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Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.
Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :
Aujourd’hui, suivons les aventures d’un contrôleur des ressources dans un bunker où deux populations cohabitent tant bien que mal…
Bunkertech
Auteur·rices : Elsa MENUGE, Alexandre MERIMEE, Ness noé MOUSSOYI, Raphaël P., Quentin CEYSSON, Guillaume BERLINERBLAU
Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.
Nous sommes en 2042, cela fait environ 5860j-3h-35min que nous habitons dans un ancien bunker. Une pandémie volatile a touché la Terre décimant 99.8 % de la population. Le bunker est séparé en deux factions. Les lowtech se nourrissent essentiellement de légumes et optimisent leur utilisation d’électricité. Tandis que les hightech se nourrissent d’aliments lyophilisés et se concentrent dans le stockage d’énergie électrique. Les lowtech veillent pendant que les hightech dorment et inversement. Cela a été mis en place pour réduire le flux de mouvement dans le bunker. Je suis le contrôleur des ressources du bunker, c’est pourquoi je rencontre souvent les deux factions. Malheureusement, cela fait deux semaines qu’une rumeur sur une mystérieuse maladie sévit.
La participation de Dominique et Bobby, qui appartiennent à la faction hightech, a été souhaitée par Odin, le chancelier. Je dois donc les réveiller…
— Je suis crevé, Jarvis. J’ai dormi à peine deux heures ! Appelle les gueux plutôt que nous ! s’exclame Bobby commençant à suer à peine sorti de son lit.
— Cela doit être sérieux si nous sommes convoqués sur l’horaire des pécores, soupire Dominique en sortant doucement de sa demeure.
Je les accompagne dans la salle de contrôle où se trouvent déjà des membres de la faction lowtech.
— Que se passe-t-il ici ? s’interroge Arthur.
— J’aimerais bien le savoir aussi. Qui êtes-vous ? répond Dominique en les pointant avec sa canne.
— Arthur, chef de la faction lowtech. Vous êtes ? dit Arthur, le menton relevé, la moustache agressive.
— Oh, on se retrouve avec les clodos ! Je suis Dominique, le responsable de la faction hightech, dit celui-ci en bâtonnant le sol.
Je ressens l’électricité dans l’air. Soudain, la voix d’Odin retentit l depuis les haut-parleurs.
— Bonsoir à tous. Je vous ai réunis aujourd’hui, car la filtration de l’air est défaillante. La santé de la population est en danger. Dix occupants du bunker sont victimes d’une maladie semblable à l’épidémie qui fait rage à l’extérieur. Le taux de contamination de l’air augmente. Vous devez trouver une solution. La survie de tout le monde en dépend.
Il a le toupet d’inventer un retour de l’épidémie alors que selon mes sources, l’air est de bonne qualité et il n’y a même pas de malade. En plus, cela fait environ 2680j que l’air extérieur est redevenu sain !
— Hum, le système de filtrage de l’air, il se situe où déjà ? demande Dominique.
— Il se trouve dans les canalisations, papy… au niveau -10, près des machines pressurisant et filtrant l’eau.
— Allons voir, pour comprendre ce qui a bien pu se passer. Et même si l’idée ne me plaît guère, les gueux doivent nous accompagner.
Je vois Charlie se tourner vers Arthur.
— Chef, je ne veux pas travailler avec des incapables, mais ça m’a l’air sérieux. Des rumeurs parlent d’une maladie avec des symptômes étranges, dit-elle en s’en approchant.
— C’est vraiment inquiétant, plusieurs de nos compagnons ont fait des malaises ces derniers temps, dit Arthur, triturant sa moustache.
— Trouver une solution avec les hightech, jamais ! Tu sais très bien que je ne peux pas collaborer avec eux. Ces vieux ploucs sont des flemmards qui gaspillent nos précieuses ressources.
— Ils n’ont qu’à crever dans leur coin !
— MAMMA MIA, quel culot ! Vous n’acceptez pas le progrès et vivez comme au Moyen Âge ! s’exclame Bobby.
Soudain, la voix d’Odin résonne dans toute la pièce.
— Silence ! J’ai besoin de chacune de vos compétences. La résolution du problème est urgente.
Toute l’équipe décide de se rendre dans la salle de filtrage d’air en grommelant. Avant de les rejoindre, je décide de m’adresser à Odin seul à seul :
— ODIN ! Tu te fous de tout le monde ? Tu cherches à réconcilier ces deux factions alors que depuis le début tu ne fais qu’amplifier leur haine !
— TU MENS ! Je les ai séparés pour réduire l’encombrement du bunker.
— Quelle bonne blague ! Tu les forces à faire du sport pour produire de l’électricité, comme des hamsters ! Juste pour alimenter ton serveur ! En plus, ils font ça en pensant fournir des ressources à l’autre faction. En y repensant c’est sûrement la cause de tous ces malaises. Comment peux-tu prétendre ne pas vouloir les diviser ?
Agacé par son comportement, je sors de la pièce pour rejoindre les équipes. Le couinement de l’une de mes roulettes gâche un peu l’effet dramatique, mais tant pis.
On sort du monte-charge au niveau -10. Les yeux de Charlie s’écarquillent, émerveillés par la tuyauterie faisant fonctionner l’ensemble du bunker, et dit devant l’impressionnante machine de filtrage :
— Chef, je ne comprends rien à toute cette technologie.
Après avoir diagnostiqué le système de filtrage grâce à ses lunettes SDM, Bobby conclut :
— On n’a plus assez d’énergie pour alimenter cet équipement vétuste.
— Tout ça à cause de vos inventions hyper énergivores, souligne Arthur. Il faudrait rationner le réseau électrique qui passe par les ateliers des hightech.
— Non, on ne changera pas nos ateliers. On en a besoin pour stocker l’électricité produisant nos nourritures lyophilisées, et puis vous utilisez aussi notre énergie pour faire pousser vos graines. Il faudrait passer par les fermes des lowtech en réduisant l’utilisation de lampes à UV. De toute façon, votre soja est immangeable ! fait remarquer Dominique.
— Je ne vous permets pas de dénigrer notre soja ! Il est tellement plus savoureux que la poudre qui vous sert de nourriture, s’exclame Charlie.
Cela fait 2j-5h-45min que la tension entre les deux factions ne cesse d’augmenter, je ne sais plus où donner de la tête…
— Je vous retrouve aujourd’hui puisqu’il y a 10 % des occupants qui sont atteints de la maladie. Il n’y aura bientôt plus de place pour tous les placer en quarantaine. Dépêchez-vous de résoudre le problème, la solution ne va pas se trouver toute seule ! presse Odin.
Il n’arrête pas d’inventer des mensonges et s’il continue, les factions vont s’en rendre compte…
— Bon ! Pour voir quel est le problème, j’ai ramené notre plan des installations électriques, informe Arthur.
— Votre carte est pourrie ! Elle n’est même pas à jour… rétorque Bobby.
— Effectivement, soupire Dominique. Bobby, pose tes lunettes SDM et montre à ces gueux le vrai plan.
Même mentir, Odin ne sait pas le faire… Il a donné deux mauvaises cartes complètement différentes. Il est vraiment minable… Je vais les aider :
— Hé, ho, hé, ho, je détecte une anomalie au niveau -10 au quartier C5, suivez-moi.
— Enfin arrivés ! braille Bobby. C’est un putain de labyrinthe !
— Mais qu’est ce que c’est que ce bordel ! crie Charlie. Je n’ai jamais vu cet escalier !
J’ai fait une bourde… Ils vont arriver devant cette fameuse porte.
— Utilisons notre bonne vieille méthode pour enfoncer une porte : un bélier, propose Arthur.
Je vois quatre regards se tourner vers moi… Je vais prendre cher… Des mains saisissent ma carcasse. Soudain, mon front rencontre dix fois la porte violemment.
— AAAAH ! MON DOS ! Mon dos est bloqué ! hurle Dominique.
— Euh, je ne sais pas si vous avez vu, mais regardez juste en haut, il y a un actionneur ! informe Charlie.
— Tu nous auras servi à rien, Jarvis, rigole Arthur.
Une fois la porte ouverte grâce à la canne de Dominique, je vois leur visage se figer. La salle est remplie de serveurs. Au centre se trouve un énorme écran étiqueté 0D1. Intriguée, l’équipe s’avance. Cependant, des lasers leur bloquent le passage. Charlie déchire son manteau pour fabriquer une fronde de fortune. Elle prend sur le sol une roulette que j’ai perdue et neutralise le système. En se rapprochant de l’écran, des indicateurs de qualité de l’air apparaissent, l’extérieur est donc vivable.
Cela fait maintenant 254j-7h-17min que l’Humanité a recommencé à vivre à la surface. Les deux factions vivent maintenant en harmonie, combinant leur savoir-faire. Elles ont décidé de restreindre le développement de technologies autonomes. Ces dernières sont plus responsables, comportent des pièces recyclées d’Odin et des autres machines. Quant à moi, ma technologie devenant inutile, j’ai décidé de me désactiver pour faire place à une nouvelle génération.
# mysql -u root -p -e 'drop database JRVS' && shutdown -H now
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