21 degrés de liberté – 18

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Nos conversations dans la bulle privée de l’intimité familiale ne semblent plus vraiment à l’abri de l’espionnage par les objets dont nous acceptons de nous entourer.

Voici déjà le 18e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois aborde ici l’espionnage à domicile auquel nous consentons.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Avant l’arrivée du numérique, nos parents avaient des conversations privées

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : dodosan, draenog, aubry, goofy + 1 anonyme

Nos parents, au moins dans le monde occidental, avaient le droit d’avoir des conversations privées en personne, que ce soit dans la bulle privée de leur maison ou en public. Cette liberté a disparu pour nos enfants.

homme chauve de dos, muni d'écouteurs noirs

Il n’y a pas si longtemps, c’est dans les livres et les films d’horreur que la surveillance généralisée de vos paroles dans votre propre maison apparaissait. Pour nos parents, il s’agissait d’histoires terrifiantes dignes d’Halloween, qui provoquaient des réactions où se mêlaient l’horreur et la plus grande incrédulité.

« Il n’existait bien sûr aucun moyen de savoir si on était surveillé à un moment donné. On pouvait uniquement deviner à quelle fréquence et sur quel système la Police de la pensée espionnait tout individu. Il était même plausible qu’elle écoutait tout le monde, tout le temps. De toutes façons, elle pouvait vous écouter lorsqu’elle le voulait. On devait vivre – on vivait, l’habitude étant devenue un instinct – en partant du principe que chaque son que l’on émettait était entendu. » George Orwell, 1984

Dans le monde occidental, nous nous vantions de ne pas être comme l’Est communiste qui considérait ses propres citoyens comme des suspects, des suspects qui devaient être purifiés des mauvaises pensées et conversations, au point que les conversations banales dans les maisons ordinaires étaient sur écoute.

Des microphones étaient placés sous chaque table de café et dans chaque maison. Et même s’il n’y en avait pas vraiment partout, mais juste quelques-uns par-ci, par-là, ils étaient potentiellement partout et on devait donc vivre avec (on vivait avec, l’habitude étant devenue un instinct) en partant du principe que chaque son que l’on émettait était entendu.

« Veuillez parler fort et clairement face au pot de fleurs. » disait une blague pas drôle courante dans les sociétés communistes pendant le guerre froide.

Tirons un trait sur les appels téléphoniques et les autres moyens de conversation à distance pour le moment, puisque nous savons déjà que la plupart des principales plateformes sont mises sur écoute. Intéressons-nous aux conversations à la maison.

Nous avons maintenant des Google Echo et Alexa d’Amazon. Bien que ces objets aient pu être conçus pour garder nos conversations secrètes et hors de portée des autorités, il s’avère qu’Amazon a déjà livré aux autorités des enregistrements effectués dans des salles à manger. Dans le cas en question, la permission est devenue une question controversée puisque le suspect l’avait déjà donnée. La prochaine fois, peut-être que les choses se feront même si l’intéressé ne donne pas sa permission…

Les téléphones mobiles nous écoutent d’ores et déjà en permanence. Nous le savons car lorsque nous disons « OK Google » à un téléphone Android, il sort de veille et se met à écouter plus attentivement. Cela signifie qu’au minimum, le téléphone reste toujours à l’écoute des mots « OK Google« . Les iPhone ont un mécanisme similaire avec « Hey Siri« . Même s’il est théoriquement possible de désactiver ces options, c’est une de ces choses dont n’est jamais vraiment sûr. Et nous transportons ces appareils de surveillance gouvernementale dans nos poches partout où nous allons.

Si les documents révélés par Snowden nous ont appris quelque chose, c’est que si une forme de surveillance est techniquement possible, elle est déjà mise en application quelque part.

Et même si Google et Apple ne nous mettent pas eux-mêmes sur écoute, c’est la police allemande qui s’autorise à pénétrer dans les téléphones et y installer Bundestrojaner, l’équivalent du pot de fleurs pour cacher un micro. On pourrait penser que l’Allemagne en particulier se souvient de son histoire récente et se rend compte qu’il s’agit là d’une mauvaise idée. Mais elle le fait sans doute, en toute logique, parce que les forces de police d’autres pays utilisent déjà ce type d’outils.

Pour nos parents, le concept de conversation privée était aussi naturel que l’oxygène dans l’air. Nos enfants, à l’ère du numérique, pourraient ne jamais connaître ce sentiment.

Et c’est ainsi que nous vivons aujourd’hui, ce qui était au début une habitude est devenue instinctif au fil du temps, et nous acceptons l’idée que chaque son que nous émettons est entendu par les autorités.

La vie privée demeure de votre responsabilité.

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