Le Fediverse n’est pas Twitter, mais peut aller plus loin

Maintenant que Mastodon a suscité l’intérêt d’un certain nombre de migrants de Twitter, il nous semble important de montrer concrètement comment peuvent communiquer entre eux des comptes de Mastodon, PeerTube, Pixelfed et autres… c’est ce que propose Ross Schulman dans ce billet de l’EFF traduit pour vous par Framalang…

 

source : The Breadth of the Fediverse

Traduction Framalang : CLC, Goofy, Henri-Paul

 

L’étendue du Fediverse

par Ross Schulman

Le Washington Post a récemment publié une tribune de Megan McArdle intitulée : « Twitter pourrait être remplacé, mais pas par Mastodon ou d’autres imitateurs ». L’article explique que Mastodon tombe dans le piège habituel des projets open source : élaborer une alternative qui a l’air identique et améliore les choses dont l’utilisateur type n’a rien à faire, tout en manquant des éléments qui ont fait le succès de l’original. L’autrice suggère plutôt que dépasser Twitter demandera quelque chose d’entièrement nouveau, et d’offrir aux masses quelque chose qu’elles ne savaient même pas qu’elles le désiraient.

Nous pensons, contrairement à Megan, que Mastodon (qui fait partie intégrante du Fediverse) offre en réalité tout cela, car c’est un réseau social véritablement interopérable et portable. Considérer que Mastodon est un simple clone de Twitter revient à oublier que le Fediverse est capable d’être ou de devenir la plate-forme sociale dont vous rêvez. C’est toute la puissance des protocoles. Le Fediverse dans son ensemble est un site de micro-blogging, qui permet de partager des photos, des vidéos, des listes de livres, des lectures en cours, et bien plus encore.

Comme beaucoup de gens se font, comme Megan, une fausse idée sur le Fediverse, et comme une image vaut mieux qu’un long discours, voyons comment l’univers plus large d’ActivityPub fonctionne dans la pratique.

Parlons de PeerTube. Il s’agit d’un système d’hébergement de vidéos, grâce auquel les internautes peuvent en suivre d’autres, télécharger des vidéos, les commenter et les « liker ».
Voici par exemple la page de la chaîne principale du projet open source Blender et c’est là que vous pouvez vous abonner à la chaîne…

fenêtre dans la page de peertube.tv où l'on peut s'abonner au canal blender en utilisant son compte activityPub, ici un compte de mastodon

Dans cet exemple nous avons créé un compte Mastodon sur l’instance (le serveur) framapiaf.org. Une fois qu’on clique sur « S’abonner à distance », nous allons sur le compte Mastodon, à partir duquel il nous suffit de cliquer sur « Suivre » pour nous permettre de…suivre depuis Mastodon le compte du PeerTube de Blender.

fenêtre de mastodon dans laquelle on peut confirmer vouloir suivre un canal peertube (de Blender dans cet exemple) en cliquant sur "Suivre"

Maintenant, dès que Blender met en ligne une nouvelle vidéo avec PeerTube, la mise à jour s’effectue dans le fil de Mastodon, à partir duquel nous pouvons « liker » (avec une icône d’étoile « ajouter aux favoris ») la vidéo et publier un commentaire.

… de sorte que le « like » et la réponse apparaissent sans problème sur la page de la vidéo.

un commentaire-réponse posté sur mastodon apparaît sur le canal peertube

Pixelfed est un autre service basé sur ActivityPub prenant la forme d’un réseau social de partage de photographies. Voici la page d’accueil de Dan Supernault, le principal développeur.

On peut le suivre depuis notre compte, comme nous venons de le faire avec la page PeerTube de Blender ci-dessus, mais on peut aussi le retrouver directement depuis notre compte Mastodon si nous connaissons son nom d’utilisateur.

capture : après recherche du nom d’utilisateur « dansup », mastodon retrouve le compte pixelfed recherché

Tout comme avec PeerTube, une fois que nous suivons le compte de Dan, ses images apparaîtront dans Mastodon, et les « likes » et les commentaires apparaîtront aussi dans Pixelfed.

capture d'écran montrant une photo du chat de Dansup publiée sur pixelfed mais qui s'affiche ici sur le compte mastodon que l'on "suit".

Voilà seulement quelques exemples de la façon dont des protocoles communs, et ActivityPub en particulier, permettent d’innover en termes de médias sociaux, Dans le Fediverse existent aussi BookWyrm, une plateforme sociale pour partager les lectures, FunkWhale, un service de diffusion et partage de musique ainsi que WriteFreely, qui permet de tenir des blogs plus étendus, pour ne mentionner que ceux-là.

Ce que garantit le Fediverse, c’est que tous ces éléments interagissent de la façon dont quelqu’un veut les voir. Si j’aime Mastodon, je peux toujours y voir des images de Pixelfed même si elles sont mieux affichées dans Pixelfed. Mieux encore, mes commentaires s’afficheront dans Pixelfed sous la forme attendue.

Les personnes qui ont migré de Twitter ont tendance à penser que c’est un remplaçant de Twitter pour des raisons évidentes, et donc elles utilisent Mastodon (ou peut-être micro.blog), mais ce n’est qu’une partie de son potentiel. La question n’est pas celle du remplacement de Twitter, mais de savoir si ce protocole peut se substituer aux autres plateformes dans notre activité sur la toile. S’il continue sur sa lancée, le Fediverse pourrait devenir un nouveau nœud de relations sociales sur la toile, qui engloberait d’autres systèmes comme Tumblr ou Medium et autres retardataires.

 




De la friture sur le Fediverse ?

Nous vous avons proposé déjà trois articles qui font écho à l’actualité récente autour de Mastodon en voici un 4e, celui d’Aral Balkan, traduit pour vous par Framalang. Le héraut du SmallWeb insiste avec humour sur un point en effet crucial : la taille géante de certaines instances, due à la conception technique même du Fédiverse, risque d’être problématique…

Donc, après :

Voici Is the fediverse about to get Fryed ?

Traduction Framalang :  Claire, Fabrice, goofy, Henri-Paul, jums

Le Fédiverse va-t-il stephenfrire ?

(Ou « Pourquoi chaque pouet est aussi potentiellement une attaque par déni de service »)

par Aral Balkan

bandeau du compte mastodon de Fry, avec sa tête (homme âgé barbu souriant) en médaillon. le compte annonce (au moment de sa capture 5 pouets, 0 abonnements 27 000 abonnés"
Stephen Fry est une célébrité outre-Manche  : écrivain, humoriste, acteur et vedette de la TV (sa page Wikipédia)

 

Stephen est un gros poisson dans une petite mare (oui, j’en ai d’autres en réserve).

Attention : le Fédivers est sur le point de frire. Stephen Fry(re) bien sûr.

À la suite du récent rachat de Twitter par un milliardaire proto-fasciste immature, des gens ont fui1 vers le Fédiverse2. Parmi eux, certains avaient, au moins sur Twitter, des millions de followers, comme Greta Thunberg et, plus récemment, Stephen Fry3

— Eh bien, c’est sûrement une bonne chose, non ? Tout le monde va parler du Fédiverse, de la décentralisation, et peut-être même de ce Small Web dont tu parles tout le temps, Aral, non ?

Eh bien, oui et non… Trop de bonnes choses tue les bonnes choses. Et, dans le Fédiverse actuel, les bonnes choses seraient les « comptes populaires ». En fait, cela pourrait bien être fatal (pour les instances Mastodon). Je vais essayer de détailler dans cet article ce que je veux dire en prenant mon propre compte comme exemple.

Comment tuer un Mastodon(te)

(indice : en étant bavard quand vous êtes populaire)

Inutile de le préciser, je ne suis pas une célébrité.
Et pourtant, dans le Fédiverse, je me retrouve dans une situation un peu unique dans laquelle :

1. J’ai ma propre instance Mastodon, juste pour moi4.
2. Je suis suivi par pas mal de personnes. Plus de 22 000, pour être précis5.
3. Je suis beaucoup de personnes, et j’aime vraiment avoir des conversations avec elles (je pense que c’est ce que les jeunes branchés appellent « l’engagement »).

Malheureusement, la combinaison de ces trois facteurs a créé la tempête parfaite6, ce qui veut dire que désormais, chaque fois que je poste quelque chose qui suscite beaucoup d’engagement, je finis par conduire une attaque par déni de service contre moi-même.

Mastodon : déni de service en tant que service ?

Hier, c’était mon anniversaire.
Et, bien sûr, j’ai posté sur ce sujet depuis mon instance Mastodon.

tête d'Aral qui fait l'andouille sur un pouet de mastodon et demande en anglais : "qui a deux pouces et 46 ans aujourd'hui ?"

J’ai eu pas mal de réponses. Et, pour être poli, j’ai commencé à répondre à tout le monde avec des messages de remerciements. Oh non, mon pauvre naïf ! Qu’est-ce que tu n’avais pas fait ?

Je vais laisser mon ami Hugo Gameiro, qui gère masto.host et héberge mon instance, expliquer ce qui s’est passé ensuite7 :

Vous avez beaucoup d’engagement et cela sollicite beaucoup Sidekiq8.

Prenez, par exemple, votre message d’anniversaire. En plus de demander à des milliers de serveurs de traiter votre demande de réalisation (on appelle ça des « jobs ») pour propager votre message (pour 23 000 abonnés, disons 3 000 serveurs), votre serveur au moment de la création de votre message va créer 3 000 jobs Sidekiq. Et comme votre Sidekiq n’a que 12 threads, traiter 3 000 jobs va prendre du temps puisqu’il ne peut en traiter que 12 à la fois.
Ensuite, pour chaque réponse à ce message, 3 000 jobs sont à nouveau créés, afin que vos abonnés puissent voir votre réponse sans avoir à changer de serveur ou aller sur votre profil. Et puis, si vous répondez à votre réponse, 3 000 jobs supplémentaires sont créés, etc.
Si vous répondez aux 100 réponses que vous avez reçues en 10 minutes (en supposant que l’estimation de mon nombre de serveurs est correcte), vous créez 300 000 jobs Sidekiq. C’est pour cela que ça bouchonne.

Mais qu’est-ce que tout cela veut bien dire, si on omet le jargon technique ?
Eh bien, que je parlais trop en étant trop connu de tous.

tableau de bord de sidekiq avec plusieurs graphiques et des chiffres qui montrent un pic de fréquentation que le logiciel a du mal à traiter
Voilà à quoi ressemble un embouteillage sur Mastodon.

Alors, quelle est la solution ?
Eh bien, il n’y a qu’une chose à faire quand vous vous retrouvez dans ce pétrin : agrandir votre instance Mastodon9. Le problème ? Ça commence à coûter cher.
Avant la dernière migration de Twitter10, je payais environ 280 €/an (un peu plus de 20 €/mois) pour mon instance Mastodon grâce à un partenariat que j’avais avec Hugo depuis le début. Cette semaine, je l’ai agrandie avec un plan à 50 €/mois. Et ce n’est toujours pas assez, comme le montre mon message d’anniversaire, donc Hugo a gentiment suggéré de me proposer un plan sur mesure.
Le problème n’est pas résolu pour autant, il est juste repoussé (sauf si cet article énerve tout le monde, bien sûr).
Heureusement, comme j’ai ma propre instance, la seule personne pénalisée par cette dépense supplémentaire, c’est moi. Mais que se serait-il passé si j’étais sur une instance publique gérée par quelqu’un d’autre ?

Tu déconnes, Elon ?

tweet iroique d'Aral en anglais ; Silicon Vallée : on va rendre les gens dépendants en leur filan des sucreries gratuites pour qu'ils ne se rendent pas compte qu'on les trait comme des vaches à lait / Elon Musk : faisons-les payer 8 dollars par moi pour les sucreries

Si Elon Musk voulait détruire mastodon.social, l’instance phare de Mastodon, il lui suffirait de s’y inscrire11.
Heureusement, Elon n’est pas assez intelligent pour ça.

Je plaisante, bien sûr… Eugen bannirait très probablement son compte dès qu’il le verrait. Mais ça illustre un problème : Elon est facile à bannir. Stephen Fry l’est beaucoup moins. C’est un véritable trésor national pour nous tous. On ne le bannit pas comme ça.
Et pourtant, Stephen peut lui aussi (bien qu’involontairement) coûter très cher aux gens qui gèrent des instances Mastodon, simplement en rejoignant l’une d’elles12..
La solution, pour Stephen tout du moins, est simple : il devrait gérer sa propre instance personnelle.
Ou demander à quelqu’un de le faire à sa place, comme je le fais13.
Gérer sa propre instance apporterait aussi à Stephen un autre bénéfice : il serait automatiquement vérifié. Après tout, si vous parlez à, mettons, @stephen@social.stephenfry.com, vous pouvez être certain que c’est bien lui parce que vous savez qu’il gère son propre domaine.

Des instances personnelles à la rescousse



Mon discours au Parlement européen sur les problèmes avec la Big Tech et les approches différentes que proposent Mastodon, le Fédiverse, et le Small Web.

— Attends, je suis largué… Tu ne viens pas de dire que les instances personnelles étaient une partie du problème ?
— Oui et non : elles le sont et elles ne devraient pas l’être.

Si ActivityPub (le protocole) et Mastodon (un serveur qui adhère à ce protocole) avaient été conçus pour promouvoir la décentralisation, alors avoir plus d’instances sur le réseau ne serait pas un problème. En fait, ça serait même le signe d’un réseau décentralisé sain.
Cependant, ActivityPub et Mastodon ont été conçus de la même manière que la Big Tech / Big Web : pour encourager des services qui hébergent le plus d’utilisateurs14 possible.
Cette architecture est à la fois complexe (ce qui la rend difficile et coûteuse à héberger) et très efficace pour la Big Tech (où les choses sont centralisées et passent à l’échelle verticalement, et où le but est d’avoir / de contrôler / d’exploiter autant d’utilisateurs que possible).
Dans la Big Tech, le coût initial pour passer à l’échelle est subventionné par de nombreuses sociétés de capital-risque (des personnes riches investissant dans de nouveaux business d’extraction et d’exploitation – ce que la Silicon Valley appelle des startups – dans le but de devenir encore plus riches), et ça mène à ces silos géants15 que sont aujourd’hui les Google, Facebook et Twitter.
Toutefois, à la différence de la Big Tech, le but avoué du Fédiverse est de décentraliser les choses, pas de les centraliser. Du coup, comment pourrions-nous atteindre l’opposé des buts de la Big Tech en adoptant leurs architectures de base ?
Lorsque vous adoptez le design de quelque chose, vous héritez aussi des critères de réussite qui ont mené à ce design. Si ces critères de réussite ne correspondent pas à vos objectifs, vous avez un sacré problème.
Pour le dire plus simplement :
N’adoptez pas les critères de réussite de la Big Tech, sinon vous deviendrez la Big Tech.

Ce n’est pas la taille qui compte

Aujourd’hui, il y a une équivalence entre la taille de mastodon.social (l’instance gérée par Eugen) et le succès de Mastodon (le logiciel créé par Eugen). C’est très dangereux. Plus mastodon.social grossit, plus il va ressembler à Twitter.
Je peux presque vous entendre crier : « Mais Aral, c’est fédéré ! Au moins, il n’y a pas de verrous sur mastodon.social ! ».
Et c’est vrai.
Vous savez ce qui est également fédéré ? L’e-mail.
Avez-vous déjà entendu parler de cette petite et vieille instance appelée Gmail ? (Ou peut-être les termes « adopte, étend, étouffe » ?)
Savez-vous ce qui arrive à votre e-mail si Google déclare (à tort ou à raison) que vous êtes un spam ? Personne ne voit votre e-mail.
Vous savez ce qui se passe si mastodon.social bloque votre instance ? Des centaines de milliers de gens (bientôt des millions ?) ne pourront plus décider d’afficher ou non vos messages.
Que se passe-t-il quand votre instance bloque mastodon.social ? Absolument rien.
C’est un réel déséquilibre des puissances.

La décentralisation commence par soi-même

Mastodon est non-lucratif, et je n’ai pas de raison de croire qu’Eugen n’ait pas les meilleures intentions du monde. Et pourtant, la décentralisation commence par se décentraliser soi-même.
C’est dans l’intérêt du Fédiverse que mastodon.social donne le bon exemple en limitant sa taille volontairement.
En fait, ça devrait même être intégré au logiciel. Les instances Mastodon devraient être empêchées de croître au-delà d’une certaine taille. Les instances qui sont déjà trop grosses devraient avoir des moyens d’encourager les gens à migrer vers des plus petites.
En tant que communauté, nous devrions aborder les grandes instances comme des tumeurs : comment pouvons-nous les détruire pour qu’elles ne soient plus un danger pour l’organisme ?
En poussant ce raisonnement, on arrive au concept du Small Web, un internet où nous possédons et maîtrisons notre propre lieu (ou nos propres lieux).

Cliquez sur l’image pour voir une vidéo (sur aperi.tube, une instance PeerTube) : Aral expliquant ce qu’est pour lui le Small Web


Small is beautiful! (Petit c’est mieux) (octobre 2022) : Qu’est-ce que le Small Web et pourquoi en avons-nous besoin ?

 

Cui-cui ?

Je ne dis pas que les protocoles et applications actuels du Fédiverse peuvent, vont, ou même devraient évoluer vers le Small Web16. Pour l’instant, le Fédiverse est un palliatif inestimable qui fournit un lieu plus sûr que les fosses septiques centralisées de la Silicon Valley.

Le temps que durera le palliatif dépendra de notre capacité à résister à la centralisation. Les designs des serveurs et des protocoles qui incitent au passage à l’échelle vertical ne rendront pas forcément cette tâche plus facile. Et pourtant, il y a des moyens de pression sociaux que nous pouvons utiliser pour contrer leurs effets.

La dernière chose qu’on souhaite, c’est qu’une poignée de Zuckerbergs au petit pied gouvernent le Fédiverse. Ou pire encore, que vous deveniez vous-même un de ces mini-Zuckerbergs.

J’aime le fait que le Fédiverse existe. Et j’ai le plus grand respect pour les efforts gargantuesques qui lui sont dédiés. Mais je suis aussi très préoccupé par les décisions prises en termes d’architecture qui incitent à la centralisation, et non à la décentralisation. Je nous implore de reconnaître cela, pour limiter les risques du mieux que nous le pouvons, pour nous efforcer d’apprendre de nos erreurs, et pour faire encore mieux demain.
Gens d’ActivityPub et de Mastodon :
Considérez-moi comme votre canari dans une mine de charbon
« Cui-cui ! Cui-cui ! Cui-cui ! »

 

*Si vous souhaitez soutenir la Small Technology Foundation, qui est sans but lucratif : https://small-tech.org/fund-us




Mobilizon v3 : Find events and groups throughout the fediverse !

Mobilizon is the alternative we have been developing since 2019 so that everyone can emancipate their events and groups from Facebook. Except, unlike Facebook, Mobilizon is not a single platform. It is a software that specialists can install on a server to create multiple events and groups platforms (called « instances »), which can be linked together within a federation.

We do host Mobilizon.fr, but it is restricted to French speaking users (otherwise we wouldn’t be able to moderate). But we’ve got you covered : we propose a selection of other Mobilizon hosters on Mobilizon.org.

« Collectivise Internet / Convivialise Internet 🦆🦆 »Our new 3-year roadmap is funded by your donations. You will find a short presentation of this roadmap on our Support Framasoft website.

➡️ Read all blogposts of this campaign (oct. – déc. 2022, mostly in French)

It has been just under a year since we published the second version (« v2 ») of Mobilizon. That release brings us updates (time zones adjustment, improvements on language display, etc.), new features (possibility to follow the public activities of a group without having to join, exporting the attendants list of my event, possibility to search among past events, etc.) and some small tweaks (emails design, cards presenting events or groups appearance, etc.).

Rose, Fennec et mascotte de Mobilizon, sculpte le "pin" symbole qui pointe un endroit sur une carte en ligne. D'autres fennecs envoient des rayons de lumière sur la scupture pour la faire briller
Mobilizon – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

As we announced at the time, we wanted to develop in 2022 features that would improve content discovery (events, groups, their public pages, public articles of these groups). This is the path we have followed (well, when we say « we », we mean mainly ONE paid developer who devotes a part of his time to the project).

Let’s look around and see what this new version brings us!

Mobilizon Search Index, a global search engine to explore events and groups

As we know it was not always easy to find events or groups on Mobilizon, we worked for most of the year on creating Mobilizon Search Index, a new gateway to Mobilizon.

What can Mobilizon Search Index do for you

This tool allows you to search and explore Mobilizon by different ways:

  • if you are looking for a specific event or group, use the search bar
  • if you want to discover events by subject, browse through categories cards
  • if you want to find events nearby, geolocate yourself
  • if you want to discover popular groups, there is a category for that!
  • if you want to attend online events, we also highlight them

 

Mobilizon Search Index Homepage
Mobilizon Search Index Homepage

Mobilizon Search Index has been designed to inform you while respecting your attention:

  • The results will be the same for everyone, based only on your search (and your browser’s language), and absolutely not pre-sorted according to a profile (because there is no profiling, here!).
  • The results are presented in a clear and detailed way, to avoid the attention war leading to clickbait thumbnails and all caps over-the-top titles.
  • Search filters give you the power to sort the results out and display those you really want.
  • If you want to see in detail the content of an event or a group, Mobilizon Search Index will redirect you directly to the instance where it is hosted (since we have no interest in locking you into the search engine’s website). This is a way to help anyone experience and understand the notion of federation.

Let’s have a look at the new features of this search results page. First of all, you can choose the results display mode (list or map) by clicking on the top-right button.

results display in map mode
results display in map mode

 

Then you can filter the results according to several criteria. Look at the left-hand column to see which filters are already active and change them if needed:

  • type of content (events, groups or both)
  • online events
  • event date
  • distance
  • categories
  • event status (confirme, tentative or cancelled)
  • language

You can also sort the results by using the top right button (only in the « List » mode display). If your results are events and groups, this feature does not apply, you must first filter by content type.

If your results are events, you can sort by 6 different criteria:

  • best match (only relevant when using the search bar)
  • event date (from earliest to latest)
  • most recently published
  • least recently published
  • with the most participants

If your results are groups, you can sort by 2 different criteria:

  • best match (only relevant when using the search bar)
  • number of members (from largest to smallest)

Our gateway to explore Mobilizon contents

We know that by offering a single gateway to the Mobilizon federation, the structure that holds the keys to that gate gets great powers. They get the power to decide what will be accepted (or rejected) in the search directory. They get the power to record who searched for what, when, from where. And they get the power to intervene in the order and display of the results.

It is on such power mechanisms that Facebook has built its monopoly. Obviously, at Framasoft, we do not seek to be in a position of power… and even less to follow Meta’s (bad) example ! Nevertheless, we want to show the emancipating potential of this software which allows to reclaim the means to gather.

As we already did with Sepia Search (our search engine to explore contents upload on PeerTube), we take the responsibility of opening Mobilizon Search Index, our gateway to Mobilizon.

Rose searches – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

An a posteriori moderated search engine

Not all Mobilizon instances will be referenced on Mobilizon Search Index. This search engine will be based on the list of instances we maintain at https://instances.joinmobilizon.org. To date, this list consists of 83 instances, but we hope that more and more organizations will use Mobilizon.

This list is aligned with the policy for all of the services we offer:

Thus, if we are notified of an instance where contents explicitly condone terrorism or promote historical revisionism, we will remove it from the index (non-compliance with French laws, which we insist on in our TOS). Such removal will eliminate all events and groups hosted by that instance from the search results.

On the other hand, if one or more people come to abuse the time of our moderators with inappropriate and abusive reports, their words will be discredited and ignored (as indicated in our moderation policy (FR)).

However, we hope not to have to moderate this list too much in order to offer everyone the opportunity to discover the multitude of events and groups created on Mobilizon.

Mobilizon – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

A public indexing tool, reproducible and adaptable to your conditions

The source code, the « recipe » of Mobilizon Search Index, is transparent. We publish it on our software forge and we provides an API that other software (including Mobilizon instances) can use.

So anyone is free to set and host their own instance list, indexing engine and search site, by copying and adapting what we have created. It is up to you to take the power (and responsibilities) by hosting your own Mobilizon search engine, set up and moderated according to your culture, your indexing policy and your values!

A V3 to improve content discovery

A new design for the homepage and the search results page

This is the main new feature of this V3, as it was obvious to us that we would implement all the work done on Mobilizon Search Index in Mobilizon software. This V3 offers you new homepage and the search results page design.

Mobilizon v3 new homepage
Homepage of our French-speaking instance, Mobilizon.fr

On this new homepage, in addition to a total makeover of the graphic interface (do you like it?), we have changed the order in which the different contents are displayed:

  • the search bar is now more visible and you can precise a localization
  • you have 3 categories cards displayed (we highlight those with the most events)
  • 2 sections highlight events nearby and popular groups nearby your location (if you use the Geolocate me button or if you precise in your account’s preferences a city or region)
  • a new section is dedicated to upcoming online events
  • a section for the last published events on your instance and its federation

Our goal is to increase your chances of discovering events and groups that you never knew existed, to make the diversity of content published on Mobilizon more visible.

When you use the homepage search bar, Mobilizon displays a new search results page using Mobilizon Search Index design on which you can find all the features detailed above (map/list vue, filter system, sorting sytem). You even have one more critera in the left-hand column: you can choose results in your instance’s network or on the Fediverse.

If you are a Mobilizon instance’s administrator, you can choose and set up which search engine you want to use by default.

Also, the section « These events may interest you », placed at the bottom of events, uses new criteria (categories, event language and distance if the event has a physical address) in addition to tags to recommend you more relevant events.

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Mobilizon v3 – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

Necessary substantive changes

During this year, we have modified many elements of Mobilizon in order not to build up technical debt (switch to VueJS 3, migration of the CSS framework from Bulma to Tailwind, etc.). Those changes are not visible when using Mobilizon but are necessary. They already give you the possibility of using a dark theme and they will make it easier for us to offer you more features (e.g. a theme system) in the future.

And we now offer administrators the possibility to use metrics tools (Matomo and Plausible) on their Mobilizon instance that allow them to have additional data (e.g. number of views on a page or number of views of an event) in addition to the stats provided by the software itself.

Mobilizon is still financed thanks to your donations

This v3 of Mobilizon has been partly financed on our 2022 budget, so directly thanks to the donations of the people who support Framasoft, and partly by the NLnet Foundation.

We don’t yet know exactly what we’re going to do on Mobilizon in 2023, but we know you’d love us to develop a feature for events import, ability for event organizers to privately contact attendees, and ability to fill in arbitrary contact information for event location.

Our new campaign Collectivize Internet / Convivialize Internet (in French) is going to require a lot of our energy, but be sure that we will hear your feedback to take them into account. So if you can (at the period we are aware that it is particularly complicated), and if you want to, please support the actions of our association.

Framasoft donation bar on 2022 11 8th, at 21744€ overs 200000

At the time of publishing, we are still missing 178 200 € to finance our yearly budget and make everything we want to do in 2023 happen.

If you can (especially in these hard times) and if you want to, thanks for supporting our non-profit and our actions.

 

Soutenir Framasoft

 

Helpful links




Mobilizon v3 : trouver des événements et groupes dans tout le fédiverse !

Mobilizon, c’est l’alternative que nous développons depuis 2019 pour que chacun·e puisse émanciper ses événements et groupes de Facebook. Sauf qu’à l’inverse de Facebook, Mobilizon n’est pas une plateforme unique. C’est un logiciel que des spécialistes peuvent installer sur un serveur pour créer leur propre plateforme d’événements et de groupe (appelée une « instance »). Ces instances peuvent se relier entre elles au sein d’une fédération.

Vous pouvez donc utiliser Mobilizon en vous inscrivant sur Mobilizon.fr, l’instance que nous hébergeons, mais vous pouvez aussi vous inscrire sur d’autres hébergements de Mobilizon (nous proposons une sélection sur Mobilizon.org).

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »

Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Voilà un peu moins d’un an que nous avons publié la seconde version (la « v2 ») de Mobilizon. Celle-ci apportait son lot de mises à jour (prise en compte des fuseaux horaires, amélioration de l’affichage des langues, etc.), de nouvelles fonctionnalités (suivre les activités publiques d’un groupe sans avoir besoin de s’y inscrire, exporter la liste des participantes d’un événement que l’on organise, recherche parmi les événements passés, etc.) et de petites retouches (apparence des emails, design des cartes présentant les événements ou les groupes, etc.).

Rose, Fennec et mascotte de Mobilizon, sculpte le "pin" symbole qui pointe un endroit sur une carte en ligne. D'autres fennecs envoient des rayons de lumière sur la scupture pour la faire briller
Mobilizon – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Nous l’annoncions déjà à l’époque, nous souhaitions développer en 2022 des fonctionnalités permettant d’améliorer la découverte des contenus (les événements, les groupes, leur page publique, les articles publics de ces groupes). C’est bien cette voie que nous avons suivie (enfin quand on dit nous, c’est surtout UN développeur salarié qui consacre une partie de son temps sur le projet) .

Petit tour des nouveautés de cette V3…

Mobilizon Search Index, un moteur de recherche d’événements et de groupes Mobilizon

Comme nous savons qu’il n’a pas toujours été facile de trouver des événements ou des groupes sur Mobilizon, nous avons travaillé une bonne partie de l’année à la réalisation de Mobilizon Search Index, une nouvelle porte d’entrée vers Mobilizon.

Ce que Mobilizon Search Index peut faire pour vous

Ce nouveau site vous permet de rechercher et d’explorer Mobilizon de différentes manières :

  • via la barre de recherche
  • en parcourant les catégories pour découvrir des événements par sujet
  • en vous géolocalisant pour trouver des événements à proximité
  • en vous laissant guider par notre sélection de groupes populaires
  • en découvrant la liste des événements en ligne

page d'accueil de Mobilizon Search Index
page d’accueil de Mobilizon Search Index

Mobilizon Search Index a été conçu pour vous apporter de l’information en respectant votre attention :

  • Les résultats seront les mêmes pour tout le monde, en fonction uniquement de votre recherche (et de la langue de votre navigateur), et absolument pas pré-triés selon un profil (parce qu’il n’y a pas de profilage !).
  • Les résultats sont présentés de manière claire et détaillée, afin d’éviter la course à la vignette racoleuse et aux titres criards tout en majuscules.
  • Les filtres de recherches vous donnent le pouvoir de trier l’affichage des résultats de manière avancée.
  • Si vous voulez voir en détail le contenu d’un événement ou d’un groupe, Mobilizon Search Index vous redirigera directement sur l’instance où il est hébergé (puisque nous n’avons aucun intérêt à vous enfermer dans le site web du moteur de recherche). Cela permet au passage de montrer concrètement la notion de fédération.

Regardons maintenant plus en détail les fonctionnalités proposées sur la page de résultats de recherche. Tout d’abord, vous pouvez choisir le mode d’affichage des résultats (liste ou carte) en cliquant sur le bouton en haut à droite.

affichage des résultats en mode carte

Vous pouvez aussi filtrer les résultats en fonction de plusieurs critères. Regardez dans la colonne de gauche pour voir quels filtres sont déjà actifs et modifiez-les si nécessaire :

  • type de contenu (événements, groupes ou les deux)
  • en ligne (ou pas)
  • date de l’événement
  • distance
  • catégorie
  • statut (confirmé, provisoire ou annulé)
  • langue

Vous pouvez également trier les résultats en utilisant le bouton « Tri » situé en haut à droite (uniquement dans l’affichage de type « Liste »). Si les résultats proposent des événements et des groupes, cette fonctionnalité ne s’applique pas, il faut d’abord filtrer par type de contenu.

Si vous affichez des événements, vous pouvez les trier selon 6 critères différents :

  • pertinence
  • date de l’événement (par ordre chronologique)
  • le plus récemment publié
  • le moins récemment publié
  • avec le plus de participant⋅es

Si vos résultats sont des groupes, vous pouvez les trier selon 2 critères différents :

  • pertinence
  • nombre de membres (du plus grand au plus petit)

Une porte d’entrée pour découvrir la diversité des contenus sur Mobilizon

Nous sommes conscients qu’en proposant une porte d’entrée unique vers la fédération Mobilizon, la structure qui détient les clés de cette porte prend le pouvoir. Elle prend le pouvoir de décider ce qui sera accepté (ou refusé) dans l’annuaire de recherche, elle prend le pouvoir de noter qui a cherché quoi, quand, depuis où, et elle prend le pouvoir d’intervenir dans l’affichage et l’ordre des résultats.

C’est d’ailleurs sur de tels mécanismes de pouvoir que Facebook a construit son monopole. Autant vous dire que, chez Framasoft, nous ne cherchons pas à être en situation de pouvoir… et encore moins à suivre le (mauvais) exemple de Méta ! Pour autant, nous voulons montrer le potentiel émancipateur de ce logiciel qui permet de se réapproprier les moyens de mobilisation.

Comme nous l’avons fait auparavant avec Sepia Search (notre moteur de recherche pour découvrir les contenus publiés sur PeerTube), nous prenons donc la responsabilité de vous proposer Mobilizon Search Index, notre porte d’entrée vers Mobilizon.

Rose Recherche – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un moteur de recherche modéré a posteriori

Toutes les instances de Mobilizon ne seront pas référencées sur Mobilizon Search Index. Ce moteur de recherche opérera sur la liste d’instances que nous maintenons sur https://instances.joinmobilizon.org. À ce jour, cette liste est composée de 83 instances, mais nous espérons vivement que de plus en plus d’organisations utilisent Mobilizon.

Cette liste est modérée en fonction de plusieurs critères :

Ainsi, si nous sommes informés d’une instance dont le contenu fait explicitement l’apologie du terrorisme ou promeut le révisionnisme historique, nous la supprimerons de l’index. Cette suppression aura pour effet d’éliminer des résultats de recherche tous les événements et groupes hébergés par cette instance.

D’autre part, si une ou plusieurs personnes viennent abuser du temps de nos modérateur⋅ices avec des signalements inappropriés et abusifs, leurs propos seront discrédités et ignorés (comme indiqué dans notre charte de modération).

Nous espérons cependant ne pas avoir à beaucoup modérer cette liste afin de proposer à toustes de découvrir la multitude d’événements et de groupes créés sur Mobilizon.

Mobilizon – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un outil d’indexation public, reproductible et adaptable à vos conditions

Le code source (la « recette ») de Mobilizon Search Index est transparent. Il est publié sur notre forge logicielle et nous fournissons une API que d’autres logiciels (y compris les instances de Mobilizon) peuvent utiliser.

Ainsi, toute personne qui le souhaite est libre de créer et d’héberger sa propre liste d’instances, son moteur d’indexation et son site de recherche, en copiant et en adaptant ce que nous avons créé. C’est à vous de prendre le pouvoir (et les responsabilités) en hébergeant votre propre moteur de recherche Mobilizon, configuré et modéré selon votre culture, votre politique d’indexation et vos valeurs !

Une V3 pour améliorer la découverte des contenus

Un nouveau design pour la page d’accueil et la page de résultats de recherche

C’est la nouveauté principale de cette V3, puisqu’il était évident pour nous que nous allions implémenter dans le logiciel Mobilizon tout le travail effectué sur Mobilizon Search Index. Cette V3 vous propose donc un nouveau design de la page d’accueil et de la page de résultats de recherche.

Nouvelle page d'accueil de Mobilizon v3
Page d’accueil de notre instance Mobilizon.fr

Sur cette nouvelle page d’accueil, outre un total relooking de l’environnement graphique (ça vous plaît ?), nous avons modifié l’ordre d’affichage des différents contenus. Le menu « Explorer » a disparu au profit d’une barre de recherche plus visible qui vous permet de préciser votre localisation. Sous celle-ci, nous affichons les trois catégories qui proposent le plus d’événements au sein de votre fédération. Nous proposons ensuite deux sections qui mettent en avant les événements et les groupes populaires à proximité de votre position (si vous utilisez le bouton « Me Géolocaliser » ou si vous précisez dans les préférences de votre compte une ville ou une région). Une nouvelle section est consacrée aux événements en ligne à venir et nous terminons sur une section dédiée aux derniers événements publiés sur votre instance et sa fédération.

Notre objectif : augmenter vos possibilités de découvrir des événements et des groupes dont vous ne soupçonneriez pas l’existence, de rendre davantage visible la diversité des contenus publiés sur Mobilizon.

Lorsque vous utilisez la barre de recherche de la page d’accueil, Mobilizon affiche une nouvelle page de résultats utilisant un design similaire à Mobilizon Search Index. Vous y retrouvez toutes les fonctionnalités détaillées ci-dessus (vue carte/liste, système de filtre, système de tri). Vous disposez même d’un critère supplémentaire dans la colonne de gauche : vous pouvez choisir les résultats dans le réseau de votre instance ou sur le Fediverse.

Si vous êtes administrateur⋅ice d’une instance Mobilizon, vous pouvez choisir et paramétrer le moteur de recherche que vous souhaitez utiliser par défaut.

Enfin, la section « Ces événements peuvent vous intéresser », placée en bas des événements, utilise de nouveaux critères (catégories, langue de l’événement et distance si l’événement a une adresse physique) en plus des tags pour vous recommander des événements plus pertinents.

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Mobilizon v3 – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Des modifications de fond nécessaires

Cette année, nous avons modifié de nombreux éléments de Mobilizon afin de ne pas accumuler de dette technique (passage à VueJS 3, migration du framework CSS de Bulma à Tailwind, etc.). Ces modifications ne sont pas visibles lorsqu’on utilise Mobilizon mais sont pourtant nécessaires. Elles nous permettent déjà de vous offrir la possibilité d’utiliser un thème sombre. Elles nous permettront, à l’avenir, de vous offrir plus facilement d’autres fonctionnalités (par exemple un système de thèmes).

Et nous offrons désormais la possibilité aux administrateur⋅ices d’utiliser des outils de métriques (Matomo et Plausible) sur leur instance Mobilizon qui leur permettent d’avoir des données complémentaires (le nombre de vues sur une page ou le nombre de vues d’un événement par exemple) en plus des éléments statistiques fournis par le logiciel lui-même .

Mobilizon est toujours financé grâce à vos dons

Cette v3 de Mobilizon a été en partie financée sur notre budget 2022, donc directement grâce aux dons des personnes qui soutiennent Framasoft, et en partie par la Fondation NLnet.

Nous ne savons pas encore exactement ce que nous allons faire sur Mobilizon en 2023, mais nous savons que vous aimeriez beaucoup une fonctionnalité d’import pour les événements, la possibilité pour les organisateur⋅ices d’événements de contacter de manière privée les participant⋅es et de pouvoir renseigner des coordonnées arbitraires pour la localisation d’un événement.

Notre nouvelle campagne Collectivisons Internet / Convivialisons Internet va nous demander beaucoup d’énergie mais nous ferons en sorte que l’outil évolue pour toujours plus prendre en compte les besoins dont vous nous faites part.

 

Barre de dons de Framasoft au 8 novembre 2022 à 21744 € sur 200000€.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 178 200 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

 

Soutenir Framasoft

 

Liens utiles




Elon Musk et Twitter VS Mastodon et le Fédiverse

Le potentiel rachat de Twitter par Elon Musk inquiète les membres de ce réseau, qui cherchent des alternatives et se créent en masse des comptes sur Mastodon, dans le fédiverse. Vous n’avez rien compris à tous ces mots ? Tout va bien, on vous explique tout ça dans cet article et en vidéo !

Cette nouvelle qui agite le monde des affaires de la Silicon Valley illustre une certitude qui nous habite depuis des années : derrière le choix des outils numériques, il y a un choix de société.

Twitter, le choix du capitalisme de surveillance

Que ce rachat de Twitter par le milliardaire conservateur se finalise ou non, au final peu importe : le danger a toujours été là.

Elon Musk joue avec un lance flamme
Elon Musk jouant avec nos attentions (allégorie).

C’est le trop grand pouvoir des géants du web. C’est le danger de l’accumulation des informations et des attentions de centaines de millions d’êtres humains. Lorsqu’on centralise tout le monde sur une plateforme, lorsqu’un outil numérique peut accéder à votre cerveau, alors les personnes qui s’achètent un accès à ces outils s’achètent un accès à nos cerveaux.

Cumulez des accès précis à suffisamment de cerveaux et vous pouvez manipuler une société vers vos intérêts.

C’est ce que Steve Bannon a fait lorsqu’il a utilisé Cambridge Analytica et son site d’information/fake news BreitBart News pour viraliser l’extrême droite et polariser les USA (voir l’excellent dossier de Hacking Social sur Cambridge Analytica, dont l’article consacré au travail de manipulation culturelle réalisé par Steve Bannon et financé par des milliardaires).

conférence de presse de marine le pen et steve bannon
Cliquez sur l’image pour lire le dossier de Hacking Social sur Cambridge Analytica
(Photo © Sylvain Lefevre/Getty Images)

Car Twitter, comme Facebook mais aussi comme Framapad, n’est pas neutre. Aucun outil n’est neutre, mais c’est encore plus vrai pour les logiciels, qui sont des outils complexes. Le code fait loi, car il permet de déterminer quelles actions seront possibles ou pas, donc d’influencer l’expérience que vous vivrez en utilisant cet outil.

L’architecture d’un logiciel, c’est (par exemple) faire le choix de fonctionner avec une unique plateforme centralisatrice ou de multiples instances fédérées. Ces choix d’architecture déterminent la politique du logiciel, l’organisation sociale qu’il induit, donc le choix de société qui est porté par l’outil numérique sur lequel vous passez les précieuses minutes de votre vie.

Mastodon, le choix de la fédération des libertés

Si vous désirez tester une alternative indépendante, résiliente et conviviale à Twitter, nous vous recommandons de faire des « pouets » sur un drôle d’éléphant : Mastodon.

Mastodon, ce n’est pas une plateforme qui cumule tous les gens, toute l’attention et donc tout le pouvoir (coucou Twitter 😘) : c’est une fédération de fournisseuses qui se connectent ensemble (un peu comme l’email).

dessin illustrant Mastodon
Sur mastodon, on ne tweete pas, on pouette (ou « toot » en anglais)

Ces fournisseuses hébergent une installation du logiciel Mastodon sur leur serveur : si vous vous y créez un compte, vos données se retrouveront sur ce serveur, chez cet hébergeuse. Vous pouvez imaginer que c’est une propriétaire qui vous loue une chambre, ou un stand à la foire : est-ce que vous voulez être chez la méga propriétaire de la foire immensissime et déshumanisée (Twitter) ou chez la petite propriétaire de la petite foire qui s’est connectée avec les foires des villages voisins ? (Mastodon)

Votre mission, c’est de trouver où vous créer un compte. Vous avez donc le choix entre plusieurs fournisseuses de Mastodon, qui ont chacune des motivations, des moyens, des conditions d’utilisations différentes.

  • L’avantage, c’est que Elon Musk ne peut pas toutes les acheter.
  • L’inconvénient, c’est de trouver celle qui vous plaît.

C’est important de dire que votre compte Mastodon ne sera pas hébergé par une méga entreprise déshumanisée qui vous considérerait comme une vache-à-données. Les personnes qui fournissent du Mastodon le font par passion, sur leur temps à elles, et c’est du boulot !

sepia, mascotte de peertube, entretenant son jardin
Faire la modération, c’est au moins autant de travail que de désherber un jardin.
Illustration de David Revoy (CC-By)

Beaucoup de fournisseuses auront des règles (modération, fake news, pornographie…) liées à leurs motivations : vous avez donc tout intérêt à vous demander si leur politique de modération et de publication correspond à vos valeurs. Car liberté ne veut pas dire fête du slip de l’inconséquence : si vous êtes libres d’utiliser Mastodon comme vous voulez (sur votre serveur à vous), les personnes qui vous offrent un compte sur leur hébergement Mastodon n’ont pas pour devoir de vous offrir une plateforme… D’autant plus si elles estiment que vous ne vous arrêtez pas là où commence la liberté des autres.

En fait, on ne s’inscrit pas chez une telle fournisseuse comme on rentre dans un hypermarché, car vous n’êtes ni une cliente ni un produit.

Par ailleurs, il est souvent demandé (ou de bon ton) de se présenter lorsqu’on demande à rentrer sur une instance, ou lorsqu’on vient d’y être acceptée. Ainsi, n’hésitez pas à ce que votre premier pouet inclue le hashtag #introduction pour vous présenter à la communauté.

Faire ses premiers pas chez un hébergeur de confiance

Pour vous aider, on va vous faire une sélection juste après, parmi les amies des CHATONS. Car ce collectif d’hébergeuses alternatives s’engage à appliquer des valeurs de manière concrète (pas de pistage ni de GAFAM, neutralité, transparence) qui inspirent la confiance.

Mais avant de vous créer un compte, souvenez-vous que c’est toujours compliqué de tester un nouveau réseau social : il faut se présenter, se faire de nouvelles amies, comprendre les codes… 🤯 Vous vous doutez bien que Twitter veut garder les gens chez lui, et n’offrira aucune compatibilité, ni moyen de retrouver des personnes. Bref, il faut prendre Mastodon comme un nouveau média social, où on recommence à construire sa communauté de zéro.

Des animaux sur deux planetes voisines se disent bonjour
Se dire bonjour, c’est un bon début quand on veut communiquer 😉 Illustration CC-By SA LILA

Soyez choues avec vous : donnez-vous le temps, et n’hésitez pas à garder Twitter en parallèle, au moins au début. Il existe même des outils qui permettent de prendre vos pouets sur Mastodon et de les copier sur votre compte Twitter, histoire que ce soit pas trop dur de maintenir vos deux comptes pendant votre transition.

Bonne nouvelle : si vous ne choisissez pas la bonne fournisseuse du premier coup, c’est pas si grave : on peut migrer son compte d’une fournisseuse à l’autre. Peu importe chez qui vous vous inscrivez, vous pourrez communiquer avec tout cet univers fédéré (« federated universe » = fédiverse : on vous explique ça plus bas en vidéo !)

Des animaux sur plusieurs planetes forment un univers fédéré, avec l'inscription "Fediverse" au milieu
Ne loupez pas la vidéo à la fin de cet article, réalisée par LILA (CC-By SA)

Créer votre compte Mastodon chez une des CHATONS

À Framasoft, nous hébergeons Framapiaf, notre installation de Mastodon. Mais il y a déjà beaucoup trop de monde d’inscrit dessus : nous n’y acceptons plus de nouveaux comptes. Grossir indéfiniment pourrait créer des déséquilibres dans la fédération et surcharger les épaules de notre petite équipe de modération !

Parce que le but, c’est de garder des « instances » Mastodon (c’est le nom qu’on donne au serveur d’une fournisseuse de Mastodon), à taille humaine, dont l’équipe, les choix, les motivations, etc. vous inspirent confiance. Et qu’à cela ne tienne, il en existe beaucoup !

Voici donc notre sélection, mais qui n’est pas exhaustive : il y en a plein d’autres des super bien, et vous pouvez en trouver la plupart sur le site joinmastodon.org.

join th federation - Mastodon

Vous pouvez aller chez Zaclys, une association franc-comtoise qui, pour professionnaliser ses services, est devenue une SARL, mais avec la même équipe et la même éthique.

Underworld, en revanche, c’est une personne sur Paris qui héberge des services avec amour, pour le plaisir et le savoir, et qui vous aide si vous lui payez l’apéro 🍻

Immaeu, c’est une petite entreprise d’une personne, qui ne cherche pas à faire de profit sur ses services (mais qui accepte les tips ou fait payer les grosses demandes spécifiques).

G3L est une association en Drôme-Ardèche qui promeut les logiciels libres. Elle vit principalement des dons et cotisations de ses membres.

FACIL est une association québecoise qui œuvre à l’appropriation collective de l’informatique libre. Leur instance Mastodon a le plus beau nom au monde : « Jasette ».

Si vous voulez qu’on vous installe votre propre instance Mastodon en quelques clics (moyennant quelques sous), Ethibox est la micro entreprise là pour vous !

Enfin, Chapril, c’est le chaton de l’APRIL, l’association de défense et de promotion du logiciel libre. Elle vit grâce aux cotisations et dons de ses membres : rejoignez-là !

C’est quoi, le Fediverse ? [vidéo]

Les pouets de Mastodon, les vidéos de PeerTube, les événements et groupes de Mobilizon, etc., toutes ces informations se retrouvent dans le « Fédiverse ».

Mais c’est quoi, le fédiverse ? Pour vous répondre, nous avons travaillé avec l’association LILA afin de produire une courte vidéo en anglais (déjà sous-titrée en français : aidez nous à la traduire depuis l’anglais dans d’autres langues sur notre plateforme de traduction).

Nous profitons donc de cet article pour vous dévoiler cette vidéo, que vous pouvez partager massivement autour de vous !


Vidéo What is the Fediverse – CC-By SA LILA



Le Fediverse et l’avenir des réseaux décentralisés

Le Fediverse est un réseau social multiforme qui repose sur une fédération de serveurs interconnectés. C’est un phénomène assez jeune encore, mais dont la croissance suscite déjà l’intérêt et des questionnements. Parmi les travaux d’analyse qui s’efforcent de prendre une distance critique, nous vous proposons « Sept thèses sur le Fediverse et le devenir du logiciel libre »

Cette traduction Framalang vous arrive aujourd’hui avec presque un an de retard. Le document était intégralement traduit par l’équipe de Framalang dès le printemps 2020, mais nous avons tergiversé sur sa publication, car nous souhaitions un support différent du blog, où les contributions auraient pu se répondre. Mais entre le premier confinement et d’autres projets qui sont venus s’intercaler…
Cependant le débat reste possible, non seulement les commentaires sont ouverts (et modérés) comme d’habitude, mais nous serions ravis de recueillir d’autres contributions qui voudraient s’emparer du thème du Fediverse pour apporter un nouvel éclairage sur ce phénomène encore jeune et en devenir. N’hésitez pas à publier votre analyse sur un blog personnel ou à défaut, ici même si vous le souhaitez.


Framalang met à votre disposition la traduction de Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS.

Référence : Aymeric Mansoux et Roel Roscam Abbing, « Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS », dans Kristoffer Gansing et Inga Luchs (éds.), The Eternal Network. The Ends and Becomings of Network Culture, Institute of Network Cultures, Amsterdam, 2020, p. 124-140. En ligne.

Traduction Framalang : Claire, dodosan, goofy, jums, Macrico, Mannik, mo, roptat, tykayn, wisi_eu.

Vous pouvez également lire cette traduction hors-connexion en un seul .pdf (21 pages, 179 Ko)

Licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International.


À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Sept Thèses sur le Fédiverse et le devenir du logiciel libre

par Aymeric Mansoux et Roel Roscam Abbing

SOMMAIRE

Préambule – À la rencontre du Fédiverse

  1. Le Fédiverse, de la guerre des mèmes à celle des réseaux
  2. Le Fédiverse en tant que critique permanente de l’ouverture
  3. Le Fédiverse comme lieu du pluralisme agoniste en ligne
  4. Le Fédiverse, transition entre une vision technique et une perception sociale de la protection de la vie privée
  5. Le Fédiverse, pour en finir avec la collecte de données et la main-d’œuvre gratuite
  6. Le Fédiverse, avènement d’un nouveau type d’usage
  7. Le Fédiverse : la fin des logiciels libres et open source tels que nous les connaissons

À la rencontre du Fédiverse

Ces dernières années, dans un contexte de critiques constantes et de lassitude généralisée associées aux plates-formes de médias sociaux commerciaux1, le désir de construire des alternatives s’est renforcé. Cela s’est traduit par une grande variété de projets animés par divers objectifs. Les projets en question ont mis en avant leurs différences avec les médias sociaux des grandes plates-formes, que ce soit par leur éthique, leur structure, les technologies qui les sous-tendent, leurs fonctionnalités, l’accès au code source ou encore les communautés construites autour d’intérêts spécifiques qu’ils cherchent à soutenir. Bien que diverses, ces plates-formes tendent vers un objectif commun : remettre clairement en question l’asservissement à une plate-forme unique dans le paysage des médias sociaux dominants. Par conséquent, ces projets nécessitent différents niveaux de décentralisation et d’interopérabilité en termes d’architecture des réseaux et de circulation de données. Ces plates-formes sont regroupées sous le terme de « Fédiverse », un mot-valise composé de « Fédération » et « univers ». La fédération est un concept qui vient de la théorie politique par lequel divers acteurs qui se constituent en réseau décident de coopérer tous ensemble. Les pouvoirs et responsabilités sont distribués à mesure que se forme le réseau. Dans le contexte des médias sociaux, les réseaux fédérés sont portés par diverses communautés sur différents serveurs qui peuvent interagir mutuellement, plutôt qu’à travers un logiciel ou une plate-forme unique. Cette idée n’est pas nouvelle, mais elle a récemment gagné en popularité et a réactivé les efforts visant à construire des médias sociaux alternatifs2.

Les tentatives précédentes de créer des plates-formes de médias sociaux fédérés venaient des communautés FLOSS (Free/Libre and Open Source software, les logiciels libres et open source3) qui avaient traditionnellement intérêt à procurer des alternatives libres aux logiciels propriétaires et privateurs dont les sources sont fermées. En tant que tels, ces projets se présentaient en mettant l’accent sur la similarité de leurs fonctions avec les plates-formes commerciales tout en étant réalisés à partir de FLOSS. Principalement articulées autour de l’ouverture des protocoles et du code source, ces plates-formes logicielles ne répondaient aux besoins que d’une audience modeste d’utilisateurs et de développeurs de logiciels qui étaient en grande partie concernés par les questions typiques de la culture FLOSS.
La portée limitée de ces tentatives a été dépassée en 2016 avec l’apparition de Mastodon, une combinaison de logiciels client et serveur pour les médias sociaux fédérés. Mastodon a été rapidement adopté par une communauté diversifiée d’utilisateurs et d’utilisatrices, dont de nombreuses personnes habituellement sous-représentées dans les FLOSS : les femmes, les personnes de couleur et les personnes s’identifiant comme LGBTQ+. En rejoignant Mastodon, ces communautés moins représentées ont remis en question la dynamique des environnements FLOSS existants ; elles ont également commencé à contribuer autant au code qu’à la contestation du modèle unique dominant des médias sociaux commerciaux dominants. Ce n’est pas une coïncidence si ce changement s’est produit dans le sillage du Gamergate4 en 2014, de la montée de l’alt-right et des élections présidentielles américaines de 2016. Fin 2017, Mastodon a dépassé le million d’utilisateurs qui voulaient essayer le Fédiverse comme une solution alternative aux plates-formes de médias sociaux commerciaux. Ils ont pu y tester par eux-mêmes si une infrastructure différente peut ou non conduire à des discours, des cultures et des espaces sûrs (safe spaces) différents.

Aujourd’hui, le Fédiverse comporte plus de 3,5 millions de comptes répartis sur près de 5 000 serveurs, appelés « instances », qui utilisent des projets logiciels tels que Friendica, Funkwhale, Hubzilla, Mastodon, Misskey, PeerTube, PixelFed et Pleroma, pour n’en citer que quelques-uns5. La plupart de ces instances peuvent être interconnectées et sont souvent focalisées sur une pratique, une idéologie ou une activité professionnelle spécifique. Dans cette optique, le projet Fédiverse démontre qu’il est non seulement techniquement possible de passer de gigantesques réseaux sociaux universels à de petites instances interconnectées, mais qu’il répond également à un besoin concret.

On peut considérer que la popularité actuelle du Fédiverse est due à deux tendances conjointes. Tout d’abord, le désir d’opérer des choix techniques spécifiques pour résoudre les problèmes posés par les protocoles fermés et les plates-formes propriétaires. Deuxièmement, une volonté plus large des utilisateurs de récupérer leur souveraineté sur les infrastructures des médias sociaux. Plus précisément, alors que les plates-formes de médias sociaux commerciaux ont permis à beaucoup de personnes de publier du contenu en ligne, le plus grand impact du Web 2.0 a été le découplage apparent des questions d’infrastructure des questions d’organisation sociale. Le mélange de systèmes d’exploitation et de systèmes sociaux qui a donné naissance à la culture du Net6 a été remplacé par un système de permissions et de privilèges limités pour les utilisateurs. Ceux qui s’engagent dans le Fédiverse travaillent à défaire ce découplage. Ils veulent contribuer à des infrastructures de réseau qui soient plus honnêtes quant à leurs idéologies sous-jacentes.

Ces nouvelles infrastructures ne se cachent pas derrière des manipulations d’idées en trompe-l’œil comme l’ouverture, l’accès universel ou l’ingénierie apolitique. Bien qu’il soit trop tôt aujourd’hui pour dire si le Fédiverse sera à la hauteur des attentes de celles et ceux qui la constituent et quel sera son impact à long terme sur les FLOSS, il est déjà possible de dresser la carte des transformations en cours, ainsi que des défis à relever dans ce dernier épisode de la saga sans fin de la culture du Net et de l’informatique. C’est pourquoi nous présentons sept thèses sur le Fédiverse et le devenir des FLOSS, dans l’espoir d’ouvrir le débat autour de certaines des questions les plus urgentes qu’elles soulèvent.

« interlace » par Joachim Aspenlaub Blattboldt, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse, de la guerre des mèmes à celle des réseaux

Nous reconnaissons volontiers que toute réflexion sérieuse sur la culture du Net aujourd’hui doit traiter de la question des mèmes d’une façon ou d’une autre. Mais que peut-on ajouter au débat sur les mèmes en 2020 ? Il semble que tout ait déjà été débattu, combattu et exploité jusqu’à la corde par les universitaires comme par les artistes. Que nous reste-t-il à faire sinon nous tenir régulièrement au courant des derniers mèmes et de leur signification ? On oublie trop souvent que de façon cruciale, les mèmes ne peuvent exister ex nihilo. Il y a des systèmes qui permettent leur circulation et leur amplification : les plateformes de médias sociaux.

Les plateformes de médias sociaux ont démocratisé la production et la circulation des mèmes à un degré jamais vu jusqu’alors. De plus, ces plateformes se sont développées en symbiose avec la culture des mèmes sur Internet. Les plateformes de médias sociaux commerciaux ont été optimisées et conçues pour favoriser les contenus aptes à devenir des mèmes. Ces contenus encouragent les réactions et la rediffusion, ils participent à une stratégie de rétention des utilisateurs et de participation au capitalisme de surveillance. Par conséquent, dans les environnements en usage aujourd’hui pour la majeure partie des communications en ligne, presque tout est devenu un mème, ou doit afficher l’aptitude à en devenir un pour survivre — du moins pour être visible — au sein d’un univers de fils d’actualités gouvernés par des algorithmes et de flux contrôlés par des mesures7.

Comme les médias sociaux sont concentrés sur la communication et les interactions, on a complètement sous-estimé la façon dont les mèmes deviendraient bien plus que des vecteurs stratégiquement conçus pour implanter des idées, ou encore des trucs amusants et viraux à partager avec ses semblables. Ils sont devenus un langage, un argot, une collection de signes et de symboles à travers lesquels l’identité culturelle ou sous-culturelle peut se manifester. La circulation de tels mèmes a en retour renforcé certains discours politiques qui sont devenus une préoccupation croissante pour les plateformes. En effet, pour maximiser l’exploitation de l’activité des utilisateurs, les médias sociaux commerciaux doivent trouver le bon équilibre entre le laissez-faire et la régulation.

Ils tentent de le faire à l’aide d’un filtrage algorithmique, de retours d’utilisateurs et de conditions d’utilisation. Cependant, les plateformes commerciales sont de plus en plus confrontées au fait qu’elles ont créé de véritables boites de Pétri permettant à toutes sortes d’opinions et de croyances de circuler sans aucun contrôle, en dépit de leurs efforts visant à réduire et façonner le contenu discursif de leurs utilisateurs en une inoffensive et banale substance compatible avec leur commerce.

Malgré ce que les plateformes prétendent dans leurs campagnes de relations publiques ou lors des auditions des législateurs, il est clair qu’aucun solutionnisme technologique ni aucun travail externalisé et précarisé réalisé par des modérateurs humains traumatisés8 ne les aidera à reprendre le contrôle. En conséquence de l’augmentation de la surveillance menée par les plateformes de médias sociaux commerciaux, tous ceux qui sont exclus ou blessés dans ces environnements se sont davantage intéressés à l’idée de migrer sur d’autres plateformes qu’ils pourraient maîtriser eux-mêmes.

Les raisons incitant à une migration varient. Des groupes LGBTQ+ cherchent des espaces sûrs pour éviter l’intimidation et le harcèlement. Des suprémacistes blancs recherchent des plateformes au sein desquelles leur interprétation de la liberté d’expression n’est pas contestée. Raddle, un clone radicalisé, s’est développé à la suite de son exclusion du forum Reddit original ; à l’extrême-droite, il y a Voat, un autre clone de Reddit9. Ces deux plateformes ont développé leurs propres FLOSS en réponse à leur exclusion.

Au-delà de l’accès au code source, ce qui vaut aux FLOSS la considération générale, on ignore étonnamment l’un des avantages essentiels et historiques de la pratique des FLOSS : la capacité d’utiliser le travail des autres et de s’appuyer sur cette base. Il semble important aujourd’hui de développer le même logiciel pour un public réduit, et de s’assurer que le code source n’est pas influencé par les contributions d’une autre communauté. C’est une évolution récente dans les communautés FLOSS, qui ont souvent défendu que leur travail est apolitique.

C’est pourquoi, si nous nous mettons à évoquer les mèmes aujourd’hui, nous devons parler de ces plateformes de médias sociaux. Nous devons parler de ces environnements qui permettent, pour le meilleur comme pour le pire, une sédimentation du savoir : en effet, lorsqu’un discours spécifique s’accumule en ligne, il attire et nourrit une communauté, via des boucles de rétroaction qui forment des assemblages mémétiques. Nous devons parler de ce processus qui est permis par les Floss et qui en affecte la perception dans le même temps. Les plateformes de médias sociaux commerciaux ont décidé de censurer tout ce qui pourrait mettre en danger leurs affaires, tout en restant ambivalentes quant à leur prétendue neutralité10.

Mais contrairement à l’exode massif de certaines communautés et à leur repli dans la conception de leur propre logiciel, le Fédiverse offre plutôt un vaste système dans lequel les communautés peuvent être indépendantes tout en étant connectées à d’autres communautés sur d’autres serveurs. Dans une situation où la censure ou l’exil en isolement étaient les seules options, la fédération ouvre une troisième voie. Elle permet à une communauté de participer aux échanges ou d’entrer en conflit avec d’autres plateformes tout en restant fidèle à son cadre, son idéologie et ses intérêts.

Dès lors, deux nouveaux scénarios sont possibles : premièrement, une culture en ligne localisée pourrait être mise en place et adoptée dans le cadre de la circulation des conversations dans un réseau de communication partagé. Deuxièmement, des propos mémétiques extrêmes seraient susceptibles de favoriser l’émergence d’une pensée axée sur la dualité amis/ennemis entre instances, au point que les guerres de mèmes et la propagande simplistes seraient remplacés par des guerres de réseaux.

« Network » par photobunny, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse en tant que critique permanente de l’ouverture

Les concepts d’ouverture, d’universalité, et de libre circulation de l’information ont été au cœur des récits pour promouvoir le progrès technologique et la croissance sur Internet et le Web. Bien que ces concepts aient été instrumentalisés pour défendre les logiciels libres et la culture du libre, ils ont aussi été cruciaux dans le développement des médias sociaux, dont le but consistait à créer des réseaux en constante croissance, pour embarquer toujours davantage de personnes communiquant librement les unes avec les autres. En suivant la tradition libérale, cette approche a été considérée comme favorisant les échanges d’opinion fertiles en fournissant un immense espace pour la liberté d’expression, l’accès à davantage d’informations et la possibilité pour n’importe qui de participer.

Cependant, ces systèmes ouverts étaient également ouverts à leur accaparement par le marché et exposés à la culture prédatrice des méga-entreprises. Dans le cas du Web, cela a conduit à des modèles lucratifs qui exploitent à la fois les structures et le contenu circulant11 dans tout le réseau.

Revenons à la situation actuelle : les médias sociaux commerciaux dirigent la surveillance des individus et prédisent leur comportement afin de les convaincre d’acheter des produits et d’adhérer à des idées politiques. Historiquement, des projets de médias sociaux alternatifs tels que GNU Social, et plus précisément Identi.ca/StatusNet, ont cherché à s’extirper de cette situation en créant des plateformes qui contrevenaient à cette forme particulière d’ouverture sur-commercialisée.

Ils ont créé des systèmes interopérables explicitement opposés à la publicité et au pistage par les traqueurs. Ainsi faisant, ils espéraient prouver qu’il est toujours possible de créer un réseau à la croissance indéfinie tout en distribuant la responsabilité de la détention des données et, en théorie, de fournir les moyens à des communautés variées de s’approprier le code source des plateformes ainsi que de contribuer à la conception du protocole.

C’était en somme la conviction partagée sur le Fédiverse vers 2016. Cette croyance n’a pas été remise en question, car le Fédiverse de l’époque n’avait pas beaucoup dévié du projet d’origine d’un logiciel libre de média social fédéré, lancé une décennie plus tôt.

Par conséquent, le Fédiverse était composé d’une foule très homogène, dont les intérêts recoupaient la technologie, les logiciels libres et les idéologies anti-capitalistes. Cependant, alors que la population du Fédiverse s’est diversifiée lorsque Mastodon a attiré des communautés plus hétérogènes, des conflits sont apparus entre ces différentes communautés. Cette fois, il s’agissait de l’idée même d’ouverture du Fédiverse qui était de plus en plus remise en question par les nouveaux venus. Contribuant à la critique, un appel a émergé de la base d’utilisateurs de Mastodon en faveur de la possibilité de bloquer ou « défédérer » d’autres serveurs du Fédiverse.

Bloquer signifie que les utilisateurs ou les administrateurs de serveurs pouvaient empêcher le contenu d’autres serveurs sur le réseau de leur parvenir. « Défédérer », dans ce sens, est devenu une possibilité supplémentaire dans la boîte à outils d’une modération communautaire forte, qui permettait de ne plus être confronté à du contenu indésirable ou dangereux. Au début, l’introduction de la défédération a causé beaucoup de frictions parmi les utilisateurs d’autres logiciels du Fédiverse. Les plaintes fréquentes contre Mastodon qui « cassait la fédération » soulignent à quel point ce changement était vu comme une menace pour le réseau tout entier12. Selon ce point de vue, plus le réseau pouvait grandir et s’interconnecter, plus il aurait de succès en tant qu’alternative aux médias sociaux commerciaux. De la même manière, beaucoup voyaient le blocage comme une contrainte sur les possibilités d’expression personnelle et d’échanges d’idées constructifs, craignant qu’il s’ensuive l’arrivée de bulles de filtres et d’isolement de communautés.

En cherchant la déconnexion sélective et en contestant l’idée même que le débat en ligne est forcément fructueux, les communautés qui se battaient pour la défédération ont aussi remis en cause les présupposés libéraux sur l’ouverture et l’universalité sur lesquels les logiciels précédents du Fédiverse étaient construits. Le fait qu’en parallèle à ces développements, le Fédiverse soit passé de 200 000 à plus de 3,5 millions de comptes au moment d’écrire ces lignes, n’est probablement pas une coïncidence. Plutôt que d’entraver le réseau, la défédération, les communautés auto-gouvernées et le rejet de l’universalité ont permis au Fédiverse d’accueillir encore plus de communautés. La présence de différents serveurs qui représentent des communautés si distinctes qui ont chacune leur propre culture locale et leur capacité d’action sur leur propre partie du réseau, sans être isolée de l’ensemble plus vaste, est l’un des aspects les plus intéressants du Fédiverse. Cependant, presque un million du nombre total de comptes sont le résultat du passage de la plateforme d’extrême-droite Gab aux protocoles du Fédiverse, ce qui montre que le réseau est toujours sujet à la captation et à la domination par une tierce partie unique et puissante13. Dans le même temps, cet événement a immédiatement déclenché divers efforts pour permettre aux serveurs de contrer ce risque de domination.

Par exemple, la possibilité pour certaines implémentations de serveurs de se fédérer sur la base de listes blanches, qui permettent aux serveurs de s’interconnecter au cas par cas, au lieu de se déconnecter au cas par cas. Une autre réponse qui a été proposée consistait à étendre le protocole ActivityPub, l’un des protocoles les plus populaires et discutés du Fédiverse, en ajoutant des méthodes d’autorisation plus fortes à base d’un modèle de sécurité informatique qui repose sur la capacité des objets (Object-capability model). Ce modèle permet à un acteur de retirer, a posteriori, la possibilité à d’autres acteurs de voir ou d’utiliser ses données. Ce qui est unique à propos du Fédiverse c’est cette reconnaissance à la fois culturelle et technique que l’ouverture a ses limites, et qu’elle est elle-même ouverte à des interprétations plus ou moins larges en fonction du contexte, qui n’est pas fixe dans le temps. C’est un nouveau point de départ fondamental pour imaginer de nouveaux médias sociaux.

« interlace » par Interlace Explorer, licence CC BY-NC-SA 2.0

Le Fédiverse comme lieu du pluralisme agoniste en ligne

Comme nous l’avons établi précédemment, une des caractéristiques du Fédiverse tient aux différentes couches logicielles et applications qui la constituent et qui peuvent virtuellement être utilisées par n’importe qui et dans n’importe quel but. Cela signifie qu’il est possible de créer une communauté en ligne qui peut se connecter au reste du Fédiverse mais qui opère selon ses propres règles, sa propre ligne de conduite, son propre mode d’organisation et sa propre idéologie. Dans ce processus, chaque communauté est capable de se définir elle-même non plus uniquement par un langage mémétique, un intérêt, une perspective commune, mais aussi par ses relations aux autres, en se différenciant. Une telle spécificité peut faire ressembler le Fédiverse à un assemblage d’infrastructures qui suivrait les principes du pluralisme agonistique. Le pluralisme agonistique, ou agonisme, a d’abord été conçu par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui l’ont par la suite développé en une théorie politique. Pour Mouffe, à l’intérieur d’un ordre hégémonique unique, le consensus politique est impossible. Une négativité radicale est inévitable dans un système où la diversité se limite à des groupes antagonistes14.

La thèse de Mouffe s’attaque aux systèmes démocratiques où les politiques qui seraient en dehors de ce que le consensus libéral juge acceptable sont systématiquement exclues. Toutefois, ce processus est aussi à l’œuvre sur les plateformes de médias sociaux commerciaux, dans le sens où ces dernières forment et contrôlent le discours pour qu’il reste acceptable par le paradigme libéral, et qu’il s’aligne sur ses propres intérêts commerciaux. Ceci a conduit à une radicalisation de celles et ceux qui en sont exclus.

Le pari fait par l’agonisme est qu’en créant un système dans lequel un pluralisme d’hégémonies est permis, il devienne possible de passer d’une conception de l’autre en tant qu’ennemi à une conception de l’autre en tant qu’adversaire politique. Pour que cela se produise, il faut permettre à différentes idéologies de se matérialiser par le biais de différents canaux et plateformes. Une condition préalable importante est que l’objectif du consensus politique doit être abandonné et remplacé par un consensus conflictuel, dans lequel la reconnaissance de l’autre devient l’élément de base des nouvelles relations, même si cela signifie, par exemple, accepter des points de vue non occidentaux sur la démocratie, la laïcité, les communautés et l’individu.

Pour ce qui est du Fédiverse, il est clair qu’il contient déjà un paysage politique relativement diversifié et que les transitions du consensus politique au consensus conflictuel peuvent être constatées au travers de la manière dont les communautés se comportent les unes envers les autres. À la base de ces échanges conflictuels se trouvent divers points de vue sur la conception et l’utilisation collectives de toutes les couches logicielles et des protocoles sous-jacents qui seraient nécessaires pour permettre une sorte de pluralisme agonistique en ligne.

Cela dit, les discussions autour de l’usage susmentionné du blocage d’instance et de la défédération sont férocement débattues, et, au moment où nous écrivons ces lignes, avec la présence apparemment irréconciliable de factions d’extrême gauche et d’extrême droite dans l’univers de la fédération, les réalités de l’antagonisme seront très difficiles à résoudre. La conception du Fédiverse comme système dans lequel les différentes communautés peuvent trouver leur place parmi les autres a été concrètement mise à l’épreuve en juillet 2019, lorsque la plateforme explicitement d’extrême droite, Gab, a annoncé qu’elle modifierait sa base de code, s’éloignant de son système propriétaire pour s’appuyer plutôt sur le code source de Mastodon.

En tant que projet qui prend explicitement position contre l’idéologie de Gab, Mastodon a été confronté à la neutralité des licences FLOSS. D’autres projets du Fédiverse, tels que les clients de téléphonie mobile FediLab et Tusky, ont également été confrontés au même problème, peut-être même plus, car la motivation directe des développeurs de Gab pour passer aux logiciels du Fédiverse était de contourner leur interdiction des app stores d’Apple et de Google pour violation de leurs conditions de service. En s’appuyant sur les clients génériques de logiciels libres du Fédiverse, Gab pourrait échapper à de telles interdictions à l’avenir, et aussi forger des alliances avec d’autres instances idéologiquement compatibles sur le Fédiverse15.

Dans le cadre d’une stratégie antifasciste plus large visant à dé-plateformer et à bloquer Gab sur le Fédiverse, des appels ont été lancés aux développeurs de logiciels pour qu’ils ajoutent du code qui empêcherait d’utiliser leurs clients pour se connecter aux serveurs Gab. Cela a donné lieu à des débats approfondis sur la nature des logiciels libres et open source, sur l’efficacité de telles mesures quant aux modifications du code source public, étant donné qu’elles peuvent être facilement annulées, et sur le positionnement politique des développeurs et mainteneurs de logiciels.

Au cœur de ce conflit se trouve la question de la neutralité du code, du réseau et des protocoles. Un client doit-il – ou même peut-il – être neutre ? Le fait de redoubler de neutralité signifie-t-il que les mainteneurs tolèrent l’idéologie d’extrême-droite ? Que signifie bloquer ou ne pas bloquer une autre instance ? Cette dernière question a créé un va-et-vient compliqué où certaines instances demanderont à d’autres instances de prendre part explicitement au conflit, en bloquant d’autres instances spécifiques afin d’éviter d’être elles-mêmes bloquées. La neutralité, qu’elle soit motivée par l’ambivalence, le soutien tacite, l’hypocrisie, le désir de troller, le manque d’intérêt, la foi dans une technologie apolitique ou par un désir agonistique de s’engager avec toutes les parties afin de parvenir à un état de consensus conflictuel… la neutralité donc est très difficile à atteindre. Le Fédiverse est l’environnement le plus proche que nous ayons actuellement d’un réseau mondial diversifié de singularités locales. Cependant, sa topologie complexe et sa lutte pour faire face au tristement célèbre paradoxe de la tolérance – que faire de l’idée de liberté d’expression ? – montre la difficulté d’atteindre un état de consensus conflictuel. Elle montre également le défi que représente la traduction d’une théorie de l’agonisme en une stratégie partagée pour la conception de protocoles, de logiciels et de directives communautaires. La tolérance et la liberté d’expression sont devenues des sujets explosifs après près de deux décennies de manipulation politique et de filtrage au sein des médias sociaux des grandes entreprises ; quand on voit que les plateformes et autres forums de discussion populaires n’ont pas réussi à résoudre ces problèmes, on n’est guère enclin à espérer en des expérimentations futures.

Plutôt que d’atteindre un état de pluralisme agonistique, il se pourrait que le Fédiverse crée au mieux une forme d’agonisme bâtard par le biais de la pilarisation. En d’autres termes, nous pourrions assister à une situation dans laquelle des instances ne formeraient de grandes agrégations agonistes-sans-agonisme qu’entre des communautés et des logiciels compatibles tant sur le plan idéologique que technique, seule une minorité d’entre elles étant capable et désireuse de faire le pont avec des systèmes radicalement opposés. Quelle que soit l’issue, cette question de l’agonisme et de la politique en général est cruciale pour la culture du réseau et de l’informatique. Dans le contexte des systèmes post-politiques occidentaux et de la manière dont ils prennent forme sur le net, un sentiment de déclin de l’esprit partisan et de l’action militante politique a donné l’illusion, ou plutôt la désillusion, qu’il n’y a plus de boussole politique. Si le Fédiverse nous apprend quelque chose, c’est que le réseau et les composants de logiciel libres de son infrastructure n’ont jamais été aussi politisés qu’aujourd’hui. Les positions politiques qui sont générées et hébergées sur le Fédiverse ne sont pas insignifiantes, mais sont clairement articulées. De plus, comme le montre la prolifération de célébrités politiques et de politiciens utilisant activement les médias sociaux, une nouvelle forme de démocratie représentative émerge, dans laquelle le langage mémétique des cultures post-numériques se déplace effectivement dans le monde de la politique électorale et inversement16.

« THINK Together » par waynewhuang licence CC BY-NC 2.0

 

Le Fédiverse, transition entre une vision technique et une perception sociale de la protection de la vie privée

Par le passé, les débats sur les risques des médias sociaux commerciaux se sont focalisés sur les questions de vie privée et de surveillance, surtout depuis les révélations de Snowden en 2013. Par conséquent, de nombreuses réponses techniques, en particulier celles issues des communautés FLOSS, se sont concentrées sur la sécurité des traitements des données personnelles. Cela peut être illustré par la multiplication des applications de messagerie et de courrier électronique chiffrées post-Snowden17. La menace perçue par ces communautés est la possibilité de surveillance du réseau, soit par des agences gouvernementales, soit par de grandes entreprises.

Les solutions proposées sont donc des outils qui implémentent un chiffrement fort à la fois dans le contenu et dans la transmission du message en utilisant idéalement des topologies de réseaux de pair à pair qui garantissent l’anonymat. Ces approches, malgré leur rigueur, requièrent des connaissances techniques considérables de la part des utilisateurs.

Le Fédiverse bascule alors d’une conception à dominante technique vers une conception plus sociale de la vie privée, comme l’ont clairement montré les discussions qui ont eu lieu au sein de l’outil de suivi de bug de Mastodon, lors de ces premières étapes de développement. Le modèle de menace qui y est discuté comprend les autres utilisateurs du réseau, les associations accidentelles entre des comptes et les dynamiques des conversations en ligne elles-mêmes. Cela signifie qu’au lieu de se concentrer sur des caractéristiques techniques telles que les réseaux de pair à pair et le chiffrement de bout en bout, le développement a été axé sur la construction d’outils de modération robustes, sur des paramétrages fins de la visibilité des messages et sur la possibilité de bloquer d’autres instances.

Ces fonctionnalités, qui favorisent une approche plus sociale de la protection de la vie privée, ont été développées et défendues par les membres des communautés marginalisées, dont une grande partie se revendique comme queer. Comme le note Sarah Jamie Lewis :

Une grande partie de la rhétorique actuelle autour des […] outils de protection de la vie privée est axée sur la surveillance de l’État. Les communautés LGBTQI+ souhaitent parfois cacher des choses à certains de leurs parents et amis, tout en pouvant partager une partie de leur vie avec d’autres. Se faire des amis, se rencontrer, échapper à des situations violentes, accéder à des services de santé, s’explorer et explorer les autres, trouver un emploi, pratiquer le commerce du sexe en toute sécurité… sont autant d’aspects de la vie de cette communauté qui sont mal pris en compte par ceux qui travaillent aujourd’hui sur la protection de la vie privée18.

Alors que tout le monde a intérêt à prendre en compte les impacts sur la vie privée d’interactions (non sollicitées) entre des comptes d’utilisateurs, par exemple entre un employeur et un employé, les communautés marginalisées sont affectées de manière disproportionnée par ces formes de surveillance et leurs conséquences. Lorsque la conception de nouvelles plateformes sur le Fédiverse comme Mastodon a commencé — avec l’aide de membre de ces communautés — ces enjeux ont trouvé leur place sur les feuilles de route de développement des logiciels. Soudain, les outils de remontée de défauts techniques sont également devenus un lieu de débat de questions sociales, culturelles et politiques. Nous reviendrons sur ce point dans la section six.

Les technologies qui ont finalement été développées comprennent le blocage au niveau d’une instance, des outils de modérations avancés, des avertissements sur la teneur des contenus et une meilleure accessibilité. Cela a permis à des communautés géographiquement, culturellement et idéologiquement disparates de partager le même réseau selon leurs propres conditions. De ce fait, le Fédiverse peut être compris comme un ensemble de communautés qui se rallient autour d’un serveur, ou une instance, afin de créer un environnement où chacun se sent à l’aise. Là encore, cela constitue une troisième voie : ni un modèle dans lequel seuls ceux qui ont des aptitudes techniques maîtrisent pleinement leurs communications, ni un scénario dans lequel la majorité pense n’avoir « rien à cacher » simplement parce qu’elle n’a pas son mot à dire ni le contrôle sur les systèmes dont elle est tributaire. En effet, le changement vers une perception sociale de la vie privée a montré que le Fédiverse est désormais un laboratoire dans lequel on ne peut plus prétendre que les questions d’organisation sociale et de gouvernance sont détachées des logiciels.

Ce qui compte, c’est que le Fédiverse marque une évolution de la définition des questions de surveillance et de protection de la vie privée comme des problématiques techniques vers leur formulation en tant qu’enjeux sociaux. Cependant, l’accent mis sur la dimension sociale de la vie privée s’est jusqu’à présent limité à placer sa confiance dans d’autres serveurs et administrateurs pour qu’ils agissent avec respect.
Cela peut être problématique dans le cas par exemple des messages directs (privés), par leur confidentialité inhérente, qui seraient bien mieux gérés avec des solutions techniques telles que le chiffrement de bout en bout. De plus, de nombreuses solutions recherchées dans le développement des logiciels du Fédiverse semblent être basées sur le collectif plutôt que sur l’individu. Cela ne veut pas dire que les considérations de sécurité technique n’ont aucune importance. Les serveurs du Fédiverse ont tendance à être équipés de paramètres de « confidentialité par défaut », tels que le nécessaire chiffrement de transport et le proxy des requêtes distantes afin de ne pas exposer les utilisateurs individuels.

Néanmoins, cette évolution vers une approche sociale de la vie privée n’en est qu’à ses débuts, et la discussion doit se poursuivre sur de nombreux autres plans.

« Liseron sur ombelles » par philolep, licence CC BY-NC-SA 2.0

Le Fédiverse, pour en finir avec la collecte de données et la main-d’œuvre gratuite

Les grandes plateformes de médias sociaux, qui se concentrent sur l’utilisation de statistiques pour récompenser leur usage et sur la gamification, sont tristement célèbres pour utiliser autant qu’elles le peuvent le travail gratuit. Quelle que soit l’information introduite dans le système, elle sera utilisée pour créer directement ou indirectement des modélisations, des rapports et de nouveaux jeux de données qui possèdent un intérêt économique fondamental pour les propriétaires de ces plateformes : bienvenue dans le monde du capitalisme de surveillance19.

Jusqu’à présent il a été extrêmement difficile de réglementer ces produits et services, en partie à cause du lobbying intense des propriétaires de plateformes et de leurs actionnaires, mais aussi et peut-être de façon plus décisive, à cause de la nature dérivée de la monétisation qui est au cœur des entreprises de médias sociaux. Ce qui est capitalisé par ces plateformes est un sous-produit algorithmique, brut ou non, de l’activité et des données téléchargées par ses utilisateurs et utilisatrices. Cela crée un fossé qui rend toujours plus difficile d’appréhender la relation entre le travail en ligne, le contenu créé par les utilisateurs, le pistage et la monétisation.

Cet éloignement fonctionne en réalité de deux façons. D’abord, il occulte les mécanismes réels qui sont à l’œuvre, ce qui rend plus difficile la régulation de la collecte des données et leur analyse. Il permet de créer des situations dans lesquelles ces plateformes peuvent développer des produits dont elles peuvent tirer profit tout en respectant les lois sur la protection de la vie privée de différentes juridictions, et donc promouvoir leurs services comme respectueux de la vie privée. Cette stratégie est souvent renforcée en donnant à leurs utilisatrices et utilisateurs toutes sortes d’options pour les induire en erreur et leur faire croire qu’ils ont le contrôle de ce dont ils alimentent la machine.

Ensuite, en faisant comme si aucune donnée personnelle identifiable n’était directement utilisée pour être monétisée ; ces plateformes dissimulent leurs transactions financières derrière d’autres sortes de transactions, comme les interactions personnelles entre utilisatrices, les opportunités de carrière, les groupes et discussion gérés par des communautés en ligne, etc. Au bout du compte, les utilisateurs s’avèrent incapables de faire le lien entre leur activité sociale ou professionnelle et son exploitation, parce tout dérive d’autres transactions qui sont devenues essentielles pour nos vies connectées en permanence, en particulier à l’ère de l’« entrepecariat » et de la connectivité quasi obligatoire au réseau.

Nous l’avons vu précédemment : l’approche sociale de la vie privée en ligne a influencé la conception initiale de Mastodon, et le Fédiverse offre une perspective nouvelle sur le problème du capitalisme de surveillance. La question de l’usage des données des utilisateurs et utilisatrices et la façon dont on la traite, au niveau des protocoles et de l’interface utilisateur, sont des points abordés de façon transparente et ouverte. Les discussions se déroulent publiquement à la fois sur le Fédiverse et dans les plateformes de suivi du logiciel. Les utilisateurs expérimentés du Fédiverse ou l’administratrice locale d’un groupe Fédiverse, expliquent systématiquement aux nouveaux utilisateurs la façon dont les données circulent lorsqu’ils rejoignent une instance.

Cet accueil permet généralement d’expliquer comment la fédération fonctionne et ce que cela implique concernant la visibilité et l’accès aux données partagées par ces nouveaux utilisateurs21. Cela fait écho à ce que Robert Gehl désigne comme une des caractéristiques des plateformes de réseaux sociaux alternatifs. Le réseau comme ses coulisses ont une fonction pédagogique. On indique aux nouvelles personnes qui s’inscrivent comment utiliser la plateforme et chacun peut, au-delà des permissions utilisateur limitées, participer à son développement, à son administration et à son organisation22. En ce sens, les utilisateurs et utilisatrices sont incitées par le Fédiverse à participer activement, au-delà de simples publications et « likes » et sont sensibilisés à la façon dont leurs données circulent.

Pourtant, quel que soit le niveau d’organisation, d’autonomie et d’implication d’une communauté dans la maintenance de la plateforme et du réseau (au passage, plonger dans le code est plus facile à dire qu’à faire), rien ne garantit un plus grand contrôle sur les données personnelles. On peut facilement récolter et extraire des données de ces plateformes et cela se fait plus facilement que sur des réseaux sociaux privés. En effet, les services commerciaux des réseaux sociaux privés protègent activement leurs silos de données contre toute exploitation extérieure.

Actuellement, il est très facile d’explorer le Fédiverse et d’analyser les profils de ses utilisatrices et utilisateurs. Bien que la plupart des plateformes du Fédiverse combattent le pistage des utilisateurs et la collecte de leurs données, des tiers peuvent utiliser ces informations. En effet, le Fédiverse fonctionne comme un réseau ouvert, conçu à l’origine pour que les messages soient publics. De plus, étant donné que certains sujets, notamment des discussions politiques, sont hébergées sur des serveurs spécifiques, les communautés de militant⋅e⋅s peuvent être plus facilement exposées à la surveillance. Bien que le Fédiverse aide les utilisateurs à comprendre, ou à se rappeler, que tout ce qui est publié en ligne peut échapper et échappera à leur contrôle, elle ne peut pas empêcher toutes les habitudes et le faux sentiment de sécurité hérités des réseaux sociaux commerciaux de persister, surtout après deux décennies de désinformation au sujet de la vie privée numérique23.

De plus, bien que l’exploitation du travail des utilisateurs et utilisatrices ne soit pas la même que sur les plateformes de médias sociaux commerciaux, il reste sur ce réseau des problèmes autour de la notion de travail. Pour les comprendre, nous devons d’abord admettre les dégâts causés, d’une part, par la merveilleuse utilisation gratuite des réseaux sociaux privés, et d’autre part, par la mécompréhension du fonctionnement des logiciels libres ou open source : à savoir, la manière dont la lutte des travailleurs et la question du travail ont été masquées dans ces processus24.

Cette situation a incité les gens à croire que le développement des logiciels, la maintenance des serveurs et les services en ligne devraient être mis gratuitement à leur disposition. Les plateformes de média sociaux commerciaux sont justement capables de gérer financièrement leurs infrastructures précisément grâce à la monétisation des contenus et des activités de leurs utilisateurs. Dans un système où cette méthode est évitée, impossible ou fermement rejetée, la question du travail et de l’exploitation apparaît au niveau de l’administration des serveurs et du développement des logiciels et concerne tous celles et ceux qui contribuent à la conception, à la gestion et à la maintenance de ces infrastructures.

Pour répondre à ce problème, la tendance sur le Fédiverse consiste à rendre explicites les coûts de fonctionnement d’un serveur communautaire. Tant les utilisatrices que les administrateurs encouragent le financement des différents projets par des donations, reconnaissant ainsi que la création et la maintenance de ces plateformes coûtent de l’argent. Des projets de premier plan comme Mastodon disposent de davantage de fonds et ont mis en place un système permettant aux contributeurs d’être rémunérés pour leur travail25.

Ces tentatives pour compenser le travail des contributeurs sont un pas en avant, cependant étendre et maintenir ces projets sur du long terme demande un soutien plus structurel. Sans financement significatif du développement et de la maintenance, ces projets continueront à dépendre de l’exploitation du travail gratuit effectué par des volontaires bien intentionnés ou des caprices des personnes consacrant leur temps libre au logiciel libre. Dans le même temps, il est de plus en plus admis, et il existe des exemples, que le logiciel libre peut être considéré comme un bien d’utilité publique qui devrait être financé par des ressources publiques26. À une époque où la régulation des médias sociaux commerciaux est débattue en raison de leur rôle dans l’érosion des institutions publiques, le manque de financement public d’alternatives non prédatrices devrait être examiné de manière plus active.

Enfin, dans certains cas, les personnes qui accomplissent des tâches non techniques comme la modération sont rémunérées par les communautés du Fédiverse. On peut se demander pourquoi, lorsqu’il existe une rémunération, certaines formes de travail sont payées et d’autres non. Qu’en est-il par exemple du travail initial et essentiel de prévenance et de critique fourni par les membres des communautés marginalisées qui se sont exprimés sur la façon dont les projets du Fédiverse devraient prendre en compte une interprétation sociale de la protection de la vie privée ? Il ne fait aucun doute que c’est ce travail qui a permis au Fédiverse d’atteindre le nombre d’utilisateurs qu’elle a aujourd’hui.

Du reste comment cette activité peut-elle être évaluée ? Elle se manifeste dans l’ensemble du réseau, dans des fils de méta-discussions ou dans les systèmes de suivi, et n’est donc pas aussi quantifiable ou visible que la contribution au code. Donc, même si des évolutions intéressantes se produisent, il reste à voir si les utilisateurs et les développeuses du Fédiverse peuvent prendre pleinement conscience de ces enjeux et si les modèles économiques placés extérieurs au capitalisme de surveillance peuvent réussir à soutenir une solidarité et une attention sans exploitation sur tous les maillons de la chaîne.

« Liseron sur ombelles » par philolep, licence CC BY-NC-SA 2.0

« basket weaving » par cloudberrynine, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse, avènement d’un nouveau type d’usage

On peut envisager le Fédiverse comme un ensemble de pratiques, ou plutôt un ensemble d’attentes et de demandes concernant les logiciels de médias sociaux, dans lesquels les efforts disparates de projets de médias sociaux alternatifs convergent en un réseau partagé avec des objectifs plus ou moins similaires. Les différents modèles d’utilisation, partagés entre les serveurs, vont de plateformes d’extrême-droite financées par le capital-risque à des systèmes de publication d’images japonaises, en passant par des collectifs anarcho-communistes, des groupes politiques, des amateurs d’algorithmes de codage en direct, des « espaces sûrs » pour les travailleur⋅euse⋅s du sexe, des forums de jardinage, des blogs personnels et des coopératives d’auto-hébergement. Ces pratiques se forment parallèlement au problème du partage des données et du travail gratuit, et font partie de la transformation continuelle de ce que cela implique d’être utilisateur ou utilisatrice de logiciel.

Les premiers utilisateurs de logiciels, ou utilisateurs d’appareils de calcul, étaient aussi leurs programmeuses et programmeurs, qui fournissaient ensuite les outils et la documentation pour que d’autres puissent contribuer au développement et à l’utilisation de ces systèmes27.

Ce rôle était si important que les premières communautés d’utilisateurs furent pleinement soutenues et prises en charge par les fabricants de matériel.

Avance rapide de quelques décennies et, avec la croissance de l’industrie informatique, la notion d’ « utilisateur » a complètement changé pour signifier « consommateur apprivoisé » avec des possibilités limitées de contribution ou de modification des systèmes qu’ils utilisent, au-delà de personnalisations triviales ou cosmétiques. C’est cette situation qui a contribué à façonner une grande partie de la popularité croissante des FLOSS dans les années 90, en tant qu’adversaires des systèmes d’exploitation commerciaux propriétaires pour les ordinateurs personnels, renforçant particulièrement les concepts antérieurs de liberté des utilisateurs28. Avec l’avènement du Web 2.0, la situation changea de nouveau. En raison de la dimension communicative et omniprésente des logiciels derrière les plateformes de médias sociaux d’entreprises, les fournisseurs ont commencé à offrir une petite ouverture pour un retour de la part de leurs utilisateurs, afin de rendre leur produit plus attrayant et pertinent au quotidien. Les utilisateurs peuvent généralement signaler facilement les bugs, suggérer de nouvelles fonctionnalités ou contribuer à façonner la culture des plateformes par leurs échanges et le contenu partagés. Twitter en est un exemple bien connu, où des fonctionnalités essentielles, telles que les noms d’utilisateur préfixés par @ et les hashtags par #, ont d’abord été suggérés par les utilisateurs. Les forums comme Reddit permettent également aux utilisateurs de définir et modérer des pages, créant ainsi des communautés distinctes et spécifiques.

Sur les plateformes alternatives de médias sociaux comme le Fédiverse, en particulier à ses débuts, ces formes de participation vont plus loin. Les utilisatrices et utilisateurs ne se contentent pas de signaler des bogues ou d’aider a la création d’une culture des produits, ils s’impliquent également dans le contrôle du code, dans le débat sur ses effets et même dans la contribution au code. À mesure que le Fédiverse prend de l’ampleur et englobe une plus grande diversité de cultures et de logiciels, les comportements par rapport à ses usages deviennent plus étendus. Les gens mettent en place des nœuds supplémentaires dans le réseau, travaillent à l’élaboration de codes de conduite et de conditions de service adaptées, qui contribuent à l’application de lignes directrices communautaires pour ces nœuds. Ils examinent également comment rendre ces efforts durables par un financement via la communauté.

Ceci dit, toutes les demandes de changement, y compris les contributions pleinement fonctionnelles au code, ne sont pas acceptées par les principaux développeurs des plateformes. Cela s’explique en partie par le fait que les plus grandes plateformes du Fédiverse reposent sur des paramètres par défaut, bien réfléchis, qui fonctionnent pour ces majorités diverses, plutôt que l’ancien modèle archétypique de FLOSS, pour permettre une personnalisation poussée et des options qui plaisent aux programmeurs, mais en découragent beaucoup d’autres. Grâce à la disponibilité du code source, un riche écosystème de versions modifiées de projets (des forks) existe néanmoins, qui permet d’étendre ou de limiter certaines fonctionnalités tout en conservant un certain degré de compatibilité avec le réseau plus large.
Les débats sur les mérites des fonctionnalités et des logiciels modifiés qu’elles génèrent nourrissent de plus amples discussions sur l’orientation de ces projets, qui à leur tour conduisent à une attention accrue autour de leur gouvernance.

Il est certain que ces développements ne sont ni nouveaux ni spécifiques au Fédiverse. La manière dont les facilitateurs de services sont soutenus sur le Fédiverse, par exemple, est analogue à la manière dont les créateurs de contenu sur les plateformes de streaming au sein des communautés de jeux sont soutenus par leur public. Des appels à une meilleure gouvernance des projets logiciels sont également en cours dans les communautés FLOSS plus largement. L’élaboration de codes de conduite (un document clé pour les instances de la Fédiverse mis en place pour exposer leur vision de la communauté et de la politique) a été introduit dans diverses communautés FLOSS au début des années 2010, en réponse à la misogynie systématique et à la l’exclusion des minorités des espaces FLOSS à la fois en ligne et hors ligne29. Les codes de conduite répondent également au besoin de formes génératrices de résolution des conflits par-delà les barrières culturelles et linguistiques.

De même, bon nombre des pratiques de modération et de gestion communautaire observées dans le Fédiverse ont hérité des expériences d’autres plateformes, des succès et défaillances d’autres outils et systèmes. La synthèse et la coordination de toutes ces pratiques deviennent de plus en plus visibles dans l’univers fédéré.
En retour, les questions et les approches abordées dans le Fédiverse ont créé un précédent pour d’autres projets des FLOSS, en encourageant des transformations des discussions qui étaient jusqu’alors limitées ou difficiles à engager.

Il n’est pas évident, compte tenu de la diversité des modèles d’utilisation, que l’ensemble du Fédiverse fonctionne suivant cette tendance. Les développements décrits ci-dessus suggèrent cependant que de nombreux modèles d’utilisation restent à découvrir et que le Fédiverse est un environnement favorable pour les tester. La nature évolutive de l’utilisation du Fédiverse montre à quel point l’écart est grand entre les extrêmes stéréotypés du modèle capitaliste de surveillance et du martyre auto-infligé des plateformes de bénévolat. Ce qui a des implications sur le rôle des utilisateurs en relation avec les médias sociaux alternatifs, ainsi que pour le développement de la culture des FLOSS30.

« What a tangled web we weave….. » par Pandiyan, licence CC BY-NC 2.0

Le Fédiverse : la fin des logiciels libres et open source tels que nous les connaissons

Jusqu’à présent, la grande majorité des discussions autour des licences FLOSS sont restées enfermées dans une comparaison cliché entre l’accent mis par le logiciel libre sur l’éthique de l’utilisateur et l’approche de l’open source qui repose sur l’économie31.

Qu’ils soient motivés par l’éthique ou l’économie, les logiciels libres et les logiciels open source partagent l’idéal selon lequel leur position est supérieure à celle des logiciels fermés et aux modes de production propriétaires. Toutefois, dans les deux cas, le moteur libéral à la base de ces perspectives éthiques et économiques est rarement remis en question. Il est profondément enraciné dans un contexte occidental qui, au cours des dernières décennies, a favorisé la liberté comme le conçoivent les libéraux et les libertariens aux dépens de l’égalité et du social.

Remettre en question ce principe est une étape cruciale, car cela ouvrirait des discussions sur d’autres façons d’aborder l’écriture, la diffusion et la disponibilité du code source. Par extension, cela mettrait fin à la prétention selon laquelle ces pratiques seraient soit apolitiques, soit universelles, soit neutres.

Malheureusement, de telles discussions ont été difficiles à faire émerger pour des raisons qui vont au-delà de la nature dogmatique des agendas des logiciels libres et open source. En fait, elles ont été inconcevables car l’un des aspects les plus importants des FLOSS est qu’ils ont été conçus comme étant de nature non discriminatoire. Par « non discriminatoire », nous entendons les licences FLOSS qui permettent à quiconque d’utiliser le code source des FLOSS à n’importe quelle fin.

Certains efforts ont été faits pour tenter de résoudre ce problème, par exemple au niveau de l’octroi de licences discriminatoires pour protéger les productions appartenant aux travailleurs, ou pour exclure l’utilisation par l’armée et les services de renseignement32.

Ces efforts ont été mal accueillis en raison de la base non discriminatoire des FLOSS et de leur discours. Pis, la principale préoccupation du plaidoyer en faveur des FLOSS a toujours été l’adoption généralisée dans l’administration, l’éducation, les environnements professionnels et commerciaux, et la dépolitisation a été considérée comme la clé pour atteindre cet objectif. Cependant, plus récemment, la croyance en une dépolitisation, ou sa stratégie, ont commencé à souffrir de plusieurs manières.

Tout d’abord, l’apparition de ce nouveau type d’usager a entraîné une nouvelle remise en cause des modèles archétypaux de gouvernance des projets de FLOSS, comme celui du « dictateur bienveillant ». En conséquence, plusieurs projets FLOSS de longue date ont été poussés à créer des structures de compte-rendu et à migrer vers des formes de gouvernance orientées vers la communauté, telles que les coopératives ou les associations.
Deuxièmement, les licences tendent maintenant à être combinées avec d’autres documents textuels tels que les accords de transfert de droits d’auteur, les conditions de service et les codes de conduite. Ces documents sont utilisés pour façonner la communauté, rendre leur cohérence idéologique plus claire et tenter d’empêcher manipulations et malentendus autour de notions vagues comme l’ouverture, la transparence et la liberté.

Troisièmement, la forte coloration politique du code source remet en question la conception actuelle des FLOSS. Comme indiqué précédemment, certains de ces efforts sont motivés par le désir d’éviter la censure et le contrôle des plateformes sociales des entreprises, tandis que d’autres cherchent explicitement à développer des logiciels à usage antifasciste. Ces objectifs interrogent non seulement l’universalité et l’utilité globale des grandes plateformes de médias sociaux, ils questionnent également la supposée universalité et la neutralité des logiciels. Cela est particulièrement vrai lorsque les logiciels présentent des conditions, codes et accords complémentaires explicites pour leurs utilisateurs et les développeuses.

Avec sa base relativement diversifiée d’utilisatrices, de développeurs, d’agenda, de logiciels et d’idéologies, le Fédiverse devient progressivement le système le plus pertinent pour l’articulation de nouvelles formes de la critique des FLOSS. Il est devenu un endroit où les notions traditionnelles sur les FLOSS sont confrontées et révisées par des personnes qui comprennent son utilisation dans le cadre d’un ensemble plus large de pratiques qui remettent en cause le statu quo. Cela se produit parfois dans un contexte de réflexion, à travers plusieurs communautés, parfois par la concrétisation d’expériences et des projets qui remettent directement en question les FLOSS tels que nous les connaissons. C’est devenu un lieu aux multiples ramifications où les critiques constructives des FLOSS et l’aspiration à leur réinvention sont très vives. En l’état, la culture FLOSS ressemble à une collection rapiécée de pièces irréconciliables provenant d’un autre temps et il est urgent de réévaluer nombre de ses caractéristiques qui étaient considérées comme acquises.

Si nous pouvons accepter le sacrilège nécessaire de penser au logiciel libre sans le logiciel libre, il reste à voir ce qui pourrait combler le vide laissé par son absence.


  1. Consulter Geert Lovink, Sad by Design: On Platform Nihilism (Triste par essence: Du nihilisme des plates-formes, non traduit en français), London: Pluto Press, 2019.
  2. Dans tout ce document nous utiliserons « médias sociaux commerciaux » et « médias sociaux alternatifs » selon les définitions de Robert W. Gehl dans « The Case for Alternative Social Media » (Pour des médias sociaux alternatifs, non traduit en français), Social Media + Society, juillet-décembre 2015, p. 1-12. En ligne.
  3. Danyl Strype, « A Brief History of the GNU Social Fediverse and ‘The Federation’ » (Une brève histoire de GNU Social, du Fédiverse et de la ‘fédération’, non traduit en français), Disintermedia, 1er Avril 2017. En ligne.
  4. Pour une exploration du #GamerGate et des technocultures toxiques, consulter Adrienne Massanari, « #Gamergate and The Fappening: How Reddit’s Algorithm, Governance, and Culture Support Toxic Technocultures » (#GamerGate et Fappening : comment les algorithmes, la gouvernance et la culture de Reddit soutiennent les technocultures toxiques, non traduit en français), New Media & Society, 19(3), 2016, p. 329-346.
  5. En raison de la nature décentralisée du Fédiverse, il n’est pas facile d’obtenir les chiffres exacts du nombre d’utilisateurs, mais quelques projets tentent de mesurer la taille du réseau: The Federation ; Fediverse Network ; Mastodon Users, Bitcoin Hackers.
  6. Pour un exemple de ce type de mélange, consulter Michael Rossman, « Implications of Community Memory » (Implications du projet Community Memory, non traduit en français) SIGCAS – Computers & Society, 6(4), 1975, p. 7-10.
  7. Aymeric Mansoux, « Surface Web Times » (L’ère du Web de surface, non traduit en français), MCD, 69, 2013, p. 50-53.
  8. Burcu Gültekin Punsmann, « What I learned from three months of Content Moderation for Facebook in Berlin » (Ce que j’ai appris de trois mois de modération de contenu pour Facebook à Berlin, non traduit en français), SZ Magazin, 6 January 2018. En ligne.
  9. Pour consulter le code source, voir Raddle ; Postmill, ‘GitLab’ ; Voat ; Voat, ‘GitLab’.
  10. Gabriella Coleman, « The Political Agnosticism of Free and Open Source Software and the Inadvertent Politics of Contrast » (L’agnosticisme politique des FLOSS et la politique involontaire du contraste, non traduit en français), Anthropological Quarterly, 77(3), 2004, p. 507-519.
  11. Pour une discussion plus approfondie sur les multiples possibilités procurés par l’ouverture mais aussi pour un commentaire sur le librewashing, voyez l’article de Jeffrey Pomerantz and Robin Peek, « Fifty Shades of Open », First Monday, 21(5), 2016. En ligne.
  12. Comme exemple d’arguments contre la défédération, voir le commentaire de Kaiser sous l’article du blog de Robek « rw » World : « Mastodon Socal Is THE Twitter Alternative For… », Robek World, 12 janvier 2017. En ligne.
  13. Au moment où Gab a rejoint le réseau, les statistiques du Fédiverse ont augmenté d’environ un million d’utilisateurs. Ces chiffres, comme tous les chiffres d’utilisation du Fédiverse, sont contestés. Pour le contexte, voir John Dougherty et Michael Edison Hayden, « ‘No Way’ Gab has 800,000 Users, Web Host Says », Southern Poverty Law Center, 14 février 2019. En ligne. Et le message sur Mastodon de emsenn le 10 août 2017, 04:51.
  14. Pour une introduction exhaustive aux écrits de Chantal Mouffe, voir Chantal Mouffe, Agonistique : penser politiquement le monde, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2014. On lira aussi avec profit la page Wikipédia consacrée à l’agonisme.
  15. Andrew Torba : « Le passage au protocole ActivityPub pour notre base nous permet d’entrer dans les App Stores mobiles sans même avoir à soumettre ni faire approuver nos propres applications, que cela plaise ou non à Apple et à Google », posté sur Gab, url consultée en mai 2019.
  16. David Garcia, « The Revenge of Folk Politics », transmediale/journal, 1, 2018. En ligne.
  17. hbsc & friends, « Have You Considered the Alternative? », Homebrew Server Club, 9 March 2017. En ligne.
  18. Sarah Jamie Lewis (éd.), Queer Privacy: Essays From The Margin Of Society, Victoria, British Columbia, Lean Pub/Mascherari Press, 2017, p. 2.
  19. Shoshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, New York, PublicAffairs, 2019.
  20. Silvio Lorusso, Entreprecariat – Everyone Is an Entrepreneur. Nobody Is Safe, Onomatopee: Eindhoven, 2019.
  21. Pour un exemple d’introduction très souvent citée en lien, rédigée par une utilisatrice, cf. Noëlle Anthony,
    Joyeusenoelle/GuideToMastodon, 2019. En ligne.
  22. Au sein de ce texte, nous utilisons « média social commercial » (corporate social media) et « média social alternatif » (alternative social media) comme définis par Robert W. Gehl, « The Case for Alternative Social Media », op. cit..
  23. Pour un relevé permanent de ces problématiques, cf. Pervasive Labour Union Zine, en ligne.
  24. Bien que formulée dans le contexte de Tumblr, pour une discussion à propos des tensions entre le travail numérique, les communautés post-numériques et l’activisme, voyez Cassius Adair et Lisa Nakamura, « The Digital Afterlives of This Bridge Called My Back: Woman of Color Feminism, Digital Labor, and Networked Pedagogy », American Literature, 89(2), 2017, p. 255-278.
  25. « Mastodon », Open Collective. En ligne.
  26. Pour des éléments de discussion sur le financement public des logiciels libres, ainsi que quelques analyses des premiers jets de lois concernant l’accès au code source des logiciels achetés avec l’argent public, cf. Jesús M. González-Barahona, Joaquín Seoane Pascual et Gregorio Robles, Introduction to Free Software, Barcelone, Universitat Oberta de Catalunya, 2009.
  27. par exemple, consultez Atsushi Akera, « Voluntarism and the Fruits of Collaboration: The IBM UserGroup, Share », Technology and Culture, 42(4), 2001, p. 710-736.
  28. Sam Williams, Free as in Freedom: Richard Stallman’s Crusade for Free Software, Farnham: O’Reilly, 2002.
  29. Femke Snelting, « Codes of Conduct: Transforming Shared Values into Daily Practice », dans Cornelia Sollfrank (éd.), The Beautiful Warriors: Technofeminist Praxis in the 21st Century, Colchester, Minor Compositions, 2019, pp. 57-72.
  30. Dušan Barok, Privatising Privacy: Trojan Horse in Free Open Source Distributed Social Platforms, Thèse de Master, Networked Media, Piet Zwart Institute, Rotterdam/Netherlands, 2011.
  31. Voyez l’échange de correspondance Stallman-Ghosh-Glott sur l’étude du FLOSS, « Two Communities or Two Movements in One Community? », dans Rishab Aiyer Ghosh, Ruediger Glott, Bernhard Krieger and Gregorio Robles, Free/Libre and Open Source Software: Survey and Study, FLOSS final report, International Institute of Infonomics, University of Maastricht, Netherlands, 2002. En ligne.
  32. Consultez par exemple Felix von Leitner, « Mon Jul 6 2015 », Fefes Blog, 6 July 2015, en ligne.

 


Qui sont les auteurs

AYMERIC MANSOUX s’amuse avec les ordinateurs et les réseaux depuis bien trop longtemps. Il a été un membre fondateur du collectif GOTO10 (FLOSS+Art anthology, Puredyne distro, make art festival). Parmi les collaborations récentes, citons : Le Codex SKOR, une archive sur l’impossibilité d’archiver ; What Remains, un jeu vidéo 8 bits sur la manipulation des l’opinion publique et les lanceurs d’alerte pour la console Nintendo de 1985 ; et LURK, une une infrastructure de serveurs pour les discussions sur la liberté culturelle, l’art dans les nouveaux médias et la culture du net. Aymeric a obtenu son doctorat au Centre d’études culturelles, Goldsmiths, Université de Londres en 2017, pour son enquête sur le déclin de la diversité culturelle et des formes techno-légales de l’organisation sociale dans le cadre de pratiques culturelles libres et open-source. Il dirige actuellement le Cours de maîtrise en édition expérimentale (XPUB) à l’Institut Piet Zwart, Rotterdam. https://bleu255.com/~aymeric.

ROEL ROSCAM ABBING est un artiste et chercheur dont les travaux portent sur les questions et les cultures entourant les ordinateurs en réseau. Il s’intéresse à des thèmes tels que le réseau, les infrastructures, la politique de la technologie et les approches DIY (NdT : « Faites-le vous-même »). Il est doctorant dans le domaine du design d’interaction à l’université de Malmö.

 




DIFFUser bientôt vos articles dans le Fediverse ?

Chaque mois le Fediverse s’enrichit de nouveaux projets, probablement parce nous désirons toujours plus de maîtrise de notre vie numérique.

Décentralisé et fédéré, ce réseau en archipel s’articule autour de briques technologiques qui permettent à ses composantes diverses de communiquer. Au point qu’à chaque rumeur de projet nouveau dans le monde du Libre la question est vite posée de savoir s’il sera « fédéré » et donc relié à d’autres projets.

Si vous désirez approfondir vos connaissances au plan technique et au plan de la réflexion sur la fédération, vous trouverez matière à vous enrichir dans les deux mémoires de Nathalie, stagiaire chez Framasoft l’année dernière.

Aujourd’hui, alors que l’idée de publier sur un blog semble en perte de vitesse, apparaît un nouvel intérêt pour la publication d’articles sur des plateformes libres et fédérées, comme Plume et WriteFreely. Maîtriser ses publications sans traqueurs ni publicités parasites, sans avoir à se plier aux injonctions des GAFAM pour se connecter et publier, sans avoir à brader ses données personnelles pour avoir un espace numérique d’expression, tout en étant diffusé dans un réseau de confiance et pouvoir interagir avec lui, voilà dans quelle mouvance se situe le projet DIFFU auquel nous vous invitons à contribuer et que vous présente l’interviewé du jour…

Bonjour, peux-tu te présenter, ainsi que tes activités ?

image du profil mastodon de JP Morfin, une meute de chats en arrière-plan de sa photo noir et blanc en médaillon
Jean-Pierre et une partie de l’équipe de développement en arrière-plan

Bonjour Framasoft. Je m’appelle Jean-Pierre Morfin, on me connaît aussi sur les réseaux sociaux et dans le monde du libre sous le pseudo jpfox. J’ai 46 ans, je vis avec ma tribu familiale recomposée dans un village ardéchois où je pratique un peu (pas assez) le vélo. Informaticien depuis mon enfance, je suis membre du GULL G3L basé à Valence, où je gère avec d’autres l’activité C.H.A.T.O.N.S qui propose plusieurs services comme Mastodon, Diaspora, TT-Rss, boite mail, owncloud…

Passionnés par le libre, Michaël, un ami de longue date et moi-même avons créé en 2010 ce qui s’appelle désormais une Entreprise du Numérique Libre nommée Befox qui propose ses services aux TPE/PME dans la Drôme et l’Ardèche principalement : réalisation de sites à base de solutions libres comme Prestashop, Drupal ou autres, installation Dolibarr et interconnexion entre différents logiciels ou plateformes, hébergement applicatif, évolutions chez nos fidèles clients constituent l’essentiel de notre activité.

Et donc, vous voulez vous lancer dans le développement d’un nouveau logiciel fédéré, « Diffu ». Pourquoi ?

Tout d’abord nous avons ressenti tous les deux le besoin de retourner aux fondamentaux du Libre, et quoi de plus fondamental que le développement d’un logiciel ? Lors de nos divagations sur le Fédiverse, les remarques récurrentes qu’on y trouve ici ou contre l’utilisation de Medium, nous ont fait penser qu’une alternative pouvait être intéressante. De plus, l’ouverture d’un compte Medium se fait nécessairement avec un compte Facebook ou Google, c’est leur façon d’authentifier un utilisateur ; en bons adeptes de la dégafamisation, c’est une raison de plus de créer une alternative à cette plateforme.

Voyant le succès et tout le potentiel de la Fédération, il fallait que cette nouvelle solution entre de ce cadre-là, car recréer une plateforme unique de publication ou un nouveau moteur de blog avec une gestion interne des commentaires ne présente aucun intérêt. Avec Diffu, la publication d’un article sur une des instances du réseau sera poussée sur le Fédiverse et les commentaires et réactions faits sur Mastodon, Pleroma, Hubzilla ou autre… seront agrégés pour être restitués directement sur la page de l’article. J’invite les lecteurs à jeter un œil à la maquette que nous avons réalisée pour se faire une idée, elle n’est pas fonctionnelle car cela reste encore un projet.

deant un café, un article en cours de réalisation sur un bureua, avec un stylo rouge. On peut lire sous une photo "My article on Diffu"

Quant au nom Diffu, on lui trouve deux sens : abréviation de Diffusion, ce qui reste l’objectif d’une plateforme de publication d’articles. Et dans sa prononciation à l’anglaise Diff You qui peut se comprendre Differentiate yourself – Différenciez vous ! C’est un peu ce que l’on fait lorsqu’on livre son avis, son expertise, ses opinions ou ses pensées dans un article.

Il existe déjà des logiciels fédérés de publication, tels que Plume ou WriteFreely. Quelles différences entre Diffu et ces projets ?

Absolument, ces deux applications libres, elles aussi, proposent de nombreux points de similitude avec Diffu notamment dans l’interconnexion avec le Fediverse et la possibilité de réagir aux articles avec un simple compte compatible avec ActivityPub.

À ce jour 38 projets dans la Fédération, selon le site https://the-federation.info/#projects

La première différence est que pour Plume et WriteFreely, il est nécessaire de créer un compte sur l’instance que l’on souhaite utiliser. Avec Diffu, suivant les restrictions définies par l’administrateur⋅e de l’instance, il sera possible de créer un article juste en donnant son identifiant Mastodon par exemple (pas le mot de passe, hein, juste le pseudo et le nom de l’instance). L’auteur recevra un lien secret par message direct sur son compte Mastodon lui permettant d’accéder à son environnement de publication et de rédiger un nouvel article. Ce dernier sera associé à son auteur ou autrice, son profil Mastodon s’affichant en signature de l’article. Lors de la publication de l’article sur le Fediverse, l’autrice ou l’auteur sera mentionné⋅e dans le pouet qu’il n’aura plus qu’à repartager. L’adresse de la page de l’article sera utilisable sur les autres réseaux sociaux bien évidemment.

Nous voyons plus les instances Diffu comme des services proposés aux possesseurs de comptes ActivityPub. Comme on crée un Framadate ou un Framapad en deux clics, on pourra créer un article.

Les modes de modération et de workflow proposés par Diffu, la thématique choisie, les langues acceptées, la définition des règles de gestion permettront aux administrateurs de définir le public pouvant poster sur leur instance. Il sera par exemple possible de n’autoriser que les auteurs ayant un compte sur telle instance Mastodon, Diffu devenant un service complémentaire que pourrait proposer un CHATONS à ses utilisateurs Mastodon.

Ou, à l’opposé, un défenseur de la liberté d’expression peut laisser son instance Diffu open bar, au risque de voir son instance bloquée par d’autres acteurs du Fediverse, la régulation se faisant à plusieurs niveaux. Nous travaillons encore sur la définition des options de modération possibles, le but étant de laisser à l’administrateur⋅e toute la maîtrise des règles du jeu.

Les options retenues seront clairement explicites sur son instance pour que chacun⋅e puisse choisir la bonne plateforme qui lui convient le mieux. On imagine déjà faire un annuaire reprenant les règles de chaque instance pour aider les auteurs et autrices à trouver la plus appropriée à leur publication. Quitte à écrire sur plusieurs instances en fonction du sujet de l’article : « J’ai testé un nouveau vélo à assistance électrique » sur diffu.velo-zone.fr et « Comment installer LineageOS sur un Moto G4 » sur diffu.g3l.org.

L’autre différence avec Plume et WriteFreely est le langage retenu pour le développement de Diffu. Nous avons choisi PHP car il reste à nos yeux le plus simple à installer dans un environnement web et nous allons tout faire pour que ce soit vraiment le cas. Le locataire d’un simple hébergement mutualisé pourra installer Diffu : on dézippe le fichier de la dernière version, on envoie le tout par ftp sur le site, on accède à la page de configuration pour définir les options de son instance et ça fonctionne. Idem pour les mises à jour.

Nous avons déjà des contacts avec les dev de Plume qui sont tout aussi motivés que nous pour connecter nos plateformes et permettre une interaction entre les utilisateurs. C’est la magie du Fediverse !

Vous êtes en phase de crowdfunding pour le projet Diffu. À quoi va servir cet argent ?

Tout simplement à nous libérer du temps pour développer ce logiciel. On ne peut malheureusement pas se permettre de laisser en plan l’activité de Befox pendant des semaines car cela correspondrait à une absence complète de revenu pour nous deux. C’est donc notre société Befox qui va récolter le fruit de cette campagne et le transformer en rémunération. Nous avons visé au plus juste l’objectif de cette campagne de financement même si on sait que l’on va passer pas mal de temps en plus sur ce projet mais quand on aime…

Il faut aussi mentionner les 8 % de la campagne destinés à rétribuer la plateforme de financement Ulule.

Comment envisages-tu l’avenir de Diffu ?

Comme tout projet libre, après la publication des premières versions, la mise en ligne du code source, nous allons être à l’écoute des utilisateurs pour ajouter les fonctionnalités les plus attendues, garder la compatibilité avec le maximum d’acteurs du Fediverse. On sait que le protocole ActivityPub et ceux qui s’y rattachent peuvent avoir des interprétations différentes. On le voit pour les plateformes déjà en places comme Pleroma, Mastodon, Hubzilla, GNUSocial, PeerTube, PixelFed, WriteFreely et Plume… c’est une nécessité de collaborer avec les autres équipes de développement pour une meilleure expérience des utilisateurs.

Comme souvent ici, on te laisse le mot de la fin, pour poser LA question que tu aurais aimé qu’on te pose, et à laquelle tu aimerais répondre…

La question que l’on peut poser à tous les développeurs du Libre : quel éditeur de sources, Vim ou Emacs ?

Image : https://framalab.org/gknd-creator/

 

La réponse en ce qui me concerne, c’est Vim bien sûr.

Plus sérieusement, cela me permet d’évoquer ce que je trouve génial avec les Logiciels Libres, le fait qu’il y en a pour tous les goûts, que si un outil ne te convient pas, tu peux en utiliser un autre ou modifier/faire modifier celui qui existe pour l’adapter à tes attentes.

Alors même si Plume et WriteFreely existent et font très bien certaines choses, ils sont tous les deux différents et je suis convaincu que Diffu a sa place et viendra en complément de ceux-ci. J’ai hâte de pouvoir m’investir à fond dans ce projet.

Merci pour cette interview, à bientôt sur le Fediverse !

 




La Fediverse, c’est pas une starteupe

Mastodon a déjà deux ans, et il est toujours vivant, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Il est inadéquat de le comparer aux plateformes sociales, et Peter 0’Shaughnessy nous explique bien pourquoi…

Pourquoi Mastodon se moque de la « masse critique »

par Peter O’Shaughnessy, d’après son billet publié le 10/11/2018 sur son blog : Why mastodon is defying the critical mass

C’est une erreur de juger la Fediverse comme s’il s’agissait d’une startup de la Silicon Valley.

Mastodon a maintenant plus de deux ans et (pour emprunter une expression à Terry Pratchett), il n’est toujours pas mort. D’une manière ou d’une autre, il a réussi à défier les premiers critiques qui disaient qu’il « ne survivrait pas » et qu’il était « mort dans l’œuf ». Même certains de ceux qui postaient sur Mastodon à ses débuts doutaient de sa longévité :

Pari : le lien vers ce tweet ne fonctionnera plus dans deux ans @jaffathecake@mastodon.social

Plus récemment, un article sur l’écosystème plus vaste qui comprend Mastodon, appelé La Fediverse, a fait la une de Hacker News : Qu’est-ce que ActivityPub, et comment changera-t-il l’Internet ? par Jeremy Dormitzer. C’est un bon argument en faveur de l’importance de la norme ActivityPub, sur laquelle reposent Mastodon et d’autres plateformes sociales. Cependant, il commet toujours la même erreur que ces premiers prophètes de malheur :

Le plus gros problème à l’heure actuelle, c’est l’adoption par les utilisateurs. Le réseau ActivityPub n’est viable que si les gens l’utilisent, et pour concurrencer de manière significative Facebook et Twitter, nous avons besoin de beaucoup de gens pour l’utiliser. Pour rivaliser avec les grands, nous avons besoin de beaucoup d’argent…

Des arguments similaires ont été présentés dans de nombreux articles au cours des derniers mois. Ils impliquent :

  • que la valeur du réseau n’est proportionnelle qu’au nombre d’utilisateurs ;
  • que ce ne sera vraiment un succès que s’il devient un remplacement massif pour Twitter et Facebook ;
  • que si vous ne le rejoignez pas, il ne survivra pas.

Mais tout cela est faux. Voici pourquoi…

1. La Fediverse n’est pas une startup

Nous sommes tellement conditionnés de nos jours par le monde du capital-risque et des startups que nous pensons intuitivement que toutes les nouvelles entreprises technologiques doivent réussir ou faire faillite. Mais ce n’est pas la nature du modèle économique qui se cache derrière le Fediverse, qui est déjà durable, tout en continuant de fonctionner comme si de rien n’était.

Nous devons cesser de juger la Fediverse comme s’il s’agissait d’une startup de la Silicon Valley en concurrence avec Twitter et Facebook.

Jeremy a raison de dire que la plupart des instances sont  « créées et administrées par des bénévoles avec des budgets minuscules », mais il implique que cela doit changer, alors que la plupart des administrateurs et utilisateurs de Mastodon que je connais sont très satisfaits de ce modèle, qui nous libère des intérêts acquis et contradictoires des régies publicitaires.

C’est facile à dire pour moi, car je n’héberge pas ma propre instance et mon administrateur a gentiment refusé les offres de dons jusqu’ici. Cependant, dans la plupart des cas, il semble que tout se passe très bien, la plupart du temps grâce au financement participatif. Même si certaines instances ont été fermées à un moment donné (et c’est malheureusement le cas), il y en a d’autres qui se présentent à leur place. Malgré les fortes fluctuations à chaque nouvelle vague d’utilisateurs venant de Twitter, la trajectoire globale est à la hausse, et c’est ce qui importe — pas la vitesse de la croissance, ni l’atteinte d’un certain niveau de masse critique. Michael Mahemoff l’a bien dit :

« Mastodon est déjà « assez bon » dans sa forme initiale pour satisfaire plusieurs besoins de niche (les personnes qui veulent plus ou moins de modération ou des critères différents de modération, celles qui ne veulent pas de publicités, celles qui veulent des participant⋅e⋅s qui sont libres d’innover, celles qui veulent posséder et/ou héberger leur propre contenu, etc.). Comme Mastodon a un modèle de mécénat durable, il peut se développer au fil du temps et être capable de continuer à innover. »

En fait, si Mastodon se développait trop rapidement, cela pourrait avoir des conséquences plus négatives que positives. La croissance progressive permet aux instances existantes de mieux faire face à la charge et permet à de nouvelles instances d’émerger et de faire face à une partie du flux.

2. C’est aussi une question de qualité (d’expérience), pas seulement de quantité (d’utilisateurs et utilisatrices)

Lorsque j’ai rejoint Mastodon pour la première fois, j’ai été enthousiasmé par chaque nouvelle vague d’utilisateurs et utilisatrices venant de Twitter. Je voulais prêcher à ce sujet à autant de gens que possible et essayer d’amener autant d’amis que possible à « déménager ». Au bout d’un moment, j’ai pris conscience que je me concentrais trop sur la comparaison avec Twitter et que j’essayais d’en faire un remplaçant de Twitter. En fait, j’avais déjà un réseau précieux là-bas et suffisamment de raisons de le visiter régulièrement, même si j’ai continué à utiliser Twitter aussi.

Mastodon s’articule autour des communautés. Ces communautés peuvent être des réseaux spécialisés selon les  sujets qui vous intéressent. Vous n’avez pas besoin de tous vos amis pour être au sein de ces communautés, pour trouver des gens intéressants, du contenu utile et des interactions intéressantes.

Comme Vee Satayamas l’a noté, si vous êtes un utilisateur de Twitter, vous le trouverez peut-être utile même si peu de membres de votre famille ou d’amis réels sont présents. Vous n’avez pas besoin que tout le monde soit disponible sur chaque réseau. J’ai récemment quitté Facebook et j’ai quand même pu entrer en contact avec mes amis, par courriel ou par texto. Ce serait bien mieux si davantage de mes amis étaient sur Mastodon, mais ce n’est pas un gros problème.

En réalité, il y a quelque chose de positif dans la petite taille de mon réseau sur Mastodon. Je peux suivre ma chronologie, mon « fil »,  sans me sentir dépassé. C’est moins stressant d’y poster, comparé à Twitter, où chaque message que vous envoyez risque d’être republié par une horde géante ! Je suppose que c’est comparable à l’effet ressenti par les YouTubers, tel que détaillé dans cet intéressant article du Guardian, qui cite Matt Lees :

« Le cerveau humain n’est pas vraiment conçu pour interagir avec des centaines de personnes chaque jour… Lorsque des milliers de personnes vous envoient des commentaires directs sur votre travail, vous avez vraiment l’impression que quelque chose vous vient à l’esprit. Nous ne sommes pas faits pour gérer l’empathie et la sympathie à cette échelle. »

Pour moi, Mastodon offre un moyen terme heureux entre les conversations intimes des groupes WhatsApp, par exemple, et le potentiel sans limites de Twitter pour découvrir de nouvelles personnes et de nouveaux contenus.

D’après mon expérience, la plupart des utilisateurs actifs de Mastodon ne veulent pas qu’il ressemble davantage à Twitter — et ne ressentent pas le besoin que tous ceux qui sont sur Twitter les rejoignent. Par exemple, ces personnes apprécient le fait qu’il n’y a pas de publicitaires et très peu de marques. Pour les gens qui ne s’inquiètent que de leur « influence », alors c’est sûr, Mastodon n’aura pas autant de valeur. Mais la plupart de celles et ceux qui sont sur Mastodon ne regretteront pas trop de ce genre de personnes venues de Twitter !

Nous devons cesser de considérer Mastodon comme un substitut potentiel de Twitter. C’est différent, et c’est délibéré. Je comprends qu’on se plaise à imaginer que la Fediverse pourrait un jour écraser Twitter et Facebook, mais je ne pense pas que ce soit réaliste (du moins pas dans un avenir proche). Je pense que ce sera toujours l’outsider et c’est très bien ainsi, d’une certaine façon.

3. C’est un écosystème ouvert

La Fediverse ne gagne pas seulement de la valeur à partir de la quantité d’utilisateurs, elle en gagne aussi à partir de la quantité de services. S’appuyer sur le standard ActivityPub implique que nous pouvons utiliser Mastodon, PeerTube (un service semblable à YouTube), PixelFed (un service semblable à Instagram) et beaucoup d’autres, qui peuvent tous interopérer. Cela donne à la Fediverse un avantage d’échelle par rapport aux plateformes propriétaires closes. C’est un point que l’article de Jeremy a bien fait ressortir :

« Parce qu’il parle le même « langage », un utilisateur de Mastodon peut suivre un utilisateur de PeerTube. Si l’utilisateur de PeerTube envoie une nouvelle vidéo, elle apparaîtra dans le flux de l’utilisateur Mastodon. L’utilisatrice de Mastodon peut commenter la vidéo PeerTube directement depuis Mastodon. Pensez-y une seconde. Toute application qui implémente ActivityPub fait partie d’un réseau social étendu, qui conserve le choix de l’utilisateur et pulvérise les jardins propriétaires clos. Imaginez que vous puissiez vous connecter à Facebook et voir les messages de vos amis sur Instagram et Twitter, sans avoir besoin de compte Instagram ni de compte Twitter. »

Cela signifie également que si nous avons l’impression que le service que nous utilisons ne va pas dans la direction qui nous convient (coucou, utilisateurs de Twitter 👋), alors nous pouvons passer à une autre instance et conserver l’accès à l’écosystème global.

La Fediverse s’accroît et c’est une bonne chose. Mais elle n’a pas besoin de davantage d’utilisatrices. Transmettre l’idée qu’on pourrait échouer sans une migration massive à partir d’autres plateformes sociales est une perspective trompeuse. Et défendre cette idée donnerait aux gens la fausse impression, lorsqu’ils rejoindront ce réseau social, qu’on devrait rechercher la quantité d’utilisateurs et utilisatrices, plutôt que la qualité de l’expérience.

Alors ne comptons pas trop le nombre d’inscrit⋅e⋅s sur Mastodon. Allons doucement en le comparant à Twitter. Arrêtons de le traiter comme s’il s’agissait d’une situation à la Highlander où « il n’y a de la place que pour un seul ». Et commençons à profiter de la Fediverse pour ce qu’elle est — quelque chose de différent.

Merci à Jeremy Dormit d’avoir été très gentil avec moi en critiquant cette partie de son billet de blog (qui m’a beaucoup plu par ailleurs) – voici sa réponse à mon pouet qui a mené à ce billet. Merci aussi à mes anciens collègues de Samsung Internet qui ont jeté un coup d’œil à une version antérieure de ce post.

un mastodon saoul se croit le boss de la Fediverse, les autres se moquent de lui parce que les mastonautes n’aiments pas les chefs
Libre adaptation avec le Geektionerd generator d’un mastodon dessiné par Peter O’Saughnessy