterait d’amateur ? J’aimerais egalement vous faire remarquer que beaucoup d’organisations influentes n’existent qu’au titre d’associations de 1901 et ne sont point considerees comme amateurs.

    « nous parlons de biens « publics ». Il me semble que l’esprit du contrat qui nous lie à l’État est le suivant : nous leur consentons un monopole (la propriété) sur ces bâtiments et œuvres d’art afin de pouvoir les entretenir pour que nous puissions en jouir en commun.
    Ce contrat est ici clairement rompu. »

    Oui c’est vrai. Par contre l’Etatn’a pas que ca a faire et a financer. Il a de tres bonnes raisons de ne pas remplir ce « contrat » dons vous parlez : s’il ne peut pas financer son systeme hospitalier autant que necessaire (a titre d’exemple « plus urgent » qu’un morceau de patrimoine culturel), il ne s’occupera pas du patrimoine inconnu et invisible. Cela me semble normal et basique.

    Finalement ce que je ne comprend pas c’est que UX a une force et une experience incroyable, ainsi qu’une reputation a travers le monde de nos jours. Ne serait-il pas temps de creer un projet legal ? N’est-ce pas la l’element qui debloquerait le suppose sac de noeuds administratif dont vous parlez ? Je n’en sais rien, mais apres plus de 30 ans d’experience, UX a sans doute tous les outils necessaires pour rejoindre la voie legale. Je ne pense pas que leur mode de fonctionnement leur soit necessaire aujourd’hui : autant cela pouvait leur etre imperatif a leurs debuts, ce que j’imagine aisement, autant c’est bien moins credible maintenant.

    @ Sebastien C.

    « un système qui se trouve lui-même souvent pris en flagrant délit de ne pas respecter ses propres règles »

    Citez-moi un seul syteme politique, economique, administratif, juridique, social et j’en passe… qui ne soit pas dans ce cas-ci. Personnellement j’en suis incapable. C’est pourquoi cela ne doit jamais servir d’excuse pour passer dans l’illegalite, il faut a mon sens une meilleure raison bien mieux construite que cela.

  56. Ginkadamsky

    16 mai à 21h19 : @Adamsky et accessoirement @Ginko (V ?) :
    Toute votre prose, cher Adamsky, me donne une forte envie d’être sujet et non citoyen !
    Ras le bol de la démocradie. Tout cela est très utopique et ne prend pas du tout en compte la nature de l’être humain (qui n’est bien évidemment pas « bon par nature mais perverti par la société » comme disait +/- Rousseau).
    De même ras-le-bol de « l’Ordre Républicain » très souvent cité pour cacher une tyrannie ou une oligarchie façon Mélenchon.
    Exit de même l’anarchie qui ne construit rien.
    En fait, il n’y a pas de lois pour faire le bien. Les lois sont juste là pour ceux qui font le mal et ainsi il ne peut être répréhensible de faire le bien, si c’est bien fait : oui, il y a des naïfs qui veulent « faire le bien » et qui font du mal. Il apparaît nettement qu’UX (à en croire l’article) ne font pas partie de cette catégorie : tout est mûrement réfléchi et délicatement appliqué. Ils ont en eux l’amour de l’histoire de notre beau pays et on aimerait voir beaucoup plus de gens comme eux (mais la télé aidant, tout fout le camp).

    PS: par manque de temps, je me suis arrêté au 16 mai à 21h19. Il se peux que mon message fasse double emploi.

  57. Sébastien C.

    Bonjour à tous,

    @ Ginkadamsky

    « je me suis arrêté au 16 mai à 21h19 » ; sauf à croire que la notion de Temps vous gâche celle de Liberté, la poursuite de votre lecture vous incitera peut-être à la nuance et l’approfondissement puisqu’aussi bien ce lieu démontre qu’ils ne sont pas le privilège d’un collectif. Non que vos « ras le bol » ou vos « exit » puissent me sembler injustifiés ; seulement que vous auriez peut-être gagné à découvrir des subtilités qui étayent plus efficacement vos propos face à un système qui peut, lui-même, se satisfaire de vos raccourcis par la réponse aisée d’un simple revers de main…

    @ Lewis G.,

    Vos questions restent entendues avant même d’avoir été formulées… Je suis aussi assez en accord avec vous quand vous dites que les justifications « s’attardent sur la forme et non le fond », ou, plus encore, quand vous écrivez : « À l’ère où nous vivons il existe des moyens de pression incontrôlables par nos autorités. Internet en est un excellent exemple ». À l’instar de « Franck M », je pense évidemment que c’est précisément ce que nous sommes en train de faire : « ici et maintenant ».

    Par contre, que vous jugiez, un pays comme le nôtre, « aussi libre et en démocratie » me semble pouvoir se discuter, étant, j’espère, entendu que vous ne céderez pas à l’argument facile de faire valoir que, parce qu’il y a pire ailleurs, on doive se contenter de ce que l’on a. Que « l’État [n’ait] pas que ça à faire et à financer » ne justifie en rien qu’il laisse envisager possible le geste du directeur, puisque c’est, précisément, lui plus qu’aucun autre, celui qui peut se condamner. Au contraire de ce que vous semblez penser et, pardonnez-moi de cette revendication, au fruit de ma propre expérience vécue, on peut affirmer que les choses n’ont pas si évolué qu’on pourrait le croire depuis trente ans, voire régressé, et dans bien des domaines.

    Les points que vous soulignez à « Ginko » me semblent donc, pardonnez moi, fruit de bien peu de connaissance du système tel qu’il est instauré. Quand on constate, par les faits, que l’Administration demande aux restaurateurs de passer PLUS DE TEMPS à faire de la paperasserie qu’à ce qui regarde directement leurs métiers, ceci afin de seulement justifier la raison d’être de cette énorme machine, on peut, je crois, juger objectivement « épuisant » de s’y conformer. Il faut une bonne dizaine d’années pour apprendre mon métier (facteur d’orgues) ; de même, il faut, je crois, avoir certaines dispositions pour être conscient du respect que le patrimoine impose. Je ne crois pas que tout cela soit si courant à trouver. J’ai, personnellement, finit par choisir de NE PAS travailler avec ce système, lui préférant d’autres voies, parce que plus respectueuses, autant de mes gestes patrimoniaux, que de ma propre personne humaine ; est-ce pousser mon ego dans ces retranchements que de juger cela comme un comble ? Qu’on se rassure, j’ai bien conscience que l’Administration se moque bien de ce gâchis dont elle n’a cure ; j’entends juste spécifier ici, qu’il n’est que la conséquence d’une oppression et que mon travail, aujourd’hui, est de mettre tout en œuvre pour informer les jeunes générations de ne SURTOUT PAS s’engager dans ce genre de métiers, tant le système ne sera pas là pour les soutenir, mais bien pour les broyer. Au vu de l’investissement personnel que ce genre de métiers demande, c’est une économie humaine qu’il est maintenant nécessaire de témoigner en public. D’ailleurs, au pesé de la performance du système, on forme de moins en moins d’apprentis, ce qui aura des conséquences désastreuses dans moins d’un quart de siècle ; et cela, c’est un temps très court au regard de l’Histoire…

    Que vous trouviez « normal et basique » le fait de ne pas « privilégier » le patrimoine inconnu et invisible me semble aussi particulièrement inquiétant ; permettez-moi encore de vous inciter à réfléchir de la gravité de cette façon de penser. C’est, à mon sens, une immense erreur que de procéder par ce type de réflexe, parce que c’est exactement ce qui amène le législateur à en faire toujours moins, ou pire, toujours plus « en surface ». Quand la restauration de la presque totalité de la façade d’une cathédrale Renaissance n’est faite « qu’en parement », non avec de la vrai pierre mais avec un succédané, là où les hommes de métiers peuvent vous garantir que le travail ne tiendra pas plus d’un demi siècle (au vu de l’objet restauré, c’est un peu court, s’entend), et surtout abîme plus qu’il ne restaure, on peut se poser la question de la « légitimité », plus que morale, du système qui produit cela. Évidemment, vous n’entendrez JAMAIS parler de ce genre de détails (qui n’en sont pas) en « access prime time ». Les « détails » n’intéressent pas plus les médias que les personnes qui nous reprochent ici les longueurs de nos approfondissements… Et pourtant, en matière de restauration, il n’est pas un « détail » de souligner encore à quel point le livre de l’Histoire est celui dont les pages ne se lisent qu’une seule fois, pas plus qu’il n’est un « détail » de se refuser des « jugés de privilèges » par l’étaiement de simples raisons budgétaires ; cela me semble tellement plus compliqué que ce type de réduction… Votre argument sur la « priorité du système hospitalier » me semble donc spécieux, car il sort du domaine que nous traitons ici, à savoir le Patrimoine. Comparons ce qui est comparable et essayons de comprendre qu’établir des « classes de priorité » dans les domaines de la Culture, particulièrement de l’Histoire est une pente glissante, qui, pour avoir déjà souvent été emprunté, a largement prouvé sa nocivité.

    Permettez-moi donc encore d’insister sur le fait que c’est là le « fruit d’un ensemble » puisque participer à une société relève effectivement d’un « équilibre » ; il reste donc parfaitement acquis qu’aucun système ne peut respecter « exactement » les règles qu’il édicte. Le vouloir relèverait même d’un esprit totalitaire ; c’est donc un écueil auquel vous serez assez aimable de bien entendre que je ne tombe pas. Mais le système dans lequel nous vivons aujourd’hui, à force, entre autres, de toujours produire plus de lois pour n’en respecter effectivement que très peu, rompt infiniment plus le Contrat-Social qu’un petit collectif qui le remet en question, dut-ce son action durer plus de trente ans. Au pesé comparatif des dégâts de l’un et de l’esprit de conservation et de remises en question de l’autre, il m’est, à votre différence, acquis de céder au second. En cela (et ce n’est pas le moindre des paradoxes), l’illégalité permet, précisément, de gagner en démocratie. Nous sommes arrivés à un tel point de délire législatif qu’une objection s’impose et je vous prie de noter que je crains, plus que vous, les réponses excessives (et pas seulement à l’endroit du sujet qui nous fait échanger ici), tant le système provoque lui-même une dérive de la citoyenneté.

    Encore une fois, ce n’est pas parce « qu’il y a pire ailleurs » ou que « ça a toujours été comme ça » que cela justifie de ce plier à ce que l’évidence démontre ubuesque. Et encore une fois, il me semble que votre adhésion à la lettre de la Loi, dans le manque de recul que vous vous imposez, vous refuse, à vos dépens, d’observer plus avant ce que je crois relever de son Esprit.

  58. Lewis G.

    @ Sebastien C.

    (Toujours sur clavier qwerty…)

    Il me semble sage d’en rester la, ayant chacun ete clair sur nos points de vue respectifs. Je vais cependant rectifier un point, le seul sur lequel j’ai ete, a mon sens, incompris.

    >> « Les points que vous soulignez à « Ginko » me semblent donc, pardonnez moi, fruit de bien peu de connaissance du système tel qu’il est instauré. Quand on constate, par les faits, que l’Administration demande aux restaurateurs de passer PLUS DE TEMPS à faire de la paperasserie qu’à ce qui regarde directement leurs métiers, ceci afin de seulement justifier la raison d’être de cette énorme machine, on peut, je crois, juger objectivement « épuisant » de s’y conformer. »

    Tout d’abord, aussi ereintant que cela puisse etre, il est normal d’avoir une charge administrative minimum afin de pouvoir exercer son activite. Comme vous l’indiquez, il n’est pas normal (et ridicule) qu’elle devienne trop importante au point d’entraver l’activite recherchee. La charge administrative perdrait des lors tout son sens si aider n’est plus son mot d’ordre.

    Cependant ne melangeons pas encore une fois forme et fond : je suis d’accord avec vous pour dire que la charge administrative actuelle est ridiculement enorme parfois dans certains domaines d’activites. Mais j’ai simplement dit qu’il etait normal qu’elle soit presente, sans en juger la situation actuelle, aussi navrante qu’elle puisse etre qualifiee.

    Enfin, vous ne pouviez pas si mal dire meme si vous ne pouviez pas le savoir, bien que mes ecrits puissent vous avoir induit en erreur, en affirmant en ma personne une meconnaissance du systeme administratif actuel. En effet je suis aux premieres loges de deux systemes publics imposants : l’hopital et l’education nationale. Je vous prie donc de croire, aussi etrange que cela puisse vous sembler, ce que je concois tout a fait a la lecture de votre experience, que je parle en toute connaissance de cause.

    Bien des internautes devraient prendre de la graine de votre politesse et de votre maniere d’aborder un debat sur le net avec des inconnus.
    Au plaisir de debattre encore avec vous dans un futur proche,

  59. Ginko

    @Lewis G.

    Juste une toute petite remarque :

    Je cite :
    « Le travail de recherche de fonds épuisant. »

    Non elle n’est pas epuisante du tout car UX couvre deja tout les frais aujourd’hui, elle peut continuer de la meme maniere dans une association demain.

    Ma réponse :
    Il est précisé dans l’article que l’Untergunther a restauré l’horloge du Panthéon à l’aide de seulement 4000€. La même restauration par un professionnel coûterait bien plus (je n’ai pas vraiment idée de l’ordre de grandeur, mais bien plus, c’est certain). Même réalisée bénévolement par une association 1901, je suppose qu’il faudrait au minimum apporter une assurance. Financer des masses de paperasses additionnelles. Peut-être même justifier de l’expérience des artisans par des certifications. Donc non, je le soutiens, l’Untergunther ne pourrait pas continuer à réaliser les mêmes choses avec des financements égaux par ailleurs.

  60. Nico

    Bonjour à tous,

    J’ai lu l’intégralité de ce débat et le trouve passionnant. Cependant une question me taraude :
    Êtes-vous sûrs que les intentions que vous prêtez aux Untergunther sont bien les leurs ?

    En lisant ce passage du livre de Kunstmann je me dis que cette question de légitimité ou non de leurs actions clandestines ne se pose pas forcement dans ces termes pour eux :

    « Ce qu’il faut bien préciser, c’est que l’idée de faire naître une culture parallèle n’a certainement jamais été la motivation initiale de l’UX. Elle n’est que la conséquence de l’existence d’une vie urbaine clandestine et ne s’est développée que parce qu’il existait un milieu propice à la voir croître. Les envies ne découlant que des possibilités, et non le contraire. »
    (extrait de « La Culture en clandestins. L’UX » / page 116)

  61. Sébastien C.

    @ Ginko.
    « Peut-être même justifier de l’expérience des artisans par des certifications. »
    Et je vous prie de croire que ces justifications se sont, au dire des gens les plus concernés, largement éloignées de l’objet même qu’elles sont sensées traiter.. Croyez-moi ; Ubu est bien vivant de ce côté-là.

    @ Nico.
    « Êtes-vous sûrs que les intentions que vous prêtez aux Untergunther sont bien les leurs ? »

    Bien sûr que non ; ou plutôt, pas exactement. Au départ (et au départ seulement) quand un Linus Torvalds programme son système d’exploitation dans sa chambre, il ne peut pas imaginer le « dépassement » qui va arriver, tant personnellement qu’à sa création, et l’implication que va apporter au monde la libération de son code. Cela peut se considérer comme un « supplément d’âme » et, personnellement, je lie aussi beaucoup cette perception des choses à ma propre appréciation de la « Vie ». La Vie, c’est l’échange ; donc c’est quand les choses commencent à vous échapper qu’elles me semblent commencer à vivre vraiment, qu’elles dépassent nos petits milieux spatiaux-temporels qui relèvent, par définition, du domaine du fini.

    On peut d’ailleurs transposer ce principe dans bien des domaines. Plus on met de « contrôles » sur un objet, plus on en diminue la portée (physique, morale, philosophique, &c.), même s’il reste acquis que c’est souvent nécessaire de se pourvoir d’un « minimum ». Là encore cela relève d’un équilibre, et là encore, cela doit aussi s’adjoindre d’un « principe adaptatif » qui puisse en harmoniser le principe pour en prolonger, un temps — et un temps seulement — la conservation.

    Par exemple, je crois utile le droit d’auteur dans une forme reconnue raisonnable ; mais si on considère le « délire » dans lequel nous sommes tombés, on ne peut que constater que ces excroissances cancéreuses tuent plus qu’elles ne sauvegardent. Donc si aucune chose n’est tentée pour faire évoluer les lois, parce qu’inadaptées à l’évolution naturelle du système, elles deviennent nocives au point d’en devenir dangereuses ; c’est aussi pour cela que je crois nécessaire d’en acquérir un « certain » relativisme à leur égard, étant aussi entendu que celui-ci ne doit pas, comme le reste, se défaire d’un « certain » équilibre.

    En cela, je crois que les sociétés modernes auront un énorme travail philosophiques à faire sur elles-même dans les siècles qui s’annoncent ; nous sommes tout juste à l’aube de cette réflexion, mais elle ne pourra, selon moi, pas être écartée ; c’est beaucoup trop une question de sur-Vie.

  62. Maximus35

    Bonjour

    Se faire attaquer en justice pour avoir rendu service, c’est aussi ça la France.
    Bravo UX les cloches retaurées ne sont pas celles que l’on croit, mais mais ceux qui condamnent.
    Ce groupe mériterait une médaille pour services rendus et ce gratuitement.

  63. /jmj

    Salut,

    Dans les années 70 Ux se nommait « les gaspards », voir le film du même nom de Pierre Tchernia. 🙂

  64. gniark

    même si cet article contient un fond de vérité, il est dommage que le ton de l’auteur nous conduise dans une fiction où umberto serait devenu membre des anonimous…

  65. Yvan

    @ gniark

    C’est marrant, je me suis posé exactement la même question : « fiction ou réalité ? »

    Du coup j’ai cherché un peu, et je suis tombé un peu des nues en trouvant ce bouquin édité par… la préfecture de police !
    http://www.laprocure.com/liaisons-h

    Non seulement ils (les flics) donnent très exactement la même version des faits que l’article, mais en plus les deux affaires (le cinéma et l’horloge) font la couverture du numéro spécial !!!

    Ça doit certainement être des flics qui sont devenus membres des Anomymous…

    Dans le même genre y’a ça aussi sur le sujet :
    http://www.amazon.fr/exec/obidos/AS

  66. personne

    Avant tout, veuillez excuser ma syntaxe et ma grammaire (pour l’orthographe, merci les nouvelles technologie! c’est vous dire le niveau!). ;D
    Articles passionnant autant que les commentaires!
    Étant fan d’histoires romanesques, polars et autres fantaisies, je ne peut être que ravis par cette aventure. Cependant, un détail me chiffonne. Ces UX, dont le but romanesques fort louable de sauver le bien commun de la perdition face à la pesanteur d’une administration si ubuesque que l’inactivité semble sa seule activité. (hum…c’est un peu trop long…) je disais donc, ces gentils UX ont quand même réussi, sous un vigipirates arc-en-ciel ultra renforcé, a pénétrer dans un bâtiment de l’Etat français en y dérobant des plans qui donnent accès à tout l’undreground de la capitale française. Des accès, sans surveillance, sans camera… Si j’étais romancier ou scénariste, je vous préparerai une petite histoire qui commencerait pareil et ou chacun des membres de l’UX, infiltrés, commencerait a disparaitre afin d’être remplacer par un groupuscule terroriste ou pire: des extraterrestres velues et gélatineux! Heureusement pour la France, Louis la brocante viendrait nous sauver dans sa formidable camionnette.
    ;D
    Signé : personne

  67. Jerome

    @Yvan

    merci pour ces liens

    ces 2 bouquins sont effectivement hallucinants! surtout le kunstmann

    et la police qui fait l’éloge des pirates ça vaut le détour aussi!

  68. MonEnergie

    A quand un deuxième article sur leurs activités dans les catacombes? J’ai visité la salle de cinéma sous le palais de chaillot, qui est malheureusement à l’abandon. Elle a du avoir beaucoup d’allure dans le passé!

  69. Jon Soltz

    Vraiment intéressant. De la vraie culture underground au sens le plus littéral possible!
    Pour la réaction de l’administration, c’était tellement prévisible. C’est un monde de codes établis et très enracinés, où chaque proposition de changement doit passer toujours par les même circuits « officiels ». Ces gens ne sont pas du tout prêts à des changements aussi violents…pour eux « conservation » veut dire « que plus rien ne bouge ». Et l’horloge doit rester cassée, puisque quand ils sont arrivés en service, elle était cassée. C’est bien dommage mais c’est comme ça. C’est pour ça que je comprends et je soutiens l’attitude de réparer et de ne pas forcément montrer. Imaginez la stupeur d’un aventurier futur qui pourra découvrir ces lieux restaurés souterrains…alors que si on les avait laissés tels quels, ça n’aurait été que ruine mal identifiable. ça contribue aux mille et un mystères de Paris, et bien que plein de gens les ignorent de leur plein droit, je suis heureux qu’ils existent.

  70. imagista

    Super histoire ! j’ignorais l’existence des UX, une belle cause en tout cas, surtout quand on voit les défaillances et les négligences des autorités françaises …

  71. ACdlC

    Gérard semble dire « article trop,faut réfléchir, faut dev’nir intelligent, patient, faut lire… » Ben ouais, gars ! Il faut se « reneuroniser »…Tous les lecterurs du Web ne sont pas impatients…

  72. Matt

    Désolé de reprendre le débat un peu tard, mais tous semblent avoir négligé cette phrase : « Les membres reconnaissent que la majorité de leurs communications extérieures ont pour objectif de générer de fausses pistes, […] »
    Dès lors, toutes les petites actions prétendues, celles dont ils ne veulent pas parler afin de ne pas permettre leur localisation, sont à mettre en doute.
    De même leur structure, leur nombre, leur pouvoir et même leur mode opératoire pourrait être entièrement fantasmé.
    Un cinéma de 20 places, donc ?