Minetest, intérêts et possibilités pédagogiques

Temps de lecture 8 min

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Dans « Framinetest Édu » il y a « Édu ». Ce n’est pas (simplement) pour damer le pion à Microsoft. Les jeux de minages sont des outils intéressants et innovants pour expérimenter d’autres formes de pédagogies.

Voici un article de SVTux, un professeur de SVT convaincu des avantages des serious games… pour les avoir testés lui-même.

le Coming out simulator un serious game d'éducaiton populaire à la tolérance. CC-0 Nicky Case
Coming out simulator un serious game d’éducation populaire à la tolérance.
CC-0 Nicky Case

Entre serious games et serious gaming

Un serious game est un jeu vidéo pensé pour être éducatif. Par opposition, le serious gaming est le détournement d’un jeu classique dans un contexte pédagogique.

Avec Minetest, nous sommes à la frontière de ces deux mondes. En effet, si de base, son utilisation pédagogique le place principalement dans le serious gaming, ses possibilités de personnalisation, adaptations, détournement, … peuvent assez facilement le positionner parmi les serious games !

Quelques anecdotes pour comprendre l’intérêt pédagogique

Si vous n’êtes pas familier de ce type de jeu, j’imagine que vous êtes en train de vous dire : « mais qu’est-ce que ce truc encore ? », « c’est n’importe quoi ! », « quel est le rapport avec les programmes ? »…

Je vais donc commencer par vous raconter 3 petites anecdotes :

  • Sur la première version du collège construite par mes élèves en janvier 2015, j’ai eu la surprise de constater que ces derniers avaient choisi les cubes en fonctions de leurs couleurs afin de correspondre au mieux à la réalité « visuelle ». Par conséquent, le sol (et les plafonds) avaient été construit en grès. Grave erreur ! Car le jeu tient compte des processus d’érosion ! Autrement dit, au bout de quelques jours dans le jeu, nous nous sommes retrouvé avec un tas de sable gigantesque au milieu du collège ! ! ! (En effet, le grès termine en grains de sable de par les processus d’érosion)
  • Pendant l’une de mes dernières séances : « Monsieur, Monsieur, je ne comprends pas : j’ai bien construit l’enclos comme vous avez demandé ! Par contre je crois qu’il y a un bogue dans le jeu parce que lorsque j’y met des poules, il y a des œufs mais les poussins ne naissent pas ! ». Je l’interpelle en lui proposant d’ajouter un coq dans son enclos : « Génial Monsieur, vous avez corrigé le bogue, maintenant il y a même des poussins qui naissent, grandissent et deviennent des poules ou des coqs ! »

Mais allons plus loin avec cette 3e anecdote (arrivée le 1er avril 2016, et ce n’est pas un poisson !) :

  • Comme d’habitude, je retrouve le vendredi midi les élèves les plus motivés par Minetest pour le « club minetest » et l’un d’eux me demande s’il peut me montrer ce qu’il a fait pendant le week-end de Pâques (bon, jusque là, rien d’anormal, je m’attends à voir une maison de plus ! Lol). L’élève démarre le jeu en « local » et m’explique comment il construit des voitures dans le jeu. Sauf que ses voitures, elles roulent, tournent… Bref, de vraies voitures ! Et surtout, par défaut, le jeu que je lui avais transmis ne le permettait pas. Je lui demande comment il a fait : « c’est très simple monsieur, j’ai créé un mod, si vous voulez, je vous le donne ! » (là, mon cerveau se met en mode sérieux). Je regarde, il m’explique plus en détail… et je comprends qu’il a vraiment fait du code… tout seul, en s’inspirant des autres mods du jeu. Cet élève, ne trouvant pas l’option dans le jeu avait décidé de créer l’option lui-même. Depuis hier, son mod est intégré dans le serveur du prof. Respect, cet élève a 11 ans.

Ces anecdotes doivent d’ores et déjà vous laisser entrevoir quelques pistes d’exploitation pédagogique… Mais allons plus loin !

Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.
Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.

Pistes d’exploitation pédagogique :

Minetest permet de travailler en s’amusant dans la quasi totalité des disciplines : du Français au Sciences, en passant par la philosophie, l’histoire ou encore les langues étrangères et la technologie. Rien que cela !

A minima les points des programmes suivants peuvent être abordés :

  • Apprendre à se repérer sur une carte, un plan.
  • Comprendre et savoir appliquer la notion d’échelle.
  • Découvrir les notions de cycles de vie, de chaînes et réseaux alimentaires, l’agriculture humaine, de biomes…
  • Découvrir les principales notions de géologies (érosion, volcanisme…).
  • Comprendre l’influence des conditions météorologiques, de l’Homme… sur l’environnement.
  • Découvrir la notion de modélisation.
  • Apprendre à coopérer et collaborer.
  • Découvrir les matériaux, leurs propriétés, les notions de composites, etc.

Et que dire philosophiquement, lorsqu’on interdit l’usage des armes dans le jeu, des élèves qui constituent des stocks d’armement dans leurs coffres avec l’argument : « Ne vous inquiétez pas Monsieur, nous n’allons pas nous en servir… c’est juste au cas où ! »… de passionnant débats en perspective ! CQFD.

Exemple n°1, en Sciences de la Vie et de la Terre : « L’influence de l’Homme sur les peuplements »

Exemple n°2, Projet d’EPI : Géographie/Technologies/Mathématiques : « Construisons notre collège, notre ville…  »

Exemple n°3, Minetest, un outil pédagogique modulaire

Construisons notre collège.
Construisons notre collège.

Mais bien entendu, il faut garder à l’esprit que les possibilités pédagogiques de Minetest n’ont de limites que celles de notre imagination !

Autres ressources pédagogiques :

De la coopération à la collaboration !

Minetest, tout comme Framapad, peut être qualifié d’outil collaboratif.

Pour rappel, un outil est qualifié de coopératif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ensemble un même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final (sans toucher/modifier la brique du voisin).

Par opposition, un outil est dit collaboratif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ce même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final et de modifier, supprimer… celle du voisin.

En classe, lors des premières séances, nous n’observons le plus souvent que de la coopération mais avec l’entraînement, et l’acceptation de la prise en compte de l’avis de ses camarades, la collaboration se met progressivement en place. Une fois la compétence acquise par les élèves, les groupes de travail deviennent plus efficaces et autonomes.

Il est donc nécessaire de prendre le temps et de renouveler les séances pour permettre aux élèves d’apprendre à collaborer. Cet investissement temporel vaut le coup !

Où trouver de l’aide ?

Comme tout logiciel libre qui se respecte, il existe une communauté riche de nombreux membres prêts à vous aider dans vos projets. Pour en savoir davantage, voici deux liens indispensables :

Mise à jour du 20/09/2016 : faisant suite à vos demandes, nous avons ouvert une section « Minetest » sur notre forum : https://framacolibri.org/c/framinetest-minetest

Pourquoi utiliser Minetest plutôt que Minecraft en milieu scolaire ?

Voici une question fréquente à laquelle il est assez simple de répondre lorsqu’on a testé les deux outils en milieu scolaire :

  • Minetest est écrit en C++ (Minecraft en Java) : il est par conséquent très léger et tourne facilement sur des machines peu puissantes.
  • Les fichiers de configuration sont au format txt, ce qui facilite la personnalisation.
  • Le jeu occupe peu de bande passante, ce qui est bien pratique lorsque votre établissement ne dispose pas d’une excellente connexion.
  • Étant libre, le jeu offre une main totale à l’administrateur comme aux utilisateurs (configuration, personnalisation…).
  • Le jeu est entièrement gratuit. Aucun frais n’est à envisager pour l’établissement.
  • Le jeu est réellement multiplateforme, ce qui permet un fonctionnement dans tous les environnements scolaires.
  • Enfin, soulignons qu’il ne nécessite pas d’installation pour les élèves : un simple copier-coller suffit, ce qui est bien pratique sur les machines des établissements scolaires !
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Minetest sur android, joué directement depuis un ordiphone.

Pour aller plus loin, il peut être intéressant, pour l’enseignant, de s’interroger sur l’intérêt de pousser uniquement en établissement des outils propriétaires (tel que Minecraft) chez de jeunes enfants quand on connaît l’impact de la publicité sur eux. Il est une évidence qu’il faut parfois rappeler : la diversité numérique dans le milieu scolaire est indispensable et devrait être la règle. Sinon, ne serait-ce pas une forme de publicité forcée et/ou de formatage ? Que dirait-on si une entreprise célèbre de soda réalisait l’ensemble des livres scolaires sans qu’il y ait d’autres alternatives ?

Ami-e-s enseignant-e-s : veuillez noter que la carte proposée par défaut sert à tester Framinetest. Une autre carte est réservée aux activités pédagogiques.

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3 Responses

  1. galex-713

    Et ya jamais eu de réaction négative face à l’idée d’un jeu « éducatif » ? Parce que si l’expérience narrée là à l’air de fonctionner, c’est justement parce que l’impression que j’ai, c’est qu’on a pas fait de minetest un jeu éducatif, mais qu’on y a juste « joué » (j’ai envie de dire utiliser, parce que si on y ajoute la programmation, à ce niveau minetest se met à fonctionner comme emacs : quand l’extensibilité pousse des personnes à devenir programmeuses sans le faire exprès x)).

    En fait, pour moi, il y a une chose qui marche, et une qui marche pas. Là ce qui a marché, c’est qu’on a utilisé minetest non pas comme un logiciel éducatif, mais comme un moyen de mise en relation profs-élèves, ce qui du coup est pas mal parce que ça construit un dialogue et que par la suite l’enseignement, le débat, l’informatique, etc. gagne une dimension pratique et concrète…

    Par contre le problème du logiciel « éducatif » (comme là avec les « blocs lab » https://framablog.org/2016/05/28/minetest-piochez-en-lberte) c’est que c’est souvent rebutant, et pour cause, je pense que c’est une réaction inconsciente naturelle quand on a un outil qui tente « ludiquement » (ce mot ressemble beaucoup à de la propagande souvent, le genre qu’on trouve dans les pubs « de ce qu’il y a de meilleur pour Bébé »), en fait on *force* l’apprentissage d’un savoir de façon déconnectée de son usage/utilité concrète, pratique et réelle. Typiquement, là on déconnecte l’arithmétique de son utilité pratique, pour en fait non pas un savoir utile, mais une connaissance à connaître car il en a été décidé arbitrairement, et ce de façon indépendante et autonome de son utilité pratique. Normalement le cerveau humain est fait pour mieux apprendre proportionnellement à l’utilité d’une information (plus on utilise une information, mieux on la connait), et là, pour « forcer » l’apprentissage du Saint Programme, on déplace l’utilité de quelque chose de scientifique, technique ou quotidien à quelque chose d’artificiel, une carotte d’Autorité qu’on pourra changer quand bon nous semble. Perso je pense que le rebut que provoque les logiciels éducatifs et autres « enseignements ludique » est une résistance naturelle et une réaction épidermique à un type de manipulation qui ressemble beaucoup à celui de la publicité, en dehors du fait qu’il est beaucoup plus visible et répandu.

    Du coup, à mon avis, si les élèves sont du genre à kiffer minecraft, ils vont être du genre à détester la version éducative, j’en suis persuadé. Je suis sûr que ça sera rebutant de forcer les connaissances « officielles » (celles que le Marché recherche, celles que l’école force et celles qui font office de « capital culturel » dans la vie adulte), et qu’il y aura certainement une résistance automatique à ça, au moins au début. Je pense que si on veut « concurrencer », en tout cas évincer minecraft et l’approche de microsoft, les « premiers acteurs », ça ne sera pas les enseignant, mais les élèves. Et que la meilleure approche serait d’*exploiter* cette résistance et d’éviter de nous aussi jouer la carte du « logiciel éducatif » mais « oh mais là c’est mieux c’est en libre ». Éviter de copier les dérives autoritaires et manipulatrices du logiciel privateur dans le logiciel libre, en se disant qu’il ne faut pas « laisser ça au monopole privateur ». Du coup tout ce qui est forcing, manipulation, centralisation, hiérarchisation, cloud&cie, il faudrait éviter de le copier chez nous, à l’instar de la totalité de la classe politique qui mime le FN en se disant que comme ça ils augmenteront en popularité autant que le FN, ce qui du coup fait monter le FN vu que les gens finissent par « préférer l’original à la copie » comme ces derniers le disaient… Je pense qu’on devrait éviter l’approche autoritaire et centralisatrice mais qu’on devrait plutôt utiliser l’informatique non pas comme un moyen autoritaire et centralisateur de « forcing » et d’autorité sur les élèves, mais justement comme moyen de libération, d’autonomie, de coopération avec elleux : typiquement l’approche de l’utiliser pour se mettre en relation avec les élèves est bien meilleure que d’implémenter foule de mobs « éducatifs ».

  2. pyg

    Je suis globalement d’accord avec ta critique (même si j’ai des points de désaccord), mais autant le constat peut être partagé, autant j’espère que tu n’attends pas de Framasoft qu’on mette en œuvre les solutions que tu évoques.
    Parce que là, ça serait http://yakafokon.detected.fr direct 🙂

    Merci de ne pas nous mettre sur les épaules les échecs de l’éducation nationale et sa surdité volontaire face au libre. Ce n’est pas (ce n’est plus) le combat de notre association. Nous, on a « juste » souhaité démontrer qu’une alternative à Minecraft Edu existe, et que des alternatives libres sont bien plus intéressantes à long terme. Notre boulot s’arrête là. Aux enseignants, parents d’élèves, élèves et – on peut rêver – au ministère de prendre le relais.

  3. Yvan

    Bonjour, pour répondre en partie à Galex (deuxième publication de ce post en copier coller de l’annonce de Framinetest èdu)

    En contexte éducation populaire, nous avons utilisé minetest pour créer des Machinimas avec des jeunes au Centre Social du Chemillois.

    En amont nous avions suivis une formation avec Benjamin Duchesne de la compagnie sixmonstre qui est une référence autour de ce jeu. Tout cela dans le cadre d’un Fond d’expérimentation jeunesse où nous essayons de travailler un maximum avec des outils libres Open Source

    Bref, les animateurs ont découvert et adoré, les jeunes ont adoré le fait que ce soit simple d’insérer des nouveaux MODS, donc plus d’objets (avec une entière compatibilité des mods, le point faible de Minecraft), plus de Fun.

    Et la mise en place du serveur est beaucoup plus simple… quel bonheur de voir un logiciel libre plus user friendly que le propriétaire !!!!!

    Pour voir les résultats et la documentation, c’est ici http://happyculturenumerique.fr/?p=694

    Cordialement,