Du libre dans les écoles belges avec NumEthic

Aujourd’hui, nous partons à la découverte de NumEthic, une association belge qui œuvre pour promouvoir le libre notamment dans les écoles.

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter NumEthic ? 

NumEthic est une association qui a pour but de promouvoir et de créer un espace de réflexions et de pratiques autour du numérique dans l’éducation et en particulier dans l’enseignement. Pour cela nous organisons et donnons des ateliers, des animations et formations autour de ce sujet. Nous voulons également accompagner des écoles dans la réflexion et la mise en place d’outils informatiques libres.

Logo de NumEthic

Vous êtes une ASBL, pouvez-vous expliquer aux non-belges ce que cela signifie ?

C’est une Association Sans But Lucratif. C’est l’équivalent d’une association loi 1901 en France. Pour faire simple, s’il y a des bénéfices liés à nos activités, ils ne peuvent pas être distribués aux membres de l’association. Ils doivent être réinvestis dans l’association.

NumEthic, votre nom d’association est clair. Mais, vous mettez quel sens exactement derrière cette notion de « Numérique Éthique » ?

Parce que nous avons une démarche démocratique et parce que nous nous sommes mal coordonnés ;-), voici ici et là deux réponses intéressantes et qui se complètent.
Émilie : Nous le comprenons dans le sens décrit par Éric Sadin, à savoir que l’éthique à pour base de permettre « le respect inconditionnel de l’intégrité et de la dignité humaine ». Ainsi, pour être éthique, il faut permettre à toute personne d’exercer son jugement, de pouvoir décider en conscience et sans être pris dans un quelconque engrenage marchand.  Notre objectif est donc clairement de provoquer une démarche de questionnement par rapport aux usages que nous avons du numérique car aucune technologie n’est neutre comme le défendait Jacques Ellul, que du contraire. À nos yeux, un numérique éthique serait un numérique respectueux de l’intégrité intellectuelle, morale, psychique de tout un chacun ; un numérique sobre et responsable qui se soucie des questions environnementales, démocratiques, citoyennes, humaines…
Manu : C’est une bonne question. Nous ne pensons pas qu’il y a une réponse simple et définitive. D’abord, parce que notre société et le numérique sont complexes et en mutations constantes, s’arrêter à une réponse, ce serait l’oublier. Ensuite, même si nous partageons une culture relativement commune chaque situation, chaque relation entre une personne ou un groupe de personnes et un objet numérique est singulière. Les enjeux, les besoins et les désirs ne sont pas les mêmes. Notre volonté est de mettre à disposition toute une série de repères, de grilles de lecture pour que tout un chacun puisse déterminer, avec les valeurs qui sont les leurs, ce que devrait être un « numérique éthique » dans leur contexte particulier. D’ailleurs, nous ne voyons pas le logiciel libre comme une fin en soi. Pour nous, c’est non seulement un moyen d’émancipation, par la liberté qu’il procure aux utilisateurs, mais aussi une manière d’expliciter, de mettre en évidence qu’il y a un intérêt à penser la relation que nous avons avec les logiciels, qu’il y a des enjeux philosophiques, culturels, politiques et écologiques. C’est donc une super porte d’entrée pour y réfléchir.

Tout le monde n’a pas la même vision de l’éthique ;-)

Vos actions ciblent principalement le monde de l’éducation. Pourquoi ce choix ?

Émilie : Probablement parce que les fondateurs sont tous les deux des enseignants 😉 plus sérieusement, l’école est un espace d’apprentissage et de découverte. À l’heure où elle est désormais investie par les grandes multinationales de la tech pour répondre à la « transition numérique » de l’enseignement, c’est un devoir moral presque d’éveiller les élèves (et les adultes de l’équipe éducative) aux enjeux du numérique -tant sociétaux qu’écologiques- et de leur proposer un panel d’outils plus respectueux de leurs données personnelles. Cela rentre dans notre démarche d’éducation AU numérique, qui souhaite donner des clefs de compréhension de la culture numérique et de son impact sur l’organisation de notre société.
Manu : Tous les membres actifs travaillent d’une manière ou d’une autre dans les écoles que ce soit en tant qu’enseignant, en tant que technicien en informatique ou les deux. C’est donc quelque chose que nous connaissons, où nous avons de l’expérience et un petit réseau. Même si la voie est libre, la route est longue, autant commencer par un chemin que nous connaissons un peu ;-).

Quel accueil reçoivent vos interventions de la part des enseignants ?

Émilie : Certains sont curieux,  intéressés voire déjà convaincus. Cependant, pour la majorité, le numérique n’est pas un enjeu, seulement un outil : ils et elles préfèrent alors rester dans la simplicité des systèmes dominants bien connus. 
Manu : Ça dépend vraiment des personnes et du sujet. De manière générale, c’est difficile de ne pas faire le constat que le numérique est quasi omniprésent et qu’il transforme notre société en profondeur, d’où le besoin d’y réfléchir. Les enseignants sont assez sensibles à l’aspect « manipulation » des GAFAM vis-à-vis des jeunes, mais l’effort nécessaire à la mise en place d’actions ou dispositif pédagogique bloque la majorité d’entre eux. Il faut savoir qu’en Belgique francophone l’utilisation de Google ou Microsoft est encouragé dans pas mal d’écoles. Le système d’enseignement belge est composé de plusieurs « réseaux ». Certains sont clairement pro-GAFAM, d’autres pas.

Et de la part des inspections (je ne sais pas si cela fonctionne comme cela en Belgique) ?

Nous avons des inspecteurs, mais ils sont là pour vérifier le travail des enseignants. J’imagine que ce n’est pas la même fonction en France.

En France, récemment, nous avons eu la chance de voir l’émergence de apps.education au niveau d’une branche du ministère. Est-ce qu’au niveau belge, il y a une volonté ministérielle de mettre en avant le libre ?

Au niveau du ministère, la volonté est des plus molles pour mettre en place du libre. Il y a bien un accès à une plateforme Moodle offerte à toutes les écoles ou encore une utilisation assez importante de pix.org, mais c’est malheureusement tout. Par ailleurs, il y a un déni évident de nos politiciens vis-à-vis de la violation de la vie privée de la part des GAFAM. C’est donc difficile de faire bouger les lignes même si nous ne désespérons pas.

Arrivez-vous facilement à intervenir dans les écoles ?

Ce n’est pas évident. En tant qu’association, nous existons seulement depuis 2021. Pour le moment, c’est principalement par le bouche-à-oreilles que nous avons accès à des écoles, et donc par des gens qui nous font déjà confiance. 

Parmi vos objectifs présents sur votre site, vous indiquez vouloir « privilégier la diversité de des outils ». Ne craignez vous pas que pour certaines personnes, avoir trop d’outils différents ne soit pas un peu déstabilisant ?

Si une personne est seule face à tous ces outils, c’est sûr que ce sera déstabilisant. C’est pour ça que nous n’envisageons pas les outils comme des «individus» hors de tout contexte, mais comme faisant partie d’une dynamique sociale, d’une communauté sur laquelle les personnes pourront s’appuyer pour faire face à la complexité du monde numérique. Une communauté qui pourra orienter les nouveaux venus qu’ils pourront intégrer par la suite. Et par communauté, j’entends NumEthic, Framasoft, les GULL, ceux autour d’un logiciel spécifique, etc.

C’est vous qui démarchez les établissements ou ceux-ci vous contactent directement ?

Dans la grande majorité des cas, ce sont les établissements qui viennent vers nous. Le peu de démarchage que nous avons fait n’a pas donné beaucoup de résultats.

Quels sont vos souhaits, perspectives d’évolutions pour NumEthic ?

Notre premier souhait, c’est de faire plus d’ateliers, d’animations, d’accompagnements d’école et de faire grandir une communauté autour du projet de NumEthic. Pour cela, nous aimerions engager quelqu’un de manière permanente. Nous espérons également faire plus de lobbying au niveau institutionnel. Et surtout rencontrer plein de chouettes gens :-).

Et pour finir, une petit question trollesque : pourquoi choisir une licence non libre (CC-BY-NC-SA) pour la publication sur votre site qui promeut les logiciels libres ?

C’est une chouette question, parce qu’il met en évidence une certaine tension entre ce que nous défendons en premier lieu, un numérique éthique, et comment, en pratique, celui-ci prend forme avec les logiciels libres par exemple. Dans ce cas, c’est la clause non-commerciale (NC) qui pose problème. Une clause qui s’attarde sur l’aspect économique que nous ne voudrions surtout pas mettre de côté pour penser l’éthique du numérique. Nous ne voudrions d’ailleurs pas tomber dans une vision éthique « absolue », mais plutôt « politique », c’est-à-dire qui s’intéresse à ce que cela produit chez celles et ceux qui la pratique, l’émancipation par exemple.

Pour être honnête, nous n’avons pas discuté du choix de la licence. En Belgique, il y a beaucoup d’acteurs commerciaux, grands ou petits. J’imagine que la clause NC nous permet juste de résister à ce contexte et de nous démarquer en tant que petit acteur.

Troll par Thodor Kittelsen (un de premiers à avoir représenté des trolls)

 

Un grand merci à NumEthic d’avoir pris le temps de nous présenter leur association !




Dégafamisation de L’atelier en Santé

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de L’atelier en Santé, un centre de santé communautaire à Plounéour-Ménez dans le Finistère.

Merci à Gabriel et à Alex d’avoir voulu partager leur aventure en répondant à nos questions, bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?

Je suis donc Gabriel Perraud, médecin généraliste et militant pour des solutions libres et respectueuses des données des utilisateurs dans le champ de la santé. Je me suis déjà investi dans différents projets à ce sujet avec notamment feu LibreHealthCare, puis maintenant, à mon échelle, au sein de l’association InterHop.

(ndlr : Ah oui, je me souviens de LibreHealthCare, je les suivais sur Diaspora*, d’ailleurs j’ai retrouvé le wiki du projet)

Logo de l'association InterHop, icône représentant deux têtes de personnes de profil, l'une ayant un symbole d'électrocardiogramme et l'autre une roue crantée.
Logo de l’association InterHop

Mais dis moi donc Gabriel, Peux tu nous parler de ce projet qui te tient à cœur, depuis un bon moment maintenant ?  tu avais été très évasif en 2019 lors de notre rencontre.

L’Atelier En Santé: Il s’agit d’une association qui a pour but la mise en place d’un centre de santé communautaire au sein d’une commune rurale du Finistère. La devise de notre association est : « Faire santé en commun ». Je vous remets ici des extraits de notre site web de présentation sur la présentation et la définition de notre projet :

  •  L’idée naît en 2018, à Brest, en Finistère, à l’initiative de 2 médecins et d’une salariée agricole. Le souhait de pratiquer la santé autrement. D’avoir le temps d’être pleinement à l’écoute des patients. De faire partie d’un collectif de travail où toutes les voix comptent. D’un collectif dont les patients seraient parties prenantes, qui s’appuierait sur leurs savoirs, encouragerait leur pouvoir d’agir. Et où leur santé serait appréhendée de manière globale, dans ses dimensions tant physiologiques que sociales, environnementales, économiques, etc.

  • « Santé communautaire », d’autres Centres, ailleurs en France qui pratiquent ce type de soin, se sont donné ce nom, source d’inspiration pour les personnes à l’initiative du projet.

  • Ce pourrait être en zone rurale où les soins se font rares. Dans les Monts d’Arrée où cette rareté rime avec un tissu étroit de solidarités. À Plounéour-Ménez où la mairie accueille favorablement le projet.

  • Depuis, l’équipe bénévole de l’association loi 1901 porteuse du projet, L’Atelier en santé (LAES), s’est modifiée et élargie. Elle compte aujourd’hui 9 membres bénévoles – 2 coordinatrices de projet, 2 médecins, 2 kinés (dont Alex), 1 sage-femme et 2 psychologues – qui œuvrent ensemble à la création du futur Centre de santé, qu’ils soient professionnels, futurs salariés du centre ou habitants concernés par le manque d’accès aux soins. »

Et comme on l’a vu dans ta présentation, les logiciels libres seront présents dans cette aventure.

Gabriel : Nous nous sommes mis d’accord dès les premières étapes du projet pour utiliser des logiciels libres tant que cela nous était possible sans mettre en péril la vitalité du projet. Nous avons pu ainsi mettre en place nos outils libres communs pour toute la phase de préfiguration de notre projet de centre de santé.

Vous n’êtes pas toustes des geeks , qu’est ce qui a fait que vous ayez eu envie d’utiliser des outils libres? 

Alex : A vrai dire, je n’avais pas vraiment d’avis sur la question avant ma rencontre avec Gabriel. Je trouve très intéressant de mettre en commun et de rendre accessible des outils numériques. Il y a un véritable enjeu éthique derrière tout ça.

Cela ne t’a pas paru trop compliqué, Alex ? 

Au départ, oui, n’étant pas familier avec l’outil informatique…. Mais je ne saurai dire si c’est lié au fait que le logiciel soit libre ou non, ma pratique en la matière étant quasi nulle. Ceci dit, après un temps d’apprentissage, ces outils se révèlent extrêmement utiles pour le travail en collectif et permettent une efficacité d’action, si bien utilisés. Cela m’a un peu réconcilié avec l’usage de l’outil informatique.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ?

Pour ma part, un des premiers éléments déclencheurs a été le besoin de faire fonctionner de façon plus fluide mon Thinkpad T42 sous Windows XP lorsque j’étais étudiant. J’ai lu sur des sites d’informations numériques grand public la sortie d’une nouvelle version d’Ubuntu 10.10 et c’est là que tout a commencé. J’ai commencé à suivre un tutoriel sur, anciennement, « le Site du Zéro » pour savoir comment installer ce système d’exploitation gratuit qui avait l’air bien sympa.

Puis de fil en aiguille je me suis intéressé à la philosophie et aux enjeux politiques des logiciels libres. C’est arrivé au début de mes études de médecine et le lien s’est spontanément fait pour moi entre l’intérêt d’avoir des logiciels issus du mouvement open-source dans le champ de la santé, dans l’intérêt des professionnels, des patients et du système de santé en général.

Dans le cadre de LAES, nous avons mis en place ces outils dès le début. Nous avons d’abord voulu aller à ce qui nous semblait le moins onéreux et le plus flexible en auto-gérant l’infrastructure nous-même sur des serveurs OVH, via YunoHost que j’avais déjà testé à la maison pour divers projets personnels. La responsabilité restait cependant sur les épaules d’une seule personne de l’équipe. Pour rester en cohérence avec le souhait d’une gouvernance partagée et pour me laisser plus de temps à d’autres aspects du projet nous avons pu basculer la gestion des services que nous utilisions à d’autres personnes.

  • Forum/Discourse : cloud.girofle
  • Nuage/Nextcloud : cloud.girofle
  • Boîte mail : OVH
  • Site web/Wordpress : OVH
  • Pads : Cryptpad
  • Messagerie instantanée : on est resté sur Signal.

Parlons d’abord du processus de décision de cette transition. En amont de votre « dégafamisation », avez-vous organisé en interne des moments pour créer du consensus sur le sujet et passer collectivement à l’action (lever aussi les éventuelles résistances au changement) ? Réunions pour présenter le projet, ateliers de réflexion, autres ?

Oui, cela s’est fait lors de réunions. Dès le début avec une mise en commun des savoirs sur ce que comprenait le concept de logiciel libre et les enjeux techniques et politiques qui allaient avec. Nous avions cependant anticipé le fait qu’il n’existe pas (encore) de logiciels métiers (gestion de dossier patient, logiciel d’aide à la prescription) accrédités qui soient libres dans le cadre d’un centre de santé.

Cela ayant un fort impact sur le financement de notre structure et donc sur la vitalité du projet dans son ensemble, nous sommes tombés d’accord sur le fait que la vitalité du projet du centre passerait tout de même avant et que la recherche de logiciel libre se ferait « du mieux que l’on puisse ». Cela ne nous empêche donc pas de nous investir auprès d’Interhop et en particulier des projets Toobib et Goupile par exemple.

Nous avons également comme projet de mettre en place un fablab suivant l’état d’esprit lowtech orienté santé en parallèle du centre de santé pour le développement de solutions libres dans le domaine de la santé.

Mon médecin utilisait jusqu’à il y a 4 ou 5 ans des logiciels libres, mais il a été obligé d’arrêter. Pression des collègues du cabinet, difficultés avec les logiciels de la CPAM… Alors, quand j’entends parler de votre aventure je me demande si vous aussi vous rencontrez des résistances dans l’appropriation de votre écosystème numérique ? 

Oui, j’en parle au-dessus mais là c’est plus un retour d’expérience sur la préfiguration. Pour l’exercice, nous n’avons pas encore du tout libre, nous ferons au mieux. On est en lien avec Interhop/Toobib pour essayer d’avoir des solutions libres/éthiques accréditées.

Au sein de l’équipe, nous avons mis cet état d’esprit dès le début, il n’y avait pas de frein particulier.

En nous ouvrant aux habitants de la commune, l’outil Discourse nous permet d’avoir une interface suffisamment inclusive pour le moment pour permettre des échanges avec des personnes ayant différents niveaux de facilité avec le numérique. Nous utilisons également des pads de Framapad avec les habitants pour nos comptes-rendus de réunions et répartition des tâches.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Non pas franchement pour le moment avant ouverture du centre. Pour la phase d’exercice, nous allons faire des choix dans l’été justement et nous aurons des retours plus tard.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Les logiciels métiers pour le moment, de ce que j’en comprends, l’accréditation peut-être techniquement compliquée et très onéreuse.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ? 

Plutôt des ressources internes, la communauté de YunoHost pour les soucis techniques auxquels je pouvais faire face, puis la plateforme des chatons pour migrer nos outils auprès de personnes bien plus compétentes que nous tout en restant raccord avec nos valeurs et à un coût abordable pour notre structure (prix libre pour cloud.girofle).

Infographie sur la dynamique entre l’équipe projet, l’équipe salariée et les habitant⋅es

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, etc.) ?

Oui, avec des tutoriels à la demande, on essaie de simplifier l’accès aux outils au fur et à mesure de l’implication des adhérents. Et de réduire leur nombre également quand on peut.

On profite également des temps off, lorsque nous avons nos réunions en présentiel, pour résoudre les éventuels soucis techniques, faire une installation d’Ubuntu sur un PC qui ne tourne plus sur Windows, installer Aurora Store pour ré accéder à l’installation de Signal sur un vieil appareil Android (pour qui le PlayStore ne fonctionne plus comme il devrait), par exemple.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Pour le moment nous communiquons aux nouveaux bénévoles des raisons de nos choix de logiciels libres et nous faisons l’effort d’essayer au maximum de réduire l’écart possible entre les compétences techniques nécessaires à l’utilisation d’outil et les compétences/envies/besoins des habitants bénévoles. Là on fait un gros travail d’adaptation du forum pour une utilisation plus fluide avec les mails.

Nous devrons ensuite voir pour un choix de messagerie instantanée : utiliser les modules présents dans Discourse ? Proposer Signal à tout le monde ? Chercher d’autres solutions ensemble ?

Au niveau des patients, ce seront donc essentiellement des outils libres ou sans GAFAM que vous allez utiliser ? (prise de rdv, mails hors gmail et compagnie ?)  Qui sont les adhérents ? Des patients ou quiconque habitant votre secteur et n’ayant pas de suivi médical avec vous ? C’est étonnant ce système d’adhésion pour un centre de santé. 

  • Pour les mails professionnels nous allons également passer par les messageries dites sécurisées mises en place par les institutions et utilisées par les autres acteurs du système de santé avec notamment MSSanté.

  • Pour ce qui est du travail avec les adhérents de l’association et des logiciels hors logiciels métiers avec accréditations nous allons nous efforcer d’utiliser des logiciels libres au maximum : traitement de texte, espace nuagique, pads, etc.

  • Pour le système d’adhésion, il s’agit de la valence communautaire ou participative du centre. Ce n’est pas forcément le cœur de cette interview, mais en résumé, toutes personnes souhaitant avoir des soins sera pris en charge comme dans d’autres structures déjà en place (maisons ou centres de santé). Mais nous travaillons à la mise en place d’une gouvernance partagée avec les habitant.es et différentes parties prenantes de la commune à l’échelle du centre. Par exemple, nous avons pu organiser un ciné-débat avec des habitant.es bénévoles du futur centre, et nous avons pu utiliser comme outils informatiques : framapad, mails et Discourse. 

  • Il y aura donc la partie soin où nous allons répondre aux demandes réglementaires nationales tout en nous investissant auprès de Toobib et d’Interhop pour participer au développement de solutions éthiques et libres. Et il y aura la partie associative/participative sur laquelle nous allons avoir plus de marge de manœuvre pour la mise en place de solutions open-sources/libres.

 

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Ne pas hésiter à passer rapidement, si ce n’est dès le début, par des services répertoriés sur les CHATONS. La gestion en interne de ces outils peut être plus ou moins compliquée lorsque ce n’est plus uniquement un projet personnel et que les enjeux ne sont plus les mêmes en cas de soucis techniques (perte d’accès à des services, incendie dans des datacenters), etc.

Sinon, par rapport à d’autres projets, cela reste plus simple, à mon sens, de proposer une infrastructure libre dans le cadre d’un nouveau projet. En choisissant un projet qui a relativement peu d’impact sur le reste de la structure et en montrant que ça marche, le discours autour du logiciel libre a de plus en plus d’impact dans les représentations que peuvent se faire les différentes parties prenantes sur la question.

 

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Un argument qui semble souvent fonctionner est le côté prosaïquement libre de ces outils. Si nous ne sommes plus satisfait d’un hébergeur, d’un gérant, d’un outil, il est plutôt aisé d’en changer de par les formats de données utilisés et les communautés présentes et aidantes autour de ces outils.

Encore merci Alex pour ta participation à l’interview ! Je sais qu’il n’a pas été simple de trouver du temps pour cela. Et merci Gabriel, pour l’interview mais aussi pour ton implication, depuis toutes ces années, dans les projets de logiciels libres en médecine  ! 

On en parle aussi dans les journaux locaux (Ouest-France et Le Télégramme) !




Zikapanam : une asso de musiciens amateurs qui organise des jams

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de Zikapanam, qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Merci à Laurent pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Laurent Schwartz, l’un des quatre fondateurs de l’association Zikapanam créee en octobre 2022. J’en suis son actuel Président et le seul opérationnel sur l’acquisition et le développement des outils informatiques de l’association. J’ai une formation d’ingénieur en informatique. L’informatique et la musique (Basse, Batterie et Chant) sont deux des mes passions depuis mon adolescence.  J’utilise Linux au quotidien depuis 2008.

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ? 

Zikapanam est une association de musiciens amateurs de tout niveau qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Des musiciens adultes de toute l’île de France nous rejoignent. Nous organisons nos événements et nos rencontres musicales sur Paris intra muros et petite couronne. 
La bienveillance caractérise les relations souvent décrites par les nouveaux arrivants .

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous sommes (juin 2024) environ 190 membres cotisants. La cotisation est modique. L’association est basée entièrement sur le bénévolat. L’ancrage de Zikapanam est la région parisienne. Nous souhaitons aussi développer une communauté de jams distancielles par internet pour attirer des musiciens francophones de toute la France.

Tim Sheerman-Chase, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Nous utilisons beaucoup d’outils pour communiquer (Discord, solution logicielle maison, réseaux sociaux etc.), il y a donc un filtrage conséquent à l’arrivée sur notre Discord. Les gens qui vont au bout du processus d’inscription sont les plus motivés et peut-être aussi ceux qui prennent le temps de s’adapter à nos outils. Nous sommes composés de musiciens et pour la plupart l’ordinateur fait peur. Ils utilisent plutôt leur téléphone. Cependant, parmi les bénévoles, l’usage de l’ordinateur est souvent la norme.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Nous avons une partie de nos membres qui est sensible aux enjeux du libre et qui utilisent les outils Framasoft ou du Fediverse.. C’est arrivé à mes oreilles et je me suis renseigné car je constatais qu’il y avait des freins importants à l’adoption de certains réseaux sociaux comme Meta même par des gens qui n’étaient pas forcément activiste du libre …
Au gré de mes réflexions sur le sujet, je me suis donné ces objectifs :
– offrir un accès libre à nos communications sur nos réseaux sociaux (sans besoin de créer un compte) ;
– limiter la nuisance de la publicité et des algorithmes qui décident pour vous les publications qu’on vous présente …  Qui détournent l’attention de nos publications ;
– toucher tous nos followers plutôt que le 5% que Meta dans « sa bonté généreuse » nous laisse toucher !

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Ou plutôt une personne seule ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Je suis le seul opérationnel en informatique mais je reçois des idées de beaucoup de monde dans l’association. Il est cependant à ma charge de qualifier la pertinence des propositions qui me sont faîtes. Le monde du libre est documenté mais n’arrive pas dans le top des moteurs de recherche que j’utilise … Et ça complique grandement les recueils d’informations ! En tant qu’ingénieur en informatique, j’ai l’habitude de me former aux outils, de les découvrir et d’apprécier leurs fonctionnalités mais ça demande du temps et je ne peux le faire qu’à certaines périodes de l’année.  C’est ce que j’appelle la veille techno.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ? Quelles étapes avez-vous suivi ?

À vrai dire, je n’ai rien contre les GAFAMs. Ces sociétés ont apporté beaucoup à internet à son démarrage et leurs actions d’aujourd’hui sont compatibles avec un monde d’entreprise où l’argent est roi !. Mon raisonnement est pragmatique, nous sommes une association et nous n’avons pas les moyens financiers d’une entreprise commerciale ! Les outils que nous serons amenés à utiliser ou que nous utilisons déjà le seront parce qu’ils nous sont accessibles financièrement, peuvent convenir et fédérer un maximum de personnes parmi lesquels des technophobes. Et c’est un véritable challenge !

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Notre arrivée sur le Fediverse est récente et les outils à ma disposition actuellement ne permettent pas de qualifier l’adhésion des membres de notre association à ces réseaux sociaux. Je constate juste que très peu de membres se sont créés des comptes sur le Fediverse mais ça ne veut pas dire qu’il ne le consulte pas ponctuellement ou même régulièrement puisque la création d’un compte n’est pas obligatoire pour accéder à ces contenus. D’après mes premières remontées d’information, se créer un compte sur le fediverse ne serait pas trivial … Un effort de formation devra sûrement être engagé sur ce point.

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous n’avons pas « remplacé » Meta, Les bars et les lieux culturels avec lesquels nous travaillons sont tous sur ces réseaux. Mais nous avons commencé à développer nos réseaux parallèlement sur le Fediverse.. Nous développons des usages qui nous permettent de mettre en valeur la souplesse de Mobilizon. De plus  keskonfai, pixelfed et Mastodon nous ont apporté une certaine visibilité supplémentaire dans les moteurs de recherche au contraire de Meta qui par exemple empêche l’intégration aux moteurs de recherche des événements publics que nous organisons  afin de nous forcer à acheter de la publicité pour les mettre en avant …
Note : Plus récemment j’ai découvert Linkstack une alternative sérieuse à Linktree.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Oui, bento. J’aimerai avoir une ferme de bento spécifique à notre asso mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative à bento en logiciel libre. Voilà ce que nous faisons avec Bento : https://bento.me/strawberry-jam-band et nous avons une dizaine d’autres dans le même genre.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, support, etc.) ?

Non pas encore.  Mais j’y pense sous forme de vidéo conf sur Discord.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Dans notre newsletter, j’ai largement communiqué sur keskonfai, pixelfed et mastodon mais cette communication doit être rappelée régulièrement et je vais m’y astreindre.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Bénéficier de l’adhésion de toute notre communauté est un challenge que j’ai accepté. Il faut convaincre en allant à la rencontre des membres et en expliquant avec un argumentaire concret à toute épreuve qui voit avant tout leurs intérêts quotidiens !
Le potentiel du Fediverse est important. En tant qu’ingénieur, je vois bien les efforts d’interconnexion qu’il existe entre ces plateformes et je les apprécie en tant qu’utilisateur !
J’espère que d’ici 6 mois/un an, je pourrai faire un bilan très positif sur cette première étape dans la Dégafamisation !!
Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Plus d’infos sur notre association : https://linktr.ee/AssoZikapanam



Argos Panoptès, l’interview

Pour Framaspace, Framasoft a fait développer un outil de supervision de sites web nommé Argos Panoptès (ou juste Argos pour aller plus vite).

Développé par Alexis Métaireau, développeur entre autres du générateur de site statique Pelican, et de l’outil de gestion de dépenses à plusieurs « I Hate money » (repris dans l’app cospend sur Nextcloud), le besoin a été défini par Luc Didry, l’administrateur système de Framasoft.

Luc et Alexis répondent à nos questions dans cet interview, pour plus d’information concernant Argos vous pouvez consulter l’article dédié.

Bonjour à tous les deux 🙂 Ici on connaît déjà Luc puisque c’est notre admin sys préféré, mais Alexis, peux-tu nous dire qui tu es pour le framablog ?

Alexis : Bonjour, Framasoft, et merci pour la discussion ! Et bien, c’est parti pour l’exercice de la présentation alors.

Je suis un développeur de bientôt 40 ans, intéressé par les dynamiques collectives, le logiciel libre et la protection des données personnelles, depuis quelques années maintenant. Par le passé j’ai pu publier et maintenir quelques outils comme Pelican, un générateur de sites statiques et I hate money, pour gérer les dépenses partagées. J’ai travaillé quelques années pour Mozilla sur la partie synchronisation et chiffrement des données (Firefox Sync, Kinto) et sur quelques autres outils.

J’ai quitté le développement « pro » entre 2018 et 2023. Durant ces années j’ai eu la chance / le privilège de pouvoir monter une brasserie sur Rennes avec un ami. Nous avons essayé de faire vivre les valeurs de la collaboration (plutôt que celles de la compétition). Cela est resté très proche des valeurs du logiciel libre, nos recettes et les plans de nos machines étant par exemple publiés sur notre site web.

À l’été 2023 j’ai décidé de quitter la brasserie pour à la fois refaire du développement et travailler sur les outils de la prise de décision collective, et la gestion des conflits dans les collectifs. C’est à ce moment que nous sommes rentrés en contact avec Luc pour travailler sur Argos.

Pouvez-vous nous présenter l’outil Argos sur lequel vous avez travaillé ? À quel besoin répond-il pour Framaspace ?

Alexis : Argos est un outil de supervision de sites web. L’idée est assez simple: surveiller que les sites vont bien, et générer des alertes quand c’est utile, en envoyant des notifications par email ou autre.

La spécificité d’Argos est de pouvoir gérer un nombre de sites important. Framaspace, en grossissant, expose pas loin de 900 domaines au public, qui parfois tombent en panne. Je crois que le réel besoin derrière Argos était de simplifier la vie de Luc (vous saviez qu’il n’y avait qu’un seul adminsys chez Framasoft ?!!) et de lui permettre d’avoir une meilleure vision globale de l’état du service.

Les vérifications concernent les statuts du site web, mais aussi l’état des certificats SSL, par exemple, et quelques vérifications spécifiques.

Luc : On surveillait déjà plus de 200 sites via notre outil de supervision (Shinken), mais celui-ci, avec toutes les autres sondes de supervision de notre infrastructure, avait bien de la peine à repasser toutes les 5 minutes sur les sites. Ce qui faisait qu’on pouvait se rendre compte qu’un site était tombé au bout de trop de temps.

Avec Framaspace, je savais que j’aurai des centaines (et à terme des milliers) de sites à surveiller en plus, sachant qu’un site est la cible de plusieurs vérifications, comme dit par Alexis. Il fallait donc un outil dédié.

Les outils existants comme statping-ng ou Uptime Kuma présentent un défaut rédhibitoire : vouloir afficher l’état de chaque site en même temps sur l’interface web. Ça va bien quand on a quelques sites, pas quand on en a des centaines (l’outil peine à envoyer les données de centaines de sites).

C’est de là qu’est née l’idée d’Argos, qui a le bon goût de n’afficher qu’un résumé de l’état des sites par défaut.

 

4 blocs avec des statuts (inconnu, ok, avertissement, erreur) et pour chacun, un nombre correspondant.
Capture d’écran de la page de statut d’Argos

 

Si on regarde de plus près les coutures, on voit que c’est développé en langage Python avec une base de données en PostgreSQL. Laissez-moi deviner : Alexis a choisi Python et Luc a choisi PostgreSQL ?

Alexis : Ah, je vois que tu nous connais un peu, mais figure toi que même pas ! J’aurais aimé plaider coupable pour le coup, mais Luc cherchait spécifiquement quelqu’un qui savait faire du Python, et c’est comme ça qu’on s’est rencontré. J’ai proposé d’utiliser le framework FastAPI à la place de Flask parce que ça nous permettait de faire de l’asynchrone de manière plus simple, et d’utiliser les fonctionnalités de typage de Python.

Luc : Pour Framaspace, j’ai été plus ou moins obligé de faire du Python car Salt, l’orchestrateur utilisé pour déployer les espaces est en Python : je pouvais, en utilisant ce langage, l’utiliser comme une bibliothèque, sans utiliser de bidouilles sales.

Comme Argos a été créé dans le cadre de Framaspace, j’ai voulu garder le même langage de programmation, pour avoir un tout cohérent.

Python n’est pas un langage si pire que ça. Il n’est pas amusant, mais ça fait le job. Peut-être aussi que je vieillis : j’utilise de plus en plus Python pour des scripts. Peut-être qu’écrire des scripts ne m’amuse plus, et que je veux les écrire vite pour passer à autre chose.

Mème the Rock qui conduit - Et ton machin va être en Perl, comme d'hab - Non j'ai choisi Python cette fois The rock se retourne, interloqué

La question habituelle de libriste : pourquoi avez-vous choisi de développer un outil dédié, il n’existait pas d’outils libres pour de la supervision ? Quelles sont ses spécificités ?

Alexis : Je te laisse répondre Luc, c’est toi qui a affiné le besoin 🙂

Luc : Ah bah zut, j’ai déjà répondu au-dessus 😅

L’avantage d’avoir notre propre outil nous permet aussi de le tordre pour nos besoins spécifiques. Ainsi Argos envoie-t-il des notifications à notre serveur Gotify. Intégrer un tel canal de communication dans un outil existant aurait pu prendre du temps (comprendre le code, faire une PR, attendre une release…).

En lisant la doc, ça a l’air tout simple à utiliser par rapport à d’autres outils !! Comme administrateur⋅ice système du dimanche après-midi, si je veux surveiller l’état de mes sites, est-ce qu’il y a des pièges ou des choses à savoir ?

Alexis : Je pense que ça pourrait tout à fait permettre de surveiller l’état de quelques sites, bien que peut-être surdimensionné. Argos a besoin de lancer un serveur, une base de données et des agents. Est-ce bien utile pour un⋅e adminSys du dimanche ? Peut-être !

Luc : Franchement, je pense qu’il peut être utilisé aussi bien par une grosse organisation que par un·e adminSys du dimanche. La configuration est simple, l’installation pas très compliquée, et il n’a pas l’air de consommer beaucoup de ressources.

Alexis tu étais en mode prestation pour développer, comment s’est passée la relation avec Framasoft ?

Alexis : Franchement, c’était une surprise totale, et un plaisir du début à la fin. On a d’abord pu se faire quelques appels avec Luc pour clarifier les besoins, je me suis retrouvé avec une liste de fonctionnalités de base, et j’ai avancé comme ça.

Quand j’avais besoin j’ai pu échanger avec Luc qui était toujours assez réactif, et j’ai pu lever quelques blocages. J’ai beaucoup apprécié répondre à un besoin concret, en ayant l’utilisateur final au bout du fil pour clarifier les choses.

Par la suite, on a pu se faire quelques sessions ensemble, à la fois de présentation de l’outil, puis de pair-programming pour accompagner Luc sur certains aspects quand c’était utile, l’idée étant que ce soit lui qui prenne la main sur le projet.

C’était en fait ma première mission en tant que « prestataire », je crois que je suis très bien tombé !

Luc : Pareil de mon côté, c’était très agréable de bosser avec toi !

Est-ce que vous pensez que ça peut être utilisé dans d’autres contextes que Framaspace ?

Alexis : je pense que ça peut être utilisé dans d’autres contextes bien sûr. Je pense aux « fermes de sites », comme par exemple ce que peut faire NoBlogs en Allemagne, mais de manière générale c’est utile d’avoir un outil simple d’accès pour faire de la supervision. Bosser là-dessus m’a donné envie de permettre de faire de la supervision « en tant que service », pour des collectifs pour qui ce serait utile, mais… j’imagine que c’est une autre histoire.

Luc : Carrément ! Pas seulement pour des fermes de sites mais partout où on a besoin d’une supervision qui passe très régulièrement. On peut avoir des vérifications effectuées toutes les minutes, ce qui peut être utile sur des sites qui ne doivent pas tomber. Et un grand nombre de sites ne devrait pas faire peur à Argos : on peut multiplier le nombre d’agents (le logiciel qui s’occupe d’effectuer les vérifications et d’en remonter le résultat au serveur), et le choix de PostgreSQL comme base de données a (aussi) été fait parce que c’est un SGBD robuste qui peut encaisser de la charge de travail.

Et est-ce que vous imaginez une suite, avec une feuille de route ou des invitations à contribuer ?

Luc : Il y a déjà des idées de développements futurs pour améliorer Argos, mais ça n’est pas urgent : la première version est déjà tout à fait fonctionnelle.

Alexis : J’aime bien l’idée de ne pas avoir de feuille de route trop précise pour le futur, ce qui nous permet de se concentrer sur des besoins réels et de ne pas en faire une usine à gaz. Si vous l’utilisez et que vous avez des retours à faire, ou bien si vous souhaitez contribuer, n’hésitez pas. C’est pensé pour être simple à étendre, donc n’hésitez pas à jeter un œil et à proposer des changements.

Si vous avez encore des choses à dire 🙂

Alexis : Coucou Numahell, chouette de te recroiser par ici après ces quelques années 🙂

Luc : Merci à toi, Alexis, pour le temps bénévole que tu as consacré à Argos après ta prestation !

Pour aller plus loin




Comment Framasoft sensibilise les acteurices de la médiation numérique aux pratiques numériques éthiques

À l’occasion de la publication de la synthèse de l’atelier Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ? proposé aux médiateurices numériques en octobre dernier lors de l’événement NEC [Numérique en communs], on vous propose un point d’étape sur les différentes actions que Framasoft mène au sein de l’écosystème de la médiation numérique.

Un constat : trop de GAFAM dans ce secteur !

Ces dernières années, chez Framasoft, nous déplorons que, sous couvert d’accompagner les personnes dans la découverte et la prise en main d’outils numériques, l’écosystème de la médiation numérique (ou inclusion numérique) évacue souvent un peu trop vite certaines questions : quels sont ces outils ? Quels sont leurs impacts sur celleux qui les utilisent ?

Ainsi, nous avons constaté à de multiples reprises qu’une nouvelle génération d’aidant⋅es et de conseiller⋅es numériques recommandaient à leurs bénéficiaires l’utilisation d’outils et services numériques privateurs sans les informer de l’existence d’alternatives plus éthiques. Et cette situation nous pose problème.

Ces bénéficiaires, qui sont dans leur grande majorité en situation de fracture numérique et d’illectronisme (difficultés d’accès et d’usage), sont aussi, la plupart du temps, des personnes fragilisées (en situation de précarité sociale, peu diplômées, aux revenus modestes ou isolées), premières victimes potentielles de l’appétit des géants du web. N’ayant pas ou peu connaissance des enjeux liés aux usages du numérique, elles ne sont pas en mesure de questionner les recommandations qui leur sont faites (surtout si ce sont des professionnel⋅les qui les leur font), et vont donc les appliquer à la lettre, contribuant ainsi à se maintenir dans une situation de dépendance (technologique cette fois-ci).

Au cours de la rédaction de cet article, nous avons découvert sur LinkedIn (réseau social où l’écosystème est très actif) cette publication de Florent Salem qui synthétise bien la situation :copie d'une publication LinkedIn de Florent Salem qui explicite le rapport des acteur⋅ices de la médiation numérique aux outils privateurs

Cette situation nous rappelle aussi qu’une partie des professionnel⋅les amené⋅es à aider ces personnes n’a pas été correctement formée aux enjeux du numérique. La formation initiale du dispositif CNFS (Conseiller⋅e numérique France Service) est basée sur le bloc de compétences « Accompagner différents publics vers l’autonomie dans les usages des technologies, services et médias numériques » du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique), mais la liste des compétences à développer n’est pas détaillée. Ainsi, rien n’oblige les organismes de formation en charge de cette formation initiale à former aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux du numérique. Si certains (coucou Zoomacom !) s’en sont emparés, beaucoup de CNFS n’en ont jamais entendu parler !

capture du bloc de compétences RNCP34137BC01 (titre pro REMN)
bloc de compétences du titre professionnel REMN

Du côté des offres ciblées de formation continue à destination des CNFS, ce n’est pas mieux. Par exemple, l’ARNia (Agence Régionale du Numérique et de l’intelligence artificielle en Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la mission régionale pour la médiation numérique en Bourgogne-Franche-Comté) propose au sein du catalogue de formation pour les CNFS la formation Créer, utiliser une boîte email et gérer ses courriers dont on peut trouver au programme :

extrait du catalogue de formation pour CNFS
Vous vous en doutez, ça nous hérisse les poils de lire que les CNFS qui suivront cette formation ne se verront présenter que deux services de messagerie, dont aucun ne peut être considéré comme éthique !

Souhaitant agir sur cette situation, Framasoft s’est rapproché de l’écosystème de la médiation numérique ces dernières années afin de sensibiliser les acteurices aux pratiques numériques éthiques.

Approcher l’écosystème de la médiation numérique

Jusqu’à il y a peu, chez Framasoft, on ne pensait pas être des acteur⋅ices de la médiation numérique. Alors que pourtant, nous aussi, nous concevons et produisons de ressources pédagogiques et documentaires pour différents supports (ateliers, manuels, cours en ligne, etc.) et élaborons des actions de sensibilisation aux enjeux du numérique pour faciliter l’appropriation de savoirs et de nouvelles pratiques numériques. D’ailleurs, chaque année, nous accompagnons plusieurs centaines de personnes à questionner leurs pratiques et nous leur proposons de s’en émanciper en adoptant des outils numériques plus éthiques.

Depuis 2019, nous nous sommes rapproché⋅es petit à petit de cet écosystème en participant à plusieurs événements du secteur :

  • atelier Médiation numérique et contribution aux logiciels libres lors de la 2ème édition de NEC [Numérique en Communs] organisée les 17 & 18 octobre 2019 à Marseille ;
  • intervention sur les enjeux de médiation et de culture numérique pour tous et atelier Peut-on se passer des GAFAM ? lors du NEC Haute-Savoie organisé le 26 novembre 2021 à Annecy (téléchargez le carnet en faisant la synthèse) ;
  • atelier Pratiques numériques éthiques dans l’accompagnement des usagers pour les acteurs de la médiation numérique du bassin Chambérien accompagnés par le projet Transistor – incubateur numérique inclusif de l’Agence Alpine des territoires le 10 mars 2022 à Chambéry ;
  • pitch pour présenter PeerTube lors de la 4ème édition de NEC organisée les 28 et 29 septembre 2022 à Lens.

Nous avons aussi cherché à développer nos relations avec les acteurices historiques de la médiation numérique. En septembre 2022, nous avons rejoint le sociétariat de la MedNum, la coopérative des acteurs de la médiation numérique pour y porter la voix d’un numérique émancipateur. Nous sommes ainsi en contact avec les différentes organisations de l’écosystème et avons développé des relations plus poussées avec certaines d’entre elles (coucou Coll.In, Hubikoop, Zoomacom, etc.). Nous incitons ces organisations à s’emparer du sujet, à modifier leurs pratiques numériques en interne et à sensibiliser leurs bénéficiaires.

Et c’est suite à de nombreux échanges avec Yann Vandeputte, en charge du titre professionnel REMN (Responsable d’Espace de Médiation Numérique) au sein de l’AFPA, que nous avons publié la série d’articles Lost in médiation en mars et avril 2023.

Un parcours pour acculturer aux enjeux et outils numériques éthiques avec Hubikoop

Fin 2021, Marley Nguyen-Van, chargé de développement territorial au sein de Hubikoop (Hub territorial pour un numérique inclusif de la région Nouvelle-Aquitaine), nous contacte afin de développer des actions en commun. De ces échanges émergera rapidement le projet de proposer aux conseiller⋅es numériques de la région Nouvelle Aquitaine un dispositif pour les acculturer aux enjeux, dispositifs et ressources en matière de pratiques numériques éthiques, afin qu’iels puissent à leur tour transmettre leurs connaissances à leurs équipes, leurs partenaires et même en faire bénéficier leurs publics.

Nous concevons un parcours pédagogique en 8 webinaires d’une durée de 2h que nous intitulons Parcours d’accompagnement à la découverte des services numériques éthiques (oui, on n’a pas été super originaux sur ce coup là ^^) et dont l’articulation est la suivante :

– webinaire 1 – C’est quoi le problème avec les géants du web ?
– webinaire 2 – Alternatives et résistances : comment se réapproprier Internet ?
– webinaire 3 – Logiciels et services libres, de quoi parle-t-on ?
– webinaire 4 – Dégooglisons Internet : une offre de services libres
– webinaire 5 – Protéger sa vie privée sur Internet
– webinaire 6 – Libérer son smartphone Android
– webinaire 7 – Des outils libres pour collaborer
– webinaire 8 : Des outils libres pour communiquer

Un calendrier est proposé pour des webinaires répartis entre avril et juin 2022. Il est convenu que Framasoft prendra en charge l’animation de ces webinaires et fournira l’outil technique (un salon dédié sur notre instance Big Blue Button). Hubikoop se chargera de l’organisation de l’action et du ciblage des potentiel⋅les participant⋅es. Cependant, nous recontrons des difficultés à mobiliser des participant⋅es et le parcours sera finalement reprogrammé à la rentrée scolaire (entre septembre 2022 et février 2023).

Le premier webinaire, programmé le 20 septembre, réunit une cinquantaine de personnes et au final, le parcours sera suivi en intégralité (les 8 webinaires) par une trentaine de professionnel⋅les de l’inclusion numérique. Certain⋅es ne suivront pas tous les webinaires, mais la fréquentation sera tout de même de 37 personnes en moyenne. Tous les webinaires ont été enregistrés et il est désormais possible de les visionner sur Framatube.
Au regard du nombre de participant⋅es,l’action est considérée comme une réussite. Afin d’en savoir plus, nous leur avons envoyé un questionnaire pour recueillir leur avis sur le parcours et l’impact que celui-ci avait sur leurs pratiques professionnelles. Seulement 13 d’entre elleux y ont répondu malgré les nombreuses relances et iels ont toustes indiqué être satisfait⋅es de manière générale du parcours. Iels sont 94% à préciser que le parcours a répondu à leurs attentes, 82% à exprimer leur satisfaction concernant la durée du parcours d’accompagnement et 88% à être satisfait⋅es du niveau d’explication donné par les intervenant⋅es.

Graphiques présentant les taux de satisfaction des participant⋅es au parcours

Ce parcours semble donc avoir répondu aux besoins et attentes des participant⋅es, qui précisent les points forts suivants :

  • des modules très riches en informations et explications (enjeux et outils) ;
  • un argumentaire permettant de convaincre ;
  • la posture des intervenant⋅es ;
  • la diversité des thématiques abordées ;
  • le partage des supports et des replays.

Ce qui nous importait aussi, c’était de savoir si les connaissances acquises allaient être utilisées dans leur contexte professionnel. Iels sont 64% à indiquer que le parcours leur a permis de renforcer leurs pratiques professionnelles et 76% à souhaiter mettre en place des ateliers sur les thématiques abordées. Mais iels ont aussi indiqué que le format webinaire ne permettait pas de réellement mettre en pratique et ont suggéré que soient organisés des temps d’échanges permettant d’identifier les activités et postures pour porter ces sujets auprès des publics accompagnés.

Des ateliers pour identifier pratiques et postures de médiation afin d’accompagner les pratiques numériques éthiques

Si ce parcours a permis aux participant⋅es de mieux comprendre la toxicité des géants du web et de découvrir de nombreuses alternatives à leurs services, il n’y était en effet pas inclus de temps dédié aux méthodes de médiation sur ces questions. Car c’est une chose de comprendre les enjeux et de savoir utiliser soi-même les outils, ça en est une autre d’accompagner des personnes ayant peu de maîtrise du numérique dans cette voie.

Avec Hubikoop, nous avons donc envisagé de proposer à toutes les personnes ayant suivi le parcours de se retrouver pendant une journée complète avant l’été 2023 afin d’échanger sur les différentes modalités de médiation au numérique éthique. Comme les participant⋅es étaient géographiquement assez éloigné⋅es (c’est grand la Nouvelle Aquitaine !), on pensait proposer cette journée en amont ou en aval d’un événement professionnel. Ceci n’a finalement pas pu se faire immédiatement. Apprenant que le NEC national allait avoir lieu à Bordeaux en octobre 2023, nous y avons vu l’opportunité de programmer cette journée la veille de l’événement. Mais nous avons sû très vite que ça ne serait pas possible vu que les CNFS étaient déjà mobilisés ce jour là. Afin que le sujet puisse tout de même être abordé, nous avons proposé un atelier plus court afin qu’il soit intégré au programme du NEC.

visuel atelier au NEC

Intitulé Comment accompagner les usagers à adopter des pratiques numériques éthiques ?, l’atelier proposait aux participant⋅es de réaliser un état des lieux de leurs pratiques de médiation aux outils numériques éthiques et de questionner les postures de médiation spécifiques à cette thématique. Après une introduction rappelant le contexte de l’atelier (suite du parcours) et reprécisant ce qu’est le numérique éthique, les participant⋅es ont partagé en groupes les différentes façons dont iels portent la question du numérique éthique. Afin de garder une trace de ces échanges, il était proposé de compléter des fiches (1 fiche activité / dispositif formalisé et 1 fiche accompagnement informel). La seconde partie de l’atelier a permis de mettre en commun des éléments les plus signifiants de chaque groupe et de questionner les participant⋅es sur la reproductibilité de ces pratiques.

Ce même atelier a été aussi proposé lors de l’événement NEC Hauts de France Les Communs pour un numérique au service de tous le 7 novembre 2023 à Lille et le sera aussi lors du NEC Grand Est #1 Libertés numériques le 9 avril prochain à Strasbourg (il est encore temps de s’inscrire, mais ne tardez pas !).

Une synthèse de l’ensemble des dispositifs de médiation numérique partagés lors des deux ateliers a été réalisée. Nous avons proposé aux personnes ayant participé à ces ateliers et à celles ayant suivi le parcours un nouveau webinaire le 24 janvier 2024 durant lequel nous avons commenté et enrichi collectivement cette synthèse, laquelle a été mise en forme afin d’être diffusée au plus grand nombre.

Illustration de la couverture de la synthèse de l'atelier
Cliquez sur l’image pour télécharger la synthèse de l’atelier

Ce document, après avoir rappelé ce qu’on entend par numérique éthique, présente sous deux angles les dispositifs de médiation aux pratiques numériques éthiques. La première partie propose plusieurs pistes pour susciter la curiosité des bénéficiaires sur la thématique, que ce soit en outillant les espaces de médiation numérique, en fournissant de la documentation ou en accompagnant au cas par cas les usages. La seconde partie regroupe, elle, plusieurs pistes d’activités pour inviter les bénéficiaires à s’emparer de la question, telles que des temps de réflexions-discussions ou l’organisation d’ateliers spécifiques pour découvrir et manipuler ces outils.

Si vous avez mis en place ou avez connaissance de dispositifs de médiation qui n’apparaissent pas dans ce document, n’hésitez pas à nous l’indiquer en commentaire afin qu’on l’enrichisse. Nous espérons que les acteur⋅ices de la médiation numérique s’appropriront ces différents dispositifs et qu’iels nous partagerons leurs retours d’expérience.

Et la suite ?

Dans les mois et années à venir, Framasoft souhaite continuer à s’intégrer dans l’écosystème de la médiation numérique, que ce soit en intervenant lors des événements de la communauté, en produisant des ressources afin d’aider les médiateur⋅ices à mieux appréhender ces questions du numérique éthique ou en développant de nouveaux projets avec les organisations du secteur.




MLC44, une association et une monnaie locale en cours de libération des géants du numérique

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de MLC44, qui porte la monnaie locale Moneko. Merci à Thibaut pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Thibaut, 41 ans. De formation ingénieur en informatique et travaillant dans une ESN spécialisée dans l’open-source au civil 😉 J’ai débuté comme développeur web PHP, évolué dans le pilotage de projet et la direction d’un centre de production et suis actuellement dans des fonctions plus commerciales, toujours dans la même ESN.

Au sein de l’association MLC44, je suis bénévole : membre élu du collectif qui pilote l’association et aidant sur toutes les problématiques liées aux outils informatiques à travers la commission support (c’est un groupe de travail, rassemblant bénévoles et certains membres de l’équipe salariée, chargé de donner les moyens et outils à l’association pour remplir ses objectifs).

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ?

MLC44 est l’association qui porte Moneko, une monnaie locale et citoyenne qui circule dans le département de la Loire-Atlantique. La monnaie circule au sein d’un réseau de particuliers et de structures partenaires agréées (commerces, restaurants, producteurs, artisans, associations, professions libérales, etc.), réunis autour d’une charte de valeurs et qui intègrent des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités.

Sans possibilité d’épargne et non spéculative, cette monnaie est adossée (on dit aussi complémentaire) à l’euro. Comme la plupart des monnaies locales, c’est un outil d’éducation populaire : Moneko permet aux citoyen⋅nes de se réapproprier l’usage de la monnaie, d’en découvrir les enjeux, de s’impliquer dans la gouvernance de leur monnaie, d’échanger et de partager au sein d’un réseau solidaire pour devenir acteur de la transition économique et écologique de leur territoire.

Cela a bien fonctionné avec moi, car depuis que je suis adhérent, j’ai déplacé une bonne partie de ma consommation vers des structures locales. Ça devient assez ludique quand on s’y met 😉

Le fonctionnement de Moneko. Source : site de Moneko

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous avons 4 salariés et 1 à 2 VSC (Volontaire en Service Civique) suivant les périodes. Les bureaux de l’association sont localisés à Nantes au sein du Solilab (super lieu réunissant plein d’énergies autour de l’ESS), mais nous avons aussi des groupes locaux dans plusieurs lieux du 44. Notre objectif est de les multiplier sur le territoire de la monnaie. L’association rassemble une cinquantaine de bénévoles et les adhérents à la monnaie sont à ce jour près de 1000 (760 particuliers et 220 pros à jour de leur cotisation).

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

La majorité est plutôt à l’aise et en plus volontaire pour progresser, cela aide beaucoup !

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Quand j’ai rejoint l’association en 2021, le sujet était déjà dans les objectifs de l’association avec quelques premières actions en cours. Utiliser des outils libres ou open-source plutôt que les outils des GAFAM ou propriétaire est une préoccupation proche des valeurs qui guident notre association. C’est donc une voie d’évolution tout à fait naturelle pour nous et facilement compréhensible par nos membres.

En dehors donc de l’aspect valeur, une autre motivation est l’autonomie que cela peut nous apporter : nous trouverons toujours une ressource apte à maintenir/développer nos outils vs du propriétaire, et en plus cela nous rend moins dépendant d’un prestataire. Nous identifions également des bénéfices en termes de coût financier à moyen/long terme une fois l’investissement initial passé (mise en place et montée en compétence des équipes).

C’est aussi l’occasion de travailler à plus facilement fédérer/mutualiser nos usages et outils au niveau national, voire européen avec les autres monnaies locales (coucou à nos copains du mouvement SOL). C’est une des raisons pour laquelle nous avons également rejoint l’association Lokavaluto qui est un commun numérique à destination de projets de l’ESS tels que les Monnaies Locales complémentaires et Citoyennes, les Sécurités sociales de l’alimentation, les SEL, les places de marché locales, etc.

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Il n’y a pas réellement de personne dédiée au sujet. Cette démarche restant chaque année suivie et présente dans le plan d’action de l’association, nous nous en soucions régulièrement. Pour aller dans le détail, c’est la commission support de l’association qui en a la responsabilité et qui suit l’avancement. Étant dans cette commission et par ailleurs défenseur de l’open-source, j’ai pris en main le dossier 😉 Mais je suis aidé par d’autres bénévoles qui aident à la mise en place des outils et à la formation des utilisateurs, tout comme notre partenaire Lokavaluto qui met à disposition de nombreux tutoriels et formations.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Cela se passe plutôt par itération et au fil d’eau. Une première étape a été de dresser la liste des outils majeurs utilisés par tous les intervenants de l’assocation.

Nous avons ensuite cherché une alternative libre adéquate. La liste a ensuite été priorisée pour déterminer en fonction des contraintes et de la difficulté à migrer, dans quel ordre nous allions procéder. Au fur et à mesure, cela nous a construit une sorte de plan d’action sur cette démarche. Mais le plan continue d’évoluer : nous découvrons de temps en temps l’usage d’un outil qui n’avait pas été identifié mais aussi, nous restons en veille sur les solutions et pouvons donc changer quelques priorités. À titre d’exemple, lors de notre récent changement d’outil pour notre site internet, nous en avons profité pour migrer nos vidéos de Youtube vers un Peertube alors que ce n’était pas forcément prévu.

En plus de ces itérations au niveau global, nous pouvons aussi itérer au niveau de chaque outil : on ne cherche pas forcément la perfection dès le départ. L’idée c’est d’avancer. Par exemple, certain-e-s utilisateur-ices commencent à utiliser le nouvel outil et pas tous en même temps. Cela permet aussi de faciliter l’acceptation du changement et pour nous d’avoir le temps d’accompagner « tranquillement » les utilisateurs.

L’association étant en plein changement d’échelle, toute la difficulté est d’arriver à faire les changements sans trop bouleverser les habitudes des intervenant-e-s qui sont déjà bien chargé-e-s par le quotidien.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Je dirais qu’il faut être vigilant si certains de vos prestataires sentent le vent tourner. L’idée est de bien faire maintenir le niveau de service attendu jusqu’au bout.

Un autre point d’attention également, c’est d’être vigilant lors de l’arrivée de nouvelles personnes (ce qui peut arriver fréquemment dans une association). Le nouvel arrivant doit prendre les bonnes habitudes, et éventuellement perdre ses mauvais réflexes perso/pro d’utilisation d’outil Gafam 😉 Cela peut être un peu délicat, car la personne arrive avec de l’envie et de l’énergie pour faire progresser l’association, il faut donc bien expliquer la démarche, le pourquoi et généralement ça se passe bien !

Autre vigilance à avoir : lorsque de nouveaux besoins sont exprimés, l’équipe doit avoir le réflexe de d’abord chercher des solutions libres/open-source, il faut parfois le rappeler.

Enfin, il faut globalement rester un peu souple : notre objectif est d’avant tout de faire progresser l’usage de notre monnaie locale Moneko. Nous ne devons donc pas être sectaires et interdire l’usage d’outil propriétaire ou GAFAM quand l’alternative n’apporte pas un service suffisant où est trop coûteuse (temps/argent) à mettre en œuvre pour le moment. (Mais on le garde dans nos radars pour une future voie d’amélioration !)

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Certains outils sont migrés, d’autres en cours et d’autres sont encore dans la TODO list 😉 Voici un état des lieux :

  • Partage de fichiers : Google Drive vers Nextcloud : en cours/partiel, ici la stratégie a été d’abord de migrer nos documents publics (cela permet d’évangéliser notre public) avant tout l’interne qui demande un gros boulot de tri.
  • Suite bureautique : Google => Onlyoffice : en test, ici aussi la marche est importante car il y a beaucoup d’historique et c’est un outil du quotidien pour l’équipe. Nous allons y aller au fur et à mesure.
  • Mesure du trafic web : Google Analytics => Matomo, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.
  • Fichiers tableurs pour gérer l’asso : Excel => Odoo, en finalisation, nous avons migré toute la gestion de nos membres en 2023 et avons pu automatiser les relances de début 2024 avec le nouvel outil. Un gain de temps assuré au final.
  • Gestion des mails : Gmail => Thunderbird (bureau) + Roundcube (web), en cours/partiel : seuls quelques membres ont franchi le pas, il y a pas mal d’accompagnements à faire.
  • Système d’exploitation : Windows => Ubuntu, à commencer : l’idée est d’abord d’installer un poste à l’occasion d’un nouvel arrivant pour ensuite proposer la migration à ceux qui le veulent. Cela se fera sur un temps long.
  • Messagerie instantanée : Whatsapp => Rocketchat, en cours : l’usage de Whatsapp est de moins en moins fréquent, mais l’usage de Rocketchat a encore du mal à prendre.
  • Conférence audio et vidéo : Zoom => Big Blue Button, terminé : la bascule s’est faite assez rapidement d’autant plus que cela nous a permis d’économiser quelques dizaines d’euros par mois !
  • Carte géographique : Google Maps => Gogocarto, en cours : la migration des données prend un peu de temps, mais ça ne va pas tarder
  • Hébergement vidéo : Youtube => PeerTube, terminé : cela a été facile à faire à l’occasion de la refonte de notre site web.

Pour répondre à ta question sur les critères majeurs c’est : réponse au besoin, ergonomie de la solution, pérennité de l’outil.

Comment avez-vous choisi s’il y avait plusieurs alternatives ?

Beaucoup de choix se sont faits en discutant avec notre écosystème (Lokavaluto, SOL, autres monnaies, autres structures du Solilab, etc.) et en observant leur usage. Nous tenons aussi compte de notre capacité à avoir de la compétence interne pour accompagner les utilisateurs fonctionnellement. La pérennité de l’outil et la capacité à trouver facilement des ressources techniques pour maintenir/corriger un bug compte aussi.

Planche de billets Moneko

À quoi ressemblerait la planche à billet Moneko ? Source : site de Moneko

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Il nous reste l’outil de gestion des transactions de la monnaie (cyclos) : nous avons une piste avec Com’Chain, mais nous n’envisageons pas encore la migration car trop risquée. C’est le cœur de notre activité : l’outil est encore jeune, on surveille les évolutions de l’outil et ses avancées. Mais cela exigera aussi de notre part une maturité technique que nous n’avons pas encore.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Nous n’avons pas de ressource ou temps dédié, c’est un sujet du quotidien porté par la chargée de coordination et les bénévoles « techniques ». Comme cela reste un objectif précis de l’association, les membres les plus actifs l’ont bien en tête et sont facilitateurs.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ?

Oui, nous essayons d’accompagner au mieux les utiliateur⋅ices, avec par exemple :

  • une formation régulière aux nouveaux usages (Odoo notament) : à chaque déploiement de nouveau module (ex. : facturation, gestion RH), nous formons les utilisateurs (+ tutoriel vidéo/retranscription vidéo de formations d’autres MLC mis à dispo par Lokavaluto)
  • des tutoriels sous forme de diapo pour expliquer des cas d’usage

Mais on ne peut pas le faire systématiquement. Donc on compte aussi sur la débrouillardise car comme dit plus haut, on essaye de sélectionner avant tout des outils ergonomiques et qui fonctionnent bien à l’instinct. Mais lorsqu’on nous remonte une difficulté, on passe en mode support par tchat et mails (voir téléphone pour les urgences, mais c’est rare) L’idée est que les utiliateur⋅ices aient bien une personne d’identifiée à contacter en cas de besoin.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Cela peut avoir un impact via l’exemple. Quand on propose un document à télécharger par exemple, c’est sur nuage.moneko.org. Les utilisateurs voient que c’est du Nextcloud et non du Google Drive. On laisse les crédits des solutions qu’on utilise pour contribuer. Mais en effet, ta question m’amène à me demander si on ne pourrait pas faire une page dédiée pour montrer nos choix et notre démarche. Je le note dans la todo 😉

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Quelques conseils en vrac : entourez-vous de personnes en phase avec l’objectif, ne soyez pas seul, allez-y tranquillement, montrez l’exemple par vos propres usages, itérez, essaimez, montrez les bénéfices, l’alignement des valeurs et ne vous découragez pas s’il y a quelques entorses ou petits retours en arrière, la route est longue mais… [Ndr : … la voie est libre 🙂 ] 😉

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Avancer sur cette migration peut aider à se sentir bien, cela fait partie des gestes positifs à apporter à notre société, cela aide au bien-être mental et à lutter contre la dissonance cognitive que l’on peut avoir dans nos activités quotidiennes/pro.




Associations : les géants du numérique, c’est pas automatique !

Chez Framasoft, nous constatons que de plus en plus d’associations utilisent les services proposés par les géants du numérique (Google Workspace, WhatsApp, Zoom, Outlook, Trello, Microsoft Office 365 et bien d’autres). Ce qui n’est pas sans nous poser problème puisque nous estimons que ces outils sont toxiques, et en totale contradiction avec les valeurs portées par les associations. C’est pourquoi, pendant ce mois de mars, nous allons tout faire pour les convaincre de repenser leurs usages numériques. Et vous allez sûrement pouvoir nous aider !


Les associations, soutiens involontaires des géants du numérique ?

Si la toxicité des géants du numérique (Microsoft, Google, Meta, Adobe, Amazon, Apple, Uber, etc.) n’est plus à démontrer, rappelons tout de même que ces entreprises exercent toutes une triple domination (économique, technique et culturelle) et que l’objectif de leur offre de services est le même : développer leur empire pour concentrer, à un niveau sans précédent, une part déterminante des ressources, des données, des revenus et des pouvoirs.

Le modèle de société que portent ces entreprises est donc à l’opposé des valeurs portées par les associations (émancipation, justice sociale et environnementale, égalité, solidarité, etc.). Pourtant ces dernières ne sont pas toujours conscientes qu’en utilisant les services numériques de ces géants, elles se placent dans une situation de dépendance à des outils sur lesquels elles n’ont aucune prise (par exemple, elles subissent les modifications des conditions d’utilisation des services ou l’absence de certaines fonctionnalités). Ces associations participent, à leur niveau, à renforcer la puissance de ces entreprises, en leur fournissant davantage d’utilisateurices et davantage de données.

Construire un monde meilleur n’est possible qu’avec les outils qui nous en donnent la liberté.

Il n’y a rien de vraiment étonnant à ce que les associations utilisent des outils numériques privateurs dans une société où ceux-ci sont omniprésents, que ce soit au sein des établissements scolaires, des entreprises, des administrations et des grandes surfaces dédiées à la consommation. Il suffit de se promener dans les espaces publics pour constater les nombreuses campagnes publicitaires qui promeuvent ces outils. Ces outils privateurs bénéficient de plusieurs avantages : ils sont gratuits (en apparence puisque les données non consenties des utilisateurices sont souvent une contrepartie) ou à des prix compétitifs, intuitifs et faciles à utiliser, intégrés dans un écosystème facilitant l’utilisation de plusieurs produits et services simultanément, et ils bénéficient de l’effet réseau (plus un outil est populaire, plus il est attractif, peu importe sa qualité).

Très souvent, les outils numériques choisis au sein d’une association le sont par défaut : un besoin émerge, les dirigeant⋅es associatifs ou les personnes les plus à l’aise en « numérique » proposent un outil et il est adopté. Les membres des associations passent leur temps à bricoler avec les outils dont iels ont entendu parler sans jamais chercher vraiment à les maîtriser. Et si, au sein de l’organisation, aucune personne n’a la culture numérique permettant de questionner le choix de ces outils, il y a peu de chances qu’une réflexion stratégique émerge à ce sujet au niveau des organes de gouvernance.

banniere Les géants du numérique c'est pas automatique

C’est pourquoi, il y a presque 3 ans, Animafac a proposé à Framasoft de travailler de concert sur un projet qui permettrait de favoriser l’émancipation numérique du monde associatif. De là est né le projet Emancip’Asso, dont nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur le framablog.

Nous entrons dans la dernière phase de ce projet :

convaincre les associations qui veulent changer le monde d’adopter des outils numériques éthiques et les accompagner dans cette démarche.

S’émanciper des géants du numérique, c’est possible…

Selon l’étude La place du numérique dans le projet associatif réalisée en 2022 par Recherches & Solidarités et Solidatech, la proportion d’associations utilisant des outils libres est stable ces dernières années, autour de 40 %. On pourrait se réjouir qu’autant d’associations aient déjà pris conscience de la toxicité des services des géants du web et qu’elles aient adopté des alternatives plus éthiques. Cependant, l’étude nous révèle que c’est en fait seulement 16 % d’entre elles qui le font pour des raisons éthiques, les autres les utilisant pour des raisons pratiques (coût, fonctionnalités, etc.). De plus, si 41 % des associations utilisent des logiciels libres, ce n’est parfois que pour quelques services annexes et la majorité de leurs données restent hébergées chez les géants du numérique.

grahique présentant le taux d'usage des outils libres dans les associations

Il est difficile de connaître le nombre d’associations s’étant totalement émancipées des services proposés par les géants de la tech. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment ce qui nous importe ! Pour nous, l’important est que les associations prennent conscience de l’incohérence qu’il y a à utiliser ces outils toxiques et se lancent dans une démarche de transition. C’est pourquoi, nous allons, dans les prochaines semaines sur nos réseaux sociaux, célébrer celles qui ont déjà adopté des outils éthiques, non pas pour les ériger en modèles à suivre, mais pour qu’elles deviennent sources d’inspiration. Changer les pratiques numériques d’une organisation est un choix stratégique pas toujours facile à assumer en interne et nous sommes convaincu⋅es que savoir que d’autres l’ont fait peut être un déclencheur.

visuel asso chat perché visuel asso Les Greniers d'abondance

N’hésitez donc pas à partager ces publications pour soutenir ces associations dans leur démarche et inspirer celles dans lesquelles vous êtes impliqué⋅e ! Et si vous connaissez des associations émancipées ou en cours d’émancipation, faites-les nous connaître (en commentaire au bas de cet article par exemple) pour qu’on les célèbre elles aussi !

… mais ce n’est pas facile !

Nous sommes tout à fait conscient⋅es que modifier les usages numériques d’une organisation n’est pas aisé. Il ne suffit donc pas d’être convaincu⋅e qu’il est nécessaire de mettre en cohérence ses outils et valeurs pour y arriver.

Très souvent, les associations ne savent ni par où commencer, ni comment choisir parmi les nombreuses alternatives existantes et craignent que les changements d’outils ne soient pas acceptés par leurs membres. Et il est rare, qu’en leur sein, des personnes maîtrisent les méthodes pour piloter cette démarche de transition numérique. D’ailleurs, les résultats de l’étude La place du numérique dans le projet associatif l’indiquent clairement : parmi les associations qui n’utilisent pas d’outils libres, elles sont 15 % à exprimer le besoin d’être accompagnées.

Se lancer dans une démarche de transition numérique, c’est être amené à repenser beaucoup d’aspects de l’association, bien au-delà des simples outils : les modes de fonctionnement, la gouvernance et même la culture interne. Il est donc essentiel qu’un projet de transition numérique soit intégré dans la stratégie de l’association.

Si les étapes d’une démarche de transition numérique peuvent varier en fonction des besoins et des objectifs spécifiques de chaque association, nous pensons que certaines sont incontournables :

Évaluation des besoins
Évaluer les besoins et les objectifs numériques de l’organisation, ainsi que les domaines où la transition vers des pratiques numériques plus éthiques peut apporter le plus de valeur ajoutée. Très souvent, cette étape repose sur un diagnostic des outils et pratiques numériques actuels.
Sensibilisation et engagement
Impliquer et sensibiliser l’ensemble des parties prenantes de l’organisation à l’importance de la démarche de transition numérique, aux enjeux qu’elle implique et aux avantages qu’elle va apporter. Si malgré cela, certaines personnes ne sont pas convaincues de la pertinence de la démarche, un accompagnement au changement doit être envisagé.
Définition de la stratégie
Identifier les objectifs spécifiques, les mesures de succès et planifier les différentes étapes de la démarche pour élaborer une stratégie claire et compréhensible afin de la communiquer à l’ensemble des parties prenantes.
Choix des outils numériques
Identifier et sélectionner les outils numériques éthiques les plus appropriés pour répondre aux besoins spécifiques. Établir un calendrier pour l’implémentation de ces nouveaux outils en gardant en tête qu’il est rarement pertinent de tout changer d’un coup.
Adaptation des processus
Examiner et ajuster les processus existants pour garantir une intégration fluide. Très souvent, cette étape intègre le paramétrage de chaque outil, la migration des données et la rédaction d’une documentation technique.
Accompagnement à la maîtrise des nouveaux outils
Identifier les compétences et les connaissances nécessaires. Mettre en place des formations pour les futures utilisateurices des services déployés.
Intégration et collaboration
Encourager la collaboration et la communication entre les parties prenantes afin que celles étant le plus à l’aise puissent accompagner celles qui le sont moins.
Adaptation continue
Une démarche de transition numérique est un processus continu. Il est important de rester à l’écoute des évolutions technologiques pour s’adapter et ajuster constamment la stratégie numérique de l’association.

 

Cette démarche va souvent nécessiter de faire appel à des ressources externes. Trouver vers qui se tourner est souvent le premier obstacle rencontré par les associations. C’est là qu’Émancip’Asso entre en jeu !

Accompagner les associations vers un numérique plus éthique

Si l’écosystème de l’accompagnement associatif a largement évolué ces dix dernières années, les associations rencontrent toujours des difficultés à connaître les dispositifs existants leur permettant d’être accompagnées dans leur démarche de transition numérique.

C’est tout le but du projet Emancip’Asso : permettre aux associations de trouver différents moyens d’être accompagnées dans leur projet d’émancipation numérique.

Sur emancipasso.org, nous proposons à toutes les associations s’étant lancées dans une démarche de transition numérique de rejoindre une communauté d’entraide pour échanger bonnes pratiques, conseils et astuces. Partant du constat que les associations, et particulièrement les personnes en charge des aspects numériques au sein de celles-ci, n’ont à ce jour que très peu l’occasion d’échanger sur leurs pratiques en matière de transition numérique, il nous a semblé essentiel de proposer un espace pour qu’elles se sentent moins isolées sur ces questions.

interface du forum d'échange emancipasso.org

Ces échanges se déroulent sur un forum, structuré en plusieurs catégories :

  • entraide technique : demande de précisions sur le fonctionnement ou le paramétrage d’un outil spécifique ;
  • demande de conseils pour trouver l’outil le plus adapté à ses besoins ;
  • recherche de prestataire(s) pour se faire accompagner dans sa transition ;
  • partage de besoins de développement de fonctionnalités et/ou d’outils pour éventuellement mutualiser les coûts entre plusieurs associations.

Nous proposons aussi un répertoire de prestataires qui recense des professionnel⋅es de l’accompagnement formé⋅es aux enjeux du monde associatif. Ces professionnel⋅les sont en mesure d’aider les associations dans toutes les étapes d’une démarche de transition : identification de vos besoins, clarification des objectifs, sensibilisation et implication des parties prenantes, élaboration de feuilles de route, réalisation de diagnostics numériques, préconisations techniques pour aide au choix des nouveaux outils, accompagnement dans la conduite du changement et accompagnement à la prise en main des nouveaux outils, etc.

Vous trouverez à ce jour 33 prestataires référencés dans ce répertoire. Ce n’est pas énorme, mais c’est parce que nous avons sélectionné uniquement des structures ayant déjà accompagné des associations dans leur transition numérique éthique. Chaque fiche « prestataire » permet d’identifier le type, la taille et la localisation de la structure, les types d’accompagnement qu’elle propose et quelques exemples de projets réalisés avec des associations. Un moteur de recherche parmi cette base de données permet de filtrer ce répertoire selon plusieurs critères : le type d’accompagnement recherché, la taille de l’association et les modalités de l’accompagnement.

interface de recherche parmi le répertoire de prestataires

Enfin, vous trouverez sur emancipasso.org une page de ressources utiles aux associations et aux prestataires. Notre objectif est de recenser ici un maximum de contenus pédagogiques pour favoriser l’émancipation numérique du monde associatif. Cette base documentaire est régulièrement mise à jour avec ce que nous partage la communauté pour permettre à chacun⋅e de développer ses connaissances sur la thématique des pratiques numériques du monde associatif.

Alors, on a besoin de vous…

… pour nous aider à faire prendre conscience aux associations de l’incohérence qu’il y a à vouloir changer le monde en utilisant des outils privateurs de libertés et les inciter à se rendre sur le site emancipasso.org pour trouver ressources, entraide entre pairs et prestataires pour les accompagner dans leur transition vers un numérique plus acceptable.

visuel du sticker Emancip'Asso visuel du second sticker Emancip'Asso

Vous pouvez aussi inviter dès maintenant vos associations préférées à suivre notre webinaire de présentation le jeudi 14 mars de 11h à 12h (inscription via ce formulaire), partager nos supports de communication (plaquette de présentation et stickers) autour de vous et republier nos posts sur vos réseaux sociaux de prédilection !

Merci pour votre soutien !




Podcast Projets Libres ! Des humain⋅es derrière les projets !

Le podcast est un média particulièrement consommé en France, comme le rappelait l’interview de Benjamin Bellamy de Castopod en mai 2022 sur ce même blog (aussi disponible en… podcast !). Il permet d’écouter une interview en faisant la vaisselle, des crêpes, ou du roller (mais pas en milieu urbain – ceci est un message de la sécurité routière). Cela veut dire, par exemple, que vous pouvez écouter cette interview de Pouhiou et Booteille sur le projet PeerTube par… Walid de Podcast Projets Libres ! tout en changeant le joint de culasse de votre ordinateur ! C’est dingue cette coïncidence, non ?!

Un petit micro interview un grand micro. CC-BY-SA JJJJOOOOOOOOOOEEEEEEEEEEEPINO

Peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Quelle est ta couleur préférée ?

Je m’appelle Walid Nouh, mon surnom est wawa (ou wawax).

J’ai découvert l’informatique (et le roller) à l’âge de huit ans. Depuis, je n’ai jamais arrêté 🙂

J’habite actuellement en région parisienne et je travaille dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire dans la réparation et le reconditionnement de gros électroménager.

Ma couleur préférée est le noir.

À quel moment, dans ton parcours, as-tu croisé le logiciel libre ?

Durant mes années d’IUT. En cours, nous avions des ordinateurs sous Red Hat Linux.

Mon premier ordinateur personnel sous Linux c’était en 2000, il tournait sur une MandrakeLinux.

C’est à la sortie de mes études que j’ai vraiment découvert le libre et compris que c’était ce que j’allais faire dans les années à venir.

C’est lors de ma première expérience professionnelle, dans une ESN nommée Atos, que j’ai eu l’occasion de rejoindre le Centre Open Source de la compagnie, et de rencontrer d’autres personnes passionnées et qui avaient l’habitude de contribuer sur des projets libres.

Pourquoi le format podcast ?

Le podcast est ma manière préférée de consommer de l’information. J’écoute entre 10 et 20 heures de podcasts par semaine…

J’aime le fait que le format est libre, qu’on peut trouver des podcasts de niche, et que l’on peut aller très en profondeur dans les sujets.

Je suis un très grand fan des podcasts longs (entre 45 minutes et deux heures), j’ai d’ailleurs du mal à écouter des épisodes de 15 minutes.

On peut vraiment faire ce qu’on veut en écoutant un podcast – ici, un astronaute jouant avec l’apesanteur en écoutant un podcast

D’ailleurs, tes podcasts font très pros (format, montage) : des astuces ou bons logiciels à conseiller ?

Chaque épisode me prend 6 à 10 heures de travail  !

Pour arriver à ce résultat je passe énormément de temps à me documenter, écouter des podcasts ou vidéos, afin de réaliser une trame.

Je soumets ensuite cette trame au(x) invité(s), afin qu’ils puissent se préparer ou ajuster celle-ci.

Cette phase préparatoire peut prendre des semaines, car elle est nourrie par mes rencontres, réflexions ou lectures. Chaque épisode commence, pour moi, par la découverte du sujet et un questionnement sur l’angle que je veux donner à l’interview, et comment celle-ci s’inscrit dans la suite des précédentes.

Pour le montage j’utilise Audacity, c’est très classique (il faut que j’essaye Ardour…).

Pour la mise en ligne je passe par la plateforme libre Castopod, qui est très bien et nativement connectée au Fediverse.

Si je devais donner des conseils :

  1. bien réfléchir à sa ligne éditoriale, ce que l’on veut faire, et en quoi ses épisodes vont se distinguer de ce qui existe déjà dans l’univers du podcast.
  2. être clair sur l’objectif de son podcast : est-ce que l’on veut un podcast plutôt “live” ? (donc sans montage par la suite). Est-ce qu’on se fixe des limites en temps à passer par épisode ?
  3. est-ce que tu veux vivre ou te rémunérer avec ton podcast ? (Auquel cas renseigne-toi bien, regarde ce que font les autres pour trouver un modèle qui te convient).

De mon côté, je me suis fixé plusieurs règles :

  1. la durée de l’épisode n’est pas un problème
  2. je ne m’interdis aucun sujet : le podcast reflète mes intérêts. Je suis conscient que certains épisodes ne vont pas intéresser la majorité des gens, mais du moment que j’ai envie de le faire, alors il n’y a pas de raison de s’en priver 🙂
  3. je ne m’astreint à aucun calendrier de sortie fixe (même si j’aime bien le format de 2 par mois, mais ça risque de glisser plutôt vers 1 toute les trois semaines)
  4. je fais le minimum en termes de communication sur les réseaux sociaux et je laisse faire le bouche-à-oreille
  5. des épisodes peuvent être super techniques et d’autres grand public, à mon appréciation

Pourquoi le sujet du libre et non celui du roller ?

J’ai commencé les podcasts il y a deux ans par collaborer sur un podcast de roller, nommé Balado Roller. Dans ce podcast nous interviewons des personnes qui ont contribué à l’essor du roller. J’ai commencé par y être invité, puis co-animateur et aujourd’hui je réalise une partie des montages des épisodes auxquels je participe. Son audience est bien supérieure à celle de Projets Libres! et nous savons qu’il est écouté par les professionnels de ce sport.

Le podcast Projets libres!, reprend le même concept mais appliqué à ma seconde passion, qui est le logiciel libre. La différence c’est que pour celui de roller nous sommes deux, et nous nous appuyons sur un site qui existe depuis 20 ans.

Pour Projets Libres!, je suis tout seul, c’est moi qui fait tout de A à Z, suivant mes propres désirs (je suis assez perfectionniste).

Une autre différence est que sur nos interviews roller, le travail de préparation a soit été déjà fait en amont sur le site rollerenligne.com au fil des années, soit il est minimal car nous connaissons personnellement la plupart de nos invités. Sur Projets Libres! je dois faire beaucoup plus de recherche pour éviter de dire des bêtises, et aussi pour être sûr de la qualité de l’échange de l’on va avoir.

Comment choisis-tu qui tu vas interviewer ? En fonction des affinités ? Parce que tu utilises le logiciel ou projet ? Du buzz ?

C’est une combinaison de plusieurs facteurs :

  1. mes propres passions, sujets de fond. Principalement : la cartographie des projets francophones, les financements des projets, les transports, le Fediverse, les forks et les ERPs
  2. les personnes qui me contactent pour me proposer un sujet ou une mise en relation
  3. les rencontres que je fais sur les salons ou conférences, et qui alimentent mes réflexions
  4. les outils que j’utilise et dont je suis fan
  5. mon travail, dans le métier du reconditionnement, qui m’amène à vouloir creuser certains sujets qui m’intéressent

J’essaye de n’interviewer que des personnes qui sont au coeur des projets. Ma stratégie est de proposer un contenu original, que j’espère de qualité, et que les personnes concernées feront tourner dans leur communauté. Je ne souhaite pas faire de publicité. Ma communication est plutôt du type LinuxFR que du type LinkedIn.

Je fais des podcasts en français car c’est ma langue natale et aussi parce qu’il y  a déjà de très bons podcasts en anglais.

J’en profite d’ailleurs pour indiquer que des statistiques publiques du podcast sont disponibles ici : https://statistics.projets-libres.org/

Dans tes podcasts, tu te concentres sur l’histoire humaine derrière les projets : c’est important pour toi ?

Pas de logiciel libre sans femmes et hommes !

J’ai eu la chance d’être un professionnel du logiciel libre, actif dans l’univers francophone pendant plus de 10 ans, d’être core developer sur un logiciel, d’avoir participé au fork d’un autre, d’avoir travaillé en ESN spécialisées dans le libre. Partout où je suis passé j’ai rencontré des femmes et des hommes passionnés par le libre et ses valeurs.

C’est en partie ce que je cherche à mettre en valeur, en m’appuyant sur ma propre expérience.

Pour faire simple, je cherche à produire le contenu que j’aimerais entendre. Je suis souvent frustré à la fin d’une interview car personnellement j’aurais posé d’autres questions, ou creusé d’autres sujets !

Mes podcasts ont pour but d’être complémentaires avec ceux qui existent déjà, que j’écoute régulièrement et que j’aprécie.

Qui aimerais-tu interviewer pour un prochain épisode ?

J’ai comme projet d’essayer interviewer toutes les associations historiques du libre.

L’idée serait de pouvoir faire une cartographie ou une frise temporelle de l’apparition des unes par rapport aux autres.

Je vais aussi me concentrer sur la notion de fork, et ce que cela veut dire au niveau humain (pour les personnes qui forkent, et pour les mainteneurs qui se font forker).

Bref, j’ai déjà une feuille de route pour les 6 mois à venir ^^

Page Castopod de Projets Podcasts Libres !

Quels sont les défis à venir pour le podcast ?

  1. Durer. Je me suis fixé 1 an sous cette forme et seul. Le podcast est un travail journalier, qui me prend presque tout mon temps libre.
    En 2024, il va falloir que je constitue une équipe, pour aider à monter en qualité et garder un rythme raisonnable.
  2. La parité femme/homme dans les interviews. Ce n’est pas si simple, mais j’y travaille et c’est très important pour moi.
  3. Se renouveler, d’avoir toujours des bonnes personnes avec du contenu intéressant.
  4. Il va falloir que je me finance mes besoins en me basant sur le don : je ne suis pas intéressé par mettre la publication ou du sponsoring dans le podcast. Comment donc faire en sorte que les gens acceptent de me financer, sans que cela ne me demande plus de travail supplémentaire (par exemple faire du contenu exclusif pour ses donateurs). Dans une démarche bénévole, tout contenu que je produis est du temps que je ne passe pas pour d’autres projets ou dans ma vie personnelle
  5. Réaliser un épisode avec sa transcription : c’est un défi permanent, car cela ajoute plusieurs heures de travail par épisode 🙂

La transcription des épisodes doit effectivement prendre un temps fou. C’est important pour toi ?

C’est une des premières choses qui m’a été demandé, et j’avais mis le sujet de côté car je ne pouvais pas tout faire. C’est en lisant le manifeste de Julie Moynat, relayé par Frédéric Couchet que j’ai remis le sujet au goût du jour.

La transcription a plusieurs fonctions :

  1. permettre aux gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas écouter le podcast de suivre notre conversation. Je dois avouer que, dans le cadre de mon travail, je déteste les tutoriels vidéos car tu ne peux pas rechercher dedans pour trouver exactement ce que tu veux…
  2. elle améliore le référencement du texte
  3. elle participe à la démarche “de ne pas juste avoir un podcast” mais d’avoir un media

Techniquement je passe par un service (non libre) de transcription. Je dois ensuite retravailler les phrases pour en faire un texte lisible. Cela pose des questions sur le niveau de retravail, entre avoir un texte en bon français et garder le sens et l’atmosphère de l’interview. J’ai bien essayé de demander une IA de me corriger les phrases sans les modifier, mais je n’ai pas encore atteint le bon résultat. J’ai des échanges avec Benjamin Bellamy de Castopod, car c’est un de leurs axes de travail actuel.

N’étant pas un professionnel, la correction transcription d’un épisode d’un heure me prend 2 à 3 heures de travail (avec la mise en forme sur le site). C’est une des raisons pour lesquelles je pense changer le rythme de sortie des épisodes.

Je voudrais faire quelques remerciements :

  • ma femme qui supporte tous mes enregistrements et mes conversations autour du podcast !
  • mes amis et collègues pour les idées, écoutes et commentaires
  • mon ami Emilien Martinoty pour son aide et pour création et maintenance du site
  • l’équipe de Castopod pour la migration sur leur plate-forme et les discussions régulières
  • tous les invités qui m’ont fait confiance
  • pour finir toute l’équipe framasoft pour leur accueil et la promotion de mon podcast

Quelques liens :