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Nous avons tout récemment reçu le mail ci-dessous envoyé par l’Hadopi.
Il s’agit d’une invitation à participer, dans des établissements scolaires, à des ateliers « pour sensibiliser le jeune public au droit d’auteur et à la création » (une dizaine de dates sont programmées aux quatre coins de la France pour le premier trimestre 2014).
« Parmi les éclairages divers que nous souhaiterions apporter aux élèves, le regard de Framasoft nous semblerait évidemment très intéressant. »
L’Hadopi agit là dans le cadre de ses missions puisqu’il est explicitement dit dans la loi : « Les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin pour la création artistique (…) Cette information porte également sur l’existence d’une offre légale d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin sur les services de communication au public en ligne. »
Première réaction, presque instinctive, au sein de notre association : sourire narquois, méfiance et forte propension à décliner (gentiment) l’invitation. Pas envie de se faire récupérer et servir de caution ou d’alibi.
Il fait dire que quelques ateliers ont déjà eu lieu et qu’à lire les articles suivants de PC INpact, cela incite à une certaine prudence (litote) : Avec la Hadopi, les sites PUR investissent les salles de classe et On a testé la journée portes ouvertes fermées de la Hadopi.
Non, donc, a priori très peu pour nous.
D’un autre côté, c’est tout de même contrariant de laisser des Hadopi, ou pire encore des Calysto et Microsoft, avoir le champ libre (sic) pour pénétrer ainsi l’école et y tenir un discours pas forcément en phase avec le nôtre (nouvelle litote).
Serait-ce une bonne idée d’y aller quand même, sous certaines conditions et en avançant groupés ?
Dans les conditions préalables, il pourrait y avoir l’assurance de disposer d’un réel temps d’intervention dans une totale liberté de parole (avec droit de distribuer quelques petits flyers aux élèves à la fin) ainsi que de pouvoir en toute objectivité relater la journée sur nos sites. Et avancer groupés, cela signifie contacter tous nos petits amis : April, AFUL, La Quadrature du Net, SavoirsCom1, etc. pour se coordonner et être présents à toutes les journées.
Telle est la question que nous vous posons dans les commentaires.
Mail d’invitation de l’Hadopi
Bonjour,
Pour sensibiliser le jeune public au droit d’auteur et à la création, l’Hadopi anime des ateliers auprès des élèves de collège-lycée, en collaboration avec les rectorats.
Ces ateliers visent à informer les élèves sur le droit d’auteur et les mécanismes de la création afin d’encourager la responsabilité et l’esprit critique face aux pratiques culturelles sur Internet. Ils visent également à initier les élèves à la création de façon concrète et ludique et à leur permettre de découvrir un univers culturel.
Pour cela, des artistes et des professionnels sont invités à apporter leur témoignage, leur expertise et leur savoir-faire. Parmi les éclairages divers que nous souhaiterions apporter aux élèves, le regard de Framasoft nous semblerait évidemment très intéressant. Aussi, nous serions ravis que vous puissiez participer à un atelier dans les mois à venir.
Pourrions-nous convenir d’une rencontre prochaine pour vous apporter plus de précisions et – je l’espère – pour envisager ensemble les contours d’une participation ?
Vous trouverez ci-joint un calendrier prévisionnel pour les ateliers des mois à venir, nous vous remercions de nous indiquer si vous pourriez être intéressés par une participation à l’un d’entre eux.
Dans l’attente de votre retour, je me tiens à votre entière disposition.
Mail d’un lycéen
Et pour conclure ce billet sur un son de cloche différent, voici un autre message que nous reçu il y a deux semaines.
Bonjour, je suis élève de Terminale Scientifique et engagé comme beaucoup dans la promotion du logiciel libre. Je vous laisse consulter mon profil sur Wikipédia pour connaitre mes actions.
J’ai proposé à l’animateur culturel de mon lycée d’organiser trois séances de débats sur trois sujets qui me semblent important : les logiciels libres, Internet, le travail collaboratif et les licences libres.
J’aurais aimé savoir si vous aviez des informations à me fournir pour débuter mon travail : dépliants, documents, affiches que je pourrais acheter à l’association et qui permettraient aux intervenants de ces sessions de discussion de repartir avec quelque chose. Il est bien évident que je fournirai un don à l’association[1].
Un travail collaboratif entre les membres de la communauté sur ces sujets pourrait aussi grandement m’aider, pour ne rien omettre et trier les informations les plus importantes. L’idée étant d’intervenir de façon pertinente sur ces sujets et de laisser aux invités le message du débat. D’avance, merci beaucoup de l’aide que vous pourriez m’apporter.
Nous lui avons conseillé de prendre contact avec le Groupe d’utilisateurs de Logiciels libres[2] de son département .
Ce qui fut fait : « ils m’ont tous assuré de leur soutien pour l’écriture et la relecture de mes travaux. Ils m’ont aussi proposé de venir intervenir au sein du lycée. »
Luk
Considérant que « l’offre légale » est bien souvent DRMisée jusqu’au trognon, on pourrait effectivement sensibiliser sur « les dangers du téléchargement », notamment parce qu’on se fait escroquer de la propriété de sa copie dans le processus.
LN
Bonjour, sans remettre en cause les compétences de Framasoft, je crois que vous ne devriez pas y aller. Pas dans ces conditions. Pour la simple et bonne raison que je ne comprends pas pourquoi ce sont des organismes privés (associations, collectifs, etc) qui devraient intervenir sur ces questions alors qu’il y a dans les établissements des enseignants tout à fait capables de le faire. Il s’agit, entre autre, des professeurs documentalistes qui sont compétents dans le domaine.
Ce que je trouve, par contre, intéressant, c’est d’apporter aux élèves des regards différents, de les amener à réfléchir et à se poser les bonnes questions. C’est ce que j’ai commencé à faire avec ce type de séances : http://odysseedln.overblog.com/iden… J’ai proposé une progression sur la notion de source à travers des sujets de controverse. Il m’a semblé intéressant de faire réfléchir les élèves sur les acteurs qui s’expriment sur ces sujets.
C’est un véritable travail de collaboration avec les enseignants que vous pourriez mettre en œuvre, et au cas par cas, dans chaque établissement. Pas à la demande d’Hadopi, mais à la demande des équipes éducatives, autour d’un vrai projet pédagogique.
A nous, enseignants, d’accepter ou non, vos interventions et celles d’autres lobbies que vous dénoncez (Microsoft, Calysto, etc…) dans le respect de la neutralité que doit avoir l’école.
Je vous renvoie vers ce billet de Michel Guillou « Quand Hadopi veut faire classe… » http://www.neottia.net/ qui peut apporter du grain à moudre à votre réflexion.
Curieuse de savoir la réponse que vous apporterez.
Marien
Personnellement je pense que c’est une bonne idée d’y aller. J’ai l’impression que depuis quelques mois l’Hadopi essaye de s’ouvrir un peu plus à différents courants de pensée. Ce que je vois là est plus un signe d’ouverture qu’une tentative de récupération.
Bien sûr restez prudent, mais je pense que Framasoft a une ligne de conduite suffisamment claire (et plus encore si vous vous associez à d’autres associations) pour éviter de tomber dans le piège.
Ça permettra au moins de donner un autre point de vue aux élèves. Puis vous pouvez toujours rappeler au début des séances que vous avez grandement critiqué l’Hadopi au départ et que vous êtes ici pour alimenter le débat 🙂
samy
Avec un rejeton (préado) qui aimerait se faire offrir la bio des PDG de Mac & Msoft par ses grands-parents (malheureusement authentique), malgré une exposition prolongée et progressive à Tuxpaint, Supertux, GCompris, Abuledu, OLPC/Sugar, TurtleArt, Blender, Ubuntu puis Debian, Gnome 2 puis 3, Raspberry Pi (robotique, xbmc, etc.), et plus généralement aux formats ouverts et aux logiciels libres, Wikipedia et autres Vikidia, aux idéaux de partage des connaissances et des ressources, bref, malgré tout cet effort éducatif, toute action de sensibilisation par les acteurs Frama* et autres, auprès des jeunes me semble tout bonnement indispensable. Ne jamais abandonner le terrain…
Lapinou
Ils s’attendent peut-être à ce que vous alliez dans le sens des industrieux, en disant «bien sûr, il faut utiliser des licences libres», c’est à dire en renforçant l’idée qu’une offre légale existe et qu’il faut s’y soumettre.
Pourtant en l’état actuel, il faut reconnaître que l’offre que présente les licences libres est une frustration, en particulier dans le champ artistique, à moins d’être spéléologue. Les oeuvres exposées aux lycéens sont ainsi majoritairement soumises au plein droit d’auteur.
C’est pourquoi vous devrez tenir 2 discours: promotion des licences libres, oui, mais aussi dépénalisation du téléchargement. Et pourquoi pas, «pour le démantèlement de la Hadopi».
Les licences libres peuvent à la fois être vues comme un outil légal, mais aussi comme une remise en cause de divers pans de la propriété intellectuelle qui sont imposés à tous.
Autrement dit, bien affirmer que le status «protégé» des oeuvres pose problème en soi, et ce de manière urgente, et pour lequel les licences libres n’ont pas de solution immédiate. Du moins, les licences libres sont une solution immédiate pour le «créateur», mais pas pour le public.
aKa
@LN : Oui c’est une bonne idée. Existe-t-il des associations, listes de discussion, etc. spécialement dédiées aux professeurs documentalistes, histoire de pouvoir communiquer plus facilement ?
Et sinon pour l’anecdote, notre petit PS pernicieux a été lu et entendu puisque le « boss » d’Hadopi himself Eric Walter a fait un don à Framasoft 😉
https://twitter.com/framasoft/statu…
c1coucou2piou
il n’y a de Démocratie que par le dialogue. Vous devriez y aller, en particulier après concertation avec tous nos petits amis : April, AFUL, La Quadrature du Net, SavoirsCom1, etc…
davandg
Vous devriez aller pour les raisons suivantes :
– Ajouter de la visibilité à Frama* et prêcher la bonne parole (vous serrez en contact de pleins de profs et d’élèves)
– Vous pourrez rapporter, en qualité de témoin direct, comment ces évènements se déroulent.
– Vous pourrez rajouter votre grain de sel. Si un Hadopien dit « télécharger c’est mal », vous pourrez le corriger par « le téléchargement illégal c’est mal, télécharger une œuvre libre de droit c’est bien ».
Comme vous l’évoquez dans le billet, il faut certain de votre rôle durant ces journées. Etes-vous seulement un alibi ? Quel temps de parole ?
Gilles
Léger HS : c’est pas censé être dissous l’Hadopi ? Y’a encore du budget pour cette charogne ?
Lucie
Si vous répondez présent à l´invitation, ce serait peut être pour vous une bonne occasion de présenter les licences libres, car j´ai l´impression que la Hadopi met surtout en avant « téléchargement légal = payant », et diabolise le p2p, alors que l´on peut très bien récupérer des distro linux légalement par ce moyen. Après il faut voir comment la Hadopi veut organiser son action, si elle va parler 90% du temps et que le reste sera à se partager entre les autres invités, mieux vaut peut être ne pas y aller…
Billouche
J’ai une idée : faîtes intervenir Pouhiou. Quelque chose me dit qu’il est la clé de la solution. 😉
Amicalement.
oui
Si il est certains que les les bonnes conditions y soient.(temps et liberté de parole et avec les copains April LQDN etc)
Si oui, alors go!
Si non, ca ne servira évidemment qu’a de la légitimation, récupération etc
Bien bosser et réfléchir et analyser toutes les méthodes qui peuvent etre utiliser pour te discréditer ou démonter dans un « débat ».
franck le cantalou
Surtout ne vous approcher pas de l’Éducation nationale, c’est le coter sombre de l’apprentissage..
elbereth
Oui, c’est bien d’y aller.
D’abord ça peut permettre de mieux cerner un public d’adolescents qui n’irait pas forcément de lui-même vers Framasoft. Il faut bien reconnaître que les « digital natives » sont généralement des illétrés du numérique plutôt portés vers le consumérisme.
De plus, les licences libres restent malheureusement mal connues. Dans l’esprit du public, le « droit d’auteur » est avant tout connu sous sa version « (C) tous droits réservés », qu’on devrait plutôt appeler interdiction d’auteur. Ce serait très bien que les scolaires sachent qu’il y a autre chose que de la musique sous DRM, des livres électroniques dont le moindre copié-collé est interdit.
fabrice
Bonjour
Vous n’y êtes pas déjà ???
Sérieusement je pense que c’est une occasion à ne pas rater, en utilisant les mêmes moyens de communication que des pommes ou des fenêtres.
Ne pas y aller c’est ne rien faire et être d’accord avec ce qui se fait actuellement, y aller c’est jetter des graines et qui sait, peut être certaines deviendront des arbres …
Bon courage.
Fabrice
ppr
+1 pour faire l’intervention et ne pas laisser un seul son de cloche résonner dans l’Église (d’emacs).
Julius22
Je n’ai pas lu tous les commentaires, mais je pense qu’il serait utile de participer à ces journées. Surtout en partenariat avec d’autres associations libristes.
C’est vrai qu’on peut se demander pourquoi des groupes de droit privé vont faire de l’information à l’école. Mais c’est l’occasion pour nous se sensibiliser un public certainement plus sensible au libre partage. Et puis ça permettra de voir comment ça se passe pour savoir si l’expérience peut être « profitable ». Je rejoins aussi ceux qui expriment le fait qu’il ne faut pas laisser un seul son de cloche s’exprimer.
franck le cantalou
je sais bien que sait un fil de commentaire est non un forum, tout de même à lire ceux qui s’expriment pour une intervention, faudrait tout de même par être naïf , on ne change rien en intervenant à l’école .
Coyer bien que si la fenêtre est la pomme est à l’école ces avec des arguments vieux comme le monde est par le cerveau des responsables du fonctionnement de l’Éducation nationale qu’ils sont arrivés ou ils sont .
l’avenir de l’informatique a l’école ceux décide pas dans les classes .
la liberté s’apprend ailleurs qu’a l’école .
ANDEP
Bonjour,
Je suis professeur documentaliste et rejoins la position d’LN. Je représente aussi l’association nationale des professeurs documentalistes de l’enseignement privé sous contrat avec l’état (ANDEP) et votre article ainsi que les commentaires m’interrogent sur la visibilité du travail qui nous effectuons au sein des établissements scolaires.
Nous sommes certes minoritairement représenté(e)s au sein du corps professoral (1 parfois 2 profs doc par collège ou lycée) mais notre mission d’enseignement est très largement tournée vers les environnements numériques.
L’éducation à l’information et aux médias des élèves est une réelle priorité. Nous essayons de faire évoluer les discours autour du libre, des creative commons, du copier-coller… Pour ma part, au lieu de dissuader mes élèves d’aller sur Wikipédia, je les encourage plutôt à y écrire ! Ce travail de réflexion que nous menons, nous pouvons aussi le partager avec des associations mais, comme le dit LN, autour de projets pédagogiques et à la demande des équipes éducatives et pas parce qu’Hadopi le demande.
Je ne sais pas où est le côté sombre de l’apprentissage 😉 mais hier encore j’ai proposé à des élèves de première de visionner « Une contre-histoire des internets » http://lesinternets.arte.tv/, ils ont trouvé ça remarquable. Le discours de l’ANDEP est aussi de dire que la culture numérique se développe également à l’école, ce qui sous-entend de former les élèves aux écritures et lectures numériques, aux logiques des algorithmes…
Merci pour ce fil ! Le chantier est vaste et nous essayons, à notre niveau, d’y contribuer un peu.
Bruno
Pour moi (mais je ne suis pas Français) il est clair que Framasoft doit saisir l’occasion. D’abord ça ne semble pas être un piège, et même si c’en était un, vaut mieux y être et faire passer au moins une partie du message que ne pas se faire connaître du tout des élèves. Évidemment, il faut voir les conditions que propose Hadopi et tous les détails… En tout cas, la meilleure des chances aux personnes impliquées.
Stef
+1 pour y intervenir.
Le plus gros problème du logiciel libre est de se faire connaître.
C’est l’occasion d’en informer les jeunes et qu’il est aussi possible de créer et de partager librement.
Billouche
Tu as raison, Stef. On peut faire un lobbying plus que positif. Il peut y avoir des lobbies pour de bonnes et nobles causes. 🙂
1138
« Ils visent également à initier les élèves à la création de façon concrète et ludique et à leur permettre de découvrir un univers culturel. »
Ça veut dire qu’on peut y promouvoir – pour la création – les logiciels et formats libres, avec leurs avantages face aux solutions privatrices.
Ça veut dire qu’on peut sensibiliser à l’utilisation de solutions permettant de créer, face à celles qui ne permettent que de consommer (Surtout à l’heure où on parle d’utiliser des tablettes en classe.)
Ça veut dire qu’on peut plaider en faveur de la collaboration, plutôt que de la concurrence.
Et si ça permet à Emma Leprince d’être plus influencée par Voltaire, Zola, et Pouhiou que par Voltaire, Zola, et DJ Fritas, on évitera « I prefer your clone » dans dix ans.
Ryzz
LN a raison sur le fait qu’il ne devrai pas y avoir d’organisme extérieur qui fasse ce genre d’intervention. Cependant, ça va quand même se faire… alors il vaut mieux y aller pour équilibrer un peu le discourt ! D’autant que je suis persuadé qu’il doit bien y avoir des documentalistes qui n’orientent pas leur discourt vers le libre. Quant à ceux qui le font, ça peut être l’occasion de leur donner un peu de soutient dans leur travail et de le valoriser face aux élèves. Car plus les élèves verront de personnes avec un discourt en faveur du libre, plus ils le prendront au sérieux.
Surtout, si vous y allez, mettez l’accent sur les DRMs. Il est important que les gens prennent conscience des moindres restrictions qu’on met à leurs libertés. Ce n’est pas ça qui va changer la situation actuelle, mais ce qu’il faut, c’est développer leur esprit critique pour que plus tard ils fassent leurs propres choix en analysant ce que ça implique pour leur liberté.