Brian Eno n’aime pas les NFT – Open Culture (5)

Le 5e numéro de notre mini-série de l’été, qui vagabonde librement d’un article de openculture.com à l’autre, vous propose aujourd’hui de lire quelques propos assez vifs sur les NFT que l’on peut définir grossièrement comme des titres de propriété, enregistrés dans une sorte de « grand livre » numérique public et décentralisé (en savoir plus avec ces questions/réponses). Leur apparition ces dernières années suscite autant d’engouement spéculatif que de critiques acerbes.

Voici par exemple le point de vue de Brian Eno, un musicien, producteur, compositeur dont la carrière et la notoriété dans le monde de la musique sont immenses : les plus grands ont bénéficié de son talent, on lui doit le développement et la popularisation d’un genre musical et nombreuses sont ses expérimentations artistiques, pas seulement musicales..

 

Article original : Brian Eno Shares His Critical Take on Art & NFTs: “I Mainly See Hustlers Looking for Suckers”

Traduction : Goofy

Brian Eno expose son point de vue critique sur l’art et les NFT : « Je vois surtout des arnaqueurs qui cherchent des pigeons »

par Josh Jones

Image via Wikimedia Commons

Dans notre monde marqué par les inégalités, on peut avoir l’impression que nous n’avons plus grand-chose en commun, qu’il n’y a pas de « nous », mais seulement « eux » et « nous ». Mais les multiples crises qui nous séparent ont aussi le potentiel d’unir l’espèce. Après tout, une planète qui se réchauffe rapidement et une pandémie mondiale nous menacent tous, même si elles ne nous menacent pas de la même manière.

Les solutions existent-elles dans la création de nouvelles formes de propriété privée, de nouvelles façons de déplacer le capital dans le monde ? Les sous-produits de la marchandisation et du gaspillage capitalistes, à l’échelle de l’extinction, peuvent-ils être atténués par de nouvelles formes ingénieuses de financiarisation ? Tels semblent être les arguments avancés par les zélateurs des crypto-monnaies et de NFT, un acronyme signifiant jetons non fongibles et – si vous ne l’avez pas encore remarqué – qui semble la seule chose dont tout le monde parle aujourd’hui dans le monde de l’art.

Brian Eno a exprimé son opinion sur le sujet de manière assez abrupte dans une interview récente. « Les NFT me semblent juste un moyen pour les artistes d’obtenir une petite part du gâteau du capitalisme mondial », a-t-il dit sur le site The Crypto Syllabus. « Comme c’est mignon : maintenant les artistes peuvent aussi devenir de petits trous du cul de capitalistes ». Il désapprouve évidemment l’utilisation de l’art uniquement pour générer des profits, car si nous avons appris quelque chose de la théorie de la créativité et de l’influence d’Eno au cours des dernières décennies, c’est bien que selon lui le moteur principal de la création artistique est… de générer davantage d’art.

« Si j’avais voulu gagner de l’argent avant tout, j’aurais eu une carrière différente, comme n’importe qui d’autre. Je n’aurais probablement pas choisi d’être un artiste ».

Il est tout à fait inutile d’essayer de cataloguer Eno comme technophobe ou déconnecté, c’est tout le contraire. Mais les produits financiers fictifs qui ont envahi toutes les autres sphères de la vie n’ont pas leur place dans les arts, affirme-t-il.

Lorsqu’on lui demande pourquoi les NFT sont présentés comme un salut pour les artistes et le monde de l’art par les visionnaires des crypto-monnaies, parmi lesquels figurent nombre de ses amis et collaborateurs, Eno répond :

Je peux comprendre pourquoi les personnes qui en ont profité sont satisfaites, et il est assez naturel dans un monde libertarien de croire que quelque chose qui vous profite doit automatiquement être « bon » pour le monde entier. Cette croyance est une version de ce que j’appelle « l’automatisme » : l’idée que si vous laissez les choses tranquilles et que vous laissez une chose ou l’autre – le marché, la nature, la volonté humaine – suivre son cours sans entrave, vous obtiendrez automatiquement un meilleur résultat qu’en intervenant. Les personnes qui ont ce genre de croyances n’ont aucun scrupule à intervenir elles-mêmes, mais veulent simplement une situation où personne d’autre ne peut intervenir. Surtout pas l’État.

Le fait que la vente des NFT n’ait profité qu’à un très petit nombre de personnes – à hauteur de 69 millions de dollars en une seule vente dans une affaire récente très médiatisée – ne semble pas particulièrement gêner ceux qui insistent sur leurs avantages. Les créateurs des NFT ne semblent pas non plus gênés par l’énorme surcharge énergétique que nécessite cette technologie, « un système pyramidal de cauchemar écologique », comme le dépeint Synthtopia – dont Eno dit :

« dans un monde en réchauffement, une nouvelle technologie qui utilise de vastes quantités d’énergie comme « preuve de travail », c’est-à-dire simplement pour établir un certain âge d’exclusivité, est vraiment insensée. »

Eno répond volontiers aux questions sur les raisons pour lesquelles les NFT semblent si séduisantes – ce n’est pas un grand mystère, juste une nouvelle forme d’accumulation, de marchandisation et de gaspillage, une forme en particulier qui n’ajoute rien au monde tout en accélérant l’effondrement du climat. Les NFT sont le « readymade inversé », selon David Joselit : là où « Duchamp utilisait la catégorie de l’art pour libérer la matérialité de la forme marchandisable, les NFT déploient la catégorie de l’art pour extraire la propriété privée d’informations librement disponibles ».

Le discours autour des NFT semble également libérer l’art de la catégorie de l’art, et tout ce que cela a signifié pour l’humanité depuis des millénaires en tant que pratique communautaire, réduisant les productions créatives à des certificats numériques d’authenticité. « J’essaie de garder l’esprit ouvert sur ces questions », concède Eno. « Des personnes que j’apprécie et en qui j’ai confiance sont convaincues que [les NFT] sont la meilleure chose depuis l’invention du pain en tranches, alors j’aimerais avoir une vision plus positive, mais pour l’instant, je vois surtout des arnaqueurs qui cherchent des pigeons. »

Pour aller plus loin

(en français)

(en anglais)

L’auteur de l’article
Josh Jones est un écrivain et musicien de Durham, NC. Son compte twitter est @jdmagness


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Écosocialisme numérique : une alternative aux big tech ?

Je vous propose la traduction, d’abord publiée sur mon blog avec l’aimable autorisation de son auteur Michael Kwet, d’un essai sur lequel je suis récemment tombé. Je pense qu’il mérite toute notre attention, car il pose non seulement un constat politique détaillé et sourcé sur le capitalisme numérique, mais il lui oppose aussi une véritable alternative.

D’accord ou pas d’accord, le fait d’avoir ce genre d’alternative est salutaire. Car si la politique, c’est la capacité à faire des choix, alors nous avons besoin d’avoir plusieurs alternatives entre lesquelles choisir. Autrement nous ne choisissons rien, puisque nous suivons l’unique chemin qui est devant nous. Et nous avançons, peut-être jusqu’au précipice…

L’article initial ainsi que cette traduction sont sous licence Creative Commons, ne vous privez donc pas de les partager si comme moi, vous trouvez cet essai extrêmement stimulant et précieux pour nos réflexions. Dans le même esprit, les commentaires sont à vous si vous souhaitez réagir ou partager d’autres réflexions.

— Louis Derrac


Écosocialisme numérique – Briser le pouvoir des Big Tech

Nous ne pouvons plus ignorer le rôle des Big Tech dans l’enracinement des inégalités mondiales. Pour freiner les forces du capitalisme numérique, nous avons besoin d’un Accord sur les Technologies Numériques 1 écosocialiste

En l’espace de quelques années, le débat sur la façon d’encadrer les Big Tech a pris une place prépondérante et fait l’objet de discussions dans tout le spectre politique. Pourtant, jusqu’à présent, les propositions de réglementation ne tiennent pas compte des dimensions capitalistes, impérialistes et environnementales du pouvoir numérique, qui, ensemble, creusent les inégalités mondiales et poussent la planète vers l’effondrement. Nous devons de toute urgence construire un écosystème numérique écosocialiste, mais à quoi cela ressemblerait-il et comment pouvons-nous y parvenir ?

Cet essai vise à mettre en évidence certains des éléments fondamentaux d’un programme socialiste numérique – un Accord sur les Technologies Numériques (ATN) – centré sur les principes de l’anti-impérialisme, de l’abolition des classes, des réparations et de la décroissance qui peuvent nous faire passer à une économie socialiste du 21e siècle. Il s’appuie sur des propositions de transformation ainsi que sur des modèles existants qui peuvent être mis à l’échelle, et cherche à les intégrer à d’autres mouvements qui prônent des alternatives au capitalisme, en particulier le mouvement de la décroissance. L’ampleur de la transformation nécessaire est énorme, mais nous espérons que cette tentative d’esquisser un Accord sur les Technologies Numériques socialiste suscitera d’autres réflexions et débats sur l’aspect que pourrait prendre un écosystème numérique égalitaire et les mesures à prendre pour y parvenir.

Le capitalisme numérique et les problèmes d’antitrust

Les critiques progressistes du secteur technologique sont souvent tirées d’un cadre capitaliste classique centré sur l’antitrust, les droits de l’homme et le bien-être des travailleur⋅se⋅s. Formulées par une élite d’universitaires, de journalistes, de groupes de réflexion et de décideurs politiques du Nord, elles mettent en avant un programme réformiste américano-eurocentré qui suppose la poursuite du capitalisme, de l’impérialisme occidental et de la croissance économique.

Le réformisme antitrust est particulièrement problématique car il part du principe que le problème de l’économie numérique est simplement la taille et les “pratiques déloyales” des grandes entreprises plutôt que le capitalisme numérique lui-même. Les lois antitrust ont été créées aux États-Unis pour promouvoir la concurrence et limiter les pratiques abusives des monopoles (alors appelés “trusts”) à la fin du XIXe siècle. Compte tenu de l’ampleur et de la puissance des Big Tech contemporaines, ces lois sont de nouveau à l’ordre du jour, leurs défenseurs soulignant que les grandes entreprises sapent non seulement les consommateurs, les travailleur⋅se⋅s et les petites entreprises, mais remettent également en question les fondements de la démocratie elle-même.

Les défenseurs de la législation antitrust affirment que les monopoles faussent un système capitaliste idéal et que ce qu’il faut, c’est un terrain de jeu égal pour que tout le monde puisse se faire concurrence. Pourtant, la concurrence n’est bonne que pour ceux qui ont des ressources à mettre en concurrence. Plus de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 7,40 dollars [7,16 euros] par jour, et personne ne s’arrête pour demander comment ils seront “compétitifs” sur le “marché concurrentiel” envisagé par les défenseurs occidentaux de l’antitrust. C’est d’autant plus décourageant pour les pays à revenu faible ou intermédiaire que l’internet est largement sans frontières.

À un niveau plus large, comme je l’ai soutenu dans un article précédent, publié sur ROAR, les défenseurs de l’antitrust ignorent la division globalement inégale du travail et de l’échange de biens et de services qui a été approfondie par la numérisation de l’économie mondiale. Des entreprises comme Google, Amazon, Meta, Apple, Microsoft, Netflix, Nvidia, Intel, AMD et bien d’autres sont parvenues à leur taille hégémonique parce qu’elles possèdent la propriété intellectuelle et les moyens de calcul utilisés dans le monde entier. Les penseurs antitrust, en particulier ceux des États-Unis, finissent par occulter systématiquement la réalité de l’impérialisme américain dans le secteur des technologies numériques, et donc leur impact non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et dans les pays du Sud 2

Les initiatives antitrust européennes ne sont pas meilleures. Là-bas, les décideurs politiques qui s’insurgent contre les maux des grandes entreprises technologiques tentent discrètement de créer leurs propres géants technologiques. Le Royaume-Uni vise à produire son propre mastodonte de plusieurs milliards de dollars. Le président Emmanuel Macron va injecter 5 milliards d’euros dans des start-ups technologiques dans l’espoir que la France compte au moins 25 “licornes” – des entreprises évaluées à un milliard de dollars ou plus – d’ici 2025. L’Allemagne dépense 3 milliards d’euros pour devenir une puissance mondiale de l’IA et un leader mondial (c’est-à-dire un colonisateur de marché) de l’industrialisation numérique. Pour leur part, les Pays-Bas visent à devenir une “nation de licornes”. Et en 2021, la commissaire à la concurrence de l’Union européenne, Margrethe Vestager, largement applaudie, a déclaré que l’Europe devait bâtir ses propres géants technologiques européens. Dans le cadre des objectifs numériques de l’UE pour 2030, Mme Vestager a déclaré que l’UE visait à “doubler le nombre de licornes européennes, qui est aujourd’hui de 122.”

Au lieu de s’opposer par principe aux grandes entreprises de la tech, les décideurs européens sont des opportunistes qui cherchent à élargir leur propre part du gâteau.

D’autres mesures capitalistes réformistes proposées, telles que l’imposition progressive, le développement des nouvelles technologies en tant que service public3 et la protection des travailleur⋅se⋅s, ne parviennent toujours pas à s’attaquer aux causes profondes et aux problèmes fondamentaux. Le capitalisme numérique progressiste est meilleur que le néolibéralisme. Mais il est d’orientation nationaliste, ne peut empêcher le colonialisme numérique, et conserve un engagement envers la propriété privée, le profit, l’accumulation et la croissance.

L’urgence environnementale et la technologie

Les crises jumelles du changement climatique et de la destruction écologique qui mettent en péril la vie sur Terre constituent d’autres points faibles majeurs pour les réformateurs du numérique.

De plus en plus d’études montrent que les crises environnementales ne peuvent être résolues dans un cadre capitaliste fondé sur la croissance, qui non seulement augmente la consommation d’énergie et les émissions de carbone qui en résultent, mais exerce également une pression énorme sur les systèmes écologiques.

Le PNUE4 estime que les émissions doivent diminuer de 7,6 % chaque année entre 2020 et 2030 pour atteindre l’objectif de maintenir l’augmentation de la température à moins de 1,5 degré. Des évaluations universitaires estiment la limite mondiale d’extraction de matières durables à environ 50 milliards de tonnes de ressources par an, mais à l’heure actuelle, nous en extrayons 100 milliards de tonnes par an, ce qui profite largement aux riches et aux pays du Nord.

La décroissance doit être mise en œuvre dans un avenir immédiat. Les légères réformes du capitalisme vantées par les progressistes continueront à détruire l’environnement. En appliquant le principe de précaution, nous ne pouvons pas nous permettre de risquer une catastrophe écologique permanente. Le secteur des technologies n’est pas un simple spectateur, mais l’un des principaux moteurs de ces tendances.

Selon un rapport récent, en 2019, les technologies numériques – définies comme les réseaux de télécommunications, les centres de données, les terminaux (appareils personnels) et les capteurs IoT (internet des objets) – ont contribué à 4 % des émissions de gaz à effet de serre, et leur consommation d’énergie a augmenté de 9 % par an.

Et aussi élevé que cela puisse paraître, cela sous-estime probablement l’utilisation de l’énergie par le secteur numérique. Un rapport de 2022 a révélé que les géants de la grande technologie ne s’engagent pas à réduire l’ensemble des émissions de leur chaîne de valeur. Des entreprises comme Apple prétendent être “neutres en carbone” d’ici 2030, mais cela “ne comprend actuellement que les opérations directes, qui représentent un microscopique 1,5 % de son empreinte carbone.”

En plus de surchauffer la planète, l’extraction des minéraux utilisés dans l’électronique – tels que le cobalt, le nickel et le lithium – dans des endroits comme la République démocratique du Congo, le Chili, l’Argentine et la Chine est souvent destructive sur le plan écologique.

Et puis il y a le rôle central des entreprises numériques dans le soutien d’autres formes d’extraction non durable. Les géants de la technologie aident les entreprises à explorer et à exploiter de nouvelles sources de combustibles fossiles et à numériser l’agriculture industrielle. Le modèle économique du capitalisme numérique tourne autour de la diffusion de publicités visant à promouvoir la consommation de masse, un facteur clé de la crise environnementale. Dans le même temps, nombre de ses dirigeants milliardaires ont une empreinte carbone des milliers de fois supérieure à celle des consommateurs moyens des pays du Nord.

Les réformateurs du numérique partent du principe que les grandes entreprises technologiques peuvent être découplées des émissions de carbone et de la surconsommation de ressources et, par conséquent, ils concentrent leur attention sur les activités et les émissions particulières de chaque entreprise. Pourtant, la notion de “découplage” de la croissance de l’utilisation des ressources matérielles a été remise en question par les universitaires, qui notent que l’utilisation des ressources suit de près la croissance du PIB à travers l’histoire. Des chercheurs ont récemment constaté que le transfert de l’activité économique vers les services, y compris les industries à forte intensité de connaissances, n’a qu’un potentiel limité de réduction des impacts environnementaux mondiaux en raison de l’augmentation des niveaux de consommation des ménages par les travailleur⋅se⋅s des services.

En résumé, les limites de la croissance changent tout. Si le capitalisme n’est pas écologiquement soutenable, les politiques numériques doivent tenir compte de cette réalité brutale et difficile.

Le socialisme numérique et ses composantes

Dans un système socialiste, la propriété est détenue en commun. Les moyens de production sont directement contrôlés par les travailleur⋅se⋅s eux-mêmes par le biais de coopératives de travailleur⋅se⋅s, et la production est destinée à l’utilisation et aux besoins plutôt qu’à l’échange, au profit et à l’accumulation. Le rôle de l’État est contesté parmi les socialistes, certains soutenant que la gouvernance et la production économique devraient être aussi décentralisées que possible, tandis que d’autres plaident pour un plus grand degré de planification de l’État.

Ces mêmes principes, stratégies et tactiques s’appliquent à l’économie numérique. Un système de socialisme numérique éliminerait progressivement la propriété intellectuelle, socialiserait les moyens de calcul, démocratiserait les données et l’intelligence numérique et confierait le développement et la maintenance de l’écosystème numérique à des communautés du domaine public.

Bon nombre des éléments constitutifs d’une économie numérique socialiste existent déjà. Les logiciels libres et open source (FOSS5) et les licences Creative Commons, par exemple, fournissent les logiciels et les licences nécessaires à un mode de production socialiste. Comme le note James Muldoon dans Platform Socialism, des projets urbains comme DECODE (DEcentralised Citizen-owned Data Ecosystems) fournissent des outils d’intérêt public open source pour des activités communautaires où les citoyens peuvent accéder et contribuer aux données, des niveaux de pollution de l’air aux pétitions en ligne et aux réseaux sociaux de quartier, tout en gardant le contrôle sur les données partagées. Les coopératives de plates-formes, telles que la plate-forme de livraison de nourriture Wings à Londres6, fournissent un modèle de milieu de travail remarquable dans lequel les travailleur⋅se⋅s organisent leur travail par le biais de plates-formes open source détenues et contrôlées collectivement par les travailleur⋅se⋅s eux-mêmes. Il existe également une alternative socialiste aux médias sociaux dans le Fédivers7, un ensemble de réseaux sociaux qui interagissent en utilisant des protocoles partagés, qui facilitent la décentralisation des communications sociales en ligne.

Mais ces éléments de base auraient besoin d’un changement de politique pour se développer. Des projets comme le Fédivers, par exemple, ne sont pas en mesure de s’intégrer à des systèmes fermés ou de rivaliser avec les ressources massives et concentrées d’entreprises comme Facebook. Un ensemble de changements politiques radicaux serait donc nécessaire pour obliger les grands réseaux de médias sociaux à s’interopérer, à se décentraliser en interne, à ouvrir leur propriété intellectuelle (par exemple, les logiciels propriétaires), à mettre fin à la publicité forcée (publicité à laquelle les gens sont soumis en échange de services “gratuits”), à subventionner l’hébergement des données afin que les individus et les communautés – et non l’État ou les entreprises privées – puissent posséder et contrôler les réseaux et assurer la modération du contenu. Cela aurait pour effet d’étouffer les géants de la technologie.

La socialisation de l’infrastructure devrait également être équilibrée par de solides garanties pour la vie privée, des restrictions sur la surveillance de l’État et le recul de l’État sécuritaire carcéral. Actuellement, l’État exploite la technologie numérique à des fins coercitives, souvent en partenariat avec le secteur privé. Les populations immigrées et les personnes en déplacement sont fortement ciblées par un ensemble de caméras, d’avions, de capteurs de mouvements, de drones, de vidéosurveillance et d’éléments biométriques. Les enregistrements et les données des capteurs sont de plus en plus centralisés par l’État dans des centres de recoupement [des données] et des centres de criminalité en temps réel pour surveiller, prévoir et contrôler les communautés. Les communautés marginalisées et racisées ainsi que les militant⋅e⋅s sont ciblés de manière disproportionnée par l’État de surveillance high-tech. Ces pratiques doivent être interdites alors que les militant⋅e⋅s s’efforcent de démanteler et d’abolir ces institutions de violence organisée.

L’accord sur les Technologies Numériques

Les grandes entreprises technologiques, la propriété intellectuelle et la propriété privée des moyens de calcul sont profondément ancrées dans la société numérique et ne peuvent être éteintes du jour au lendemain. Ainsi, pour remplacer le capitalisme numérique par un modèle socialiste, nous avons besoin d’une transition planifiée vers le socialisme numérique.

Les écologistes ont proposé de nouveaux “accords” décrivant la transition vers une économie verte. Les propositions réformistes comme le Green New Deal américain et le Green Deal européen fonctionnent dans un cadre capitaliste qui conserve les méfaits du capitalisme, comme la croissance terminale, l’impérialisme et les inégalités structurelles. En revanche, les modèles écosocialistes, tels que le Red Deal de la Nation Rouge, l’Accord de Cochabamba et la Charte de justice climatique d’Afrique du Sud, offrent de meilleures alternatives. Ces propositions reconnaissent les limites de la croissance et intègrent les principes égalitaires nécessaires à une transition juste vers une économie véritablement durable.

Cependant, ni ces accords rouges ni ces accords verts n’intègrent de plans pour l’écosystème numérique, malgré sa pertinence centrale pour l’économie moderne et la durabilité environnementale. À son tour, le mouvement pour la justice numérique a presque entièrement ignoré les propositions de décroissance et la nécessité d’intégrer leur évaluation de l’économie numérique dans un cadre écosocialiste. La justice environnementale et la justice numérique vont de pair, et les deux mouvements doivent s’associer pour atteindre leurs objectifs.

À cet effet, je propose un Accord sur les Technologies Numériques écosocialiste qui incarne les valeurs croisées de l’anti-impérialisme, de la durabilité environnementale, de la justice sociale pour les communautés marginalisées, de l’autonomisation des travailleur⋅se⋅s, du contrôle démocratique et de l’abolition des classes. Voici dix principes pour guider un tel programme :

1. Veiller à ce que l’économie numérique ne dépasse pas les limites sociales et planétaires

Nous sommes confrontés à une réalité : les pays les plus riches du Nord ont déjà émis plus que leur juste part du budget carbone – et cela est également vrai pour l’économie numérique dirigée par les Big Tech qui profite de manière disproportionnée aux pays les plus riches. Il est donc impératif de veiller à ce que l’économie numérique ne dépasse pas les limites sociales et planétaires. Nous devrions établir une limite scientifiquement informée sur la quantité et les types de matériaux qui peuvent être utilisés et des décisions pourraient être prises sur les ressources matérielles (par exemple, la biomasse, les minéraux, les vecteurs d’énergie fossile, les minerais métalliques) qui devraient être consacrées à tel ou tel usage (par exemple, de nouveaux bâtiments, des routes, de l’électronique, etc.) en telle ou telle quantité pour telle ou telle personne. On pourrait établir des dettes écologiques qui imposent des politiques de redistribution du Nord au Sud, des riches aux pauvres.

2. Supprimer progressivement la propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle, notamment sous la forme de droits d’auteur et de brevets, donne aux entreprises le contrôle des connaissances, de la culture et du code qui détermine le fonctionnement des applications et des services, ce qui leur permet de maximiser l’engagement des utilisateurs, de privatiser l’innovation et d’extraire des données et des rentes. L’économiste Dean Baker estime que les rentes de propriété intellectuelle coûtent aux consommateurs 1 000 milliards de dollars supplémentaires par an par rapport à ce qui pourrait être obtenu sur un “marché libre” sans brevets ni monopoles de droits d’auteur. L’élimination progressive de la propriété intellectuelle au profit d’un modèle de partage des connaissances basé sur les biens communs permettrait de réduire les prix, d’élargir l’accès à l’éducation et de l’améliorer pour tous, et fonctionnerait comme une forme de redistribution des richesses et de réparation pour le Sud.

3. Socialiser l’infrastructure physique

Les infrastructures physiques telles que les fermes de serveurs cloud, les tours de téléphonie mobile, les réseaux de fibres optiques et les câbles sous-marins transocéaniques profitent à ceux qui les possèdent. Il existe des initiatives de fournisseurs d’accès à internet gérés par les communautés et des réseaux maillés sans fil qui peuvent aider à placer ces services entre les mains des communautés. Certaines infrastructures, comme les câbles sous-marins, pourraient être entretenues par un consortium international qui les construirait et les entretiendrait au prix coûtant pour le bien public plutôt que pour le profit.

4. Remplacer les investissements privés de production par des subventions et une production publiques.

La coopérative numérique britannique de Dan Hind est peut-être la proposition la plus détaillée sur la façon dont un modèle socialiste de production pourrait fonctionner dans le contexte actuel. Selon ce programme, “les institutions du secteur public, y compris le gouvernement local, régional et national, fourniront des lieux où les citoyens et les groupes plus ou moins cohésifs peuvent se rassembler et sécuriser une revendication politique.” Améliorée par des données ouvertes, des algorithmes transparents, des logiciels et des plateformes à code source ouvert et mise en œuvre par une planification participative démocratique, une telle transformation faciliterait l’investissement, le développement et la maintenance de l’écosystème numérique et de l’économie au sens large.

Si Hind envisage de déployer ce système sous la forme d’un service public dans un seul pays – en concurrence avec le secteur privé -, il pourrait à la place constituer une base préliminaire pour la socialisation complète de la technologie. En outre, il pourrait être élargi pour inclure un cadre de justice globale qui fournit des infrastructures en guise de réparations au Sud, de la même manière que les initiatives de justice climatique font pression sur les pays riches pour qu’ils aident le Sud à remplacer les combustibles fossiles par des énergies vertes.

5. Décentraliser Internet

Les socialistes prônent depuis longtemps la décentralisation de la richesse, du pouvoir et de la gouvernance entre les mains des travailleur⋅se⋅s et des communautés. Des projets comme FreedomBox8 proposent des logiciels libres et gratuits pour alimenter des serveurs personnels peu coûteux qui peuvent collectivement héberger et acheminer des données pour des services comme le courrier électronique, les calendriers, les applications de chat, les réseaux sociaux, etc. D’autres projets comme Solid permettent aux gens d’héberger leurs données dans des “pods” qu’ils contrôlent. Les fournisseurs d’applications, les réseaux de médias sociaux et d’autres services peuvent alors accéder aux données à des conditions acceptables pour les utilisateurs, qui conservent le contrôle de leurs données. Ces modèles pourraient être étendus pour aider à décentraliser l’internet sur une base socialiste.

6. Socialiser les plateformes

Les plateformes Internet comme Uber, Amazon et Facebook centralisent la propriété et le contrôle en tant qu’intermédiaires privés qui s’interposent entre les utilisateurs de leurs plateformes. Des projets comme le Fédivers et LibreSocial fournissent un modèle d’interopérabilité qui pourrait potentiellement s’étendre au-delà des réseaux sociaux. Les services qui ne peuvent pas simplement s’interopérer pourraient être socialisés et exploités au prix coûtant pour le bien public plutôt que pour le profit et la croissance.

7. Socialiser l’intelligence numérique et les données

Les données et l’intelligence numérique qui en découle sont une source majeure de richesse et de pouvoir économique. La socialisation des données permettrait au contraire d’intégrer des valeurs et des pratiques de respect de la vie privée, de sécurité, de transparence et de prise de décision démocratique dans la manière dont les données sont collectées, stockées et utilisées. Elle pourrait s’appuyer sur des modèles tels que le projet DECODE à Barcelone et à Amsterdam.

8. Interdire la publicité forcée et le consumérisme des plateformes

La publicité numérique diffuse un flux constant de propagande d’entreprise conçue pour manipuler le public et stimuler la consommation. De nombreux services “gratuits” sont alimentés par des publicités, ce qui stimule encore plus le consumérisme au moment même où il met la planète en danger. Des plateformes comme Google Search et Amazon sont construites pour maximiser la consommation, en ignorant les limites écologiques. Au lieu de la publicité forcée, les informations sur les produits et services pourraient être hébergées dans des répertoires, auxquels on accèderait de manière volontaire.

9. Remplacer l’armée, la police, les prisons et les appareils de sécurité nationale par des services de sûreté et de sécurité gérés par les communautés.

La technologie numérique a augmenté le pouvoir de la police, de l’armée, des prisons et des agences de renseignement. Certaines technologies, comme les armes autonomes, devraient être interdites, car elles n’ont aucune utilité pratique au-delà de la violence. D’autres technologies basées sur l’IA, dont on peut soutenir qu’elles ont des applications socialement bénéfiques, devraient être étroitement réglementées, en adoptant une approche conservatrice pour limiter leur présence dans la société. Les militant⋅e⋅s qui font pression pour réduire la surveillance de masse de l’État devraient se joindre à ceux qui militent pour l’abolition de la police, des prisons, de la sécurité nationale et du militarisme, en plus des personnes visées par ces institutions.

10. Mettre fin à la fracture numérique

La fracture numérique fait généralement référence à l’inégalité d’accès individuel aux ressources numériques telles que les appareils et les données informatiques, mais elle devrait également englober la manière dont les infrastructures numériques, telles que les fermes de serveurs cloud et les installations de recherche de haute technologie, sont détenues et dominées par les pays riches et leurs entreprises. En tant que forme de redistribution des richesses, le capital pourrait être redistribué par le biais de la fiscalité et d’un processus de réparation afin de subventionner les appareils personnels et la connectivité Internet pour les pauvres du monde entier et de fournir des infrastructures, telles que l’infrastructure cloud et les installations de recherche de haute technologie, aux populations qui ne peuvent pas se les offrir.

Comment faire du socialisme numérique une réalité

Des changements radicaux sont nécessaires, mais il y a un grand écart entre ce qui doit être fait et où nous sommes aujourd’hui. Néanmoins, nous pouvons et devons prendre certaines mesures essentielles.

Tout d’abord, il est essentiel de sensibiliser, de promouvoir l’éducation et d’échanger des idées au sein des communautés et entre elles afin qu’ensemble nous puissions co-créer un nouveau cadre pour l’économie numérique. Pour ce faire, une critique claire du capitalisme et du colonialisme numériques est nécessaire.

Un tel changement sera difficile à mettre en place si la production concentrée de connaissances reste intacte. Les universités d’élite, les sociétés de médias, les groupes de réflexion, les ONG et les chercheurs des grandes entreprises technologiques du Nord dominent la conversation et fixent l’ordre du jour de la correction du capitalisme, limitant et restreignant les paramètres de cette conversation. Nous devons prendre des mesures pour leur ôter leur pouvoir, par exemple en abolissant le système de classement des universités, en démocratisant la salle de classe et en mettant fin au financement des entreprises, des philanthropes et des grandes fondations. Les initiatives visant à décoloniser l’éducation – comme le récent mouvement de protestation étudiant #FeesMustFall en Afrique du Sud et la Endowment Justice Coalition à l’université de Yale – sont des exemples des mouvements qui seront nécessaires9.

Deuxièmement, nous devons connecter les mouvements de justice numérique avec d’autres mouvements de justice sociale, raciale et environnementale. Les militant⋅e⋅s des droits numériques devraient travailler avec les écologistes, les abolitionnistes, les défenseurs de la justice alimentaire, les féministes et autres. Une partie de ce travail est déjà en cours – par exemple, la campagne #NoTechForIce menée par Mijente, un réseau de base dirigé par des migrants, remet en question l’utilisation de la technologie pour contrôler l’immigration aux États-Unis – mais il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne l’environnement.

Troisièmement, nous devons intensifier l’action directe et l’agitation contre les Big Tech et l’empire américain. Il est parfois difficile de mobiliser un soutien derrière des sujets apparemment ésotériques, comme l’ouverture d’un centre de cloud computing dans le Sud (par exemple en Malaisie) ou l’imposition de logiciels des Big Tech dans les écoles (par exemple en Afrique du Sud). Cela est particulièrement difficile dans le Sud, où les gens doivent donner la priorité à l’accès à la nourriture, à l’eau, au logement, à l’électricité, aux soins de santé et aux emplois. Cependant, la résistance réussie à des développements tels que Free Basics de Facebook en Inde et la construction du siège d’Amazon sur des terres indigènes sacrées au Cap, en Afrique du Sud, montrent la possibilité et le potentiel de l’opposition civique.

Ces énergies militantes pourraient aller plus loin et adopter les tactiques de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), que les militant⋅e⋅s anti-apartheid ont utilisées pour cibler les sociétés informatiques vendant des équipements au gouvernement d’apartheid en Afrique du Sud. Les militant⋅e⋅s pourraient créer un mouvement #BigTechBDS, qui ciblerait cette fois l’existence des grandes entreprises technologiques. Les boycotts pourraient annuler les contrats du secteur public avec les géants de la technologie et les remplacer par des solutions socialistes de technologies du peuple10. Des campagnes de désinvestissement pourraient forcer des institutions comme les universités à se désinvestir des pires entreprises technologiques. Et les militant⋅e⋅s pourraient faire pression sur les États pour qu’ils appliquent des sanctions ciblées aux entreprises technologiques américaines, chinoises et d’autres pays.

Quatrièmement, nous devons œuvrer à la création de coopératives de travailleur⋅se⋅s de la tech11 qui peuvent être les éléments constitutifs d’une nouvelle économie socialiste numérique. Il existe un mouvement de syndicalisation des grandes entreprises technologiques, qui peut contribuer à protéger les travailleur⋅se⋅s de la technologie en cours de route. Mais syndiquer les entreprises des Big Tech revient à syndiquer les compagnies des Indes orientales, le fabricant d’armes Raytheon, Goldman Sachs ou Shell – ce n’est pas de la justice sociale et cela n’apportera probablement que de légères réformes. De même que les militant⋅e⋅s sud-africain⋅e⋅s de la lutte contre l’apartheid ont rejeté les principes de Sullivan – un ensemble de règles et de réformes en matière de responsabilité sociale des entreprises qui permettaient aux entreprises américaines de continuer à faire des bénéfices dans l’Afrique du Sud de l’apartheid – et d’autres réformes légères, en faveur de l’étranglement du système de l’apartheid, nous devrions avoir pour objectif d’abolir complètement les Big Tech et le système du capitalisme numérique. Et cela nécessitera de construire des alternatives, de s’engager avec les travailleur⋅se⋅s de la tech, non pas pour réformer l’irréformable, mais pour aider à élaborer une transition juste pour l’industrie.

Enfin, les personnes de tous horizons devraient travailler en collaboration avec les professionnels de la technologie pour élaborer le plan concret qui constituerait un Accord des Technologies Numériques. Ce projet doit être pris aussi au sérieux que les “accords” verts actuels pour l’environnement. Avec un Accord des Technologies Numériques, certains travailleur⋅se⋅s – comme ceux du secteur de la publicité – perdraient leur emploi, il faudrait donc prévoir une transition équitable pour les travailleur⋅se⋅s de ces secteurs. Les travailleur⋅se⋅s, les scientifiques, les ingénieur⋅e⋅s, les sociologues, les avocat⋅e⋅s, les éducateur⋅ice⋅s, les militant⋅e⋅s et le grand public pourraient réfléchir ensemble à la manière de rendre cette transition pratique.

Aujourd’hui, le capitalisme progressiste est largement considéré comme la solution la plus pratique à la montée en puissance des Big Tech. Pourtant, ces mêmes progressistes n’ont pas su reconnaître les méfaits structurels du capitalisme, la colonisation technologique menée par les États-Unis et l’impératif de décroissance. Nous ne pouvons pas brûler les murs de notre maison pour nous garder au chaud. La seule solution pratique est de faire ce qui est nécessaire pour nous empêcher de détruire notre seule et unique maison – et cela doit intégrer l’économie numérique. Le socialisme numérique, concrétisé par un Accord des Technologies Numériques, offre le meilleur espoir dans le court laps de temps dont nous disposons pour un changement radical, mais il devra être discuté, débattu et construit. J’espère que cet article pourra inviter les lecteur⋅ice⋅s et d’autres personnes à collaborer dans cette direction.

Sur l’auteur

Michael Kwet a obtenu son doctorat en sociologie à l’université de Rhodes et il est membre invité du projet de société de l’information à la Yale Law School. Il est l’auteur de Digital colonialism : US empire and the new imperialism in the Global South, hôte du podcast Tech Empire, et a été publié par VICE News, The Intercept, The New York Times, Al Jazeera et Counterpunch.

Retrouvez Micheal sur Twitter : @Michael_Kwet.

Sur la traduction

Ce texte a été d’abord traduit avec Deepl, et ensuite revu, corrigé et commenté par moi-même. N’étant pas un traducteur professionnel, j’accueillerai avec plaisir les propositions d’amélioration.

Illustration à la une par Zoran Svilar

 




Des bières avec Bukowski – Open Culture (3)

Aujourd’hui notre mini-série de l’été consacrée à la culture ouverte vous emmène sur le chemin zigzaguant et génial des poèmes de Charles Bukowski : voici de sa propre voix une célébration animée de sa boisson favorite grâce à un article traduit du site openculture.com


Avertissement : l’alcoolisme, la misanthropie et la misogynie de Bukowski étant notoires, le poème et la vidéo peuvent heurter votre sensibilité. Auquel cas il vous appartient de ne pas aller plus loin sur cette page.

Article original : Watch “Beer,” a Mind-Warping Animation of Charles Bukowski’s 1971 Poem Honoring His Favorite Drink

Traduction : Goofy

Une animation hallucinante pour illustrer un poème de Charles Bukowski en hommage à sa boisson préférée…

par

 

Je ne sais pas combien de bouteilles de bière
j’ai consommées en attendant que ça se remette au beau.
je ne sais pas non plus combien de vin
et de whisky
et de bière
plutôt de la bière d’ailleurs
j’ai consommé après toutes ces ruptures
en guettant la sonnerie du téléphone,
le bruit de leurs pas,
mais c’était toujours trop tard
que le téléphone sonnait
et c’était toujours aussi trop tard
qu’elles revenaient.
Alors que j’étais sur le point
de rendre mon âme
elles arrivaient, fraîches comme des primevères :
« Mais, Grands Dieux, t’avais besoin de te
mettre dans ces états ?
maintenant il va falloir que j’attende
3 jours avant que tu me baises! »

La femme s’use moins vite
elle vit sept ans et demi de plus
que l’homme, et elle boit très peu de bière
car elle sait le mal que ça fait à sa ligne.

Tandis que nous partons de la tronche
elles sont dehors
dansant et riant
avec des cow-boys en chaleur.

En résumé, il y a la bière
des sacs et des sacs de bouteilles vides
et quand tu essaies d’en soulever un
le fond qui est mouillé et
qui est en papier
ne résiste pas et les bouteilles passent à travers
elles roulent sur le sol
et ça résonne partout
et en se renversant le peu de bière qui restait
se mélange à la cendre de cigarettes ;
quoi qu’il en soit, à 4 heures du matin
un sac qui crève
te procure l’unique sensation de la journée.

De la bière
des fleuves et des mers de bière
de la bière de la bière de la bière
la radio passe des chansons d’amour
et comme le téléphone reste muet
et que les murs de ta chambre
ne bougent pas
qu’y a-t-il d’autre que la bière ?

(Traduction © Gérard Guégan)

Charles Bukowski savait vraiment écrire. Et Charles Bukowski savait vraiment boire. Ces deux faits, sûrement les plus connus sur le « diplômé du caniveau », le poète et auteur de romans tels que Postier et Souvenirs d’un pas grand-chose (ainsi que de ce qu’on pourrait appeler la chronique de sa vie quotidienne, Journal d’un vieux dégueulasse), vont de pair. La boisson a fourni suffisamment de matière à sa prose et à ses vers – et, dans la vie, suffisamment de carburant pour l’existence qu’il a posée sur la page avec un art de l’évocation si brutal – que nous pouvons difficilement imaginer l’écriture de Bukowski sans sa boisson, ou sa boisson sans son écriture.

On s’attend donc naturellement à ce qu’il ait écrit une ode à la bière, l’une de ses boissons de prédilection. « La bière », qui figure dans le recueil de poésie de Bukowski de 1971, L’amour est un chien de l’enfer, rend hommage aux innombrables bouteilles que l’homme a bues « en attendant que les choses s’améliorent », « après des ruptures avec les femmes », « en attendant que le téléphone sonne », « en attendant le bruit des pas ».

La femme, écrit-il, sait qu’il ne faut pas consommer de la bière à l’excès à la manière des hommes, car « elle sait que c’est mauvais pour la silhouette ». Mais Bukowski, au mépris de sa silhouette, trouve dans cette boisson, la plus prolétaire de toutes, une sorte de réconfort.

La bière prend vie dans l’animation ci-dessus réalisée par NERDO. Quelques extraits des notes d’accompagnement :

« La composition est un manifeste du mode de vie de l’auteur, c’est pourquoi nous avons décidé de pénétrer dans l’esprit de l’auteur, et ce n’est pas un voyage sans danger […]

Un solo de cerveau sans filtre, un récit de folie ordinaire, montrant à quel point la solitude et la décadence peuvent se cacher à l’intérieur d’un esprit de génie.

Ce périple sauvage passe par ce que nous reconnaissons aujourd’hui comme de nombreux signifiants visuels de l’expérience bukowskienne : enseignes au néon, cigarettes, pâtés de maisons en décomposition, polaroïds clinquants – et, bien sûr, la bière, littéralement « des rivières et des mers de bière », que nul autre qu’Homer Simpson, autre amateur animé de la boisson, n’a un jour, tout aussi éloquemment, dépeinte comme « la cause et la solution à tous les problèmes de la vie »

Bière fait partie de notre collection de 1000 livres audio à télécharger gratuitement.

D’autres ressources (en anglais) à parcourir :

Quatre poèmes de Charles Bukowski animés

D’autres poèmes de Bukowski lus par lui-même,Tom Waits et Bono

Tom Waits lit deux poèmes de Charles Bukowski, « The Laughing Heart » et “Nirvana”.

Écoutez 130 minutes des toutes premières lectures enregistrées de Charles Bukowski (1968)

Charles Bukowski s’insurge contre les emplois de type « 9 à 5 » dans une lettre d’une brutale honnêteté (1986)

« Journal d’un vieux dégueulasse : Les caricatures perdues de Charles Bukowski dans les années 60 et 70.

L’auteur de l’article

Basé à Séoul, Colin Marshall écrit et diffuse des articles sur les villes, la langue et le style. Il travaille actuellement à la rédaction d’un livre sur Los Angeles, A Los Angeles Primer, à la série de vidéos The City in Cinema, au projet de journalisme financé par le crowdfunding Where Is the City of the Future ? et au Korea Blog de la Los Angeles Review of Books. On peut le suivre sur Twitter à @colinmarshall.

 


Si cet article vous a plu et que vous découvrez l’intérêt du site openculture.com, vous pouvez contribuer par une petite donation sur cette page https://www.openculture.com/help-fund-open-culture (via Paypal, Patreon et même cryptomonnaie…)





Gao & Blaze : le jeu mobile immersif qui utilise et respecte vos données personnelles

Nous avons été contacté·es récemment par l’équipe de la coopérative « La Boussole », pour nous parler d’un tout nouveau projet : le jeu Gao & Blaze.

Gao & Blaze, est un jeu libre et gratuit pour smartphone, qui permet de prendre conscience et agir sur la protection de vos données et le respect de votre vie privée. Au fur et à mesure du jeu, vous réalisez l’ampleur des données personnelles et sociales qui peuvent être divulguées avec l’installation d’une simple appli (mais sans collecte cachée de données, promis !).

Bel exemple d’éducation populaire aux enjeux du numérique, cet ovni dans le monde du jeu vidéo nous a grandement intéressé·es. Nous avons donc posé quelques questions à l’équipe de la coopérative « La Boussole ».

 

Bonjour l’équipe de la coopérative « La Boussole » ! À Framasoft, on vous connaît déjà un peu depuis quelques années, mais pourriez-vous vous présenter aux lecteur⋅ices du Framablog ?

Bonjour à Framasoft et merci pour cet espace ! Nous sommes plein de choses, mais avant tout 3 :

  • Une coopérative, c’est-à-dire que nous avons fait le choix de créer une structure qui appartient uniquement à celles et ceux qui y travaillent (pas d’actionnaires, pas de patron·nes).
  • D’éducation populaire, c’est-à-dire que nous voulons rendre certaines connaissances issues de la recherche académique (nous gardons un pied dans la recherche et l’université) accessibles au plus grand nombre sans que les bagages éducatifs soient un frein.
  • Et nous portons des valeurs d’émancipation, c’est-à-dire que nous avons pour ambition de donner du pouvoir d’agir aux individus et aux collectifs : nous croyons que le savoir est un pouvoir fort et voulons partager nos savoirs, autour de l’informatique libre, autour de la lutte contre les discriminations et sur les formes de travail alternatives.

Super ! Vous pouvez nous en dire un peu plus sur les types d’actions que vous réalisez ?

Principalement nous réalisons des projets de recherche autour de nos thématiques mais également des formations courtes pour donner des outils pratiques. Nous explorons aussi lors d’ateliers pédagogiques des nouvelles formes de transmettre des connaissances car nous nous préoccupons souvent de savoir comment nos savoirs académiques peuvent avoir un impact concret et positif sur les gens que nous rencontrons. Nous voyons aussi comment dans des domaines comme le numérique la concentration des savoirs et savoir-faire peut créer d’importantes inégalités de pouvoir.

Vous nous avez contactés récemment au sujet d’un projet un peu particulier : Gao & Blaze. Mais… c’est quoi ?!

Nous sommes parti·e·s d’une frustration : nous avions passé du temps et mis de l’énergie à essayer de convaincre du bien-fondé de la protection des données interpersonnelles, de sensibiliser aux questions liées à la sécurité informatique, mais le constat était que beaucoup de gens étaient d’accord avec nous sans pour autant changer leurs pratiques dans les faits.

Dit de manière brutale : nous voulions savoir comment faire pour que des gens aient envie d’aller à des chiffrofêtes car il nous semblait que seuls des gens déjà sensibilisés y participaient, et nous avions l’ambition d’aller chercher plus loin.

Bien évidemment, le panorama a évolué au cours des dernières années de différentes manières notamment avec des scandales de plus en plus audibles et relayés, mais également des initiatives enthousiasmantes qui ont marqué un avant et un après dans les usages courants (nous pensons notamment à votre campagne Dégooglisons internet). Pourtant, il nous semblait y avoir un chaînon manquant autour du « passage à l’action ». Nous avons donc voulu proposer un jeu qui utilise l’émotion avant d’utiliser la raison – autrement dit qui passe par l’expérience personnelle avant la connaissance concrète. C’est là que nous avons eu l’idée d’imaginer un jeu pour donner à voir les conséquences concrètes de l’exploitation et l’usage des données de Madame et Monsieur Tout-le-monde.

Cette frustration nous trottait à l’esprit quand nous avions vu un appel à projet de recherche sur la protection des données. Nous avions proposé un projet qui n’entrait pas dans les cases, mais nous avons réussi à monter un partenariat qui nous a permis de créer un ovni. À notre connaissance c’est le premier jeu autour de la sensibilisation à la protection des données interpersonnelles sur Android.

C’est un ovni car nous avions 4 conditions non négociables :

  • Exploiter le système des permissions Android pour proposer une expérience immersive
  • Utiliser les données des joueuses et des joueurs, tout en respectant ces données.
  • Faire un jeu 100% en logiciel libre sans utiliser des interfaces intermédiaires obscures (le jeu est en React Native)
  • Faire un vrai jeu : c’est-à-dire que nous voulions que les gens y jouent pour l’intérêt ludique et que ce ne soit pas le « volet sensibilisation » qui prenne le dessus.

C’est qui Gao et Blaze ? Des personnages ?

Exactement ! Gao est un chat, appartenant à Blaze. Il s’inspire de son chat et l’a converti en l’icône des Gao Games. Les Gao games sont un univers de mini-jeux gratuits sur smartphone autour duquel toute communauté s’est construite. Blaze, est le dev principal de ces jeux. Toute ressemblance avec certains petits jeux mignons, « gratuits » et très célèbres est purement accidentelle… 0:o)

C’est aussi et avant tout le chat de Blaze, le développeur des jeux, qui l’a rendu célèbre.

D’autres personnages et non des moindres, font partie de la communauté, Alex, Nikki, Masako, Amin, Ally…. nous vous laissons les découvrir en allant leur parler !

La question des données personnelles, vous pensez que ça intéresse réellement les jeunes ? Est-ce que la vie privée ce n’est pas « Un problème de vieux cons ? »

Question intéressante, nous pouvons rétorquer par facilité qu’en 2010 c’était une question de « vieux cons », mais c’était il y a déjà 12 ans ! Plus sérieusement, nous constatons que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le début des années 2010 en termes de révélations (E. Snowden, Wikileaks, Cambridge Analytica, Pegasus…), en termes d’ampleur des scandales, de leur couverture médiatique, mais aussi du côté de la marche triomphante des multinationales des données dans la prédation et l’exploitation des données des individus.
Il y a également de nouveaux freins légaux (comme le RGPD, par exemple), et une jeune génération qui a ses propres stratégies d’appropriation et d’usage des technologies numériques…

Nous croyons que l’intérêt pour la vie privée est là, simplement qu’il se configure de nouvelles façons. Avec Gao&Blaze nous tentons d’apporter une réponse à la demande et aux questionnements d’un public peu expert et réfractaire aux approches classiques de sensibilisation.

Parlons maintenant des licences du jeu : sous quelle(s) licence(s) est publié le jeu, et surtout… Pourquoi ?

La question des licences a mérité un peu de réflexion, car un jeu vidéo présente la particularité de mêler plein de composantes différentes : code, œuvres graphiques, dialogues, musiques… Certaines licences (comme la GPL par exemple) sont conçues pour du code informatique, et conviendraient pas vraiment pour une illustration, par exemple.

Pour essayer de couvrir tous ces usages, Gao&Blaze est donc diffusé sous licence GNU AGPL 3.0 pour le code et sous licence Creative Commons BY-SA 4.0 pour les autres créations. Il embarque aussi des polices d’écriture et musiques sous licences tierces compatibles.

Vous n’avez pas peur de vous faire « voler » les innombrables heures de travail que vous avez passées en développement ?

C’est une vraie question !

En premier lieu, nous concevons notre création comme une contribution aux biens communs, et en soi, ça ne se « possède » pas – ça ne peut donc pas se voler.

En revanche, il existe deux risques auxquels nous avons pensé :

  • La prédation des biens communs pour en faire des biens privés. Pour un logiciel, ça pourrait être le fait de modifier légèrement le code, puis d’en faire un logiciel privateur. Mais ce sont aussi des choses qui arrivent dans d’autres domaines : privatiser des biens qui bénéficient à tous les êtres vivants (l’eau, l’air, les forêts…) au profit de quelques uns, etc.
  • L’usurpation, qui consisterait à respecter « à la marge » la licence, mais à s’approprier le travail de création qui a été fait (en faisant croire plus ou moins explicitement qu’une autre personne serait l’autrice du jeu). Un exemple de ça serait de reprendre le jeu tel quel, et remplacer tous les logos et mentions visibles des autrices et auteurs par ceux de quelqu’un d’autre, et se contenter de nous citer de façon obscure, avec une petite phrase en caractère 6 au fin fond d’un menu.

Une idée reçue est que les licences libres ne protègent pas bien les œuvres et/ou les autrices/auteurs mais c’est faux. Les licences que nous avons choisies protègent normalement de ces deux risques car :

  • Elles sont contaminantes, c’est-à-dire qu’elles obligent à repartager les modifications et travaux dérivés sous des licences similaires. On ne peut donc pas se les approprier en faisant de la prédation, on ne peut que permettre de nouvelles contributions aux biens communs.
  • Elles peuvent protéger efficacement de l’usurpation. C’est un dispositif juridique méconnu, mais il faut savoir que des licences comme la GNU AGPL permettent l’ajout de « termes additionnels » (qui doivent rester en conformité avec la licence). Nous avons utilisé ces termes additionnels pour nous prémunir de toute tentative de maquillage / « re-branding » du jeu.

Le seul risque qui existe serait que des gens créent une version dérivée avec laquelle nous serions en désaccord éthiquement, mais bon, c’est la vie. Dans le fond, créer des œuvres libres implique aussi de changer de point de vue : même si nous avons une parenté sur l’œuvre, ce n’est pas « notre » bébé, c’est le bébé de tout le monde. Mais ça tombe bien, ça fait potentiellement plus de bonnes volontés pour s’en occuper. 🙂

Quel rôle joue la MAIF dans votre projet ? Partenariat financier ou davantage ?

La MAIF est un assureur militant de poids et nous avons collaboré avec deux structures satellites de ce géant de l’assurance : la Fondation MAIF pour la recherche, et l’association Prévention MAIF dédiée aux actions de prévention. Ces deux structures non-lucratives ont co-financé avec nous la partie production et la partie recherche, et nous avons eu le plaisir d’avoir des échanges enrichissants pour consolider le projet et qu’il voie le jour.

Impossible de dire que l’engagement n’était que financier : les structures de la MAIF étaient intimement convaincues de la pertinence de la démarche et de l’urgence sociétale du sujet. Ils tenaient à ce que ce projet se fasse sous forme de logiciel libre mais qu’il ne puisse pas être approprié par d’autres.

Merci pour cet impressionnant travail ! 🙂 Quelles sont les prochaines étapes et vos attentes vis-à-vis de Gao & Blaze ?

C’est le cas de le dire ! C’était assez fou de créer un studio de jeu vidéo éphémère, de vouloir avancer masqué·e·s avec un jeu visuellement très mainstream, et pourtant codé « en dur », alors même que la production logicielle n’est pas notre cœur de métier.
La suite est la partie recherche de ce projet ! Nous avons besoin qu’il soit joué jusqu’au bout, nous avons envie de comprendre et constater comment oui ou non notre pari de sensibiliser à la protection des données via le jeu était pertinent ou pas.

Le jeu demande au fur et à mesure différentes autorisations.

Et pour vos autres projets (on se doute que vous en avez !) : quels sont-ils ? Quels sont vos espoirs ? Comment peut-on vous aider ?

Nous continuons dans nos projets de recherche (autour des formes de sensibilisation) et de formations auprès d’autres publics. Aujourd’hui nous réfléchissons à la sensibilisation aux questions de la vie privée pour des personnes peu ou pas lettrées qui pourtant sont contraintes à l’utilisation de téléphones portables.
Nous avons aussi d’autres chantiers académiques car il est important pour nous de nous maintenir à la page, de lire et de produire des recherches au long cours. Une participation à projet de documentaire sur les low-tech (basses-technologies) est dans les cartons et nous vous en parlerons plus tard quand il sera plus avancé !

Une question traditionnelle pour conclure : quelle est la question que l’on ne vous a pas posée, à laquelle vous auriez aimé répondre ? Et quelle serait-votre réponse, tant qu’à faire ! 🙂

Nous aurions voulu que vous nous demandiez si nous avons choisi exprès le 30 novembre pour lancer le jeu car c’est la journée mondiale de la sécurité informatique. Nous vous dirions que oui, nous avions tout savamment calculé 😉
Ou peut-être une autre question sur les autres personnages, surtout Nikki, hackeuse badass mais pas très genrée, ou sur Alex, une femme noire qui commence « Madame Tout-le-monde » et finit héroïne. Nous voulions fuir certaines caricatures et avions envie de personnages vraisemblables mais peu courants dans le monde du jeu vidéo.

Merci infiniment !

 

Liens utiles

 




De la pub ? Où ça ?

Nous, les geeks, nous bloquons les pubs et nous n’y pensons plus.

Le choc est d’autant plus grand quand nous devons utiliser l’ordinateur de quelqu’un d’autre.

« Mais comment faites-vous pour supporter une telle nuisance ? » avons-nous envie de hurler.
Eh bien, c’est simple : quand on ne sait pas s’en protéger, on vit avec le vacarme.
Et la majorité des gens que nous côtoyons doivent subir cet incessant bruit de fond publicitaire.

Cet article a pour ambition de recenser les méthodes pour s’éviter l’agression publicitaire sur Internet.
Partagez-le, commentez-le, augmentez-le ! C’est libre.

 

Sur mobile

Un bon conseil au passage : arrêtez d’appeler «téléphone» le parallélépipède que vous promenez partout et qui est plus puissant qu’un PC d’il y a cinq ans. Vous vous rendrez compte que la plupart du temps il vous sert à plein d’autres choses qu’à téléphoner. C’est un ordinateur à part entière, qui sait à tout moment où vous êtes et ce que vous faites. C’est un bon copain très serviable mais c’est aussi un super espion.

L’appeler «ordiphone» ou «smartphone» si vous aimez les anglicismes, c’est déjà prendre conscience de ses capacités.

Sur Android

Fuyez les applications

Utilisez le navigateur et pas les applications (Fennec sur F-droid ou Firefox sur le Play Store/Apple Store).

Pourquoi ?

Le navigateur peut filtrer correctement les cookies, recevoir des réglages de confidentialité plus fins, embarquer des extensions protectrices.

Les applications, elles, sont là pour capter un maximum de données et vous garder en ligne autant que possible. Même si elles ont des réglages de confidentialité, vous ne serez jamais en mesure de vérifier que ces réglages fonctionnent, puisque le code des applications est fermé.

Le navigateur Firefox (ou Fennec, donc) est un logiciel libre dont le code peut être validé par des experts.

Privilégiez les versions web mobiles lorsque c’est possible, et épinglez le site : ça ressemble à une appli mais ça prend moins de place !

Extensions et réglages

  • Installer uBlock Origin dans votre navigateur, c’est le service minimum pour être un peu tranquille.
  • Choisir «standard» voire « stricte » comme «Protection renforcée» dans les paramètres du navigateur.

Si vous voulez des applis quand même (après tout, c’est ça aussi, la liberté)

Renseignez-vous sur leur propension à vous espionner grâce aux travaux de l’excellente association française Exodus Privacy dont on ne dira jamais assez de bien.

 

Installez un autre magasin d’application pour y trouver des apps moins invasives.

Allez chercher l’apk de F-droid, le «magasin d’applications» soutenu par la Free Software Foundation (https://f-droid.org/fr/) et dites à votre Android qu’il peut lui faire confiance.

Attention, toutefois : certaines applis ne sont pas mûres, n’installez pas n’importe quoi.

 

Youtube sans pub

  • NewPipe sur F-droid

 Twitter sans Twitter

  • Fritter

Twitch sans Twitch

  • Twire

Reddit sans…

  • RedReader

 

Et pensez aux réseaux sociaux alternatifs comme Mastodon.

S’éviter les appels de télémarketing

L’application Yet Another Call Blocker consulte une liste noire collaborative à chaque appel avant de le laisser passer. C’est un casse-pied qui veut vous parler de votre CPF ? Votre téléphone ne sonne même pas, l’indésirable est détecté et viré sans vous déranger. S’il ne l’est pas vous le signalez et tout le monde est désormais protégé.

Copie d'écran de la page de présentation de l'application <em>Yen Another Call Blocker</em>

 

Filtrer le trafic Internet

Utilisez des DNS publics qui incluent un filtrage, ou des solutions locales.

C’est quoi un DNS ?

Les «serveurs de noms de domaine» transforment un domaine (une adresse à peu près intelligible pour nous comme framasoft.org) en adresse utilisable par une machine sur Internet («2a01:4f8:141:3421::212»). Partie mise à jour grâce au commentaire de Stéphane Bortzmeyer.

 

Pourquoi ça marche ?

Si vous donnez une fausse adresse à la machine, la pub n’arrive plus ! Un peu comme si vous mettiez une fausse boite aux lettres reliée directement à votre poubelle à la disposition des personnes qui distribuent des prospectus dans votre quartier.

Vous libérez même de la bande passante sur votre réseau et du temps de calcul à l’affichage des sites puisque votre appareil ne télécharge même pas les contenus publicitaires, qui pèsent généralement lourd dans une page web (images, vidéo).

  • dns.adguard.com
  • adblock.doh.mullvad.net
  • Blocklists locales via intégration VPN
  • Blokada (à la portée de tout le monde !)
  • TrackerControl (sur F-droid, assez didactique)
  • personalDNSFilter

Copie d’écran du réglage «DNS privé» sur Android. Un nom d »hôte personnalisé est saisi (ici dns.adguard.com).

 

Gérer les permissions aux applications

Les Android récents permettent par exemple d’autoriser une permission ponctuellement.

 

Si vous avez encore un compte Google

Réglez-le pour limiter la surveillance. Le mieux, c’est encore de ne pas en avoir.

On a l’impression que c’est obligatoire quand on configure un nouvel ordiphone (tout est fait pour vous donner cette impression, c’est ce qu’on appelle une interface déloyale, en anglais dark pattern), mais on peut passer cette étape ! Il suffit de cliquer sur «ignorer».

Configurer le compte Google pour désactiver le ciblage publicitaire : https://web.archive.org/web/20210224202916/https://sautenuage.com/de-vie-privee-sur-android-sans-rien-installer/

Dégoogliser son ordiphone

Vous pouvez parfaitement utiliser un Android sans la surcouche propriétaire de Google ou du fabricant, en installant par exemple Lineage OS ou /e/ OS de Murena.

Attention, «flasher» son engin est une opération délicate, vous risquez de le «briquer», c’est-à-dire de le transformer en presse-papier un peu cher.

Ne le faites pas si vous n’êtes pas à l’aise.

 

Cerise sur le gâteau : débarrassé de la surcouche Google, votre ordiphone sera plus véloce, moins poussif, et tiendra mieux la batterie ! Une bonne façon de faire durer le matériel (le mien va fêter ses huit ans !).

 

Autre solution pour un matériel qui dure : l’acheter en reconditionné sur https://murena.com/fr/

Il aura été configuré par des pros. Murena s’engage sur la protection de votre vie privée.

 

Sur iOS

Apple se targue de protéger vos données. Mais il y a au moins une entreprise qui y accède : Apple !

Et puis la firme a beau… frimer (on ne s’interdit pas les jeux de mots faciles, chez Framasoft), elle est quand même soumises aux lois liberticides américaines.

 

Gérer qui a accès aux permissions spécifiques

  • Consulter la section « Confidentialité de l’app » des fiches AppStore

 

Sur un ordinateur

Utiliser un navigateur bienveillant, la base : Firefox et rien d’autre

Avec Firefox, dans les Préférences, aller à l’onglet « vie privée et sécurité » : plusieurs trucs sont à régler pour se garantir un peu de tranquillité.

accès en trois clics aux paramètres de Firefox (capture d'écran) Édition > Paramètres > Vie privée et sécurité

Firefox : paramètres contre le pistage
Firefox prévoit trois réglages de protection de la vie privée : standard, stricte, ou personnalisée. La protection standard est suffisante pour la plupart des usages, mais vous pouvez pousser la vôtre en mode « strict ». Ne vous ennuyez pas avec le réglage personnalisé si vous n’y comprenez rien.

 

Vous pouvez paramétrer Firefox pour qu’il envoie un signal « ne pas me pister » (Do Not Track en anglais, vous le verrez abrégé en DNT parfois) et pour supprimer les cookies à intervalle régulier, sachant que vous pouvez instaurer des exceptions sur les sites auxquels vous faites confiance.

 

Firefox vous demande votre accord pour collecter des données anonymisées sur votre usage du logiciel. Vous pouvez refuser. En revanche sur la partie Sécurité, cochez tout.

 

 

copie d'écran des paramètres de chiffrement de Firefox
Le protocole HTTPS permet de chiffrer les relations entre le navigateur et le serveur, ce qui signifie qu’une personne qui intercepte le flux ne peut pas le lire (c’est le fameux petit cadenas dont vous entendez souvent parler). Mais ce n’est pas parce que la liaison est chiffrée que le site est un site de confiance. En gros ça garantit que l’enveloppe est fermée, pas que l’enveloppe ne contient pas des saloperies.

 

Les extensions que vous pouvez installer :

  • uBlock Origin
  • Privacy Badger
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Ne le faites pas sans comprendre ! Lisez la documentation.

 

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DNS de filtrage, fichier hosts customisé

Comment ça marche ?

Les publicités ne sont généralement pas hébergées sur le serveur du site que vous consultez. Elles sont sur un autre site et téléchargées à la volée. En filtrant via le DNS, on dit à l’ordi d’aller chercher les pubs dans un «trou noir informatique». Le fichier «hosts» de votre système peut lister des adresses de sites et les rediriger vers un espace inexistant de votre ordinateur. En gros on truque l’annuaire ; votre navigateur ne trouve pas les publicités, il ne les affiche pas. Simple et efficace. Ce qui est drôle, c’est que le concepteur du site ne sait pas que vous naviguez sans voir ses pubs. 🙂

 

pi-hole

À installer sur  un nano-ordinateur RaspberryPi dont l’un des spécialistes est français, cocorico, ou un ordinateur recyclé,  pi-hole bloque la publicité et les pisteurs sur tout le réseau. Tout ce qui se connecte à votre box est débarrassé de la publicité et des mouchards !

 

Attention toutefois, en faisant ça vous contrevenez pour votre PC à un des principes d’Internet : la neutralité des tuyaux. Vous ne verrez plus rien en provenance du site tiers dont le trafic est bloqué. En général, ce sont des régies publicitaires, donc on peut choisir de s’en moquer, mais il faut le savoir.

Au pire vous verrez un espace blanc marqué « publicité », au mieux la page se réorganisera et seul le contenu issu du site d’origine apparaîtra.

Mode Expert : changez de système d’exploitation

Une méthode radicale (mais qui n’exclut pas la plupart des autres mentionnées ci-dessus) : passez à un système libre, qui ne trichera pas avec vous pour vous imposer des pubs sous prétexte de vous tenir au courant de l’actualité (oui, Windows, on te voit !).

Les différentes distributions GNU/Linux qui existent sont désormais faciles à installer et à utiliser.

La plupart des geeks installent désormais une Ubuntu ou une Linux Mint sur les ordinateurs familiaux au lieu de réparer le Windows qui plante sans cesse et qui s’encrasse avec le temps. Le changement n’est pas si difficile pour les «clients», qui souvent n’utilisent leur ordinateur que pour aller sur Internet gérer leur courrier et leurs réseaux sociaux (et croyez-nous c’est l’expérience qui parle !). Vérifiez quand même que Papy ou Tantine n’a pas une appli fétiche qui ne tourne que sous Windows et installez un double-démarrage par sécurité.

Au pire si quelqu’un fait une bêtise ça se dépanne à distance dans la majorité des cas (avec par exemple le logiciel AnyDesk qui n’est pas libre mais dont le fonctionnement est compréhensible par le moins dégourdi des cousins).

Mise à jour : on nous signale dans les commentaires une alternative libre et légère à AnyDesk : DWAgent via https://dwservice.net

Si vous ne comprenez pas certains mots du paragraphe ci-dessus, ne vous lancez pas, ou faites-vous aider par une personne compétente.

Difficile de vous conseiller une «distro» plutôt qu’une autre sans déclencher une guerre de chapelles dans les commentaires (on recherche ici la simplicité et l’accessibilité), mais pour détailler les deux citées plus haut :

  • Ubuntu est de plus en plus gangrenée par des choix discutables, mais elle dispose d’une solide base documentaire en français, est stable et conçue pour plaire au plus grand nombre. Debian, sur laquelle Ubuntu est basée, est plus stricte dans ses choix, pas forcément adaptée aux personnes qui débutent.
  • Linux Mint est jolie et fonctionne bien.

Si vous le faites pour «libérer» une relation, installez-lui une distribution que vous connaissez bien, pour pouvoir la guider en cas de besoin.

 

Oui mais la pub

Vous tomberez parfois sur des encarts qui vous culpabiliseront : «notre site ne vit que de la publicité, c’est le prix à payer si vous voulez avoir du contenu de qualité, nos enfants ont faim à cause de vous, vous mettez en danger nos emplois», etc.

Alors, deux-trois trucs à ce sujet :

  • La dérive (c’en est une) devient proprement insupportable, par exemple dans Youtube. Créateurs, créatrices de contenus, si la pub vous fait vivre, travaillez avec des gens sérieux qui proposent des contenus en lien avec votre site et qui n’espionnent pas les internautes. Bref, c’est pas nous qu’on a commencé, nous ne faisons que nous défendre.
  • D’autres modèles économiques existent, mais les pratiques des sites depuis des années ont instauré un fonctionnement «apparemment gratuit» des contenus avec des pubs insidieuses et imposées. Un média qui vit de la publicité peut-il sortir un scoop à charge contre son principal annonceur ? Figurez-vous qu’avant Internet les gens achetaient le journal (incroyable), voire avaient des abonnements. Maintenant qu’on se rebiffe ça couine. Fallait peut-être y penser avant ?
  • Du contenu de qualité, vraiment ? Vous voulez qu’on en parle, mesdames et messieurs les pros du putaclic ? Ce qu’on voit de plus en plus, ce sont des internautes qui doivent choisir entre accepter les cookies ou renoncer à un site, et qui finalement se disent que le contenu ne leur est pas si indispensable que ça.

 

Copie d'écran d'un article annonçant le décès de la chienne de Paul Pogba. Le fait qu'il s'agit de son Yorkshire n'est révélé qu'en toute fin du texte qui joue sur l'ambiguïté en parlant de "princesse".
Source : https://news.ohmymag.com Avouez que ça vous a démangé de cliquer !

 

 

Pour aller plus loin

  • SebSauvage est un gars bien

Seb est un passionné qui compile depuis des années des astuces sur son site. Abonnez-vous ! (y’a pas de pub)

https://sebsauvage.net/wiki/doku.php?id=dns-blocklist

https://sebsauvage.net/wiki/doku.php?id=dnsfilter

  • Le site Bloque la Pub porte bien son nom.

https://bloquelapub.net/

  • Articles précédents sur la publicité dans le Framablog

Ne plus supporter la pub sur le Web

Non, je ne veux pas télécharger votre &@µ$# d’application !

Résistons à la pub sur Internet #bloquelapubnet




« Ce que vous pensez de Framasoft » : on a besoin de vous !

Du 23 mai au 26 juin, nous lançons une grande enquête pour mieux comprendre qui vous êtes et ce que vous attendez de nous.

Répondre à cette enquête (et la partager sur vos réseaux) nous aidera beaucoup à saisir ce que vous appréciez de notre travail, ce que vous en percevez, les directions que nous pouvons lui faire prendre. Votre participation à cette enquête sera une contribution précieuse.

Participez en répondant à ce Framaforms (5-10mn) et en le partageant !

En vous remerciant chaleureusement de cette contribution très importante à nos yeux,

L’équipe de Framasoft

 




Alliance du Bâtiment : un format de fichier ouvert pour la construction

L’interopérabilité logicielle, c’est à dire la capacité de deux logiciels à parler « la même langue », a souvent été évoquée dans le Framablog.

La plupart du temps, il s’agissait pour nous de traiter de bureautique (« Pourquoi mon fichier LibreOffice est-il mal ouvert par cette saleté de Word ?! ») ou de web (« Pourquoi ce site est-il moins bien affiché avec Firefox qu’avec Chrome ? »).

Comme la langue française a besoin de règles de grammaire et d’orthographe, de dictionnaires, etc, les formats de fichiers ont besoin de spécifications, de normes, et d’être correctement implémentés.

Or, quand un format n’a pas de spécification publique et librement implémentable, cela nous rend dépendant⋅e de l’éditeur du logiciel. Un peu comme si un petit groupe de personnes pouvait décréter que vous ne pouviez pas utiliser le mot « capitalisme » parce que ça ne l’arrangeait pas, ou imposait l’interdiction du mot « autrice » (parce que « auteure » n’aurait été acceptée qu’après 2006). Ce serait assez fou, non ? Oh, wait…

Et bien certains formats de fichiers sont clairement verrouillés. Par exemple les fichiers .DWG du logiciel de dessin Autocad sont dans un format fermé. Alors évidemment, d’autres éditeurs ont essayé de « deviner » comment fonctionnait le format .DWG afin de pouvoir ouvrir et enregistrer des fichiers compatibles AutoCAD avec leur logiciel. C’est ce qu’on appelle de la rétro-ingénierie, mais c’est souvent du bricolage, et l’éditeur original peut régulièrement changer la spécification de son fichier pour embêter ses concurrents, voir aller jusqu’à leur intenter des procès.

Or, s’il existe un domaine où les formats de fichiers devraient bien être ouverts, c’est celui de la construction. Nous interagissons toutes et tous avec des bâtiments au quotidien. Qu’il s’agisse de notre logement, de notre lieu de travail, d’un bâtiment public, etc, nous passons d’un bâtiment à l’autre en permanence.

Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’existe pas de format de fichiers de description des données utiles à la construction qui soit à la fois public ET largement utilisé. Le logiciel AutoCAD (et son format .DWG) et le logiciel REVIT (pour le processus BIM et ses formats .rfa, .rvt) de la société Autodesk, dominent largement le marché. Et les conséquences sont loin d’être négligeables. Cela « force la main » des différents corps de métiers (architectes, ingénieurs, constructeurs, artisans, etc) à utiliser ces logiciels et entretient le quasi-monopole d’Autodesk sur le marché. Utiliser d’autres logiciels reste possible, mais imaginez les conséquences si ce logiciel fait une « erreur » en ouvrant le fichier « immeuble-de-12-étages.dwg » à cause d’une erreur dans l’interprétation de la spécification….

Par ailleurs, en dehors des descriptions des murs, des calculs de poids de structures, il faut aussi intégrer des éléments comme les chauffages, les canalisations, les circuits électriques, les fenêtres, etc. Les données générées par un bâtiment (ou autre bâti, tel un pont ou une route) sont donc extrêmement nombreuses. La page wikipédia « Liste des logiciels CAO pour l’architecture, l’ingénierie et la construction » est d’ailleurs plus que conséquente, et sa section logiciels libres est plutôt réduite…

Il existe bien des formats standardisés pour gérer la modélisation du bâti immobilier, appelée « BIM ». Ainsi, l’IFC est un format de fichier standardisé (norme ISO 16739) orienté objet utilisé par l’industrie du bâtiment pour échanger et partager des informations entre logiciels. Mais il est assez peu utilisé et souvent décrit en format natif, ce qui rend l’interopérabilité entre logiciels complexe à réaliser malgré l’existence de l’IFC.

Il apparaît donc essentiel de disposer de formats qui soient ouverts (pour permettre l’interopérabilité), et normalisés (validés et éprouvés par les professionnels du métier) pour nos constructions.

Nous avons rencontré les membres de l’association Alliance Bâtiment qui met à la disposition des maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises, artisans et fabricants PME, TPE, un format ouvert et partagé. Cela permet de normaliser la donnée d’entrée dans les logiciels métiers et rendre les maquettes IFC interopérables. L’accès au processus BIM et l’usage des logiciels BIM est ainsi fortement simplifié !

Bonjour ! Pouvez-vous vous présenter ?

Jean-Paul BRET, Président de l’association : Ma longue carrière professionnelle dans la promotion immobilière à l’OPAC 38, le plus gros bailleur social de l’Isère, et comme Président de la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais (38) durant 12 ans m’incite à penser que le secteur de la construction doit impérativement accélérer sa transition numérique.

Image de Jean-Paul BRET
Jean-Paul BRET

J’ai pu constater en engageant de nombreuses opérations de construction que les nombreux acteurs autour d’un projet avaient souvent du mal à se coordonner voire se comprendre. C’est une banalité de parler de retard de travaux, de dépassements budgétaires, de malfaçons pouvant conduire à des conflits et de documents descriptifs des ouvrages difficilement exploitables pour la maintenance des ouvrages.

Thierry LEHNEBACH, Administrateur Délégué : Très tôt, j’ai été motivé par la protection de l’environnement, ce qui m’a conduit à m’engager pour l’écologie. Cela m’a amené à avoir un parcours d’élu, conseiller régional, puis maire et vice président de l’intercommunalité. Dans le même temps, mon activité professionnelle s’est organisée autour de la communication orientée vers le numérique et l’informatique en opensource, puis une dernière activité dans une entreprise artisanale.

Image de Thierry LEHNEBACH
Thierry LEHNEBACH

Je mets en œuvre ces acquis au service de l’association en tant que cheville ouvrière : communication, animation, gestion.
La transformation numérique de la société ouvre de nouvelles frontières qui donne un avantage disproportionné aux plus puissants qui s’approprient le réel grâce au contrôle de la donnée. Le problème est que la culture de la donnée n’est pas encore développée et qu’il y a une grande naïveté chez tous les décideurs, utilisateurs et simples citoyens.

Didier BALAGUER : Après une première création d’entreprise d’ingénierie spécialisée en acoustique en 1994, j’ai créé datBIM, éditeur de solutions numériques collaboratives pour la construction, en 2000. J’ai identifié dès l’origine qu’une clé de la coopération est l’échange fluide et fiable de données entre les acteurs indépendamment des outils logiciels utilisés, ce qui a amené datBIM à créer le format opendthX.

Image de Didier BALAGUER
Didier BALAGUER

Faire en sorte que tout type de données soit exploitable dans tout type d’applications à l’image du secteur des télécommunications où 2 correspondants peuvent communiquer indépendamment de la marque de leur téléphone ou des opérateurs de services auxquels ils souscrivent respectivement leur abonnement. La valeur induite par l’interopérabilité des données avec les applications à l’échelle d’un secteur tel la construction Française est estimée à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.

Qu’est-ce qui vous a incité à vous investir en tant que bénévoles dans cette nouvelle association ALLIANCE DU BATIMENT pour le BIM ?

Didier BALAGUER : Ouvrir le format était une évidence, le concéder à ALLIANCE DU BATIMENT, association loi 1901 gouvernée par les acteurs volontaires de la filière, un moyen d’apporter la confiance pour permettre aux acteurs de maîtriser leur devenir numérique pour répondre collectivement aux enjeux de notre société : transition écologique, liberté d’expression et d’entreprendre tout en renforçant la compétitivité de notre économie.

Logo Alliance du bâtiment

Jean- Paul BRET : Lorsque Didier BALAGUER m’a proposé de créer l’ALLIANCE DU BATIMENT pour le BIM, avec pour objectif de faciliter la transition numérique de la filière avec les outils mis à disposition en opensource, j’ai tout de suite accepté. Cela a conduit au transfert à l’association de la gestion et la gouvernance du format opendthX initialement développé par la société datBIM pour en faire un bien commun, libre d’usage.

L’absence de langage commun et d’interopérabilité entre les données et les outils pénalise souvent la qualité des projets et l’efficacité de toute la filière constructive. Le BIM qui est la numérisation du processus de construction peut améliorer cette situation. C’est un moyen de le faire depuis la phase de conception d’un projet jusqu’à celle de la déconstruction en passant par la construction et l’exploitation.

Mais il ne doit pas être réservé aux grands acteurs de la filière et conduire à une plateformatisation et une appropriation de la valeur par quelques acteurs dominants ou des plateformes de type GAFAM. Or c’est ce qu’il se passe avec les formats propriétaires des logiciels de CAO adaptés pour le BIM.
Il doit être facilement accessible aux PME, TPE et artisans qui représentent environ 95% des entreprises de la filière constructive.

Pour cela nous allons mettre à leur disposition de nouvelles solutions d’interopérabilité qui faciliteront leur manière d’accéder à la donnée sur les objets. Elles leur permettront de contribuer à la production de la maquette numérique. L’enjeu est important puisqu’en cas de succès l’ALLIANCE DU BATIMENT pourrait avoir valeur d’exemple. Cela pourrait à ce titre, être décliné bien au-delà nos frontières.

Nous sommes d’autant plus motivés que ce projet, qui vise à faciliter la coopération au sein de la filière BTP, est totalement en phase avec les objectifs du plan gouvernemental BIM 2022 qui reposent sur le principe directeur du BIM POUR TOUS. Enfin, pour moi le BIM n’est pas seulement une démarche qui permet d’optimiser l’échange d’information et la collaboration entre acteurs d’un projet constructif. C’est aussi un outil au service de la transition écologique puisqu’il permet une véritable traçabilité environnementale.

Dans les deux cas, les enjeux sont cruciaux tant sur le plan de la compétitivité économique que des aspects sociétaux.

Thierry LEHNEBACH : ALLIANCE DU BATIMENT ouvre un front dans le secteur de la construction qui concerne, en terme d’échange de données relatives à l’objet constructif, 25 % du PIB quand on prend en compte l’ensemble des acteurs (BTP, banques, assurances, etc..) en considérant que la donnée numérique doit être un commun dans cette filière.

Pouvez-vous nous expliquer un peu plus ce qu’est le BIM ?

Image d'une maquette numérique
Maquette numérique

Thierry LEHNEBACH : Le BIM ou Building Information Modeling est la modélisation des informations de la construction. C’est l’utilisation d’une représentation numérique partagée d’un actif bâti. Le BIM facilite les processus de conception, de construction et d’exploitation. Ces actifs bâtis sont des bâtiments, ponts, routes, tunnels, voies de chemin de fer, usines,…
Le processus produit un livrable numérique, le building information model, en français la maquette numérique. C’est le support et en même temps le document numérique du processus qui doit permettre à tous les acteurs de collaborer.

Pouvez-vous nous parler du projet de l’association ?

Thierry LEHNEBACH : ALLIANCE DU BATIMENT pour le BIM met à disposition librement le format opendthX dont elle a acquis les droits exclusifs d’exploitation. Ce format a été développé par la société datBIM pour structurer des bibliothèques d’objets pour le BIM et les diffuser en permettant l’interopérabilité entre tous les logiciels.

La maquette numérique englobe la géométrie de la construction, les relations spatiales, les informations géographiques. Elle englobe également les quantités, ainsi que les propriétés des éléments et sous-éléments de construction. Le format IFC (NF EN ISO 16739) permet de classer ces informations de manière logique selon une arborescence spatiale. Cette arborescence est définie par projet, site, bâtiment, étage, espace, composant.

La maquette numérique standardisée au format international IFC rassemble une bonne partie des informations. Elle rassemble les formes et matériaux, les calculs énergétiques pour le chauffage, la climatisation, la ventilation. Cela comprend également les données sur l’aéraulique, l’hydraulique, l’électricité, radio et télécommunications, levage, emplacement des équipements, alarmes et sécurité, maintenance, etc.

Mais le format IFC n’est pas suffisant pour permettre la réalisation d’un processus BIM abouti. Il y a deux problèmes majeurs :

  • Le premier est que les objets au sein de la maquette IFC sont généralement structurés par des formats propriétaires et donc non interopérables. Les différents logiciels métiers utilisés sur un même projet utilisent des formats de données natifs. Ces formats concernent les objets avec des données décrites de différentes manières. L’écosystème BIM est un système multi-entrées dans lequel on introduit des données qui sont doublonnées et redondantes. Celles-ci constituent alors obligatoirement une donnée d’entrée de mauvaise qualité. Par conséquent elle amène à produire collectivement un résultat de piètre qualité. Ce phénomène pénalise des échanges fluides avec les logiciels des autres corps de métiers.
  • Le second problème est que les formats propriétaires permettent aux acteurs les plus puissants de s’approprier le contrôle des données, ce qui créé des barrières et ouvre la voie à des situations de monopole de type GAFAM.

La mise en œuvre du BIM doit être simple pour un déploiement généralisé. L’association met à disposition des acteurs le format opendthX et participe aux développements d’outils pour permettre l’accès au BIM à tous les acteurs.

Comment fonctionnent ces outils ?

Didier Balaguer : Le processus collaboratif proposé par ALLIANCE DU BATIMENT s’appelle le BIM CIQO (Collaboration In – Quality Out). Il est basé sur la normalisation de la donnée d’entrée introduite dans les logiciels métiers de la construction et l’enrichissement des « objets » pour permettre la contribution de tous au processus BIM. C’est la raison d’être du format Open dthX.

Schéma expliquant le BIM facile
Schéma expliquant le BIM facile

Le processus CIQO, ou BIM universel, est le traitement du GIGO (Garbage In Garbage Out), caractéristique du BIM complexe multi-formats natifs.

On peut le mettre en œuvre avec eveBIM, logiciel de visualisation / enrichissement de maquettes IFC développé par le CSTB ou en mode saas en cours de développement (bim-universel.com) pour définir des objets BIM sur la base de modèles génériques de type POBIM (Propriétés des objets BIM ), qui est une bibliothèque de 300 modèles d’objets génériques à partir d’un dictionnaire de 3200 propriétés, définies selon la norme NF XP P 07150 devenue en 2020 NF EN ISO 23386.

Cette bibliothèque à été réalisée dans le cadre des travaux du plan de transition numérique du Bâtiment (PTNB) accessible depuis kroqi.MydatBIM.com, plateforme d’objets labellisée par l’AMI (appel à manifestation d’intérêt) kroqi, plateforme de gestion de projets BIM de référence du Plan gouvernemental BIM 2022. Il existe également d’autres bibliothèques :

Comment est organisée votre association ?

Jean-Paul BRET : L’association est structurée par 6 collèges, dont les deux principaux piliers sont les organisations professionnelles telles que des CAPEB et des syndicats qui représentent des acteurs petits et moyens de la filière, et de maîtres d’ouvrage publics et privés. Il y a également des collèges association, organismes de formation, entreprises et citoyens.

Acteurs impliqués dans l'Alliance du Bâtiment
Acteurs impliqués dans Alliance du Bâtiment

Le modèle économique repose sur des adhésions, des financements sur projets et sur le produit de la formation par le biais de modules destinés à être mis en œuvre par des organismes de formation que l’association labellise.

 

C’est une structure légère qui a vocation à le rester tout en se professionnalisant pour s’inscrire dans la durée.

Selon vous, quels sont les enjeux d’un « BIM libre » ?

Le BIM libre permet à tous les acteurs de la filière des garder leur autonomie sans être rendus dépendants par des outils qu’ils ont eux même développés avec leur compétence mais dans un format qu’ils ne maîtrisent pas. L’interopérabilité complète permet aussi d’envisager le développement de savoir-faire partagés par l’ensemble de la filière pour faire monter celle-ci en efficacité. Il est possible par exemple d’imaginer de mettre en œuvre l’intelligence artificielle pour extraire de plusieurs projets des règles pour optimiser l’efficacité énergétique d’un type de construction.

L’accès à ce processus pour tous les acteurs est aussi un élément important pour les maîtres d’ouvrage qui veulent garder un écosystème d’entreprises de proximité. C’est une garantie pour la résilience des territoires et une sécurité contre la concentration qui conduit aux monopoles de fait.

Quelles sont les particularités de ce format Open dthx ?

Le format Open dthX a été développé par la société datBIM à partir de 2011 dans le cadre d’une collaboration avec l’école Centrale de Lyon et des experts en modélisation de la connaissance et ingénierie des systèmes. Les travaux ont bénéficié du soutien de la région Rhône-Alpes et l’Ademe (Innov’R) ainsi que de l’Europe (GreenConserve pour l’innovation de services à valeur ajoutée pour la construction durable et Eurostars).

L’enjeu de départ est de permettre aux acteurs du bâtiment (fournisseurs de matériaux, architectes, ingénieurs, …) de s’échanger – dès les premières phases du projet – les caractéristiques techniques des produits mis en œuvre dans la construction.

Logo du format Open dthX
Logo du format Open dthX

Un Dictionnaire Technique Harmonisé (DTH) a été mis en place à cette fin de nature dynamique afin que la sémantique puisse s’enrichir en fonction des besoins sans perturber les usages du format. Il maintient une liste de propriétés dans différents domaines (géométrique, acoustique, thermique, incendie, environnement, administratif…) en définissant pour chaque propriété un identifiant unique et une unité de mesure standard.

En 2015, la documentation du format est rendue publique, en faisant un format ouvert. Il est proposé à la normalisation entraînant la création d’un groupe d’experts sur les formats d’échange à la commission de normalisation, Afnor PPBIM. En 2019, il permet la distribution de la première bibliothèque d’objets génériques POBIM (propriétés des objets pour le BIM) décrit à partir d’un dictionnaire national de 3200 propriétés issues des travaux réalisés dans le cadre du plan gouvernemental de transition numérique du bâtiment (PTNB). En 2021, le plan gouvernemental BIM 2022 l’expérimente pour la réalisation d’un référentiel d’objets pour produire une maquette numérique contenant les informations nécessaires à l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Normaliser la donnée d’entrée dans les logiciels métiers pour produire collectivement un livrable numérique de qualité (au sens interopérabilité du terme : exploiter le livrable qui est une base de données dans une application autre que celle qui l’a produite) et assurer l’enrichissement des objets à l’avancement du projet pour permettre la contribution de tous au processus BIM indépendamment des logiciels utilisés.

Quelle est la licence retenue pour la spécification de ce format ?

L’usage du format Open dthX est soumis à l’acceptation des termes de la licence « Creative Commons Attribution Pas de Modification 3.0 France ».
Sa principale valeur c’est justement qu’il soit unique afin d’assurer l’interopérabilité d’où le choix de ce type de licence. Des variantes porteraient préjudices à l’interopérabilité.

Qui utilise ce format de fichier Open dthx aujourd’hui ? Avec quels logiciels ?

Les utilisateurs du format Open dthX sont les acteurs de la construction : architectes, ingénieurs, entreprises, fabricants, maîtres d’ouvrage qui utilisent des logiciels de CAO tels Revit, ArchiCAD et de visualisation tels eveBIM, ciqo.eu…

De quoi avez-vous besoin aujourd’hui ? Et à plus long terme ?

Le premier enjeux est de faire connaître le projet de l’association. C’est assez difficile car la conscience de l’enjeu est très peu développé chez les décideurs et la communication des leaders du BIM qui vantent la puissance de leurs outils impose l’idée que leurs solutions sont le BIM alors que ces solutions n’en sont qu’une partie et que celle-ci est inadaptée à une approche data performante généralisable.

Nous cherchons aussi des partenaires qui mettent en œuvre ces outils. Nous sommes convaincus que les bénéfices de ces réalisations se diffuseront très rapidement auprès des décideurs vigilants sur les questions de maîtrise des données.

Enfin, nous voulons mettre en place un modèle qui nous permette de nouer des partenariats avec des développeurs qui peuvent proposer des développements qui utilisent le format pour des solutions correspondantes à des besoins métier liés à la construction.

Un mot ou une question à ajouter ?

Nous proposons à tous les décideurs en matière de construction de les accompagner pour mettre en œuvre le BIM universel de façon à avoir le plus grand nombre de références et de cas d’usage à diffuser pour propager la démarche.

 

Ressource à consulter :




Faciliter la conformité RGPD : le fichier GDPR.txt

Dans le cadre de mon bénévolat pour Framasoft, je suis amené à travailler sur la conformité de l’association au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

Ça fait des années qu’on essaye d’avancer sur le sujet, mais il faut bien reconnaître que, vu le nombre de services et d’activités que l’on gère, c’est la galère. D’ailleurs, si ça vous étonne, on a une entrée claire dans la FAQ.

On a tout de même bien avancé depuis octobre dernier, accompagné‧es que nous sommes par stella.coop. Notre liste des traitements est sur pied, mais il nous reste à compléter les fiches des différents traitements (on en documente d’ailleurs l’avancement dans notre wiki public). Il nous faut donc passer sur chaque service, déterminer les finalités des traitements, lister les données récupérées, vérifier si elles sont obligatoires, leur visibilité, les services tiers utilisés, etc.

Face à cette montagne, une idée me trotte dans la tête depuis un moment : que les développeurs et développeuses de logiciels maintiennent elles-mêmes un document synthétisant les informations utiles dans le cadre du RGPD. Cela faciliterait le travail de celles et ceux qui proposent des instances de leur logiciel, mutualiserait le travail ingrat et limiterait les erreurs.

 

Illustration par Dooffy, licence CC0

 

Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, j’ai imaginé un fichier pour faciliter l’échange d’informations autour des questions liées au RGPD : le fichier GDPR.txt.

Le principe est fort simple : le fichier GDPR.txt se place à la racine du code source d’un projet logiciel — à la manière d’un fichier README — et contient l’ensemble des informations utiles concernant la collecte des données effectuée par ledit logiciel.

Le but est que les hébergeuses et hébergeurs de services puissent se baser sur des informations fiables pour créer leur propre liste de traitements de données. Car oui, attention : il ne suffit pas de fournir un fichier GDPR.txt pour se conformer au RGPD ! Ce fichier n’existe qu’à titre informatif.

Le format, quant à lui, est très simple. Si vous êtes développeur ou développeuse d’un logiciel libre, je vous invite à jeter un œil au site qui présente le format du fichier : gdpr-txt.org (en anglais). Vous pouvez également y contribuer sur Framagit.

En conclusion, j’aimerais que les acteurs et actrices du logiciel libre s’emparent de ce fichier et inventent encore d’autres manières d’informer les utilisateurs et utilisatrices sur la manière dont sont utilisées leurs données. Il serait dommage qu’après avoir bataillé pendant des années pour une meilleure réglementation autour de nos données personnelles, nous nous satisfaisions de l’état actuel. Soyons clairs : les GAFAM se torchent toujours autant avec nos données ; seulement, ils s’en lavent les mains grâce à une conformité RGPD de façade. C’est à nous désormais de placer la barre encore plus haut.