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L’association COMMUNIA, l’Open Knowledge Foundation France, La Quadrature du Net, Framasoft, Regards Citoyens, Veni Vidi Libri, le Parti Pirate, Libre Accès et SavoirsCom1 publient ce jour un communiqué dénonçant la signature par la BNF, le Commissariat aux investissements d’avenir et le ministère de la Culture et de la communication d’accords qui privatisent l’accès numérique à une part importante de notre patrimoine culturel.
Paris, le 18 janvier 2013 — Le ministère de la Culture a annoncé hier la conclusion de deux accords, signés entre la Bibliothèque nationale de France et des firmes privées, pour la numérisation de corpus de documents appartenant pour tout (livres anciens) ou partie (78 et 33 tours) au domaine public. Les fonds concernés sont considérables : 70 000 livres anciens français datant de 1470 à 1700, ainsi que plus de 200 000 enregistrements sonores patrimoniaux. Ces accords, qui interviennent dans le cadre des Investissements d’avenir et mobilisent donc de l’argent public, vont avoir pour effet que ces documents ne seront pas diffusés en ligne, mais uniquement sur place à la BnF, sauf pour une proportion symbolique.
Ces partenariats prévoient une exclusivité de 10 ans accordée à ces firmes privées, pour commercialiser ces corpus sous forme de base de données, à l’issue de laquelle ils seront mis en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. Les principaux acheteurs des licences d’accès à ces contenus seront des organismes publics de recherche ou des bibliothèques universitaires, situation absurde dans laquelle les acteurs du service public se retrouveront contraints et forcés, faute d’alternative à acheter des contenus numérisés qui font partie du patrimoine culturel commun.
Les conditions d’accès à ces éléments de patrimoine du domaine public seront restreintes d’une façon inadmissible par rapport aux possibilités ouvertes par la numérisation. Seule la minorité de ceux qui pourront faire le déplacement à Paris et accéder à la BnF seront en mesure de consulter ces documents, ce qui annule le principal avantage de la révolution numérique, à savoir la transmission à distance. Partout enFrance et dans le monde, ce sont les chercheurs, les étudiants, les enseignants, les élèves, les amateurs de culture, les citoyens qui se trouveront privés de l’accès libre et gratuit à ce patrimoine.
La valeur du domaine public réside dans la diffusion de la connaissance qu’il permet et dans la capacité à créer de nouvelles œuvres à partir de notre héritage culturel. Sa privatisation constitue une atteinte même à la notion de domaine public qui porte atteinte aux droits de chacun. Ces pratiques ont été condamnées sans ambiguïté par le Manifeste du domaine public, rédigé et publié par le réseau européen COMMUNIA financé par la Commission européenne :
Toute tentative infondée ou trompeuse de s’approprier des œuvres du domaine public doit être punie légalement. De façon à préserver l’intégrité du domaine public et protéger ses usagers de prétentions infondées ou trompeuses, les tentatives d’appropriation exclusive des œuvres du domaine public doivent être déclarées illégales.
Les institutions patrimoniales doivent assumer un rôle spécifique dans l’identification efficace et la préservation des œuvres du domaine public. (…) Dans le cadre de ce rôle, elles doivent garantir que les œuvres du domaine public sont accessibles à toute la société en les étiquetant, en les préservant et en les rendant librement accessibles.
À titre de comparaison, les partenariats validés par le ministère de la Culture aboutissent à un résultat encore plus restrictif pour l’accès à la connaissance que celui mis en œuvre par Google dans son programme Google Livres, dans lequel les ouvrages restent accessibles gratuitement en ligne sur le site des institutions partenaires. La mobilisation de l’emprunt national n’aura donc en aucun cas permis de trouver une alternative acceptable aux propositions du moteur de recherche.
Le ministère de la Culture affirme dans son communiqué que ces partenariats sont compatibles avec les recommandations du Comité des sages européens « A New Renaissance ». C’est à l’évidence faux, le rapport du Comité des sages admettant que des exclusivités commerciales puissent être concédées à des firmes privées pour 7 ans au maximum, mais insistant sur la nécessité que les documents du domaine public restent accessibles gratuitement en ligne, y compris dans un cadre transfrontalier. Plus encore, les accords sont en flagrante contradiction avec la Charte Europeana du Domaine Public (pdf) alors même que l’un de ses signataires occupe aujourd’hui la présidence de la fondation Europeana.
Par ailleurs, le rapport du Comité des sages énonce comme première recommandation que les partenariats public-privé de numérisation soient rendus publics afin de garantir la transparence, ce qui n’est pas été fait ici. L’opacité a régné de bout en bout sur la conclusion de ces partenariats, au point qu’une question parlementaire posée au ministère de la Culture par le député Marcel Rogemont est restée sans réponse depuis le 23 octobre 2012, alors même qu’elle soulevait le problème de l’atteinte à l’intégrité du domaine public. Enfin, les partenariats publics-privés ont été récemment dénoncés par l’Inspection générale des finances dans un rapport commandé par le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, et par celui du Budget, Jérôme Cahuzac. Ces partenariats sont jugés trop onéreux, trop risqués, trop complexes et trop profitables aux seuls intérêts privés.
Nous, associations et collectifs signataires de cette déclaration, attachés à la valeur du domaine public et à sa préservation comme bien commun, exprimons notre plus profond désaccord à propos de la conclusion de ces partenariats et en demandons le retrait sans délai. Nous appelons toutes les structures et personnes partageant ces valeurs à nous rejoindre dans cette opposition et à manifester leur désapprobation auprès des autorités responsables : BnF, Commissariat général à l’investissement et ministère de la Culture. Nous demandons également la publication immédiate du texte intégral des accords.
Contacts presse
- L’association internationale COMMUNIA L’association a pour mission d’éduquer sur l’importance du domaine public numérique, de le défendre auprès des institutions, et de constituer une source d’expertise et de recherche en la matière. Elle a succédé au Réseau thématique COMMUNIA actif sur les mêmes sujets et financé par la Commission européenne. Contact : info@communia-association.org
- L’Open Knowledge Foundation France L’Open Knowlegde Foundation (OKFN) est une organisation à but non lucratif fondée en 2004 à Cambridge qui promeut la culture libre sous toutes ses formes. Ses membres considèrent qu’un accès ouvert aux informations associé aux outils et aux communautés pour les utiliser sont des éléments essentiels pour améliorer notre gouvernance, notre recherche, notre économie et notre culture.
- La Quadrature du Net La Quadrature du Net est une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. À ce titre, la Quadrature du Net intervient notamment dans les débats concernant la liberté d’expression, le droit d’auteur, la régulation du secteur des télécommunications ou encore le respect de la vie privée. Contact : Philippe Aigrain, co-fondateur et conseiller stratégique pa@laquadrature.net +33 6 85 80 19 31
- Framasoft Réseau d’education populaire au Libre en général et au logiciel libre en particulier. Contact : Alexis Kauffmann, fondateur de Framasoft
- Regards Citoyens est un collectif transpartisan qui vise à utiliser un maximum de données publiques pour alimenter le débat politique tout en appliquant les principes de la gouvernance ouverte. En plus de faire la promotion de l’OpenData et l’OpenGov en France, il réalise des projets web n’utilisant que des logiciels libres et des données publiques pour faire découvrir et valoriser les institutions démocratiques françaises auprès du plus grand nombre.
- Le Parti Pirate est un mouvement politique ralliant celles et ceux qui aspirent à une société capable de : partager fraternellement les savoirs culturels et scientifiques de l’humanité, protéger l’égalité des droits des citoyens grâce des institutions humaines et transparentes, défendre les libertés fondamentales sur Internet comme dans la vie quotidienne.
- Veni, Vidi, Libri a pour objectif de promouvoir les licences libres ainsi que de faciliter le passage de créations sous licence libre.
- Libre Accès a pour objet de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de l’art libre et de défendre les droits de ses amateurs et auteurs.
- SavoirsCom1 est un collectif qui s’intéresse aux politiques des biens communs de la connaissance. SavoirsCom1 défend les positions exprimées dans son Manifeste. Contact : savoirscom1@gmail.com
Crédit photo : Massimo Barbieri (Creative Commons By-Sa)
Arnaud Palisson
Quand on repense au tollé soulevé il y a quelques années par le projet Google Livres !
Et voilà qu’un gouvernement de gauche choisit une solution bien pire. Bravo ! Quel gâchis.
Inkey
Vraiment désespérant.
Faudrait un jour qu’on renomme ce ministère en rajoutant «industrie», ça serait bien plus parlant.
Sébastien C.
Bonjour à tous,
Une semaine que je bouille. D’abord avec Aaron S. puis avec ce truc-là.
« Seule la minorité de ceux qui pourront faire le déplacement à Paris et accéder à la BnF seront en mesure de consulter ces documents »
C’est la vue « moderne » d’un gouvernement de gauche « moderne ». En arriver à juger Google comme plus ouvert, c’est quand même un comble. Donc là aussi, cela mérite de la part du citoyen lambda de la Résistance. Autant que pour Aaron, je suggère de mettre en place une structure pour alerter les chercheurs ; le parallèle entre les deux événement est suffisamment cru pour faire sens. Puisqu’il est évident que l’on puisse considérer la « légalité » de ce truc-là comme pour le moins « border-line », je ne vois pas pourquoi, nous ne serions pas aptes à leur répondre, la tête haute et avec force arguments. Un site (douteux) de stockage de données vient de rouvrir sur les terres de la Nouvelle Zélande. Faudra-t-il faire fruit de ses services pour simplement que soit respecté le plus élémentaire des droits, celui du Peuple ? Je finis par le croire.
Je suis aussi étonné qu’il ne se trouve pas une pétition à signer, par exemple chez Avaaz qui sait particulièrement bien relayer ce genre de choses. Si quelqu’un a vent de quoi que ce soit dans ce sens, ce serait une bonne chose de prendre la peine de relayer l’information autant sur ce blog que sur le forum de Framasoft.
Par ailleurs,
http://paigrain.debatpublic.net/?p=…
par quelqu’un qui connaît extrêmement bien le sujet pour le vivre de l’intérieur et qui développe ses inquiétudes beaucoup mieux que je ne pourrai le faire ; à lire absolument il me semble.
Très énervé.
🙁
Philippe
On vit vraiment dans un monde merveilleux.
On fait un procès à Google qui veut rendre disponible à tous les anciens livres et à la place
on les donnent a des entreprises qui vont faire en sorte de bien les cacher
Google n’est pas parfait mais sur coup la je suis avec eux.
Vincent
Aussi énervé que tout le monde là.
Au PP, on a passé la semaine à suivre et essayer de synthétiser un peu ce qui se passait sur #pdfTribute. (*)
… et pendant ce temps nos guignolos, pauvres types sans doute même pas au courant, font exactement l’inverse.
La France étatiste vit *exactement* comme sous Louis XIV.
Il n’y a rien de rien à attendre de ce coté. C’est à *nous* de nous révolter.
(*) : http://wiki.partipirate.org/wiki/Op…
Julienb
Arroseur arrosé,
Nous, citoyens et ayants droits du domaine public ne pouvons nous pas saisir la HADOPI pour vol et piratage de biens public ? La justice pour détournement de fonds publics ?
Nous avons déjà financé l’espace de stockage (la BNF), la confiscation de ces biens mérite une peine, pas une simple réponse d’une Ministre.
Le terme de partenariat me laisse songeur… j’espère qu’ils prendront cher pour détourner ainsi des fonds publics.
shokin
Apposons à toutes nos oeuvres (scientifiques, artistiques, didactiques, etc.) la mention CC0 et le lien vers la page correspondante du site Creative Commons. Et mettons-les en libre téléchargement (sans demande d’authentification, sans le moindre DRM) sur le web. Partageons-les également de manière décentralisée (pire-tout-pire).
Sébastien C.
Un début de réponse PRATIQUE à la désobéissance civile :
Le jour où les bisounours mordront les vautours
http://blog.univ-angers.fr/rj45/201…
Bruno
Ce cas de figure est déjà arrivé à Lyon où la bibliothèque municipale avait contractualisé avec Google pour la numérisation de son fonds ancien. C’était moins pire puisque les fichiers numériques étaient en accès libre sur le site web de la Bibliothèque. Mais si un éditeur souhaitait rééditer un ouvrage ancien, il était obligé de passer par Google.
Nous sommes plusieurs à nous être posés la question : comment peut-on céder une partie du domaine public ?
Un ami avocat spécialisé dans le droit de l’environnement a alors étudié la question et publié une analyse qui a été publiée dans des revues juridiques et reprise par Pierre Assouline dans son blog http://passouline.blog.lemonde.fr/2…
Bref, la légalité de cette décision de la BNF me parait très contestable ! Mais comme pour Lyon, il faudrait que quelqu’un (une asso, un groupe d’associations ?) fasse un recours pour que ce soit jugé !
J’ai mis l’étude complète de Me Thibault Soleilhac sur mon blog (avec sa permission 😉 )
http://brunocharles.org/
pv
LA CGT DIT NON A LA PRIVATISATION DU PATRIMOINE NUMÉRISÉ DE LA BnF !
Deux nouveaux accords concernant la numérisation des collections de la BnF viennent d’être conclus via la Filiale BnF-partenariats : 70000 livres anciens seront numérisés par la Société ProQuest et 200.000 vinyls par les sociétés Believe digital et Memnon archiving services. Ou comment la BnF et le Ministère de la Culture privatisent le patrimoine public pour dix ans et permettent à des sociétés privées de dégager des bénéfices avec la commercialisation de ces collections numérisées.
Rappelons que la Filiale BnF-Partenariats a reçu de l’Etat via le Grand emprunt et la Caisse des dépôts et consignations 10 millions d’euros. La CGT aurait préféré que le ministère attribue ces sommes directement à la BnF dans le cadre d’une politique publique du patrimoine numérique donnant à tous l’accès gratuit au patrimoine et à la culture.
? POUR LA CGT, NUMÉRISÉS OU PAS, LES OUVRAGES D’UNE BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE APPARTIENNENT A LA COLLECTIVITÉ ! NON A LA PRIVATISATION ET A LA COMMERCIALISATION DU BIEN COMMUN !
Alors que le ministère de la Culture refuse depuis des mois de rencontrer la CGT sur ce sujet (voir notre courrier : ici), la signature de ces 2 nouveaux accords est en train de soulever une vague d’indignation :
? La réaction de l’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD) : ici
? Un appel de plusieurs associations : Non à la privatisation du domaine public par la Bibliothèque nationale de France : ici
? Le communiqué de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) : ici
? Un article d’ActuaLitté : Vendre le domaine public n’est pas le rôle des gestionnaires Bnf : ici
? Un article du blog S.I.Lex : La privatisation du domaine public à la BnF, symptôme d’un désarroi stratégique : ici
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