Antoine Moreau : « l’infini est en cours »

Temps de lecture 4 min

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Personnage atypique dans notre galerie de portraits des dessinateur-ice-s qui publient sous licence libre, Antoine Moreau partage en copyleft des dessins réalisés par des personnes de rencontre. Entre autres activités.

Une démarche artistique hors normes, qui dure depuis super longtemps !

Nous avons déjà longuement parlé d’Antoine en 2011.

Salut Antoine ! Est-ce que tu peux te présenter ?

Je suis un artiste peut être. J’ai été à l’initiative et co-rédacteur de la Licence Art Libre en 2000. J’ai mis en place l’association Copyleft Attitude.


Je suis maître de conférences au département Multimédia de l’Université Franche-Comté. En mai de cette année j’ai organisé, avec le soutien de l’université, un festival d’art contemporain numérique transmédia et libre copyleft à Montbéliard.

Raconte-nous comment est né ton projet, et depuis combien de temps tu fais ça ? (j’ai vu des dessins de 1982 !)

De 1982 à 1997 j’ai demandé à des personnes de rencontre de me dessiner quelque chose sur une feuille vierge A4. Elles signaient, je contresignais et conservais la feuille.

En février 2008 je reprends cette activité avec quelques changements :

  •  La feuille comporte une mention légale copyleft selon les termes de la Licence Art Libre.
  • Je ne contresigne pas.
  • Le dessin est scanné ou photographié.
  • Il est restitué à son auteur.
  • J’en conserve une copie numérique et mets en ligne.

Je pense que si j’ai été amené à faire ces dessins c’est pour répondre à un problème simple : que dessiner et comment le faire ?
En confiant la réalisation du dessin à qui veut bien le faire à ma demande, je découvre ma part d’auteur excédant visiblement l’auteur que je suis censé être et reconnu comme tel par ce qu’il a en propre.

Aux RMLL en 2009 je présentais ainsi (avec une touche de Lao Tseu) ce que j’allais faire :
Antoine Moreau se promène avec des feuilles vierges copyleft selon les termes de la Licence Art Libre pour les offrir à qui veut dessiner dessus.
Il adopte la tactique du non-agir, et pratique l’enseignement sans parole.
Toutes choses du monde surgissent sans qu’il en soit l’auteur.
Il produit sans s’approprier, il agit sans rien attendre, son œuvre accomplie, il ne s’y attache pas.

Tu es vraiment à l’origine du copyleft ?

Non, c’est Don Hopkins, artiste et programmeur, ami de Richard Stallman qui, un jour de 1984, lui a envoyé une lettre avec noté sur l’enveloppe cette phrase : « Copyleft — all rights reversed ». « Copyleft » est alors devenu le mot qui allait désigner l’idée du logiciel libre tel qu’il a été formalisé par la General Public License.

Est-ce que tu es toi-même dessinateur ? J’ai vu des sculptures, aussi.

Je confie des sculptures à des personnes de rencontre en leur demandant de la confier également à quelqu’un d’autre et ainsi de suite, sans qu’il n’y ait de propriétaire définitif ni de point de chute final. Je demande simplement à ce qu’on m’informe de l’histoire de la sculpture :
à qui elle a été confiée, où elle se trouve et quand s’est passée la transmission, de façon à avoir un historique de l’œuvre itinérante.

Peinture : une peinture de peintres. Je propose à des peintres de se peindre les uns par dessus les autres sur une toile. Cette peinture n’aura pas de fin, pas d’image arrêtée. C’est la peinture sans fin par la fin de la peinture. Chaque couche de peinture d’un peintre différent fait disparaître, entièrement ou en partie la couche précédente.Des traces photo demeurent.

Tu as fait des expositions physiques, aussi. Beaucoup ?

Fatalement, un artiste est amené à montrer son travail. Je me suis appliqué à cette convenance.

Tu as besoin de contributeurices ? D’aide financière ? D’admiration ? De câlins ?

Après avoir soutenu ma thèse en 2011  « Le copyleft appliqué à la création hors logiciel. Une reformulation des données culturelles ? » il y a eu le projet d’en faire un framabook. Il y a eu enthousiasme et débat et tentative de passage à l’acte. Plutôt que de réviser moi-même le texte pour l’adapter au format livre j’avais proposé l’idée de laisser la communauté Framasoft le faire : couper dans le texte, choisir les passages à conserver, etc. en ayant, bien sûr, un droit de regard. Un wiki a été mis en place mais sans suite.

Eh bien je n’étais pas là à ce moment-là…

Ce Framabook serait semblable, dans son process, aux dessins dont je propose la réalisation. J’offre la matière, vous réalisez la forme que ça va prendre.

Comme d’habitude dans le Framablog, nous te laissons le mot de la fin.

Il n’y a pas de mot de la fin. L’infini est en cours. Tout se poursuit. D’une façon ou d’une autre.

 

Tous les dessins sont extraits de la collection d’Antoine.

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2 Responses

  1. Amalya

    Magnifique démarche. Cela replace aussi l’art dans les mains de chacun-e : tout le monde est artiste, même si nous l’oublions et nous n’osons pas « faire ». En voyant les dessins sur le site d’Antoine Moreau, certains superbes, d’autres d’une exécution plus néophyte mais avec plein de bonnes idées, les différences de traits, d’appropriation de la consigne ou de la façon d’utiliser sa liberté, je prends vraiment conscience que tout est possible et que chacun-e de nous a en soi des univers, des univers qu’il faut partager et non pas enfermer. Merci.

  2. Elize

    La circulation de l’art, qu’il soit physique, mais encore plus sur Internet est primordiale. Se poser les bonnes questions et ne pas avoir peur de ne pas ‘posséder’ ou ‘être dépossédé’ est essentiel. Merci à Antoine Moreau, il fait avancer les choses.
    Et il permet à chacun de mieux s’y retrouver avec ce qui concerne les droits à l’image. Ainsi en me renseignant, j’ai choisi de partager les images de mon blog, et mon art en général en copyleft (je l’avais expliqué ici http://www.pigmentropie.fr/2015/07/creative-commons-copyleft/ )