Pour un plan national pour la culture ouverte, l’éducation ouverte et la santé ouverte
Crise ou pas crise, nous avons tout le temps besoin d’un savoir ouvert
La crise sanitaire du coronavirus nous oblige à réévaluer ce qui est fondamental pour nos sociétés. Les personnes essentielles sont bien souvent celles qui sont invisibilisées et même peu valorisées socialement en temps normal. Tous les modes de production sont réorganisés, ainsi que nos formes d’interaction sociale, bouleversées par le confinement.
Dans ce moment de crise, nous redécouvrons de manière aigüe l’importance de l’accès au savoir et à la culture. Et nous constatons, avec encore plus d’évidence, les grandes inégalités qui existent parmi la population dans l’accès à la connaissance. Internet, qui semble parfois ne plus être qu’un outil de distraction et de surveillance de masse, retrouve une fonction de source de connaissance active et vivante. Une mediathèque universelle, où le partage et la création collective du savoir se font dans un même mouvement.
Face à cette situation exceptionnelle des institutions culturelles ou de recherche, rejointes parfois par des entreprises privées, font le choix d’ouvrir plus largement leurs contenus. On a pu ainsi voir des éditeurs donner un accès direct en ligne à une partie des livres de leur catalogue. En France, plusieurs associations de bibliothèques et d’institutions de recherche ont demandé aux éditeurs scientifiques de libérer l’intégralité des revues qu’ils diffusent pour favoriser au maximum la circulation des savoirs et la recherche. Aux États-Unis, l’ONG Internet Archive a annoncé le lancement d’une National Emergency Library libérée de toutes les limitations habituelles, qui met à disposition pour du prêt numérique 1,4 millions d’ouvrages numérisés.
« Personne ne doit être privé d’accès au savoir en ces temps de crise », entend-on. « Abaissons les barrières au maximum ». L’accès libre et ouvert au savoir, en continu, la collaboration scientifique et sociale qu’il favorise, ne sont plus seulement un enjeu abstrait mais une ardente nécessité et une évidence immédiate, avec des conséquences vitales à la clé.
Il aura fallu attendre cette crise historique pour que cette prise de conscience s’opère de manière aussi large.
Cet épisode aura aussi, hélas, révélé certaines aberrations criantes du système actuel.
Ainsi, le portail FUN a décidé de réouvrir l’accès aux nombreux MOOC (Massive Online Open Courses) qui avaient été fermés après leur période d’activité. Ces MOOC « à la française » n’avaient donc, dès le départ, qu’une simple étiquette d’ouverture et vivent selon le bon vouloir de leurs propriétaires.
Pire encore, le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) s’est opposé à la diffusion de ses contenus en dehors de son propre site au nom de la « propriété intellectuelle ». L’institution nationale a envoyé des courriers de menaces à ceux qui donnaient accès à ses contenus, alors que ses serveurs étaient inaccessibles faute de soutenir l’affluence des visiteurs. Voici donc mise en lumière l’absurdité de ne pas diffuser sous licence libres ces contenus pourtant produits avec de l’argent public.
Quelques semaines avant le développement de cette crise, le syndicat CGT-Culture publiait une tribune… contre la libre diffusion des œuvres numérisées par la Réunion des Musées Nationaux. On voit au contraire à la lumière de cette crise toute l’importance de l’accès libre au patrimoine culturel ! Il faut que notre patrimoine et nos savoirs circulent et ne soient pas sous la dépendance d’un acteur ou d’un autre !
Ces exemples montrent, qu’au minimum, une équation simple devrait être inscrite en dur dans notre droit sans possibilité de dérogation :
Ce qui est financé par l’argent public doit être diffusé en accès libre, immédiat, irréversible, sans barrière technique ou tarifaire et avec une liberté complète de réutilisation.
Cela devrait, déjà, s’appliquer aux données publiques : l’ouverture par défaut est une obligation en France, depuis 2016 et la Loi République Numérique. Cette obligation est hélas largement ignorée par les administrations, qui privent ainsi des moyens nécessaires ceux qui doivent la mettre en œuvre dans les institutions publiques.
Mais toutes les productions sont concernées : les logiciels, les contenus, les créations, les ressources pédagogiques, les résultats, données et publications issues de la recherche et plus généralement tout ce que les agents publics produisent dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions de service public.
Le domaine de la santé pourrait lui aussi grandement bénéficier de cette démarche d’ouverture. Le manque actuel de respirateurs aurait pu être amoindri si les techniques de fabrications professionnelles et des plans librement réutilisables avaient été diffusés depuis longtemps, et non pas en plein milieu de la crise, par un seul fabricant pour le moment, pour un seul modèle.
Ceci n’est pas un fantasme, et nous en avons un exemple immédiat : en 2006, le docteur suisse Didier Pittet est catastrophé par le coût des gels hydro-alcooliques aux formules propriétaires, qui limite leurs diffusions dans les milieux hospitaliers qui en ont le plus besoin. Il développe pour l’Organisation Mondiale de la Santé une formule de gel hydro-alcoolique libre de tout brevet, qui a été associée à un guide de production locale complet pour favoriser sa libre diffusion. Le résultat est qu’aujourd’hui, des dizaines de lieux de production de gel hydro-alcoolique ont pu démarrer en quelques semaines, sans autorisations préalables et sans longues négociations.
Beaucoup des barrières encore imposées à la libre diffusion des contenus publics ont pour origine des modèles économiques aberrants et inefficaces imposés à des institutions publiques, forcées de s’auto-financer en commercialisant des informations et des connaissances qui devraient être librement diffusées.
Beaucoup d’obstacles viennent aussi d’une interprétation maximaliste de la propriété intellectuelle, qui fait l’impasse sur sa raison d’être : favoriser le bien social en offrant un monopole temporaire. Se focaliser sur le moyen – le monopole – en oubliant l’objectif – le bien social – paralyse trop souvent les initiatives pour des motifs purement idéologiques.
La défense des monopoles et le propriétarisme paraissent aujourd’hui bien dérisoires à la lumière de cette crise. Mais il y a un grand risque de retour aux vieilles habitudes de fermeture une fois que nous serons sortis de la phase la plus aigüe et que le confinement sera levé.
Quand l’apogée de cette crise sera passée en France, devrons-nous revenir en arrière et oublier l’importance de l’accès libre et ouvert au savoir ? Aux données de la recherche ? Aux enseignements et aux manuels ? Aux collections numérisées des musées et des bibliothèques ?
Il y a toujours une crise quelque part, toujours une jeune chercheuse au Kazakhstan qui ne peut pas payer pour accéder aux articles nécessaires pour sa thèse, un médecin qui n’a pas accès aux revues sous abonnement, un pays touché par une catastrophe où l’accès aux lieux physiques de diffusion du savoir s’interrompt brusquement.
Si l’accès au savoir sans restriction est essentiel, ici et maintenant, il le sera encore plus demain, quand il nous faudra réactiver l’apprentissage, le soutien aux autres, l’activité humaine et les échanges de biens et services. Il ne s’agit pas seulement de réagir dans l’urgence, mais aussi de préparer l’avenir, car cette crise ne sera pas la dernière qui secouera le monde et nous entrons dans un temps de grandes menaces qui nécessite de pouvoir anticiper au maximum, en mobilisant constamment toutes les connaissances disponibles.
Accepterons-nous alors le rétablissement des paywalls qui sont tombés ? Ou exigerons nous que ce qui a été ouvert ne soit jamais refermé et que l’on systématise la démarche d’ouverture aujourd’hui initiée ?
Pour avancer concrètement vers une société de l’accès libre au savoir, nous faisons la proposition suivante :
Dans le champ académique, l’État a mis en place depuis 2018 un Plan National Pour la Science Ouverte, qui a déjà commencé à produire des effets concrets pour favoriser le libre accès aux résultats de la recherche.
Nous proposons que la même démarche soit engagée par l’État dans d’autres champs, avec un Plan National pour la Culture Ouverte, un Plan National pour l’Éducation Ouverte, un Plan National pour la Santé Ouverte, portés par le ministère de la Culture, le ministère de l’Education Nationale et le ministère de la Santé.
N’attendons pas de nouvelles crises pour faire de la connaissance un bien commun.
Silvère Mercier, engagé pour la transformation de l’action publique et les communs de capabilités;
Julien Dorra, Cofondateur de Museomix.
Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le peuvent à le republier de la manière qu’elles et ils le souhaitent, afin d’interpeller les personnes qui peuvent aujourd’hui décider de lancer ces plans nationaux: ministres, députés, directrices et directeurs d’institutions. Le site de votre laboratoire, votre blog, votre Twitter, auprès de vos contacts Facebook: tout partage est une manière de faire prendre conscience que le choix de l’accès et de la diffusion du savoir se fait dès maintenant.
Un kit de partage contenant HTML, PDF et captures du texte est disponible ici: http://savoirsouverts.fr/
Prendre de la hauteur
Aujourd’hui, nous vous proposons une petite (hum) analyse à chaud du processus de maturation des stratégies de Framasoft. Forcément incomplète et bancale, pyg essaie d’y dessiner — à partir du contexte actuel et des actions menées en réaction au confinement — le périmètre des actions à venir.
J’ai failli lui répondre « La stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre » de Naomi Klein, un livre qui reste toujours d’une grande actualité pour comprendre comment quelques personnes influentes avaient pu – et continuent à – influer le cours de l’histoire en utilisant la psychologie des foules, la peur et les états de sidération pour faire mettre en applications des doctrines néolibérales qui accentuent les inégalités.
Mais cela me paraissait un peu trop dense, et surtout pas forcément en connexion directe avec les moments inédits que nous traversons en ce moment et les solutions à y apporter.
J’ai donc proposé l’article du Financial Times « Le monde après le coronavirus » du professeur d’histoire Yuval Noah Harari. Une version traduite automatiquement par Deepl s’est retrouvée plus ou moins par hasard en ligne ici, et le magazine Usbek et Rica en a aussi fait une analyse.
Bien que je sois loin d’être un grand fan d’Harari, je lui reconnais volontiers le talent de mettre en perspective les situations, afin d’entrouvrir des portes d’avenirs possibles.
Dans ce texte, dont je ne partage pas l’ensemble de l’analyse, la phrase qui m’a le plus marqué est celle-ci « En cette période de crise, nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier est entre la surveillance totalitaire et la responsabilisation des citoyens. Le second est entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale ».
Les raisons de cette surveillance sont nombreuses, et l’une des plus probables fait probablement jouer ce bon vieux « putain de facteur humain » : les dirigeants gouvernementaux ont lâché l’affaire, et ne se voient plus que comme des « managers » de leur pays et de leurs concitoyens. Et de leur point de vue, pour manager, il faut contrôler.
Pris au dépourvu, et pas dupes du fait qu’il leur sera demandé des comptes dans quelques semaines ou mois, ils sont probablement pris de panique à l’idée d’être jugés pour leur inaction ou leur mauvaise gestion de la crise (et oui, « Gouverner, c’est prévoir ». #onnoublierapas. On ne pardonnera pas.). Après avoir fait l’autruche les premiers jours en demandant au peuple de continuer à travailler comme si ce n’était qu’une mauvaise grippe, ces « personnes en responsabilité », notamment politiques, ont fait ce qu’elles font le mieux : agiter les bras, donner de la voix, brasser de l’air, et faire quelques annonces tonitruantes, le tout en laissant les acteurs de terrain prendre des décisions dans l’urgence pour éviter qu’il n’y ait trop de casse. Cela a rassuré, un temps. Mais la crise étant amenée à durer, voire à se reproduire, ces personnes sont aussi conscientes que cela ne fera pas illusion longtemps.
Il leur faut soi-disant combattre un « ennemi » invisible (spoiler : un virus n’a pas d’intention belliqueuse, il fait sa vie de virus, point barre), microscopique, qui est pourtant aujourd’hui capable de mettre un coup d’arrêt à la sacro-sainte croissance des plus grandes économies mondiales. Se sentant sans doute un peu morveuses (ben oui, la réduction de nombre de lits d’hôpitaux, la précarité de celles et ceux qui sont aujourd’hui « au front », c’est bien eux qui l’ont organisée), elles doivent trouver un bouc-émissaire. Et quel meilleur bouc-émissaire que l’individu ? Celui qui ne respecte pas la loi, pas le confinement, pas le lavage des mains, pas les applaudissements quotidiens certes nécessaires et qui procurent un sentiment d’utilité, mais qui détournent notre attention d’une vigilance et d’une critique collective. Celui qui oserait dire : « Il y a eu du retard dans les mesures de confinement. ». C’est lui, celui qui refuse de prendre les armes pour mener une guerre qui n’en est pas une, qui pourra être incriminé par la suite, masquant d’autant plus facilement les atermoiements, et – disons-le – les erreurs bien plus importantes commises par d’autres.
Surveiller et punir, ça n’est pas très disruptif
Mais pour cela, ces responsables vont avoir besoin d’une alliée : la technologie.
En mettant en place ici une plateforme, là des outils de surveillance, ils pourront toujours dire « Regardez, nous avons agi. Et nos actions démontrent que grâce à nous, … [inventez la fin de la phrase : « La réserve citoyenne a pu aider les agriculteurs en sous nombre », « nous avons pu éviter que de mauvais citoyens contaminent des innocents », etc.] ». Décidément, surveiller et punir, ça n’est pas très disruptif.
Là où se situe, peut-être, la nouveauté, c’est dans la massification, l’hypertechnologisation et l’hypercentralisation de ces mécanismes de surveillance. L’État peut dès demain contraindre les opérateurs téléphoniques à fournir les données de géolocalisation de votre téléphone [edit: zut, le temps d’écrire cet article, et il semblerait qu’Orange le fasse déjà], afin de savoir qui vous avez croisé, à quelle heure, etc. Entre les mains de scientifiques, ces données pourraient être qualifiées de « données d’intérêt général ». Entre les mains de politiques fuyant leurs responsabilités et cherchant des boucs émissaires à sacrifier en place médiatique, elles composent une dystopie totalitaire.
Il sera alors simplissime de basculer d’une société de surveillance à une société de contrôle, ce qui est le rêve humide de pas mal de dirigeants politiques.
À partir de là, tout ce qui n’est pas sous contrôle — qu’il s’agisse d’un logiciel libre diffusant une information non contrôlée, ou d’un pays voisin qui ne serait pas parfaitement aligné avec leurs valeurs et leurs idées — deviendrait alors au mieux subversif, au pire ennemi. C’est en tout cas l’un des risques soulevé dans le texte d’Harari.
Alors évidemment, puisque « nous sommes en guerre » (non), tous les moyens seront permis, « quoi qu’il en coûte » (non plus).
Le positionnement des GAFAM & compagnie
Cette pandémie pose aussi la question de la place des plateformes comme soutien à la « continuité » qu’elle soit pédagogique, informationnelle, sociale (ah, les « CoronApéros » sur Whatsapp…) ou économique et organisationnelle.
Et là, plus que jamais, nous devons être vigilant⋅e⋅s et conscient⋅e⋅s du pouvoir que nous sommes en train de donner à quelques entreprises. Certes l’État fut défaillant. Il l’est encore. Mais Whatsapp, Facebook, Google Docs, ou les lives Youtube ont permis à nombre d’entre nous de rester connectés avec nos élèves, nos collègues, nos ami⋅e⋅s, nos familles.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour le directeur d’une association d’éducation populaire qui, depuis des années, alerte sur la toxicité du modèle économique des GAFAM, je leur suis reconnaissant.
Bon, je n’irai tout de même pas jusqu’à leur envoyer des cookies, mais je reconnais le rôle positif qu’elles ont eu dans un moment de panique mondiale qui aurait pu dégénérer.
En nous permettant de rester en lien, de se rassurer les un⋅e⋅s les autres, de partager de l’information, de réfléchir ou d’agir ensemble, ces plateformes ont – peut être – participé à éviter des situations « pires » que celles que nous avons vécues.
À Framasoft, nous essayons, autant que possible, de ne pas porter de jugement sur les pratiques ou les usages numériques, mais plutôt de donner des clés de compréhension et des moyens d’action. Afin que chacun⋅e puisse faire son choix en toute connaissance de cause, librement.
Ces dernières semaines, nous avons donc vu des flots de personnes se ruant sur Zoom, Discord, Google Docs, etc. Et nous nous sommes bien retenus de leur faire la morale, car la situation nous semble déjà suffisamment complexe comme cela.
Mais si notre rôle est de partager des grilles de lecture, alors j’aimerais partager les suivantes avec vous.
1. Un périmètre de surveillance accrue
La première, c’est celle de la capacité de surveillance accrue des plateformes. Tout un pan des interactions sociales qui leur échappait jusqu’à présent leur est aujourd’hui révélé. Whatsapp (qui appartient à Facebook), sait avec qui vous prenez l’apéro. Discord sait qui sont vos élèves. Netflix a pu affiner sa connaissance de vos goûts en termes de séries. Microsoft Teams connait les projets sur lesquels vous travaillez.
Bref, la taille du graphe social vient, en quelques jours, d’augmenter d’une taille significative.
1. Tranquiloubilou, l’appli Zoom transmettait vos données à Facebook(source)
2. C’est « corrigé » depuis, mais cela n’empêche que de nombreuses failles de sécurité, dont certaines gravissimes, ont existé (existent encore ?) (source)
3. Mais même le FBI vous prévient que vous risquez de voir débarquer un type tout nu pendant que vous êtes en visio avec Mamie. (source)
4. Bon ça n’empêche pas même les premiers ministres de faire des boulettes avec. (source)
5. Mais ça va, le cours de l’action de l’entreprise se porte très (très) bien depuis 2 mois. (Indice NASDAQ: ZM)
6. Et, c’est rigolo (non ?), ça profite quand même à Google, l’un des nombreux financeurs (pour l’instant à perte) de Zoom. (Source)
Tout agent économique rationnel devrait donc, à minima, se poser la question suivante : « Comment des entreprises comme Google, Facebook ou Zoom, arrivent-elles à se financer ? Qui paie ? ». La réponse « Par la publicité » est beaucoup trop partielle par rapport à la réalité. Ces entreprises sont en fait des structures d’orientation de nos comportements. Donc des structures de contraintes, et non émancipatrices. C’est ce que l’un des administrateurs de Framasoft, Christophe Masutti, expose dans son livre « Affaires privées — Aux sources du capitalisme de surveillance », en montrant que les choix qui ont abouti à ce capitalisme de surveillance ont été depuis longtemps motivés par la construction d’une économie prédatrice (de nos vies privées et de nos identités) et prescriptive (l’obligation de conformer nos comportements au marché).
Accroître nos usages sur ces plateformes, c’est donc augmenter le pouvoir qu’elles ont – et qu’elles auront – sur nous.
2. Substitution à l’État
La seconde grille de lecture, c’est celle de la substitution aux États, aux services publics, aux autorités administratives.
Il n’aura échappé à personne que nos représentants et élus nationaux, qui vivaient déjà une crise de confiance, sont aujourd’hui pointés du doigt pour leur gestion approximative de la crise. Dans ce cadre-là, il ne parait pas absurde de supposer que les organisations et les individus se retournent vers « ce qui marche, même quand le monde est à l’arrêt ». Et sur ce plan, nul doute que la confiance dans les plateformes vient de gagner pas mal de points. Tout agent politique rationnel aura donc intérêt à s’adosser aux plateformes, afin de profiter de l’effet de confiance qu’elles auront accumulé. Leur utilité à la vie publique, économique et sociale était déjà importante, elle est devenue aujourd’hui centrale et essentielle.
L’importance des GAFAM est devenue à ce point critique qu’il devient assez simple de comprendre que celui qui les contrôlera contrôlera le monde.
Si l’on regarde l’autre face de cette pièce, on peut déduire qu’au vu de l’accroissement de la puissance de ces plateformes, on constate un affaiblissement du pouvoir des États et des institutions qui les composent.
On va donc probablement voir dans les prochaines semaines/mois une tension entre deux courants.
D’un côté, la poursuite de la « plateformisation » de nos vies (et pas seulement de l’État). En période de confinement, obtenir un créneau de livraison – qu’il s’agisse d’une paire de chaussettes via Amazon ou d’un plat Thaï par Uber Eats – devient une gageure. D’autant plus que derrière le bouton « Commander », c’est bien un être humain qui doit conduire ou pédaler dans des rues désertées pour vous livrer, parfois au risque de sa vie.
D’un autre côté, il y aura probablement pour les États la volonté d’utiliser le régime d’exception de « l’état d’urgence sanitaire » et son cortège d’ordonnances pour restreindre les libertés fondamentales, notamment en contraignant les plateformes à fournir des données et des outils de surveillance.
Entre la peste et le corona, l’ami Antonio Casilli en vient à évoquer une troisième voie, en rupture totale avec les précédentes : « certaines de ces grandes plateformes sont en réalité des infrastructures d’utilité publique qu’on a intérêt a minima à réguler de manière contraignante, et a maxima à collectiviser. Je ne parle pas forcément de nationalisation, j’y suis même assez opposé, mais de retrouver la vocation initiale de ces plateformes, un terme qui évoque un projet commun. Cette approche par les communs serait un profond changement de nature qui pourrait émerger de l’urgence. ».
Ça, c’est certain, c’est une solution qui aurait de la gueule, du panache même ! Et qui profiterait vraiment à plusieurs milliards d’êtres humains, hormis la petite dizaine de multi-multimilliardaires qui contrôlent ces entreprises. Mais bon, même si à 7 milliards contre 10 personnes, l’affaire serait vite pliée, je ne suis pas dupe du fait que les mentalités ne sont pas encore prêtes à envisager une telle bascule de la propriété privée vers les communs.
Et on fait quoi, nous, libristes, là dedans ?
« Les libristes », ça n’existe pas plus que « les profs » : les communautés et individualités sont multiples. Mais je me suis permis ce long détour, essayant d’entrevoir des avenirs possibles, afin de tenter d’expliquer quelle pourrait être la stratégie de Framasoft dans les semaines et les mois à venir.
Sortir de la sidération
Pour l’instant, et comme notre « Journal du confinement » vous en a donné les bribes, notre principale réaction a été, eh bien… de réagir. Ce qui est bien plus facile à écrire qu’à faire.
Il s’agissait surtout de sortir de l’état de sidération dû aux chocs des annonces de confinement. Chocs dus aux répercussions sur nos services, mais aussi répercussions psychologiques sur les équipes salariées comme bénévoles. Cela s’est mis en œuvre de la façon suivante :
Axe 1 : prendre la mesure
Les trois premières actions, immédiates, furent :
1. de mettre au clair le fait que la santé (physique, mentale, psychique) et le bien-être de chaque membre passait en priorité devant toute autre mission ou engagement. C’était évidemment déjà le cas avant, mais cela a permis de mettre tout le monde à l’aise : si on est angoissé, malade, fatigué, qu’on a des courses à faire, les enfants à qui il faut faire la classe, ou même si on est juste en colère après la situation, eh bien on peut arrêter de travailler ou de bénévoler, ne plus répondre aux notifications ou messages. Et ce, sans autre justification que la situation exceptionnelle vécue en ce moment. C’est bête, mais le rappeler nous a, je pense, fait du bien à tou⋅te⋅s.
2. de suspendre tous les projets en cours : crowdfunding, PeerTube, Mobilizon, Framacloud, etc. Et d’affecter toutes les forces bénévoles et salariées sur la problématique COVID-19. Cela nous a permis de ranger dans un placard tous les « onglets mentaux » qui seraient venus nous rajouter de l’anxiété ou de la charge mentale. Avoir un et un seul objectif clair (pouvoir accueillir la vague qui nous tombait dessus) nous a évité de nous disperser, ce qui serait immanquablement arrivé si nous avions essayé de jongler en plus avec nos tâches « pré-confinement ».
3. dire temporairement non à l’Éducation Nationale. Nous l’avons évoqué à de multiples reprises ici ou ailleurs, cela n’a pas été une décision facile à prendre. Mais faire ce choix et inviter profs et élèves à se référer à leur Ministère n’a eu quasiment que des effets positifs !
Il a participé à mettre en lumière l’impréparation du Ministère (qui affirmait que « Tout était prêt »).
Il a permis à toutes les associations, collectifs, particuliers, petites entreprises, syndicats qui utilisaient nos services de pouvoir continuer à les utiliser. En cas de panne due à l’afflux brusque et soudain d’élèves, toutes ces structures se seraient retrouvées sans accès à leurs données, ou sans capacité de se coordonner avec leurs outils habituels.
Il a rappelé que Framasoft n’est pas un service public, et ne souhaite pas s’y substituer. Non, parce qu’en vrai, on aime les services publics et voir des entreprises, des startups ou même des associations prendre leur place est à notre avis une très très mauvaise idée, et concourt à les affaiblir plus qu’à les renforcer.
Sur ce dernier point, il est à noter 1) que nos services viennent de rouvrir aux enseignant⋅e⋅s, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une ressource partagée dont il ne faut pas abuser ; 2) qu’en dehors de deux ou trois grincheux, l’immense majorité des enseignant⋅e⋅s ont compris et même soutenu notre démarche. Merci à elles et eux pour tous les messages d’encouragement reçus.
Axe 2 : renforcer le collectif CHATONS :
Nous avons mis du temps salarié (et stagiaire) à organiser des réunions CHATONS, préparer des communiqués, des images, structurer et synthétiser des idées. Merci à tous les membres du collectif qui se sont mobilisés !
Axe 3 : améliorer les perfs et la stabilité de nos services
Nos équipes techniques ont travaillé d’arrache-claviers à l’amélioration des performances des logiciels qui étaient stressés. Ainsi, il est probable que Framasoft soit l’organisation qui opère le plus de pads et de calcs dans le monde (500 000 pads et 200 000 calcs, qui dit mieux ?). Du fait de cette position, la moindre amélioration des performances sur le logiciel original, permet de rendre nos services plus performants, mais aussi d’améliorer à terme les performances et la stabilité de tous les pads ou calcs de la planète. Dit autrement : les améliorations apportées à Framapad.org pendant le confinement (ici, là où là) profitent aux pads April, aux pads Infini, aux pads de La Quadrature ou de la FFDN, etc. ;
Nous avons réparti la charge entre nos services pris d’assaut par ceux identifiés et validés. Cf. par exemple https://framatalk.org/ qui redirige vers plusieurs dizaines d’autres instances de façon aléatoire ;
Nous avons loué une dizaine de nouveaux serveurs et commencé à répartir les services surchargés dessus.
Axe 4 : accompagner par des outils, des savoirs-faire, des savoirs/expérience.
Il s’agissait de répondre aux besoins et aux appels à l’aide.
fermeture de nos messages privés sur les médias sociaux car l’accroissement des messages et l’attente de réponses immédiates nous mettaient trop de pression (rappelons encore que Framasoft n’est pas une startup, et ne souhaite pas le devenir !). Merci de passer par notre guichet unique, qui vous réorientera.
Mise en place d’un service web pour accéder à Mumble (sans avoir besoin de télécharger le logiciel, qui reste indispensable si vous voulez vous créer un salon à vous)
développement d’une application Nextcloud (encore non publiée) qui permet d’ajouter un message sur la page d’accueil (nous en avions besoin pour rdv-medecins, justement) :
Bon, c’est déjà pas mal.
Surtout en 15 jours. Surtout en pleine pandémie.
Mais cela ne fait pas vraiment une stratégie. Ni un plan.
Il faudra évidemment dénoncer les lois liberticides qui ne manqueront pas d’arriver. Il faudra garder traces de tous les mensonges. (je le répète : #onnoublierapas. On ne pardonnera pas.)
Il faudra aussi pousser les institutions à prendre conscience du fait qu’il faut prendre soin de nos infrastructures numériques. Développer ou contribuer activement aux alternatives libres à Zoom (coucou Jitsi) ou à Google Docs (coucou Nextcloud et LibreOfficeOnline) coûterait peu. Très peu. Trop peu ? Car c’est à se demander comment une micro-association comme Framasoft peut se retrouver à développer, de front, des logiciels comme PeerTube, Mobilizon, Framadate, Framaforms et bien d’autres tout en contribuant en parallèle au code d’Etherpad, d’Ethercalc ou de Nextcloud, sans que ces mêmes institutions, qui utilisent ces logiciels, ne les perçoivent comme des « communs stratégiques ».
[Edit : le temps de publier ce billet, nous apprenons par hasard que PeerTube sera déployé par 35 académies. Tant mieux, vraiment. C’est exactement ce qu’il faut faire. Maintenant, cela ne fera sens et ne sera résilient (encore un terme absorbé par le capitalisme) que si l’État contribue au développement de ce logiciel, porté à bout de bras par une petite association Française, si des moyens financiers sont débloqués pour héberger les données en interne (Scaleway, c’est anciennement Online, filliale à 100% du groupe Illiad détenue majoritairement par le multimilliardaire Xavier Niel), et si le ministère embauche et rémunère correctement des équipes informatiques pour gérer les services. Sinon, on revient exactement à la situation de l’État-prédateur-gestionnaire-irresponsable pré-COVID19.]
L’État et les collectivités paient (et c’est tant mieux, car c’est aussi leur rôle, même si l’État s’est fortement désengagé ces dernières années) pour entretenir les espaces publics, les voiries, les chemins, les espaces naturels. Mais quand il s’agit de produire des briques publiques en logiciel libre, les initiatives restent bien timides. Inviter les développeurs et développeuses du libre à produire des alternatives à Zoom ou Google Docs en mode Startuffe Nation ou même en mode communautaire/associatif, puis à en devenir simple consommateur, revient quelque part à nier le caractère essentiel de ces infrastructures numériques.
Numérique et effondrement
Il y a un an quasiment jour pour jour, mon camarade Gee et moi-même donnions une conférence lors des JDLL 2019 sobrement intitulée « Numérique et effondrement » et cyniquement sous-titrée « La bonne nouvelle c’est que le capitalisme va crever. La mauvaise nouvelle, c’est qu’on risque fort de crever avec lui. ».
La vidéo fut perdue, mais nous avons pu remettre la main sur la bande son et, du coup, on vous a refait un montage avec le son et le diaporama, sans nos trombines. Franchement, vous êtes gagnants.
C’était un peu foutraque (nous ne sommes pas experts du sujet). On y parlait dérèglement climatique, perte de biodiversité, risque de pandémie (bon, rapidement, nous ne sommes pas devins non plus), inaction politique et, évidemment, numérique.
Cela avait été pour moi l’occasion de réfléchir à ce que nous pourrions faire, nous, libristes, dans un monde où l’Etat serait en grande partie absent.
Cette réflexion était loin d’être aboutie (il faut dire qu’on espérait peut-être avoir quelques années pour l’affiner), et surtout, elle ne présentait qu’une stratégie parmi des millions de stratégies possibles, des milliers de souhaitables, et des centaines qui pourraient être mises en œuvre.
Elle se résumait en gros en 6 points. Ces points ne constituent ni un plan de bataille (on n’est pas très belliqueux), ni une stratégie (qu’on vous exposera dès qu’on l’aura conçue 😉 ), mais ils constituent à mon avis une ligne directrice, un fil rouge, qu’il pourrait être intéressant de suivre dans les mois à venir.
1. Convivialité
Il faudra poursuivre le développement d’outils conviviaux (au sens d’Ivan Illich).
Pour Framasoft, cela signifie reprendre le développement de Mobilizon et PeerTube, actuellement suspendus. Et voir si nous avons toujours les moyens humains et financiers de produire notre projet « framacloud » (un Nextcloud blindé d’extensions, avec du LibreOfficeOnline, ouvert à toutes et tous, mais avec un espace disque volontairement très limité).
Mais il y aura sans doute de nouveaux outils à inventer et à construire dans un monde post-confinement.
Nous resterons attaché⋅e⋅s à ce que ces outils soient libres et émancipateurs.
2. Communs
L’épisode Coronavirus aura montré qu’en tant que société, le choix entre intérêts privés et intérêt général est d’autant plus clivant, et n’est pas sans conséquence sur la vie de milliards d’individus.
Le discours « TINA » ne tient plus : il y a une autre voie entre une gestion privée et le tout-État, et ce sont les communs, ces multiples communautés se fixant des règles pour partager et pérenniser des ressources communes. La théoricienne des communs, Elinor Ostrom, a montré qu’une gestion collective peut être plus efficace qu’une gestion publique ou privée. La propriété exclusive est également à remettre en question, les communs mettent en lumière des formes de propriétés collectives variées et inventives.
Distincts du public et du privé — en tout cas en échappant à la propriété strictement privée et en ouvrant des propriétés « d’usage » — ils nous semblent la meilleure piste à développer pour prendre conscience de nos interdépendances (entre humains, avec la nature, avec les non-humains, etc.).
À Framasoft, nous continuerons à promouvoir les communs, notamment numériques.
3. Coopération, collaboration et contribution
Faire, c’est bien. Faire ensemble, c’est mieux.
L’un des plus grands défis que nous avons à relever en tant qu’association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels est peut-être de rappeler qu’il faut prendre soin d’Internet en général et du logiciel libre en particulier, car il s’agit de communs essentiels. L’immense majorité des gens n’ont aucune idée de la façon dont est conçu et développé un logiciel libre. Et pour celles et ceux qui le savent, très peu osent contribuer. En conséquence, l’épanouissement de logiciels libres repose beaucoup sur une forme de « caste de développeurs et développeuses », qui détiendrait l’espèce de pouvoir magique de transformer des lignes de codes en logiciels.
C’est entre autres pour contribuer à changer cet état de fait que Framasoft a initié sa campagne « Contributopia ». Il s’agit de rendre chacune et chacun légitime et capable face au numérique. Et cela ne pourra se faire qu’en accueillant, en mettant en confiance, en donnant des clés, en partageant nos savoirs et nos pouvoirs.
« La route est longue, mais la voie est libre » est un des slogans de Framasoft. Soyons honnêtes : nous tâtonnons et itérons encore sur ce chemin, mais nous savons que c’est la voie à suivre.
4. Collectif, et communauté
Faire c’est bien. Faire ensemble, c’est mieux. Se (re)connaître, c’est se donner les moyens d’aller plus loin.
Non, on ne va pas se mentir : le collectif, parfois, c’est la merde. On est pas d’accord, on se dispute, on peste après les engagements non tenus des uns, ou après les modalités de prise de décision des autres. C’est parfois épuisant.
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » dit l’adage. Et parfois, eh bien on a juste envie d’aller plus vite.
Cependant, une communauté ça vous soutient, ça vous nourrit. Parfois au sens littéral, car à Framasoft, nous ne vivons que de vos dons. À titre personnel, on peut donc dire que c’est la communauté Framasoft qui remplit mon frigo et paye mon loyer (merci !). Construire ou rejoindre un collectif ou une communauté, c’est un travail long, lent, parfois fastidieux. Ça nous bouscule. Mais là encore, dans « le-monde-d’après-mars-2020 », c’est probablement dans ces communautés, qu’elles soient locales ou virtuelles, que vous trouverez la force d’agir.
5. Confiance.
Wikipédia nous apprend que la confiance serait « un état psychologique se caractérisant par l’intention d’accepter la vulnérabilité sur la base de croyances optimistes sur les intentions (ou le comportement) d’autrui ». C’est un poil compliqué dit comme ça, mais on peut en retenir qu’il s’agit de se fier à quelqu’un.
Là encore, pour Framasoft, la confiance est essentielle. La confiance que notre communauté nous porte. Celle que nous plaçons dans les valeurs du libre.
La « crise de confiance » que nous vivons, notamment envers les responsables politiques ne doit pas nous amener à nous replier sur nous-mêmes. Nous continuerons donc à tisser des liens au sein de notre archipel. Tout simplement parce que nous ne voulons pas d’un monde où la méfiance serait le comportement par défaut.
6. Culture
« Mais qu’est-ce qu’elle vient faire là, la culture ? On parle bien de logiciel libre, non ? »
Eh bien elle a tout à faire là, la culture. Parce que c’est elle qui nous relie. Mais aussi parce que c’est elle qui nous différencie. Et que sans ces différences, tout serait normalisé, lissé… triste en fait. Mais aussi, parce que le logiciel libre, nous l’avons dit et répété, est un moyen et non une fin.
« Pas de société libre sans logiciel libre » avons-nous souvent l’habitude de dire. C’est donc bien cela que nous voulons, c’est bien cela notre objectif : une société libre.
D’après Wikipédia (toujours elle), « En sociologie, la culture est définie de façon plus étroite comme « ce qui est commun à un groupe d’individus » et comme « ce qui le soude », c’est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et créé. ». Ca tombe bien, Framasoft est classée — puisqu’il faut aux administrations une case pour chaque chose — dans la rubrique « associations culturelles ».
« En cette période de crise, nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier est entre la surveillance totalitaire et la responsabilisation des citoyens. Le second est entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale » disait Harari.
Face à ces choix, parce que le monde a changé, Framasoft devra donc inventer de nouvelles façons d’apprendre, transmettre, produire et créer.
entraide.chatons.org : des services libres en ligne sans inscription
Suite au confinement dû à l’épidémie de coronavirus, vous êtes nombreu⋅ses à avoir besoin d’outils pour continuer à communiquer avec vos proches et/ou télétravailler. Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires – CHATONS – (dont fait partie Framasoft) met en place https://entraide.chatons.org/, un portail d’accès simplifié à des services en ligne sans inscription et répondant aux besoins les plus courants.
On vous a déjà parlé de CHATONS, non ?
Initié en 2016 par Framasoft, ce collectif rassemble à ce jour plus de 70 structures qui proposent des services en ligne libres, éthiques, décentralisés et solidaires afin de permettre aux internautes de trouver rapidement des alternatives aux services proposés pas les géants du web. Les structures membres du collectif s’engagent notamment :
à n’utiliser que des logiciels libres ;
à ne pas exploiter les données des bénéficiaires de leurs services (= ne pas transmettre ou exploiter vos données) ;
à ne pas utiliser de régies publicitaires (ou autres services de pistage).
Très souvent, on explique que CHATONS, c’est un peu un réseau d’AMAP des services en ligne. Vous connaissez le principe des AMAP ? Ces associations qui proposent aux habitants des villes des paniers de légumes (ou autres denrées) issus de la production agricole locale (et souvent biologique) ? Là où les géants du web représenteraient l’industrie agro-alimentaire, les structures membres de CHATONS seraient des « paysans informatiques » proposant des services en ligne « bio » :
sans OGM (= sans logiciels privateurs ne garantissant pas vos libertés),
sans pesticide (= sans baser leurs revenus sur la vente de vos données personnelles),
sans marketing agressif (= sans régie publicitaire pistant vos comportements),
sans une « course au pouvoir d’achat », qui en réalité porte tort aux petits agriculteurs (= prix équitables entre les chatons et leurs bénéficiaires)
Des chatons qui font leur part
Parce que plusieurs structures au sein du collectif proposaient déjà aux internautes des services en ligne facilement accessibles depuis leur site web, nous avons pensé qu’il serait pertinent en cette période de les identifier et de les valoriser. Dès l’annonce du confinement, nous avons donc commencé à créer des pages sur notre litière pour lister les instances publiques d’outils répondant aux besoins les plus courants pour les personnes en situation de télétravail.
C’est en listant les adresses web de ces services qu’il nous a semblé judicieux de créer une nouvelle page sur chatons.org qui donnerait un accès direct à ces services, sans obliger les internautes à consulter une page sur notre wiki et à ensuite devoir aller sur la page du chaton pour accéder au service. D’autant plus que nous étions conscients que les internautes ne sauraient pas forcément quelle instance choisir parmi cette liste. C’est de là qu’est né entraide.chatons.org, un portail d’accès simplifié à des services en ligne sans inscription et répondant aux besoins les plus courants.
Pour la petite histoire, un petit groupe agile composé de membres du collectif, en particulier Angie, Lise, Thomas et Pierre-Yves de Framasoft, ainsi que Valentin d’ARN / Sans-nuage, et Florian des Colibris s’est retrouvé à faire des petits points réguliers en audioconférence à leurs heures perdues, à avancer par petits pas asynchrones sur le développement de cette nouvelle page web, et à se concerter par tchat (avec les outils libres que l’on préconise 😉 ), pour réaliser cette plateforme en une grosse semaine. Dans un contexte où tout le monde n’a que le mot solidarité à la bouche, nous vivions là une belle expérience irréversible de coopération !
la rédaction collaborative avec l’outil Etherpad (alternative à Google Docs)
la visioconférence avec l’outil Jitsi Meet (alternative à Skype, Zoom, etc.)
la prise de rendez-vous avec l’outil Framadate (alternative à Doodle)
le tableur collaboratif avec l’outil Ethercalc (alternative à Google Sheets)
le partage temporaire de fichiers avec les outils Lufi, Firefox Send ou Plik (alternative à WeTransfer)
le partage d’images avec l’outil Lutim (alternative à Imgur)
les tableaux de post-it avec l’outil Scrumblr (alternative à Padlet)
les raccourcisseurs de liens avec les outils Polr, LSTU ou rs-short (alternative à bit.ly)
le partage de textes sécurisé avec l’outil PrivateBin (alternative à Pastebin)
Et comme pour chaque outil, il existait plusieurs instances chez les chatons, nous avons mis en place une interface qui ne vous oblige pas à choisir chez qui vous utilisez ce service. Techniquement, on vous propose l’accès à une instance de chaque outil de manière aléatoire, chaque chaton pouvant indiquer son niveau de disponibilité pour chaque service.
Ainsi, sur entraide.chatons.org, lorsque vous souhaitez créer, par exemple, un pad pour y prendre des notes de manière collaborative, vous est indiqué le nom du logiciel utilisé (en l’occurrence Etherpad) et chez quel chaton ce pad sera créé. Cela permet de répartir la charge de création de nouveaux pads entre les 19 chatons qui proposent ce service. Ainsi, aucune structure ne se retrouve à devoir gérer une affluence trop massive d’internautes sur ses services.
Ainsi vous pouvez découvrir et utiliser librement ces services avec des garanties de respect votre vie privée, et autres valeurs rendant l’informatique moins dystopique, comme indiqué dans le manifeste et la charte du CHATONS.
Et après le confinement ?
Nous prévoyons de maintenir cette page au-delà du temps de confinement et même de l’enrichir dans les semaines / mois qui viennent afin de vous proposer à terme d’autres outils libres fournis par les chatons, y compris ceux nécessitant inscription ou ceux nécessitant un accès payant.
Nous espérons que ce sera pour vous l’occasion de découvrir et soutenir des structures locales qui œuvrent à nous rendre plus autonomes et souverains sur nos outils de travail en véhiculant des valeurs de solidarité et de partage.
Framaconfinement fin de la semaine 1 : regrouper ses forces
J’ai cette impression étrange que la semaine dernière, c’était il y a un an. Il y a tellement de choses qui se sont passées depuis jeudi matin que ça me semble impossible (donc inutile) de vouloir tout dire, tout résumer.
Cependant, il y a quelques grandes lignes que l’on peut écrire pour garder la trace des chamboulements vécus dans Framasoft.
Après la tempête
Après la « journée des petits trucs » de mercredi, jeudi me fait penser à ce moment de flottement où on retrouve ses esprits après le passage de la lame de fond.
Ce matin-là, les membres de l’équipe salariée ne sont pas déboussolé·es à devoir s’adapter face à l’urgence… Au contraire, tout le monde semble avoir pris ses marques : Luc, tcit et Chocobozzz bichonnent les serveurs, paramètrent les jitsi et les MyPads, ajoutent des instances volontaires au pool des Framatalks et Framapads possibles… Spf navigue entre le forum d’entraide et les tickets, tandis que Pyg, Angie et moi répondons sur les médias sociaux et rédigeons à qui mieux mieux.
Je m’inquiète un peu pour AnMarie, moins à l’aise avec nos outils d’échanges à distance, et qui peut être d’autant plus isolée que ses tâches administratives et comptables n’appellent, finalement, que peu d’interaction. Il y a aussi Théo, Lise, Arthur, Maiwann qui voient leurs stages et sujets d’étude prendre une tournure « autonomie » qui ne doit pas virer à l’abandon.
Regrouper ses forces…
Pour bien comprendre la suite, il faut savoir que Framasoft est une association par cooptation. N’importe qui est bienvenu·e pour contribuer aux projets, et s’amuser à faire et décider de les choses ensemble, hein ! Mais les membres de l’association, celles et ceux qui « ont signé pour en chier », les personnes qui mettent un peu de cathédrale dans notre bazar… Bref nos membres se choisissent entre elles et eux.
C’est grégaire, certes. Mais, selon mes 20 et quelques années d’expérience des assos, collectifs, troupes et communautés (expérience qui ne vaut que ce qu’elle vaut), ces regroupements où on se rassemble par la reconnaissance de l’affection et des valeurs communes sont en général les plus sains, les plus efficaces. On se fait plus confiance, on agit sans perdre trop de temps en réunionite, et les dramas s’y désamorcent plus aisément.
Tout ça pour dire que les membres de Framasoft sont avant tout liés par un sentiment d’amitié et de camaraderie qui n’a, encore une fois ici, pas fait défaut. Dès lundi 16, un fil « Une grosse pensée pour nos salarié·es » partageait plein d’encouragements dans notre liste de diffusion principale, par exemple. Et dès jeudi, les membres bénévoles de Framasoft, qui ont aussi un travail, des familles, des angoisses… bref tout un confinement à gérer, dès jeudi donc, ces membres ont en plus trouvé du temps et de l’attention pour prendre soin de Framasoft.
… renforcer le groupe
Que ce soit par des relectures des multiples textes que nous produisons, par de nombreuses réponses aux tickets de notre support et sur le forum d’entraide, par des mots d’encouragement des memes illustratifs ou des partages de veille sur les canaux de notre équipe Framateam… Cette présence, bienveillante et chaleureuse, crée une ambiance où on trouve plus facilement de l’énergie pour corriger ce bug revêche ou répondre à la frustration d’une personne confinée et perdue face à cet outil numérique devenu indispensable.
C’est aussi jeudi que nous avons pris notre premier café virtuel, en audio-conférence dans le salon « Framachine à café » de notre serveur Mumble. Organisé par Pyg (merci à toi !) ce moment de simple convivialité permet de lutter contre l’isolement face à un monde qui s’emballe. Nous ne dirons pas qui d’entre nous a découvert que le bouton 42 de la Framachine à café permet de servir une pinte de bière, il vous suffit de savoir que c’est la même personne qui avait brassé une Framabière artisanale dont on se souvient encore ;).
Ce jeudi enfin, Angie, Lise et Pyg ont travaillé à animer un autre groupe, le collectif des hébergeurs alternatifs CHATONS afin d’aboutir à une réunion via Mumble le soir même, où de nombreuses décisions ont été prises. Et c’est justement pour cela qu’on a besoin de se regrouper. Une période aussi exceptionnelle appelle de nombreuses décisions, exceptionnelles, dont on ne sait jamais si elles sont les bonnes, mais qu’il faut bien prendre. Renforcer le groupe, c’est aussi faire en sorte que des personnes ne se retrouvent pas seules face à des décisions, mais se dire qu’on va expérimenter ensemble, en groupe.
Des outils numériques que nous n’imaginions pas la semaine d’avant
Car des décisions pas faciles à prendre, il y en a eu !
Est-ce qu’il faut répondre à ce message de soignant·es qui nous demandent un outil pour que leurs patient·es puissent prendre des rendez-vous en ligne et ainsi gérer un agenda ? En ce moment, on pourrait croire que la question « aider des soignant·es » remporte un « oui » automatique. Mais la question est plus de savoir si nous avions les épaules, si nous saurions les accompagner, si nous ne risquions pas de les mettre dans une dépendance dangereuse par la suite…
Voilà comment tcit et Luc ont mis en place rdv-medecins.framasoft.org, aidés de spf pour le tutoriel d’utilisation. Si vous êtes médecin et avez besoin d’un outil pour votre prise de rendez-vous, vous pouvez nous contacter, mais notez bien que nous ne sommes pas un fournisseur de service professionnel, juste une asso loi 1901 qui essaie d’aider de son mieux, durant cette période exceptionnelle. L’avantage, c’est que l’outil utilisé (Nextcloud + ses applications « rendez-vous » et « calendar ») est libre, donc vous avez la liberté d’installer le même outil ailleurs, qui peut être aisément maintenu par des professionnels de l’infogérance.
Autre décision : faut-il publier dès cette semaine le mémo sur le télétravail, même s’il est encore imparfait ? Là aussi, nous avons décidé de publier sans fanfare ce mémo dirigé par Pyg où il y recueille les bonnes pratiques et les astuces concrètes (en plus des outils libres) de plus de 10 ans d’expérience en télétravail au sein de Framasoft. Vous pouvez le lire ici, le partager, et si vous voulez nous aider à le parfaire, cela se passe sur ce dépôt git.
Pendant ce temps, nous restons persuadé·es que l’audio-conférence est un outil bien plus efficace pour les réunions à 5, 10 ou plus… Je finis de rédiger et publier l’article annonçant l’ouverture de serveur Mumble, mis en place par les efforts conjoints de Luc, Pyg, spf (pour l’indispensable tutoriel d’utilisation illustré). Mumble, voilà un outil qui ne nous rajeunit pas ! Si son look est vintage, il est toujours aussi diablement efficace !
Un week-end où il est difficile de déconnecter
Quand la connexion numérique fait partie de votre outil de travail, mais qu’en plus elle devient le seul lien avec les proches… C’est dur de se déconnecter, et de se déconnecter de son boulot. Et on le voit bien parmi nos salarié·es, qui durant leur week-end en profitent pour organiser la semaine à venir, pour publier des articles ou des textes qui étaient en cours ou pour tester des scripts optimisant le partage de charges entre les instances des Framapad et Framatalk…
On voit aussi ce moment où les bénévoles de l’association prennent le relais sur les forces salariées, assurant une présence sur le forum d’entraide et dans les réponses aux tickets du support, ainsi que sur les réponses aux commentaires du blog.
Le collectif CHATONS est, lui aussi, essentiellement composé de bénévoles. Une nouvelle réunion se tient, en audio conférence, durant le week-end, pour trouver comment mettre en place les outils numériques de l’entraide. On va encore avoir des choses à préparer et annoncer pour la semaine prochaine, ça va être compliqué de ne pas y penser durant le week-end.
Gérer l’amplification des voix numériques
Il n’y a plus de café du commerce où on peut librement pester sur ce monde, plus de machine à café pour s’indigner des actualités, plus de coin de rue où on taille la bavette pour être sûr·e que d’autres que soi peuvent entendre le son de notre propre voix.
Alors on tweete. On pouette. On publie sa story sur Facebook et son poteau sur Reddit. L’afflux de monde sur les médias sociaux est sensible, c’est dur de ne pas intervenir. Chez Framasoft, nous tenons particulièrement à ce que nos choix soient compris, à s’assurer que nous les avons bien expliqués. C’est dur de ne pas répondre à cette énième injonction à rendre des comptes sur les arbitrages difficiles que nous avons faits cette semaine.
C’est d’autant plus frustrant que certains tweets commentent nos décisions plus pour râler un bon coup que pour parler avec nous. Framasoft et ses décisions n’y ont (en vérité) qu’une importance accessoire : le message, c’est qu’une personne est frustrée, fatiguée, esseulée.
Moi j’ai trouvé comment garder pour moi un coin de mon esprit : je sacrifie mes données à Nintendo, et je m’enfuis sur une île déserte dans une version vidéoludique de Playmobil. Le monde n’en va pas mieux, hein, mais au moins, je prends le temps de sourire.
Un librecours pour mieux contribuer à la culture libre
C’est aujourd’hui que s’ouvrent les inscriptions au librecours « Libre Culture » pour se former aux enjeux et mécaniques des licences libres sur les œuvres culturelles. Ça tombe plutôt bien puisqu’une partie d’entre nous se demandent comment ne pas s’ennuyer en cette période de confinement ;-). Nous ne résistons pas à l’occasion de vous présenter ces librescours, dont celui-ci est l’un des premiers d’une liste que nous espérons longue et prospère !
Prendre part à la culture libre, celle du partage
Si l’on va chercher dans les principes fondateurs d’Internet, à l’époque où des scientifiques mettent en place les réseaux pour échanger et se partager leurs travaux, il y a la notion de partage du savoir qui s’enrichit lorsqu’il est diffusé librement. Ce n’est donc pas une notion nouvelle, et nombre d’artistes et créatrices clament qu’elles se hissent sur les épaules des géants, qu’ils ont été influencés par toute une culture reposant sur les œuvres de l’esprit d’artistes qui les ont précédés.
Cette culture du partage, dans le monde numérique, s’est retrouvée dans la culture libre. Car le logiciel libre ne se résume pas à une manière efficace, transparente et collaborative de produire du code. Non, ça, c’est l’open-source. Le logiciel libre offre, en plus de l’open-source, une éthique. Il propose une vision de la société, de la place du code et des personnes qui le créent dans cette société.
Car ce n’est pas le logiciel qui est libre, ce n’est pas l’œuvre qui est libre : c’est nous, les humains qui le sommes.
La culture du Libre repose sur les licences libres
Grâce à la démocratisation de l’outil numérique, nous avons assisté à la diffusion des outils de production des œuvres de l’esprit (écrits, images, sons, vidéos, code…), à la popularisation des savoirs-faire anciens et nouveaux (telles que les pratiques du remix, du mash-up, des mèmes), et à la venue de nombreux outils pour diffuser nos créations.
Participer à notre culture commune n’est plus réservé à une élite bien née. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à pouvoir apporter notre pierre à l’édifice culturel commun. Combien de vidéastes à succès utilisent des sons, musiques, et polices d’écriture libres, tout en partant du savoir libre de Wikipédia pour leurs recherches ? Ce n’est là qu’un exemple du foisonnement vertueux de la culture libre.
Chez Framasoft, nous pensons qu’il est important que toutes ces œuvres de l’esprit qui naissent ou vont naître puissent, à leur tour, prendre leur place dans la culture libre. Pour cela, nous souhaitons offrir à toute les personnes qui vont les créer, les utiliser, les modifier, les étudier, les diffuser, etc. les clés de cette culture, qui repose sur un outil à la fois juridique et symbolique : les licences libres.
Au fond, c’est quoi, ces « licences libres » ? Pourquoi est-ce qu’elles seraient importantes ? Est-ce qu’elles ne vont pas me léser en tant qu’autrice ? En tant que lecteur ? Que vidéaste ? Que bibliothécaire ? Elles s’appliquent pareil aux logiciels et aux vidéos ? Aux musiques ? Aux livres ? Aux jeux vidéo ? Qu’est-ce que je peux partager légalement et comment savoir si je suis hors-la-loi ? Et comment fait-on pour s’y retrouver, dans tout ça ?
Inscrivez-vous au deux premières sessions du librecours sur la Culture Libre
Dans la lignée du MOOC CHATONS, nous vous proposons cette fois-ci un librecours pour acquérir les clés de la culture libre. Que vous soyez créateur, prescriptrice, spectateur, étudiante, ou tout ça à la fois, ce cours vous permettra de savoir comment exploiter un contenu culturel en ligne et diffuser les vôtres.
Et à contexte exceptionnel, mesures exceptionnelles, il a été décidé d’ouvrir deux sessions de ce librecours afin de permettre à celles et ceux d’entre nous qui ont davantage de temps dans les jours à venir de pouvoir le terminer plus rapidement.
Ces deux sessions débuteront le lundi 6 avril 2020.
La session LCIII durera 3 semaines et vous demandera 7 à 8h de votre temps chaque semaine.
La session LCVI s’étendra sur 6 semaines et sera donc moins intense (3 à 4h par semaine).
Le suivi des apprenant·es étant encadré, les places sont limitées aux 10 premières personnes pour la session LCIII (3 semaines) et aux 20 premières pour la session LCVI (6 semaines). Inscrivez-vous sur le site librecours et sur l’équipe Mattermost prévue à cet effet.
Alors c’est certain, tout le monde ne pourra pas profiter de ces deux premières sessions : leur encadrement sera assuré par nos bénévoles, Stéphane (auteur de Traces, un roman libre publié chez Framabook) en tête.
Nous voulons, encore une fois, commencer modestement, pour apprendre de cette expérience et faire un nouveau pas vers cette idée d’Université Populaire du Libre, Ouverte, Autonome et Décentralisée qu’est le projet UPLOAD, une des actions de notre feuille de route Contributopia.
À vous de participer à cette aventure pour mieux prendre votre place dans la Culture du Libre en vous inscrivant à ce librecours !
On parle beaucoup en ce moment d’une « saturation des réseaux », de « risques pour l’Internet », qui justifieraient des mesures autoritaires et discriminatoires, par exemple le blocage ou le ralentissement de Netflix, pour laisser de la place au « trafic sérieux ». Que se passe-t-il exactement et qu’y a-t-il derrière les articles sensationnalistes ?
La France, ainsi que de nombreux autres pays, est confinée chez elle depuis plusieurs jours, et sans doute encore pour plusieurs semaines. La durée exacte dépendra de l’évolution de l’épidémie de COVID-19. Certains travailleurs télétravaillent, les enfants étudient à la maison, et la dépendance de toutes ces activités à l’Internet a suscité quelques inquiétudes.
On a vu des médias, ou des dirigeants politiques comme Thierry Breton, réclamer des mesures de limitation du trafic, par exemple pour les services vidéo comme Netflix. Les utilisateurs qui ont constaté des lenteurs d’accès à certains sites, ou des messages d’erreur du genre « temps de réponse dépassé » peuvent se dire que ces mesures seraient justifiées. Mais les choses sont plus compliquées que cela, et il va falloir expliquer un peu le fonctionnement de l’Internet pour comprendre.
Réseaux et services
D’abord, il faut différencier l’Internet et les services qui y sont connectés. Si un élève ou un enseignant essaie de se connecter au site du CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) et qu’il récupère un message avec une « HTTP error 503 », cela n’a rien à voir avec l’Internet, et supprimer Netflix n’y changera rien : c’est le site Web au bout qui est surchargé d’activité, le réseau qui mène à ce site n’a pas de problème. Or, ce genre de problèmes (site Web saturé) est responsable de la plupart des frustrations ressenties par les utilisateurs et utilisatrices. Résumer ces problèmes de connexion avec un « l’Internet est surchargé » est très approximatif et ne va pas aider à trouver des solutions aux problèmes. Pour résumer, les tuyaux de l’Internet vont bien, ce sont certains sites Web qui faiblissent. Ou, dit autrement, « Dire que l’Internet est saturé, c’est comme si vous cherchez à louer un appartement à la Grande Motte au mois d’août et que tout est déjà pris, du coup vous accusez l’A7 d’être surchargée et demandez aux camions de ne pas rouler. »
On peut se demander pourquoi certains services sur le Web plantent sous la charge (ceux de l’Éducation Nationale, par exemple) et d’autres pas (YouTube, PornHub, Wikipédia). Il y a évidemment de nombreuses raisons à cela et on ne peut pas faire un diagnostic détaillé pour chaque cas. Mais il faut noter que beaucoup de sites Web sont mal conçus. L’écroulement sous la charge n’est pas une fatalité. On sait faire des sites Web qui résistent. Je ne dis pas que c’est facile, ou bon marché, mais il ne faut pas non plus baisser les bras en considérant que ces problèmes sont inévitables, une sorte de loi de la nature contre laquelle il ne servirait à rien de se révolter. Déjà, tout dépend de la conception du service. S’il s’agit de distribuer des fichiers statiques (des fichiers qui ne changent pas, comme des ressources pédagogiques ou comme la fameuse attestation de circulation), il n’y a pas besoin de faire un site Web dynamique (où toutes les pages sont calculées à chaque requête). Servir des fichiers statiques, dont le contenu ne varie pas, est quelque chose que les serveurs savent très bien faire, et très vite. D’autant plus qu’en plus du Web, on dispose de protocoles (de techniques réseau) spécialement conçus pour la distribution efficace, en pair-à-pair, directement entre les machines des utilisateurs, de fichiers très populaires. C’est le cas par exemple de BitTorrent. S’il a permis de distribuer tous les épisodes de Game of Thrones à chaque sortie, il aurait permis de distribuer facilement l’attestation de sortie ! Même quand on a du contenu dynamique, par exemple parce que chaque page est différente selon l’utilisateur, les auteurs de sites Web compétents savent faire des sites qui tiennent la charge.
Mais alors, si on sait faire, pourquoi est-ce que ce n’est pas fait ? Là encore, il y a évidemment de nombreuses raisons. Il faut savoir que trouver des développeurs compétents est difficile, et que beaucoup de sites Web sont « bricolés », par des gens qui ne mesurent pas les conséquences de leurs choix techniques, notamment en termes de résistance à la charge. En outre, les grosses institutions comme l’Éducation Nationale ne développent pas forcément en interne, elles sous-traitent à des ESN et toute personne qui a travaillé dans l’informatique ces trente dernières années sait qu’on trouve de tout, et pas forcément du bon, dans ces ESN. Le « développeur PHP senior » qu’on a vendu au client se révèle parfois ne pas être si senior que ça. Le développement, dans le monde réel, ressemble souvent aux aventures de Dilbert. Le problème est aggravé dans le secteur public par le recours aux marchés publics, qui sélectionnent, non pas les plus compétents, mais les entreprises spécialisées dans la réponse aux appels d’offre (une compétence assez distincte de celle du développement informatique). Une petite entreprise pointue techniquement n’a aucune chance d’être sélectionnée.
D’autre part, les exigences de la propriété intellectuelle peuvent aller contre celles de la technique. Ainsi, si BitTorrent n’est pas utilisé pour distribuer des fichiers d’intérêt général, c’est probablement en grande partie parce que ce protocole a été diabolisé par l’industrie du divertissement. « C’est du pair-à-pair, c’est un outil de pirates qui tue la création ! » Autre exemple, la recopie des fichiers importants en plusieurs endroits, pour augmenter les chances que leur distribution résiste à une charge importante, est parfois explicitement refusée par certains organismes comme le CNED, au nom de la propriété intellectuelle.
Compter le trafic réseau
Bon, donc, les services sur le Web sont parfois fragiles, en raison de mauvais choix faits par leurs auteurs, et de réalisations imparfaites. Mais les tuyaux, eux, ils sont saturés ou pas ? De manière surprenante, il n’est pas facile de répondre à cette question. L’Internet n’est pas un endroit unique, c’est un ensemble de réseaux, eux-mêmes composés de nombreux liens. Certains de ces liens ont vu une augmentation du trafic, d’autres pas. La capacité réseau disponible va dépendre de plusieurs liens (tous ceux entre vous et le service auquel vous accédez). Mais ce n’est pas parce que le WiFi chez vous est saturé que tout l’Internet va mal ! Actuellement, les liens qui souffrent le plus sont sans doute les liens entre les FAI (Fournisseurs d’Accès Internet) et les services de vidéo comme Netflix. (Si vous voyez le terme d’appairage – peering, en anglais – c’est à ces liens que cela fait allusion.) Mais cela n’affecte pas la totalité du trafic, uniquement celui qui passe par les liens très utilisés. La plupart des FAI ne fournissent malheureusement pas de données publiques sur le débit dans leurs réseaux, mais certains organismes d’infrastructure de l’Internet le font. C’est le cas du France-IX, le principal point d’échange français, dont les statistiques publiques ne montrent qu’une faible augmentation du trafic. Même chose chez son équivalent allemand, le DE-CIX. (Mais rappelez-vous qu’à d’autres endroits, la situation peut être plus sérieuse.) Les discussions sur les forums d’opérateurs réseau, comme le FRnog en France, ne montrent pas d’inquiétude particulière.
Mais pourquoi est-ce qu’il n’y a pas d’augmentation massive et généralisée du trafic, alors qu’il y a beaucoup plus de gens qui travaillent depuis chez eux ? C’est en partie parce que, lorsque les gens travaillaient dans les locaux de l’entreprise, ils utilisaient déjà l’Internet. Si on consulte un site Web pour le travail, qu’on le fasse à la maison ou au bureau ne change pas grand-chose. De même, les vidéo-conférences (et même audio), très consommatrices de capacité du réseau, se faisaient déjà au bureau (si vous comprenez l’anglais, je vous recommande cette hilarante vidéo sur la réalité des « conf calls »). Il y a donc accroissement du trafic total (mais difficile à quantifier, pour les raisons exposées plus haut), mais pas forcément dans les proportions qu’on pourrait croire. Il y a les enfants qui consomment de la capacité réseau à la maison dans la journée, ce qu’ils ne faisaient pas à l’école, davantage de réunions à distance, etc., mais il n’y a pas de bouleversement complet des usages.
Votre usage de l’Internet est-il essentiel ?
Mais qu’est-ce qui fait que des gens importants, comme Thierry Breton, cité plus haut, tapent sur Netflix, YouTube et les autres, et exigent qu’on limite leur activité ? Cela n’a rien à voir avec la surcharge des réseaux et tout à voir avec la question de la neutralité de l’Internet. La neutralité des réseaux, c’est l’idée que l’opérateur réseau ne doit pas décider à la place des utilisateurs ce qui est bon pour eux. Quand vous prenez l’autoroute, la société d’autoroute ne vous demande pas si vous partez en week-end, ou bien s’il s’agit d’un déplacement professionnel, et n’essaie pas d’évaluer si ce déplacement est justifié. Cela doit être pareil pour l’Internet. Or, certains opérateurs de télécommunications rejettent ce principe de neutralité depuis longtemps, et font régulièrement du lobbying pour demander la possibilité de trier, d’évaluer ce qu’ils considèrent comme important et le reste. Leur cible favorite, ce sont justement les plate-formes comme Netflix, dont ils demandent qu’elles les paient pour être accessible par leur réseau. Et certaines autorités politiques sont d’accord, regrettant le bon vieux temps de la chaîne de télévision unique, et voulant un Internet qu’ils contrôlent. Le confinement est juste une occasion de relancer cette campagne.
Mais, penserez-vous peut-être, on ne peut pas nier qu’il y a des usages plus importants que d’autres, non ? Une vidéo-conférence professionnelle est certainement plus utile que de regarder une série sur Netflix, n’est-ce pas ? D’abord, ce n’est pas toujours vrai : de nombreuses entreprises, et, au sein d’une entreprise, de nombreux employés font un travail sans utilité sociale (et parfois négatif pour la société) : ce n’est pas parce qu’une activité rapporte de l’argent qu’elle est forcément bénéfique pour la collectivité ! Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Je vous comprends, car, justement, la raison principale pour laquelle la neutralité de l’Internet est quelque chose de crucial est que les gens ne sont pas d’accord sur ce qui est essentiel. La neutralité du réseau est une forme de laïcité : comme on n’aura pas de consensus, au moins, il faut trouver un mécanisme qui permette de respecter les choix. Je pense que les Jeux Olympiques sont un scandaleux gaspillage, et un exemple typique des horreurs du sport-spectacle. Un autre citoyen n’est pas d’accord et il trouve que les séries que je regarde sur Netflix sont idiotes. La neutralité du réseau, c’est reconnaître qu’on ne tranchera jamais entre ces deux points de vue. Car, si on abandonnait la neutralité, on aurait un problème encore plus difficile : qui va décider ? Qui va choisir de brider ou pas les matches de foot ? Les vidéos de chatons ? La vidéo-conférence ?
D’autant plus que l’Internet est complexe, et qu’on ne peut pas demander à un routeur de décider si tel ou tel contenu est essentiel. J’ai vu plusieurs personnes citer YouTube comme exemple de service non-essentiel. Or, contrairement à Netflix ou PornHub, YouTube ne sert pas qu’au divertissement, ce service héberge de nombreuses vidéos éducatives ou de formation, les enseignants indiquent des vidéos YouTube à leurs élèves, des salariés se forment sur YouTube. Pas question donc de brider systématiquement cette plate-forme. (Il faut aussi dire que le maintien d’un bon moral est crucial, quand on est confiné à la maison, et que les services dits « de divertissement » sont cruciaux. Si vous me dites que non, je vous propose d’être confiné dans une petite HLM avec quatre enfants de 3 à 14 ans.)
À l’heure où j’écris, Netflix et YouTube ont annoncé une dégradation délibérée de leur service, pour répondre aux injonctions des autorités. On a vu que les réseaux sont loin de la saturation et cette mesure ne servira donc à rien. Je pense que ces plate-formes essaient simplement de limiter les dommages en termes d’image liés à l’actuelle campagne de presse contre la neutralité.
Conclusion
J’ai dit que l’Internet n’était pas du tout proche d’un écroulement ou d’une saturation. Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse gaspiller bêtement cette utile ressource. Je vais donc donner deux conseils pratiques pour limiter le débit sur le réseau :
Utilisez un bloqueur de publicités, afin de limiter le chargement de ressources inutiles,
Préférez l’audio-conférence à la vidéo-conférence, et les outils textuels (messagerie instantanée, courrier électronique, et autres outils de travail en groupe) à l’audio-conférence.
Que va-t-il se passer dans les jours à venir ? C’est évidemment impossible à dire. Rappelons-nous simplement que, pour l’instant, rien n’indique une catastrophe à venir, et il n’y a donc aucune raison valable de prendre des mesures autoritaires pour brider tel ou tel service.
Quelques lectures supplémentaires sur ce sujet :
Un exemple d’un article anxiogène (notez que, comme souvent dans la presse, le titre est beaucoup plus sensationnaliste que l’article, finalement assez mesuré),
Un point de vue d’un opérateur (tous les opérateurs Internet ne reprennent pas le récit des gros qui monopolisent les médias, notamment, il pointe bien l’aspect essentiellement « business » de l’affaire),
Si vous vous intéressez aux aspects opérationnels de l’administration de réseaux en période de crise, je vous recommande l’exposé d’un expert, Job Snijders (en anglais) ; vous y apprendrez pourquoi le poids (en kilos) d’un routeur compte et pourquoi les navires câbliers vont être, encore plus que d’habitude, une ressource critique,
L’association Framasoft tient à partager, même de manière irrégulière et foutraque, le résumé de ce qu’il se passe lorsqu’on héberge des outils d’échange et de collaboration en ligne en pleine période de confinement.
Ce journal, nous l’écrivons pour lever un coin de voile sur Framasoft, mais aussi pour nous, parce que ça nous fait du bien. Ne vous attendez donc pas à ce que tous les éléments de contextes vous soient systématiquement donnés, on livrera les choses comme elles viennent, plus cathartiquement que pédagogiquement.
Voici notre journée d’hier vue par Pyg, dans un texte dont il a fini le premier jet à 3h du mat’.
Prendre la mesure
Ce monde marche à l’envers.
D’habitude, c’est Pouhiou, mon collègue et ami qui use de sa plus belle plume pour écrire les billets du Framablog, et moi qui envoie des listes à puces aux bénévoles ou aux collègues à longueur de journée.
Mais en ce moment, le monde marche à l’envers.
Le premier billet de ce journal de bord aura donc été une liste à puces faite par Pouhiou. Et ce second billet, puisque nous avons décidé d’alterner les auteurs, sera plutôt une introspection. Ou une extraspection (oui, ça n’existe pas, mais à l’heure où je rédige ce billet, c’est encore mon anniversaire, alors je fais ce que je veux).
Sur le plan purement technique, cette deuxième journée de confinement aura, un peu, ressemblé à la précédente. On a couru de partout, en essayant non plus d’avoir le moins de casse possible (ça c’était hier), mais de commencer à voir comment on pouvait mettre les étais qui nous aideraient à continuer à être utiles.
Concrètement, Luc (notre adminsys) a commencé à migrer l’instance semestriel.framapad.org vers un des serveurs dédiés loué en urgence hier sur laquelle elle sera isolée, afin de laisser mensuel.framapad.org, toute surchargée qu’elle est, prendre ses aises sur le serveur où elles étaient toutes les deux. Il s’est aussi assuré que l’infra tenait bon, car il n’y a pas que les pads qui aient souffert, et à installé et configuré un serveur Mumble pouvant accueillir 1200 personnes en temps réel.
C’est peut être un biais, mais j’associe souvent Luc au mécanicien en fond de cale du rafiot, à serrer les boulons, à remettre de l’huile, à jouer de l’extincteur sur une pièce qui a trop chauffé. Mauvais caractère, râleur, mais sans lui nous ne serions rien.
Suite à la remise en page expresse hier des pages d’accueil framapad et framatalk, tcit, qui développait jusqu’à la semaine dernière Mobilizon a lui aussi prêté main forte sur l’infra, et aux collègues qui en avaient besoin. Notamment, il a mis à jour Framadrive, et Framagenda. C’est le genre de personne tellement compétente que lorsque vous lui demandez si une tâche peut être faite à 17h14, il vous répond dans l’instant que ça a été fait à 17h10. Je crois qu’il a aidé chacun⋅e d’entre nous aujourd’hui, y compris Théo (stagiaire INSA qui travaille sur Framaforms). Discrètement, efficacement. Sans lui, nous ne serions rien.
Chocobozzz, tout comme tcit, a dû temporairement arrêter (ou fortement ralentir) le développement de PeerTube. Depuis jeudi dernier, date de migration du serveur framatalk, il travaille avec Luc à mettre en place un JitsiMeet qui tienne la route (et d’après les au moins 752 messages lus sur le canal « Tech » de notre framateam, j’ai cru comprendre au milieu de leurs échanges en jargon-Klingon avec Luc que la doc de Jitsi était quand même franchement, franchement pas claire). Luc est actuellement en train de monter un autel à sa gloire dans son bureau, tant son travail sur Jitsi a été salutaire 🙇. Sans lui nous ne serions rien.
JosephK, notre développeur frontend, est lui, épargné (en quelque sorte) puisqu’il avait posé 4 semaines de congés pour finir les travaux de son écoquille, dans un coin reculé de la France. Il est censé revenir la semaine prochaine, mais avec des enfants à charge (et donc confinés), je ne sais pas encore s’il pourra (et pourtant il est clair qu’un peu d’air frais et d’énergie soulagerait bien les collègues). On ne sait pas. On verra. Sans lui, nous ne serions rien.
Mais Framasoft, ça n’est pas que de la technique (et les humains qui vont avec)
C’est aussi du support, de l’accompagnement, des échanges avec la communauté, pour la communauté.
SpF, par exemple, l’homme de l’ombre, celui qui a traité, je viens de vérifier, 28 122 tickets de support (oui, parce qu’un spam en faux positif, il faut bien le traiter aussi). Celui qui répond patiemment quand vous nous engueulez parce que votre mot de passe ne fonctionne plus (alors qu’en fait ça fait 5 fois que vous l’écrivez en majuscules au lieu de minuscules, que vous l’expliquer génère 6 messages de support, et quand, enfin, il vous montre – patiemment et poliment – que vous vous étiez trompé, vous ne vous fendez que rarement d’un « désolé » ou d’un simple « Merci »). C’est lui, aussi, qui vous retrouve le pad-absolument-vital dont vous avez perdu l’adresse (et là, parfois, vous vous répandez en louanges à son égard, merci). J’ai évidemment une pensée particulière pour lui car il n’a jamais caché qu’il était hypocondriaque (un vrai, pas un qui fait rire comme dans les films). Alors on essaie de dédramatiser à coup de « Comment ça va ? » « Bof, comme un hypocondriaque en pleine pandémie »… BaDoum Tss…
Aujourd’hui, SpF a réalisé un tutoriel Mumble qui pourra sans doute être fort utile pour celles et ceux qui veulent garder un contact audio en ces temps troublés. Sans lui, nous ne serions rien.
Une partie des communautés libristes a vu, au départ, la situation de pandémie comme une façon de prouver que le libre était LA solution aux défis techniques que nous rencontrons, tout en bottant le cul des GAFAM. Et beaucoup de gens ont tourné leur regard vers nous, comme si nous pouvions réellement changer la donne. Malheureusement, non, Framasoft seule est impuissante. Nous avons dit et répété que nous voulions participer à changer le monde, un octet à la fois, mais qu’il était hors de question de prendre sur nos épaules l’injonction de le sauver. Ben voilà, on ne le sauvera pas. Notre seul espoir à mon avis, et cela même en dehors du numérique, va résider dans notre capacité à faire, et faire ensemble. Plutôt que d’attendre un hypothétique sauveur.
Faire ensemble, c’est justement ce pourquoi nous avons initié le collectif CHATONS. Hier, c’était un peu le grand test : le « S » de CHATONS qui signifie « Solidaires », c’est pour de vrai ou c’est pour la gloriole et pour du beurre ?
Force est de constater que les chatons ont répondu à l’appel : en 24h, le collectif a pu rassembler des listes de plusieurs de dizaines de structures prêtes à proposer qui des pads, qui du Jitsi, qui de la VM, qui du Nextcloud, etc.
Le tout avec des valeurs de transparence, de respect des données personnelles, d’engagement à n’utiliser que du libre, et, ces structures l’ont démontrées hier, de la solidarité.
Mais organiser un tel foisonnement n’est pas simple : on a beau être plus « bazar » que « cathédrale », s’organiser c’est essayer de mettre de l’ordre dans le chaos, c’est trouver quelles sont les urgences et mettre en œuvre des plans d’actions.
Et ça, ça a été une partie du boulot d’Angie sur cette journée. Elle a ouvert des pages wiki, réorganisé des catégories du forum, modéré des messages. Bref, elle a essayé de canaliser les énergies pour qu’elles ne se dispersent pas dans l’agitation extrême d’hier. En parallèle, elle a travaillé avec le collectif spontané « Continuité pédagogique » pour relayer leur appel sur le framablog, qui vient de paraître aujourd’hui. Et elle doit autant que possible, continuer à prendre en charge les stages de Lise (sur CHATONS) et d’Arthur (en charge de nos traductions). Je partageais mon bureau avec elle et Anne-Marie. Ne plus l’entendre pester contre Drupal me manque déjà. Sans elle, nous ne serions rien.
Pouhiou, lui, n’est pas que la plume de Framasoft. Il en est le panache. Une force motrice. Toujours à l’écoute et attentionné. Et quand je dis attentionné, on est loin des 2 minutes d’attention avant de passer à autre chose. C’est plutôt du genre à détecter si je vais bien ou pas rien qu’à ma façon d’écrire « Hello World! » sur le tchat des salarié⋅es le matin. Je connais ses forces, mais aussi ses fragilités. Je sais que le confinement ne lui pèsera pas vraiment (nous sommes nombreux dans l’équipe à pratiquer le télétravail depuis des années). Mais je sais que son empathie naturelle va le conduire à s’inquiéter pour ses proches, dont nous sommes.
Pouhiou, hier comme chaque jour, a animé – avec Angie – nosmédiassociaux, a rédigé un mail-bilan à l’asso, mail qu’il a repris sur le blog sous la forme du premier billet de ce journal. Il a aussi animé une réunion à distance avec SpF et Maiwann (en formation au CNAM en ergonomie, et qui travaille sur la question de la pénibilité du support) sur la refonte nécessaire de notre plateforme de support face à l’afflux de visiteurs et visiteuses. Enfin, surtout, il a pris soin de nous. Il est resté toute une partie de la journée à l’écoute, sur le Mumble (un tchat audio) de l’association, à dire bonjour ou à prendre des nouvelles qui passait par là. Sans lui, nous ne serions rien.
Enfin, il y a Anne-Marie. L’invisible ou presque pour qui ne connaît pas Framasoft « In Real Life ». Secrétaire administrative et financière de l’association (oui, merci, nous sommes bien conscient⋅e⋅s de la position genrée de l’association et on y travaille :-/ ), c’est elle qui saisit les dons, fait une grande partie de la compta, passe nos commandes, expédie les colis, organise les A.G., etc. Je partage son bureau depuis maintenant plus de 4 ans, à LocauxMotiv. Et je m’inquiète pour elle. Parce que je la connais. Parce que je sais pour elle l’importance du « réseau social » (pas celui de Twitter ou Mastodon, vous ne l’y trouverez pas) : celui des ami⋅e⋅s, des collègues, de voisin⋅e⋅s de bureaux de LocauxMotiv, lieu dans lequel elle s’est beaucoup impliquée et fermé depuis hier. Et l’imaginer confinée chez elle, à Lyon, me fait… eh bien me fait mal, en fait. Car je sais que j’aurais beau l’appeler tous les jours, ou qu’elle peut entrer en contact avec n’importe lequel de ses collègues à n’importe quel moment, par n’importe quel moyen (téléphone, tchat, Mumble, visio, email, etc), pour elle, ça ne sera pas pareil. Pas juste différent. Moins bien. Beaucoup moins bien. Difficile sans doute. Douloureux peut-être. Sans elle, nous ne serions rien.
Prendre la mesure
Et moi, dans tout ça ?
Je me sens privilégié. J’étais à la campagne avec mon amoureuse le WE dernier, nous avons décidé d’y rester. Nous n’avons qu’une pièce chauffée, mais c’est tout à fait suffisant. Un jardin, des forêts. Nos proches vont bien. Une connexion internet 4G dont on n’a pas – pour l’instant – explosé le forfait. Bref, pour l’instant, le confinement je le vis plutôt bien, mais il faut dire que j’ai plusieurs années de télétravail derrière moi (alors que j’étais le premier et l’unique salarié de Framasoft).
Par contre, j’essaie de prendre la mesure de ce qui nous arrive. Et je n’y parviens pas.
Cela fait 12 ans que je suis salarié de Framasoft, d’abord en tant que délégué général, puis – suite au départ d’Alexis Kauffmann de l’association en 2014 – en tant que directeur. J’en ai vu passer des situations. Des ubuesques, des tendues, des tordues, des exaspérantes, des désespérantes. Mais là, on est face à autre chose. Et j’ai l’impression qu’il faudrait faire comme si rien n’avait changé.
J’ai bien compris l’intérêt des mesures de confinement (et de distanciation sociale, les copains de Datagueule expliquent ça très bien). Et je respecte ces mesures.
Merci de faire tourner cette vidéo de DataGueule, publiée sur leur chaîne PeerTube
Je veux bien être un bon petit soldat. Je veux protéger mes proches, les inconnu⋅e⋅s, les soignant⋅e⋅s.
Mais j’ai vraiment du mal avec des termes comme « Plan de Continuité d’Activité » ou « Continuité Pédagogique ».
Parce que, non, l’activité ne « continue » pas. Elle s’est pris une tarte dans la gueule, un coup de massue même, et ça n’est pas parce qu’elle bouge encore qu’elle « continue ».
J’ai fait ma part du job. J’ai produit (presque pour me détendre) un mémo sur le télétravail (publication demain a priori), parce que je sais que balancer des centaines de milliers de personnes en télétravail du jour au lendemain, c’est d’une violence inouïe pour un grand nombre d’entre elles. J’ai dû prendre des dizaines ou des centaines de décisions chaque jour depuis jeudi pour que Framasoft reste à flot, sans même savoir si ces décisions auraient du sens ou le moindre impact le lendemain. J’ai accompagné mes collègues comme j’ai pu, et je continuerai à le faire.
Mais qu’on ne me dise pas que l’activité « continue ».
Je sais que notre décision d’indiquer aux enseignant⋅es et aux élèves qu’ils et elles n’étaient plus les bienvenus chez nous a heurté. Cette décision, la mienne au départ, puisque je l’ai imposée d’urgence avant de pouvoir la faire valider par l’asso dont les membres avaient des urgences plus personnelles. Et elle n’a pas été facile à prendre. « « FRA » et « MA », c’est pour FRAnçais et MAthématiques », ai-je répété des milliers de fois ces dernières années. Donc, dire « non » aux profs est un crève-cœur pour moi. Mais, comme nous l’avons expliqué, même une infime portion de 800 000 enseignant⋅e⋅s et de 12 000 000 d’élèves, c’est trop pour nous. Cela se ferait au détriment des associations, collectifs, syndicats, TPE, particuliers, etc qui utilisent nos services et qui n’ont pas les moyens du plus gros Ministère de France. Alors certes, on va bricoler des trucs avec les CHATONS, et peut être le collectif « Continuité Pédagogique » va réussir son challenge, évitant à des EdTech affichant aujourd’hui leur solidarité de devenir les prédatrices de demain en poursuivant le processus déjà bien entamé de marchandisation de l’éducation.
Je me mets à la place de gamins qui ont entendu « Nous sommes en guerre » 4 ou 5 fois d’affilée par la plus haute autorité du pays [NDLR : 6 fois, en fait, il l’a dit 6 fois]. Qui sont enfermés chez eux. Qui ont interdiction de jouer avec ou de toucher leurs copains et copines… Et le problème, ça serait que de savoir comment des profs peuvent faire cours à 30 gamins en visioconférence, comme s’ils étaient encore en classe ? Comme si on « continuait » ?
Ça me paraît dingue. Le Ministère (avec qui nous ne sommes effectivement plus en très bons termes) s’acharne à tenter d’imposer des solutions techniques pour faire respecter la sacro-sainte « continuité pédagogique ». Je ne dis pas qu’à aucun moment ils ne pensent aux impacts psychologiques du confinement chez les enfants, mais de ce que j’en vois, vu d’ici, ça semble passer bien après le fait de leur fournir « la solution technique qui marche ». Je leur conseillerai bien de s’arrêter, de respirer un coup, et de changer d’attitude en passant de « donneur d’ordres » à « fournisseurs de ressources » en faisant confiance à chaque enseignant⋅e, individuellement, pour s’organiser collectivement avec ses collègues (et/ou avec les parents) afin d’apporter la meilleure solution selon les cas spécifiques, en lâchant prise sur le fait que pour le moment, personne ne maîtrise plus rien. Si on est prêt à confier nos enfants 7h par jour à des presque inconnu⋅es, je ne vois pas pourquoi on refuserait de leur faire confiance pour s’organiser dans le chaos ambiant. Mais je ne bosse pas au Ministère, et je suis fatigué de cette attitude du « Un qui sait, tous qui appliquent ».
Cette désorganisation globale causée par le caractère – forcément – impromptu de la crise sanitaire actuelle semble se retrouver dans tous les domaines de l’État. Tout est flou. « On vous dira demain ».
Je ne pointe pas du doigt l’impréparation de l’État (qui me semble réelle, mais ça n’est pas le sujet), mais le fait que ce dernier entretienne un discours de « directives au jour le jour » qui freinent la mise en place de dynamiques collectives locales, puisqu’on attend la grand messe du lendemain. Il y a bien sûr l’urgence médicale. Il y a aussi l’urgence sociale (« Lavez-vous fréquemment les mains », « Restez chez vous », c’est simple quand on est SDF ?). L’urgence éducative (que je différencie de l’urgence scolaire). L’urgence culturelle. L’urgence associative (les associations palliaient à bien des manques de l’État et se retrouvent aujourd’hui sans réelle capacité d’action, et avec des incertitudes fortes sur leur avenir). Etc.
Ce n’est pas un coup de gueule : j’ai conscience que c’est le bordel pour tout le monde, hein. Notamment pour toutes les professions qui (comme par hasard) avaient des régimes spéciaux : soignant⋅e⋅s, profs, cheminots, transports routiers, etc. Et je ne cherche pas de coupables.
Mais j’aimerais qu’on arrête de me dire qu’il faut que ça « continue ». Le monde a changé. Peut être temporairement, peut-être pas. Mais du coup, nous devons changer nous aussi.
Évidemment, je suis conscient que ce n’est pas la fin du monde (peut-être la fin d’un monde), et qu’on s’en relèvera. Et il me paraît normal, et sain, que certain⋅e⋅s aient besoin de « continuer » pour pouvoir sortir du sentiment d’angoisse ou d’irréalité dans lequel beaucoup d’entre nous sont plongés. Mais demain, une fois sorti de l’état de sidération, il faudra prendre la mesure de ce qui a changé. Retrouver et redonner du sens à nos actions. Et agir. Agir là où l’on se sent utile. Nous réorganiser.
Concernant Framasoft, cela signifie qu’on ne sait plus rien. Inutile de venir me demander « Quand PeerTube supportera-t-il le live streaming ? », « Est-ce que Mobilizon sortira en juin comme prévu ? », « On aurait besoin d’un cloud en urgence pour qu’un médecin puisse être en liaison avec le SAMU, vous pouvez fournir ? ». Avant, je savais. On me payait pour savoir. Aujourd’hui, je ne sais plus.
Et ce n’est pas si grave, peut être.
Voyons cela comme un reboot. Un reset. L’occasion de repenser les choses sous d’autres angles.
Mes collègues et moi, mais aussi les 25 membres bénévoles de l’association (que des pétales de roses fleurissent sous leurs pieds pour les 18 prochaines générations) ferons de notre mieux, mais pas plus. Parce qu’il va falloir apprendre et découvrir, avec vous, ce que ça fait de louer des serveurs quand il faut imprimer une attestation puis faire 2h de queue pour aller acheter un paquet de pâtes.
Notre priorité sera d’abord de prendre soin de nous et de nos proches, et sans doute alors trouverons-nous comment être de nouveau vraiment utiles dans ce nouveau monde.
Librement,
pyg, La Vineuse sur Fréguande, anciennement Donzy-Le-National (ça ne s’invente pas), le 17 mars 2020.
Note de Fred : et dans ce foutoir il y a aussi nous, les bénévoles, qui sommes en train d’écoper le bazar dans nos boulots respectifs en télétravail ou pas (une pensée pour Framatophe qui bosse au CHU de Strasbourg où ça ne doit pas être facile en ce moment) et qui trouvons quelques minutes pour venir fermer les parenthèses que pyg ouvre en masse et ne referme pas toujours, insensible qu’il est aux courants d’air, notre ours d’airain qui porte tant de monde sur ses solides épaules. Oui, chez Frama, on s’aime, et on aime aussi la typo propre.
Ouverture du MOOC CHATONS : Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle
C’est officiel, le premier module de notre parcours pédagogique pour favoriser l’émancipation numérique est désormais complet. À vous de vous en emparer, de le partager… et pourquoi pas de l’enrichir !
Prendre le temps de co-construire un MOOC avec soin
C’est en 2016 que la fédération d’éducation populaire La Ligue de l’Enseignement nous propose un partenariat autour de cette idée de cours ouverts en ligne à suivre librement pour cheminer vers l’émancipation numérique. En 2018, un financement de la fondation AFNIC nous permet de rassembler des ressources existantes et d’en créer de nouvelles pour les organiser en un séquençage pédagogique.
Seulement voilà, en plus de la loi de Murphy qui génère des retards, il faut bien avouer que c’est notre premier module de notre premier MOOC. Il nous a donc fallu du temps et des expérimentations (et quelques errements…) avant de parvenir au résultat que nous avons mis en ligne sur notre plateforme Moodle.
C’est donc avec beaucoup de modestie (et d’enthousiasme !) que nous vous présentons ce premier module, co-conçu avec la Ligue de l’Enseignement, que vous pouvez parcourir sur mooc.chatons.org.
Décrire le monde numérique d’aujourd’hui, sans drama ni paillettes
Intitulé « Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle », ce premier module se donne pour objectif de permettre à chacun⋅e d’entre nous de devenir des acteurs et actrices d’un Internet « bien commun », respectueux de l’individu et du collectif.
Pour être en capacité d’agir, nous pensons qu’il faut d’abord avoir une vision claire du monde sur lequel on veut agir. Chacune des trois séquences de ce premier module cherche à nous dépeindre comment le paysage numérique actuel s’est construit et où sont nos espaces d’action.
Pour le plaisir, voici la première vidéo de ce MOOC
La première séquence, « Internet, pourquoi et comment », revient en 4 leçons aux sources de notre monde numérique, de la création d’Internet aux problèmes posés par les réseaux sociaux et plateformes.
La séquence suivante, intitulée « Les GAFAM, c’est quoi ? Et en quoi c’est un problème ? » essaie en cinq leçons de dresser un portrait sans fard des géants du Web, de leur domination sur notre société et du système qui les porte : le capitalisme de surveillance.
Enfin, la séquence « C’est quoi les solutions ? » cherche à expliquer en cinq leçons les leviers d’action qui peuvent nous permettre de changer le paysage numérique, de sortir du rôle de consommateurs isolés et de créer des communautés d’acteurs.
Un module accessible à toutes, à tous, sans expertise requise
Le cours est déjà ouvert, et chacun·e peut y participer quand bon lui semble : il n’y a pas de période d’inscription à respecter. Le maître-mot, ici, c’est l’autonomie. Nous voulons laisser aux apprenant·es un maximum de libertés dans leur parcours pédagogique, quitte à ne pas mettre en place de système de certification.
Ainsi, les contenus pédagogiques ont été pensés pour être accessibles à toute personne voulant découvrir le cours, quel que soit son niveau de connaissances sur le numérique. Ni Framasoft, ni la Ligue de l’Enseignement n’assureront d’accompagnement pédagogique contraint à un calendrier : chacune et chacun peut suivre les leçons à son rythme, et gérer son temps consacré à ce MOOC.
Pour faciliter cette auto-gestion, chacune des séquences pédagogiques est accompagnée d’un questionnaire à choix multiples. Ainsi, chaque apprenant·e pourra auto-évaluer les connaissances acquises. Par ailleurs l’ensemble du module est accompagné d’un glossaire (pour se remettre en tête les termes et personnes-clés) ainsi que d’un forum d’entraide (où, par contre, nous essayerons d’être régulièrement présent·es).
Il est possible d’accéder aux contenus sans inscription, afin de pouvoir les partager librement. Nous vous conseillons cependant de vous créer un compte (c’est gratuit aussi), ce qui vous permettra justement de bénéficier de ces fonctionnalités avancées :
accès aux exercices d’autoévaluation avec les QCM ;
possibilité de suivre l’avancement de votre parcours de formation (pour reprendre une leçon là où vous vous étiez arrêté ou pour suivre vos résultats aux évaluations) ;
possibilité de gagner des points d’expérience au fur et à mesure de la réalisation du module ;
recevoir un badge en fin de parcours pédagogique, indiquant que vous avez bien réalisé l’ensemble du module ;
accès au forum d’entraide ;
accès aux annonces spécifiques du site (nouveautés, alertes, etc.).
Comme un logiciel libre, ce MOOC va évoluer
Comme d’habitude avec Framasoft, et en accord avec la Ligue de l’Enseignement, tous les contenus créés pour ce MOOC sont placés sous licence libre CC-By-SA (certaines images et vidéos sont issues de sites tiers, et signalées comme telles). Car nous espérons bien qu’il va évoluer, notamment grâce aux contributions et retours sur le forum d’entraide, ainsi qu’avec les apports des membres du collectif CHATONS.
Il faut donc voir ce MOOC comme un commun, organique, vivant : il grandit si l’on en prend soin. S’il manque des ressources, si un exercice est à côté de la plaque, si une leçon est trop longue, nous vous invitons à partager votre avis sur le forum d’entraide et à contribuer (comme pour un logiciel libre, tiens !).
Chez Framasoft, nous sommes bien conscient·es de ne pas avoir la science infuse. Il est donc très important que quiconque puisse remettre en question nos choix dans la forme comme dans le fond de ce MOOC. Si vous prenez le temps de rédiger un retour sur le forum d’entraide, vous nous apporterez une précieuse contribution. C’est la première fois que nous réalisons un tel contenu, nous avons donc beaucoup à apprendre !
C’est un petit pas pour les MOOC, mais un grand pas dans Contributopia
Pour l’instant, les modules suivants (sur la structuration et l’animation communautaire d’un membre de CHATONS d’une part, et sur la gestion de l’infrastructure technique informatique d’autre part) ne sont pas financés. Nous n’avons donc pas prévu de les faire en 2020. C’est aussi une chance : il nous faut attendre de voir comment sera reçu ce premier MOOC, afin de tirer les leçons de cette expérience.
Cependant, s’il y a de la demande (et des moyens) pour que l’on poursuive cette aventure, nous pourrons tenter le coup à partir de 2021… Car nous n’avons pas oublié que, dans notre feuille de route Contributopia, il y a le projet fou d’une Université Populaire du Libre, Ouverte, Autonome et Décentralisée (« UPLOAD »)…
Si la route vers cette UPLOAD est encore longue, la voie est libre… et un des premiers pas est certainement la sortie de ce premier module du MOOC CHATONS. À vous de le partager !