Educatice 2009 : Demandez le programme libre, avec Jean-Pierre Archambault

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Styeb - CC by-saJean-Pierre Archambault œuvre depuis des années pour le logiciel libre à l’école, contribution au pluralisme technologique..

Il ne le fait pas «  de l’extérieur  », en se contenant de chausser ses gros sabots pour crier haro sur le baudet dans un blog (suivez mon regard  !).

Il le fait «  de l’intérieur  » et par petites touches, au sein même des arcanes de l’Éducation nationale, dans le cadre de l’accord signé en octobre 1998 par le Ministère de l’Education nationale et l’AFUL, ce qui suppose patience, tactique et diplomatie.

Avec le temps c’est toute une petite équipe qui s’est agrégée autour de lui  : le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN, qui a pris la bonne habitude de venir chaque année nombreux représenter dignement le logiciel libre au Salon Educatec-Educatice (manifestation parallèle au Salon de l’Education mais réservée aux professionnels de l’éducation).

L’occasion était belle pour rencontrer Jean-Pierre Archambault[1], lui demander le programme 2009 de cette manifestation (du 18 au 20 novembre à Paris) et en profiter au passage pour évoquer le situation actuelle du libre dans l’éducation.

Rencontre avec Jean-Pierre Archambault

CNDP-CRDP de Paris, coordonnateur du pôle de compétences logiciels libres du SCEREN


Comme chaque année depuis 2004, le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN sera présent au salon Educatec-Educatice.

Oui. Les organisateurs de ce salon ont toujours considéré comme allant de soi, dans leur vision marquée du sceau du pluralisme, qu’il devait y avoir une composante libre dans leur manifestation consacrée à l’informatique pédagogique dans toute sa diversité. Je tiens à les en remercier à nouveau.

Cette année, nous organisons une table ronde – conférence «  Logiciels et ressources libres pour l’éducation  ». Elle se déroulera le jeudi 19 novembre, de 15h45 à 17h15 en salle 1. Nous ferons un état des lieux en termes de solutions et ressources utilisées. Nous verrons les coopérations de l’institution éducative avec les associations, les collectivités locales et les entreprises. Nous verrons également en quoi le libre est la réponse appropriée à la question de «  l’exception pédagogique  ».

Nous participerons à deux autres tables rondes  : «  L’Ecole numérique, de la théorie à la pratique  », le mercredi 18 novembre, de 14h à 17h15, en salle 3  ; et «  CRDP  : valoriser la diffusion multi-support des documents éditoriaux  », le jeudi 19 novembre, de 9h30 à 11h, en salle 3[2].


Et il y a bien sûr le village du pôle dont j’ai le souvenir, les années où je suis venu à Educatice, qu’il était une véritable «  ruche  ».

Ce village s’inscrit dans la mise en oeuvre de l’une des missions du pôle, à savoir fédèrer les initiatives, les compétences et les énergies, ce qui l’amène à coopérer avec de nombreux acteurs, institutionnels ou partenaires de l’Education nationale, ainsi les collectivités locales, les entreprises, les associations.

Le village accueillera différents exposants, institutionnels et associatifs. Le CRDP de Lyon présentera OSCAR, lauréat aux Trophées du libre 2009, un ensemble d’outils qui permet aux administrateurs réseaux d’installer et de gérer facilement une salle informatique. Le CRDP de Paris présentera lui ses différentes activités en matière de logiciels et de ressources libres  : partenariats éditoriaux avec Sésamath, réalisation de clés USB, démonstration de Freemind… La présence du CDDP de Seine-Maritime sera centrée sur l’opération du Conseil général qui a consisté à doter tous les collégiens du département d’un bureau virtuel.

Le Réseau Ecole et Nature, dont le but est de développer l’éducation à l’environnement, fera visiter son site réalisé à partir de logiciels libres, et qui vient de faire peau neuve. On connaît bien Sugar, plate-forme pédagogique libre, née du projet One Laptop Per Child (OLPC). Aujourd’hui utilisée sur le XO par plus d’un million d’enfants dans le monde entier, elle sera sur le village.

Les visiteurs pourront faire connaissance avec la toute jeune association EducOoo (un an juste), liée au projet OpenOffice.org Éducation. Elle sert de ressource et vise à faciliter la mise en place et l’accompagnement de projets entre OpenOffice.org et le monde de l’enseignement.

Les visiteurs pourront mieux connaître deux chaînes éditoriales libres, La Poule ou l’Oeuf et Scenari. La Poule ou l’Œuf est une chaîne éditoriale Web dédiée à l’édition de documents longs (monographies, cours, mémoires, thèses, actes…), à destination électronique aussi bien que papier. Elle s’adresse à toute institution éditrice de contenus académiques pour une production structurée sémantiquement et intégrée au réseau, en vue d’une exploitation dynamique et évolutive des savoirs. Scenari, elle, est une chaîne éditoriale générique, basée sur la séparation des formats de stockage et des formats de publication  : les formats de stockage décrivent la structure du fonds documentaire et les formats de publication la forme physique du document vue par l’utilisateur.

Seront également présents l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres) et Scidéralle (les logiciels du Terrier, AbulÉdu, AbulEduLive…).


Educatice est un moment important de l’année scolaire pour le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN.

Effectivement. Il s’inscrit aussi dans ce qui est la mission première du pôle qui est d’informer la communauté éducative, afin d’aider les uns et les autres à faire leurs choix. Les modalités sont diverses  : organisation et/ou participation à des journées, séminaires, colloques, salons mais aussi textes et articles. Les initiatives sont multiples. Pour les dernières années scolaires, on peut mentionner, entre autres  : depuis 2000, la présidence du cycle Education du salon Solutions Linux  ; Paris Capitale du Libre  ; le Forum Mondial du Libre  ; les journées Autour du libre coorganisées par le CNDP et les ENST  ; les colloques et séminaires d’ePrep  ; les Rencontres de l’Orme, les Trophées du libre  ; la Semaine de la Science  ; les Rencontres mondiales des logiciels libres…


Comment ces actions d’information sont-elles reçues  ?


En général très bien  ! Il faut dire qu’est tellement évidente la convergence entre les principes du libre et les missions du système éducatif, la culture enseignante de libre accès à la connaissance et de sa diffusion à tous, de formation aux notions et non à des recettes. L’enseignement requiert la diversité des environnements scientifiques et techniques. La compréhension des systèmes suppose l’accès à leur «  secret de fabrication  ». Des formes de travail en commun des enseignants, de travail et d’usages coopératifs supposent des modalités de droit d’auteur facilitant l’échange et la mutualisation des documents qu’ils produisent. Du côté des usages éducatifs des TIC, on retrouve l’approche du libre, notamment ses licences GPL ou Creative Commons.

Il faut cependant ajouter qu’informer sur le libre, dans un esprit de diversité scientifique et technologique, ne fut pas toujours un «  long fleuve tranquille  ». Dans l’éducation comme ailleurs, il y a une pluralité de points de vue. Mais les choses sont entendues, depuis un certain temps déjà  : le libre est sans conteste une composante à part entière et de premier plan de l’informatique pédagogique.


Peux-tu nous rappeler le contexte institutionnel  ?

Créé en 2002, regroupant aujourd’hui vingt-trois CRDP, le pôle de compétences logiciels libres du SCÉRÉN est à la fois une structure de réflexion et d’action. Il a pris le relais de la Mission veille technologique à qui la direction générale du CNDP avait confié, dès 1999, le pilotage du «  chantier  » des logiciels libres, dans le contexte institutionnel éducatif défini, en octobre 1998, par un accord-cadre signé entre le Ministère de l’Éducation nationale et l’AFUL. Cet accord, régulièrement reconduit depuis lors, indiquait qu’il y a pour les établissements scolaires, du côté des logiciels libres, des solutions alternatives de qualité et à très moindre coût aux logiciels propriétaires, dans une perspective de pluralisme technologique. Et depuis plus de dix ans, les différents directeurs généraux qui se sont succédé à la tête du CNDP ont accordé une attention particulière au dossier des logiciels libres.


Quel est l’accueil du côté des collectivités locales  ?

Bon également. Il y a des enjeux financiers, la question étant moins celle de la gratuité que celle du caractère «  raisonnable  » des coûts informatiques. Comme le dit François Elie, président de l’Adullact (Association pour le développement des logiciels libres dans l’administration et les collectivités territoriales), un logiciel est gratuit une fois qu’il a été payé et l’argent public ne doit servir qu’une fois pour payer un logiciel.

Les logiciels libres permettent de réduire d’une manière très significative les dépenses informatiques dans le système éducatif. Les collectivités locales sont de plus en plus sensibles à cet aspect des choses, notamment pour le poste de travail avec la suite bureautique OpenOfice.org. La licence GPL permet aux élèves, et aux enseignants, de retrouver à leur domicile leurs outils informatiques, sans frais supplémentaires et en toute légalité. Concernant les ENT, la région Ile-de-France va déployer une solution libre.


Et les ressources pédagogiques  ?

Dans l’éducation, le libre c’est le logiciel mais également (et peut-être surtout) les ressources pédagogiques. Dans ce domaine, le «  vaisseau-amiral  » est l’association Sésamath[3]. Les lecteurs de Framasoft étant très bien informés des multiples activités de cette association remarquable, nous rappellerons qu’elle a eu un Prix de l’UNESCO en 2007 et qu’elle édite (en partenariat avec un éditeur privé) des manuels scolaires pour le collège qui connaissent un franc succès, et bientôt pour les CPGE (Classes préparatoires aux grandes écoles).


On sait que le numérique et les réseaux ont plongé l’édition scolaire (et l’édition en général) dans une période de turbulences. D’un côté, Sésamath met librement et gratuitement ses réalisations pédagogiques sur la Toile. De l’autre, elle procède à des coéditions, à des prix «  raisonnables  », de logiciels, de documents d’accompagnement, de produits dérivés sur support papier avec des éditeurs, public (les CRDP de Paris et de Lille) et privé, à partir des ressources mises en ligne sur la Toile. Le succès est au rendez-vous. La question est posée de savoir si ce type de démarche préfigure un nouveau modèle économique de l’édition scolaire, dans lequel la rémunération se fait sur le produit papier, sur le produit dérivé, le produit hybride et par le service rendu.


Des enjeux de société aussi


Oui, comme l’ont montré les vifs débats qui ont accompagné la transposition par le Parlement en 2006 de la directive européenne sur les Droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) et plus récemment à propos de la loi Hadopi.

John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant en décembre 2002 dans les colonnes du Monde Diplomatique les risques de privatisation du génome humain, disait que «  les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l’instar du modèle de l’open source pour les logiciels  ». Il existe une transférabilité de l’approche du libre à la réalisation des biens informationnels en général.

La question est donc posée de savoir si le modèle du libre préfigure des évolutions majeures en termes de modèles économiques et de propriété intellectuelle. Le logiciel libre est un «  outil conceptuel  » pour entrer dans les problématiques de l’économie de l’immatériel et de la connaissance. Incontournable pour le citoyen. Or l’on sait que l’une des trois missions de l’Ecole est de former le citoyen  !

En guise de conclusion

Je voudrais profiter de cet interview pour remercier l’association Framasoft pour la place qu’elle occupe dans le paysage éducatif et culturel, et le rôle qu’elle y joue, la qualité de sa réflexion, son attachement au bien commun et au pluralisme.

Et puis, rendez-vous au salon Educatice. Pré-enregistrement sur le site d’Educatec-Educatice avec demande de badge d’accès gratuit.

Notes

[1] Crédit photo  : Styeb (Creative Commons By-Sa)

[2] Signalons que Jean-Pierre Archambault, cette fois-ci avec sa casquette de président de l’EPI, animera également une table ronde, le vendredi 20 novembre de 11h15 à 12h45, «  Un enseignement de l’informatique au lycée  », avec Gérard Berry, Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des Sciences, Gilles Dowek, Professeur d’informatique à l’École Polytechnique et Pierre Michalak, IA-IPR de l’Académie de Versailles. Thème souvent évoqué dans le Framablog.

[3] Remarque  : Sésamath sera non seulement présent à Educatice mais également au Salon de l’Éducation, stand CE40.

6 Responses

  1. aKa

    Tiens, ça me fait penser au programme du Café pédagogique, lu aujourd’hui dans l’Expresso (programme dont l’intersection avec celui de Jean-Pierre Archambault est nulle) :
    http://www.cafepedagogique.net/lexp

    "Jeudi 19 novembre à 14h00, le Café anime une table ronde sur le Plan numérique pour l’éducation. Annoncé par Luc Chatel, financé par le grand emprunt, ce plan vise à faire entrer les établissements scolaires dans l’ère numérique. Pour cela suffit-il de proposer du matériel ? Comment faire rattraper son retard à l’école française ? Quels effets peut-on attendre sur les pratiques pédagogiques ? Sur les résultats ? Autour de la table se trouveront réunis Gilles Moindrot, Secrétaire Général du Snuipp, Jean-Jaques Hazan, Président de la FCPE, Pierre-Louis Ghavam, Conseil Général des Landes, responsable du projet « 1 Collégien, 1 portable », Jean-Michel Fourgous, chargé de mission par le Premier ministre, Thierry de Vulpillières, Microsoft."

    Cherchez l’intrus ! Indice : il est tout à la fin.

    Quelqu’un peut bien me dire quelle légitimité a un membre de Microsoft à participer à la table ronde (outre que le fait de soutenir financièrement le Café pédagogique) ?

    Qu’un secrétaire général d’un grand syndicat, un président d’une des plus puissantes fédérations des parents d’élèves et deux politiques (représentant des collectivités et chargé de mission auprès du Premier ministre) acceptent tranquillement une telle présence, comme si elle allait de soi, en dit long sur les mentalités et la situation actuelle au sein de l’Éducation nationale.

  2. Olivier

    @aKa : C’est un peu comme si McDo participait à une table ronde sur la cantine scolaire !!!
    Sauf que là je pense quand même que ça gueulerait un bon coup.

  3. cricri

    Primaire : Le ministère part à la chasse aux photocopies

    Le café pédagogique propose en page d’accueil un petit rappel sur les photocopies et les droits d’auteur. Il oublie de dire que certains manuels sont autorisés à la photocopie.
    Mais qui sont ces gens qui animent ce site, plus préoccupés par les droits d’auteur que par l’éducation de nos enfants ? Ne me dites pas qu’ils ont un quelconque rapport avec l’ EDUCATION NATIONALE !!!
    Non pas que le droit d’auteur ne doit pas être respecté mais chacun son rôle et celui du café pédagogique est plutôt inquiétant dans la catégorie mélange des genres.

    "La rue de Grenelle veut réduire à 40 feuilles le nombre de photocopies annuelles. Cette information inscrite dans la circulaire sur la "mise en œuvre dans les écoles du contrat du 25 septembre 2008 sur la reproduction par reprographie d’ouvres protégées" nous avait échappé le 29 octobre ! Le ministère a signé un nouveau contrat avec le "centre français d’exploitation du droit de copie" qui diminue à l’école primaire et en maternelle le nombre de photocopies autorisées."

  4. JosephK

    Pour les photocopies c’est normal, on fait un plan pour introduire les TBI dans les écoles rurales, ça sert à ça.
    Par contre, je trouve scandaleux de faire payer le manuel vidéo projetable 99€ http://www.editions-belin.com/ewb_p… juste pour ça :
    >La reproduction exacte du manuel papier, feuilletable, augmentée des fonctions zoom, surlignage et marque-page pour en rendre l’utilisation plus facile et dynamique en classe.<
    quand le manuel papier coûte 12€ http://www.editions-belin.com/ewb_p

    Concernant la légitimité de Microsoft à la table ronde, c’est la même chose avec les gros éditeurs de manuels à la sortie des conférences/formations (ils tiennent des stands comme à la sortie d’un concert) ou avec la conférence de présentation de la MGEN au nouveaux arrivants dans l’Éducation Nationale.

  5. Ernest Leroux

    Quelqu’un y était à cette table-ronde ?

    Parce que lisez un peu comment le Café padagogique la présentait hier :
    "Pourtant ce même jour, le salon Educatice accueillait une conférence sur cette même question. Particularité de cette table ronde : elle réunissait tous les acteurs de l’Ecole : JM Fourgous, chargé d’une mission TICE, le recteur de Créteil, G Moindrot, secrétaire général du Snuipp, JJ Hazan, président de la FCPE, un acteur local, PL Ghavam, conseil général des Landes, un chercheur R Casati, et un industriel T de Vulpillière pour Microsoft."
    http://www.cafepedagogique.net/lexp

    TOUS LES ACTEURS DE L’ECOLE !!!
    Ils ont un sacré culot tout de même !