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La collecte de données n’a jamais été aussi large, leur accumulation est sans précédent bien que leur équivalent analogique paraisse impensable…
Voici déjà le 16e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois examine aujourd’hui les risques pour les libertés individuelles de la conservation des données collectées et stockées.
Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.
La vie privée de nos enfants et l’accumulation de données
Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com
Traduction Framalang : amille, Lumibd, draenog, Marius + 2 anonymes
Dans le monde analogique de nos parents, il était absolument inimaginable que le gouvernement veuille connaître chaque déplacement que vous ayez fait, chaque appel téléphonique que vous ayez donné et chaque message que vous ayez écrit ; tel était le fonctionnement normal. Pour nos enfants, à l’ère du numérique, les représentants du gouvernement insistent pourtant sur la nécessité de collecter ces informations, comme si c’était parfaitement raisonnable, en évoquant le terrorisme et aussi, le fait que nos enfants écouteraient de la musique ou regarderaient la télévision ensemble, de la manière dont ils aiment le faire, ce qui est illégal à cause d’une législation commandée par Hollywood. Et pour empirer les choses, la surveillance est rétroactive, tout est noté, enregistré et gardé jusqu’à ce que quelqu’un réclame le tout.
Il y a dix ans, un de mes collègues a quitté l’Europe pour la Chine. Il a remarqué, parmi de nombreuses autres différences, que le service postal était beaucoup plus étroitement surveillé car chaque courrier envoyé était consigné à la main dans un journal de bord, tenu par le responsable de chaque bureau de poste. Lettre de qui, à qui, et la date.
À l’époque, trois choses m’ont frappé : premièrement, à quel point ceci paraissait naturel pour la population chinoise, qui ne connaissait pas d’autres pratiques ; deuxièmement, à quel point nos parents analogiques auraient été horrifiés et auraient dénoncé cette pratique ; troisièmement, que malgré tout, c’est exactement ce que nos parents analogiques devenus maintenant législateurs proposent pour tous nos enfants du numérique.
Ou du moins, ce qu’ils essaient de faire ; les tribunaux se défendent âprement.
Bien sûr, je parle du stockage d’informations liées aux communications électroniques (en).
Il y a un dicton qui reflète bien le sentiment chinois de normalité à ce sujet : « Les conneries que cette génération supporte comme une nuisance temporaire de politiciens dérangés sembleront parfaitement ordinaires à la génération suivante ».
Chaque composante de surveillance dans ces séquences enregistrées est amplifiée de plusieurs ordres de grandeur par le fait que vous n’êtes pas seulement observés, mais que tout ce que vous faites est enregistré pour une éventuelle utilisation ultérieure contre vous.
C’est un concept si dangereux que même le roman 1984 ne l »avait pas imaginé : si l’écran de Winston ne l’avait pas vu faire quelque chose que le régime ne voulait pas qu’il fasse, Winston aurait été en sécurité, parce qu’il n’y avait pas d’enregistrement ; la surveillance s’exerçait uniquement à un instant donné.
Si Winston Smith avait été sous le régime de surveillance proposé aujourd’hui, avec l’enregistrement et la conservation des données, le régime aurait pu et n’aurait pas manqué de revenir en arrière pour réexaminer chaque action antérieure et y trouver ce qu’il aurait pu manquer.
Cette horreur devient une réalité aujourd’hui, et elle s’applique à chaque article de cette série. Nos enfants du numérique ne sont pas seulement privés de vie privée à chaque instant, mais aussi rétroactivement privés de leur vie privée passée.
(Bon, cette horreur est une réalité qui hésite encore, car les législateurs et les tribunaux sont en lutte acharnée. Dans l’Union européenne, la conservation des données a été prescrite en 2005 par le Parlement européen, a été rejetée en 2014 par la Cour de justice européenne et a été interdite en 2016 par la même Cour. D’autres juridictions jouent à des jeux similaires ; un tribunal britannique vient de porter un coup à la conservation des données, par exemple).
La vie privée reste sous votre propre responsabilité
Nom complet*
« La vie privée reste sous votre propre responsabilité »
La réalité de l’outil informatique et des réseaux informationnels démontre que justement cette possibilité nous est enlevée car nous ne maîtrisons pas la collecte de nos données.
À propos de l’auteur de cette série de billets. Copié/collé depuis sa fiche Wikipédia :
Le fondateur du Piratpartiet, Rickard Falkvinge, se présente comme un « ultra-capitaliste ».
« Les conservateurs ne sont pas pour le capitalisme pur. Ils sont une espèce de poules mouillées sociales-libérales. (…) Je me définis comme ultracapitaliste, et c’est à partir de ce positionnement que je me suis impliqué politiquement. (…) La bataille maintenant se joue sur les droits des citoyens, qui est le sujet majeur. Plus important que le système de santé, l’éducation, le nucléaire, la défense et toute cette merde dont on débat depuis quarante ans.»
Voilà quel genre d’abruti vous traduisez sur Framasoft. Bien joué les gars.
pyg
@Nom Complet*
Bonjour,
tout d’abord, nous traduisons bien les auteurs que nous souhaitons (c’est un blog, hein, il faut se détendre).
Ensuite, nous savons parfaitement qui est Rick Falvinge et ses positions, merci 🙂
Nous pouvons parfaitement traduire un texte d’un auteur qui pense différemment de nous, tout simplement parce que même si nous ne partageons pas son avis, l’objectif n’est pas de créer un « nous » contre « eux », c’est de comprendre nos différences, et d’être en capacité de faire des (contre)propositions à des projets qui ne nous conviendraient pas.
Bref, ce n’est pas parce que Framasoft peut être perçu comme anticapitaliste (spoiler alert : voilà plusieurs années que nous dénonçons le capitalisme de surveillance, et nous allons continuer), que tous nos lecteurs et toutes nos lectrices doivent partager ce point de vue.
Des Rick Falckvinge, il y en a plein (tiens, pour ceux qui ne connaissent pas, je vous présente Jaron Lanier http://nymag.com/selectall/2018/04/jaron-lanier-interview-on-what-went-wrong-with-the-internet.html dont je trouve ici l’interview aussi puante qu’interessante). On (en tout cas, « je ») ne partage pas du tout leur point de vue. Mais je suis ravi que Framalang traduisent leurs propos, car cela me permet de me construire un avis, MON avis, plutôt que de me contenter d’une pensée limitée à « capitalisme = caca » (alors que je peux, à titre personnel, partager cette pensée simpliste, mais justement parce que je l’ai confrontée, et que je continue à la confronter, à des pensées différentes de la mienne).
Attention hein, je ne dis pas que tu manque d’ouverture d’esprit, hein. Je dis que le Framablog est, lui, un lieu ou la pluralité des points de vue est la bienvenue, et dont la ligne éditoriale ne regarde *que* l’association Framasoft (il reste encore un peu de place au fond à gauche sur Internet : si tu veux un espace qui corresponde à ta pensée uniquement, je t’encourage à monter ton blog).