MOOC CHATONS : un parcours pédagogique pour favoriser l’émancipation numérique

Avec la Ligue de l’Enseignement, nous travaillons depuis plus d’un an à concevoir et à réaliser un parcours pédagogique en ligne sur « Pourquoi et comment nous pouvons reprendre le contrôle d’Internet ».

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

C’est l’histoire d’un MOOC…

Faire de l’éducation populaire aux enjeux du numérique, aujourd’hui, induit d’expliquer pourquoi et comment nous pourrions reprendre le contrôle d’Internet.

L’idée est née en 2016 : associer les savoirs-faire de La Ligue de l’Enseignement, fédération nationale d’éducation populaire, et l’expérience de Framasoft pour créer un cours ouvert en ligne à suivre librement (aussi appelé MOOC). Dès le début, l’ambition a été de rassembler des ressources existantes (conférences, articles, ouvrages, etc.), d’en créer de nouvelles et de les organiser pour favoriser l’émancipation numérique.

Il ne s’agit pas ici d’un MOOC classique, avec un accompagnement pédagogique contraint à un calendrier… Chez Framasoft, au lieu de MOOC, on s’amuse même à parler d’un « Librecours », terme emprunté à la plateforme https://librecours.net/ de l’Université de Technologie de Compiègne. Mais le terme « MOOC » est installé dans le paysage de la formation en ligne depuis plusieurs décennies, et il nous a donc semblé plus simple de garder cette appellation.

L’objectif de ce MOOC, qui comportera à terme trois modules, est d’accompagner les personnes qui souhaiteraient :

  • mieux saisir les enjeux et les impacts qu’ont les géants du web sur nos vies numériques. C’est l’objet du premier module du MOOC, que nous vous annonçons aujourd’hui ;
  • comment monter une structure apte à proposer des services « hors GAFAM » ? Pour cela, les apprenant⋅es pourront suivre pas à pas l’étude de cas d’une organisation qui souhaiterait rejoindre le collectif CHATONS (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires). L’étude de cas se concentrant sur les aspects stratégiques (objectifs), tactiques (moyens financiers et humains), juridiques (statuts, actions en cas de réquisitions judiciaires, etc.) et de gouvernance (quelles règles de vies communes ?). Cela sera l’objet du second module, à venir.
  • des pistes pour administrer l’infrastructure technique de cette structure membre du collectif CHATONS. Ce troisième module concernera donc plus particulièrement les personnes ayant déjà des bases en administration systèmes et réseaux informatiques (alors que les 2 premiers modules ne nécessitent aucun prérequis).

Mais pour le moment, nous n’annonçons que l’ouverture du premier module, intitulé « Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? » (attention, comme indiqué en conclusion, ce module est encore en version bêta, et devrait être achevé en janvier 2020).

Pour ce premier module introductif, nous souhaitions dépeindre le paysage numérique actuel à un public le plus large possible, en faisant écho à l’ouvrage « Numérique : reprendre le contrôle », issu d’un collectif d’auteur⋅ices et paru en 2016 dans notre collection Framabook.

Quelles sont les raisons qui peuvent nous mener à vouloir émanciper nos pratiques numériques ? Comment s’organiser pour le faire ? Quels outils et savoirs-faire techniques sont à notre disposition ? C’est précisément ces questions qui seront abordées dans le premier module de ce MOOC.

Cliquez sur le panneau pour aller découvrir la plateforme mooc.chatons.org et vous inscrire au premier module (en construction).

Quand la loi de Murphy s’en mêle

Grâce à un financement de la fondation Afnic obtenu en 2018, nous nous sommes donc lancés dans la réalisation de ce premier module il y a presque deux ans. La Ligue de l’Enseignement a rassemblé autour d’une table de nombreux partenaires pour imaginer ensemble un séquençage pédagogique décrivant les différents types de domination que les géants du web exercent sur nos sociétés… et les pistes de réflexions et d’expériences qui permettent de s’en extraire.

Depuis cette réunion, évidemment, rien ne s’est passé comme prévu ! Il y a eu les plannings hyper remplis qui rendent difficile de trouver le moment où tout le monde peut s’accorder. Il y a eu les problèmes qui peuvent advenir dans les vies personnelles de chacun·e. Il y a aussi eu nos tâtonnements pour trouver un séquençage pédagogique pertinent (dans la mesure de nos capacités) et pour réaliser une plateforme adéquate et agréable (avec le logiciel libre Moodle).

On ne va pas vous refaire tout l’historique (qui est disponible, en toute transparence, sur le forum du collectif CHATONS), mais disons qu’en somme, nous avons pris plus d’un an de retard.

Aujourd’hui, nous vous présentons donc la version bêta de ce premier module. Oui, la peinture est fraîche, oui les contenus vont être enrichis et évoluer au fil des contributions… Cependant nous sommes fièr⋅es de cette première proposition !

MOOC #1.1.4 Médias sociaux
MOOC CHATONS #1.1.4 Médias sociaux

Décrire le paysage numérique actuel avec de nombreuses voix

Entre 2018 et 2019, nous sommes allé·es interroger plus de dix personnes qui, chacune à leur manière, ont contribué à la culture du libre, des communs et de la bidouille. Nous les remercions chaudement de s’être soumis·es à l’exercice difficile de l’entrevue vidéo et d’avoir accepté que leurs propos soient diffusés sous licence libre.

Militant·es des mondes du logiciel libre et des communs, personnes travaillant dans l’éducation académique et populaire… Les intervenant·es de notre MOOC ont des parcours variés et des points de vue complémentaires.

Pour le plaisir, voici la première vidéo de ce Libre Cours

Leurs regards croisés sur le paysage numérique actuel sert à dépeindre, sur chaque vidéo, un détail de notre monde numérique, que l’on aborde petit bout par petit bout, pour que même une personne néophyte puisse en comprendre les contenus. L’ensemble des vidéos réalisées pour ce cours se retrouve facilement sur la fédération PeerTube, puisqu’elles sont publiées sur une chaîne dédiée de Framatube.

mooc.chatons.org, l’adresse à partager !

En créant un compte sur mooc.chatons.org, vous pourrez vous inscrire au premier module Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? La plateforme vous permettra de suivre les leçons de chaque séquence en toute autonomie, vous auto-évaluer et trouver de l’entraide sur le forum et le wiki.

Chaque leçon est structurée de la même façon. On commence par regarder une vidéo introductive de quelques minutes. On se plonge ensuite dans la lecture d’un texte détaillé et illustré afin de mieux comprendre le sujet traité. Et si l’on souhaite approfondir ses connaissances, c’est possible grâce aux ressources recommandées dans la partie « pour aller plus loin ».

Une fois que l’on a consulté l’ensemble des leçons d’une séquence, on peut auto-évaluer ses acquis via un questionnaire à choix multiples et partager ses avis et points de vue entre apprenantes et apprenants.

Première séquence du premier module de ce MOOC (cliquez pour le parcourir)

Donner libre cours à l’enrichissement commun

Voilà plus de cinq ans que Framasoft se forme et informe au sujet de comment Internet a été transformé par l’appétit des géants du web. Nous sommes heureux et heureuses de présenter aujourd’hui un nouvel outil sur le sujet, un outil que l’on espère facile d’accès même pour les personnes qui n’y connaissent pas grand chose.

Ne nous cachons rien, la peinture est fraîche et le travail sur ce premier module est loin d’être fini. La première séquence est assez aboutie, mais les secondes et troisièmes séquences pédagogiques (Les GAFAM, c’est quoi ? et C’est quoi les solutions ?) sont encore en cours de rédaction (nous espérons les finaliser d’ici janvier 2020), le lexique et les présentations des intervenant·es n’en sont qu’à leur premier jet… Il s’agit donc bien d’une version bêta !

Quand aux modules 2 (« Créer son chaton ») et 3 (« Administration technique d’un chaton »), et bien… il faudra patienter ! Tout d’abord, ces modules ne sont pas encore financés (et nous ne savons pas s’ils le seront un jour). Ensuite, comme vous avez pu le lire dans nos différents articles des « Carnets de Contributopia », et notamment dans celui intitulé « Ce que Framasoft pourra faire en 2020 », vous aurez compris que notre programme est déjà lourdement chargé pour notre petite association (même si nous pourrons évidemment faire appel aux membres du collectif CHATONS pour nous prêter main forte).

Enfin, comme il s’agit de la production de notre premier parcours pédagogique, nous attendons de collecter les retours d’expériences pour savoir si ces modules répondent à un besoin (ou pas), si cela ouvre des pistes de collaboration et contribution (ou pas), si nous nous sommes complètement plantés (ou pas).

Le MOOC CHATONS, illustré par David Revoy (CC-By)

 

Concernant ce premier module, nous voulions présenter au plus vite une proposition initiale pour qu’elle puisse ensuite être peaufinée et enrichie collectivement, de plusieurs manières :

  • les membres du collectif CHATONS sont invités à modifier et faire évoluer les contenus ;
  • toute personne inscrite sur la plateforme peut y trouver un forum et y suggérer des reformulations, des ressources pour aller plus loin, ou toutes autres modifications ;
  • les formats courts et longs des entrevues vidéos des intervenant·es seront très vite publiés, toujours sous licence libre, pour que chacun·e puisse y puiser du contenu.

Nous espérons donc qu’un grand nombre d’entre vous s’empareront de ce parcours pédagogique et nous feront des retours afin que l’on puisse l’améliorer… Jusqu’à parvenir, prochainement, à une version que l’on pourrait fièrement proposer en réponse à nos proches qui nous demandent souvent : « Non mais tu peux me redire pourquoi c’est important, là, ton truc de libertés numériques ? ».

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




PeerTube met les bouchées doubles pour émanciper vos vidéos de YouTube

Voilà un an que nous poursuivons, grâce à vos dons, le développement logiciel qui permet de se libérer de YouTube et compagnie. Si nous sommes allé·es bien au delà de la version 1 financée par la collecte du printemps 2018, c’est que nous croyons profondément au potentiel émancipateur de PeerTube.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

An english version of this post is available here.

Fédération et instances pour ne pas recréer un géant de la vidéo

L’objectif de PeerTube, c’est de créer une alternative qui nous émancipe des plateformes centralisatrices à la YouTube. Dans le modèle centralisateur, on s’inscrit à une seule adresse, et toutes nos actions, nos vidéos et nos données sont concentrées sur un seul méga-ordinateur, celui de l’hébergeur Google pour YouTube (en vrai, ce sont des fermes de serveurs et pas un méga-ordinateur, mais symboliquement ça revient au même !).

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PeerTube est un logiciel. Ce logiciel, des personnes spécialisées (disons… Bernadette, l’université X et le club de karaté Y) peuvent l’installer sur un serveur. Cela donnera une « instance », c’est à dire un hébergement de PeerTube. Concrètement, héberger une instance crée un site web (disons BernadetTube.fr, UniversiTube.org ou KarateTube.net) sur lequel on peut regarder des vidéos et créer un compte pour interagir ou uploader ses propres contenus.

Ces instances peuvent choisir de se suivre mutuellement (on dit qu’elles se fédèrent). Par exemple, si la directrice des services informatiques de l’Université X veut afficher les vidéos de KaratéTube sur son UniversiTube, il suffit qu’elle se fédère avec KaratéTube. Les vidéos de KaratéTube resteront sur leur serveur mais seront visibles pour les étudiant·es qui ont l’habitude d’aller sur UniversiTube.

Dans cet exemple, BernadetTube reste un site isolé, mais UniversiTube et KaratéTube sont fédérés ensemble. Plutôt que de faire une plateforme unique et géante, PeerTube permet de créer une diversité de petites plateformes interconnectées.

Un an de travail, qui a fait mûrir PeerTube

En mai 2018, nous avons organisé une collecte pour financer le développement de PeerTube. De nombreuses personnes ont voulu donner sa chance à ce logiciel qui permet de créer et fédérer des plateformes de vidéos. En octobre 2018, nous avons « rendu notre copie », comme on dit, en publiant la version 1 de PeerTube.

Nous aurions pu nous arrêter là, à cette promesse remplie, et laisser la communauté continuer de développer elle-même ce logiciel libre. Nous avons plutôt fait le choix d’utiliser une partie des dons que nous recevons pour l’ensemble de nos actions (merci !) pour pérenniser l’embauche du développeur principal de PeerTube. En tant que salarié chez Framasoft, il a aussi contribué à d’autres logiciels libres, dont Framacalc-Ethercalc et Mobilizon.

Cependant, durant l’année qui vient de s’écouler, sa mission principale a été d’améliorer PeerTube. Il a pu compter sur une communauté grandissante de contributeurs et contributrices, et tout ce beau monde n’a pas chômé ! En un an, Peertube a été enrichi entre autres :

Voici Sepia, la nouvelle mascotte de PeerTube qui nous a été offerte par David Revoy (CC-By)

  • d’outils de modération pour l’administration d’instances ;
  • d’un historique de visionnage ;
  • d’une reprise automatique de la lecture de vidéos là où on s’était arrêté (si on est connecté·e à son compte) ;
  • d’un système de notifications (nouveaux commentaires, vidéos ou abonnements, mentions, etc.) ;
  • d’un système de listes de lectures (dont une « à regarder plus tard » créée par défaut pour tous les comptes) ;
  • d’un système de quarantaine pour les vidéos envoyées en ligne. Il s’agit d’une option d’administration qui permet à la modération de valider les vidéos manuellement avant de les publier ;
  • d’une gestion facilitée des choix de fédération pour les administrateurs d’instances ;
  • d’une amélioration continue de l’interface d’utilisation (pour mieux distinguer un compte d’une chaîne, mieux voir les miniatures ou mieux retrouver sa bibliothèque vidéo, par exemple) ;
  • d’une gestion des fichiers audios lors de l’upload, que PeerTube transformera en vidéo ;
  • d’une interface traduite en 25 langues !

Les petits plus qui font de grandes différences

Nous avons envie de mettre en valeur 3 fonctionnalités que nous aimons particulièrement, car elles offrent plus de liberté, de confort et de contrôle aux personnes qui utilisent PeerTube. Et comme offrir plus de contrôle ce n’est pas dans le business model des plateformes géantes (coucou Youtube, salut Dailymotion, bonjour Facebook Vidéos !), ces fonctionnalités permettent à PeerTube d’offrir une expérience unique.

Partager un extrait de vidéo

Lorsqu’on partage l’adresse web d’une vidéo, la plupart des plateformes proposent, en option, une case « démarrer à », qui permet de faire démarrer la vidéo à 53 secondes si ce que l’on veut partager commence à la 54ème seconde.

Nous avons tout simplement ajouté une case pour l’option « s’arrêter à ». Ça a l’air tout bête comme ça (parce que ça l’est), mais si le boulot de YouTube c’est de fournir du temps de cerveau disponible à Fanta, alors forcément, donner la liberté d’interrompre les vidéos est inimaginable !

En 2015, en pleine popularisation des « youtubers », Fanta fait un coup de com’ phénoménal en sponsorisant la convention de vidéastes Video City Paris, qui devient une espèce de publicité géante pour ce produit de la Coca-Cola Company.

Si dans telle vidéo, les 3 phrases qui vous intéressent se trouvent entre 1:23 et 1:47, vous pouvez isoler, partager ou conserver cet extrait (dans vos favoris ou dans une playlist, par exemple). Cette fonctionnalité pourra en permettre plein d’usages : zappings, contenus pédagogiques, etc. Nous, ça nous donne tout pleins d’idées !

Le système de plugin

Chaque administratrice et utilisateur de PeerTube souhaite que le logiciel soit le plus adapté à ses besoins.

Nous, nous ne pouvons pas (et en plus nous ne souhaitons pas) développer toutes les fonctionnalités souhaitées par les un⋅es et les autres.

Nous avons, dès l’origine du projet, prévu la création d’un système de plugins, des briques logicielles que l’on peut ajouter à son installation de PeerTube pour la personnaliser. Là encore, les plateformes centralisatrices nous enferment tellement dans une expérience uniformisée qu’on a du mal à imaginer qu’une idée aussi vieille souffle un tel vent de liberté ! Et pourtant !

Avec ce système, chaque administrateur⋅ice peut dorénavant créer des plugins spécifiques en fonction de ses besoins. Mais il ou elle peut aussi installer des extensions créées par d’autres personnes sur son instance. Par exemple, il est possible d’installer des thèmes graphiques créés par la communauté pour changer l’interface visuelle d’une instance. On peut imaginer des plugins qui permettraient de classer les vidéos par ordre anti-alphabétique, ou d’ajouter un bouton Tipee, Paypal ou Patreon sous les vidéos !

PeerTube prenant son envol, illustré par David Revoy (CC-By)

Le nouveau lecteur vidéo

C’est risqué, pour un outil aussi jeune et interconnecté que PeerTube, de proposer un nouveau type de lecteur vidéo (basé, pour les expert⋅e⋅ s, sur la technologie HLS). À ce stade de la vie de PeerTube (qui commence à peine à se faire connaître et adopter dans le monde), cela pourrait causer des incompatibilités et des différences de versions très problématiques.

Cependant, nous avons décidé de l’introduire de façon expérimentale, depuis l’été dernier. Car ce nouveau lecteur est prometteur : la lecture des vidéos est plus rapide, comporte moins de bugs, facilite les changements de définition et fluidifie le chargement des vidéos (toujours diffusées en pair-à-pair). En contrepartie, il induit de mettre à jour certains éléments (passage à ffmpeg 4.1) et de ré-encoder certaines vidéos.

Les retours sont excellents et ce nouveau lecteur ouvre des perspectives intéressantes pour PeerTube (le streaming en direct, par exemple, ne peut pas s’imaginer avec le lecteur actuel). Voilà pourquoi nous souhaitons prendre le temps de faire de ce nouveau lecteur vidéo le lecteur par défaut dans PeerTube, ce qui va demander un travail pour accompagner les hébergements actuels de PeerTube dans cette transition.

Une version 2 qui met l’accent sur la fédération

La version 2 de PeerTube, que nous publions aujourd’hui, inclut déjà toutes ces améliorations et en ajoute d’autres ! Cette « v2 », comme on dit, a pour ambition de faciliter la fédération, pour les administrateur·ices d’instances. Ils et elles auront par exemple la possibilité de suivre automatiquement une instance qui les suit, ou de suivre les instances qui s’inscrivent sur l’annuaire public JoinPeertube.

Cette nouvelle version de PeerTube veut aussi aider le public à mieux choisir l’instance PeerTube qui lui correspond. Reprenons l’exemple de Bernadette, l’Université X et le club de karaté Y, pour y ajouter un membre du public : Camille.

Camille n’y connaît rien aux serveurs et compagnie, mais il veut se créer un compte pour suivre des chaînes PeerTube et peut-être même uploader ses propres vidéos… Et pour lui, c’est compliqué de s’y retrouver ! Comment peut-il savoir que l’instance BernadetTube n’est tenue que par Bernadette, et que si celle-ci a un accident de la vie elle pourrait ne plus s’en occuper du jour au lendemain ? Où est-il affiché que l’instance UniversiTube refuse de se fédérer avec les instances qui proposent du contenu sensible, même s’il est correctement signalé et flouté ? Où Camille peut-il voir que KaratéTube favorisera les vidéos en Allemand, et que le support ne se fera que dans cette langue ?

Une fois PeerTube, installé sur un serveur, le logiciel demande aux admins de le configurer, donc de répondre à quelques questions…

Lorsque Bernadette, la directrice des services informatiques de l’Université X et le geek de service du club de karaté Y auront mis à jour PeerTube dans cette version 2, il et elle verront apparaître un formulaire qui leur demandera de mieux présenter leur instance. L’objectif est de pouvoir afficher clairement :

  • Les catégories principales de l’instance
  • Les langues parlées par les admins ou l’équipe de modération
  • Le code de conduite de l’instance
  • Les informations de modération (qui modère, quelle politique quant aux contenus sensibles, etc.)
  • Qui se trouve derrière cette instance (une personne seule ? une association ?)
  • Pour quelles raisons les admins ont créé cette instance
  • Pour combien de temps les admins comptent maintenir cette instance
  • Comment les admins comptent financer leur serveur PeerTube
  • Des infos sur le matériel du serveur

Camille pourra ensuite retrouver l’ensemble de ces informations sur la page « à propos » de chaque instance PeerTube (qui affiche en plus de nouvelles statistiques), sur la page de création de compte… mais aussi sur l’annuaire de joinpeertube.org !

JoinPeertube.org, une adresse pour s’y retrouver !

Avec plus de 100 000 vidéos hébergées et plus de 20 000 comptes créés, on peut dire que PeerTube connaît un succès croissant et se démocratise. Il était donc plus que temps de ré-imaginer le site joinpeertube.org afin d’en faire une porte d’entrée vers ces vidéos, ces hébergements et cette fédération.

Grâce aux contributions de professionel·les du design et de l’illustration, nous avons imaginé et mis en forme deux parcours d’utilisation sur ce site : un pour les personnes qui souhaitent découvrir des vidéos (et éventuellement se créer un compte), l’autre pour les vidéastes qui cherchent un hébergement de confiance pour leurs vidéos.

Cliquez sur l’image pour découvrir la nouvelle version de JoinPeertube.org

Ces parcours peuvent mener à l’annuaire des instances publiques, que l’on peut trier selon ses préférences afin de trouver celle qui correspond à nos besoins. Ce tri s’effectue grâce aux réponses au formulaire dont nous parlions juste avant, lequel permet aux admins de mieux identifier et mieux présenter leur instance. Mais le mieux, c’est encore d’aller voir par vous même (en plus, nous, on trouve que c’est bien plus beau !)…

Notez aussi que PeerTube dispose désormais de son propre site de documentation qui s’adresse à la fois aux personnes qui administrent une instance (pour faciliter l’installation du logiciel, son entretien ou son administration), et aux personnes qui veulent simplement l’utiliser (que ce soit pour se créer un compte, gérer ses playlists ou mettre ses vidéos en ligne).

L’avenir de PeerTube est, encore, entre vos mains

Il est impossible de citer ici toutes les personnes qui ont contribué au code, au financement, au design, à la traduction, à la documentation, à l’illustration et à la promotion de PeerTube… mais nous tenons au moins à vous exprimer toute notre gratitude !

Après un an de développement et de maturation du projet, nous nous posons la question de l’avenir de cet outil. Les envies sont multiples, vous nous avez donné de nombreuses idées. Les retours que vous nous faites remonter, particulièrement sur la section dédiée à PeerTube de notre forum (le meilleur endroit pour vos suggestions !), nous sont très précieux.

Aujourd’hui nous imaginons de nombreuses améliorations (de l’interface, de l’expérience d’utilisation, de la recherche, du système de plugin), des outils importants (applications mobiles, vidéos expliquant PeerTube), ainsi que de nouvelles fonctionnalités fortes. Vous souhaitez pouvoir faire facilement des remixes de vidéos en ligne ? Pouvoir diffuser en « live » votre flux vidéo ? Nous aussi ! Et nous avons besoin de votre soutien pour cela !

Tous les rêves sont permis, mais ce qui est sûr, c’est que les concrétiser aura un coût. L’année de développement que nous venons de consacrer à PeerTube a été financée en partie par le reliquat du financement participatif de juin 2018, mais surtout par les dons réguliers que notre association reçoit pour l’ensemble de ses projets. Pour 2020 et la version 3, il est fort probable que nous prévoyons une nouvelle collecte consacrée à PeerTube.

En attendant, n’hésitez pas à contribuer au succès de PeerTube, à promouvoir les instances et vidéos qui vous plaisent, et à féliciter l’ensemble de la communauté pour la réussite de cette v2 !

 

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




Des goodies Contributopia dans la boutique de David Revoy !

Attention, nous allons faire ici une publicité éhontée et sans vergogne pour des objets sur lesquels nous ne toucherons pas un centime. Mais vu les contributions de cet artiste libriste, nous ne pouvions pas résister !

Cela fait deux ans qu’on nous les demande !

Il y a deux ans, nous annoncions notre feuille de route Contributopia. Nous voulions mettre en valeur un imaginaire positif, illustrer un futur que nous voudrions contribuer à construire. David Revoy, connu pour son web-comic libre Pepper & Carrot, a accepté notre demande de prestation et a illustré ces « mondes de Contributopia ».

Cliquez sur les planètes de Contributopia pour aller sur la boutique de David
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Alors oui, c’est beau. Tellement beau qu’on nous demande, depuis deux ans, où sont les t-shirts, comment avoir les posters, où l’on peut acheter son mug Contributopia… Et jusque-là, la seule réponse que nous avions, c’était : « vous êtes libres de les faire faire vous-mêmes ! ».

Le cercle vertueux de la contribution

Côté coulisses, pendant qu’on travaillait avec David sur l’illustration des Carnets de Voyage de Contributopia, on le tannait gentiment pour qu’il ouvre sa boutique… Aviez-vous remarqué que la carte s’arrange de trois manières différentes suivant la largeur de votre écran ? Imaginez comment ce serait cool d’avoir quatre impressions à arranger comme on veut dans son salon !

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Car en plus d’accepter de nous faire de telles prestations et de publier régulièrement de nouveaux épisodes de son webcomic Pepper & Carrot, David contribue à des projets libres ! Par exemple, très récemment, il a offert une mascotte au logiciel PeerTube ! Celle là, on la verrait bien sur des t-shirts, chaussettes et autres sweats à capuche !

On aurait dans l’idée de l’appeler « Sepia », c’est aussi le mot qui a donné « seiche » en latin… Cliquez sur l’image pour la retrouver dans la boutique de David !

 

 

La boutique de David Revoy est ouverte !

Et voilà que fin septembre, David ouvre sa boutique, il l’annonce sur son blog. Faut avouer qu’on l’a pas vu passer : on avait le nez dans le guidon, à préparer l’annonce des Carnets de Voyages de Contributopia et la bêta de Mobilizon.

Alors comme il est jamais trop tard pour bien faire, on s’est dit qu’on allait en parler maintenant !

Cliquez sur les objets pour aller vers la boutique de David…

David a créé sur sa boutique une section spéciale Contributopia, où on trouve aussi une illustration pour déclarer son amour au collectif C.H.A.T.O.N.S. !

Cliquez sur l’image pour voir les produits disponibles avec cette illustration.

 

Entre les rencontres geeko-libristes qui approchent et les fêtes de fin d’années où on manque toujours d’idées de cadeaux, on s’est dit que c’était le moment ou jamais de soutenir cet artiste libriste par un achat utile et beau… Alors voilà, si ça vous tente c’est le moment, et si vous êtes pas très objets de consommation, sachez qu’il accepte aussi les dons !

De la difficulté de prendre un selfie de son t-shirt, ou l’empathie du libriste pour les membres d’Instagram.
(cliquez sur l’image pour trouver ce T-shirt)




Framapétitions est mort, vive Pytition !

Dans le cadre de notre campagne « Dégooglisons Internet », nous nous étions engagés à produire, parmi 30 autres services, une alternative aux plateformes de pétitions telles que Change ou Avaaz. Cet engagement n’a pas été tenu. Pourquoi ?

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

Il était une fois les outils libres de pétitions

Les pétitions sont devenues monnaies courantes sur Internet. On peut en trouver sur à peu près tous les sujets, et elles peuvent être initiées par à peu près n’importe qui.

Évidemment, il pourra nous être opposé que ces pétitions n’ont aucun effet, si ce n’est de (se) donner bonne conscience (« J’ai signé, donc j’ai agi, donc je peux passer à autre chose »). Ou, au contraire, qu’il s’agit d’un outil de mobilisation fort utile permettant de se compter, et de récolter des contacts d’allié⋅es afin de pouvoir s’organiser collectivement. Au fond peu importe, nous faisons le constat que ces outils sont là, et qu’ils sont plébiscités par beaucoup d’internautes.

Le souci, c’est qu’il demeure forcément un flou autour de l’utilisation de nos données (très) personnelles par des plateformes dont le code n’est pas accessible, et qu’on ne peut donc utiliser ou installer pour soi en toute confiance. Ces entreprises peuvent nous jurer, la main sur le cœur, qu’elles ne font pas d’utilisation commerciale de nos données, le fait est qu’elles possèdent des données extrêmement sensibles sur nous (noms, adresses, emails, objets de militances, etc.) et que l’histoire nous montre chaque jour à quel point nous devons nous méfier des plateformes (si ce n’est pas le cas, lire notre veille hebdomadaire devrait vous en convaincre rapidement !).

Or, les outils libres de pétitions, qui permettraient de déléguer notre confiance en celles et ceux qui font tourner la plateforme, ne sont pas légion.

On peut citer par exemple l’outil de la Maison Blanche « We The People », dont le code est présent sur Github depuis des années, mais absolument plus maintenu, ce qui pose d’énormes problèmes de sécurité.

Paradoxalement, un des outils les plus solides que nous avions repéré est ce bon vieux SPIP (un logiciel français-oui-monsieur-oui-madame qui a motorisé l’annuaire Framasoft pendant plusieurs années à nos débuts). Cependant, SPIP permettant 1 000 autres choses, son interface de gestion ne nous a pas paru adaptée pour de simples pétitions, et nous avions identifié par ailleurs plusieurs problèmes potentiels dans le cadre d’un usage « multi-organisations ».

Framapétitions dans Contributopia
Framapétitions dans Contributopia (CC-By David Revoy)

Framapétitions : paf, pastèque !

Framapétitions et Framamail resteront les deux engagements non tenus de notre campagne « Dégooglisons Internet ».

Autant pour le Framamail, c’était un choix de notre part (trop coûteux à mettre en place et maintenir, et trop de risque de créer une dépendance à Framasoft), autant pour Framapétitions, il ne manquait pas grand-chose pour y parvenir.

En effet, Framapétitions devait être un « sous produit » de Framaforms, développé par Pierre-Yves Gosset (« pyg » pour les intimes), le directeur et délégué général de Framasoft. Comme ce dernier l’indiquait en 2016

[…] en fait Framaforms servira aussi de « bêta test grandeur nature » à un autre projet « Dégooglisons » de Framasoft, à savoir Framapétitions. Si mes choix tiennent la route, alors je pense que je pourrai me relancer un nouveau défi : réaliser Framapétitions en moins de 4 jours ETP (Équivalent Temps Plein) et 0 ligne de code 🙂

Et alors… ? Et bien « paf-pastèque », comme on dit chez nous ! Il faut croire qu’être directeur de Framasoft ne lui aura pas permis, en trois ans, de trouver une semaine pour s’abstraire du monde et aller coder dans une grotte.

En conséquence, Framapétitions fut sans cesse repoussé au profit d’autres urgences professionnelles ou personnelles.

Une rencontre opportune (et opportuniste)

Début 2018, alors que notre pyg national se demandait encore quand il allait pouvoir trouver le temps de se remettre à Framapétitions, nous avons eu la chance de croiser le chemin d’une autre association : « Résistance à l’Agression Publicitaire » (R.A.P.). Bien qu’ayant un objet de militance a priori éloigné du logiciel libre (la lutte contre le système publicitaire et ses effets négatifs), nous avons vite accroché avec cette association dont les valeurs et les modalités d’actions nous semblent proches des nôtres.

Lors d’une discussion informelle autour de l’intérêt de mettre en place une instance PeerTube au sein de R.A.P. (ce que l’association a fait depuis, bravo à elle !), pyg a évoqué sa frustration concernant Framapétitions. La réaction fut aussi surprenante qu’intéressante : « Ha mais nous on a développé notre propre outil de pétitions, et on l’a mis sous licence libre. »

 

Site web de Résistance à l'Agression Publicitaire
Site web de Résistance à l’Agression Publicitaire

 

Les discussions commencèrent alors avec Yann, le développeur de cet outil, nommé Pytition (car le logiciel est développé en langage Python).

Nous avons alors convenu d’un partenariat informel entre nos deux structures : Yann continuerait le développement de Pytition (notamment en y ajoutant une couche permettant de gérer de multiples organisations) et Framasoft participerait à la communication et à l’agrandissement de la communauté de cet outil.

L’intérêt pour R.A.P., c’est que leur projet ne reste pas dans un tiroir et puisse servir à d’autres structures amies, tout en ayant une certaine pérennité.

L’intérêt pour Framasoft, c’est qu’on ne charge pas sur nos épaules le développement et le maintien d’une application de plus (on rame déjà suffisamment avec celles qu’on propose, merci 🙂 ).

L’intérêt commun, c’est de démontrer qu’il est possible, pour une structure qui n’est pas spécialisée dans le numérique, de malgré tout produire et se réapproprier ses propres outils !

Si R.A.P. peut produire son outil de pétitions, pourquoi Greenpeace, par exemple, ne pourrait-elle pas produire un outil libre de crowdfunding ? Ou la Ligue des Droits de l’Homme développer un outil libre de gestion de revue de presse ?

Pytition avance, et a besoin de vous

Bonne nouvelle : Yann a bien avancé depuis notre première rencontre. Le logiciel fonctionne bien, puisqu’il est utilisé actuellement en production en version 1.x par R.A.P. Pytition est même très, très proche d’une version 2.0 (il ne manque plus que votre aide : voyez comment en bas de cet article !).

Capture écran Pytition v1
Capture écran Pytition v1 depuis le site de R.A.P.

 

Mais Yann a cependant besoin d’aide pour parachever cette version 2.0. Afin qu’elle puisse être proposée au public et surtout aux associations qui voudraient l’installer et gérer leurs propres pétitions.

Le mieux est sans doute de lui donner la parole !

Interview de Yann Sionneau, développeur de Pytition

Bonjour Yann, peux-tu te présenter ?

Bonjour, exercice difficile !

J’ai 31 ans, j’habite Grenoble depuis bientôt 1 an, avant j’étais sur Paris. Je contribue bénévolement au monde associatif depuis quelques années. Bénévole de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire depuis 2016 (loi travail), je suis membre du conseil d’administration de l’association depuis 1 an et je viens de m’y faire ré-élire le week-end dernier lors de l’assemblée générale a Lyon pendant les « rencontres intergalactiques ».

Trompettiste sur mes heures perdues (qui sont plus rares que je ne voudrais =)), je profite aussi des montagnes grenobloises pour faire de l’escalade.
Professionnellement je suis développeur de logiciel embarqué dans une boite qui fait du semi conducteur, je bosse principalement sur le kernel Linux, la libc, et je commence à mettre les mains dans la toolchain (gcc, binutils).

Tout ça, comme tu peux le voir est bien loin du développement web, matière ou je suis plutôt novice et en cours d’auto-formation 🙂

Pourquoi t’es tu lancé dans le développement de Pytition ?

Il faut savoir qu’à R.A.P. (Résistance à l’Agression Publicitaire), on essaie d’être le plus « propre » qu’on peut dans notre démarche militante et les moyens qu’on met en place pour atteindre nos buts.

Par exemple on a une vraie réflexion sur l’usage des réseaux sociaux, sur les aspects vie privée, et publicité, mais aussi sur la culture de l’instantané et l’économie de l’attention.

A partir de là, il faut quand même être pragmatique et quand on veut toucher les gens avec nos articles, nos communiqués et nos pétitions, il est clairement plus efficace d’utiliser les réseaux sociaux hégémoniques.

Un compromis a dû être mis en place chez R.A.P., on a donc écrit une charte d’utilisation des réseaux sociaux qu’on essaie de respecter le plus possible.

En l’occurrence, on s’autorise à poster sur les réseaux sociaux propriétaires/publicitaires, avec des liens vers nos sites et vers les autres réseaux alternatifs. Mais on s’interdit de ramener des gens vers les réseaux propriétaires en faisant des liens de notre site vers eux. Donc pas de lien d’antipub.org vers f*cebook, mais on va faire des billets f*cebook avec des liens vers nos articles R.A.P..

Un jour, Khaled (ancien président de R.A.P., aujourd’hui salarié) me demande si je peux regarder si je trouve un moyen pour que RAP puisse auto-héberger ses pétitions en ligne vu que nous nous interdisions d’utiliser des plateformes telles que « change dot org ».

Le module WordPress utilisé à l’époque étant peu satisfaisant en termes de fonctions et d’interface.

On a regardé, et on n’a rien trouvé qui répondait à nos besoins.

J’étais chaud pour me lancer dans l’écriture d’une solution ad-hoc pour R.A.P., mais dans le doute quand même avant de commencer j’ai contacté Framasoft pour savoir s’il n’y avait pas un Framapétitions prêt à sortir. Dans ce cas j’aurais attendu un peu, mais on m’a plutôt encouragé à développer une solution pour R.A.P., quitte à ensuite la rendre plus générique pour étendre son usage au delà de la galaxie RAP.
On avait besoin d’un système de pétitions « pour dans 2 mois ».

J’ai donc écrit, à la va-vite, depuis 0, un système très basique, uniquement destiné à l’usage de R.A.P., dans un langage que je connaissais bien : Python (avec le framework web Django).

Au final ça a été rapidement mis en production, et cette v1.0 héberge déjà 9 pétitions, consultables ici : https://petition.antipub.org/

Pytition, tu en es où, tu veux aller où ?

Par rapport à la v1.0, on a fait beaucoup de chemin.

  • L’interface a été entièrement revue ;
  • Il y a maintenant un « tableau de bord » qui permet d’avoir une interface d’administration de ses pétitions ;
  • La v1.0 ne proposait aucun « backend » et on était obligé d’utiliser l’interface d’administration fournie par Django, qui est assez limitée ;
  • Une création plus rapide des pétitions grâce à un « Wizard » ;
  • Le support multi-organisations, qui permet à la même instance d’héberger non seulement plusieurs utilisateurs mais aussi plusieurs organisations ;
  • La gestion des perma-links (ou slugs) : chaque pétition peut avoir plusieurs « liens » permalinks avec le texte souhaité. Plus joli qu’un lien se terminant par [...]/petitions/12 ;
  • Gestion des traductions via i18n, tout le site peut être traduit (mais pas le contenu des pétitions) ;
  • Le support de re-transmission des mails refusés par le SMTP via un framework de « mail queue ». (Notre hébergeur associatif ouvaton.org refuse des mails si on en envoie trop dans un petit laps de temps) ;
  • L’interface est plus responsive (s’adapte aux smartphones), mais ça n’est pas encore parfait.

Les plans pour le futur ?

  • Bosser sur l’accessibilité du site (navigation par lecteur d’écran).
  • Possibilité d’ajouter un captcha pour la signature et la création de compte (pas celui de g**gle, un auto-hébergé).
  • Possibilité de créer une pétition « sans compte » (avec juste une adresse e-mail).
  • Ajouter des « thèmes » (templates Django) de pétitions différents, sélectionnable par pétition.
  • Donner la possibilité de choisir la liste des champs à renseigner pour signer, par pétition.
  • Ajouter des boutons optionnels de partage de réseaux sociaux (Mastodon, Diaspora).
  • Permettre la traduction des contenus (les pétitions) en plusieurs langues.
  • Réfléchir à la possibilité de réduire voir de supprimer l’usage du JavaScript (pour permettre la navigation via Tor configuré de façon très stricte).

Capture écran Pytition v2 bêta
Capture écran du tableau de bord Pytition v2 bêta

 

On peut tester Pytition ?

Oui !

Une version de démonstration de la v2.0, en bêta, est disponible ici : https://pytitiondemo.sionneau.net/

C’est uniquement disponible pour jouer avec, car la base de donnée sera effacée régulièrement au gré des mises à jour. Ne pas s’en servir pour une vraie pétition 😉

Comment peut-on t’aider ?

Vous pouvez m’aider de plein de manières différentes :

  • Essayez Pytition (https://pytitiondemo.sionneau.net) et faites-moi des retours (par mail ou via https://github.com/pytition/pytition/issues ) ;
  • Installez Pytition et dites-moi comment ça se passe ;
  • Contribuer à une documentation d’installation ;
  • Contribuer à une documentation d’utilisation ;
  • Traduire le logiciel dans une langue qui vous est familière ;
  • Rapportez des bogues, proposer des améliorations ;
  • Améliorez l’interface graphique ;
  • M’aider à rendre l’interface « accessible » ;
  • Contribuez avec du code pour corriger les bugs et rajouter des fonctionnalités.

J’ai aussi besoin d’aide pour financer le développement du projet, vous pouvez faire des dons ici :

 

Quelque chose à ajouter ?

Je suis ravi qu’on puisse tisser des liens entre le monde de l’anti-pub et celui du logiciel libre. Deux mondes a priori distincts mais qui en réalité s’entrecroisent de bien des manières.

Dans un deuxième temps, je profite de cet espace de parole qui m’est laissé pour passer un petit coup de gueule.

Je voudrais pointer du doigt ce qui m’apparaît comme une montée en puissance de la répression vis à vis des mouvements sociaux en général et du monde associatif en particulier. On voit de plus en plus d’associations comme Attac, ANV/Alternatiba ou RAP dernièrement (mais aussi entre autre des groupes informels féministes qui dénoncent les féminicides, le collectif Vérité pour Adama, …) qui subissent de sérieuses tentatives d’intimidation suite à leurs actions. Ce genre d’actions, il n’y a pas si longtemps, ne déclenchait pas tous ces mécanismes : interpellations, contrôles d’identité, gardes à vue, souvent suivis de procédures judiciaires. Il devient très compliqué de faire avancer les sujets de société sans se trouver rapidement confronté à la police et à la justice. Je trouve ça très dommageable pour notre démocratie. Celle-ci ne s’arrête en théorie pas au simple fait de voter pour l’exécutif et le législatif mais inclut aussi la participation directe des citoyen⋅ne⋅s : dans les échanges, le plaidoyer, la mobilisation, la sensibilisation, la co-construction d’alternatives et bien d’autres modes d’actions.

Je déplore la radicalisation de l’exécutif, qui s’isole de plus en plus de l’effervescence politique du reste de la population. J’aimerais que l’exécutif s’inspire beaucoup plus de ce qu’il se passe dans la société civile plutôt que de rester dans la confrontation. Pour finir sur une note plus positive, je pense que malgré les difficultés posées par le contexte répressif, il faut continuer d’œuvrer pour construire la société dans laquelle nous souhaitons vivre.

[Note de Framasoft : pour celles et ceux que le sujet intéresse, nous reparlerons spécifiquement de ce rétrécissement de l’espace démocratique et des formes de répressions envers les associations dans quelques semaines sur le Framablog.]

Framasoft : Merci Yann d’avoir répondu à nos questions, et d’avoir développé Pytitions ! Nous encourageons les lectrices et lecteurs du Framablog à soutenir Yann, que ça soit sous forme financière pour qu’il puisse se dégager du temps, en l’aidant sur le logiciel (documentation, développement, etc.), ou tout simplement en le remerciant et en l’encourageant à poursuivre ce travail.

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




Mobilizon : on lève le voile sur la bêta

Mobilizon sera une alternative aux événements et groupes Facebook. Suite au succès de son financement participatif, il est temps de vous donner un avant-goût de ce logiciel et de faire le point sur l’avancement du projet.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

An english version of this post is available here.

Une alternative très attendue aux événements Facebook

Au printemps 2019, nous avons lancé une collecte autour du projet Mobilizon, un logiciel libre qui permettra à des communautés de s’émanciper des événements, groupes et pages Facebook.

L’objectif de la collecte était de nous donner les moyens de produire Mobilizon et de savoir jusqu’où vous vouliez que nous nous engagions sur ce projet. Plus de mille personnes ont financé ce projet, avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir : visiblement, nous sommes nombreuses et nombreux à en avoir marre que Facebook soit l’outil qui enferme les événements rythmant nos vies !

Merci d’avoir fait de cette collecte un si beau succès !

Aujourd’hui, nous tenons une promesse faite lors de la collecte : partager avec vous l’avancement de Mobilizon. Nous avons décidé de vous le montrer le plus tôt possible, même si toutes les fonctionnalités promises ne sont pas encore développées. C’est le principe d’une version bêta : c’est encore brut, la peinture est fraîche, tout n’est pas (encore) présent… mais cela permet d’avoir une bonne idée de ce qui est réalisé et du travail qu’il reste à faire.

Une première version bêta qui pose les fondations

Le projet derrière Mobilizon, c’est d’avoir un logiciel libre qui permettra à des communautés d’héberger des espaces de publication pour y annoncer des évènements.

Voici tout ce que vous pouvez d’ores et déjà faire avec Mobilizon :

  • Créer un compte, grâce à un email et un mot de passe, et vous y connecter ;
  • Recevoir des notifications par email ;
  • Créer et gérer plusieurs identités sur un même compte ;
    • pour cloisonner vos événements ;
    • Chaque identité comprend un identifiant, un nom à afficher (nom, surnom, pseudonyme, etc.), un avatar et une description ;
  • Créer, modifier ou supprimer des événements ;
    • À partir de l’identité qui vous a servi à créer l’événement ;
    • Avec la possibilité de créer, conserver, modifier (et supprimer) des événements en mode brouillon ;
    • Avec la possibilité de valider (ou refuser) manuellement les demandes de participation ;
    • Que vous pouvez partager facilement sur vos réseaux ou par email ;
    • Que vous pouvez ajouter à votre agenda.
  • S’inscrire à un événement en choisissant une de vos identités ;
  • Signaler des contenus problématiques à la modération de l’instance[2] ;
  • Gérer les signalements de contenus problématiques.

dessin de Mobilizon par David Revoy
Mobilizon, illustré par David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Le principe d’avoir plusieurs identités est une idée qui nous enthousiasme beaucoup. Avec un seul et même compte, vous pouvez séparer divers aspects de votre vie sociale : utiliser une identité pour vos entraînements sportifs, une autre pour vos retrouvailles familiales, encore une autre pour vos actions militantes, etc.

C’est le genre d’outil que ne proposeront jamais des géants tels que Facebook, qui ont bien trop intérêt à ce que tous les aspects de votre vie sociale se fondent en un seul et unique profil publicitaire… Or, c’est toujours une joie de se rendre compte qu’en s’éloignant du modèle de ces plateformes, on arrive à imaginer des outils conviviaux et émancipateurs.

Mais le mieux, c’est encore que vous alliez voir par vous-même…

test.mobilizon.org, un site web pour découvrir le logiciel et ses fonctionnalités

Ne courez pas tout de suite y organiser la dernière fête avant la fin du monde, car test.mobilizon.org n’est qu’un site de démonstration ! Il vous permet d’y faire ce que vous voulez, de cliquer partout et n’importe où, en toute inconséquence vu que les comptes, événements, etc. y seront automatiquement effacés toutes les 48 heures.

Cliquez sur la capture d’écran pour aller sur le site de test de Mobilizon !

Mobilizon a été créé avec des designers pour concevoir l’expérience d’utilisation et l’interface graphique. C’est une des promesses que nous avions faite en dressant la feuille de route Contributopia : faire des outils pour et avec les gens, en incluant des professionel·les du design dans notre travail… Nous espérons que le résultat vous plaira !

Nous avons ouvert un espace de notre forum pour que vous puissiez exprimer vos retours sur le travail effectué. En revanche, nous ne pourrons probablement pas répondre aux demandes de fonctionnalités supplémentaires, car notre planning est déjà bien chargé !

Le chemin est tracé, et nous sommes Mobilizé·es !

Au cours des prochains mois, nous allons proposer des mises à jour régulières de cette version bêta et vous en présenter les avancées. Cela nous permettra d’avoir le temps d’observer et de recueillir vos réactions jusqu’à la première version pleinement fonctionnelle de Mobilizon, prévue pour le premier semestre 2020.

Les plus expert·es d’entre vous peuvent aller voir sous le capot et consulter ici le code source de Mobilizon. Cependant tant que nous n’avons pas finalisé l’aspect fédéré[1] de Mobilizon nous ne vous recommandons pas de l’installer sur votre serveur.

Parce que Mobilizon n’est pas (encore) fédéré[1], il n’est pas (encore) possible, par exemple, de s’inscrire à la Frama-fête publiée sur l’instance[2] Mobilizon de Framasoft, depuis un compte créé sur l’instance MobilizTaFac hébergée par votre université. La fédération, tout comme la possibilité de s’inscrire à un événement de manière anonyme, sont des fonctionnalités en cours de développement. Nous vous les présenterons lors d’un nouveau point sur le logiciel, courant décembre.

En décembre, avec la fédération, les roses des vents se multiplieront !
Illustration : David Revoy – Licence : CC-By 4.0

C’est au cours du 1er semestre 2020 que nous publierons la première version stable de Mobilizon. Nous y implémenterons des outils collaboratifs (les groupes, leur espace d’organisation, la messagerie) et des outils de modération. Nous échangerons alors avec les pionnier·es qui l’auront installée sur leurs serveurs (ou utilisée sur les serveurs des copains et copines), et nous travaillerons sur la documentation technique.

Le début d’une promesse tenue

Au sein de Framasoft, nous brûlons d’impatience, car nous avons envie de voir un maximum de monde s’émanciper des événements Facebook pour créer, grâce à Mobilizon, un groupe de plaidoyer citoyen ou une marche pour le climat.

Et pourtant, il va falloir se retenir encore un peu de fermer les groupes Facebook où s’organise une part de nos vies. En attendant, nous espérons que cette démonstration vous montrera le potentiel d’un outil qui contribuera à rassembler, à organiser et à mobilizer… celles et ceux qui changent le monde.

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy

 


Notes

[1] Fédération :Si mon email hébergé par mon université peut communiquer avec un gmail hébergé par Google, c’est qu’ils parlent le même langage, qu’ils sont fédérés. La fédération, ici, désigne le fait d’utiliser un langage commun (un « protocole ») afin de se mettre en réseau. L’intérêt est que les capacités ne dépendent plus d’un seul acteur (ex: Facebook pour WhatsApp ou Facebook, Google pour YouTube, etc.), mais bien d’une multitude d’entreprises, associations, collectifs, institutions ou même particuliers en ayant les compétences. Chacun héberge une partie des données du réseau (comptes, messages, images, vidéos, etc), mais peut donner accès à d’autres parties du réseau. Cela afin de rendre l’ensemble plus résilient, plus indépendant ou plus difficile à contrôler. Ainsi, dans le cas de Mobilizon, différentes instances[2] du logiciel (sur les serveurs d’une faculté, d’un collectif ou d’une association comme Framasoft, par exemple) pourront synchroniser entre elles les données rendues publiques (événements, messages, groupes, etc). Lire cet article pour plus d’informations .

 

[2] Instance : une instance est un hébergement d’un logiciel fédéré. Ce logiciel se trouve donc sur un serveur, sous la responsabilité des personnes qui administrent ce serveur (qui ont donc le rôle d’hébergeur). Chaque hébergeur peut choisir de connecter (ou non) son instance avec d’autres, et donc de donner (ou non) un accès à ses membres aux informations qui y sont diffusées. Par exemple, framapiaf.org, mamot.fr et miaou.drycat.fr sont trois instances du logiciel Mastodon (respectivement des hébergeurs Framasoft, La Quadrature du Net et Drycat). Ces 3 instances étant fédérées, leurs membres peuvent échanger entre eux. Dans le même ordre d’idée, deux – ou même deux cents – instances Mobilizon peuvent être connectées entre elles et partager des événements.




Les carnets de voyage de Contributopia

Voilà deux ans que, grâce à vos dons, nous contribuons à de nombreuses actions qui vont bien au delà de « Dégooglisons Internet ». Nous avons deux ans de découvertes, d’observations et de collaborations à vous raconter.

Voilà deux ans que nous explorons les mondes de Contributopia, alors pour mieux vous rendre compte de ce que représente cette expédition, nous vous invitons à découvrir nos carnets de voyage.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

 

Pourquoi dégoogliser ne suffit pas

Les membres de Framasoft consacrent beaucoup d’énergie et de ressources à héberger les services web alternatifs à ceux de Google et compagnie, présentés sous la bannière « Dégooglisons Internet ». Pourtant, à l’automne 2017, nous dévoilions notre nouvelle feuille de route nommée Contributopia avec une certitude : Dégoogliser ne suffit pas.

Le mot « dégoogliser » peut être trompeur. Le jour où la tête de Google tombe, il en poussera deux ou trois autres à sa place (les GAFAM, les NATU, les BATX). L’hydre qui se trouve en dessous, c’est le système qui place de telles entreprises dans des positions de domination toxique. C’est une mécanique où les géants du Web analysent nos comportements présents, pour en déduire et influencer nos comportements futurs, et monnayent cette influence aux publicitaires, spéculateurs et spin-doctors.

Comme chez l’ophtalmo : pouvez-vous lire qui sont les entreprises les plus puissantes au monde ?
– Extrait d’une diapo utilisée lors de nos conférences.

Face à ce système complexe, aussi appelé capitalisme de surveillance, il serait frustrant que notre réponse se résume à un simple « pareil que Google, mais en libre ». C’est de cette envie, de cette intuition qu’est née la feuille de route Contributopia. Après deux ans à en explorer les sentiers, nous en cernons mieux les objectifs :

  • Rêver le quotidien des mondes que nous désirons pour mieux passer à l’action ;
  • Aller vers d’autres communautés, partager ensemble et échanger sur leur raison d’être ;
  • Prendre soin des communs et des outils numériques qui permettent l’émancipation.

Formulé comme ça, il y a un effet « belles paroles bien abstraites » de ces formules à l’emporte-pièce qui n’engagent à rien. Or voilà deux ans que nous multiplions les partenariats et les actions bien concrètes qui s’inscrivent dans ce triple objectif. Nous avons hâte de vous présenter tout cela !

Contribuons ensemble vers cette Contributopia.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Les Carnets de Contributopia

Si Contributopia est notre cheminement dans la découverte de mondes plus ou moins connus… Alors nous voulons vous partager nos carnets de voyage !

Chaque semaine, d’octobre à décembre, nous publierons un à deux articles afin de faire le point sur l’ensemble des actions, des contributions et des réflexions que nous menons depuis deux ans. Ce que vous lirez dans cette série d’articles, nous l’avons mené tout en maintenant les 38 services de Dégooglisons Internet pour plus de 500 000 utilisateurices chaque mois.

Afin que vous puissiez retrouver facilement ces articles, nous avons créé une page spéciale sur le site contributopia.org, qui sera tenue à jour lors de chaque nouvelle publication. Sous la carte des explorations se trouve un sommaire qui vous dévoile :

  • La première version bêta de Mobilizon, notre alternative aux événements Facebook (présentée dès aujourd’hui sur ce blog) ;
  • Nos contributions autour d’un outil de pétitions ;
  • L’importance politique de l’outil Bénévalibre ;
  • Un exercice en failologie, pour mieux apprendre de nos échecs ;
  • Ce qu’observent les membres de L.A. Coalition ;
  • L’évolution de PeerTube, le logiciel pour s’émanciper de YouTube ;
  • Ce qui se cache derrière l’idée d’un Contri-bouton ;
  • Mon Parcours Collaboratif, pour faciliter l’usage d’outils libres ;
  • Le fait que la route reste longue (et nos envies nombreuses) ;
  • Où en est le MOOC CHATONS, sur les enjeux d’un Internet décentralisé ;
  • Nos envies d’archipellisation, et les ponts que nous avons déjà construits ;
  • La mutation des métacartes Dégooglisons ;
  • La fédération dans Mobilizon, pour ne plus dépendre de Facebook, Meetup… ou Framasoft ;
  • Notre travail pour une meilleure diffusion de nos actions à l’international ;
  • Une petite surprise de fin d’année !

Cliquez pour découvrir la page des Carnets de Contributopia, et sa carte qui s’adapte à votre écran…
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Cette série d’articles se distinguera, dans le Framablog, par une identité visuelle forte (nous remercions d’ailleurs David Revoy pour son travail sur les illustrations). Car ne vous y trompez pas, ces Carnets de Contributopia sont aussi une campagne de dons, un moyen de vous rappeler que Framasoft n’est financée que par votre générosité (et que Framasoft étant reconnue d’intérêt général, nous faire un don ouvre droit à des déductions d’impôts sur le revenu pour les contribuables français·es, ce même avec le prélèvement à la source !).

Cette année encore, nous ne voulons pas utiliser des techniques qui monopolisent votre attention ou manipulent vos émotions. Le principe de cette campagne est simple : cette série d’articles vous exposera ce que nous avons pu faire, grâce à vos dons. Si cela vous plaît, si vous voulez que nous poursuivions sur cette voie, merci de nous soutenir, en faisant un don (pour qui estime en avoir l’envie et les moyens) et en partageant notre appel à la générosité.

Faire un don pour soutenir les actions de Framasoft

Réaliser les utopies de la contribution

Hashtag TrueStory.

Nous avons mis longtemps à définir ces « autres » avec qui nous voulions échanger et partager. Nos services libres sont ouverts à tout le monde. En proposant Framaforms, nous nous attendions à ce qu’il soit plutôt utilisé par de petites structures militantes. Mais quand on voit que ce service est aussi utilisé par JCDecaux, on se dit qu’ils ont les moyens d’installer leurs propres outils libres pour construire leur monde de publicitaires sans nous, sans notre aide. Leur société de (sur-)consommation, ce n’est pas le monde dont nous rêvons.

En revanche, nous voyons bien que nous baignons dans les mêmes eaux que d’autres communautés, qui mouillent la chemise et prennent les choses en main pour changer le monde, à leur échelle. Mais comment nommer ces personnes qui œuvrent dans les milieux associatifs, culturels, de l’ESSE, dans les militances, l’éducation populaire ou la justice sociale ?

C’est pour ces personnes-là que nous prenons le temps de présenter du savoir, des outils, de l’accompagnement…
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Ce qui nous rapproche de ces communautés si différentes, c’est, à nos yeux, cet effort de contribution. Cette volonté de trouver comment, avec nos différences et nos différends, on peut œuvrer ensemble à concrétiser des idées communes. Ces personnes créent, chacune à leur échelle, une société non pas de consommation, mais de contribution.

Nous pensons que c’est le rôle de Framasoft pour les années à venir. Ne pas se cantonner à proposer des « services alternatifs à ceux des GAFAM », mais aller plus loin dans l’accompagnement de l’émancipation numérique. Nous voulons poursuivre un travail d’éducation populaire sur les enjeux d’Internet. Nous voulons aussi repenser nos outils et leurs usages en fonction des besoins réels des membres de cette société de contribution.

Nous suivrez-vous sur cette voie ?

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




DIFFUser bientôt vos articles dans le Fediverse ?

Chaque mois le Fediverse s’enrichit de nouveaux projets, probablement parce nous désirons toujours plus de maîtrise de notre vie numérique.

Décentralisé et fédéré, ce réseau en archipel s’articule autour de briques technologiques qui permettent à ses composantes diverses de communiquer. Au point qu’à chaque rumeur de projet nouveau dans le monde du Libre la question est vite posée de savoir s’il sera « fédéré » et donc relié à d’autres projets.

Si vous désirez approfondir vos connaissances au plan technique et au plan de la réflexion sur la fédération, vous trouverez matière à vous enrichir dans les deux mémoires de Nathalie, stagiaire chez Framasoft l’année dernière.

Aujourd’hui, alors que l’idée de publier sur un blog semble en perte de vitesse, apparaît un nouvel intérêt pour la publication d’articles sur des plateformes libres et fédérées, comme Plume et WriteFreely. Maîtriser ses publications sans traqueurs ni publicités parasites, sans avoir à se plier aux injonctions des GAFAM pour se connecter et publier, sans avoir à brader ses données personnelles pour avoir un espace numérique d’expression, tout en étant diffusé dans un réseau de confiance et pouvoir interagir avec lui, voilà dans quelle mouvance se situe le projet DIFFU auquel nous vous invitons à contribuer et que vous présente l’interviewé du jour…

Bonjour, peux-tu te présenter, ainsi que tes activités ?

image du profil mastodon de JP Morfin, une meute de chats en arrière-plan de sa photo noir et blanc en médaillon
Jean-Pierre et une partie de l’équipe de développement en arrière-plan

Bonjour Framasoft. Je m’appelle Jean-Pierre Morfin, on me connaît aussi sur les réseaux sociaux et dans le monde du libre sous le pseudo jpfox. J’ai 46 ans, je vis avec ma tribu familiale recomposée dans un village ardéchois où je pratique un peu (pas assez) le vélo. Informaticien depuis mon enfance, je suis membre du GULL G3L basé à Valence, où je gère avec d’autres l’activité C.H.A.T.O.N.S qui propose plusieurs services comme Mastodon, Diaspora, TT-Rss, boite mail, owncloud…

Passionnés par le libre, Michaël, un ami de longue date et moi-même avons créé en 2010 ce qui s’appelle désormais une Entreprise du Numérique Libre nommée Befox qui propose ses services aux TPE/PME dans la Drôme et l’Ardèche principalement : réalisation de sites à base de solutions libres comme Prestashop, Drupal ou autres, installation Dolibarr et interconnexion entre différents logiciels ou plateformes, hébergement applicatif, évolutions chez nos fidèles clients constituent l’essentiel de notre activité.

Et donc, vous voulez vous lancer dans le développement d’un nouveau logiciel fédéré, « Diffu ». Pourquoi ?

Tout d’abord nous avons ressenti tous les deux le besoin de retourner aux fondamentaux du Libre, et quoi de plus fondamental que le développement d’un logiciel ? Lors de nos divagations sur le Fédiverse, les remarques récurrentes qu’on y trouve ici ou contre l’utilisation de Medium, nous ont fait penser qu’une alternative pouvait être intéressante. De plus, l’ouverture d’un compte Medium se fait nécessairement avec un compte Facebook ou Google, c’est leur façon d’authentifier un utilisateur ; en bons adeptes de la dégafamisation, c’est une raison de plus de créer une alternative à cette plateforme.

Voyant le succès et tout le potentiel de la Fédération, il fallait que cette nouvelle solution entre de ce cadre-là, car recréer une plateforme unique de publication ou un nouveau moteur de blog avec une gestion interne des commentaires ne présente aucun intérêt. Avec Diffu, la publication d’un article sur une des instances du réseau sera poussée sur le Fédiverse et les commentaires et réactions faits sur Mastodon, Pleroma, Hubzilla ou autre… seront agrégés pour être restitués directement sur la page de l’article. J’invite les lecteurs à jeter un œil à la maquette que nous avons réalisée pour se faire une idée, elle n’est pas fonctionnelle car cela reste encore un projet.

deant un café, un article en cours de réalisation sur un bureua, avec un stylo rouge. On peut lire sous une photo "My article on Diffu"

Quant au nom Diffu, on lui trouve deux sens : abréviation de Diffusion, ce qui reste l’objectif d’une plateforme de publication d’articles. Et dans sa prononciation à l’anglaise Diff You qui peut se comprendre Differentiate yourself – Différenciez vous ! C’est un peu ce que l’on fait lorsqu’on livre son avis, son expertise, ses opinions ou ses pensées dans un article.

Il existe déjà des logiciels fédérés de publication, tels que Plume ou WriteFreely. Quelles différences entre Diffu et ces projets ?

Absolument, ces deux applications libres, elles aussi, proposent de nombreux points de similitude avec Diffu notamment dans l’interconnexion avec le Fediverse et la possibilité de réagir aux articles avec un simple compte compatible avec ActivityPub.

À ce jour 38 projets dans la Fédération, selon le site https://the-federation.info/#projects

La première différence est que pour Plume et WriteFreely, il est nécessaire de créer un compte sur l’instance que l’on souhaite utiliser. Avec Diffu, suivant les restrictions définies par l’administrateur⋅e de l’instance, il sera possible de créer un article juste en donnant son identifiant Mastodon par exemple (pas le mot de passe, hein, juste le pseudo et le nom de l’instance). L’auteur recevra un lien secret par message direct sur son compte Mastodon lui permettant d’accéder à son environnement de publication et de rédiger un nouvel article. Ce dernier sera associé à son auteur ou autrice, son profil Mastodon s’affichant en signature de l’article. Lors de la publication de l’article sur le Fediverse, l’autrice ou l’auteur sera mentionné⋅e dans le pouet qu’il n’aura plus qu’à repartager. L’adresse de la page de l’article sera utilisable sur les autres réseaux sociaux bien évidemment.

Nous voyons plus les instances Diffu comme des services proposés aux possesseurs de comptes ActivityPub. Comme on crée un Framadate ou un Framapad en deux clics, on pourra créer un article.

Les modes de modération et de workflow proposés par Diffu, la thématique choisie, les langues acceptées, la définition des règles de gestion permettront aux administrateurs de définir le public pouvant poster sur leur instance. Il sera par exemple possible de n’autoriser que les auteurs ayant un compte sur telle instance Mastodon, Diffu devenant un service complémentaire que pourrait proposer un CHATONS à ses utilisateurs Mastodon.

Ou, à l’opposé, un défenseur de la liberté d’expression peut laisser son instance Diffu open bar, au risque de voir son instance bloquée par d’autres acteurs du Fediverse, la régulation se faisant à plusieurs niveaux. Nous travaillons encore sur la définition des options de modération possibles, le but étant de laisser à l’administrateur⋅e toute la maîtrise des règles du jeu.

Les options retenues seront clairement explicites sur son instance pour que chacun⋅e puisse choisir la bonne plateforme qui lui convient le mieux. On imagine déjà faire un annuaire reprenant les règles de chaque instance pour aider les auteurs et autrices à trouver la plus appropriée à leur publication. Quitte à écrire sur plusieurs instances en fonction du sujet de l’article : « J’ai testé un nouveau vélo à assistance électrique » sur diffu.velo-zone.fr et « Comment installer LineageOS sur un Moto G4 » sur diffu.g3l.org.

L’autre différence avec Plume et WriteFreely est le langage retenu pour le développement de Diffu. Nous avons choisi PHP car il reste à nos yeux le plus simple à installer dans un environnement web et nous allons tout faire pour que ce soit vraiment le cas. Le locataire d’un simple hébergement mutualisé pourra installer Diffu : on dézippe le fichier de la dernière version, on envoie le tout par ftp sur le site, on accède à la page de configuration pour définir les options de son instance et ça fonctionne. Idem pour les mises à jour.

Nous avons déjà des contacts avec les dev de Plume qui sont tout aussi motivés que nous pour connecter nos plateformes et permettre une interaction entre les utilisateurs. C’est la magie du Fediverse !

Vous êtes en phase de crowdfunding pour le projet Diffu. À quoi va servir cet argent ?

Tout simplement à nous libérer du temps pour développer ce logiciel. On ne peut malheureusement pas se permettre de laisser en plan l’activité de Befox pendant des semaines car cela correspondrait à une absence complète de revenu pour nous deux. C’est donc notre société Befox qui va récolter le fruit de cette campagne et le transformer en rémunération. Nous avons visé au plus juste l’objectif de cette campagne de financement même si on sait que l’on va passer pas mal de temps en plus sur ce projet mais quand on aime…

Il faut aussi mentionner les 8 % de la campagne destinés à rétribuer la plateforme de financement Ulule.

Comment envisages-tu l’avenir de Diffu ?

Comme tout projet libre, après la publication des premières versions, la mise en ligne du code source, nous allons être à l’écoute des utilisateurs pour ajouter les fonctionnalités les plus attendues, garder la compatibilité avec le maximum d’acteurs du Fediverse. On sait que le protocole ActivityPub et ceux qui s’y rattachent peuvent avoir des interprétations différentes. On le voit pour les plateformes déjà en places comme Pleroma, Mastodon, Hubzilla, GNUSocial, PeerTube, PixelFed, WriteFreely et Plume… c’est une nécessité de collaborer avec les autres équipes de développement pour une meilleure expérience des utilisateurs.

Comme souvent ici, on te laisse le mot de la fin, pour poser LA question que tu aurais aimé qu’on te pose, et à laquelle tu aimerais répondre…

La question que l’on peut poser à tous les développeurs du Libre : quel éditeur de sources, Vim ou Emacs ?

Image : https://framalab.org/gknd-creator/

 

La réponse en ce qui me concerne, c’est Vim bien sûr.

Plus sérieusement, cela me permet d’évoquer ce que je trouve génial avec les Logiciels Libres, le fait qu’il y en a pour tous les goûts, que si un outil ne te convient pas, tu peux en utiliser un autre ou modifier/faire modifier celui qui existe pour l’adapter à tes attentes.

Alors même si Plume et WriteFreely existent et font très bien certaines choses, ils sont tous les deux différents et je suis convaincu que Diffu a sa place et viendra en complément de ceux-ci. J’ai hâte de pouvoir m’investir à fond dans ce projet.

Merci pour cette interview, à bientôt sur le Fediverse !

 




C’est quoi, l’interopérabilité, et pourquoi est-ce beau et bien ?

Protocole, HTTP, interopérabilité, ça vous parle ? Et normes, spécifications, RFC, ça va toujours ? Si vous avez besoin d’y voir un peu plus clair, l’article ci-dessous est un morceau de choix rédigé par Stéphane Bortzmeyer qui s’est efforcé de rendre accessibles ces notions fondamentales.


Protocoles

Le 21 mai 2019, soixante-neuf organisations, dont Framasoft, ont signé un appel à ce que soit imposé, éventuellement par la loi, un minimum d’interopérabilité pour les gros acteurs commerciaux du Web.

« Interopérabilité » est un joli mot, mais qui ne fait pas forcément partie du vocabulaire de tout le monde, et qui mérite donc d’être expliqué. On va donc parler d’interopérabilité, de protocoles, d’interfaces, de normes, et j’espère réussir à le faire tout en restant compréhensible (si vous êtes informaticien·ne professionnel·le, vous savez déjà tout cela ; mais l’appel des 69 organisations concerne tout le monde).

Le Web, ou en fait tout l’Internet, repose sur des protocoles de communication. Un protocole, c’est un ensemble de règles qu’il faut suivre si on veut communiquer. Le terme vient de la communication humaine, par exemple, lorsqu’on rencontre quelqu’un, on se serre la main, ou bien on se présente si l’autre ne vous connaît pas, etc. Chez les humains, le protocole n’est pas rigide (sauf en cas de réception par la reine d’Angleterre dans son palais, mais cela doit être rare chez les lectrices et lecteurs du Framablog). Si la personne avec qui vous communiquez ne respecte pas exactement le protocole, la communication peut tout de même avoir lieu, quitte à se dire que cette personne est bien impolie. Mais les logiciels ne fonctionnent pas comme des humains. Contrairement aux humains, ils n’ont pas de souplesse, les règles doivent être suivies exactement. Sur un réseau comme l’Internet, pour que deux logiciels puissent communiquer, chacun doit donc suivre exactement les mêmes règles, et c’est l’ensemble de ces règles qui fait un protocole.

Un exemple concret ? Sur le Web, pour que votre navigateur puisse afficher la page web désirée, il doit demander à un serveur web un ou plusieurs fichiers. La demande se fait obligatoirement en envoyant au serveur le mot GET (« donne », en anglais) suivi du nom du fichier, suivi du mot « HTTP/1.1 ». Si un navigateur web s’avisait d’envoyer le nom du fichier avant le mot GET, le serveur ne comprendrait rien, et renverrait plutôt un message d’erreur. En parlant d’erreurs, vous avez peut-être déjà rencontré le nombre 404 qui est simplement le code d’erreur qu’utilisent les logiciels qui parlent HTTP pour signaler que la page demandée n’existe pas. Ces codes numériques, conçus pour être utilisés entre logiciels, ont l’avantage sur les textes de ne pas être ambigus, et de ne pas dépendre d’une langue humaine particulière. Cet exemple décrit une toute petite partie du protocole nommé HTTP (pour Hypertext Transfer Protocol) qui est le plus utilisé sur le Web.

Il existe des protocoles bien plus complexes. Le point important est que, derrière votre écran, les logiciels communiquent entre eux en utilisant ces protocoles. Certains servent directement aux logiciels que vous utilisez (comme HTTP, qui permet à votre navigateur Web de communiquer avec le serveur qui détient les pages désirées), d’autres protocoles relèvent de l’infrastructure logicielle de l’Internet ; vos logiciels n’interagissent pas directement avec eux, mais ils sont indispensables.

Le protocole, ces règles de communication, sont indispensables dans un réseau comme l’Internet. Sans protocole, deux logiciels ne pourraient tout simplement pas communiquer, même si les câbles sont bien en place et les machines allumées. Sans protocole, les logiciels seraient dans la situation de deux humains, un Français ne parlant que français, et un Japonais ne parlant que japonais. Même si chacun a un téléphone et connaît le numéro de l’autre, aucune vraie communication ne pourra prendre place. Tout l’Internet repose donc sur cette notion de protocole.

Le protocole permet l’interopérabilité. L’interopérabilité est la capacité à communiquer de deux logiciels différents, issus d’équipes de développement différentes. Si une université bolivienne peut échanger avec une entreprise indienne, c’est parce que toutes les deux utilisent des protocoles communs.

Une prise électrique
Un exemple classique d’interopérabilité : la prise électrique. Kae [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
 

Seuls les protocoles ont besoin d’être communs : l’Internet n’oblige pas à utiliser les mêmes logiciels, ni à ce que les logiciels aient la même interface avec l’utilisateur. Si je prends l’exemple de deux logiciels qui parlent le protocole HTTP, le navigateur Mozilla Firefox (que vous êtes peut-être en train d’utiliser pour lire cet article) et le programme curl (utilisé surtout par les informaticiens pour des opérations techniques), ces deux logiciels ont des usages très différents, des interfaces avec l’utilisateur reposant sur des principes opposés, mais tous les deux parlent le même protocole HTTP. Le protocole, c’est ce qu’on parle avec les autres logiciels (l’interface avec l’utilisateur étant, elle, pour les humain·e·s.).

La distinction entre protocole et logiciel est cruciale. Si j’utilise le logiciel A parce que je le préfère et vous le logiciel B, tant que les deux logiciels parlent le même protocole, aucun problème, ce sera juste un choix individuel. Malgré leurs différences, notamment d’interface utilisateur, les deux logiciels pourront communiquer. Si, en revanche, chaque logiciel vient avec son propre protocole, il n’y aura pas de communication, comme dans l’exemple du Français et du Japonais plus haut.

Babel

Alors, est-ce que tous les logiciels utilisent des protocoles communs, permettant à tout le monde de communiquer avec bonheur ? Non, et ce n’est d’ailleurs pas obligatoire. L’Internet est un réseau à « permission facultative ». Contrairement aux anciennes tentatives de réseaux informatiques qui étaient contrôlés par les opérateurs téléphoniques, et qui décidaient de quels protocoles et quelles applications tourneraient sur leurs réseaux, sur l’Internet, vous pouvez inventer votre propre protocole, écrire les logiciels qui le parlent et les diffuser en espérant avoir du succès. C’est d’ailleurs ainsi qu’a été inventé le Web : Tim Berners-Lee (et Robert Cailliau) n’ont pas eu à demander la permission de qui que ce soit. Ils ont défini le protocole HTTP, ont écrit les applications et leur invention a connu le succès que l’on sait.

Cette liberté d’innovation sans permission est donc une bonne chose. Mais elle a aussi des inconvénients. Si chaque développeur ou développeuse d’applications invente son propre protocole, il n’y aura plus de communication ou, plus précisément, il n’y aura plus d’interopérabilité. Chaque utilisatrice et chaque utilisateur ne pourra plus communiquer qu’avec les gens ayant choisi le même logiciel. Certains services sur l’Internet bénéficient d’une bonne interopérabilité, le courrier électronique, par exemple. D’autres sont au contraire composés d’un ensemble de silos fermés, ne communiquant pas entre eux. C’est par exemple le cas des messageries instantanées. Chaque application a son propre protocole, les personnes utilisant WhatsApp ne peuvent pas échanger avec celles utilisant Telegram, qui ne peuvent pas communiquer avec celles qui préfèrent Signal ou Riot. Alors que l’Internet était conçu pour faciliter la communication, ces silos enferment au contraire leurs utilisateurs et utilisatrices dans un espace clos.

La situation est la même pour les réseaux sociaux commerciaux comme Facebook. Vous ne pouvez communiquer qu’avec les gens qui sont eux-mêmes sur Facebook. Les pratiques de la société qui gère ce réseau sont déplorables, par exemple en matière de captation et d’utilisation des données personnelles mais, quand on suggère aux personnes qui utilisent Facebook de quitter ce silo, la réponse la plus courante est « je ne peux pas, tou·te·s mes ami·e·s y sont, et je ne pourrais plus communiquer avec eux et elles si je partais ». Cet exemple illustre très bien les dangers des protocoles liés à une entreprise et, au contraire, l’importance de l’interopérabilité.

La tour de Babel, peinte par Pieter Bruegel
« La tour de Babel  », tableau de Pieter Bruegel l’ancien. Domaine public (Google Art Project)

 

Mais pourquoi existe-t-il plusieurs protocoles pour un même service ? Il y a différentes raisons. Certaines sont d’ordre technique. Je ne les développerai pas ici, ce n’est pas un article technique, mais les protocoles ne sont pas tous équivalents, il y a des raisons techniques objectives qui peuvent faire choisir un protocole plutôt qu’un autre. Et puis deux personnes différentes peuvent estimer qu’en fait deux services ne sont pas réellement identiques et méritent donc des protocoles séparés, même si tout le monde n’est pas d’accord.

Mais il peut aussi y avoir des raisons commerciales : l’entreprise en position dominante n’a aucune envie que des acteurs plus petits la concurrencent, et ne souhaite pas permettre à des nouveaux entrants d’arriver. Elle a donc une forte motivation à n’utiliser qu’un protocole qui lui est propre, que personne d’autre ne connaît.

Enfin, il peut aussi y avoir des raisons plus psychologiques, comme la conviction chez l·e·a créat·eur·rice d’un protocole que son protocole est bien meilleur que les autres.

Un exemple d’un succès récent en termes d’adoption d’un nouveau protocole est donné par le fédivers. Ce terme, contraction de « fédération » et « univers » (et parfois écrit « fédiverse » par anglicisme) regroupe tous les serveurs qui échangent entre eux par le protocole ActivityPub, que l’appel des soixante-neuf organisations mentionne comme exemple. ActivityPub permet d’échanger des messages très divers. Les logiciels Mastodon et Pleroma se servent d’ActivityPub pour envoyer de courts textes, ce qu’on nomme du micro-blogging (ce que fait Twitter). PeerTube utilise ActivityPub pour permettre de voir les nouvelles vidéos et les commenter. WriteFreely fait de même avec les textes que ce logiciel de blog permet de rédiger et diffuser. Et, demain, Mobilizon utilisera ActivityPub pour les informations sur les événements qu’il permettra d’organiser. Il s’agit d’un nouvel exemple de la distinction entre protocole et logiciel. Bien que beaucoup de gens appellent le fédivers  « Mastodon », c’est inexact. Mastodon n’est qu’un des logiciels qui permettent l’accès au fédivers.

Le terme d’ActivityPub n’est d’ailleurs pas idéal. Il y a en fait un ensemble de protocoles qui sont nécessaires pour communiquer au sein du fédivers. ActivityPub n’est que l’un d’entre eux, mais il a un peu donné son nom à l’ensemble.

Tous les logiciels de la mouvance des « réseaux sociaux décentralisés » n’utilisent pas ActivityPub. Par exemple,  Diaspora ne s’en sert pas et n’est donc pas interopérable avec les autres.

Appel

Revenons maintenant l’appel cité au début, Que demande-t-il ? Cet appel réclame que l’interopérabilité soit imposée aux GAFA, ces grosses entreprises capitalistes qui sont en position dominante dans la communication. Tous sont des silos fermés. Aucun moyen de commenter une vidéo YouTube si on a un compte PeerTube, de suivre les messages sur Twitter ou Facebook si on est sur le fédivers. Ces GAFA ne changeront pas spontanément : il faudra les y forcer.

Il ne s’agit que de la communication externe. Cet appel est modéré dans le sens où il ne demande pas aux GAFA de changer leur interface utilisateur, ni leur organisation interne, ni leurs algorithmes de sélection des messages, ni leurs pratiques en matière de gestion des données personnelles. Il s’agit uniquement d’obtenir qu’ils permettent l’interopérabilité avec des services concurrents, de façon à permettre une réelle liberté de choix par les utilisateurs. Un tel ajout est simple à implémenter pour ces entreprises commerciales, qui disposent de fonds abondants et de nombreu·ses-x programmeur·e·s compétent·e·s. Et il « ouvrirait » le champ des possibles. Il s’agit donc de défendre les intérêts des utilisateurs et utilisatrices. (Alors que le gouvernement, dans ses commentaires, n’a cité que les intérêts des GAFA, comme si ceux-ci étaient des espèces menacées qu’il fallait défendre.)

Qui commande ?

Mais au fait, qui décide des protocoles, qui les crée ? Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Il existe plein de protocoles différents et leurs origines sont variées. Parfois, ils sont rédigés, dans un texte qui décrit exactement ce que doivent faire les deux parties. C’est ce que l’on nomme une spécification. Mais parfois il n’y a pas vraiment de spécification, juste quelques vagues idées et un programme qui utilise ce protocole. Ainsi, le protocole BitTorrent, très utilisé pour l’échange de fichiers, et pour lequel il existe une très bonne interopérabilité, avec de nombreux logiciels, n’a pas fait l’objet d’une spécification complète. Rien n’y oblige développeurs et développeuses : l’Internet est « à permission facultative ». Dans de tels cas, celles et ceux qui voudraient créer un programme interopérable devront lire le code source (les instructions écrites par le ou la programmeur·e) ou analyser le trafic qui circule, pour essayer d’en déduire en quoi consiste le protocole (ce qu’on nomme la rétro-ingénierie). C’est évidemment plus long et plus difficile et il est donc très souhaitable, pour l’interopérabilité, qu’il existe une spécification écrite et correcte (il s’agit d’un exercice difficile, ce qui explique que certains protocoles n’en disposent pas).

Parfois, la spécification est adoptée formellement par un organisme dont le rôle est de développer et d’approuver des spécifications. C’est ce qu’on nomme la normalisation. Une spécification ainsi approuvée est une norme. L’intérêt d’une norme par rapport à une spécification ordinaire est qu’elle reflète a priori un consensus assez large d’une partie des acteurs, ce n’est plus un acte unilatéral. Les normes sont donc une bonne chose mais, rien n’étant parfait, leur développement est parfois laborieux et lent.

Manuscrit médiéval montrant un moine écrivant
Écrire des normes correctes et consensuelles peut être laborieux. Codex Bodmer – Frater Rufillus (wohl tätig im Weißenauer Skriptorium) [Public domain]
 

Toutes les normes ne se valent pas. Certaines sont publiquement disponibles (comme les normes importantes de l’infrastructure de l’Internet, les RFC – Request For Comments), d’autres réservées à ceux qui paient, ou à ceux qui sont membres d’un club fermé. Certaines normes sont développées de manière publique, où tout le monde a accès aux informations, d’autres sont créées derrière des portes soigneusement closes. Lorsque la norme est développée par une organisation ouverte à tous et toutes, selon des procédures publiques, et que le résultat est publiquement disponible, on parle souvent de normes ouvertes. Et, bien sûr, ces normes ouvertes sont préférables pour l’interopérabilité.

L’une des organisations de normalisation ouverte les plus connues est l’IETF (Internet Engineering Task Force, qui produit notamment la majorité des RFC). L’IETF a développé et gère la norme décrivant le protocole HTTP, le premier cité dans cet article. Mais d’autres organisations de normalisation existent comme le W3C (World-Wide Web Consortium) qui est notamment responsable de la norme ActivityPub.

Par exemple, pour le cas des messageries instantanées que j’avais citées, il y a bien une norme, portant le doux nom de XMPP (Extensible Messaging and Presence Protocol). Google l’utilisait, puis l’a abandonnée, jouant plutôt le jeu de la fermeture.

Difficultés

L’interopérabilité n’est évidemment pas une solution magique à tous les problèmes. On l’a dit, l’appel des soixante-neuf organisations est très modéré puisqu’il demande seulement une ouverture à des tiers. Si cette demande se traduisait par une loi obligeant à cette interopérabilité, tout ne serait pas résolu.

D’abord, il existe beaucoup de moyens pour respecter la lettre d’un protocole tout en violant son esprit. On le voit pour le courrier électronique où Gmail, en position dominante, impose régulièrement de nouvelles exigences aux serveurs de messagerie avec lesquels il daigne communiquer. Le courrier électronique repose, contrairement à la messagerie instantanée, sur des normes ouvertes, mais on peut respecter ces normes tout en ajoutant des règles. Ce bras de fer vise à empêcher les serveurs indépendants de communiquer avec Gmail. Si une loi suivant les préconisations de l’appel était adoptée, nul doute que les GAFA tenteraient ce genre de jeu, et qu’il faudrait un mécanisme de suivi de l’application de la loi.

Plus subtil, l’entreprise qui voudrait « tricher » avec les obligations d’interopérabilité peut aussi prétendre vouloir « améliorer » le protocole. On ajoute deux ou trois choses qui n’étaient pas dans la norme et on exerce alors une pression sur les autres organisations pour qu’elles aussi ajoutent ces fonctions. C’est un exercice que les navigateurs web ont beaucoup pratiqué, pour réduire la concurrence.

Jouer avec les normes est d’autant plus facile que certaines normes sont mal écrites, laissant trop de choses dans le vague (et c’est justement le cas d’ActivityPub). Écrire une norme est un exercice difficile. Si on laisse beaucoup de choix aux programmeuses et programmeurs qui créeront les logiciels, il y a des risques de casser l’interopérabilité, suite à des choix trop différents. Mais si on contraint ces programmeuses et programmeurs, en imposant des règles très précises pour tous les détails, on empêche les logiciels d’évoluer en réponse aux changements de l’Internet ou des usages. La normalisation reste donc un art difficile, pour lequel on n’a pas de méthode parfaite.

Conclusion

Voilà, désolé d’avoir été long, mais les concepts de protocole et d’interopérabilité sont peu enseignés, alors qu’ils sont cruciaux pour le fonctionnement de l’Internet et surtout pour la liberté des citoyen·ne·s qui l’utilisent. J’espère les avoir expliqués clairement, et vous avoir convaincu⋅e de l’importance de l’interopérabilité. Pensez à soutenir l’appel des soixante-neuf organisations !

Après

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