S’accommoder ou renoncer à Internet Explorer ?

L'actu en patates - Martin Vidberg

Ce dessin de Martin Vidberg illustre bien la situation actuelle des navigateurs. En effet si Internet Explorer ne s’était pas retrouvé d’office dans tous les ordinateurs sous Windows (obligeant toute substitution à un acte engagé de téléchargement), nous n’en serions pas là.

Non, ce n’est pas forcément en cliquant sur le gros E bleu de mon bureau que je vais accéder au réseau. Et oui, commençons (avant de voir plus loin) par éradiquer ce cancer du Net que constitue la version 6 du navigateur de Microsoft, qui fit perdre tant de temps et d’argent aux créateurs de sites web du monde entier.

Vous trouverez ci-dessous le témoignage d’un webdesigner, qui ne souhaite plus se faire de cheveux blancs, et qui, constatant la poussée salutaire de la concurrence, a décidé désormais de passer outre et d’ignorer IE.

Et si c’était au tour des utilisateurs de s’adapter, en prenant 5 minutes de leur temps pour installer une alternative ?

Internet Explorer : un casse-tête pour les designers Web

Internet Explorer Is To Web Standards What Ebonics Is To Standard English

Chris Berry – 18 avril 2009 – Blog
(Traduction Framalang : Balzane, Goofy et Olivier)

Chaque fois que je m’engage dans un nouveau projet de design de site Web, je constate l’impact négatif de Microsoft Internet Explorer. Comme je l’ai déjà dit, je ne réponds pas au cliché du casseur de Microsoft typique, et j’estime que l’augmentation constante de la productivité durant les 20 dernières années est pour une grande part à mettre au crédit de l’universalité de leur système d’exploitation et des logiciels Office. Ceux qui se souviennent de l’époque qui a précédé MS-DOS et Microsoft Office se rappelleront l’absence totale de standard qui rendait virtuellement impossible l’échange de documents avec quiconque n’utilisait pas le même système que vous. Je maintiens que leur monopole dans ce domaine a produit des effets bénéfiques pour tous.

À l’inverse, leur domination sur le marché des navigateurs Web a eu un impact manifestement négatif. Bill Gates reconnaît volontiers que son manque de flair vis-à-vis du développement d’Internet au début des années 90 fut l’une de ses plus grandes erreurs stratégiques. Pour compenser son arrivée relativement tardive sur ce secteur, la société a utilisé sa position monopolistique sur les systèmes d’exploitation pour modeler l’évolution d’Internet selon sa propre volonté. En l’absence de standard universellement accepté à l’origine, Microsoft a développé un navigateur qui tentait d’imposer au Web un fonctionnement identique à celui de n’importe quel autre produit Microsoft. Près de 15 ans plus tard, malgré le développement de standards Web largement reconnus, Microsoft n’a pas encore complètement abandonné cette approche. Aujourd’hui, Internet Explorer reste aux standards Web ce que le langage SMS est à l’orthographe.

La fourniture systématique des premières versions d’Internet Explorer avec le système d’exploitation Windows a assuré à Microsoft une acceptation quasi universelle de son produit, malgré ses limitations manifestes. Suivant les statistiques auxquelles vous vous fiez, de 2002 à 2004 Internet Explorer représentait entre 85 et 95 % de l’ensemble du trafic web. En conséquence, les webdesigners n’avaient pas d’autre solution que d’adapter leurs sites aux comportements propres aux navigateurs Microsoft.

Depuis 1994, le Worldwide Web Consortium (W3C) a travaillé à la mise en place de standards Web universellement reconnus et à empêcher de nouvelles implémentations de technologies propriétaires. Selon leur site Web :

Pour que le Web atteigne son plein potentiel, les technologies Web les plus fondamentales doivent être compatibles entre elles et fonctionner avec n’importe quel matériel et logiciel utilisé pour accéder au Web. Cet objectif est appelé au W3C « l’interopérabilité du Web ». En publiant des standards ouverts (non propriétaires) pour les langages et les protocoles du Web, le W3C ambitionne d’éviter la fragmentation du marché et la balkanisation du Web.

Bien que Microsoft soit membre du W3C, ils ont continué à proposer des produits qui ne remplissent que partiellement cet objectif capital.

Fort heureusement, la domination d’Internet Explorer sur le marché des navigateurs a considérablement diminué ces dernières années, et des navigateurs respectueux des standards comme Mozilla Firefox bénéficient d’une adoption large et rapide. Là encore les statistiques présentent des écarts considérables, mais selon les chiffres du W3C Schools, Firefox représente maintenant 46,5 % du trafic Web, à comparer aux 43,5 % que représentent les différentes versions d’Internet Explorer : IE6, IE7 et le dernier sorti IE8. Les utilisateurs avancés disposent maintenant d’un large choix de navigateurs respectueux des standards et, cumulés, Firefox, Google Chrome, Opera et Safari représentent maintenant 56,1% des navigateurs Web. Un pas de géant dans la bonne direction.

Hélas, 17 % des utilisateurs du Web font toujours confiance à Internet Explorer 6, un navigateur datant d’octobre 2001. Combien d’entre nous portent encore les mêmes vêtements ou regardent les mêmes émissions télés qu’il y a huit ans ? C’est l’année où on a découvert Loft Story et le Maillon Faible. Ces émissions sont apparues, puis ont disparu, mais IE6 lui est toujours parmi nous aujourd’hui. En matière d’espérance de vie, nos années passent encore plus vite pour un logiciel que pour un chien, mais pour diverses raisons IE6 refuse de mourir.

À l’exception des webdesigners et des experts en sécurité, la plupart des gens ne sont pas conscients des limitations importantes d’IE6 ou plus récemment d’IE7. Ils ne comprennent pas combien d’heures et de ressources sont gaspillées avant qu’un site au rendu parfait sous un navigateur conforme aux standards fonctionne aussi sous Internet Explorer. Jusqu’à récemment, bricoler avec les limitations de ces navigateurs était considéré comme un mal nécessaire et peu de designers acceptaient de publier un site si son affichage dans ces navigateurs imparfaits et obsolètes conduisait à une mise en page dégradée.

Compte tenu de la part de marché grandissante des navigateurs respectueux des standards, quelques designers hardis font évoluer leurs habitudes. Cela n’a aucun sens de passer d’innombrables heures à inventer des bidouilles inélégantes et des solutions de rechange disgracieuses pour s’adapter à des utilisateurs qui se cramponnent obstinément à une technologie obsolète. D’un point de vue commercial, il peut être difficile de résister à un client qui insiste pour que son site soit rétrocompatible avec une technologie préhistorique, mais il faut au moins le rendre conscient des coûts supplémentaires importants induits par son exigence.

Selon l’avis de certains, les designers passent autant de temps à obtenir un rendu correct d’un site dans IE qu’à créer le design original. Ceci constitue clairement un gâchis de temps et d’énergie phénoménal et représente une charge financière énorme dont les clients ont rarement conscience. Il faudrait au minimum leur expliquer ouvertement qu’assurer la rétrocompatibilité de leur site avec des navigateurs obsolètes reviendra sensiblement plus cher que la création d’un site conforme aux standards. Tant que les clients ne seront pas au courant que leurs exigences impliquent un tarif très élevé, les utilisateurs d’IE resteront inconscients des problèmes qu’ils causent.

Refuser purement et simplement de prendre en charge les navigateurs non conforme serait plus facile, mais cela ne constitue pas une solution réaliste. Nous pouvons agir pour sensibiliser les internautes néophytes à la nature et à l’étendue des problèmes qu’ils causent. Après avoir créé ce nouveau thème pour mon site, j’ai décidé de ne faire aucune modification pour les utilisateurs d’Internet Explorer. Si vous visitez ce site avec un navigateur respectueux des standards, son rendu sera exactement celui voulu. Si vous utilisez Internet Explorer, la mise en page sera dégradée. Les utilisateurs d’IE7 constateront entre autres qu’en arrière-plan les images et les couleurs ne sont pas assorties, que les boîtes de commentaires ne sont pas alignées avec la marge gauche. Si vous survolez les numéros de pages en bas de l’écran dans IE, vous allez probablement voir leur position sauter de 15 ou 20 pixels. Si vous regardez la page d’accueil ou l’une des pages d’archives, vous allez remarquer des espaces vides supplémentaires entre chaque extrait des billets. Ce sont juste quelques-uns des défauts que j’ai constatés jusqu’ici avec IE7, et je ne me suis même pas préoccupé d’afficher le site dans IE6. Je suppose que c’est bien pire.

Si vous voulez contribuer à débarrasser le monde des navigateurs non respectueux des standards, vous pouvez afficher le logo Bring Down IE6 (NdT : Meurs, IE6 !). Procurez-vous le vôtre dès aujourd’hui sur Bring Down IE6.com.




Quand Internet croit faire de la politique

Ted Percival - CC by« 18 juin 1940 – le général de Gaulle envoit un message sur Twitter et crée une cause sur Facebook. 19 juin 1940 – déjà plus de 30 millions d’internautes ont rejoint les rangs des Français Libres sur les réseaux sociaux. Les SMS et mails de soutien affluent. Des milliers de blogs fleurissent… »

Voici un article de Cédric Biagini[1] dont le préambule accroche illico et donne envie d’en savoir plus. Il interroge profondément le sens que nous donnons, ou feignons de donner, à tout ce temps passé à nous connecter et échanger des informations. Et si nous étions en train de nous fourvoyer à croire qu’un autre monde est possible, vissés que nous sommes derrière nos écrans ?

Participer plein d’espoir et d’énergie à notre propre enfermement alors même que nous pensons nous libérer, voilà un scénario que l’Histoire a déjà connu. Internet deviendra-t-il la nouvelle caverne de Platon de notre époque numérique ?

En tant que créateur de Framasoft (qui a donc de bonnes heures de vol net derrière lui), je tenais à vous faire partager ma perplexité existentielle face à ce texte militant qui pose quelques bonnes questions.

On pensera également bien entendu à la forte mobilisation du réseau contre le projet de loi Création et Internet (opération Blackout, pétition, Réseau des Pirates, groupe Facebook, tag Twitter, etc.) dont on peut légitimement se demander si elle ne s’est pas effectivement arrêtée aux frontières du Web. D’autant que lorsque l’on tente d’en sortir (ça, ça et bientôt ça), on franchit difficilement le stade de la confidentialité, quand bien même on passe assurément un bon moment ensemble.

Au final la loi risque bien d’être votée. Et le Net, constitué de gens toujours plus informés, est, dans sa grande majorité, totalement abasourdi devant tant d’incompétences et d’irresponsabilités. Sauf que comme il est dit plus bas, ce n’est pas parce que les gens savent que les choses changent. Le décalage entre le bruit virtuel et le silence du terrain est patent.

Il y a indéniablement une aspiration et de nouvelles possibilités pour faire de la politique autrement. Mais lorsqu’il est question de contester une loi émanant de la majorité, les classiques rapports de force gardent toute leur efficacité. De mémoire de parlementaire, on n’a encore jamais vu un buzz avoir raison d’un gouvernement…

Cet article est issu du dossier « le piège Internet » du numéro d’avril de La Décroissance (2€ chez votre point de vente le plus proche). Ce journal « de combat veut faire progresser une cause encore minoritaire, et fait désormais partie du paysage médiatique national, contribuant, par son indépendance, à la vitalité du débat démocratique sur l’avenir de la planète »[2].

La Toile contre la politique ?

Cédric Biagini – avril 2009 – La Décroissance

18 juin 1940 – le général de Gaulle envoit un message sur Twitter et crée une cause sur Facebook.

19 juin 1940 – déjà plus de 30 millions d’internautes ont rejoint les rangs des “Français Libres” sur les réseaux sociaux. Les SMS et mails de soutien affluent. Des milliers de blogs fleurissent. Sur les forums, Gaullistes, FFI, FTP et Miliciens pétainistes s’écharpent..

18 juin 2009 – In Frankreich wird nur noch Deutsch gesprochen…

Les milieux contestataires ont imposé l’idée que pianoter derrière un écran pour diffuser sur Internet était une pratique subversive. Les mouvements conservateurs tendant à reconquérir ce terrain, il est temps de mettre à bas ce mythe de la communication. Et de savoir construire (aussi) des rapports de force sociaux ou politiques dans le monde réel. Saurons nous encore le faire ?

Cette promesse d’un monde meilleur a été portée par les pionniers d’Internet. L’émergence du mouvement alter mondialiste est concomitante de l’éclosion de ces nouveaux médias, la lutte se mène désormais à l’échelle planétaire et prend le réseau comme modèle.

Mais cette illusion d’avoir dépassé le capitalisme vermoulu, ancré dans le réel, pesant, hiérarchisé, bref, associé à l’ancien monde du XXème siècle, n’a duré que quelques années, le temps que celui-ci se redéploie dans l’univers virtuel et en tire des bénéfices immenses, en terme financiers bien sûr, mais surtout idéologiques. Le basculement numérique lui offre, au contraire un nouveau territoire à conquérir et lui permet de se moderniser en se parant de valeurs issues de la tradition émancipatrice et de mots comme révolution, liberté, gratuité, horizontalité, participation, nomadisme, échange, etc…

Bien que toutes les forces sociales dominantes, de l’État aux multinationales, en passant par les industries culturelles, participent au déferlement technologique et tentent de mettre l’ensemble de l’humanité devant tel ou tel écran, les mouvements contestataires, passé l’euphorie des débuts, sont anesthésiés, incapables de formuler un discours un tant soit peu critique. Seules quelques technologies comme les puces RFID et celles associées aux contrôles policiers éveillent leur méfiance.

Pourtant la question numérique est éminemment politique. Nos rapports au temps, à l’espace, aux autres et à nos environnements s’en trouvent profondément modifiés. L’essence même de la technologie est en train de transformer le monde. Son emprise croissante sur nos vies ne fait que renforcer le libéralisme : marché autorégulé, disparition des intermédiaires, accélération des échanges, déterritorialisation, individualisation, destruction des modes de vie traditionnels, culte de la performance et de la nouveauté. Que les béni-oui-oui du progrès applaudissent à toutes les innovations, persuadés que chaque problème trouvera sa solution technique, paraît logique. Plus étonnante est la permanence du discours sur la neutralité de la technique – tout dépend de ce qu’on fait… – ou sur l’illusion de pouvoir la maîtriser – c’est bien pratique et efficace…

L’obsession de l’information. Peu à peu, une frénésie informationnelle s’est emparée de la société, le monde de la contestation ayant parfaitement intégré que tout n’était qu’information et que si les gens savaient, tout changerait !…. Puisque les grands médias sont responsables de tous les maux, leur critique devient obsessionnelle et rétablir la vérité devient le cœur des nouvelles pratiques militantes. Se multiplient alors forums, listes, sites, blogs, etc…

Le temps n’étant pas extensible, les moments de rencontre se raréfient et plus personne ne devient disponible pour organiser de vraies réunions ou penser des mobilisations ou des alternatives collectives. Cette réduction utilitariste de l’agir politique empêche de questionner le sens de nos pratiques, alors que nous devrions avoir compris, après les multiples échecs des mouvements du XXème siècle, que le chemin importe plus que le but. Faire un journal militant, par exemple, n’a pas uniquement pour objectif de diffuser des idées ; le support en lui-même crée du collectif et amorce une prise sur le réel.

Les militants passent un temps croissant vissés devant leur ordinateur à faire circuler des informations et à s’écharper sur les forums avec une violence que l’absence de liens véritables permet. Une information chasse l’autre dans un ballet sans fin qui donne le tournis… et de nouvelles raisons de s’inquiéter et de s’indigner. Plus le temps de prendre du recul pour mettre en perspective, de conceptualiser ou de débattre. Il faut se connecter aux évènements les plus récents et rester vigilants pour être sûrs de ne rien manquer ! Cette dictature de l’instant empêche de chercher des réponses philosophiques et politiques.

L‘homo communicans. Cette obsession de l’information libératrice postule qu’il suffirait d’être au courant des horreurs du monde pour les combattre. Ce peut être une condition nécessaire mais jamais suffisante, et il n’y a pas de lien direct entre information et action – si l’on entend bien sûr par « action » actes et engagement, et non un simple réflexe émotionnel ou compassionnel.

Le rapport de force politique ne se crée pas devant un écran. Car scoops et révélations n’entraînent pas mobilisations. Car ces informations et cette masse de connaissances accessibles, aussi critiques soient-elles, si elles n’entrent pas dans la « réalité de nos situations », c’est-à-dire dans un ordre constitué de croyances, de valeurs, de repères et de pratiques, ne produisent aucune puissance politique. Or la société communicationnelle nous condamne à n’être que des émetteurs-récepteurs d’informations, perpétuellement plongés dans l’univers des machines, extérieurs au monde.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de refuser toute forme de communication, d’échanges d’informations et d’analyses. Mais plutôt, de cesser de nous bercer d’illusions que l’instantanéité et la profusion de données nous permettent de maîtriser le monde.

En évitant d’être happé par ces flux, un double processus peut s’enclencher : prendre le recul nécessaire à la réflexion, à la construction de soi et à la production de sens. Et, en même temps, nous réinscrire dans une histoire, dans un environnement social, dans la nature et dans la durée.

Notes

[1] Cédric Biagini est l’auteur de La Tyrannie technologique : Critique de la société numérique aux éditions L’échapée (dont on peut lire une critique contextuelle sur le site des Écrans).

[2] Crédit photo : Ted Percival (Creative Commons By)




Combien d’écoles Jean-Macé en France ?

Tinou Bao - CC byLe titre de ce billet fait naturellement écho à Combien de lycées Sud Médoc en France ? où nous feignions d’interroger la situation française alors qu’il ne s’agissait que de mettre en valeur une remarquable initiative locale, fort justement relayée par la presse.

Il en va de même ici, non plus dans le secondaire mais dans le primaire, à l’école Jean-Macé d’Hazebrouck[1].

Cette école ne disposait pas de salle informatique. Lacune aujourd’hui comblée avec une quinzaine de postes qui, depuis décembre, tournent sous le système d’exploitation GNU/Linux.

C’est déjà remarquable en soi mais ce qui l’est peut-être tout autant voire plus, c’est d’avoir fait constater par l’autorité de tutelle, à savoir ici l’Inspection académique, que « l’absence Microsoft » ne pénalise nullement les usages pédagogiques et l’obtention du B2i, bien au contraire.

Un événement rapporté comme il se doit par les journaux locaux (voir ci-dessous), et le moins que l’on puisse dire c’est que cela fait plaisir à lire.

Source de l’information sur le site de l’école

Du matériel informatique neuf et innovant à l’école Jean-Macé

Image scannée de l'article de la Voix du Nord6 avril 2009 – La Voix du Nord

Mardi après-midi, deux conseillers en technologies de l’information et de la communication (TICE) sont venus s’enquérir du bon fonctionnement de la salle informatique de l’école Jean-Macé. Un site précurseur en la matière.

La municipalité a décidé de restaurer le parc informatique des écoles de la commune. Première à bénéficier de cette politique, l’école Jean-Macé fait figure de site pilote. En effet, son nouveau matériel, quinze unités centrales, fonctionne avec un système d’exploitation libre.

Des utilisateurs conquis

« L’intérêt de notre visite, c’est de vérifier que tout se déroule correctement et que l’utilisation d’un système d’exploitation libre est pertinente pour la délivrance du B2I, Brevet informatique et Internet, aux enfants de CM 2 », explique Thierry Heuguebart, conseiller en TICE pour le secteur d’Hazebrouck, venu, mardi, accompagné de Luc Simon, son homologue pour l’inspection académique du Nord.

Le moins que l’on puisse dire est que tous les utilisateurs sont conquis. Enseignants et élèves n’ont eu aucun mal à s’adapter au nouveau logiciel qui permet de sortir de la logique Windows.

Le directeur de l’établissement, Stéphane Olivier, ne cache pas lui non plus sa satisfaction devant l’investissement municipal. « Désormais, chaque élève dispose du même équipement. Avant, tout était dépareillé. Nous n’avons plus de bug et, grâce au serveur, nous sommes tous en ligne », s’enthousiasme-t-il.

Les écoliers expérimentent le logiciel libre

Image scannée de l'article de l'Indicateur des FlandresA. R.-M. – 9 avril 2009 – L’Indicateur des Flandres

Avec quinze ordinateurs neufs, élèves et enseignants de l’école Jean-Macé ont de quoi se réjouir. La municipalité d’Hazebrouck a décidé, sous la responsabilité de l’adjoint aux Affaires scolaires, Michel Labitte, de renouveler chaque année le parc informatique d’une école.

Cette politique volontariste en terme d’informatique ne s’arrête pas là puisque depuis le mois de décembre, les écoliers travaillent sous Linux, un système d’exploitation libre et donc gratuit, dans le cadre d’une expérimentation autorisée par l’Éducation nationale. Ce test a des répercussions économiques : la municipalité de devra plus payer le système Microsoft, ni acheter ses logiciels.

Ce qui intéressent davantage élus, enseignants et représentants de l’Inspection académique, qui étaient en visite mardi 31 mars à l’école Jean-Macé, c’est l’aspect d’ouverture d’esprit. Professeurs comme élèves découvrent qu’il existe d’autres systèmes d’exploitation que celui lancé par l’américain Bill Gates, Microsoft, devenu incontournable puisqu’il est vendu avec chaque ordinateur neuf. Cela pourrait bien changer car la commission européenne s’inquiète de ce monopole.

Dans les faits, les enfants ne se rendent pas compte de la différence. Ils viennent dans cette salle informatique pour acquérir des connaissances en français ou encore en mathématiques, avec une certaine autonomie, tout en s’initiant aux nouvelles technologies dans le cadre du B2i. Quant aux professeurs, ils ont tous reçu une formation dispensée par Thierry Heuguebart, conseiller pédagogique TIC (technologies de l’information et de la communication) dans la circonscription d’Hazebrouck.

Le directeur, Stéphane Olivier, confirme : « Le changement de logiciel s’est fait sans problème ». L’expérience semble donc concluante. La municipalité devrait poursuivre dans cette voie, tout comme l’Éducation nationale. Autre avantage non négligeable de l’expérience : le responsable informatique de la mairie, Grégory Houte, n’est plus dérangé fréquemment à cause de problèmes techniques. Quand un ordinateur ne répond plus, le serveur le réinitialise et l’enfant peut reprendre son travail.

Notes

[1] Crédit photo : Tinou Bao (Creative Commons By)




Combien de lycées Sud Médoc en France ?

Mr. Theklan - CC by-saLe lycée Sud Médoc de Bordeaux propose à ses élèves un atelier Cinéma, un atelier Théâtre et un atelier… « Informatique et Logiciels Libres » !

Il ne s’agit pas d’un atelier informatique où figureraient, entre autres, les logiciels libres, c’est directement dans le titre et révèle l’importance qu’on souhaite leur accorder.

La présentation en est fort intéressante et a valeur d’exemple aussi bien au niveau du contenu que dans la volonté de nouer des partenariats dynamiques et pertinents avec le monde extérieur.

Il s’agit en effet de découvrir et promouvoir les plate-formes d’exploitation et les logciels libres, de s’initier à la programmation sous Linux et à la DAO grâce à des outils comme GIMP, Inkscape et Blender. Parmi les partenaires, on trouve l’ENSEIRB de Talence dont les étudiants viennent le samedi matin pour enseigner aux élèves du club la programmation en C et C++, la Cyber-base de Saint-Médard en Jalles pour la DAO, ainsi que la célèbre association ABUL (les créateurs des RMLL !) et Médias-Cité (les créateurs d’Expo Libre !).

Par ailleurs des événements sont organisés. Les élèves du club s’en vont ainsi dans les classes présenter les logiciels libres auprès de leurs camarades de Seconde. Et, avec l’aimable autorisation de Monsieur le proviseur, des conférences associées à des install-parties sont mises en place.

Enfin voici ce qu’il est explicitement précisé :

Les élèves du club fonctionnent sur le mode du tutorat et selon les principes des logiciels libres : « Si tu ne sais pas demandes, si tu sais tu partages ». La mutualisation des savoirs est à l’origine des logiciels libres et c’est une règle de conduite dans ce club.

Si un élève[1] inscrit à cet atelier passe pas ici, qu’il n’hésite surtout pas à apporter son témoignage !

Tous les acteurs impliqués dans le projet méritent à n’en pas douter d’avoir connu aujourd’hui les honneurs d’un encart dans la Grande Presse, en l’occurrence le journal Sud Ouest, que nous nous sommes permis de reproduire ci-dessous.

On notera que le conférence du jour place les logiciels libres au niveau des enjeux de société. Si ça n’est pas encore une bonne idée ça…

On n’est pas là pour distribuer des bons points mais nous tirons notre chapeau à cette emblématique initiative locale. Bravo, merci, et comme ne dirait pas Chrisitine Albanel, nous vous souhaitons de faire des eMules 😉

Edit : On pourra lire aussi l’article parallèle Combien d’écoles Jean-Macé en France ?

Le lycée Sud-Médoc fait la part belle aux logiciels libres

URL d’origine du document

18 avril 2009 – SudOuest.com

INFORMATIQUE. L’intérêt des élèves pour l’univers de Linux et de la programmation, encouragé par l’établissement, ne se dément pas

Le lycée Sud-Médoc a organisé dernièrement sa demi-journée annuelle sur les logiciels libres. Ces logiciels sont gratuites. L’expression « logiciel libre » fait référence à la liberté pour les utilisateurs d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel.

La manifestation s’organisait autour d’une conférence de Jean Perrochaud, sur le thème : « Les logiciels libres : quels enjeux de société ? », au nom de l’Association bordelaise des utilisateurs de logiciels libres.

Partenariat avec l’Enseirb

En parallèle, des animations étaient organisées : présentation de film d’animation par Joël Houdin de Cyberbase, install-party (installation de systèmes d’exploitation Linux sur les ordinateurs) et lan-party (jeux en réseaux, toujours des jeux libres et gratuits) proposés par les élèves de l’Atelier logiciels libres et programmation du lycée Sud-Médoc et deux « anciens » actuellement dans l’enseignement supérieur.

Médias-cité avait prêté un matériel important. Il y eut un moment fort avec la signature confirmant officiellement le partenariat avec l’Enseirb de Talence par son directeur et par M. Bellicchi, proviseur du lycée Sud-Médoc.

En effet, les étudiants viennent pour la 5e année consécutive le samedi matin au lycée pour un tutorat en programmation au profit de des élèves de l’Atelier. Ces derniers ont toujours été soutenus dans cette activité par le proviseur de l’établissement, qui obtient en retour des résultats très encourageants et une réelle gratitude de la part des élèves.

Notes

[1] Crédit photo : Mr Theklan (Creative Commons By-Sa)




Je pense avoir acheté mon dernier Mac

Procsilas - CC byFramasoft en général et le Framablog en particulier vous ont souvent raconté des histoires de migration du système d’exploitation Microsoft Windows vers GNU/Linux (de préférence des histoires qui se finissent bien).

Pour changer un peu, il nous a semble original et intéressant de vous proposer le témoignage d’un « vieux fidèle » du Mac qui a lui aussi décidé de « briser ses chaînes » (et Dieu sait si avec Apple elle sont nombreuses) pour s’en aller le cœur léger aborder le pays des manchots, en l’occurrence le manchot sud-africain Ubuntu.

Que les geeks qui ne cessent de vanter les mérites de Linux mais dont l’ordinateur principal tourne sous Mac[1] (si, si, j’en connais, au moins autant que ceux qui restent sous Windows), n’hésitent pas à apporter leur pierre dans les commentaires 😉

Migration

Switching

Ian Betteridge – 11 janvier 2009 – Technovia
(Traduction Framalang : Balzane)

Comme vous avez pu le déduire de mes billets récents, j’ai changé de système d’exploitation. Mon ordinateur principal est maintenant un portable Dell tournant sur Ubuntu 8.10.

J’avais utilisé des Mac depuis 1986, et j’en avais pratiquement toujours possédé un depuis 1989. Le Mac Plus, le LC 475, le PowerBook Duo, l’iBook et le MacBook Pro figurent parmi les machines qui subirent mon utilisation quotidienne. J’ai gagné ma vie en écrivant sur les Macs et je ne compte plus les Macworld Expos auxquelles j’ai assisté.

Mais, sauf évolution de la politique d’Apple et lancement de machines résolument différentes, je pense avoir acheté mon dernier Mac.

Les causes d’une migration de Mac OS X vers Linux sont diverses. La première était simple : le prix. Indéniablement, les toutes dernières générations de machines Apple sont surpuissantes. Malheureusement, leur prix est tout aussi surpuissant. C’est simple, je n’étais pas prêt à dépenser 200 £ (NdT : environ 230 €) de plus que pour mon dernier MacBook Pro.

Bien sûr, j’aurais pu me rabattre sur un MacBook standard. Il aurait été assez puissant pour mon usage. Mais il ne dispose que d’un écran 13 pouces et, après avoir travaillé des années sur un 15 pouces, 13 pouces c’était vraiment trop petit.

À l’inverse de beaucoup de constructeurs, Apple ne comptait pas de portables 15 pouces moins puissants que le MacBook Pro dans sa gamme. On comprendra que, pour des raisons de logistique et de simplicité de ses produits, Apple limite le nombre de variantes sur ses chaînes de production. Du coup, Apple ne proposait pas de machine qui corresponde à mes besoins.

Ceci constitue d’ailleurs un élément de réponse à la lancinante question : « Un Mac est-il un bon investissement ? » Par rapport à un PC aux performances identiques, c’est parfois le cas. Cependant, il arrive que l’utilisateur n’ait pas forcément besoin des fonctionnalités supplémentaires ou de la puissance du Mac. À moins qu’elles ne soient gratuites ou bon marché, acheter une machine aux fonctionnalités superflues n’est pas un bon investissement. Dans mon cas, payer 1400 £ (NdT : environ 1600 €) simplement pour bénéficier d’un écran 15 pouces alors que je n’ai pas l’usage d’un bus système cadencé à 1 GHz ou de deux cartes graphiques n’est pas un investissement intéressant.

Il y avait aussi une autre raison de migrer, mise en évidence par Mark Pilgrim lors de son passage sous Linux. Apple est une société particulièrement privatrice, elle ne documente pas ses formats de fichiers et a tendance à plus ou moins subtilement enfermer ses clients.

L’exemple le plus évident est l’iPhone. Comme un Mac, un iPhone possède un design exceptionnel. C’est aussi un écosystème très fermé. Les développeurs qui refusent de jouer le jeu d’Apple ne peuvent pas distribuer officiellement leurs applications. Ils ne peuvent que compter sur d’autres pour contourner les limitations du système d’exploitation du téléphone. Si vous voulez que vos applications tournent sur la majorité des iPhones, vous devez accepter les règles fixées par Apple. Et ces règles sont, semble-t-il, pour le moins arbitraires.

Je connais les justifications à ces règles. Ce sont exactement les mêmes arguments que ceux qu’utilisait IBM à l’époque où il ne voulait pas que vous exécutiez d’autres programmes que les leurs sur votre mainframe IBM. Certes, faire partie d’un écosystème fermé et rigoureusement contrôlé assure votre sécurité. C’est aussi hypothéquer votre capacité à disposer d’un Personal Computer réellement personnel.

Je fais une prédiction : pour des raisons similaires, l’écosystème de développement Mac va progressivement ressembler à celui du iPhone. D’optionnel, le recours à des binaires signés va finalement devenir « aucune possibilité d’exécution de code non signé ». Apple deviendra un distributeur d’applications, et fixera des règles du jeu similaires à celles appliquées à l’iPhone. Le raisonnement fait pour l’iPhone peut être transposé au Mac. Je ne pense pas que cela se produira dans les cinq prochaines années, mais je suppose que ça arrivera tôt ou tard. (Mise à jour : si vous êtes arrivé sur ce billet par le billet de Giles qui souligne cette prédiction, la lecture de Why Apple will have a Mac App Store peut vous intéresser.)

Après tout, Apple est une société qui se base sur le DMCA (NdT : Digital Millennium Copyright Act, pendant américain à DADVSI) pour empêcher la rétro-ingénierie sur les fichiers de base de données d’un iPod, élément essentiel à l’interopérabilité d’un iPod avec d’autres plates-formes que Windows ou Mac. Une société qui déploie sans avertissement la technologie anti-copie HDCP, de façon à bloquer jusqu’à la lecture même de contenus qui ne sont pas en haute définition sur des matériels non homologués.

Heureusement il existe une autre possibilité, une possibilité qui n’implique pas de faire confiance à une unique société commerciale pour prendre en compte l’ensemble de nos besoins informatiques. Alors je n’ai ni acheté un MacBook ni un MacBook Pro, mais un Dell XPS1530 flambant neuf, qui maintenant tourne avec bonheur sous Ubuntu 8.10. Il n’est pas aussi puissant qu’un MacBook Pro, mais la configuration matérielle correspond exactement à mes besoins, et son système d’exploitation n’est pas la propriété d’une multinationale monolithique.

Comment s’est passé l’essai jusqu’ici ? Le Mac ne m’a pas manqué une seule minute. Tout a bien fonctionné.

Je garde encore une partition Windows sur la machine, mais elle ne sert vraiment plus qu’en cas d’urgence. WoW tourne à la perfection sous Wine, et la fréquence de rafraîchissement fait passer mon vieux Mac Book Pro pour un Apple II. Le jour est proche où je n’aurai plus besoin d’un Windows « au cas où » et récupérerai les 80 Gb de la partition pour un meilleur usage. De toutes les façons ce Dell est équipé d’un disque de 400 Gb, ce qui me laisse le temps de voir venir.

ITunes ? Je n’en ai pas besoin, Amarok est meilleur, de loin. Pour tous mes documents, j’utilise OpenOffice.org et j’accède ainsi à un format de fichier dont l’existence n’est pas soumise au bon vouloir d’une société, à l’inverse de Pages (NdT : traitement de texte sur Mac).

La configuration d’Ubuntu a été un plaisir. Je pense vraiment que c’est à la portée de tous, et si vous avez la malchance de rencontrer le moindre problème, une rapide recherche Google devrait vous retourner une réponse de l’étonnante communauté Ubuntu. Avec mon Dell, j’ai rencontré une difficulté avec le trackpad, problème que j’ai pu résoudre en dix minutes grâces à Google et à la communauté Ubuntu. Si vous savez installer un Windows, vous saurez sans aucun doute installer et utiliser Ubuntu

Certains aspects du boulot effectué sont particulièrement impressionnants. Le modem 3G intégré, dont mon Dell est équipé, n’a pas juste été reconnu pas Ubuntu, il était aussi fonctionnel en quelques minutes. Un clic sur l’assistant qui m’a demandé quel réseau mobile utiliser, et ça marchait. Ce fut la même chose pour mon imprimante, une HP Deskjet vieille de moins d’un an. Alors que Windows Vista ne voulait pas en entendre parler, Ubuntu l’a reconnue dès son branchement et elle a fonctionné du premier coup.

Devriez-vous en faire de même ? Si vous êtes sensibilisés aux logiciels libres et aux formats ouverts, si vous refusez d’être captifs d’un matériel ou d’un unique système d’exploitation, alors la réponse est oui. Si vous vous préoccupez davantage de la simplicité d’utilisation de votre ordinateur et êtes satisfait de ce que vous impose Apple, alors non. De tous les systèmes d’exploitation existants, la distribution Ubuntu est la plus proche d’un système d’exploitation pour tous publics, mais il n’est pas pour tout le monde.

C’est une bonne chose, parce que la monoculture est nuisible. Je souhaite que Mac OS X s’améliore et prospère, tout comme que je souhaite que Microsoft perfectionne Windows. L’émulation est positive, et une concurrence entre trois plates-formes qui adoptent chacune une approche différente est très saine.

Notes

[1] Crédit photo : Procsilas (Creative Commons By)




J’ai mal à mon mail lu dans Thunderbird

Pandemia - CC byÀ Framasoft, nous sommes attachés au client de messagerie Thunderbird de la Fondation Mozilla. Ainsi nous lui avons consacré notre tout premier framabook et nous l’avons diffusé par centaine de milliers d’exemplaires via notre projet d’applications portables Framakey.

Mais comme nous l’expose ici Glyn Moody, Thunderbird[1] se trouve aujourd’hui dans la difficulté pour ne pas dire dans la tourmente.

Il y a tout d’abord des facteurs internes : Firefox privilégié par la Fondation, version 3.0 qui tarde à voir le jour (avec non intégration de l’agenda), etc. Il y a également des facteurs externes comme la concurrence des webmails dont en tout premier lieu Gmail. Mais il y a aussi et surtout une situation actuelle de plus en plus défavorable à la messagerie en général, tiraillée d’un côté par le spam et de l’autre par les nouveaux usages symbolisés par Facebook et Twitter. Jusqu’à se demander si le mail n’est pas en train de décliner voire de mourir !

Dans un tel contexte, peut-on encore sauver le soldat Thunderbird ? Telle est la question…

Comment peut-on sauver Thunderbird alors que le courrier électronique se meurt ?

How Can We Save Thunderbird Now Email is Dying?

Glyn Moody – 6 avril 2009 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Xavier, Yonnel et Goofy)

J’aime Thunderbird. Je l’utilise depuis des années, même si je l’utilise dorénavant davantage pour sauvegarder mon compte Gmail que comme client de messagerie principal. Il a toujours été considéré comme le Cendrillon de la famille Mozilla, délaissé par rapport à sa grande sœur beaucoup plus populaire qu’elle, Firefox.

La création de Mozilla Messaging, filiale de la fondation Mozilla signifie que des efforts ont été déjà consentis pour y remédier. Mais Thunderbird doit également faire face à un problème beaucoup plus sérieux.

Afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs de Thunderbird à court terme, on peut décider d’un certain nombre de mesures. La plus simple consiste sans doute à encourager et promouvoir les extensions pour Thunderbird. Le système d’extension de Firefox est devenu un des arguments qui fait pencher la balance en sa faveur – et qui permet de ne pas être séduit par des nouveaux joujoux qui brillent comme Chromium/Chrome.

J’entends souvent des gens dire qu’ils ne pourraient pas vivre sans une extension particulière de Firefox mais je n’ai jamais entendu dire la même chose pour Thunderbird. Cela doit changer si le client courriel de Mozilla veut gagner la même place de choix – et la même cote d’amour – que son navigateur.

En outre, il reste beaucoup à faire pour le site SpreadThunderbird, qui est en coma dépassé. Une des principales raisons du succès de Firefox a été l’implication d’une communauté d’utilisateurs enthousiastes pour faciliter l’adoption du logiciel, notamment grâce au site SpreadFirefox.

Simplement, cela ne fonctionne pas avec Thunderbird. Il n’est donc pas étonnant qu’en termes d’adoption, il soit un ton en-dessous. Si l’Open Source nous a appris quelque chose, c’est que la communauté des utilisateurs est incroyablement créative et capable de multiplier les pains.

Il y a des choses relativement faciles à essayer. Cependant, Thunderbird doit faire face à un problème plus grave et pas si facile à résoudre. Le courrier électronique se meurt. Je vois de plus en plus de gens qui abandonnent leur boîte de courrier électronique en se débarrassant simplement de leurs messages.

C’est ce qui a contribué au fléau du spam, qui représente maintenant 94% du total des courriers envoyés, selon Postini, la filiale de Google. Résultat, une véritable « tragédie des biens communs » (NdT : c’est le titre d’un article de Garrett Hardin, paru dans le magazine Science en 1968), où quelques individus égoïstes exploitent et finissent par épuiser une ressource disponible pour tous.

Malheureusement, la bataille contre le spam a l’air d’être perdue ; même si des services comme Gmail offrent selon moi un filtrage extrêmement efficace, ils sont loin de remplacer un service de messagerie qui suppose que vous voulez lire tout ce qui vous est envoyé, parce que seules les personnes qui vous intéressent ont le droit de vous contacter.

Plus Facebook et Twitter seront répandus, plus on se tournera vers ces réseaux sélectifs pour communiquer. La conséquence sera le déclin du courrier électronique, qui deviendra un genre de décharge numérique, peuplée en grande partie par ceux qui sont trop pauvres, trop mal informés ou trop paresseux pour faire le pas, et par les parasites spammeurs qui leur tomberont dessus. Je n’imagine pas que Thunderbird veuille devenir le logiciel favoris des uns ou des autres.

Les gens se tournent de plus en plus vers Twitter, Facebook et LinkedIn pour s’envoyer des courriers électroniques. La raison en est simple. Contrairement au courrier électronique, ce sont des services qui permettent d’être contacté uniquement par les gens que vous choisissez.

Ceci implique que Thunderbird doit passer du client courriel à l’application de messagerie qui inclura ces nouvelles formes de communications sélectives. Il faut trouver un moyen d’intégrer les tweets, les messages Facebook, les flux RSS et tout le reste de ce qui apparaîtra ces quelques prochaines années, dans un flux de messages cohérents et où l’on puisse naviguer.

Je m’attends à ce que cela exige de Thunderbird des capacités considérables, afin d’être capable d’afficher des messages en les hiérarchisant selon leur provenance, par exemple en donnant la priorité aux messages directs de Twitter par rapport aux flux RSS. De même, cette approche suppose à la fois que le client de messagerie interprète les actions quotidiennes de l’utilisateur, et qu’il soit extrêmement modulaire, parce que chacun aura ses préférences et ses besoins dans la gestion du flot de messages qui lui est destiné.

Certains s’attaquent déjà à cette fusion des flux de messages, comme Flock ou TwitterGadget, mais ce ne sont que des esquisses. Mozilla doit consacrer beaucoup d’énergie – et peut-être beaucoup d’argent – à des recherches sur la façon dont les utilisateurs souhaiteront recevoir et transmettre des messages.

Qui plus est, c’est un vrai défi, et pas tant une simple remise à niveau qu’une réinvention complète de la signification de la messagerie, à l’époque de Facebook et Twitter. Et ce ne sera pas une opération unique, mais un processus continu, en fonction des nouveaux services, des nouvelles habitudes – sans parler des nouvelles vulnérabilités que l’on trouvera dans le système, et dont il faudra s’occuper.

Parmi les autres problèmes qui devront être résolus, on trouve les questions de standards : un tel regroupement de messages amènera sans doute de nouvelles approches techniques qui se cristalliseront bientôt en standards. La Fondation Mozilla a clairement un grand rôle à jouer, pour s’assurer que ces standards soient ouverts, et non confisqués par une entreprise ou un groupe d’entreprises.

C’est maintenant qu’il faut se mettre à prévoir l’évolution, plutôt que d’attendre et ensuite de réagir face aux initiatives des autres, qui ne se soucient peut-être pas autant du bien-être durable des biens communs du Net.

Voilà donc ce que je pense. Et vous, que pensez-vous que Thunderbird doive devenir ? Quelqu’un qui aimerait avoir votre avis, c’est Mark Surman, directeur exécutif de la fondation Mozilla. Il aura bientôt un entretien avec le responsable de Mozilla Messaging, David Ascher, à propos de l’avenir de Thunderbird, et m’a demandé de vous encourager à faire part de vos idées dans les commentaires.

Notes

[1] Crédit photo : Pandemia (Creative Commons By)




Tea Time with Framalang

Tony the Misfit - CC byEt si nous faisions plus amplement connaissance avec notre groupe de traduction Framalang ? Tel est l’objet de ce petit questionnaire aux réponses croisées. Remercions Siltaar, Poupoul2, Olivier, Xavier, Yonnel, Don Rico, Goofy, Claude, GaeliX, Burbumpa and last but not least Yostral, de s’y être pliés de plus ou moins bonne grâce.

Ni de vipère, ni de sorcière, et encore moins de bois, ils sont tout sauf mauvaise lang, qu’ils ont bien pendue une fois sortie de leurs poches et donnée au chat[1]. Ce qui donne un article débridé où rien n’a été occulté, pas même le sexe ou l’outrageuse exploitation dont ils font l’objet par le chef présumé de ce gang bang des postiches (surnommé par certains, j’ai les noms, le « dict’aKator »).

L’occasion de leur témoigner une nouvelle fois notre reconnaissance, de ne pas oublier que « my taylor is free », mais aussi et surtout de rappeler que la porte vous est wide open et que toute nouvelle énergie est plus que welcome.

Framalang Quiz

Bonjour à tous, pourriez-vous vous présenter en une phrase ?

Siltaar : Non, je ne peux pas. Il faut être journaliste ou producteur de cinéma pour croire qu’un Homme peut se résumer à moins que la somme de ses actes.

Poupoul2 : Je m’appelle Poupoul2 (enfin presque) et je me drogue aux logiciels et à la culture libres, à l’amour (celui de ma femme et de mes enfants), et un peu aussi à la crème au chocolat et à la blanquette de veau.

Olivier : Olivier, anciennement étudiant, pas tout à faire dans la vie active encore (mais pas inactif pour autant) on appelle ça un doctorant.

Xavier : Xavier, fraichement diplomé d’une école d’ingénieur du fin fond de notre chère région centre et actuellement développeur php5 pour les gens qui fabriquent les gros avions.

Yonnel : Et ta sœur, elle se présente en une phrase ?

Don Rico : Don Rico, parrain de la mafia des traducteurs, je traduis des romans policiers la journée, et à la nuit tombée, quand les cadavres reposent sagement au fond de la Seine, je traduis des articles pour Framalang et écris quelques trop rares billets pour le Framablog.

Goofy : Je suis un vieux crétin de 51 balais.

Claude : I am just a rigolo who likes the show.

GaeliX : François aka GaeliX (j’ai bien écrit aka pas aKa), consultant en Système d’Information Télécom, GNU/Linuxien depuis Yggdrasil avec des périodes forcées de ouindozeries…

Burbumpa : Burbumpa, 86 % d’H2O, quelques connexions neuronales, curiosité, éclectisme et procrastination…

Yostral : Bonjour. Oui je pourrais.

Quels sont vos logiciels libres préférés ?

Siltaar : Ah, ça c’est simple comme question 🙂 Une série de logiciel en mode console, parce qu’ils sont vraiment efficaces : urxvt, screen, irssi (vi, mutt, mocp…). Quelques grand classiques : VideoLAN Client (VLC), Firefox (Iceweasel), Thunderbird (Icedove). Puis une collection de logiciels GNOME : Gedit, Gthumb, Evince, Abiword, Gnumeric. Petit coup de coeur pour Gkrellm2 et Compiz (brut de décoffrage, sans rien autour, tout juste un AWN).

Poupoul2 : Je ne peux plus me passer de Quod libet. Comme je suis un dangereux pirate, je consomme du Transmission en permanence pour télécharger des tas de trucs subversifs comme des images iso de distributions GNU/Linux ou de la musique sous licence Creative Commons. Je suis un fan absolu d’Inkscape et Blender, qui me servent à créer des flyers pour réclamer l’autonomie du Bourkistan Inférieur et la libéralisation des échanges de nouilles aux épinards.

Olivier : Apt-get, on y pense pas forcément, mais ça a été une révélation. Puis Firefox avec ses plug-in et gedit aussi avec ses plug-in. Avec Terminal voilà les logiciels que j’utilises le plus.

Xavier : Mplayer. Etant cinéphile, c’est la référence. C’est un peu ma femme, très long à configurer mais après, c’est que du bonheur. 😀

Yonnel : Microsoft Word 97, Internet Explorer, Photoshop. Excusez-moi, je suis atteint du syndrome Bayrou. Nan, sérieux : un Firefox tuné avec Web Developer, EditCSS, ColorZilla, ScrapBook (entre autres), et Emacs, magnifique, merci à son psy de me tenir compagnie…

Don Rico : GNU/Linux, Ubuntu, Gnome et Xfce pour le système d’exploitation. Pour les programmes : Firefox, OOo,VLC, Miro, Listen. Pour le Web : Identica, WordPress et le protocole BitTorrent. Pour les formats : les formats ouverts ODF et Ogg. Pour terminer, les licences Creative Commons, et les licences libres dans leur ensemble, qui permettent d’adapter à la culture la philosophie du logiciel libre.

Goofy : FrontPage, Tetris, OpenTheDoor.plz (v.4)

Claude : Debian. Je me shoote à Debian tous les jours depuis que j’ai foutu une patate à deux macs qui s’appelaient Jéquatte et Jétrois.

GaeliX : Les plus utilisés… FF évidement, The Gimp, OOo (et encore plus depuis que j’ai appris par notre ministre qu’il y avait un firewall dedans), VLC, Pidgin, Python, Amarok et les « petits » dont je ne peux pas me passer Xpad, Notecase, Xmmp… Et quand je veux faire « light », Links2, mocp, Alpine, Finch, Raggle…

Burbumpa : J’ubuntuse + les classiques Firefox avc un gros tas de plugins, Thunderbird (id), VLC, CDex, OOo, Scribus, Gimp, Compiz.

Yostral : Ceux qui fonctionnent.

Qu’est-ce qui vous a poussé à participer à Framalang ?

Siltaar : La volonté de participer à l’essor des logiciels libres, et aussi un peu celle de soutenir la francophonie.

Poupoul2 : J’ai un principe dans la vie : Je fais ce que je veux. Et ce que je voulais à ce moment là, c’était jouer avec mes petits camarades de Framalang. Sinon, en vrai, c’est une autre manière de contribuer, pour moi qui, en matière de développement, ai 2 mains gauches remplies de pouces carrés achetées d’occasion à un poulpe. Accessoirement (et plus sérieusement), ça m’est très utile dans mon activité professionnelle, pour laquelle j’exerce à 99% en anglais.

Olivier : C’est une somme de petites choses en fait. L’appel à contribution pour traduire le framabook Changer pour OpenOffice.org m’a mis le pied à l’étrier. Ça correspond à peu près au moment où j’ai adopté Linux et je voulais participer à ma manière.

Xavier : Une conférence de notre ami (il nous connait pas mais on l’aime quand même) Eben Moglen qui a changé ma vie. Le patron cherchait quelqu’un qui fasse les sous titres et je me suis proposé.

Yonnel : aKa avait promis des bières gratuites.

Don Rico : Alexis et Pierre-Yves m’ont promis un T-shirt Framasoft. C’était il y a trois ans, et je le porte toujours pour dormir.

Goofy : On m’a obligé.

Claude : La fièvre du samedi libre.

GaeliX : Si mes souvenirs sont bons c’était le démarrage du framabook Changer pour OOo.

Burbumpa : Ouh, c’est loin .. probablement le projet Changer pour OOo, parce que c’est plus facile de convaincre quand on a un outil à disposition dans sa langue : vous je sais pas, mais je connais un nombre ahurissant d’unilingues francophones…

Yostral : aKa.

Qu’est-ce qui vous a poussé à y rester ?

Siltaar : L’ambiance de camaraderie décontractée que j’y ai rencontrée. L’impression de vraiment faire avancer les choses, d’employer efficacement les quelques moments de détente que j’y consacre.

Poupoul2 : Parce que j’ai toujours le même principe de vie : Je fais ce que je veux. Éventuellement aussi parce qu’ils ne m’ont pas encore mis dehors.

Olivier : Je marche par défis, la première question était « suis-je capable de traduire correctement ? » Ensuite je me suis pris au jeu et je m’amuse beaucoup à traduire. Les propositions d’articles plus techniques ou plus longs, de livres complets… ont gardé ma curiosité et mon envie intactes.

Xavier : Une seule raison, j’ai la flemme de me désinscrire de la mailing list 😀 En fait, c’est l’ambiance, la possibilité de lire des textes sur l’opensource d’autres pays, bien moins ignorants et étroits d’esprit que le notre.

Yonnel : L’espoir d’avoir un jour ces fameuses bières gratuites.

Don Rico : La gloire, le pouvoir et la bière gratuite.

Goofy : La crainte des poursuites judiciaires.

Claude : Les médicaments, mais principalement la fribiaire dont la source est libre.

GaeliX : C’est comme Facebook, la fonction « supprimer le compte » est tellement bien planquée qu’on préfère encore se faire spammer par le chef que de la chercher. Bon, depuis une petite année, pour des raisons perso, je ne suis plus très présent, mais avoir des nouvelles du front et voir que la pieuvre bouge toujours, ça donne envie de s’y remettre… Pour l’instant plus de motivation pour les travaux dans la durée (FAIF) que sur les articles. Et puis surement aussi le petit coté « secte » dans la « secte ».

Burbumpa : Ah, on peut se désinscrire ?

Yostral : Pas aKa.

Quels sont les avantages et les inconvénients à traduire ainsi « à plusieurs mains » ?

Siltaar : Le principal avantage, c’est de se donner le droit à l’erreur, les collègues reliront. Tout en essayant de ne pas faire son boulet sur des questions simples. Ensuite, on apprends des remarques et traductions des autres, c’est enrichissant. Enfin, quand un texte est trop long, ou une conférence trop longue à transcrire seul, on est vraiment réconforté de voir que d’autre sont prêt à donner un coup de main.

Poupoul2 : Tout dépend des mains de vos partenaires : Si elles sont douces, c’est un sacré avantage. Sinon, ça permet de confronter des idées, et l’échange d’idées est toujours très intéressant, quel que soit le sujet. Comme inconvénient, je ne vois pas trop : Nos mains se marchent peu sur les pieds.

Olivier : C’est rassurant de savoir que quelqu’un passera derrière pour rectifier le tir si tout n’est pas parfait. Ça permet d’avancer même sans être absolument satisfait du résultat et je pense qu’au final ça nous permet plus de rapidité sans sacrifier la qualité. D’un autre côté les textes doivent passer par plusieurs étapes de validation et sur certaines périodes un peu creuse ça peut être démotivant de voir le travail stagner par manque de temps des volontaires.

Yonnel : Avantages : on se rattrape nos boulettes respectives. Inconvénients : ils me retirent toujours mes merveilleuses formules, toujours très bien trouvées, à chaque fois des exemples qui devraient être enseignés dans toutes les écoles de traduction.

Don Rico : À plusieurs mains, on tape plus vite sur le clavier, c’est pour ça qu’on abat autant de boulot et qu’on déroule de la trad au kilomètre. L’inconvénient, c’est que ça revient cher en savon.

Goofy : Ça chatouille un peu, les autres mains, au début. Après on s’habitue.

Claude : Au départ le chatouillis dérange, surtout quand on touche les zones sensibles, mais vient ensuite un effet laxatif de pur bonheur d’humilité enrichissant.

GaeliX : Avantage & inconvénient : il y a toujours quelqu’un pour corriger la boulette oubliée. Sinon, une certaine émulation, le fait de savoir qu’un travail commencé finira toujours par aboutir. Et pour paraphraser Sam Williams : « If the experience of writing a book has taught me anything, a writer’s weaknesses become much less apparent with the generous assistance of a few hundred collaborators. »

Burbumpa : Partage du temps nécessaire, et puis plus on est de fous…

Yostral : Faire du multithread pour sourds et malentendants, c’est bandant, non ?

Framalang, le « Courrier International » du Libre ?

Siltaar : C’est un bel objectif, et je suis prêt à traduire des textes espagnols, bientôt chinois… Mais traduire ce n’est pas tout. L’implication des traducteurs est presque un loisir à côté du rôle que tient aKa qui, sans cesse, arpente le web à la recherche des perles à traduire, et des articles intéressants à publier dans le Framablog. Après, il n’est pas seul dans ce rôle, et tout le monde peut proposer un article, mais c’est très confortable de ne choisir que parmi que des articles intéressants, lequel on va traduire ce soir.

Poupoul2 : Je vais avoir du mal à répondre : Je ne lis pas Courrier International. Mais ça doit sûrement s’en rapprocher, puisque Courrier Intergalactique n’existe pas. Sinon, Framalang serait clairement dans cette dernière catégorie.

Olivier : À vrai dire le sujet des articles m’intéresse peu, c’est surtout la traduction en elle-même qui compte pour moi, apprendre des nouvelles choses, progresser. Je crois d’ailleurs que souvent l’introduction sur le blog est plus importante que l’article traduit et ça serait dommage de ne résumer le Framablog qu’à une tribune pour articles dans la langue de Shakespeare. On apporte surtout une autre lumière sur de sujets d’actualité en France.

Xavier : Ben oué… bon évidemment, on ne pioche que dans la réserve anglophone mais quelle réserve !!! J’espère que d’autres hispanophiles et germanophiles nous rejoindront pour élargir nos horizons.

Yonnel : J’ose espérer qu’on fera un peu mieux que ce ramassis de presse bas de gamme.

Don Rico : Oui, mais sans pub toutes les deux pages !

Goofy : « Frama, le libre qui embrasse avec la lang »

Claude : Oh oh ! Le Courrier International ! Je fuis la pubkipu.

Burbumpa : Ou Soft Mother Jones.

Yostral : Tant que ce n’est pas l’International du Libre.

Ne craignez-vous pas que le Framablog finisse par donner une couleur trop anglo-saxonne à la culture du logiciel libre ?

Siltaar : Si, et je me suis déjà exprimer dans le groupe à ce sujet. Nous avons pu débattre de manière satisfaisante, et il en est ressorti deux points : tout d’abord le Framablog équilibre au jour d’aujourd’hui la balance du mieux possible, et ensuite, la porte du Framablog est ouverte à d’autres contributeurs que les traducteurs, des « rabatteurs » de perles françaises sont les bienvenus !

Poupoul2 : Aucun risque : Par nature, le logiciel libre est déjà très teinté d’anglo-saxon, puisque mondialement développé avec des échanges facilités par la langue de Shakespeare. C’est très français comme question. Par contre, c’est vrai que si des compétences dans d’autres langues pouvaient nous rejoindre, ce serait sans doute intéressant (et ça me permettrait de dérouiller mon allemand). Et puis, vive les petites anglaises…

Olivier : On ne peut pas tout faire en même temps, et d’ailleurs ça n’est pas à nous de tout faire. Rien n’empêche non plus les lecteurs de faire des propositions d’articles ou de thèmes qui leurs paraissent adaptés… ou d’offrir leur aide 🙂

Yonnel : Je t’en pose, moi, des questions existentielles ?

Don Rico : Je m’en tape complètement. Si certains veulent lire des articles sur le pinard, le calendos et les cuisses de grenouille open-source, qu’ils s’y collent. (Pour de vrais arguments, veuillez vous reporter aux réponses des collègues.)

Goofy : …c’est sûr je crains un peu.

Claude : I don’t care of the franchouillardise. J’ai toujours préféré Tom Waits à Arthur H.

GaeliX : C’est un « risque », mais en même temps le monde anglo-saxon produit à tous les niveaux des analyses plus poussées dans ce domaine. On trouve trop peu de billets français aboutis et étayés. Peu être est-ce qu’à terme cela mettra un petit coup de gégène dans les parties sensibles des blogueurs/journalistes/décideurs français (pas dit francophones) et les sortira de notre chère « exception culturelle ».

Burbumpa : C’est un faux débat. Il se trouve probablement que pas mal des gens qui s’intéressent à la question sont capables d’écrire en anglais (même si ce n’est pas leur langue maternelle), qui reste (oui je déplore, mais la seule chose que je peux y faire est par exemple contribuer à Framalang !) une langue de communication fort répandue. C’est vrai qu’on pourrait fouiner dans les publications en d’autres langues, mais cékiki s’y colle et qui traduit après ?

Yostral : Aucune chance. La langue anglaise est sur le déclin. L’exception culturelle française vaincra ! (ou pas)

Comment doit-on traduire l’expression « Open Source » ?

Siltaar : Ouverte Source ? Logiciel à code source lisible, mais pas forcément modifiable parce que sinon on aurait précisé « Libre »… Je pense qu’il faut traduire les idées dans la tête des anglophones et qu’ils disent « Libre Software » quand il s’agit de logiciel libre, et Open Source pour le reste, quand ça s’applique. Comme ça on s’y retrouverait plus facilement et on parlerait moins de logiciel pas complètement libre mais proposant une ouverture sur leur code source.

Poupoul2 : Ouvrez vos Shakras ?

Olivier : …bizarrement je ne crois pas que la question se soit vraiment posée. C’est entré dans le langage « courant », non ?

Xavier : Libre, tout simplement. C’est un mot qui prend de plus en plus d’importance vu tout ce qu’il passe dans le monde. Je ne suis pas fan de l’associer avec un mot à consonance informatique, c’est trop réducteur pour ce que cela représente.

Yonnel : On ne traduit pas, non, jamais. L’Open Source, c’est le mal incarné, çapucépalibre.

Don Rico : J’ai écrit à maître Capello, qui m’a répondu : « Si l’on estime que le terme est passé dans le vocabulaire et qu’il est pertinent de garder le terme original, il conviendra d’écrire open-source, car c’est ainsi qu’on orthographie les mots composés importés de l’anglais, comme skate-board ou milk-shake. »

Goofy : How should « logiciel libre » be translated ? (j’ai bon, là ?)

Claude : « source d’ennui » ou encore « source de liquide »

GaeliX : Heu… Joker encore, pas envie de me faire lapider par un intégriste de passage pour une inexactitude sémantique.

Burbumpa : Ouvrez les vannes ?

Yostral : On ne doit pas la traduire, non, jamais.

Comment traduiriez-vous la célèbre citation de Linus Torlvalds : « Software is like sex: it’s better when it’s free! » ?

Siltaar : La programmation c’est comme le sexe, c’est meilleur sans limites.

Poupoul2 : Difficile question pour moi qui n’ai jamais essayé le non-free sex : Utilisez des logiciels libres pour décupler votre plaisir ? (Comment ça, c’est capillo-tracté ?)

Xavier : Utiliser un logiciel, c’est comme faire l’amour, c’est mieux quand une société internationale corporatiste capitaliste nous vous oblige pas à utiliser des préservatifs percés et à vous infliger les piqures à la douleur sans nom lorsque vous avez choper une saloperie. 😀

Yonnel : Je ne pourrais pas traduire : c’est beaucoup trop grossier et subversif, cela n’a pas sa place sur le Framablog. Enfin, pas sur le Framablogalbanel.

Don Rico : Quand on est un geek moche, les logiciels payants ou les putes, il faut choisir.

Goofy : Mmmh voyons voir… euh… « Les logiciels qui aiment le sexe sont libres d’être meilleurs » ?

Claude : Le Houaire Doux, c’est comme le vin: meilleur avec de la bouteille.

GaeliX : Linux est à Windows ce qu’une jolie fille est à une prostituée : la jolie fille, il faut la séduire pour obtenir ce que l’on désire, tandis que la prostituée , il suffit de la payer, et surtout bien se protéger.

Burbumpa : Libérons-nous des codes !

Yostral : Vive les pr0ns !

Certaine mauvaises langues qualifient aKa de « Benevolent Dictator For Life » du réseau Framasoft. Qu’en est-il exactement ?

Siltaar : Voir cet article.

Poupoul2 : C’est indiscutable. Si vous saviez ce qu’on endure. Et en plus, on en re-demande. Du masochisme sans doute.

Olivier : Dictateur je ne sais pas, bienveillant c’est sûr. Je ne sais pas pour les autres mais je m’en accommode très bien. Quand je vois toutes les casquettes qu’il cumule je lui donnerai plutôt le titre de « Benevolent Slave to our cause » 😉

Xavier : Ce n’est pas un dictateur, c’est un être absolument sensationnel et charmant. D’ailleurs, j’ai composé un poème à son honneur.

Ah! Qu’Alexis est un être exquis
Un homme que le soleil ne peut éclipser

Surtout ne nous abandonne pas
Etourdis par tant de candeur
Cassons les barrières qui nous entourent
Osons braver les sans foi ni loi
Un seul poème suffira t-il ?
Reste avec nous, ô notre chef
S‘il te plait, dis-nous que tu nous aimes

Yonnel : C’est bien pire que ça. Il nous force à aller sous Windows pour traduire. De la sorte, nous perdons tout sens critique, et devenons des esclaves prêts à tout pour les beaux yeux de sa moustache (!!!)

Don Rico : C’est qui, cet aKa dont tout le monde me parle ?

Goofy : Cki aKa ?

Claude : C’est malheureusement vrai : y’a qu’aKa qui fait.

GaeliX : C’est pas faux, mais comme le geek névrotique qui sommeille en chacun de nous aime ça, tout va pour le mieux dans le meilleurs des mondes. Et la superposition de plusieurs paires de gants de velours rend les choses plus faciles.

Burbumpa : Ça travaille d’habitude les dictateurs ? En tout cas, celui-là fait bien semblant.

Yostral : Exactement.

Une telle quantité de travail abattu, sans la moindre rémunération ! Ce n’est pas abusé tout de même ?

Siltaar : Si, carrément. Faites des dons au Framablog, comme ça aKa aura encore plus de temps pour nous dénicher des trucs à traduire, et il aura peut être même de quoi s’acheter un fouet pour qu’on suive le rythme !

Poupoul2 : Ah bon, ça n’est pas rémunéré ? Zut, j’aurais dû mieux lire les conditions d’entrée lorsque je me suis inscrit. C’est honteux. C’est de l’exploitation, de l’esclavage moderne.

Olivier : Si si, d’ailleurs on va bientôt se mettre en grève si nous n’obtenons pas d’augmentation ! Il y a une bonne ambiance, pas de pression (non non !) et c’est un loisir avant tout.

Xavier : aKa nous a promis 77 dvds vierges lorsqu’on ira au paradis donc pas de soucis de ce côté là.

Yonnel : Ça dépend. Est-ce que les bières promises comptent dans la rémunération ? Ça se place bien dans la colonne « rémunération en liquide », non ? Dans ce cas, et vu le caractère virtuel de ces bières, on peut les considérer comme des « stock-options du libre ».

Don Rico : Framalang est en fait une couverture pour écouler beaucoup de drogue lors des conventions du libre et des install-parties. Tous les membres de Framalang roulent en BM ou en Porsche, possèdent une villa sur la côte et des comptes en Suisse.

Goofy : Je ne sais pas les autres mais moi je suis bien payé.

Claude : Je croyais que Framasoft avait créé sa monnaie virtuelle : La framakro n’était donc qu’une rumeur ! Ô reur ! Ô des espoirs !

GaeliX : Tout à fait ! Même pas un petit sticker Framasoft à coller sur son netbook c’est honteux ! Organiser une journée d’action pour faire valoir nos droits ne serait pas superflue.

Burbumpa : Ne le dites pas à aKa, le FLFEBeC[2] a vu le jour, des actions sont prévues pour bientôt, notamment une rencontre en chair et en os.

Yostral : Si. Mais heureusement on a droit à notre bière annuelle aux ReuMeuLeuLeux.

Que diriez-vous à ceux qui passent devant Framalang, voient de la lumière mais hésitent à entrer ?

Siltaar : Venez donc par centaine nous rejoindre, pour agrandir le banc de corail sur lequel, comme autant de polypes, nous capturons les articles à traduire à notre rythme (au lieu de mouler sur Linuxfr…).

Poupoul2 : La lumière de Framalang, c’est comme le logiciel libre : Ca se partage avec tout le monde, sans déposséder qui que ce soit. Venez, on va partager notre lampe à bronzer. Et puis aussi, devenez un esclave moderne au service exclusif d’aKa et grâce à lui, ouvrez vous de nouveaux horizons sexuels (Ça résume un peu tout le reste)

Olivier : N’hésitez pas à franchir le pas, pour jeter un œil de l’intérieur, ça n’engage à rien et on a des travaux pour tous les goûts 🙂

Xavier : La porte est ouverte, il reste de la nourriture sur le buffet et en plus, cela n’engage à rien.

Yonnel : Viens vers la lumière, tu en seras récompensé ! Une communauté t’attend, qui ne veut que ton bien… N’aie pas peur, ça ne fait mal qu’un peu, au début ; tu sentiras ensuite une onde de bonheur traverser ton corps…

Don Rico : Qu’ils lisent ma réponse à la question précédente !

Goofy : Tous ceux qui ne rentrent pas sont de la Police Nationale.

Claude : Tu veux une bière ?

GaeliX : Viendez, viendez mais réflechissez bien ! « You can check out any time you like, but you can never leave » (Eagles, Hotel California)

Burbumpa : Je crois savoir que certains ont été appâtés grâce à la bière .. moi on m’a dit : « champagne ! ». Il y en a pour tous les goûts.

Yostral : Petits Schtroumpfs attention ! Fuyez cette maison !

Notes

[1] Crédit photo : Tony the Misfit (Creative Commons By)

[2] FLFEBeC = Front de Libération Framaloguien(ne)s des Exploités Bénévoles en Colère




Numérique, droit d’auteur et pédagogie

Mr. Theklan - CC by-saPour ceux qui arrivent encore à résister aux sollicitations permanentes d’Internet pour réussir l’exploit de parcourir jusqu’au bout de longs documents, nous vous proposons aujourd’hui la lecture d’un article de Jean-Pierre Archambault, paru initialement dans la revue Terminal, qui interroge le présent mais surtout l’avenir des ressources pédagogiques à l’ère du numérique.

Parce que si l’on n’y prend pas garde, on pourrait bien vite se retrouver peu ou prou en face des mêmes tensions que celles qui ont été mises à jour lors de l’examen du projet de loi Création et Internet. Quid en effet d’un monde[1] où la propriété finirait par contraindre de trop l’accès et le partage, a fortiori à l’école ?

Numérique, droit d’auteur et pédagogie

Jean-Pierre Archambault
Terminal n° 102, Automne-Hiver 2008-2009, édition l’Harmattan, p. 143-155.

Les ressources pédagogiques utilisées dans les cours sont l’un des cœurs de l’enseignement, correspondant à des démarches et des conceptions d’apprentissage. Il y a les ressources que se procurent les enseignants. Éditées à des fins explicitement pédagogiques ou matériaux bruts non conçus initialement pour des usages scolaires, mais y trouvant naturellement leur place, comme une œuvre musicale ou une reproduction de tableau. Leurs modèles économiques et leurs modalités de propriété intellectuelle, vis-à-vis de l’institution éducative sont nécessairement distincts.

Il y a aussi les ressources produites par les enseignants eux-mêmes, aujourd’hui dans le contexte radicalement nouveau issu de l’omniprésence de l’ordinateur et d’Internet, à des échelles dont les ordres de grandeur sont sensiblement différents de ceux de l’ère du pré-numérique. Elles sont élaborées dans des processus collaboratifs qui appellent nécessairement des réponses en termes de droits d’auteur de nature à permettre et favoriser l’échange par une circulation fluide des documents.

La problématique juridique est vaste. Nous examinerons les licences de logiciels et de ressources libres – certains points qui font débat comme la sécurité juridique, considération importante pour les établissements scolaires. En effet, elles éclairent et illustrent la situation nouvelle et irréversible créée par l’irruption du numérique dans les processus de création de biens informationnels et la place de ceux-ci, sans cesse croissante, relativement et en valeur absolue. Nous poserons la question de l’exception pédagogique, en relation avec les missions de l’École et l’exercice concret du métier d’enseignant, au temps nouveau du numérique.

Un modèle français

Les ressources pédagogiques, au premier rang desquelles les manuels scolaires, mais aussi la banale préparation de cours, l’article ou la photographie « sur laquelle on est tombé »… ont toujours joué un rôle important dans l’exercice du métier d’enseignant, variable selon les disciplines. Comme support de cours bien sûr, mais aussi comme vecteur de mise en oeuvre de nouveaux programmes ou support de formation (derrière un scénario pédagogique, il y a toujours une pratique professionnelle). Il existe un modèle français de l’édition scolaire dont la figure centrale, le manuel des élèves, relève pour l’essentiel du secteur privé. Ce modèle a acquis ses lettres de noblesse et fait ses preuves depuis deux siècles. L’histoire de l’édition scolaire en France est l’histoire des relations entre trois acteurs majeurs, l’État, les éditeurs et les auteurs – des enseignants et des inspecteurs – et de leurs rapports de force mouvants, dans lesquels il arrive que la technique intervienne. Ainsi, à partir de 1811, un auteur ne peut plus soumettre directement à l’État un manuscrit sous prétexte, parmi d’autres raisons, que son examen est long et difficile. Une proposition de manuel doit être obligatoirement communiquée sous forme d’imprimé. L’éditeur devient, de fait, incontournable.

Depuis une quarantaine d’années, les manuels scolaires se sont profondément transformés. L’iconographie occupe jusqu’à 50 % de la surface. L’ouvrage permet des lectures plurielles et des usages multiples, qui préfigurent ceux de l’hypermédia. Il n’y a plus de cours en tant que tel… Le résultat combiné de cette complexité croissante des manuels, de la concurrence des méthodes actives et de la souplesse de la photocopie est sans appel : on constate depuis les années quatre-vingt une tendance à la perte de vitesse de l’utilisation du manuel traditionnel, même si l’attachement symbolique demeure[2][3]. L’enfant chéri de l’édition scolaire connaît une forme de crise…

Une rupture

…et le numérique arrive dans ce contexte. Rude concurrent ! En effet, le manuel scolaire, ce livre d’une centaine de pages, qu’on ne lit plus d’une façon linéaire mais dans lequel on navigue avec des index et des renvois, ce livre ne saurait rivaliser avec Internet et le multimédia, leurs hyperliens, leurs millions de pages et leurs outils de recherche automatisée. Le livre n’est désormais plus « l’enfant unique ».

Plus généralement, le numérique transforme radicalement le paysage éditorial installé. Certes, les enseignants ont toujours réalisé des documents à l’intention de leurs élèves, en préparant leurs cours. Jusqu’à l’arrivée de l’ordinateur et d’Internet, une élaboration collaborative avec des collègues et la visibilité des ressources produites ne pouvaient aller au-delà d’un cercle restreint et rapproché. Modifier un document écrit à la main était et demeure une opération lourde, qui plus est quand il circule et que chacun y met sa griffe. Dans les années 70 encore, les photocopieuses étaient rarissimes, les machines à alcool fastidieuses à utiliser.

Des échanges sur une plus grande échelle supposaient de mettre en forme des notes manuscrites, et la machine à écrire manquait de souplesse, ne tolérant pas vraiment les fautes de frappe. Le manuel scolaire était alors la seule perspective pour une diffusion élargie, l’éditeur le passage obligé, et on lui accordait d’autant plus facilement des droits sur la fabrication des ouvrages que l’on ne pouvait pas le faire soi-même ! Mais, aujourd’hui, les conditions de la production des ressources pédagogiques, numériques pour une part en augmentation régulière, ont donc radicalement changé, du fait de la banalisation des outils informatiques de réalisation des contenus (du traitement de texte aux logiciels de publication) et d’Internet qui favorise à la fois les productions individuelles et le développement du travail collectif des enseignants, dans leur établissement, ou disséminés sur un vaste territoire, à la manière des programmeurs qui écrivent des logiciels libres.

Il y a une transférabilité de l’approche du libre, des logiciels à la réalisation des autres biens immatériels. Internet permet aux auteurs de toucher un vaste public potentiel qui peut aisément reproduire leurs documents, les utiliser, les modifier… La profusion des ressources éducatives que l’on peut consulter sur Internet est là pour en témoigner. En nombre, les enseignants auteurs-utilisateurs sont devenus un acteur autonome à part entière de l’édition scolaire. On peut, pour le moins, parler de turbulences dans le secteur[4][5].

Sésamath

Cette association est synonyme d’excellence en matière de production pédagogique et de communauté d’enseignants-auteurs-utilisateurs. En effet, Sésamath a reçu une mention d’honneur pour le prix 2007 Unesco-Roi Hamad Bin Isa Al-Khalifa sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation. L’Unesco a décidé d’attribuer une mention spéciale au projet de manuel libre « pour la qualité de ses supports pédagogiques et pour sa capacité démontrée à toucher un large public d’apprenants et d’enseignants ». L’association a également été récompensée aux Lutèce d’Or (Paris, capitale du libre). Elle regroupe une soixantaine de professeurs de mathématiques de collèges. De l’ordre de 400 contributeurs-auteurs utilisent régulièrement les outils de travail coopératif qu’elle a mis en place (Wiki, Spip, forums, listes de diffusion…). Animée d’une volonté forte de production de ressources sous licence libre, et si possible formats ouverts, Sésamath ne soutient que des projets collaboratifs dont elle favorise et encourage les synergies. L’association donne les résultats : environ un million de visiteurs sont comptabilisés chaque mois sur l’ensemble de ses sites. Parmi les projets soutenus par l’association figure Mathenpoche. Dix académies hébergent le logiciel sur un serveur local, en plus du serveur mis à disposition par Sésamath pour les professeurs des autres académies, en partenariat avec le Centre de ressources informatiques de Haute-Savoie (Citic74).

Ce sont ainsi 5 000 professeurs qui utilisent la version réseau de Mathenpoche à laquelle sont inscrits 260 000 élèves. Plus de 160 000 connexions élèves sont enregistrées sur les serveurs chaque mois, auxquelles il faut ajouter 236 000 connexions en accès libre sur le site public de Mathenpoche. MathémaTICE est une revue en ligne sur l’intégration des TICE dans l’enseignement des mathématiques, née en septembre 2006. Enfin, Le Manuel Sésamath pour la classe de cinquième, premier manuel scolaire libre, fruit du travail collaboratif d’une cinquantaine de collègues, s’est vendu à 72 000 exemplaires à la rentrée 2006. Le Manuel Sésamath pour la quatrième s’est vendu, lui, à plus de 90 000 exemplaires en septembre 2006. à n’en point douter, en cette rentrée 2008, le Manuel de troisième connaîtra le succès, comme ses prédécesseurs.

Les communautés d’enseignants auteurs-utilisateurs se multiplient[6][7][8]. Utilisant à plein les potentialités d’interaction du Web, elles fonctionnent comme les communautés de développeurs de logiciels libres. Leurs membres ont une vision et une identité communes. Organisées pour fédérer les contributions volontaires, dans une espèce de synthèse de « la cathédrale et du bazar », ces communautés répondent à des besoins non ou mal couverts et doivent compter en leur sein suffisamment de professionnels ayant des compétences en informatique. Les maîtres mots de la division du travail y sont « déléguez » et « distribuez ».

Les licences de logiciels libres

Les logiciels libres sont désormais une composante à part entière de l’informatique[9]. Parmi les raisons qui expliquent cette rapide évolution, le fait que l’approche du libre, qui relève du paradigme de la recherche scientifique, est en phase avec la nature profonde de l’activité d’écriture de logiciels (difficile par exemple de mener des projets combinant des millions et des millions de lignes de programme quand on n’a pas accès au code source) et qu’elle est ainsi gage d’efficacité et de qualité. Les enseignants utilisent des logiciels libres et certains en produisent. Pour autant, le long fleuve du libre, en général et dans l’éducation en particulier, n’est pas toujours tranquille. Intimement liées au modèle économique, il y a les réponses en termes de droit d’auteur. Et il arrive que des questions juridiques soient mises en avant, notamment celles ayant trait à la compatibilité des licences libres avec le droit français, à une certaine insécurité juridique. Qu’en est-il exactement ?[10].

La typologie classique des licences Logiciel libre comprend deux ensembles principaux, licences avec ou sans copyleft, et un cas spécial : le domaine public. La caractéristique des licences sans copyleft, dites type BSD est de ne pas obliger à conserver la même licence pour une oeuvre dérivée. Le code des logiciels utilisant ces licences peut donc être intégré dans du logiciel propriétaire ou du logiciel libre avec copyleft.

Les licences avec copyleft exigent qu’un logiciel dérivé conserve son statut de logiciel libre, notamment par la fourniture du code source de la version modifiée. En pratique, cela signifie qu’il n’est pas possible de diffuser un logiciel propriétaire incorporant du code utilisant une telle licence. La principale licence de ce type est la GNU General Public licence (GNU GPL) de la FSF (Free Software Fondation). D’autres licences de ce type sont la Lesser General Public License (LGPL) de la FSF, qui offre la possibilité de lier dynamiquement le programme à une application propriétaire. La LGPL est notamment utilisée par le projet OpenOffice.org. La licence CeCILL est une licence francophone proposée par le CEA, le CNRS et l’Inria pour les mondes de la recherche, de l’entreprise et des administrations, et plus généralement pour toute entité ou individu désirant diffuser ses résultats sous licence de logiciel libre, en toute sécurité juridique. Les auteurs de CeCILL l’ont déclarée compatible avec la GNU GPL. Et la FSF a indiqué que CeCILL faisait partie des licences compatibles avec la GNU GPL. Chaque licence doit préciser les licences qui lui sont compatibles.

« Une complexité conceptuelle de la licence GPL est qu’elle prétend ne pas être un contrat, ce qui peut poser des difficultés de compréhension en Europe ». Si, aux États-Unis, la GPL s’appuie essentiellement sur le copyright, en France et dans de nombreux pays d’Europe, l’habitude est de licencier les logiciels par des contrats, acceptés par les deux parties avec les clauses de responsabilité inhérentes aux contrats logiciels. « L’utilisation licite d’un programme sous GNU GPL n’impose pas une relation contractuelle entre l’utilisateur et le titulaire des droits d’auteur »[11]. Cette différence d’appréciation et la volonté d’avoir une licence d’origine française ou européenne basée sur une mécanique contractuelle sont à l’origine de la rédaction des licences CeCILL et EUPL. « Néanmoins, la validité de la licence GPL a été confirmée à plusieurs reprises par des tribunaux européens ». La diffusion sous des licences d’origine américaine comme la GNU GPL pouvant poser certaines questions de droit, engendrant des incertitudes qui peuvent dissuader des entreprises ou des organisations d’utiliser ou d’apporter leurs contributions aux logiciels libres. Dans ce contexte, le Cea, le Cnrs et l’Inria ont donc entrepris la rédaction de contrats de licences de logiciels libres visant à accroître la sécurité juridique « en désignant un droit applicable (et les tribunaux compétents pour juger d’éventuels litiges), en l’occurrence le droit français, conforme au droit européen et qui a vocation à concerner 27 pays », à préciser exactement l’étendue des droits cédés et à encadrer « la responsabilité et les garanties accordées par les concédants dans les limites permises par le droit français et européen ». Il y a une version française qui, avec la version anglaise fait également foi. Elle s’impose, de par la loi, aux organismes de recherche et établissements publics français.

L’utilisateur secondaire, c’est-à-dire la personne admise à utiliser un logiciel libre (vous et moi) à l’exclusion de tout acte de copie, de modification, d’adaptation et de distribution, est dans une situation juridique spéciale. Il n’a pas de relation contractuelle avec le concédant de la licence dans la mesure où il n’a pas consenti à la licence et ne connaît pas le plus souvent le concédant, auteur du logiciel libre qu’il utilise. « Il ne paraît pas possible de faire valoir un éventuel consentement implicite à la conclusion d’une licence et ce d’autant plus que le droit français ne permet pas en cette matière les accords tacites ».

Ces difficultés tiennent pour une part au droit, français notamment, qui, s’il accorde aux auteurs un droit exclusif sur leurs créations, ne dit rien d’explicite quant à des modalités leur permettant de faire connaître leurs volontés concernant les usages de leurs œuvres. Il y a là un vide juridique, sinon une forme d’incohérence. Cela étant, les licences de type GPL sont particulièrement protectrices des droits des utilisateurs dans la mesure où les contributeurs successifs s’obligent les uns les autres à respecter les dits droits, en s’appuyant sur les traités internationaux en matière de droit d’auteur. De plus, la publication et l’utilisation par les administrations françaises et européennes de licences libres (comme CeCILL et EUPL) traduisent la maturation juridique de la diffusion du libre, contribuant ainsi de fait, plus que fortement, à créer un environnement « sécurisé » pour les utilisateurs. Et puis, il y a des millions et des millions d’utilisateurs de logiciels libres en France et dans le monde. Une des vertus du droit étant de s’adapter aux évolutions, technologiques en particulier… l’insécurité, très relative, ne manquera pas de n’avoir été que momentanée.

Les licences de ressources libres

Les enseignants et les institutions éducatives ont encore tendance à mettre en ligne des ressources pédagogiques sans se poser explicitement la question de leurs licences. D’où un certain flou. Mais les licences de ressources libres ont commencé à faire leur chemin dans les problématiques éditoriales. Leur objectif est de favoriser le partage, la diffusion et l’accès pour tous sur Internet des œuvres de l’esprit, en conciliant les droits légitimes des auteurs et des usagers. Cela passe par des modalités juridiques correspondant aux potentialités de la Toile, notamment à cette possibilité de diffusion quasi instantanée d’une ressource immatérielle à des milliers et des millions de personnes. Le projet Creative Commons s’y emploie[12]. Il a vu le jour à l’université de Standford, au sein du Standford Law School Center for Internet et Society, Lawrence Lessig en étant l’un des initiateurs. Il s’agit donc d’adapter le droit des auteurs à Internet.

Creative Commons renverse le principe de l’autorisation obligatoire. Il permet à l’auteur d’autoriser par avance, et non au coup par coup, certains usages et d’en informer le public. Il est autorisé d’autoriser. Métalicence, Creative Commons permet aux auteurs de se fabriquer des licences, dans une espèce de jeu de Lego simple, constitué de seulement quatre briques. Première brique : attribution. L’utilisateur, qui souhaite diffuser une œuvre, doit mentionner l’auteur. Deuxième brique : commercialisation. L’auteur indique si son travail peut faire l’objet ou pas d’une utilisation commerciale. Troisième brique : non-dérivation. Un travail, s’il est diffusé, ne doit pas être modifié. Quatrième brique : partage à l’identique. Si l’auteur accepte que des modifications soient apportées à son travail, il impose que leur diffusion se fasse dans les mêmes termes que l’original, c’est-à-dire sous la même licence. La possibilité donnée à l’auteur de choisir parmi ces quatre composantes donne lieu à onze combinaisons de licences. Grâce à un moteur de licence proposé par le site de Creative Commons, l’auteur obtient automatiquement un code HTML à insérer sur son site qui renvoie directement vers le contrat adapté à ses désirs.

L’exception pédagogique

Les enseignants utilisent des documents qu’ils n’ont pas produits eux-mêmes, dans toutes les disciplines, mais particulièrement dans certaines d’entre d’elles comme l’histoire-géographie, les sciences économiques et sociales ou la musique : récitation d’un poème, lecture à haute voix d’un ouvrage, consultation d’un site Web… Ces utilisations en classe ne sont pas assimilables à l’usage privé. Elles sont soumises au monopole de l’auteur dans le cadre du principe de respect absolu de la propriété intellectuelle. Cela peut devenir mission impossible, tellement la contrainte et la complexité des droits se font fortes. Ainsi pour les photographies : droits du photographe, de l’agence, droit à l’image des personnes qui apparaissent sur la photo ou droit des propriétaires dont on aperçoit les bâtiments… Difficile d’imaginer les enseignants n’exerçant leur métier qu’avec le concours de leur avocat ! Mais nous avons vu les licences Creative Commons qui contribuent, en tout cas sont un puissant levier, à développer un domaine public élargi de la connaissance. Et la GNU GPL et le CeCILL qui permettent aux élèves et aux enseignants de retrouver, dans la légalité, leurs environnements de travail sans frais supplémentaires, ce qui est un facteur d’égalité et de démocratisation. Mais la question de l’exception pédagogique dans sa globalité, une vraie question, reste posée avec une acuité accrue de par le numérique : quelque part, le copyright est antinomique avec la logique et la puissance d’Internet.

L’exception pédagogique, c’est-à-dire l’exonération des droits d’auteurs sur les oeuvres utilisées dans le cadre des activités d’enseignement et de recherche, et des bibliothèques, concerne potentiellement des productions qui n’ont pas été réalisées à des fins éducatives. Par exemple, le Victoria and Albert Museum de Londres, à l’instar du Metropolitan Museum of art de New York, a décidé de ne plus facturer le droit de reproduction des œuvres de sa collection lorsqu’elles sont publiées à des fins d’enseignement, leur mise en ligne restant cependant soumise à conditions 13.

La société Autodesk a ouvert un portail étudiant de l’ingénierie et de la conception numérique depuis lequel les élèves, étudiants et enseignants de toutes les disciplines peuvent notamment télécharger gratuitement des versions pour étudiants de ses logiciels, toutes ses ressources concernant la conception architecturale, la conception graphique, le génie civil et la conception mécanique et électrique.

L’activité d’enseignement est désintéressée et toute la société en bénéficie. L’éducation n’est pas un coût mais le plus nécessaire (et le plus noble) des investissements. L’exception pédagogique a donc une forte légitimité sociétale. De plus, entrés dans la vie active, les élèves auront naturellement tendance à, par exemple, préconiser les logiciels qu’ils auront utilisés lors de leur scolarité. En la circonstance le système éducatif promeut des produits qu’il a pendant longtemps payé cher (avant que le libre contribue à une baisse sensible des prix pratiqués). D’un strict point de vue économique, il ne serait nullement aberrant que ce soit au contraire les éditeurs qui payent pour que les élèves utilisent leurs produits ! On n’en est pas encore là. Sans nier certains excès auxquels la photocopie non maîtrisée peut donner lieu, il ne faut pas oublier que les établissements d’enseignement contribuent déjà à la défense du droit d’auteur en versant des sommes importantes (près de trois millions d’euros de la part des universités) pour la photocopie d’œuvres protégées, au nom de la fameuse lutte contre le « photocopillage ». Les bibliothèques, quant à elles, doivent déjà faire face au paiement de droits de prêt diminuant fortement leur pouvoir d’achat.

On distingue le cas de l’édition scolaire dont la raison d’être est de réaliser des ressources pour l’éducation, et qui bien évidemment doit en vivre. L’édition scolaire traverse une période de turbulences de par le numérique. Les questions posées sont notamment celles de son positionnement par rapport aux productions enseignantes, du caractère raisonnable ou non des prix pratiqués, de l’existence d’un marché captif, d’un nouveau modèle économique combinant licences libres et rémunération sur les produits dérivés… mais pas celle du bien-fondé d’une légitime rémunération d’un travail fait, dans le contexte d’une école républicaine gratuite et laïque. Deux types de solutions existent pour assurer l’exception pédagogique : la voie contractuelle et la voie législative.

La voie contractuelle

En mars 2006, le ministère de l’Éducation nationale a signé des accords avec les syndicats d’éditeurs. Ils concernent les œuvres des arts visuels ; les enregistrements sonores d’oeuvres musicales, la vidéo-musique et les interprétations vivantes des œuvres musicales ; les œuvres cinématographiques et audiovisuelles ; les livres et les musiques imprimées ; les publications périodiques imprimées. Ils autorisent et limitent certains usages d’œuvres protégées par les enseignants, à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche. Ils couvrent une période allant de janvier 2007 à 2009, date à laquelle une exception sera inscrite dans le Code de la Propriété intellectuelle (CPI).

Les publics visés sont notamment la classe et la formation initiale. Les cas autorisés sont la diffusion ou projection en classe d’œuvres protégées de tout enregistrement audio (même intégral), de toute image, texte ou de partition, de toute œuvre audiovisuelle obtenue par un canal hertzien gratuit, de toute représentation (interprétation en particulier) en classe d’une œuvre ; la reproduction papier d’œuvres protégées pour les élèves de la classe (10 % maximum d’un livre ou d’une partition, 30 % d’un périodique) avec selon les types d’établissements un quota de copies par élève et par an ; la reproduction numérique d’images protégées donnée à titre temporaire pour toute œuvre diffusée en classe, avec un maximum de 20 images incorporées dans chaque travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sur Intranet et des limitations (400 × 400 pixels, 72 dpi, pas de recadrage, pas d’accès direct aux œuvres, pas d’indexation, déclaration des œuvres par formulaire à l’AVA) ; la diffusion audio et audiovisuelle lors de concours ou colloques (extraits audio d’une œuvre limités à 30 secondes dans la limite de 10 % de la durée totale chacun, représentants, additionnés, moins de 15 % du total).

Les accords ne concernent notamment pas l’analyse d’une œuvre pour elle-même, la formation continue, l’utilisation en classe de DVD ou de VHS du commerce (les droits de diffusions ou de prêt doivent être alors acquittés par les centres de documentation des établissements), la création de bases d’œuvres protégées numérisées consultables en Intranet (sous forme de fichiers image, son ou vidéo en particulier), la distribution de fichiers numériques d’œuvres protégées aux élèves, la possibilité de faire des liens profonds sur des sites pour disposer, par exemple, d’extraits audio organisés de manière thématique.

Pour les livres et les musiques imprimées, les accords prévoient des vérifications (Article 10) : « Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord. En cas de manquement à ces obligations contractuelles, les représentants des ayants droit pourront requérir du chef d’établissement ou du responsable du réseau le retrait des œuvres ou extraits d’œuvres visées par l’accord utilisé illicitement. En cas de contestation sur l’application de l’accord, le comité de suivi se réunit pour constater l’absence de respect d’une clause de l’accord et proposer une solution aux parties. » Cette possibilité d’intrusion sur les réseaux des établissements scolaires a été diversement appréciée.

Des entraves à l’activité pédagogique

Les limitations prévues dans les accords (nombre de pixels, durée des extraits…) ne sont pas sans poser de réels problèmes pédagogiques. Yves Hulot, professeur d’éducation musicale à l’IUFM de Versailles (Cergy-Pontoise), en pointent quelques-uns. La combinaison d’une résolution limitée à 400 × 400 pixels et d’une définition de 72 dpi de la représentation numérique d’une œuvre avec une utilisation portant sur l’œuvre intégrale empêche le recours à des photos de détails des oeuvres.

Par exemple : « Le tableau Les noces de Cana de Véronèse comporte une intéressante viola da braccio au premier plan. Avec une telle limite de résolution sur cet immense tableau, il est impossible de projeter et de zoomer convenablement sur ce détail. Qui peut croire justifier de telles limitations ? » La durée des extraits d’une oeuvre musicale crée également des obstacles de nature pédagogique. « Si je travaille en classe de troisième sur la compagnie des Ballets russes, il me semble évident que pour apprécier l’importance de la révolution qu’elle apporta, une analyse d’au moins deux ballets s’impose, en l’occurrence L’après-midi d’un faune et Le sacre du Printemps, ce qui permet d’aborder deux musiciens capitaux, Debussy et Stravinsky. Le premier dure environ dix minutes, le second environ trente. Habitués que sont nos élèves à côtoyer majoritairement le genre chanson, il me semble utile de les confronter à d’autres durées et d’autres langages musicaux ou chorégraphiques. Mais je crains qu’à trop limiter l’activité pédagogique des enseignants on finisse par empêcher ceux qu’ils éduquent de réellement avoir les clés d’accès à la culture ! »

La voie législative

Les contenus numériques en ligne sont quasiment absents des accords précités. Est-ce un hasard ? L’affrontement fondamental est-il prudemment différé ? C’est principalement l’écrit numérique qui est envisagé, l’audio et l’audiovisuel en étant exclus. La mise en ligne d’images protégées suppose qu’elles soient incorporées à un travail pédagogique ou de recherche, et qu’elles soient limitées en qualité et en quantité. Ces accords couvrent essentiellement des activités de diffusion en classe, les seuls cas de reproduction à des fins de distribution concernent la photocopie. Les possibilités d’échange de fichiers numériques avec les élèves et les étudiants sont donc limitées, tout comme les échanges entre collègues lors de travaux interdisciplinaires.

Ils favorisent une offre éditoriale qui est de type catalogue et non sur-mesure ou granulaire malgré les développements récents de l’offre numérique. « En dehors du cadre et des limites prévus par les accords, l’obtention dans l’enseignement des droits d’exploitation d’œuvres protégées, représente une double difficulté : savoir à quels ayants droit demander les autorisations et avoir le budget éventuellement nécessaire pour s’en acquitter. D’où la nécessité de proposer un dispositif permettant aux enseignants d’être à la fois clairs du point de vue juridique et d’obtenir facilement les droits pour ce qu’ils se proposent de faire pour leurs élèves ou leurs étudiants. »[13]

Les enjeux de l’exception pédagogique demeurent

À l’occasion de la transposition par le Parlement, en 2006, de la directive européenne sur les Droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information (Dadvsi), qui prévoit la possibilité d’une exception pédagogique, la CPU (Conférence des présidents d’université) et l’ADBU (Association des directeurs de bibliothèque universitaire), constatant que la France était est l’un des rares pays européens à ne pas l’avoir retenue dans son projet de loi, redoutaient que cette législation n’aboutisse à une domination accrue de la littérature de langue anglaise déjà majoritaire parmi les ressources d’information disponibles en ligne, notre seule référence devenant Google et nos seules sources étant les données anglo-saxonnes.

Un amendement adopté lors du débat de 2006, applicable en 2009 (CPI L122-5 3-e), définit l’exception pédagogique comme : « La représentation ou la reproduction de courtes œuvres ou d’extraits d’œuvres, autres que des œuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d’illustration ou d’analyse dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu’elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire nonobstant la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l’article L. 122-10 ». Il comporte des aspects restrictifs. Le rendez-vous de 2009 est important.

Un usage loyal

Pierre-Yves Gosset, délégué de Framasoft, se prononce pour un système de fair use à l’américaine. Aux États-Unis, le fair use, (usage loyal, ou usage raisonnable, ou usage acceptable) est un ensemble de règles de droit, d’origine législative et jurisprudentielle, qui apportent des limitations et des exceptions aux droits exclusifs de l’auteur sur son œuvre (copyright). Il essaie de prendre en compte à la fois les intérêts des bénéficiaires des copy – rights et l’intérêt public, pour la distribution de travaux créatifs, en autorisant certains usages qui seraient, autrement, considérés comme illégaux. Des dispositions similaires existent également dans beaucoup d’autres pays.

Les critères actuels du fair use aux États-Unis sont énoncés au titre 17 du code des États-Unis, section 107 (limitations des droits exclusifs : usage loyal (fair use) : « Nonobstant les dispositions des sections 106 et 106A, l’usage loyal d’une oeuvre protégée, y compris des usages tels la reproduction par copie, l’enregistrement audiovisuel ou quelque autre moyen prévu par cette section, à des fins telles que la critique, le commentaire, l’information journalistique, l’enseignement (y compris des copies multiples à destination d’une classe), les études universitaires et la recherche, ne constitue pas une violation des droits d’auteur. Pour déterminer si l’usage particulier qui serait fait d’une œuvre constitue un usage loyal, les éléments à considérer comprendront : l’objectif et la nature de l’usage, notamment s’il est de nature commerciale ou éducative et sans but lucratif ; la nature de l’œuvre protégée ; la quantité et l’importance de la partie utilisée en rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée ; les conséquences de cet usage sur le marché potentiel ou sur la valeur de l’œuvre protégée. Le fait qu’une œuvre ne soit pas publiée ne constitue pas en soi un obstacle à ce que son usage soit loyal s’il apparaît tel au vu de l’ensemble des critères précédents ». « L’originalité du fair use par rapport aux doctrines comparables est l’absence de limites précises aux droits ouverts : alors que les autres pays définissent assez précisément ce qui est autorisé, le droit des États-Unis donne seulement des critères (factors) que les tribunaux doivent apprécier et pondérer pour décider si un usage est effectivement loyal. Par conséquent, le fair use tend à couvrir plus d’usages que n’en autorisent les autres systèmes, mais au prix d’un plus grand risque juridique. »

De la propriété à l’accès ?

Lors des Rencontres de l’Orme 2008, Frédérique Muscinési, médiatrice culturelle, a risqué le débat : « Aujourd’hui, l’intermédiaire ne peut plus constituer l’agent de la culture établie, ni du discours officiel. Il doit réfléchir, à l’heure des nouvelles technologies et de la substitution progressive de la propriété par la notion d’accès, à son rôle dans le cadre d’une probable et enfin réalisable démocratisation de la culture, non de sa consommation que son propre rôle antérieur rendait impossible ou invalidait, mais de sa création. » Elle a rappelé que « l’imitation et la modification sont à la base de la création entendue comme mémoire et transmission, puisqu’elles sont le moteur de l’apprentissage, processus ou objet même de la création ».

En conséquence, la propriété intellectuelle appliquée aux objets ou aux expériences artistiques, a passé d’être un appui aux auteurs à celui des industries culturelles qui, restreignant l’accès à l’objet de création, restreignent par là même ses possibilités. Culture et éducation cheminent ensemble, c’est bien connu…

Notes

[1] Crédit photo : Mr. Theklan (Creative Commons By-Sa)

[2] Les manuels scolaires : histoire et actualité, Alain Choppin, INRP, Hachette 1992

[3] « L’édition scolaire au temps du numérique », Jean-Pierre Archambault, Médialog n° 41

[4] Les turbulences de l’édition scolaire, Jean-Pierre Archambault, colloque SIF « Les institutions éducatives face au numérique », organisé par la Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord, Paris les 12 et 13 décembre 2005

[5] Sur le blog du CNS (Canal numérique des savoirs), Laurent Catach (dictionnaires Le Robert) propose à ses collègues des voies de sortie des turbulences, leur demandant de se montrer optimistes : «  Éditeurs, ayez confiance, le web est une formidable opportunité, comme sans doute il n’en arrive que tous les quelques siècles… ». Il s’emploie à les rassurer : « Il est en effet logique et inévitable que plus la quantité d’informations augmente plus on a besoin de la hiérarchiser, de la filtrer, de la commenter, de l’animer et de la fédérer. Comment par exemple feront les élèves pour se repérer et trouver une juste information dans les 15 millions de livres numérisés de Google ? ». Il voit « se profiler un véritable eldorado éditorial ! ». Il met les points sur les i : « Nous avons à notre disposition un matériau informationnel extraordinaire (toute la richesse du web) à mettre en forme et à mettre en scène. Et l’information et sa mise en scène, n’est-ce pas là très précisément notre métier ?… La question n’est donc pas de savoir si les éditeurs scolaires ont un rôle à jouer sur le web : c’est une évidence. Et c’est même leur responsabilité vis-à-vis des jeunes générations de ne pas laisser les élèves se débrouiller tous seuls avec Internet. La seule et unique question est de savoir comment ils seront rémunérés. »

[6] Squeak – Hilaire Fernandes, « Squeak, un outil pour modéliser », EpiNet n° 86

[7] Abuledu

[8] Voir Wikipédia, notamment un « Wikipédia éducatif » et « Wikipédia : la rejeter ou la domestiquer », Éric Bruillard, Médialog n° 61

[9] Pour l’éducation voir « Les logiciels libres dans le système éducatif », Jean-Pierre Archambault et « Favoriser l’essor du libre à l’École », Jean-Pierre Archambault, Médialog n° 66

[10] Voir le Livre blanc sur les modèles économiques du libre, publié par l’April et Rapport du CSPLA (Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique) sur la diffusion ouverte des oeuvres de l’esprit

[11] Voir note 8, le Livre blanc sur les modèles économiques du libre, publié par l’April

[12] « Naissance d’un droit d’auteur en kit ? », Jean-Pierre Archambault, Médialog n° 55 et « Les licences Creative Commons dans le paysage éducatif de l’édition… rêve ou réalité ? », réflexions de Michèle Drechsler

[13] Arsmusicae Site d’information sur l’exception pédagogique pour l’enseignement et la recherche