Collaborer pour un design plus accessible : l’exemple d’Exodus Privacy
Quand on prend conscience qu’un site web destiné au grand public devrait être plus facile à aborder et utiliser, il n’est pas trop tard pour entamer un processus qui prenne en compte les personnes qui l’utilisent… L’association Exodus Privacy prend la plume sur ce blog pour raconter comment elle a, avec Maiwann, une UX designeuse, amélioré l’interface de sa plate-forme d’analyse.
Exodus Privacy est une association loi 1901, créée en octobre 2017 et dont le but est d’apporter plus de transparence sur le pistage par les applications de smartphones. Dès le premier jour, le public visé était un public non-technique, afin de lui permettre de comprendre et de faire des choix éclairés.
Parmi les outils que nous avons développés, la plateforme εxodus permet d’analyser les applications gratuites du Google Play store et d’en indiquer les pisteurs et les permissions. Cette plateforme a été très utilisée dès son lancement, mais elle n’était pas facile d’utilisation pour les néophytes.
Comme nous n’avions ni le temps ni les compétences en interne, nous avons décidé de rémunérer une personne experte pour adapter notre plateforme à ce public de non-spécialistes. Il nous paraissait important d’avoir une personne qui comprenne qui nous sommes et quelles sont nos valeurs, nous nous sommes tourné·e·s vers Maiwann, UX designeuse.
Exodus Privacy : Maiwann, peux-tu expliquer qui tu es et ce que tu fais ?
« Bonjour, bonjour ! Je suis Maiwann, UX·UI Designer dans la vie, amoureuse du libre et du travail éthique. Je suis aussi membre de Framasoft depuis quelques mois. Je fais beaucoup de choses variées au niveau numérique, mais qui peuvent se résumer en : du design (au sens « conception » du terme).
Du coup je vais rencontrer des utilisateurs et utilisatrices, leur poser des questions pour comprendre quels sont leurs besoins et leurs frustrations, les observer utiliser des logiciels et voir où ça coince, puis je réfléchis à la manière de répondre à leurs problèmes en concevant des parcours fluides. Et enfin je peux faire des maquettes graphiques pour donner un peu « corps » à tout ça ^_^ C’est d’ailleurs exactement ce qu’il s’est passé ici ! »
D’abord, définir les personnes concernées…
Ce projet devait se dérouler en plusieurs phases et il partait bien des besoins du public. Pour mieux comprendre cette étape, voici un petit extrait d’une conversation de septembre 2018 entre Exodus Privacy et Maiwann :
Maiwann : Quel est votre public-cible ?
Exodus Privacy : Le grand public, bien entendu !
Maiwann : il va falloir préciser un peu plus, car à s’adresser à tout le monde on ne s’intéresse véritablement à personne 🙂
Cela nous a obligé·e·s à réfléchir justement à ce que nous mettions derrière ce terme qui nous paraissait pourtant si évident. Nous avons donc défini deux groupes plus précis de personnes.
Nous voulions tout d’abord faciliter la vie aux médiateurs et médiatrices numériques car nous sommes convaincu·e·s que ces personnes sont les mieux placées pour pouvoir accompagner le plus grand monde à mieux appréhender les outils numériques. Nous les avons donc incluses dans les personnes visées.
Nous avons co-délimité une deuxième cible : des personnes non-techniques et curieuses, prêtes à passer un peu de temps à réfléchir à leur vie privée sur téléphone.
Puis formuler les besoins
Le mois de janvier 2019 a permis à Maiwann de mener 14 entretiens avec des personnes correspondant aux profils sus-cités, trouvées par le réseau d’Exodus Privacy ou par les réseaux sociaux :
Laissons Maiwann raconter cette étape :
« Grâce aux réponses sur les réseaux sociaux et sur Cryptobib et Parcours numérique, des listes de diffusion pour médiateur·ices du numérique, j’ai pu discuter avec les 2 catégories de public que nous avions définies ! Ensuite, pour chacun·e, il s’agissait de s’appeler soit par téléphone soit en visio-conférence, de vérifier qu’iels étaient bien dans le public visé, et de discuter pendant à peu près une heure. L’idée était de voir où étaient les manques, pour savoir de quoi εxodus avait besoin prioritairement : une refonte du site ? De l’application ? Une campagne de communication pour faire connaître leurs actions ? Ce sont les entretiens qui allaient nous permettre de le savoir !
Je demandais aux médiateur·ices comment est-ce qu’iels menaient leurs ateliers, et comment la question du téléphone était abordée. Et j’ai découvert que, si le discours pour protéger sa navigation sur un ordinateur était très rodé, le téléphone était un sujet compliqué car… les médiateur·ices n’avaient pas de réponse lorsqu’on leur demandait comment agir !
C’était d’ailleurs un cas identique pour les personnes qui répondaient individuellement : elles avaient bien conscience de l’enjeu de vie privée vis à vis de leur téléphone, même si ce que faisaient ces pisteurs n’était pas toujours très clair, mais ne voyaient de toute façon pas du tout ce qu’il était possible de faire pour améliorer les choses !
Après tous ces appels, j’avais de grands axes récurrents qui se dégageaient. J’ai donc dessiné un petit résumé schématique, et nous nous sommes appelé·e·s le 28 février pour discuter de tout ça et de ce sur quoi on partait. »
Une fois le diagnostic posé (il y a X pisteurs dans telle application), la personne se retrouve bloquée avec des questions sans réponses : – Ok, il y a des pisteurs, mais on fait comment pour faire autrement ? – Qu’est-ce que ça fait réellement, un pisteur ?
Ces questions, que nous avions par ailleurs régulièrement en conférence, par mail ou sur les réseaux sociaux, nous ont permis de nous interroger sur le positionnement de l’association. En effet, nous avons toujours défendu une démarche scientifique, qui montre « les ingrédients du gâteau », mais ne porte pas de jugement de valeur sur tel pisteur ou telle application… et donc ne valorise pas de solution alternative.
Après discussions, nous avons convenu de l’importance de pouvoir apporter des outils de compréhension à ces personnes, afin que celles-ci puissent, encore une fois, décider en connaissance de cause. L’idée était donc de créer une page qui explique les pisteurs, une page qui explique les permissions et enfin une qui répond à la question « et maintenant, que puis-je faire ? », en proposant un panel d’outils, de réflexes et de ressources.
La conception des maquettes
C’était donc à nouveau à Maiwann de travailler. Tu nous racontes comment tu as débuté les maquettes ?
« J’ai repris les schémas-bilans des entretiens pour définir les parcours principaux des utilisateur⋅ices :
Arriver sur le site => Chercher le rapport d’une application => Comprendre ce qu’est un pisteur ou une permission => Trouver comment améliorer la situation.
L’enchaînement entre ces actions devait être facilité dans le nouveau parcours, et le contenu non-existant (ou non intégré) mis en avant. Par exemple, pour « qu’est-ce qu’un pisteur », εxodus avait déjà réalisé des vidéos que les entretiens avaient tous remontés comme « très bien faites » mais comme elles n’étaient pas intégrées au parcours, beaucoup d’utilisateurs·ices pouvaient passer à côté. Pour la page Alternatives en revanche, qui était la demande la plus forte, tout a été créé depuis zéro, en privilégiant les alternatives accessibles aux non-informaticien·ne·s et tout de même respectueuses de la vie privée.
Il m’avait aussi été remonté que parfois les formulations n’étaient pas très claires, parfois en anglais ce qui contribuait à un sentiment de contenu non-accessible à des néophytes. Cela a fait aussi partie des améliorations, en plus des pages explicatives, qui sont là pour dire « vous ne savez pas ce qu’est un pisteur ? Pas de souci, on vous l’explique ici ».
Et pour le reste, un travail d’harmonisation et de hiérarchisation du contenu pour que les différentes catégories de contenus soient bien distinctes les unes des autres et compréhensibles a permis de réaliser une refonte graphique aux petits oignons ! »
Le développement des maquettes
L’ensemble des membres d’Exodus Privacy étant bénévole, et donc le travail conséquent pour notre énergie et temps malheureusement limités, nous nous sommes mis d’accord sur un travail de développement itératif afin de mettre à disposition des utilisateurs et utilisatrices les nouvelles pages et fonctionnalités au plus tôt.
Après la présentation des maquettes en mai 2019, nous avons découpé les différentes tâches sur notre git, celles-ci ont été priorisées pour s’assurer que les besoins les plus importants soient traités en premier lieu, comme la page « mieux comprendre ». La majorité de ces tâches ont été implémentées, ce travail étant agrémenté d’allers-retours avec Maiwann afin de s’assurer que nous allions dans la bonne direction sans rater l’essentiel.
Notre code étant libre et open-source, une partie des fonctionnalités a même été faite par notre communauté !
Une partie du travail reste à faire, n’hésitez pas à aller jeter un œil si vous avez des compétences en développement !
Et maintenant ?
Le travail n’est pas totalement terminé et, grâce au Mécénat de Code lutin, nous avons pu poursuivre ce projet de refonte, mais pour l’application cette fois.
Laissons donc les mots de la fin à Maiwann…
« Il reste une étape de test utilisateur·ice à réaliser, pour bien vérifier que cette refonte va dans le bon sens, est adaptée aux besoins et que nous n’avons pas oublié un élément important, ou laissé un trou dans la raquette dans lequels les utilisateur·ice·s vont s’engouffrer !
De même, nous avons amorcé un travail d’harmonisation de cette refonte pour que l’application corresponde aussi aux maquettes, car c’est le point d’entrée principal du public (puisqu’il est question d’applications et de téléphone portable, c’est logique qu’elle soit privilégiée !).
J’ai hâte de réaliser ces dernières étapes (avec l’aide de Schoumi côté application !) pour finaliser ce super projet, car il contribue à démontrer qu’il est possible de réaliser des choses techniquement pointues, tout en parvenant à les rendre accessibles à des personnes non techniques, soit directement en s’adressant à elles, soit en fournissant un outil pertinent pour les médiateur·ices du numérique.
Cela contribue à mon monde idéal qui connecte le monde du libre et de la protection de la vie privée aux non-connaisseur·euse·s, et je ne peux qu’encourager d’autres projets qui ont cette démarche de travailler avec des designers pour y parvenir ! »
Hold-up sur les données de santé. Patients et soignants unissons-nous
L’Association Interhop.org est une initiative de professionnels de santé spécialisés dans l’usage et la gestion des données de santé, ainsi que la recherche en machine learning dans de multiples domaines médicaux. Aujourd’hui, en leur donnant la parole sur ce blog, nous publions à la fois une alerte et une présentation de leur initiative.
En effet, promouvant un usage éthique, solidaire et intelligent des données de santé, Interhop s’interroge au sujet du récent projet Health Data Hub annoncé par le gouvernement français pour le 1er décembre prochain. Devons-nous sacrifier le bon usage des données de santé sur l’autel de la « valorisation » et sous l’œil bienveillant de Microsoft ? Tout comme dans l’Éducation Nationale des milliers d’enseignants tentent chaque jour de ne pas laisser le cerveaux de nos enfants en proie au logiciels fermés et addictifs, il nous appartient à tous de ne pas laisser nos données de santé à la merci de la recherche de la rentabilité au mépris de l’éthique et de la science.
Hold-up sur les données de santé, patients et soignants unissons-nous
Par Interhop.org
La plateforme nationale des données de santé ou Health Data Hub, pour les plus américains d’entre nous, doit voir le jour d’ici la fin de l’année. Il s’agit d’un projet qui, selon le Ministère de la Santé, vise à « favoriser l’utilisation et multiplier les possibilités d’exploitation des données de santé » en créant notamment « une plateforme technologique de mise à disposition des données de santé ».
Or, à la lecture du rapport d’étude qui en détermine les contours, le projet n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs. Vous rappelez-vous, par exemple, du contexte conduisant à la création de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) en 1978 en France ? L’affaire a éclaté en mars 1974, dans les pages du journal Le Monde. Il s’agissait de la tentative plus ou moins contrecarrée du projet SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) visant à créer une banque de données de tous les citoyens français en interconnectant les bases de plusieurs institutions grâce à un numéro unique d’identification du citoyen : le numéro de Sécurité Sociale.
Ce scandale n’était pourtant pas inédit, et il ne fut pas le dernier… À travers l’histoire, toutes les tentatives montrent que la centralisation des données correspond à la fois à un besoin de gouvernement et de rentabilité tout en entamant toujours un peu plus le respect de nos vies privées et la liberté. L’histoire de la CNIL est jalonnée d’exemples. Quant aux motifs, ils relèvent toujours d’une très mauvaise habitude, celle de (faire) croire que la centralisation d’un maximum d’informations permet de les valoriser au mieux, par la « magie » de l’informatique, et donc d’être source de « progrès » grâce aux « entreprises innovantes ».
Concernant le « Health Data Hub », il s’agit d’un point d’accès unique à l’ensemble du Système National des Données de Santé (SNDS) issu de la solidarité nationale (cabinets de médecins généralistes, pharmacies, hôpitaux, Dossier Médical Partagé, registres divers et variés…). L’évènement semble si important qu’il a même été annoncé par le Président Macron en mars 2018. Par ailleurs, il est important de pointer que le SNDS avait été épinglé pour l´obsolescence de son système de chiffrement en 2017 par la CNIL.
De plus, l’infrastructure technique du Health Data Hub est dépendante de Microsoft Azure. Et ce point à lui seul soulève de grandes problématiques d’ordre éthique et réglementaire.
Alors que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) protège les citoyens européens d’un envoi de leurs données en dehors du territoire européen, la loi Américaine (Cloud Act) permet de contraindre tout fournisseur de service américain à transférer aux autorités les données qu’il héberge, que celles-ci soient stockées aux États-Unis ou à l’étranger.
Entre les deux textes, lequel aura le dernier mot ?
Les citoyens et patients français sont donc soumis à un risque fort de rupture du secret professionnel. La symbolique est vertigineuse puisque l’on parle d’un reniement du millénaire serment d’Hippocrate.
Le risque sanitaire d’une telle démarche est énorme. Les patients acceptent de se faire soigner dans les hôpitaux français et ils ont confiance dans ce système. La perte de confiance est difficilement réparable et risque d’être désastreuse en terme de santé publique.
C’est sous couvert de l’expertise et du « progrès » que le pouvoir choisit le Health Data Hub, solution centralisatrice, alors même que des solutions fédérées peuvent d’ores et déjà mutualiser les données de santé des citoyens Français et permettre des recherches de pointe. Bien que les hôpitaux français et leurs chercheurs œuvrent dans les règles de l’art depuis des années, il apparaît subitement que les données de santé ne sauraient être mieux valorisées que sous l’égide d’un système central, rassemblant un maximum de données, surveillant les flux et dont la gestion ne saurait être mieux maîtrisée qu’avec l’aide d’un géant de l’informatique : Microsoft.
Il est à noter que d’une part, il n’a jamais été démontré que le développement d’un bon algorithme (méthode générale pour résoudre un type de problèmes) nécessite une grande quantité de données, et que d’autre part, on attend toujours les essais cliniques qui démontreraient les bénéfices d’une application sur la santé des patients.
Pour aller plus loin, le réseau d’éducation populaire Framasoft, créé en 2001 et consacré principalement au développement de logiciels libres, veut montrer qu’il est possible d’impacter le monde en faisant et en décentralisant. C’est cette voie qu’il faut suivre.
La loi pour une République numérique fournit un cadre légal parfait pour initier des collaborations et du partage. La diffusion libre du savoir s’inscrit totalement dans la mission de service publique des hôpitaux telle qu’imaginée il y a des décennies par le Conseil National de la Résistance, puis par Ambroise Croizat lors de la création de la Sécurité Sociale.
On ne s’étonne pas que le site Médiapart ait alerté le 22 novembre dernier sur les conditions de l’exploitation des données de santé. Il est rappelé à juste titre que si la CNIL s’inquiète ouvertement à ce sujet, c’est surtout quant à la finalité de l’exploitation des données. Or, la récente Loi Santé a fait disparaître le motif d’intérêt scientifique pour ne garder que celui de l’intérêt général…
Quant à la confidentialité des données, confier cette responsabilité à une entreprise américaine semble être une grande erreur tant la ré-identification d’une personne sur la base du recoupement de données médicales anonymisées est en réalité plutôt simple, comme le montre un article récent dans Nature.
Ainsi, aujourd’hui en France se développe toute une stratégie visant à valoriser les données publiques de santé, en permettant à des entreprises (non seulement des start-up du secteur médical, mais aussi des assureurs, par exemple) d’y avoir accès, dans la droite ligne d’une idéologie de la privatisation des communs. En plus, dans le cas de Microsoft, il s’agit de les héberger, et de conditionner les technologies employées. Quant aux promesses scientifiques, elles disparaissent derrière des boîtes noires d’algorithmes plus ou moins fiables ou, disons plutôt, derrière les discours qui sous le « noble » prétexte de guérir le cancer, cherchent en fait à lever des fonds.
Quelles sont les alternatives ?
Le monde médical et hospitalier est loin de plier entièrement sous le poids des injonctions.
Depuis plusieurs années, les hôpitaux s’organisent avec la création d’Entrepôts de Données de Santé (EDS). Ceux-ci visent à collecter l’ensemble des données des dossiers des patients pour promouvoir une recherche éthique en santé. Par exemple, le projet eHop a réussi à fédérer plusieurs hôpitaux de la Région Grand Ouest (Angers, Brest, Nantes, Poitiers, Rennes, Tours). Le partage en réseau au sein des hôpitaux est au cœur de ce projet.
Par aller plus loin dans le partage, les professionnels dans les hôpitaux français reprennent l’initiative de Framasoft et l’appliquent au domaine de la santé. Ils ont donc créé Interhop.org, association loi 1901 pour promouvoir l’interopérabilité et « le libre » en santé.
Pourquoi interopérer ?
L’interopérabilité des systèmes informatisés est le moteur du partage des connaissances et des compétences ainsi que le moyen de lutter contre l’emprisonnement technologique. En santé, l’interopérabilité est gage de la reproductibilité de la recherche, du partage et de la comparaison des pratiques pour une recherche performante et transparente.
L’interopérabilité est effective grâce aux standards ouverts d’échange définis pour la santé (OMOP et FHIR).
Pourquoi décentraliser ?
Comme dans le cas des logiciels libres, la décentralisation est non seulement une alternative mais aussi un gage d’efficacité dans le machine learning (ou « apprentissage automatique »), l’objectif visé étant de rendre la machine ou l’ordinateur capable d’apporter des solutions à des problèmes compliqués, par le traitement d’une quantité astronomique d’informations.
La décentralisation associée à l’apprentissage fédéré permet de promouvoir la recherche en santé en préservant, d’une part la confidentialité des données, d’autre part la sécurité de leur stockage. Cette technique permet de faire voyager les algorithmes dans chaque centre partenaire sans mobiliser les données. La décentralisation maintient localement les compétences (ingénieurs, soignants) nécessaires à la qualification des données de santé.
Pourquoi partager ?
La solidarité, le partage et l’entraide entre les différents acteurs d’Interhop.org sont les valeurs centrales de l’association. Au même titre qu’Internet est un bien commun, le savoir en informatique médical doit être disponible et accessible à tous. Interhop.org veut promouvoir la dimension éthique particulière que reflète l’ouverture de l’innovation dans le domaine médical et veut prendre des mesures actives pour empêcher la privatisation de la médecine.
Les membres d’Interhop.org s’engagent à partager librement plateforme technique d’analyse big data, algorithmes et logiciels produits par les membres. Les standards ouverts d’échange sont les moyens exclusifs par lesquels ils travaillent et exposent leurs travaux dans le milieu de la santé. Les centres hospitaliers au sein d’Interhop.org décident de se coordonner pour faciliter et agir en synergie.
Pourquoi soigner librement?
L’interconnexion entre le soin et la recherche est de plus en plus forte. Les technologies développées au sein des hôpitaux sont facilement disponibles pour le patient.
L’Association Interhop.org veut prévenir les risques de vassalisation aux géants du numériques en facilitant la recherche pour une santé toujours améliorée. L’expertise des centres hospitaliers sur leurs données, dans la compréhension des modèles et de l’utilisation des nouvelles technologies au chevet des patients, est très importante. Le tissu d’enseignants-chercheurs est majeur. Ainsi en promouvant le Libre, les membres d’Interhop.org s’engagent pour une santé innovante, locale, à faible coût et protectrice de l’intérêt général.
Les données de santé sont tout à la fois le bien accessible et propre à chaque patient et le patrimoine inaliénable et transparent de la collectivité. Il est important de garder la main sur les technologies employées. Cela passe par des solutions qui privilégient l’interopérabilité et le logiciel libre mais aussi le contrôle des contenus par les patients.
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Image d’en-tête : Hippocrate refusant les présents d’Artaxerxès, par Girodet, 1792 (Wikimedia).
Ce que Framasoft pourrait faire en 2020 grâce à vos dons
L’éducation populaire au numérique, Peertube, Mobilizon, un service « tout-en-un »… Pour l’année 2020, nous avons encore de nombreuses envies… nous espérons que vous nous donnerez les moyens de les réaliser en rejoignant les donateurs et donatrices, et en tout cas nous sommes heureuses et heureux de vous faire part du petit programme que voici.
Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.
À Framasoft, nous ne gardons pas les deux pieds dans le même sabot. Si, parfois, nous prenons des chemins détournés (la route principale est tellement longue…) c’est parce que nous avons beaucoup de cartons avec plein de projets dedans. Lesquels choisir ? C’est ce genre de question qui nous occupe au moins autant que d’élaborer des stratégies pour les réaliser.
De l’éducation populaire aux enjeux du numérique
Le quotidien de Framasoft, ce sont de nombreuses interventions, ateliers, conférences, tables-rondes… c’est aller régulièrement à la rencontre de publics variés. Il s’agit pour nous de partager nos observations sur l’hégémonie des géants du Web et le monde que nous préparent les entreprises du Capitalisme de Surveillance. Nous proposons aussi des pistes d’émancipation numérique pour aller vers une société de contribution plutôt que de consommation.
Nous travaillons aussi, avec d’autres structures et collectifs, à faciliter l’adoption de pratiques numériques plus « saines ». Recenser les acteurs et actrices de la médiation au numérique libre, travailler sur des outils pratiques avec des fédérations d’éducation populaire ou des coopératives de formation, cela fait partie des actions que nous voulons poursuivre en 2020. Car l’association Framasoft, avec ses 35 membres, ne peut pas être partout, et n’a aucune envie d’être omniprésente ! C’est pour cela que nous essayons de partager notre expérience avec les personnes qui, quotidiennement, animent des actions d’éducation populaire, et sont au plus près des gens qui cherchent à reprendre le pouvoir sur leur vie numérique.
Un autre gros chantier qui nous attend en 2020, c’est de préparer la fermeture de certains services que nous hébergeons. Rappelons qu’il vous sera alors proposé d’accéder aux mêmes services, hébergés par des organisations qui partagent les mêmes valeurs. On le sait, c’est inconfortable d’entendre qu’il y aura un changement, même lointain, dans un paysage numérique où il est difficile de faire confiance et de changer ses habitudes. Nous voulons donc travailler à ce que les pages web qui vous redirigerons vers « la même chose, mais ailleurs » soient claires, et qu’elles vous mettent en confiance.
Pour cela, nous souhaitons aussi continuer de nous investir dans le collectif d’hébergeurs alternatifs CHATONS. Nous avons envie de vous donner de bonnes raisons de faire confiance aux membres de ce collectif. Nous souhaitons que vous sachiez pourquoi vous pouvez leur confier vos données. Nous pourrons aussi contribuer à clarifier ce qu’offrent les hébergeurs de ce collectif, afin de vous permettre de trouver le service ou la structure qui corresponde le mieux à vos besoins.
Offrir à Mobilizon la v1 qu’il mérite
La mobilisation des efforts collectifs et des ressources, c’est tout le miel de la vie associative et de multiples formes d’interactions sociales. C’est la raison de Mobilizon. Notre vision pour ce projet est claire : offrir une alternative agréable aux événements, aux groupes voire aux pages Facebook. Nous aimerions réaliser un outil émancipateur pour les associations, les militant·es, les citoyen·nes… et toutes ces personnes qui dépendent encore de Facebook pour s’organiser ensemble.
Actuellement en version bêta, nous comptons développer :
l’aspect « fédération » de ce logiciel d’ici fin décembre ;
les fonctionnalités de pages et de groupes (avec messagerie, modération, outils d’organisation) au premier trimestre 2020 ;
les correctifs, les éventuels retards et les finitions qui stabilisent et documentent le logiciel, pour sa sortie prévue avant l’été 2020.
Afin que vous puissiez suivre ces développements en toute transparence, les mises à jour seront régulièrement visibles sur le site de démonstration test.mobilizon.org
Cette publication de la première version stable et publiquement utilisable de Mobilizon est un rendez-vous que nous ne voulons pas manquer. Nous souhaitons l’accompagner d’un outil qui facilite la compréhension de ce qu’est Mobilizon, comment ça marche, à quoi ça sert et à quoi ça ne sert pas. Pour y arriver, nous voulons prendre le temps de refondre complètement le site joinmobilizon.org, probablement sur le modèle du tout nouveau site web joinpeertube.org.
Financer les ambitions de PeerTube
Lors de la sortie de la version 2 de PeerTube, nous faisions le bilan de cette alternative libre et fédérée aux plateformes de vidéos telles que YouTube. Si nous venons de lui consacrer un an de développement sur nos fonds propres, c’est parce que nous croyons au potentiel émancipateur de cette solution. En 2020, nous souhaitons trouver les moyens d’accroître la popularité de PeerTube. Pour cela, nous aurons besoin de matériel (vidéos, illustrations, métaphores…) qui promeuvent les avantages d’un outil fédéré, ainsi que les fonctionnalités de PeerTube.
Et si on faisait plus de vidéos pédagogiques comme celle réalisée par LILA…?
Nous envisageons aussi, pour 2020, d’animer une nouvelle collecte qui nous permettra de financer la version 3 de PeerTube. La liste des fonctionnalités que cette collecte financera n’est pas encore fixée, mais nous avons noté, grâce à vos retours (que vous pouvez proposer ici, sur notre forum), quelques idées…
Tout d’abord nous pensons que PeerTube gagnerait beaucoup si on retravaillait son expérience d’utilisation et son interface. Nous constatons certains manques et points d’améliorations, mais nous pensons que le mieux serait de faire appel à des professionnels du design pour dresser un bilan et proposer des solutions.
Ensuite, le nouveau lecteur vidéo (le « HLS », celui qui est encore expérimental) offre de telles performances qu’il permet d’envisager le développement d’outils inimaginables pour PeerTube jusqu’alors. Par exemple, PeerTube pourrait offrir un outil de « Vidéo-Mix » (ou de « coupé-monté », pour les cinéphiles), où l’on crée une séquence en prenant 30 secondes de telle vidéo, 12 de telle autre puis une minute d’une troisième…
Enfin, la fonctionnalité qui nous fait rêver (et qu’on nous demande régulièrement), c’est la diffusion en direct. Avec du live-streaming, PeerTube ne marcherait pas seulement sur les platebandes du YouTube de Google, mais aussi sur celles du Twitch d’Amazon… Cette diffusion en direct devrait se faire de pair à pair, et ça, c’est un sacré défi technique !
Projet « cloud Framasoft » : un seul compte pour remplir la plupart des besoins
Depuis quelques années, le logiciel Nextcloud s’est grandement enrichi. Au départ, c’était une simple alternative aux Dropbox et autres GoogleDrive, pour sauvegarder et synchroniser des fichiers. Depuis, Nextcloud s’est augmenté de nombreuses applications pour faciliter la collaboration.
On peut y synchroniser ses contacts et ses agendas, travailler collaborativement sur des fichiers textes ou des tableurs (avec CollaboraOnline ou OnlyOffice), activer des visio-conférences ou des discussions par tchat, créer des formulaires basiques, y sauvegarder ses notes, ses images et ses listes, partager des albums photos, dessiner des cartes heuristiques (mindmaps), consulter ses flux RSS ou ses emails…
Le projet « cloud Framasoft » reposerait sur cette solution : une seule adresse, un seul compte à créer, et tous ces services sont à votre disposition. Afin de limiter les effets de centralisation vers nos services, nous envisageons de n’offrir que très très peu d’espace (quelques dizaines de mégas), juste assez pour une association qui veut collaborer sur quelques fichiers. Notre objectif est de vous faire découvrir cette solution, sans propager l’illusion que les ressources illimitées et gratuites, ça existe (ou que ce serait sain).
Pour les personnes qui, à un moment, se sentiraient à l’étroit, nous aimerions vraiment pouvoir développer un outil facilitant la migration de son compte vers un autre hébergement Nextcloud. Dans nos têtes, nous rêvons d’un « Votre compte cloud Framasoft vous plaît mais il est trop limité ? OK ! cliquez sur ce bouton pour déménager vers tel ou tel hébergeur alternatif ». Si nous pouvions nous rapprocher de cette simplicité…
Nous voulons, pour l’automne 2020, trouver les moyens d’accueillir toute personne, toute association qui voudrait avoir accès à une telle solution, quitte à se satisfaire d’un espace de stockage spartiate. Nous avons conscience que cela peut signifier accueillir des personnes par dizaines de milliers. Autant vous dire que cela représente un coût technique et humain, et donc financier, très important. Mais si vous nous en donnez les moyens, nous croyons que cela peut représenter une formidable porte d’entrée vers le Libre pour toute une population qui prend de plus en plus conscience des dangers que représentent les GAFAM.
La route est longue, alors libérons la voie
Si nous annoncions vouloir « Déframasoftiser Internet » et tourner certaines pages du passé, c’était justement pour faire de la place à des projets futurs. Cette année 2020 sera pour nous une année où nous voudrions poursuivre nos actions les plus émancipatrices (éducation populaire, Mobilizon…), tout en ouvrant de nouvelles portes vers le libre et l’autogestion (PeerTube v3, « cloud Framasoft »…). Nous en avons la volonté, il nous faut savoir si vous nous en donnerez les moyens.
Si nous avons une telle liberté et une telle indépendance dans nos actions, c’est parce que certaines et certains d’entre vous nous font un don (et qui mieux est, un don régulier), et que l’ensemble de ces dons financent notre budget annuel. L’association Framasoft étant reconnue d’intérêt général, rappelons que pour les contribuables Français·es, un don de 100 € à Framasoft revient, après déduction fiscale, à 34 €… et ce même avec le prélèvement à la source. 😉
Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.
Une coalition française pour la défense et la promotion de l’espace démocratique
Dans de nombreux pays, dont la France, la liberté des citoyen⋅ne⋅s de se mobiliser pour agir est remise en cause. Comment les associations du logiciel libre peuvent-elles aider à faire face à ce phénomène ?
Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.
Un rétrécissement de l’espace démocratique en Europe ?
Comme vous le savez (ou pas), dans nos « Carnets de voyage », nous essayons de mettre en valeur des projets auxquels Framasoft participe, et qui sont parfois fort éloignés de la fameuse campagne « Dégooglisons Internet ».
Nous avons par exemple déjà parlé de Mobilizon, de Pytitions ou de Bénévalibre. Bien que chacun de ces projets porte une dimension politique importante, il s’agit malgré tout de « simples » outils logiciels.
Aujourd’hui, nous souhaitons vous présenter un autre projet dans lequel Framasoft est impliqué, lui aussi à forte dimension politique, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec le logiciel libre.
Laissez nous vous présenter « L.A. Coalition » (« L.A. » signifiant « Libertés Associatives »), dont l’objectif est d’une part de comprendre et identifier ce qu’on appelle le « rétrécissement de l’espace démocratique » en France ; et d’autre part d’outiller la société civile pour qu’elle se retrouve moins démunie face à ce phénomène.
Commençons par donner une définition de ce mécanisme de rétrécissement :
« Le rétrécissement de l’espace pour la société civile empêche les acteurs de faire entendre les préoccupations de différentes communautés et leur bloque l’accès aux gouvernements et aux autres institutions démocratiques, ce qui entrave leur capacité à jouer efficacement leur rôle de contre-pouvoir citoyen. Tout ceci est problématique car, au niveau national comme européen, une société civile active et bien structurée constitue une protection essentielle contre l’érosion de valeurs telles que le respect pour la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité et le respect du droit. »
Dans la plupart des pays de l’Union européenne, dont la France, la liberté des citoyennes et citoyens de se mobiliser pour agir est remise en cause. L’action des sociétés civiles est sous le feu de nombreuses attaques politiques, financières, judiciaires et policières.
Face à cette réalité, seize fondations européennes se sont réunies, en 2018, pour lancer le programme Civitates (rien à voir – et heureusement ! – avec le mouvement d’extrême droite Civitas) et favoriser la formation de coalitions associatives dans plusieurs pays européens (Hongrie, Italie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie et France) pour lutter contre le « rétrécissement de l’espace démocratique ».
Le programme Civitates vise à identifier les phénomènes de « rétrécissement de l’espace civique » dans l’Union Européenne sous la pression de gouvernements tentés de restreindre les libertés fondamentales et remettre en cause le droit des citoyens à s’organiser, s’exprimer, agir et aussi à contester les pouvoirs établis. Si le phénomène est particulièrement visible dans certains pays de l’Est, comme la Hongrie ou la Pologne par exemple, le projet de coalition française vise à démontrer qu’il existe en France aussi diverses formes de pressions sur la société civile.
La coalition se dénomme : L.A. Coalition (L.A. signifiant libertés associatives), avec comme sous-titre « promotion et défense des droits de la société civile ».
L.A. Coalition identifie quatre types d’attaques et pressions subies actuellement par la société civile en France :
les attaques politiques. Exemple : critique de l’action associative pour la dévaloriser ;
les attaques juridiques et policières. Exemple : poursuite contre les citoyens solidaires des personnes migrantes (délit de solidarité), ciblage de personnes de confession, réelle ou supposée, musulmane ;
les attaques contre la capacité d’agir des citoyens. Exemple : dénigrement par les autorités du pouvoir de pétition, pressions pour limiter l’organisation des citoyen.ne.s dans les quartiers populaires ;
les attaques financières. Exemple : baisse drastique des subventions et des emplois aidés.
Renforcer les stratégies de riposte face aux répressions de la société civile
Jusqu’à présent les associations ont plutôt subi les attaques sans être en mesure de s’y opposer collectivement (avec des exceptions bien sûr) car les stratégies choisies ont été individuelles et dispersées. Individuelles lorsque chaque association « essaye de se faire discrète » et s’applique des formes d’auto-censure ; dispersées lorsque les associations ont agi de manière segmentée en cherchant à mobiliser uniquement dans un même sous-secteur associatif mais dont les forces sont parfois limitées (géographiquement, humainement, etc) et sujettes aux mêmes pressions.
La coalition, en facilitant des discussions collectives entre acteurs, se donne pour rôle de décloisonner les différents secteurs associatifs afin de créer les conditions d’un dialogue inter-acteurs et d’imaginer la possibilité de ripostes collectives.
Afin de réussir à identifier des stratégies de riposte, L.A. Coalition travaille actuellement à l’élaboration d’un programme de formations, de campagnes de plaidoyer à l’échelle municipale et nationale, à l’organisation d’événements locaux ou nationaux. L.A. Coalition développe aussi une stratégie de communication et sera très prochainement visible sur le web.
Elle travaille étroitement avec l’Observatoire des répressions des libertés associatives, créé début 2019 à l’initiative de l’Institut Alinsky, pour documenter un large éventail d’expériences d’acteurs de la société civile, victimes de répression.
Le programme d’action de la Coalition s’étale pour l’instant, jusqu’à juin 2020.
Le rôle de Framasoft
Alors vous pourriez légitimement vous demander : « Mais que vient faire Framasoft dans ce projet qui semble très éloigné de l’éducation populaire aux enjeux du numérique, et qui ne parle pas de logiciel libre ? ».
Il est certain que nous sortons ici de notre zone de confort. Mais trois aspects différents nous ont motivé à faire partie des associations fondatrices de L.A. Coalition.
Le premier, très pragmatique, est de pouvoir outiller numériquement cette coalition. Ainsi, Framasoft héberge les listes de discussion de L.A. Coalition, a effectué des journées de formations autour d’outils numériques, apporte une forme d’expertise sur les questions de sécurité des données (même si La Quadrature du Net, devenue entre temps membre de cette coalition, est bien plus pointue que nous sur ces sujets), participe à l’animation technique du site web (à venir), et met à disposition une instance NextCloud (accompagné de LibreOffice Online) pour gérer le travail collaboratif.
Il nous aurait paru totalement incohérent qu’une telle coalition utilise les outils des GAFAM, dont les scandales quasi-quotidiens démontrent une collusion avec les États et leurs services de renseignement.
Le second plutôt stratégique, concerne la campagne « Contributopia ». Sur la page d’accueil de Framasoft, nous annonçons vouloir « changer le monde, un octet à la fois ». Sur celle de contributopia.org il est inscrit que nous voulons « explorer les mondes numériques où l’humain et ses libertés fondamentales sont respectés ». Il s’agit donc de sortir du logiciel libre et de sa communauté plutôt privilégiée pour nous confronter aux réalités d’autres associations de terrain qui, elles aussi, font de leur mieux pour changer le monde.
Le dernier aspect est lui clairement politique : Framasoft est une association « loi de 1901 », et fière de l’être !
Sans rejeter les modèles entrepreneuriaux (SAS, SARL,… ou même les modèles coopératifs tels que les SCOP/SCIC), nous pensons que la liberté de « faire association », la possibilité de s’organiser et de mettre en œuvre des actions collectives dans un cadre qui soit volontairement non-marchand est absolument fondamentale. Nous n’avons jamais caché être très critique de l’archétype de la « startup nation », non seulement parce qu’il renforce le modèle du capitalisme de surveillance, mais aussi parce qu’en se voulant un modèle dominant, il écrase de fait les autres modèles possibles. Un exemple ? Quand la French Tech se voit offrir un cadeau de 5 milliards d’euros, le « grand plan pour les associations » annoncé par le président est lui de …28 millions d’euros (mais pas sous forme d’aides, on vous laisse lire l’article pour découvrir le tour de passe-passe visant à faire des associations des « sous-entreprises »).
Comparaison aides à la #FrenchTech et aides au secteur associatif
Si le soutien de l’État se comptait en kilomètres d’autoroute, la #frenchTech pourrait aller de Toulouse à Amiens. Les associations pourraient aller de la tour Eiffel au Père Lachaise…
Et encore, si ce n’était qu’un problème de moyen… Mais, en tant qu’association et que militant⋅e⋅s du secteur associatif, nous constatons autour de Framasoft une très alarmante multiplication des répressions, parfois violentes, parfois beaucoup plus insidieuses (comme la fin des emplois aidés, les procès baillons, etc.).
Nous pensons par ailleurs que, dans un monde où le numérique est omniprésent, les associations du libre ont un double intérêt à se rapprocher d’associations menacées par ces répressions : d’une part, en tant qu’associations ayant des connaissances informatiques pointues, elles seront les prochaines sur la liste ; d’autre part, elles ne peuvent selon nous s’extraire de la question de la solidarité et de l’organisation collective, au cœur des valeurs du mouvement du logiciel libre. Si ce n’est pas déjà le cas, n’hésitez donc pas à prendre contact avec des associations « non numériques », à écouter leurs besoins pour co-construire avec elles des solutions.
En participant à notre modeste échelle à L.A. Coalition, nous espérons pouvoir apporter notre contribution à la compréhension de ce phénomène, et au stratégies de riposte qui peuvent être mises en œuvre. Si nous pouvons le faire, c’est aussi parce que vos dons (notre seule source de financement), nous permettent une totale indépendance dans nos actions, et une liberté de parole libre de toute entrave. Pour cela, merci !
Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.
PeerTube has worked twice as hard to free your videos from YouTube !
Thanks to your donations, we have been developing a software to free us all from YouTube & Co for a year. Why have we gone much further than the first release, (crowdfunded in the spring of 2018), you might ask? Well, that’s because we sincerely believe in the emancipatory power of PeerTube.
This article is a part of « Contributopia’s travel journals ». From October to December of 2019, we will assess our many (donations-founded) actions, which are tax-deductible for French taxpayers. Donate here if you can.
La version originale (en Français) de cet article est à lire ici.
Federation and instances to avoid creating a new tech giant
PeerTube’s aim is to create an emancipatory alternative to centralized platforms a la YouTube. In a centralized service, you sign-up with a single address, and each and every of your actions, videos and data are gathered on a single huge computer. For example, Google’s, that hosts YouTube (to be precise, they are server farms rather than huge computers, but on a symbolic level it is the same thing!).
PeerTube is a software. It can be installed on a server by anyone possessing the appropriate skills; say, for the sake of argument, Bernadette, College X and karate club Y. This is called an instance, i.e. a PeerTube host. In concrete terms, hosting an instance creates a website (let’s say, BernadetTube.fr, CollegeTube.org or KarateTube.net) on which you can watch videos and sign-up, so you can interact or upload your own content.
These instances can chose to follow each other (this is called federating). For example, if the head of IT services of College X would like KarateTube videos to appear on CollegeTube, all she has to do is federate with KarateTube. KarateTube’s videos will remain on its server but students who are used to watching videos from CollegeTube will be able to see them.
In this case, BernadetTube stays isolated, but CollegeTube and KarateTube are federated. Rather than creating a single gigantic platform, PeerTube allows for the creation of a multitude of small, diverse, and interconnected platforms.
One year of work to let PeerTube mature
In May of 2018, we started a crowdfunding for PeerTube’s development. Many people decided to give a chance to a software that allows the creation and federation of video platforms. In October of 2018, we « turned in our homework assignment » as they say, when we released the first version of PeerTube.
We could have stopped once our promises were fulfilled, and let the community develop this free/libre software on its own. Instead, we decided to use a part of the donations we receive for everything we do (thank you!) to make PeerTube’s main developer job durable. As a Framasoft employee, he also contributed to other free/libre softwares such as Framacalc-Ethercalc and Mobilizon.
Nevertheless, during the past year, his main mission was to improve on PeerTube. He was able to rely on a growing community of contributors, and no one was idle! In one year, PeerTube was enriched with, amongst other things:
moderation tools for instance administrators
a watch history
videos automatically start at the time code you stopped at (provided you are logged-in)
notifications (new comments, videos or subscriptions, mentions, etc.)
playlists (including a « watch later » one, which is now a feature by default on all accounts)
a system where videos require manual approval by administrators before posting them
an easier federation management for instance administrators
a gradual betterment of UI (for example, it is now easier to make the difference between a channel and an account, to see thumbnails or to find a video in your video library)
audio files management when uploading them: PeerTube will turn them into videos
the interface is now translated into 25 languages!
Small bonuses make all the difference!
We will now highlight 3 features that we particularly like, as they offer more freedom, comfort and control to PeerTube’s users. Considering more control is not part of the business models of mainstream platforms (greetings, Youtube, Vimeo and Facebook videos!), these three features offer PeerTube’s users a unique experience.
Sharing a video clip
When you share a video link, most platforms offer a « start at » option, which makes the video begin at 53 seconds if what you would like to share starts at 54 seconds.
We simply added a « stop at » option. It might seem silly (and really, it is) but considering YouTube’s job in the attention economy is to capture yours to sell it to Fanta, it is obviously unimaginable for them to let you stop videos!
If in a given videos, you only care about 3 sentences between 1:23 and 1:47, you can single them out, share or keep this clip for yourself (e.g. in your liked videos playlist or any other playlist). This feature allows for may uses: zapping, educative content, etc. We at Framasoft find that so much potentials lies in this idea!
Plug-in system
Every administrator and user wishes to see the software fulfill their needs. As Framasoft cannot (and does not want to) develop every feature that could be hoped for, we have from the start of the project planned on creating a plug-in and add-on system you can install to customize your PeerTube experience.
Once again, we can see that centralized platforms have locked us up in such a standardized experience that it’s hard imagining that a concept as old as this could be such a breath of fresh, free air. And yet!
Now, this system allows each administrator to create specific plug-ins depending on their needs. They may install on their instance extensions created by other people as well. For example, it is now possible to install community created graphical themes to change the instance visual interface. You could also imagine plug-ins to sort videos in reverse alphabetical order, or to add a Tipee, Paypal or Patreon button below videos!
New video player
Offering a new type of video player (for nerds: based on HLS technology) is a risky endeavor for a tool as new and interconnected as PeerTube. Considering PeerTube’s young age (it is barely starting to make a name for itself and to be adopted around the world), this could cause incompatibility issues and very problematic differences in versions.
However, we have decided we would introduce it experimentally, starting last summer. Indeed, this new video player is promising: it is faster, has less bugs, makes it easier to change video definition and makes their load fluider (still using peer-to-peer technology). In return, it requires updating some elements (moving to ffmpeg 4.1) and to re-encode some videos.
This new video player has been met with a great deal of enthusiasm, and broadens PeerTube’s future (live streaming, for example, is out of question using the current player). This is why we want to take the time to make it PeerTube’s player by default, which will require work to help current hosts in this transition.
V2 is even more federation-focused
The PeerTube version we are releasing today already includes all these improvements, and many more! This « v2 », as they say, aims to make it easier for instance administrators to federate. They will for example be able to automatically follow instances that follow them, or to follow instances visible on our JoinPeerTube public register.
This new PeerTube version also aims to help the public chose the perfect instance match. To return to the subject of Bernadette, College X and Karate club Y, let’s now add a new audience member: Camille.
Camille doesn’t know a thing about servers or whatever, but he wants to create an account to follow PeerTube channels, or even upload his own videos… And he has a hard time understanding what this is all about! How could he possibly know that BernadetTube is only maintained by Bernadette and that if anything were to happen to her, she could stop administrating it overnight? How can he see that CollegeTube refuses to federate with instances that display sensitive content, even properly flagged and blurred? Where can he learn that KarateTube will favor videos in German, and that support will only be provided in this language?
When Bernadette, the head of College X IT services, and Karate club Y’s resident nerd will have updated PeerTube with this v2, they will have to fill in a form to better introduce their instance. The goal here is to clearly state:
the instance main categories
what languages the admins and the moderation team speak
the instance code of conduct
the moderation policy (who moderates, policy regarding sensitive contents, etc.)
who is behind this instance (an individual? an organization?)
why did the admin(s) set up this instance
how long do the admin(s) plan on maintaining this instance for?
how do the admin(s) plan on funding their PeerTube server?
information about the hardware of the server
Camille will be able to find all these information on the « about » page of each PeerTube instance (which will now also display new statistics), on the sign-up page… as well as on the joinpeertube.org register!
With over 100,000 videos and 20,000 accounts, it is safe to say that PeerTube has become popularized. It was high time we revamped joinpeertube.org so as to turn it into a front door to these videos, hosts and the federation.
With the help of UI/UX professionals, we have imagined and shaped two user flows to using JoinPeertube.org: one for people who want to watch videos (and maybe sign-up), and another one for video makers who need a trustworthy host for their videos.
Both of these paths may lead you to the register of public instances. You can sort them according to your preferences so as to find the one that meets your needs. This selecting is made possible by the answers given to the form mentioned earlier, which allows admins to better introduce their instance and to explain the project behind it to potential users. That being said the best solution is to have a look by your own means (as a side note, we find the site much prettier now!)…
Please note that PeerTube now has its own documentation website, meant for both admins (to ease the software installation, maintenance and administration) or for regular users (whether it be for signing-up, managing your playlists or uploading videos).
The future of PeerTube is still YOU!
It would be impossible to name everyone who has contributed to the code, funding, design, translation, documentation, illustration and promotion of PeerTube… but the least we can do is to express our gratitude!
After one year of development and maturation of the project, we are putting a lot of thoughts into its future. People have different wishes, you guys have given us a lot of ideas. All of the feedback we are receiving from you, particularly on the dedicated section to PeerTube on our forum (the best place for your suggestions!) is invaluable to us.
Nowadays, we are imagining new improvements (to the interface, user experience, search engine, plug-in system), important tools, (mobile apps, videos about PeerTube), as well as new, powerful features. Would you like to easily remix online videos from your PeerTube account? to do livestreams? So do we! And we need your support for that!
We are allowed to have all types of dreams and aspirations for PeerTube, but what is sure is that making come true will have a cost. The year we have spent developing PeerTube was funded in part by what was left of the June 2018 crowdfunding, but mostly by regular donations we receive for all of our projects. We will probably launch a new crowdfunding campaign just for PeerTube v3 in 2020.
In the meantime, feel free to help PeerTube grow, to promote instances and videos you like, and to congratulate the whole community for how far we have come with this v2!
Have a look at Contributopia’s travel journals and discover more articles and actions made possible by your donations. If you like what you just read, please think of supporting us, as your donations are the only thing that allow us to go on. As Framasoft is a public interest organization, the real cost of a 100 € donation from a French taxpayer is only of 34 €.
PeerTube met les bouchées doubles pour émanciper vos vidéos de YouTube
Voilà un an que nous poursuivons, grâce à vos dons, le développement logiciel qui permet de se libérer de YouTube et compagnie. Si nous sommes allé·es bien au delà de la version 1 financée par la collecte du printemps 2018, c’est que nous croyons profondément au potentiel émancipateur de PeerTube.
Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.
Fédération et instances pour ne pas recréer un géant de la vidéo
L’objectif de PeerTube, c’est de créer une alternative qui nous émancipe des plateformes centralisatrices à la YouTube. Dans le modèle centralisateur, on s’inscrit à une seule adresse, et toutes nos actions, nos vidéos et nos données sont concentrées sur un seul méga-ordinateur, celui de l’hébergeur Google pour YouTube (en vrai, ce sont des fermes de serveurs et pas un méga-ordinateur, mais symboliquement ça revient au même !).
PeerTube est un logiciel. Ce logiciel, des personnes spécialisées (disons… Bernadette, l’université X et le club de karaté Y) peuvent l’installer sur un serveur. Cela donnera une « instance », c’est à dire un hébergement de PeerTube. Concrètement, héberger une instance crée un site web (disons BernadetTube.fr, UniversiTube.org ou KarateTube.net) sur lequel on peut regarder des vidéos et créer un compte pour interagir ou uploader ses propres contenus.
Ces instances peuvent choisir de se suivre mutuellement (on dit qu’elles se fédèrent). Par exemple, si la directrice des services informatiques de l’Université X veut afficher les vidéos de KaratéTube sur son UniversiTube, il suffit qu’elle se fédère avec KaratéTube. Les vidéos de KaratéTube resteront sur leur serveur mais seront visibles pour les étudiant·es qui ont l’habitude d’aller sur UniversiTube.
Dans cet exemple, BernadetTube reste un site isolé, mais UniversiTube et KaratéTube sont fédérés ensemble. Plutôt que de faire une plateforme unique et géante, PeerTube permet de créer une diversité de petites plateformes interconnectées.
Un an de travail, qui a fait mûrir PeerTube
En mai 2018, nous avons organisé une collecte pour financer le développement de PeerTube. De nombreuses personnes ont voulu donner sa chance à ce logiciel qui permet de créer et fédérer des plateformes de vidéos. En octobre 2018, nous avons « rendu notre copie », comme on dit, en publiant la version 1 de PeerTube.
Nous aurions pu nous arrêter là, à cette promesse remplie, et laisser la communauté continuer de développer elle-même ce logiciel libre. Nous avons plutôt fait le choix d’utiliser une partie des dons que nous recevons pour l’ensemble de nos actions (merci !) pour pérenniser l’embauche du développeur principal de PeerTube. En tant que salarié chez Framasoft, il a aussi contribué à d’autres logiciels libres, dont Framacalc-Ethercalc et Mobilizon.
Cependant, durant l’année qui vient de s’écouler, sa mission principale a été d’améliorer PeerTube. Il a pu compter sur une communauté grandissante de contributeurs et contributrices, et tout ce beau monde n’a pas chômé ! En un an, Peertube a été enrichi entre autres :
d’outils de modération pour l’administration d’instances ;
d’un historique de visionnage ;
d’une reprise automatique de la lecture de vidéos là où on s’était arrêté (si on est connecté·e à son compte) ;
d’un système de notifications (nouveaux commentaires, vidéos ou abonnements, mentions, etc.) ;
d’un système de listes de lectures (dont une « à regarder plus tard » créée par défaut pour tous les comptes) ;
d’un système de quarantaine pour les vidéos envoyées en ligne. Il s’agit d’une option d’administration qui permet à la modération de valider les vidéos manuellement avant de les publier ;
d’une gestion facilitée des choix de fédération pour les administrateurs d’instances ;
d’une amélioration continue de l’interface d’utilisation (pour mieux distinguer un compte d’une chaîne, mieux voir les miniatures ou mieux retrouver sa bibliothèque vidéo, par exemple) ;
d’une gestion des fichiers audios lors de l’upload, que PeerTube transformera en vidéo ;
d’une interface traduite en 25 langues !
Les petits plus qui font de grandes différences
Nous avons envie de mettre en valeur 3 fonctionnalités que nous aimons particulièrement, car elles offrent plus de liberté, de confort et de contrôle aux personnes qui utilisent PeerTube. Et comme offrir plus de contrôle ce n’est pas dans le business model des plateformes géantes (coucou Youtube, salut Dailymotion, bonjour Facebook Vidéos !), ces fonctionnalités permettent à PeerTube d’offrir une expérience unique.
Partager un extrait de vidéo
Lorsqu’on partage l’adresse web d’une vidéo, la plupart des plateformes proposent, en option, une case « démarrer à », qui permet de faire démarrer la vidéo à 53 secondes si ce que l’on veut partager commence à la 54ème seconde.
Nous avons tout simplement ajouté une case pour l’option « s’arrêter à ». Ça a l’air tout bête comme ça (parce que ça l’est), mais si le boulot de YouTube c’est de fournir du temps de cerveau disponible à Fanta, alors forcément, donner la liberté d’interrompre les vidéos est inimaginable !
Si dans telle vidéo, les 3 phrases qui vous intéressent se trouvent entre 1:23 et 1:47, vous pouvez isoler, partager ou conserver cet extrait (dans vos favoris ou dans une playlist, par exemple). Cette fonctionnalité pourra en permettre plein d’usages : zappings, contenus pédagogiques, etc. Nous, ça nous donne tout pleins d’idées !
Le système de plugin
Chaque administratrice et utilisateur de PeerTube souhaite que le logiciel soit le plus adapté à ses besoins.
Nous, nous ne pouvons pas (et en plus nous ne souhaitons pas) développer toutes les fonctionnalités souhaitées par les un⋅es et les autres.
Nous avons, dès l’origine du projet, prévu la création d’un système de plugins, des briques logicielles que l’on peut ajouter à son installation de PeerTube pour la personnaliser. Là encore, les plateformes centralisatrices nous enferment tellement dans une expérience uniformisée qu’on a du mal à imaginer qu’une idée aussi vieille souffle un tel vent de liberté ! Et pourtant !
Avec ce système, chaque administrateur⋅ice peut dorénavant créer des plugins spécifiques en fonction de ses besoins. Mais il ou elle peut aussi installer des extensions créées par d’autres personnes sur son instance. Par exemple, il est possible d’installer des thèmes graphiques créés par la communauté pour changer l’interface visuelle d’une instance. On peut imaginer des plugins qui permettraient de classer les vidéos par ordre anti-alphabétique, ou d’ajouter un bouton Tipee, Paypal ou Patreon sous les vidéos !
Le nouveau lecteur vidéo
C’est risqué, pour un outil aussi jeune et interconnecté que PeerTube, de proposer un nouveau type de lecteur vidéo (basé, pour les expert⋅e⋅ s, sur la technologie HLS). À ce stade de la vie de PeerTube (qui commence à peine à se faire connaître et adopter dans le monde), cela pourrait causer des incompatibilités et des différences de versions très problématiques.
Cependant, nous avons décidé de l’introduire de façon expérimentale, depuis l’été dernier. Car ce nouveau lecteur est prometteur : la lecture des vidéos est plus rapide, comporte moins de bugs, facilite les changements de définition et fluidifie le chargement des vidéos (toujours diffusées en pair-à-pair). En contrepartie, il induit de mettre à jour certains éléments (passage à ffmpeg 4.1) et de ré-encoder certaines vidéos.
Les retours sont excellents et ce nouveau lecteur ouvre des perspectives intéressantes pour PeerTube (le streaming en direct, par exemple, ne peut pas s’imaginer avec le lecteur actuel). Voilà pourquoi nous souhaitons prendre le temps de faire de ce nouveau lecteur vidéo le lecteur par défaut dans PeerTube, ce qui va demander un travail pour accompagner les hébergements actuels de PeerTube dans cette transition.
Une version 2 qui met l’accent sur la fédération
La version 2 de PeerTube, que nous publions aujourd’hui, inclut déjà toutes ces améliorations et en ajoute d’autres ! Cette « v2 », comme on dit, a pour ambition de faciliter la fédération, pour les administrateur·ices d’instances. Ils et elles auront par exemple la possibilité de suivre automatiquement une instance qui les suit, ou de suivre les instances qui s’inscrivent sur l’annuaire public JoinPeertube.
Cette nouvelle version de PeerTube veut aussi aider le public à mieux choisir l’instance PeerTube qui lui correspond. Reprenons l’exemple de Bernadette, l’Université X et le club de karaté Y, pour y ajouter un membre du public : Camille.
Camille n’y connaît rien aux serveurs et compagnie, mais il veut se créer un compte pour suivre des chaînes PeerTube et peut-être même uploader ses propres vidéos… Et pour lui, c’est compliqué de s’y retrouver ! Comment peut-il savoir que l’instance BernadetTube n’est tenue que par Bernadette, et que si celle-ci a un accident de la vie elle pourrait ne plus s’en occuper du jour au lendemain ? Où est-il affiché que l’instance UniversiTube refuse de se fédérer avec les instances qui proposent du contenu sensible, même s’il est correctement signalé et flouté ? Où Camille peut-il voir que KaratéTube favorisera les vidéos en Allemand, et que le support ne se fera que dans cette langue ?
Lorsque Bernadette, la directrice des services informatiques de l’Université X et le geek de service du club de karaté Y auront mis à jour PeerTube dans cette version 2, il et elle verront apparaître un formulaire qui leur demandera de mieux présenter leur instance. L’objectif est de pouvoir afficher clairement :
Les catégories principales de l’instance
Les langues parlées par les admins ou l’équipe de modération
Le code de conduite de l’instance
Les informations de modération (qui modère, quelle politique quant aux contenus sensibles, etc.)
Qui se trouve derrière cette instance (une personne seule ? une association ?)
Pour quelles raisons les admins ont créé cette instance
Pour combien de temps les admins comptent maintenir cette instance
Comment les admins comptent financer leur serveur PeerTube
Des infos sur le matériel du serveur
Camille pourra ensuite retrouver l’ensemble de ces informations sur la page « à propos » de chaque instance PeerTube (qui affiche en plus de nouvelles statistiques), sur la page de création de compte… mais aussi sur l’annuaire de joinpeertube.org !
Avec plus de 100 000 vidéos hébergées et plus de 20 000 comptes créés, on peut dire que PeerTube connaît un succès croissant et se démocratise. Il était donc plus que temps de ré-imaginer le site joinpeertube.org afin d’en faire une porte d’entrée vers ces vidéos, ces hébergements et cette fédération.
Grâce aux contributions de professionel·les du design et de l’illustration, nous avons imaginé et mis en forme deux parcours d’utilisation sur ce site : un pour les personnes qui souhaitent découvrir des vidéos (et éventuellement se créer un compte), l’autre pour les vidéastes qui cherchent un hébergement de confiance pour leurs vidéos.
Ces parcours peuvent mener à l’annuaire des instances publiques, que l’on peut trier selon ses préférences afin de trouver celle qui correspond à nos besoins. Ce tri s’effectue grâce aux réponses au formulaire dont nous parlions juste avant, lequel permet aux admins de mieux identifier et mieux présenter leur instance. Mais le mieux, c’est encore d’aller voir par vous même (en plus, nous, on trouve que c’est bien plus beau !)…
Notez aussi que PeerTube dispose désormais de son propre site de documentation qui s’adresse à la fois aux personnes qui administrent une instance (pour faciliter l’installation du logiciel, son entretien ou son administration), et aux personnes qui veulent simplement l’utiliser (que ce soit pour se créer un compte, gérer ses playlists ou mettre ses vidéos en ligne).
L’avenir de PeerTube est, encore, entre vos mains
Il est impossible de citer ici toutes les personnes qui ont contribué au code, au financement, au design, à la traduction, à la documentation, à l’illustration et à la promotion de PeerTube… mais nous tenons au moins à vous exprimer toute notre gratitude !
Après un an de développement et de maturation du projet, nous nous posons la question de l’avenir de cet outil. Les envies sont multiples, vous nous avez donné de nombreuses idées. Les retours que vous nous faites remonter, particulièrement sur la section dédiée à PeerTube de notre forum (le meilleur endroit pour vos suggestions !), nous sont très précieux.
Aujourd’hui nous imaginons de nombreuses améliorations (de l’interface, de l’expérience d’utilisation, de la recherche, du système de plugin), des outils importants (applications mobiles, vidéos expliquant PeerTube), ainsi que de nouvelles fonctionnalités fortes. Vous souhaitez pouvoir faire facilement des remixes de vidéos en ligne ? Pouvoir diffuser en « live » votre flux vidéo ? Nous aussi ! Et nous avons besoin de votre soutien pour cela !
Tous les rêves sont permis, mais ce qui est sûr, c’est que les concrétiser aura un coût. L’année de développement que nous venons de consacrer à PeerTube a été financée en partie par le reliquat du financement participatif de juin 2018, mais surtout par les dons réguliers que notre association reçoit pour l’ensemble de ses projets. Pour 2020 et la version 3, il est fort probable que nous prévoyons une nouvelle collecte consacrée à PeerTube.
En attendant, n’hésitez pas à contribuer au succès de PeerTube, à promouvoir les instances et vidéos qui vous plaisent, et à féliciter l’ensemble de la communauté pour la réussite de cette v2 !
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Bénévalibre : libérez vos bénévoles de la #StartupNation
Vous êtes bénévole dans une association ? Alors sachez qu’un tout nouveau logiciel libre peut vous aider à mieux valoriser votre engagement bénévole.
Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.
Information préalable : cet article est plus long que la moyenne des articles du Framablog, et pas nécessairement hyper-funky. D’une part parce que nous souhaitions exposer le contexte réglementaire et politique de la valorisation du bénévolat (ce qui ne peut pas se faire en trois paragraphes), et d’autre part parce que nous avons souhaité donner la parole dans une seconde partie de l’article à la personne qui a été la clé de voûte de la réalisation du logiciel. Pour vous aider, nous vous proposons un résumé des points principaux tout en bas de cette page.
Le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie qui s’exerce en général au sein d’une institution sans but lucratif (ISBL) : association, ONG, syndicat ou structure publique.
En France, le nombre de bénévoles serait compris entre 12 et 14 millions, soit un français sur quatre, pour 1 300 000 associations et 21,6 millions d’adhérents.
Or, le bénévolat est peu visible dans la société actuelle. Cela peut par exemple poser problème lorsqu’une association demande une subvention : le financeur peut (légitimement ?) se demander s’il ne finance pas une « coquille vide ». Le fait de pouvoir compter les heures passées par les bénévoles sur une action, et éventuellement de leur attribuer une valeur financière, permet alors à l’association de montrer que son activité bénévole a une valeur conséquente, qu’elle pourra faire valoir dans sa demande de subvention.
Par exemple, si l’association peut attester de 2 000 heures de bénévolat annuel, elle peut plus facilement justifier l’intérêt d’un soutien financier important qu’une association attestant de 20 heures de bénévolat annuel. Évidemment, l’objet social de l’association et le projet porté restent primordiaux, mais cette évaluation quantifiable est un critère qui peut faciliter la compréhension du fonctionnement du projet associatif.
Ainsi, le « Guide du bénévolat » liste de nombreuses raisons pour une association de valoriser son bénévolat (lire p. 22), que le site Associathèque résume ainsi :
démontrer, par la valorisation d’apports importants, l’autofinancement d’une partie de l’activité, le financement public se trouvant de fait atténué ;
souligner le dynamisme d’une association en mettant en évidence sa capacité à mobiliser des bénévoles et des prestations gratuites en nature ;
évaluer le poids financier du bénévolat, des dons et services en nature ;
identifier la dépendance au bénévolat, et en cas de diminution de cette aide, évaluer le besoin de financement supplémentaire.
Mais pourquoi valoriser le bénévolat aujourd’hui ?
Nous ne choquerons sans doute pas grand monde en affirmant que les États sont gérés de plus en plus comme des entreprises. Nos dirigeant⋅es ont adopté un « esprit comptable » où chaque élément doit pouvoir être comptabilisé, pour être justifié, quantifié statistiquement, ou comparé à d’autres.
Ce n’est pas le monde que nous souhaitons, mais c’est celui que nous avons (et que nous combattons).
Or, il se trouve que la législation a évolué. Et — là non plus ça n’étonnera pas grand monde — pas forcément dans le bon sens. Sortons un peu du cadre des sujets classiques du Framablog pour vous expliquer ça.
Ainsi, la « Loi Travail » (dite aussi « Loi El Khomri ») de 2016 précise — parmi plein d’autres choses — le contenu du Compte Personnel d’Activité (CPA). Il comprendra à la fois le Compte Personnel de Formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu’un futur Compte d’Engagement Citoyen (CEC) qui permettra de bénéficier d’heures de formation en cas de volontariat ou de bénévolat, notamment pour les fonctions de direction d’association ou d’encadrement de bénévoles.
En gros, dans le principe, un⋅e bénévole peut si c’est son souhait, déclarer sur le site gouvernemental www.moncompteactivite.gouv.fr X heures de bénévolat (validées par un⋅e responsable de l’association). Et ces X heures pourront ouvrir droit à Y heures de formation.
Sur le papier, évidemment, l’idée parait belle : « Il faut « récompenser » le bénévolat et l’engagement citoyen ! ». Sauf que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que le diable se cache ici dans des détails parfois grossiers.
Quels problèmes posent la valorisation du bénévolat ?
Cette valorisation pose des problèmes « techniques » : comment valoriser le bénévolat ? Avec quel(s) outil(s) ? A quels taux horaires ? Comment en garder trace dans le temps ? Comment « motiver » les bénévoles à saisir leur bénévolat valorisé ? etc.
Nous reviendrons sur certains de ces points par la suite.
Mais valoriser le bénévolat pose avant tout des problèmes politiques.
En effet, comment valoriser l’heure d’un⋅e bénévole servant une soupe aux Restos du Cœur ? Cette heure vaut-elle plus ou moins que celle d’un⋅e bénévole ayant participé à l’organisation d’une manifestation sportive ? Ou à celle d’une personne ayant participé à la mise en place d’un lombricomposteur de quartier ?
Plus généralement, cela pose le problème de la valeur d’une action bénévole, et celui de la marchandisation de la société, y compris paradoxalement dans ce qui est aujourd’hui considéré comme les secteurs non-marchands, comme l’éducation ou la vie associative.
Autant vous le dire, à Framasoft, on est pas vraiment fans de l’idée de mettre un coût ou un prix à toutes choses, y compris à l’idée de quantifier l’heure d’une traduction Framalang, la tenue d’un stand, l’organisation d’un Contribatelier, etc. Pour nous, ces actions sont hors valeur, ce qui ne signifie pas sans valeur. Les motivations des bénévoles (à Framasoft comme dans l’immense majorité des associations) est avant tout de pouvoir prendre part à un projet commun, de pouvoir acquérir ou partager son expérience, ou de pouvoir mettre du sens dans un monde qui semble en avoir de moins en moins.
Reprenons ci-dessous un peu plus en détail ce qui nous semble être les principaux problèmes de cette valorisation.
1. Le problème de la marchandisation
D’abord, il y a l’idée déjà évoquée ci-dessus de « marchandiser » le bénévolat en obligeant à comptabiliser des heures qui relèvent du don à la société. C’est une vision très comptable, qui facilite comme on l’a dit la quantification et la qualification d’une activité bénévole, mais qui du coup donne une valeur chiffrée à ce qui ne peut être quantifié. Par exemple, qui peut dire combien vaut une heure de bénévolat pour Emmaüs ? Ou une formation informatique à une association d’aide aux migrants ? On peut bien évidemment tricher en regardant les tarifs d’activités équivalentes qui se pratiquent sur le marché. Sauf que justement il s’agit ici d’activités hors marché.
Ensuite, en dehors même de la question du coût d’une heure de bénévolat, demeure le problème de l’évaluation. Car qui dit évaluation dit contrôle. Et là aussi, on pressent qu’il peut y avoir des frictions : si Camille déclare avoir passé 10 heures à domicile sur la préparation de l’Assemblée Générale, qui pourra contrôler cette affirmation ? Et que faire des cas où il est bien difficile de connaître les heures précises de début et de fin d’une action bénévole ?
On se trouve donc face à un risque pas du tout anodin non seulement de considérer le bénévolat comme une forme d’emploi (ce qu’il n’est pas), mais en plus de devoir jauger la valeur d’actions bénévoles sur des échelles monétaires, ce qui ne serait pas sans rappeler l’idée d’un salaire.
Il s’agit donc d’un problème politique, éthique et philosophique : tout peut-il être « valorisé » ? Par qui ? Sur quels critères ?
2. Le problème de la surveillance étatique
Un second problème, toujours politique, est celui du contexte actuel du rétrécissement de l’espace démocratique dans la société civile. Dit autrement, les associations sont aujourd’hui de plus en plus facilement réprimées par le pouvoir en place, lorsqu’elles expriment des désaccords avec ce dernier. Il s’agit d’un mouvement international (quasiment tous les pays sont concernés) qui se traduit par des formes de répressions très diverses (procès bâillon, violences policières, baisse de subventions, etc.)
Dans ce cadre, l’idée de confier à des gouvernements des informations qui peuvent être qualifiées de sensibles peut sembler un comportement à risque.
Imaginons que vous donniez deux heures de votre temps chaque semaine pour encadrer une équipe de bénévoles qui enseigne le français à des migrant⋅es. Comment s’assurer que ces informations ne pourront pas être utilisées contre vous à terme ?
Évidemment, aujourd’hui, on peut discuter du bien fondé (ou pas) de cette crainte. Mais « le numérique n’oublie jamais », et il ne parait pas certain que l’État ait besoin de garder trace de vos activités militantes.
Le professeur de Droit Lawrence Lessig écrivait, en 2010, que « Le code, c’est la loi » : c’est-à-dire, pour résumer, que la régulation des comportements passait plus par l’architecture technique des plateformes que par les normes juridiques.
Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule.
Là encore, on peut comprendre que cela pose un problème politique dans le cadre d’un logiciel gérant le bénévolat valorisé des membres d’une association. Celles et ceux qui vont concevoir le logiciel vont gérer la façon dont les données de l’association seront collectées, stockées, transformées, ou transmises. L’utilisatrice ou l’utilisateur perdant alors la main sur la gestion de ces données, il ou elle se retrouve impuissant face au traitement qui en sera fait.
Il s’agit donc de redonner de la « puissance d’agir » à la société civile, en lui permettant de concevoir et d’obtenir un outil qui corresponde à des besoins (et non à un marché). Un outil qui permette de reprendre le contrôle sur le code (et donc sur les données). Un outil qui pourrait être qualifié de « convivial » au sens d’Ivan Illich, c’est-à-dire un outil qui ne placerait pas ses utilisateur⋅ices en situation de soumission.
Or, à notre sens, seul le logiciel libre est en capacité de libérer cette puissance d’agir. Un logiciel libre qui transmettrait ses données à l’État n’empêchera pas ce dernier de les utiliser, une fois transmises, à mauvais escient. Mais d’une part un logiciel libre nous donne la capacité de savoir quelles sont les informations transmises, à quels moments, et à quels destinataires (et donc de contrôler lesdites informations en amont) ; d’autre part, une association peut très bien utiliser ce logiciel libre sans faire aucune transmission à l’État, laissant le choix aux membres de l’association de reporter individuellement la valorisation de ce bénévolat.
La naissance de Bénévalibre
Conscient de ces enjeux, et pas très enclin à laisser la #startupnation occuper ce terrain sensible, un groupe de réflexion de diverses associations s’est réuni à plusieurs reprises pour discuter du bien fondé (ou pas) de créer un logiciel libre de valorisation du bénévolat.
Débutés en 2016, à l’initiative de l’April (notamment son groupe LibreAssociation) et de Framasoft, ces travaux ont abouti le 15 septembre 2019 par la publication de la version 1.0 du logiciel Bénévalibre.
Il aura donc fallu plusieurs années, mais cela se justifie notamment par le fait que la volonté était de mettre autour de la table un grand nombre d’acteurs associatifs (notamment les principales « têtes de réseau »), ainsi que des fondations et des chercheurs, pour garantir une démarche collective et partagée (oui, ça prend du temps de convaincre, associer, faire ensemble). Cela ne fut déjà pas une mince affaire !
Par ailleurs, nos activités associatives respectives ne nous permettaient de travailler sur ce projet qu’en pointillés (Framasoft était alors en pleine campagne « Dégooglisons Internet »).
Enfin, il demeurait une question cruciale : « qui va payer le développement ? ». En effet, réaliser un tel logiciel allait prendre de nombreuses heures de développement, et comme nous n’avions pas la possibilité de le réaliser bénévolement, il fallait bien trouver des financements pour passer d’un cahier des charges à un logiciel utilisable.
Aujourd’hui, Bénévalibre existe. C’est un logiciel libre, les sources sont accessibles, téléchargeables, adaptables. Vous pouvez l’utiliser sur benevalibre.org (instance gérée par CLISS XXI, la société coopérative qui l’a développée), ou — si vous en avez les compétences — l’installer sur votre propre serveur, pour votre association (ou vos associations, puisque Bénévalibre permet de gérer de multiples organisations).
Sa réalisation aura été le fruit d’un travail entre de multiples acteurs. Et ce logiciel, si vous le décidez, pourrait s’intégrer à terme avec des logiciels de gestion d’associations plus complets (tel que Garradin ou Galette, par exemple).
Mais son point fort (en dehors d’être libre et décentralisable), c’est que Bénévalibre vous donne le choix !
Bénévalibre n’a pas un caractère prescriptif. Il n’assigne pas un mode de valorisation particulier. Il permet d’enregistrer le temps que les bénévoles consacrent à leurs activités associatives mais laisse à l’entière discrétion des acteurs (associations et bénévoles) le soin de choisir par eux-mêmes les voies les plus pertinentes pour valoriser ce temps. Les utilisateurs peuvent opter pour l’attribution d’une valeur monétaire à ce temps bénévole[…]. Mais les utilisateurs de Bénévalibre gardent l’entière liberté d’exprimer leur méfiance, voire leur hostilité, à l’égard de cette monétarisation de la valorisation du bénévolat au motif qu’elle enferme ce comportement dans une vision trop exclusivement économique et en masque la dimension d’engagement. Ils pourront en conséquence adopter d’autres modes de valorisation.
Outil d’usage simple, s’inscrivant dans une optique de fonctionnement collaboratif et décentralisé, Bénévalibre est un logiciel soucieux de préserver le pouvoir des acteurs associatifs. En d’autres termes, Bénévalibre a pour vocation d’être instrumentalisé par les acteurs et non de les instrumentaliser.
Comme ce logiciel n’aurait pas pu voir le jour sans la persévérance de Laurent Costy, nous avons décidé de l’interviewer.
Interview de Laurent Costy, directeur adjoint de la FFMJC et administrateur de l’April
1. Peux-tu te présenter rapidement ?
En fait, je viens du passé. Je vais vous révéler deux secrets que je vous demande de garder pour vous parce que si ça se sait, je perds ma place et ça risque de mettre le brol trop vite dans ce monde qui n’a pas besoin de ça au regard de ce que l’on découvre tous les jours aux informations.
Le premier secret, c’est que je suis un chevalier de la table ronde en mission. Mon nom de chevalerie est Provençal le Gaulois. Oui, je sais, là, vous vous dites que je devrais être mort depuis longtemps mais c’est lié au deuxième secret, le plus sensible.
Attentiooooooon, révélatioooooooon. Le Graal n’était pas du tout la timbale en plastique avec un pied forgé du même métal : c’était en fait une machine à voyager dans le temps avec l’injonction de la civilisation importatrice de la technologie de l’utiliser pour tenter d’infléchir le futur pour sauver la terre (oui, je sais, ça ne vous émeut point car vous regardez tous les jours des films de super héros qui sauvent la planète cinq fois par jour mais moi, à l’époque, je me suis quand même senti investi d’une mission). Au passage, secret-bonus mais vous l’aviez déduit vous-même : Dieu n’existe donc pas. Soyez quand même prudent dans la diffusion de cette information, c’est entre nous.
Bref, après la rapide formation que l’on a reçue, on a compris qu’une des voies de réussite, c’était d’encourager le commun, la collaboration et le faire ensemble (oui, je sais, c’est aussi des trucs que vous entendez tous les jours dans les discours politiques et vous n’y croyez plus vraiment ; mais vous devriez). Pour être franc, si le monde continue sur ces logiques individualistes, il y a peu de chances que nous réussissions notre mission, nous les chevaliers de la table ronde. Et si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous.
2. Tu as été l’un des principaux moteurs du projet Bénévalibre, pourquoi ?
Deux motivations principales ont été à l’origine du projet. La première était bien sûr de répondre à un besoin d’un grand nombre d’associations ; besoin renforcé par la réglementation qui s’affine sur cette question de la valorisation du bénévolat. Ce besoin s’est révélé au fil du temps au fur et à mesure des rencontres avec les associations que je pouvais croiser dans le cadre de mon « métier de couverture » à la FFMJC et dans le cadre des travaux du groupe de travail Libre Association de l’April. La seconde motivation était de faire sens commun et de mettre autour de la table des acteurs qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble mais dont les compétences et connaissances complémentaires apportaient quelques garanties pour la réussite du projet. Sur ce point en particulier, cela a permis de resserrer les liens entre les membres du Crajep de Bourgogne-Franche-Comté (Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire ; comité à l’origine du projet) et de rendre concret la capacité à agir ensemble là où les sujets habituellement traités (contributions sur les politiques régionales jeunesse, plaidoyer, etc.) sont plus complexes à valoriser et quantifier.
Je précise que, dans la formation accélérée que nous, les chevaliers de la table ronde, avons eu avec la machine à remonter le temps, je n’ai pas reçu de compétences en informatique (si ce n’est comprendre l’importance du logiciel libre pour contribuer aux communs). Il a donc fallu à la fois réunir des futurs utilisateurs et utilisatrices de Bénévalibre (les membres du Crajep étaient assez représentatifs) mais aussi des financeurs et des compétences techniques.
3. Bénévalibre est un projet aux multiples partenaires : quels ont été leurs rôles ? Comment s’est passé la coopération ?
Tout d’abord, la structure motrice à l’initiative du projet : le Crajep Bourgogne-Franche-Comté. Pour la déclinaison de l’acronyme, voir précédemment (nous, à l’époque, on abusait des enluminures mais vous, vous semblez nourrir une passion pour les acronymes. À quand les acronymes enluminurés ?). À noter quand même que ce collectif qui réunit mouvements et fédérations d’éducation populaire est lui-même en lien avec des structures telles le Mouvement Associatif régional ou, dans une moindre mesure, la CRESS. C’est donc bien le Crajep qui a permis de consolider un comité de pilotage au sein duquel on pouvait trouver alors le premier financeur : le Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, partenaire constant de ce comité pour appuyer à travers lui les fédérations et mouvements d’éducation populaire à l’échelle régionale.
L’autre partenaire financier qui a accordé sa confiance très vite fin 2018 (avec quand même la constitution d’un dossier conséquent en bonnet difforme) mais qui n’a pas souhaité faire partie du comité de pilotage, a été la Fondation du Crédit Coopératif. La fondation a néanmoins complété son appui à la fin du projet par son expertise en communication et par la mise en lien avec de nombreux réseaux potentiellement intéressés.
Par ailleurs, pour garantir la volonté du comité de pilotage de développer un logiciel libre (et par ailleurs gratuit à l’usage), les associations April et Framasoft ont été sollicitées pour être membres ; ce que ces deux associations ont accepté.
Enfin, il fallait évidemment la compétence informatique pour le développement du logiciel en lui-même : pour être cohérent avec l’esprit du projet, le choix d’une SCIC (Syndicat de Chevalerie Inter …ah non, pardon. Société Coopérative d’Intérêt collectif) a été opéré : CLISS XXI. On notera aussi que, pour éviter de raconter n’importe quoi sur le bénévolat, un chercheur spécialiste de cette question était membre lui aussi du comité.
4. Aujourd’hui, où en est Bénévalibre ?
Après une première présentation avant l’été sans communication particulière et pour laquelle nous avons été surpris du nombre d’associations intéressées, la version 1 est sortie officiellement mi-septembre : c’était vraiment une bonne chose que d’avoir tenu le calendrier car il est parfois reproché à l’éducation populaire d’être laxiste sur la gestion des délais des projets. Ça fait sérieux ! Et le sérieux, entre deux quêtes rigolotes à la table ronde, c’est important.
Donc, pour l’instant, l’idée est de regarder comment les associations s’approprient l’outil et de voir les retours d’usages et de bugs qu’il peut y avoir. Un forum a même été mis en place récemment rien que pour ça : forum.benevalibre.org. N’hésitez pas !
Tous les retours qu’il y aura viendront compléter des fonctionnalités qui ont, pour l’instant, été mises de côté pour la version 1 sur l’argument de la nécessité d’avoir dans un premier temps l’outil le plus simple possible d’accès.
5. Et demain ? Quels sont les développements envisageables ? Et que faudrait-il pour qu’ils se réalisent ?
Très tôt, le comité de pilotage s’est posé la question des suites. Des fonctionnalités pourraient potentiellement, sous réserve de financements à trouver, être ajoutées pour une version 2. Néanmoins, il sera important de rester sur un outil dont la cible est d’abord les (très) petites associations. En effet, le comité de pilotage du projet souhaite éviter de rentrer en concurrence avec des solutions libres qui existent déjà au sein d’outils plus complets pensés pour une gestion plus globale d’associations.
Une autre idée du comité serait de se jeter à corps perdu dans le développement d’un logiciel/service de paye libre pour proposer une alternative aux solutions propriétaires qui sont en position dominante et qui imposent leurs modes de fonctionnements et leurs mises à jours aux associations. Ce projet est néanmoins d’une autre échelle que celle de Bénévalibre. Ce n’est pas un créneau facilement accessible : gare à l’huile bouillante en haut de cette échelle le cas échéant.
6. Quelque chose à ajouter ?
Franchement, entre nous, c’est quand même super cool quand un projet fait en commun, pour l’intérêt général, finit par aboutir. Je vous le recommande. C’est presque un peu comme trouver le Graal.
Comme le voyage dans le temps d’ailleurs : c’est vraiment génial. Désolé, je ne peux malheureusement pas vous en faire profiter. De même, j’ai des infos sur le futur mais je n’ai pas le droit de vous les donner. C’est ballot. Allez, tant pis, parce que c’est vous et que vous avez lu jusque là, je me prendrai un blâme mais sachez qu’en 2020, au moins un chaton proposera une autre instance de Bénévalibre. C’est une bonne chose : ça va dans le bon sens de la décentralisation d’Internet !
Bon courage, je file réparer ma cotte de mailles et surtout, souvenez-vous, comme le dit un collègue : « Hacker vaillant, rien d’impossible ». Ou un truc comme ça, je ne sais plus.
Un résumé court, succinct et néanmoins bref de cet article :
Le bénévolat d’une association est un des indicateurs de son dynamisme et de sa portée ;
La « loi travail » prévoit un (futur) Compte d’Engagement Citoyen où l’on peut déclarer et « valoriser » ses activités bénévoles, par exemple pour ouvrir des droits à la formation ;
Valoriser le bénévolat pose un problème politique :
Cela induit une vision comptable, marchande et contrôlée d’un don de soi à la société ;
Cela rend techniquement possible la surveillance étatique dans les actions de la société civile ;
L’outil utilisé pour compter ses heures est central, il doit émanciper et non soumettre (ni exploiter les données et donc les vies de) les bénévoles ;
Seul un logiciel libre conçu comme un commun en conscience de sa portée politique peut garantir que la société civile garde le contrôle de l’outil et donc sa puissance d’agir.
Bénévalibre est né de la volonté de ne pas laisser la #StartupNation comptabiliser nos heures de bénévolat (et en exploiter nos données) ;
Il est le fruit de 3 ans de travail collaboratif entre associations, fondations, et chercheur·euses ;
Ce logiciel laisse, à de multiples niveaux, le choix et le contrôle dans son utilisation ;
Laurent Costy, alias Provençal le Gaulois, présente comment la contribution collégiale autour d’un Commun a donné naissance à Bénévalibre (à coups de table ronde).
Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.
Et si le pair-à-pair devenait le modèle et le moteur d’une nouvelle organisation sociale ? – Troisième volet de la réflexion de Michel Bauwens (si vous avez raté le début, c’est par ici).
Si vous souhaitez lire l’ensemble en un seul fichier, cliquez sur le lien ci-dessous (pdf 312 Ko)
Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, Delaforest, mo, avec l’aimable contribution de Maïa Dereva.
4. Vers un État partenaire
Pouvons-nous alors imaginer une nouvelle sorte d’état ? C’est là qu’entre en scène le concept d’État Partenaire ! L’État Partenaire, théorisé par le scientifique et politique italien Cosma Orsi1, est une forme d’état qui permet et renforce la création de valeur sociale par ses citoyens. Il protège l’infrastructure de coopération qui est le pilier de la société.
L’État Partenaire peut exister à n’importe quel niveau territorial comme un ensemble d’institutions qui protège le bien commun et permet aux citoyens de créer de la valeur. Il reproduit sur une échelle territoriale ce que les institutions à but lucratif font à l’échelle d’un projet. Pendant que les associations à but lucratif travaillent pour les commoners en tant que contributeurs et participants à des projets précis, l’État Partenaire travaille pour les citoyens.
Ceci est nécessaire car, tout comme la « main invisible » du marché est un mythe, la main invisible des communs l’est tout autant. Les commoners ont tendance à se sentir concernés par leurs communs, mais non pas par la société dans sa globalité. Cette considération spécifique de la totalité requiert son propre ensemble spécifique d’institutions !
La bonne nouvelle, c’est qu’un tel État Partenaire existe déjà, et nous avons pu le voir en action, au moins sous une forme embryonnaire et locale. Il y a quelques années, j’ai pu visiter la ville française de Brest. Brest n’est pas une belle ville, mais elle se situe dans une région naturelle magnifique. Elle a été bombardée lors de la Seconde guerre mondiale et de nombreux logements sociaux, peu attrayants, ont été construits conduisant à une anomie sociale. Michel Briand, adjoint au maire, ainsi que son équipe d’employés municipaux ont eu une idée brillante : pourquoi ne pas utiliser le virtuel pour améliorer la vie sociale réelle au sein de la ville ?
L’équipe a créé des versions locales de Facebook, YouTube et Flickr, a aidé les associations locales à développer leur présence en ligne, a investi énormément dans la formation et a même construit une vraie bibliothèque où les citoyens pouvaient emprunter du matériel de production. L’un de leur projet a été de redynamiser les vieux « sentiers des douaniers » dans le but d’attirer des foules de randonneurs. Ils ont alors décidé « d’enrichir virtuellement » les chemins de randonnée.
Et c’est ici que l’innovation sociale entre en jeu : le conseil municipal n’a pas effectué cela en se substituant lui-même à l’ensemble des citoyens (à la manière de l’état pourvoyeur), ni en demandant au secteur privé de mener ce projet à bien (privatisation ou partenariat public-privé). Ce qu’il a fait, c’est donner aux équipes locales de citoyens les moyens de créer de la valeur ajoutée.
Cela s’est fait sous différentes formes comme la création de galeries de photos de monuments remarquables, des collections d’histoires orales, et bien d’autres choses. Même « l’enregistrement des chants d’oiseaux » était au programme ! L’État Partenaire c’est cela, à savoir des autorités publiques qui créent le bon environnement et la bonne infrastructure de soutien pour que les citoyens puissent produire, entre pairs, de la valeur dont toute la société bénéficie.
L’État Partenaire stimule une économie locale prospère tout comme des entrepreneurs locaux créent une valeur ajoutée sur le marché et attirent plus de touristes. Michel Briand et son équipe ont travaillé sans relâche « pour le bénéfice des citoyens », améliorant leur capacité à créer de la valeur civique. Évidemment, la connaissance et la culture créées ont constitué des communs dynamiques. Si nous élargissons cela à une échelle nationale voire supra-nationale, nous obtenons un État qui pratique « les biens communs », c’est-à-dire qui promeut les communs et les commoners créateurs de valeur.
Il existe bien sûr d’autres exemples qui méritent d’être mentionnés. La région autrichienne de Linz s’est elle-même déclarée région de biens communs. La ville de Naples a créé la fonction d’« assistant du maire pour les biens communs », et San Francisco a créé un groupe de travail afin de promouvoir l’économie collaborative.
Cependant un danger guette ici, illustré par le programme Big Society au Royaume-Uni qui utilise un langage superficiel similaire d’autonomie et d’action civiques, mais cache une pratique complètement différente, c’est-à-dire qui repose sur une stratégie de continuation de l’affaiblissement de l’État-providence et de ce à quoi il pourvoit. Un État Partenaire ne peut pas se fonder sur la destruction de l’infrastructure publique de coopération.
Cela n’a sûrement pas été l’intention première de Philipp Blond et de sa société orientée vers la société civile dans son livre Red Tory, mais ce fut certainement ce que le gouvernement de David Cameron a mis en pratique avec la Big Society. La production entre pairs d’une valeur commune requiert une richesse civique ainsi que des institutions civiques puissantes ! Autrement dit, le concept d’État partenaire transcende et inclut le meilleur de l’État providence, c’est-à-dire des mécanismes de solidarité sociale, un niveau élevé d’éducation et une vie culturelle dynamique et soutenue par le public.
Ce que les conservateurs britanniques ont fait, c’est d’utiliser la rhétorique de la Big Society pour tenter d’affaiblir davantage les vestiges de la solidarité sociale et de renvoyer les gens à leur propre sort sans aucun soutien. Ce qui ne leur donnait ni pouvoir ni valorisation, mais plutôt l’inverse.
Alors que la production entre pairs apparaîtra aussi et sans aucun doute comme un moteur de résilience en période de crise, une société réellement prospère fondée sur le bien commun nécessite un État partenaire, c’est-à-dire un réseau d’institutions démocratiques d’utilité publique, qui protège le bien commun à l’échelle territoriale.
5. Une crise des valeurs de l’économie capitaliste
La production entre pairs existe en relation avec une coalition entrepreneuriale qui crée de la valeur marchande en plus des communs. Cependant, la croissance exponentielle dans la création de valeur utilisateur par des publics productifs, ou produserscomme Axel Bruns les appelle, n’est pas sans créer des problèmes et des contradictions pour l’économie politique actuelle.
En fait, cela crée un énorme problème pour le système capitaliste, mais aussi pour les travailleurs, au sens traditionnel du terme, parce que les marchés sont définis comme une manière d’allouer des ressources rares. De plus, le capitalisme n’est pas seulement un système d’allocation de la rareté mais en réalité un système de conception de cette rareté. Il ne peut accumuler du capital qu’en reproduisant et augmentant constamment les conditions de rareté. Là où il n’y a pas de tension entre l’offre et la demande, il ne peut y avoir de marché ni accumulation de capital.
Ce que les producteurs entre pairs font, pour le moment principalement dans la sphère immatérielle de production de connaissances, de logiciel et de conception, c’est créer une abondance d’informations facilement reproductibles et un savoir exploitable, qui ne peuvent pas être directement traduits en valeur marchande, car ils ne sont pas du tout rares, mais au contraire, surabondants. Et cette activité est créée par des professionnels de la connaissance, qui sont maintenant produits si massivement, que leur surnombre les transforme aussi en travailleurs précaires.
D’où un exode accru des capacités de production, sous la forme d’une production de valeur à usage direct, en dehors du système de monétisation existant, qui n’opère qu’en marge de celui-ci. Dans le passé, lorsque de tels exodes ont eu lieu – les esclaves lors de la décadence de l’Empire romain, ou les serfs lors du déclin du Moyen Âge – c’est précisément à ce moment que les conditions étaient réunies pour des transitions sociétales et économiques de grande ampleur mais aussi fondamentales.
En effet, sans une dépendance de base du capital, des marchandises et du travail, il est difficile d’imaginer une continuation du système capitaliste.
Le problème de la création de valeur d’usage que la collaboration sur Internet a permise, c’est qu’elle contourne complètement ce fonctionnement normal. Le fonctionnement normal de notre système économique voudrait qu’un accroissement de la productivité soit d’une manière ou d’une autre récompensé, et que ces récompenses permettent aux consommateurs d’en dégager un revenu et d’acheter des produits.
Mais ce n’est plus le cas. Les utilisateurs de Facebook et de Google créent une valeur commerciale pour leurs plateformes, mais uniquement sous une forme indirecte et ils ne sont pas du tout récompensés pour la création de leur propre valeur. Comme ce qu’ils créent n’est pas marchandisé sur le marché des biens rares, il n’y a pas retour sur investissement pour ces créateurs de valeur. Ce qui veut dire que les médias sociaux mettent en lumière une faille importante de notre système.
L’actuelle soi-disant économie de la connaissance est par conséquent une imposture et une chimère, car l’abondance de biens ne fonctionne pas correctement dans l’économie de marché. Pour éliminer la précarité croissante qui attend les travailleurs du monde, y a-t-il une solution à ce casse-tête ? Pouvons-nous restaurer la boucle de rétroaction qui a été rompue ?
Un exemple de recherche d’une autre gouvernance, par l’Assemblée des communs francophones, image extraite de ce diaporama.