On cause beaucoup de Mastodon en ce moment. Notre dessinateur Gee s’est dit que c’était le moment pour vous en parler, pas spécialement d’un point de vue technique, mais juste pour vous dire ce qui lui plaisait dans ce réseau.
Avec le rachat de Twitter par Elon Musk, une nouvelle vague d’arrivées a atteint Mastodon, le réseau de microblog libre et décentralisé.
Je ne doute pas que la vague retombera, à commencer parce que Mastodon ne vous manipule pas pour vous rendre accro à son utilisation.
Ça fait partie des choses que j’aime sur Mastodon : un design qui tente de désamorcer les comportements malveillants.
Je pourrais aussi vous parler des CW, les « content warning » (avertissement sur le contenu) qui permettent de masquer un message en précisant juste le sujet en clair.
On peut également flouter les images par défaut, ce qui permet par exemple de commenter une image de film contenant un spoiler en prévenant les gens avant un clic malencontreux.
« Not Safe For Work », ne regardez pas ça au boulot.
Alors bien sûr, ce design qui se veut apaisé (et apaisant) implique aussi de se défaire de certains réflexes de Twitter…
En même temps, qu’est-ce que c’est reposant, même à un niveau purement technique.
Même les liens sur lesquels vous cliquez ne vous pistent pas, encore une fois contrairement à Twitter.
Après, Mastodon n’est pas non plus un havre de paix et de tranquillité. Le côté microblog encourage toujours les prises de bec et la recherche de la bonne réplique ciselée, au lieu des débats sereins. Même avec une limite de caractères plus haute que sur Twitter.
On fait également souvent le reproche qu’il n’y a pas d’outil intégré pour faire un « thread », un fil de message continu (il faut répondre manuellement à chaque message).
Pour finir, je ne peux m’empêcher de vous parler de ce que je préfère dans Mastodon, sans aucun doute la killer feature la plus disruptive #StartUpNation, face à laquelle Twitter ne pourra jamais rivaliser : les messages s’y appellent des « pouets ».
Oui je sais, la dernière version remplace « pouet ! » par « publier », mais ça restera toujours des pouets dans mon cœur. #TeamPouet
–sommateurs. Les données des consommateurs. Cet épisode inédit des Connards Professionnels™ vous invite à découvrir le monde merveilleux du capitalisme de surveillance, où l’on donne ce qui nous est le plus personnel : notre attention.
Le retour des Connards Pros™ avec des épisodes inédits !
Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
Le Guide du Connard Professionnel est un livre-BD scénarisé par Pouhiou et dessiné par Gee, placé dans le domaine public volontaire. Nos comparses viennent d’ailleurs de le publier en un joli livre, qui se télécharge librement mais s’achète aussi dans sa version papier si vous voulez soutenir les auteurs.
Pour réussir à votre tour dans la profession de consultant en connardise, vous pouvez :
lire les 22 épisodes du guide (dont 4 inédits) sur le site connard.pro, remis à neuf pour l’occasion ;
réserver votre soirée sur une des deux représentations d’une version remaster deluxe edition de leur masterclass « Capter et exploiter l’attention des cons– »
En attendant, voici un nouvel épisode du guide, intitulé :
20. Capter l’attention des cons
Ce que l’on apprend lorsqu’on expérimente sur les humains, c’est que ce n’est qu’une première étape. C’est un marchepied, en quelque sorte, qui vous le mettra à l’étrier d’une aventure à laquelle tout Connard dans l’âme se doit d’aspirer : manipuler une culture, une civilisation entière.
Pour ce faire, il vous faudra œuvrer à façonner un système si complexe, si ingénieux, si empreint de tout votre art que tout apprenti connard ne pourra que vous considérer comme un Maître.
Le chef-d’œuvre qui m’a pris tout mon temps, durant ces quelques années de hiatus, a été nommé par des spécialistes le : « Capitalisme de surveillance ».
Il va de soi qu’un système aussi raffiné se doit d’être exhaustif et intègre. Il est ici nullement question de créer une mécanique dont moi et les miens serions exempts. Cela indiquerait aux rouages de ce système qu’ils pourraient s’en extraire, rendant tout le système caduc dès le départ.
Or, si l’on pense en bon connard, un bon système est un système où l’on se soustrait à toutes les contraintes, souffrances et autre pénibilités… en les faisant ruisseler sur autrui. Dans un système de type capitaliste, l’astuce consiste à être riche, pour se nicher au sommet de la pyramide, quitte à chier sur les épaules de ceux d’en dessous.
Ainsi, seuls les pauvres seront affectés par la pénibilité du système. Or, ne nous le cachons pas, ils l’ont bien mérité : ils (ou, pour user de leur argot vernaculaire : « iels ») sont pauvres.
Tout comme il est inutile de deviner qui de la poule ou de l’œuf… Ne perdons pas de temps à savoir qui était là en premier : la pauvreté ou la bêtise. Le fait est qu’il s’agit d’un cycle naturel où l’un entraîne l’autre.
C’est en profitant de ce cercle vertueux que j’ai pu imposer à la populace mes termes, mon vocabulaire. C’est ainsi grâce à ma connardise que l’on parle communément de « données personnelles ».
C’est intéressant d’appeler nos comportements des données. Cela fait penser à quelque chose que l’on donne. Comme si le commun des consommateurs avaient le pouvoir. Le choix. La responsabilité de leurs données.
En tant que connards professionnels, il ne faut jamais laisser nos cibles penser avec leurs propres mots : cela pourrait leur donner des idées. Ainsi, n’oublions pas que dans « données personnelles », j’ai ajouté le mot personnelles.
Voilà que le consommateur moyen va se dire que ses comportements sont ses données à lui, presque sa propriété. D’un simple mot, j’isole cette personne, je le condamne à être un individu, séparé des autres individus, ne pouvant plus s’allier à eux pour remettre collectivement en cause mon beau système.
Or, si l’on regarde d’un pur point de vue technique, le web a été fait par et pour des animaux sociaux, et n’existe que pour faire du lien. Aucun de vos comportements ne concerne que vous, ils racontent votre rapport aux autres, aux choses, au monde.
De votre date de naissance (qui indique ce que faisaient, ce jour-là, les corps qui vous ont fait naître), à votre géolocalisation (qui indique qui vous allez voir, avec qui, et souvent pourquoi), vos comportements sont quasi exclusivement sociaux.
De ces comportements sociaux, on peut très vite déduire un portrait assez fin de chaque personne dans sa relation aux autres. Dans le jargon, on appelle cela un « graphe social ».
Vous avez certainement, sur votre smartphone, des applications qui ont accès à votre carnet de contact (elles vous remercient, d’ailleurs). Ce qui signifie que si vous tournez autour d’un nouveau crush, cette application saura quand vous rentrez son 06 dans vos contacts.
Si, par ailleurs, j’ai accès à un autre fichier qui note la géolocalisation de téléphones identifiés par leur numéro, je peux donc savoir qui tourne autour de qui, quand est-ce que les téléphones passent la nuit ensemble et donc à quel moment leur faire afficher des publicités pour des sous-vêtements affriolants, des préservatifs ou des pilules du lendemain.
C’est bien là l’avantage des comportements sociaux : on peut noter ce que l’on veut sur qui l’on veut, car même les personnes qui n’ont pas de smartphone ou de comptes sur les plateformes ont des amis qui en ont.
Notez bien cependant qu’il est important de respecter la loi comme un connard. Ainsi, puisqu’en France il est interdit de ficher les opinions politiques ou orientations sexuelles, je m’interdis scrupuleusement de ficher quiconque comme « votant à droite » ou comme « pédé comme un sac à dos ». Par contre, j’ai beaucoup de monde dans les cases « souhaite la réduction de ces charges qui nous étouffent » et « intéressé par la culture gaie ».
Ne désespérons pas : la route est longue mais la loi change, et même un pas après l’autre : on avance. Récemment, le fichage des opinions politiques et orientations sexuelles a été autorisé à la police française. C’est là un signe d’espoir qui nous permet de rêver.
Il faut dire que, à l’instar de la délation et de la collaboration, le fichage est une tradition culturelle forte. Pour le web, cela a commencé avec les cookies. Le principe de base était simple : des nerds et des gratte-papier faisaient des sites web qui attiraient l’attention de gens, qui consommaient les contenus.
Les premiers connards du web s’en sont rendu compte, et sont allé à la source. Tiens petit nerd qui se dit webmestre, tu veux des belles statistiques pour savoir ce qui est lu ? Voici Bastards Analytics, tu le mets sur ton site web et ça ajoute juste un petit cookie. Et toi, gratte-papier, tu veux des jolies polices d’écriture pour ton blog ? Alors utilise mes Bastards fonts, y’aura juste un cookie, mais ce sera tellement joli.
Et puis… puis ça a explosé. Les cookies de mes copains installaient mes cookies, les pisteurs se partageaient des données entre eux… Ah, ça ! Quand on a pas connu on ne se rend pas compte, mais aux débuts du web marchand, y’en avait partout, c’était beau, c’était… hyper communautaire, en fait.
Et c’est là qu’est arrivée la tuile. LE truc que nos lobbyistes n’ont pas pu dérailler.
RGPD.
Il fallait demander aux consommateurs leur consentement, comme s’ils savaient ce qui est bon pour eux ! Alors oui, bien sûr, au début c’était la tuile, mais cela fut en fait un bon défi de connard. Comment faire en sorte que les consommateurs détestent le consentement au moins autant que nous ?
On peut vous dire que pour arriver à un tel résultat, y’a des années d’expérience et (oui, osons le mot) du talent.
Frama.space : du cloud pour renforcer le pouvoir d’agir des associations
Framasoft souhaite mettre à disposition, d’ici 3 ans, jusqu’à 10 000 espaces « cloud » collaboratifs, gratuitement, à destination des associations et collectifs militants. 40 Go et de nombreuses fonctionnalités à se partager entre 50 comptes sur un espace de type https://monasso.frama.space. Voici pourquoi nous nous lançons ce défi technique, humain, et politique.
« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.
des visioconférences (jusqu’à une dizaine de personnes)
l’édition en ligne ou à plusieurs, de documents bureautiques (textes, feuilles de calculs, présentations, etc.)
Tout ça gratuitement.
Mais derrière cet objectif technique déjà ambitieux (et coûteux : soutenez-nous !), un autre, politique, l’est plus encore : nous voulons accroître les capacités de collaboration numérique libre de ces structures, afin de renforcer leur pouvoir d’agir.
Pour comprendre la volonté de Framasoft d’investir autant d’énergie dans un projet aussi ambitieux, il va nous falloir prendre un peu de hauteur et de recul historique sur la question associative.
D’abord, nous affirmons sans ambage que nous constatons, ces dernières années, une volonté politique de l’État de… dépolitiser le champ associatif.
Les gouvernements et les institutions n’apprécient que moyennement de voir des militant·es associatifs leur réclamer des comptes, les bousculer pour lever le voile et élever la voix sur les indignités et injustices. Qu’il s’agisse d’environnement, de logement, de santé publique, etc., les associations sont, depuis la loi de 1901, l’un des fers de lance des luttes sociales.
Afin de leur ôter cette épine du pied, nous assistons depuis des années à une forme de « ringardisation » du statut associatif par les grandes institutions publiques. Pour cela, elles n’ont pas hésité à supprimer les emplois aidés, à réduire le montant des subventions ou à les orienter sur du financement « d’investissement » en finançant des appels à projets spécifiques, plutôt que du financement de « fonctionnement » (participant par exemple aux salaires ou aux frais associatifs, et donc plus pérenne). Le discours ambiant et médiatique décrédibilise peu à peu le rôle et les actions des associations, actrices du contrat social.
À cela s’ajoute un mouvement de « marchandisation » des associations. Elles sont d’une part de plus en plus mises en concurrence, notamment par la communication qui devient un élément central — parfois au détriment des actions associatives — pour pouvoir être plus visibles et compenser la perte de subventions par des crowdfundings, collectes, et campagnes. Framasoft n’y échappe d’ailleurs pas.
D’autre part, le courant de l’entrepreneuriat social engage les associations à copier les modèles de l’entreprise privée jugée plus efficace, plus moderne, plus innovante…
Enfin, de belles saloperies et machineries comme les « contrats à impacts » transforment les associations en blanchisseuses sociales des entreprises du CAC40.
Mais en plus d’assécher les capacités d’action des associations, il y a maintenant la volonté de les faire « marcher au pas », par exemple en les contraignants à signer des textes tels que le « Contrat d’Engagement Républicain » , aux contours flous et sujet à interprétation, dans lequel les associations doivent s’engager formellement à respecter les lois et les symboles de la République sous peine de se voir refuser toute subvention publique. Cela place de facto toute structure qui, par exemple, refuserait de chanter la Marseillaise, dans une situation où elle pourrait perdre des financements publics.
Pour résumer, on peut dire qu’il y a une volonté à ne garder que les « bonnes » associations : celles qui se tiennent sages et ne viennent pas questionner les pouvoirs en place. Une espèce de paternalisme, si ce n’est de caporalisation, de la part de l’État envers le mouvement associatif. Pas de souci pour les collectivités à soutenir un club de bridge, ou une association sportive d’aïkido. Mais pour les associations d’aide aux migrants, ou pour une association de défense de l’environnement, l’État semble avoir acté que toute structure qui ne va pas dans le sens de sa politique est nécessairement contre lui, et devient potentiellement ennemie.
Dépolitisation, caporalisation, ringardisation, marchandisation sont autant d’attaques contre les libertés associatives, et donc contre leur capacité à faire évoluer le contrat social et la société toute entière.
Or, nous pensons que dans un monde où les crises se multiplient, et sont amenées à se multiplier encore, l’importance des actions de la société civile, et notamment des associations, permettent d’envisager des réponses réellement innovantes et résilientes, adaptées aux terrains, proches des citoyen⋅nes, impliquées, et éloignées des propositions tièdes et centralisées portées par les gouvernements (ex. : numéros verts, Grenelle de MachinTruc, …) ou le système capitaliste (ex : greenwashing, start-ups « à impact », tech « for good »…).
Framasoft est une association, fière de son statut, et souhaite soutenir — autant que possible et dans la mesure de ses moyens — les associations les plus fragiles, mais dont la société a radicalement besoin.
Mais… quel rapport avec le numérique ?
Aujourd’hui, les pratiques collaboratives numériques peuvent permettre aux associations d’être plus réactives et efficaces, en actionnant des réseaux et des personnes plus rapidement, en facilitant l’implication de bénévoles ou de partenaires, en permettant de mieux répartir les pouvoirs et la responsabilité, en encourageant la transparence, etc.
Cependant, ces collectifs et associations sont parfois à la peine avec les outils numériques, qui permettent parfois (ce n’est pas systématique) d’accroître leur pouvoir d’agir. Notamment, elles disposent rarement de parcours de formation adaptés à leurs besoins ou leurs moyens et elles doivent composer avec des niveaux de compétences numériques très différents dans leurs structures.
Par ailleurs, même lorsqu’elles ont des connaissances et des facilités avec le numérique, elles sont poussées à utiliser des outils toxiques (ex : Google Workspace, Microsoft 365, Zoom, etc) dont elles n’ont pas réellement la maîtrise, et qui, surtout, sont rarement en cohérence avec leurs objectifs et leurs valeurs.
Formulé autrement : les associations sont souvent consommatrices d’un numérique pensé par des acteurs qui veulent créer un monde dont les associations ne veulent pas. La réciproque est aussi vraie : le monde rêvé par ces acteurs du numérique ne veut pas d’associations puissantes, politiques, proposant d’autres façons de vivre ensemble.
En effet ces entreprises (notamment les GAFAM) ont une vision du monde très libérale où l’argent compte plus que la générosité. Où le succès compte plus que la solidarité. Où un profit immédiat vaut plus qu’un impact à long terme sur la planète.
Leurs outils comportent donc, dans leur code même, une partie de cette vision du monde. Et les utiliser revient non seulement à renforcer le pouvoir de ces entreprises et à leur donner raison, mais empêche aussi le développement de pratiques adaptées à des structures dont l’objet n’est pas la croissance ou le profit.
Les associations sont passées en « mode survie »
Les associations sont coincées entre ces entreprises qui les utilisent pour blanchir leurs pratiques, et l’État qui a rompu la confiance avec elles en jouant du bâton et de la carotte. Elles sont passées en mode « survie ».
Nous pensons qu’il s’agit réel danger pour une société bien portante et une démocratie vivante. Mais c’est peut-être, aussi, une occasion d’agir.
Alors : on fait quoi ?
On prend un risque.
On tire la langue au diable. On lui montre qu’on existe, qu’on est là, et qu’on est prêt à en découdre, comme à se lever et se casser. Qu’il ne nous impressionne pas. Qu’on est libres.
Pour Framasoft, à notre modeste hauteur, cela se traduit par un acte qu’on pense politique, une « recette » en quatre étapes : 1) rendre visibles les alternatives ; 2) faciliter leur découverte et leur usage ; 3) aider à faire émerger des communautés ; 4) participer avec humilité à leur donner du pouvoir, de la confiance, et soyons dingues – un peu d’espoir.
Et c’est ce que nous comptons faire dans les prochaines années avec notre feuille de route « Collectivisons Internet / Convivialisons Internet » (COIN COIN pour les intimes), qui s’adresse particulièrement aux associations et collectifs militants.
Dans ce cadre, si on applique la recette ci-dessus à une offre d’espace « cloud associatifs » cela pourrait se traduire comme suit.
1) Rendre visible Nextcloud
Le service Frama.space repose sur la suite collaborative libre Nextcloud. Il existe plusieurs logiciels libres pour faire du « cloud », mais aucun ne nous semble aussi riche en fonctionnalités et en promesses que celui-ci.
Partage de fichiers, agendas, gestion de tâches et de projets, documentations collectives, visio-conférences, … Nextcloud, même s’il est perfectible, permet de répondre immédiatement à un grand nombre de besoins.
Cependant, si vous prenez au hasard 100 personnes dans la rue, il est peu probable que plus de 5 (et encore, on est sympas) vous disent avoir déjà entendu parler de ce logiciel. D’ailleurs, si vous faites partie des 95%, rassurez-vous, la suite est justement faite pour vous 🙂
1️⃣ Donc, notre première mission sera de faire connaître et d’accroître la notoriété de Nextcloud aux personnes francophones. Par des conférences de sensibilisation, des webinaires, des ateliers, la production de vidéos et tutoriels ou… en offrant la possibilité d’utiliser gracieusement Nextcloud via le service Frama.space.
Mais, dès qu’il s’agit d’avoir accès à un espace collaboratif dédié (pour une entreprise, une association, une collectivité), il faut être prêt à payer. Et c’est bien normal : libre ne veut pas dire gratuit, et ces hébergeurs ont des coûts (humains, matériels et financiers) qu’ils doivent bien répercuter.
Cependant, le problème financier reste entier pour les petites associations ou les collectifs militants que nous évoquions en début d’article. Certaines ont un budget inférieur à 1 000€ par an pour leurs actions, et ne peuvent tout simplement pas consacrer 10% ou 20% de ce budget à un outil numérique. Donc : elles utilisent massivement Microsoft 365 ou Google Workspace (souvent en version limitée gratuite, ou à prix cassé).
À Framasoft, nous sommes convaincu⋅es qu’il faut faire comprendre le prix des choses, mais nous sommes aussi convaincu⋅es que le prix ne doit pas être la barrière qui empêche les gens de s’émanciper. Nous avons donc mis en place sur Frama.space une infrastructure technique capable d’accueillir gratuitement des milliers d’espaces Nextcloud (type https://mon-asso.frama.space), à destination des structures qui n’ont pas ou peu de moyens.
Un autre frein identifié au passage au libre, est la relative difficulté technique à mettre en place et à maintenir une solution logicielle. Avec Frama.space, la gestion technique de votre espace est déléguée à Framasoft. Nous nous chargeons de fournir une instance à jour, correctement sécurisée, directement utilisable, et à la maintenir dans le temps.
Ces espaces Frama.space comportent la plupart des outils nécessaires pour collaborer entre membres, y compris une suite bureautique collaborative en ligne (par défaut Collabora Online), mais le référent du Frama.space pourra lui préférer OnlyOffice).
Pour préserver le modèle économique des entreprises ou CHATONS déjà en place, nous limiterons cette offre à des structures ayant des besoins mesurés (50 comptes max, 40Go d’espace tous utilisateurs confondus) et des moyens modestes (c’est-à-dire n’étant pas prêtes à franchir le cap de payer chez un autre hébergeur).
2️⃣ C’est pourquoi notre seconde mission est de mettre gratuitement à disposition, sur les trois ans à venir, jusqu’à 10 000 espaces Nextcloud, pour des petites structures associatives ou militantes.
3) Aider à faire émerger une communauté Nextcloud francophone
Nextcloud est un logiciel complet, mais parfois complexe (« Comment synchroniser mon agenda sur mon smartphone ? », « Comment faire pour partager mon budget prévisionnel en ligne ? » « Comment rédiger collaborativement le compte-rendu de notre Assemblée Générale ? »).
Il existe de nombreuses documentations en ligne. Mais encore faut-il les trouver, et pouvoir se les approprier. Par ailleurs, certaines personnes sont à l’aise avec les documentations écrites, d’autres avec les courtes vidéos explicatives, d’autres encore préfèrent être accompagnées par des formations.
Or, aujourd’hui, alors que Nextcloud compte plus de 40 millions d’utilisateur⋅ices dans le monde, il n’existe pas réellement de communauté francophone autour de ce logiciel. Il existe certes des espaces plutôt réservés aux personnes administrant techniquement le logiciel, mais reconnaissons qu’il ne s’agit pas vraiment de lieux d’entraide destinés aux personnes découvrant le logiciel.
Par ailleurs, chaque hébergeur et utilisateur a tendance à exploiter ses espaces Nextcloud « dans son coin ». Nous voudrions d’une part qu’ils puissent se connaître, partager leurs expériences (leurs difficultés comme leurs succès). Mais nous souhaitons aussi pouvoir réfléchir collectivement aux apports que cette communauté souhaiterait apporter au logiciel. Par exemple, pouvoir importer une liste d’utilisateurs sans passer par la ligne de commande, améliorer l’onboarding, c’est-à-dire l’accueil des nouveaux utilisateurs, etc. Discuter ensemble de nos besoins communs nous permettra d’améliorer ensemble Nextcloud pour qu’il corresponde mieux à nos attentes et nos pratiques.
3️⃣ C’est pourquoi notre troisième mission consistera à faire émerger une communauté Nextcloud francophone, notamment par le biais d’un forum d’entraide.
4) Utiliser Nextcloud comme outil d’empuissantement
Vous l’aurez compris, notre objectif est ici avant tout politique : fournir des planches, des marteaux et des clous à des associations, afin qu’elles puissent construire et développer leurs projets, leurs envies, sans être liées à des entreprises dont la vision du monde est aux antipodes de la leur.
Le fait que Frama.space ne s’adresse qu’à des petites associations ou collectifs permet aussi d’envisager d’autres possibilités intéressantes.
Par exemple, cela nous permet d’envisager de mettre les associations en contact entre elles beaucoup plus facilement, puisqu’elles utiliseront le même outil (petite parenthèse technique : Nextcloud est un outil fédéré, c’est à dire qu’il est simple de « connecter » entre eux différents espaces associatifs pour partager par exemple des dossiers privés pour une action ou des communiqués de presse en communs).
Cela nous permet aussi de faire circuler de l’information relative aux questions associatives très facilement (par exemple en informant sur un nouveau texte de loi, sur une mobilisation spécifique, etc.).
Par ailleurs, en interrogeant régulièrement les utilisatrices et utilisateurs par le biais de courtes enquêtes, Framasoft pourra développer, ou faire développer, de nouvelles fonctionnalités à Frama.space. Par exemple, en intégrant une application de gestion de membres et cotisations, ou une application de comptabilité basique. Notre volonté est de faire en sorte que l’outil corresponde au mieux aux besoins réels et exprimés des personnes qui utilisent Frama.space.
Enfin, nous souhaitons permettre à chacune et chacun d’améliorer sa capacité à collaborer et à coopérer. Nous savons qu’il faudra, pour cela, faire évoluer certaines pratiques. Par exemple, il existe de nombreux outils de prises de notes collaboratives (de Google Docs à Framapad, en passant par… Nextcloud), mais combien d’associations expérimentent au quotidien une situation de réunion à distance ? Une transparence radicale de l’information ? Une gestion de projet en ligne ?
Nous pensons que Frama.space peut être une formidable porte d’entrée pour réfléchir (avec d’autres ?) à ces changements de pratiques, sans pour autant laisser sur le carreau celles et ceux qui ont du mal avec les outils numériques.
L’objectif étant ici de faire en sorte que Frama.space ne soit pas qu’un simple outil numérique de plus, mais plutôt le support à l’expérimentation de pratiques numériques nouvelles, qui pourront se refléter dans des changements au sein de l’organisation (par exemple en finir avec Le-président-tout-puissant, ou La-secrétaire-qu’on-cantonne-aux-compte-rendus).
4️⃣ Notre quatrième mission (le boss de fin de jeu) sera donc d’accompagner les bénéficiaires de Frama.space vers un accroissement de leurs compétences coopératives, afin d’amplifier leur pouvoir d’agir.
Une autre façon de comprendre Frama.space, c’est que Framasoft ne souhaite pas prendre une part du gâteau du « marché de Nextcloud » : nous ne vendons rien, et nous souhaitons au contraire que l’écosystème autour de Nextcloud se développe et se renforce, y compris pour les structures commerciales.
Nous essayons plutôt d’agrandir la taille du gâteau, pour que chaque entreprise ou chaton puisse en avoir une part raisonnable.
Nous pensons en effet qu’en augmentant significativement la base d’utilisateur⋅ices de Nextcloud à l’aide de Frama.space, qu’en travaillant les aspects entraide et accompagnement, et qu’en favorisant les développements et améliorations du logiciel, cela crédibilisera cette solution libre par rapport à celles de Microsoft ou de Google.
Comment ça va se passer ?
Bien. Enfin… on l’espère !
Tout d’abord, si vous êtes un ou une responsable d’une association correspondant aux critères de sélection, vous pouvez d’ores et déjà candidater. Nous prévoyons d’ouvrir quelques centaines d’espaces d’ici fin décembre 2022, puis nous ferons une pause de 3 mois environ dans les inscriptions afin de stabiliser les choses, récolter les premiers retours, et apporter les corrections et améliorations les plus demandées.
Si la candidature de votre association correspond aux critères mais n’est pas validée, pas de souci : nous rouvrirons les inscriptions régulièrement à partir du second trimestre 2023 afin d’atteindre 10 000 espaces actifs fin 2025. Inscrivez-vous à la Newsletter Framaspace pour avoir les dates des périodes d’inscription.
Si vous êtes une entreprise, une école, une mairie, une « grosse » association, alors nous sommes sincèrement désolé·es, mais nous ne pouvons vous accueillir sur Frama.space. Cependant, comme nous vous le disions, de nombreuses autres alternatives à Frama.space existent ! Voir notamment cette réponse dans notre Foire Aux Questions qui pourra vous orienter.
Une fois votre candidature validée (le processus étant manuel, cela peut prendre jusqu’à 30 jours !), vous recevrez un lien vous permettant de vous identifier sur votre espace (de type https://mon-asso.frama.space) et commencer à utiliser votre espace Frama.space. Vos membres pourront s’y inscrire (par lien d’invitation) ou vous pourrez directement créer leurs comptes.
Mais…
À ce stade, nous ne pouvons que vous féliciter de nous avoir lu jusqu’ici. 🙂 Cependant, nous imaginons qu’il vous reste pas mal de questionnements.
« Quelles sont les applications utilisables ? », « Comment protégez-vous mes données et mes utilisateurs ? », « Comment personnaliser mon espace ? », « Frama.space, c’est centraliser des données, mais je croyais que Framasoft voulait décentraliser Internet ?! »
Nous avons tenté de répondre à ces questions (et bien d’autres) dans notre Foire Aux Questions. N’hésitez pas à aller y jeter un œil. Si vous n’y trouvez pas votre réponse, posez nous vos questions en commentaire de cet article, nous tâcherons d’y répondre de notre mieux.
Nous pensons qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.
Frama.space est, techniquement, le projet le plus ambitieux mené par Framasoft à ce jour.
C’est aussi le plus coûteux. C’est aussi une des raisons qui explique que, contrairement aux services « Dégooglisons Internet » type Framapad ou Framadate, nous ne pouvons pas l’ouvrir sans limite ni discrimination.
Offrir jusqu’à 10 000 espaces, pouvant accueillir jusqu’à 500 000 personnes, c’est clairement une prise de risque financière pour Framasoft.
Surtout quand nous voulons les offrir, justement, à un public désargenté. Ajoutez à cela des crises sociales, énergétiques, économiques qui ont déjà mis plus que le pied dans la porte, et vous comprendrez que ce projet se fera très probablement à perte pour Framasoft. Nous rappelons que 98% des ressources de l’association provient de vos dons.
À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 166 200 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.
Nous avons donc besoin de votre soutien pour réussir le pari Frama.space, mais nous pensons sincèrement qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.
Si vous le pensez aussi, que vous bénéficiez d’un Frama.space ou pas, nous avons donc besoin de votre soutien, dès maintenant, afin de nous « aider à aider » ces milliers de structures non seulement à quitter les GAFAM et à mettre leurs outils en cohérence avec leurs valeurs, mais aussi et surtout à mieux agir, à mieux coopérer, à mieux créer du lien. À mieux faire société, ensemble.
Nous vous avons proposé déjà trois articles qui font écho à l’actualité récente autour de Mastodon en voici un 4e, celui d’Aral Balkan, traduit pour vous par Framalang. Le héraut du SmallWeb insiste avec humour sur un point en effet crucial : la taille géante de certaines instances, due à la conception technique même du Fédiverse, risque d’être problématique…
(Ou « Pourquoi chaque pouet est aussi potentiellement une attaque par déni de service »)
par Aral Balkan
Stephen est un gros poisson dans une petite mare (oui, j’en ai d’autres en réserve).
Attention : le Fédivers est sur le point de frire. Stephen Fry(re) bien sûr.
À la suite du récent rachat de Twitter par un milliardaire proto-fasciste immature, des gens ont fui1 vers le Fédiverse2. Parmi eux, certains avaient, au moins sur Twitter, des millions de followers, comme Greta Thunberg et, plus récemment, Stephen Fry3
— Eh bien, c’est sûrement une bonne chose, non ? Tout le monde va parler du Fédiverse, de la décentralisation, et peut-être même de ce Small Web dont tu parles tout le temps, Aral, non ?
Eh bien, oui et non… Trop de bonnes choses tue les bonnes choses. Et, dans le Fédiverse actuel, les bonnes choses seraient les « comptes populaires ». En fait, cela pourrait bien être fatal (pour les instances Mastodon). Je vais essayer de détailler dans cet article ce que je veux dire en prenant mon propre compte comme exemple.
Comment tuer un Mastodon(te)
(indice : en étant bavard quand vous êtes populaire)
Inutile de le préciser, je ne suis pas une célébrité.
Et pourtant, dans le Fédiverse, je me retrouve dans une situation un peu unique dans laquelle :
1. J’ai ma propre instance Mastodon, juste pour moi4.
2. Je suis suivi par pas mal de personnes. Plus de 22 000, pour être précis5.
3. Je suis beaucoup de personnes, et j’aime vraiment avoir des conversations avec elles (je pense que c’est ce que les jeunes branchés appellent « l’engagement »).
Malheureusement, la combinaison de ces trois facteurs a créé la tempête parfaite6, ce qui veut dire que désormais, chaque fois que je poste quelque chose qui suscite beaucoup d’engagement, je finis par conduire une attaque par déni de service contre moi-même.
Mastodon : déni de service en tant que service ?
Hier, c’était mon anniversaire.
Et, bien sûr, j’ai posté sur ce sujet depuis mon instance Mastodon.
J’ai eu pas mal de réponses. Et, pour être poli, j’ai commencé à répondre à tout le monde avec des messages de remerciements. Oh non, mon pauvre naïf ! Qu’est-ce que tu n’avais pas fait ?
Je vais laisser mon ami Hugo Gameiro, qui gère masto.host et héberge mon instance, expliquer ce qui s’est passé ensuite7 :
Vous avez beaucoup d’engagement et cela sollicite beaucoup Sidekiq8.
Prenez, par exemple, votre message d’anniversaire. En plus de demander à des milliers de serveurs de traiter votre demande de réalisation (on appelle ça des « jobs ») pour propager votre message (pour 23 000 abonnés, disons 3 000 serveurs), votre serveur au moment de la création de votre message va créer 3 000 jobs Sidekiq. Et comme votre Sidekiq n’a que 12 threads, traiter 3 000 jobs va prendre du temps puisqu’il ne peut en traiter que 12 à la fois.
Ensuite, pour chaque réponse à ce message, 3 000 jobs sont à nouveau créés, afin que vos abonnés puissent voir votre réponse sans avoir à changer de serveur ou aller sur votre profil. Et puis, si vous répondez à votre réponse, 3 000 jobs supplémentaires sont créés, etc.
Si vous répondez aux 100 réponses que vous avez reçues en 10 minutes (en supposant que l’estimation de mon nombre de serveurs est correcte), vous créez 300 000 jobs Sidekiq. C’est pour cela que ça bouchonne.
Mais qu’est-ce que tout cela veut bien dire, si on omet le jargon technique ? Eh bien, que je parlais trop en étant trop connu de tous.
Voilà à quoi ressemble un embouteillage sur Mastodon.
Alors, quelle est la solution ?
Eh bien, il n’y a qu’une chose à faire quand vous vous retrouvez dans ce pétrin : agrandir votre instance Mastodon9. Le problème ? Ça commence à coûter cher.
Avant la dernière migration de Twitter10, je payais environ 280 €/an (un peu plus de 20 €/mois) pour mon instance Mastodon grâce à un partenariat que j’avais avec Hugo depuis le début. Cette semaine, je l’ai agrandie avec un plan à 50 €/mois. Et ce n’est toujours pas assez, comme le montre mon message d’anniversaire, donc Hugo a gentiment suggéré de me proposer un plan sur mesure.
Le problème n’est pas résolu pour autant, il est juste repoussé (sauf si cet article énerve tout le monde, bien sûr).
Heureusement, comme j’ai ma propre instance, la seule personne pénalisée par cette dépense supplémentaire, c’est moi. Mais que se serait-il passé si j’étais sur une instance publique gérée par quelqu’un d’autre ?
Tu déconnes, Elon ?
Si Elon Musk voulait détruire mastodon.social, l’instance phare de Mastodon, il lui suffirait de s’y inscrire11.
Heureusement, Elon n’est pas assez intelligent pour ça.
Je plaisante, bien sûr… Eugen bannirait très probablement son compte dès qu’il le verrait. Mais ça illustre un problème : Elon est facile à bannir. Stephen Fry l’est beaucoup moins. C’est un véritable trésor national pour nous tous. On ne le bannit pas comme ça.
Et pourtant, Stephen peut lui aussi (bien qu’involontairement) coûter très cher aux gens qui gèrent des instances Mastodon, simplement en rejoignant l’une d’elles12..
La solution, pour Stephen tout du moins, est simple : il devrait gérer sa propre instance personnelle.
Ou demander à quelqu’un de le faire à sa place, comme je le fais13.
Gérer sa propre instance apporterait aussi à Stephen un autre bénéfice : il serait automatiquement vérifié. Après tout, si vous parlez à, mettons, @stephen@social.stephenfry.com, vous pouvez être certain que c’est bien lui parce que vous savez qu’il gère son propre domaine.
Des instances personnelles à la rescousse
Mon discours au Parlement européen sur les problèmes avec la Big Tech et les approches différentes que proposent Mastodon, le Fédiverse, et le Small Web.
— Attends, je suis largué… Tu ne viens pas de dire que les instances personnelles étaient une partie du problème ?
— Oui et non : elles le sont et elles ne devraient pas l’être.
Si ActivityPub (le protocole) et Mastodon (un serveur qui adhère à ce protocole) avaient été conçus pour promouvoir la décentralisation, alors avoir plus d’instances sur le réseau ne serait pas un problème. En fait, ça serait même le signe d’un réseau décentralisé sain.
Cependant, ActivityPub et Mastodon ont été conçus de la même manière que la Big Tech / Big Web : pour encourager des services qui hébergent le plus d’utilisateurs14 possible.
Cette architecture est à la fois complexe (ce qui la rend difficile et coûteuse à héberger) et très efficace pour la Big Tech (où les choses sont centralisées et passent à l’échelle verticalement, et où le but est d’avoir / de contrôler / d’exploiter autant d’utilisateurs que possible).
Dans la Big Tech, le coût initial pour passer à l’échelle est subventionné par de nombreuses sociétés de capital-risque (des personnes riches investissant dans de nouveaux business d’extraction et d’exploitation – ce que la Silicon Valley appelle des startups – dans le but de devenir encore plus riches), et ça mène à ces silos géants15 que sont aujourd’hui les Google, Facebook et Twitter.
Toutefois, à la différence de la Big Tech, le but avoué du Fédiverse est de décentraliser les choses, pas de les centraliser. Du coup, comment pourrions-nous atteindre l’opposé des buts de la Big Tech en adoptant leurs architectures de base ?
Lorsque vous adoptez le design de quelque chose, vous héritez aussi des critères de réussite qui ont mené à ce design. Si ces critères de réussite ne correspondent pas à vos objectifs, vous avez un sacré problème.
Pour le dire plus simplement :
N’adoptez pas les critères de réussite de la Big Tech, sinon vous deviendrez la Big Tech.
Ce n’est pas la taille qui compte
Aujourd’hui, il y a une équivalence entre la taille de mastodon.social (l’instance gérée par Eugen) et le succès de Mastodon (le logiciel créé par Eugen). C’est très dangereux. Plus mastodon.social grossit, plus il va ressembler à Twitter.
Je peux presque vous entendre crier : « Mais Aral, c’est fédéré ! Au moins, il n’y a pas de verrous sur mastodon.social ! ».
Et c’est vrai.
Vous savez ce qui est également fédéré ? L’e-mail.
Avez-vous déjà entendu parler de cette petite et vieille instance appelée Gmail ? (Ou peut-être les termes « adopte, étend, étouffe » ?)
Savez-vous ce qui arrive à votre e-mail si Google déclare (à tort ou à raison) que vous êtes un spam ? Personne ne voit votre e-mail.
Vous savez ce qui se passe si mastodon.social bloque votre instance ? Des centaines de milliers de gens (bientôt des millions ?) ne pourront plus décider d’afficher ou non vos messages.
Que se passe-t-il quand votre instance bloque mastodon.social ? Absolument rien.
C’est un réel déséquilibre des puissances.
La décentralisation commence par soi-même
Mastodon est non-lucratif, et je n’ai pas de raison de croire qu’Eugen n’ait pas les meilleures intentions du monde. Et pourtant, la décentralisation commence par se décentraliser soi-même.
C’est dans l’intérêt du Fédiverse que mastodon.social donne le bon exemple en limitant sa taille volontairement.
En fait, ça devrait même être intégré au logiciel. Les instances Mastodon devraient être empêchées de croître au-delà d’une certaine taille. Les instances qui sont déjà trop grosses devraient avoir des moyens d’encourager les gens à migrer vers des plus petites.
En tant que communauté, nous devrions aborder les grandes instances comme des tumeurs : comment pouvons-nous les détruire pour qu’elles ne soient plus un danger pour l’organisme ?
En poussant ce raisonnement, on arrive au concept du Small Web, un internet où nous possédons et maîtrisons notre propre lieu (ou nos propres lieux).
Cliquez sur l’image pour voir une vidéo (sur aperi.tube, une instance PeerTube) : Aral expliquant ce qu’est pour lui le Small Web
Small is beautiful! (Petit c’est mieux) (octobre 2022) : Qu’est-ce que le Small Web et pourquoi en avons-nous besoin ?
Cui-cui ?
Je ne dis pas que les protocoles et applications actuels du Fédiverse peuvent, vont, ou même devraient évoluer vers le Small Web16. Pour l’instant, le Fédiverse est un palliatif inestimable qui fournit un lieu plus sûr que les fosses septiques centralisées de la Silicon Valley.
Le temps que durera le palliatif dépendra de notre capacité à résister à la centralisation. Les designs des serveurs et des protocoles qui incitent au passage à l’échelle vertical ne rendront pas forcément cette tâche plus facile. Et pourtant, il y a des moyens de pression sociaux que nous pouvons utiliser pour contrer leurs effets.
La dernière chose qu’on souhaite, c’est qu’une poignée de Zuckerbergs au petit pied gouvernent le Fédiverse. Ou pire encore, que vous deveniez vous-même un de ces mini-Zuckerbergs.
J’aime le fait que le Fédiverse existe. Et j’ai le plus grand respect pour les efforts gargantuesques qui lui sont dédiés. Mais je suis aussi très préoccupé par les décisions prises en termes d’architecture qui incitent à la centralisation, et non à la décentralisation. Je nous implore de reconnaître cela, pour limiter les risques du mieux que nous le pouvons, pour nous efforcer d’apprendre de nos erreurs, et pour faire encore mieux demain.
Gens d’ActivityPub et de Mastodon :
Considérez-moi comme votre canari dans une mine de charbon…
« Cui-cui ! Cui-cui ! Cui-cui ! »
*Si vous souhaitez soutenir la Small Technology Foundation, qui est sans but lucratif : https://small-tech.org/fund-us
Mastodon, fin de (première) partie ?
L’afflux récent d’inscriptions sur Mastodon, sous forme de vague inédite de cette ampleur, a largement retenti dans les médias.
Beaucoup se sont penchés sur le réseau social fédéré avec une curiosité nouvelle, pour expliquer (parfois de façon maladroite ou fragmentaire, mais c’est habituel17) de quoi il retourne aux nombreux « migrants » qui ont réagi vivement à la prise de contrôle de l’oiseau bleu par E. Musk.
L’événement, car c’en est un tant les réseaux sociaux sont devenus un enjeu crucial, a suscité, et c’est tout à fait sain, beaucoup d’interrogations, mais souvent selon une seule perspective : « Vous venez de l’oiseau qui a du plomb dans l’aile, que pouvez-vous trouver et que devez-vous craindre en vous inscrivant sur Mastodon ? ». Et en effet cela répond plus ou moins à une forte demande.
Cependant il nous est apparu intéressant d’adopter le temps d’un article une sorte de contre-champ : « que peuvent espérer ou redouter les mastonautes (ben oui on peut les appeler ainsi) avec de massives nouvelles arrivées ? »
C’est ce que propose d’analyser Hugh Rundle dans le billet que nous avons traduit ci-dessous. Il connaît bien Mastodon, dont il administre une instance depuis plusieurs années. Sa position pourra sembler exagérément pessimiste, car il estime qu’il faudra faire le deuil de Mastodon tel qu’on l’a connu depuis les débuts du Fédiverse. Qui sait ce qu’apporteront les prochains mois à la fédération de serveurs minuscules ou obèses qui par leur interconnexion fédèrent des êtres humains, hors de portée du capitalisme de surveillance ? Comme d’habitude, les commentaires sont ouverts et modérés.
Cette fois, on dirait bien que c’est arrivé. Alors que les sites d’information commençaient à annoncer qu’Elon Musk avait finalisé l’achat de Twitter, l’éternel septembre du Fediverse – espéré et redouté en proportions égales par sa base d’utilisateurs existante – a commencé.
Nous avons déjà connu des vagues de nouvelles arrivées – la plus récente au début de cette année, lorsque Musk a annoncé son offre d’achat – mais ce qui se passe depuis une semaine est différent, tant par son ampleur que par sa nature. Il est clair qu’une partie non négligeable des utilisateurs de Twitter choisissent de se désinscrire en masse, et beaucoup ont été dirigés vers Mastodon, le logiciel le plus célèbre et le plus peuplé du Fediverse.
Deux types de fêtes
À Hobart, à la fin des années 1990, il y avait essentiellement trois boîtes de nuit. Elles étaient toutes plus ou moins louches, plus ou moins bruyantes, mais les gens y allaient parce que c’était là que les autres se trouvaient – pour s’amuser avec leurs amis, pour attirer l’attention, pour affirmer leur statut social, etc. Ça, c’est Twitter.
J’avais un ami qui vivait dans une colocation au coin d’un de ces clubs populaires. Il organisait des fêtes à la maison les week-ends. De petites fêtes, juste entre amis avec quelques amis d’amis. Ça, c’est le Fediverse.
Déferlement
Pour ceux d’entre nous qui utilisent Mastodon depuis un certain temps (j’ai lancé mon propre serveur Mastodon il y a 4 ans), cette semaine a été accablante. J’ai pensé à des métaphores pour essayer de comprendre pourquoi j’ai trouvé cela si bouleversant.
C’est censé être ce que nous voulions, non ? Pourtant, ça ressemble à autre chose. Comme lorsque vous êtes assis dans un wagon tranquille, discutant doucement avec quelques amis, et qu’une bande entière de supporters de football monte à la gare de Jolimont après la défaite de leur équipe. Ils n’ont pas l’habitude de prendre le train et ne connaissent pas le protocole. Ils supposent que tout le monde dans le train était au match ou du moins suit le football. Ils se pressent aux portes et se plaignent de la configuration des sièges.
Ce n’est pas entièrement la faute des personnes de Twitter. On leur a appris à se comporter d’une certaine manière. À courir après les likes et les retweets. À se mettre en valeur. À performer. Tout ce genre de choses est une malédiction pour la plupart des personnes qui étaient sur Mastodon il y a une semaine. C’est en partie la raison pour laquelle beaucoup sont venues à Mastodon en premier lieu, il y a quelques années.
Cela signifie qu’il s’est produit un choc culturel toute la semaine, pendant qu’une énorme déferlement de tweetos descendait sur Mastodon par vagues de plus en plus importantes chaque jour. Pour les utilisateurs de Twitter, c’est comme un nouveau monde déroutant, tandis qu’ils font le deuil de leur ancienne vie sur Twitter. Ils se qualifient de « réfugiés », mais pour les habitants de Mastodon, c’est comme si un bus rempli de touristes de Kontiki venait d’arriver, et qu’ils se baladaient en hurlant et en se plaignant de ne pas savoir comment commander le service d’étage. Nous aussi, nous regrettons le monde que nous sommes en train de perdre.
Viral
Samedi soir, j’ai publié un billet expliquant deux ou trois choses sur l’histoire de Mastodon concernant la gestion des nœuds toxiques sur le réseau. Puis tout s’est emballé. À 22 heures, j’avais verrouillé mon compte pour exiger que les abonnés soient approuvés et mis en sourdine tout le fil de discussion que j’avais moi-même créé.
Avant novembre 2022, les utilisateurs de Mastodon avaient l’habitude de dire pour blaguer que vous étiez « devenu viral » si vous obteniez plus de 5 repouets ou étoiles sur un post.
Au cours d’une semaine moyenne, une ou deux personnes pouvaient suivre mon compte. Souvent, personne ne le faisait. Et voilà que mon message recevait des centaines d’interactions. Des milliers. J’ai reçu plus de 250 demandes de suivi depuis lors – tellement que je ne peux pas supporter de les regarder, et je n’ai aucun critère pour juger qui accepter ou rejeter. En début de semaine, je me suis rendu compte que certaines personnes avaient crossposté mon billet sur le Mastodon sur Twitter. Quelqu’un d’autre en avait publié une capture d’écran sur Twitter.
Personne n’a pensé à me demander si je le voulais.
Pour les utilisateurs d’applications d’entreprise comme Twitter ou Instagram, cela peut ressembler à de la vantardise. Le but n’est-il pas de « devenir viral » et d’obtenir un grand nombre d’abonnés ? Mais pour moi, c’était autre chose. J’ai eu du mal à comprendre ce que je ressentais, ou à trouver le mot pour le décrire. J’ai finalement réalisé lundi que le mot que je cherchais était “traumatique”.
En octobre, j’avais des contacts réguliers avec une douzaine de personnes par semaine sur Mastodon, sur 4 ou 5 serveurs différents. Soudain, le fait que des centaines de personnes demandent (ou non) à se joindre à ces conversations sans s’être acclimatées aux normes sociales a été ressenti comme une violation, une agression. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir ressenti cela.
Le fait que tous les administrateurs de serveurs Mastodon que je connais, y compris moi-même, aient été soudainement confrontés à un déluge de nouveaux inscrits, de demandes d’inscription (s’ils n’avaient pas d’inscription ouverte), puis aux inévitables surcharges des serveurs, n’a probablement pas aidé. Aus.social a cédé sous la pression, se mettant hors ligne pendant plusieurs heures alors que l’administrateur essayait désespérément de reconfigurer les choses et de mettre à niveau le matériel. Chinwag a fermé temporairement les inscriptions. Même l’instance phare mastodon.social publiait des messages plusieurs heures après leur envoi, les messages étant créés plus vite qu’ils ne pouvaient être envoyés. J’observais nerveusement le stockage des fichiers sur ausglam.space en me demandant si j’arriverais à la fin du week-end avant que le disque dur ne soit plein, et je commençais à rédiger de nouvelles règles et conditions d’utilisation pour le serveur afin de rendre explicites des choses que « tout le monde savait » implicitement parce que nous pouvions auparavant acculturer les gens un par un.
Consentement
Jusqu’à cette semaine, je n’avais pas vraiment compris – vraiment apprécié – à quel point les systèmes de publication des entreprises orientent le comportement des gens. Twitter encourage une attitude très extractive de la part de tous ceux qu’il touche. Les personnes qui ont republié mes articles sur Mastodon sur Twitter n’ont pas pensé à me demander si j’étais d’accord pour qu’ils le fassent. Les bibliothécaires qui s’interrogent bruyamment sur la manière dont ce “nouvel” environnement de médias sociaux pourrait être systématiquement archivé n’ont demandé à personne s’ils souhaitaient que leurs pouets sur le Fediverse soient capturés et stockés par les institutions gouvernementales. Les universitaires qui réfléchissent avec enthousiasme à la manière de reproduire leurs projets de recherche sur Twitter sur un nouveau corpus de pouets “Mastodon” n’ont pas pensé à se demander si nous voulions être étudiés par eux. Les personnes créant, publiant et demandant des listes publiques de noms d’utilisateurs Mastodon pour certaines catégories de personnes (journalistes, universitaires dans un domaine particulier, activistes climatiques…) ne semblaient pas avoir vérifié si certaines de ces personnes se sentait en sécurité pour figurer sur une liste publique. Ils ne semblent pas avoir pris en compte le fait qu’il existe des noms pour le type de personne qui établit des listes afin que d’autres puissent surveiller leurs communications. Et ce ne sont pas des noms sympathiques.
Les outils, les protocoles et la culture du Fediverse ont été construits par des féministes trans et queer. Ces personnes avaient déjà commencé à se sentir mises à l’écart de leur propre projet quand des personnes comme moi ont commencé à y apparaître il y a quelques années. Ce n’est pas la première fois que les utilisateurs de Fediverse ont dû faire face à un changement d’état significatif et à un sentiment de perte. Néanmoins, les principes de base ont été maintenus jusqu’à présent : la culture et les systèmes techniques ont été délibérément conçus sur des principes de consentement, d’organisation et de sécurité communautaires. Bien qu’il y ait certainement des améliorations à apporter à Mastodon en termes d’outils de modération et de contrôle plus fin des publications, elles sont en général nettement supérieures à l’expérience de Twitter. Il n’est guère surprenant que les personnes qui ont été la cible de trolls fascistes pendant la plus grande partie de leur vie aient mis en place des protections contre une attention non désirée lorsqu’elles ont créé une nouvelle boîte à outils pour médias sociaux. Ce sont ces mêmes outils et paramètres qui donnent beaucoup plus d’autonomie aux utilisateurs qui, selon les experts, rendent Mastodon « trop compliqué ».
Si les personnes qui ont construit le Fediverse cherchaient généralement à protéger les utilisateurs, les plateformes d’entreprise comme Twitter cherchent à contrôler leurs utilisateurs. Twitter revendique la juridiction sur tout le « contenu » de la plateforme. Les plaintes les plus vives à ce sujet proviennent de personnes qui veulent publier des choses horribles et qui sont tristes lorsque la bureaucratie de Twitter finit, parfois, par leur dire qu’elles n’y sont pas autorisées. Le vrai problème de cet arrangement, cependant, est qu’il modifie ce que les gens pensent du consentement et du contrôle de nos propres voix. Les universitaires et les publicitaires qui souhaitent étudier les propos, les graphiques sociaux et les données démographiques des utilisateurs de Twitter n’ont qu’à demander la permission à la société Twitter. Ils peuvent prétendre que, légalement, Twitter a le droit de faire ce qu’il veut de ces données et que, éthiquement, les utilisateurs ont donné leur accord pour que ces données soient utilisées de quelque manière que ce soit lorsqu’ils ont coché la case « J’accepte » des conditions de service. Il s’agit bien sûr d’une idiotie complète (les Condition Générales d’Utilisation sont impénétrables, changent sur un coup de tête, et le déséquilibre des pouvoirs est énorme), mais c’est pratique. Les chercheurs se convainquent donc qu’ils y croient, ou bien ils s’en fichent tout simplement.
Cette attitude a évolué avec le nouvel afflux. On proclame haut et fort que les avertissements de contenu sont de la censure, que les fonctionnalités qui ont été délibérément non mises en œuvre pour des raisons de sécurité de la communauté sont « manquantes » ou « cassées », et que les serveurs gérés par des bénévoles qui contrôlent qui ils autorisent et dans quelles conditions sont « excluants ». Aucune considération n’est donnée à la raison pour laquelle les normes et les possibilités de Mastodon et du Fediverse plus large existent, et si l’acteur contre lequel elles sont conçues pour se protéger pourrait être vous. Les gens de Twitter croient au même fantasme de « place publique » que la personne qu’ils sont censés fuir. Comme les Européens du quatorzième siècle, ils apportent la contagion avec eux lorsqu’ils fuient.
Anarchisme
L’ironie de tout cela est que mon « fil de discussion viral » était largement consacré à la nature anarchiste et consensuelle du Fediverse. Beaucoup de nouveaux arrivants ont vu très vite que les administrateurs de leurs serveurs se battaient héroïquement pour que tout fonctionne, et ont donné de l’argent ou se sont inscrits sur un compte Patreon pour s’assurer que les serveurs puissent continuer à fonctionner ou être mis à niveau pour faire face à la charge. Les administrateurs se sont envoyés des messages de soutien privés et publics, partageant des conseils et des sentiments de solidarité. Les anciens partageaient des #FediTips pour aider à orienter les comportements dans une direction positive. Il s’agit, bien sûr, d’entraide.
C’est très excitant de voir autant de personnes expérimenter des outils sociaux en ligne anarchistes. Les personnes intelligentes qui ont conçu ActivityPub et d’autres protocoles et outils Fediverse l’ont fait de manière à échapper à la prédation monopolistique. Le logiciel est universellement libre et open source, mais les protocoles et les normes sont également ouverts et extensibles. Alors que beaucoup seront heureux d’essayer de reproduire ce qu’ils connaissent de Twitter – une sorte de combinaison de LinkedIn et d’Instagram, avec les 4chan et #auspol toujours menaçants – d’autres exploreront de nouvelles façons de communiquer et de collaborer. Nous sommes, après tout, des créatures sociales. Je suis surpris de constater que je suis devenu un contributeur régulier (comme dans « contributeur au code » 😲) à Bookwyrm, un outil de lecture sociale (pensez à GoodReads) construit sur le protocole ActivityPub utilisé par Mastodon. Ce n’est qu’une des nombreuses applications et idées dans le Fediverse élargi. D’autres viendront, qui ne seront plus simplement des « X pour Fedi » mais plutôt de toutes nouvelles idées. Alors qu’il existe déjà des services commerciaux utilisant des systèmes basés sur ActivityPub, une grande partie des nouvelles applications seront probablement construites et exploitées sur la même base d’entraide et de volontariat qui caractérise actuellement la grande majorité du Fediverse.
Chagrin
Beaucoup de personnes ont été enthousiasmées par ce qui s’est passé cette semaine. Les nouveaux arrivants ont vu les possibilités du logiciel social fédéré. Les anciens ont vu les possibilités de la masse critique.
Mais il est important que ce ne soit pas la seule chose qu’on retienne du début de novembre 2022. Mastodon et le reste du Fediverse peuvent être très nouveaux pour ceux qui sont arrivés cette semaine, mais certaines personnes œuvrent et jouent dans le Fediverse depuis presque dix ans. Il existait déjà des communautés sur le Fediverse, et elles ont brusquement changé pour toujours.
J’ai été un utilisateur relativement précoce de Twitter, tout comme j’ai été un utilisateur relativement précoce de Mastodon. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis grâce à Twitter, qui a contribué à façonner mes opportunités de carrière. Je comprends donc et je compatis avec ceux qui ont fait le deuil de leur expérience sur Twitter – une vie qu’ils savent désormais terminée. Mais Twitter s’est lentement dégradé depuis des années – j’ai moi-même traversé ce processus de deuil il y a quelques années et, franchement, je ne comprends pas vraiment ce qui est si différent maintenant par rapport à il y a deux semaines.
Il y a un autre groupe, plus restreint, de personnes qui pleurent une expérience des médias sociaux qui a été détruite cette semaine – les personnes qui étaient actives sur Mastodon et plus largement le Fediverse, avant novembre 2022. La boîte de nuit a un nouveau propriétaire impétueux, et la piste de danse s’est vidée. Les gens affluent vers la fête tranquille du coin, cocktails à la main, demandant que l’on monte le volume de la musique, mettent de la boue sur le tapis, et crient par-dessus la conversation tranquille.
Nous avons tous perdu quelque chose cette semaine. Il est normal d’en faire le deuil.
Les Connards Pro™, l’épisode perdu (Facebook)
Les Connards Professionnels nous reviennent après des années d’absence. Découvrez aujourd’hui un épisode qui parodie et explicite le fonctionnement de Facebook, écrit en 2015 et pourtant jamais publié avant maintenant.
Les Connards Pros™ vous forment au capitalisme de surveillance !
Entre 2014 et 2015, Gee et Pouhiou ont écrit un OWNI (objet webesque non identifiable) mi roman, mi BD et mi guide managérial parodique, intitulé Le Guide du connard professionnel. Le principe est de former le lectorat au design de la malveillance, une activité hautement lucrative. Des ouvertures « faciles » rageantes aux dark patterns en passant par l’argent-dette : tout est de la faute des Connards™ !
Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !
19. Donner de l’exercice à ses cobayes
Les expérimentations sur les animaux n’ont plus bonne presse, au grand dam des industries cosmétiques qui se sont vues obligées d’inventer le rouge à lèvres virtuel, le mascara pour bactérie ou la crème de jour pour cadavre… Par chance, pratiquer des tests sur les humains reste encore possible, pour peu que vous le fassiez dans une posture socialement acceptable. Sociologie, anthropologie, ethnologie : les sciences sociales nous offrent ce plaisir mais demandent un investissement coûteux (sous forme d’harassantes études) pour une rémunération de gagne-petit. Un bon connard préférera donc monter sa start-up du web.
On ne le répétera jamais assez, un bon connard est un flemmard intelligent (voir notre 6e leçon : Ne faites plus, faites faire). Votre travail ne doit consister, en somme, qu’à créer les règles du jeu, le code faisant Loi. Une application de réseau-sociotage fluide, belle, réactive ne suffit pas : il faut qu’elle attire le chaland. Si votre code-concept de base consiste à mettre en valeur les egos dans un positivisme aussi forcé que le sourire d’une hôtesse de l’air en plein crash aérien ; vous avez déjà fait beaucoup. Reposez-vous donc, et laissez les autres travailler pour vous en leur ouvrant votre outil, comme tout internaute débonnaire le ferait.
Parler avec des astérisques est un talent réservé aux connards professionnels de haut vol. Peu d’entre nous savent présenter leurs arguments sans qu’on n’y voie les conditions écrites à l’encre antipathique et lisibles au microscope atomique. Le jour où vous pouvez inclure l’intégralité du texte de Mein Kampf dans des Conditions Générales d’Utilisation et voir votre clientèle cliquer sur « je suis d’accord et j’accepte », c’est que vous êtes parvenu à une telle maîtrise de votre position dominante. Vous n’avez plus qu’à changer les conditions pour virer les projets extérieurs (ceux qui vous ont aidé à appâter le chaland) et garder les cobayes dans votre labyrinthe de plus en plus
Dès lors que vos cobayes sont piégés dans votre labyrinthe, libre à vous de les exploiter comme bon vous semble. Bien entendu, vous placerez de la publicité à chaque cul-de-sac et leur demanderez de plus en plus de données à chaque tournant… Mais, outre ce pré-requis de base, c’est là que vos expériences peuvent vraiment commencer. Par exemple, vous prenez deux groupes de cobayes identiques, et montrez des infos positives aux uns tandis que les autres ne verront que le pire des infos qui les entourent…
L’avantage d’avoir des cobayes piégés dans cette avalanche incessante d’informations nivelées et formatées, dans votre infinite scrolling, c’est que tôt ou tard ils participeront au bruit ambiant. Ainsi, leur moindre clic et statut vous permettra de récolter les données du résultat de votre expérimentation sociale.
« Du pain et des jeux… » voilà les besoins du bas-peuple, comme nous l’expliquait un antique Connard. Maintenant que nous sommes civilisés et connectés, on peut mettre à jour l’adage : « si vous avez assez de jeux, oubliez le pain ». Avoir le monde entier au creux de votre main n’est pas une responsabilité, c’est un hobby. Une fois leurs êtres et états bien rangés dans votre ferme de serveurs, vous n’avez plus qu’a vous assurer de repeindre régulièrement les murs de votre prison dorée afin qu’ils n’aient plus jamais besoin d’en sortir. Médias, infos, vidéos, sorties, articles, musiques, dialogues et coup de fil… pourquoi utiliser internet quand on a populr.com ?
Enquête « Ce que vous pensez de Framasoft » : les résultats
« Framasoft ne piste personne. Pour savoir ce que vous pensez de ce que nous sommes et ce que nous faisons, nous avons bien quelques indices… Mais le mieux reste de vous poser la question ! »
Ainsi débutait l’enquête que nous avions lancée le 23 mai 2022 et qui aura duré jusqu’au 26 juin dernier.
L’objectif était donc de mieux connaître les utilisateur⋅ices de nos services (tranche d’âge, vos engagements, votre rapport au numérique, etc.), et d’essayer de comprendre comment vous, vous nous perceviez. Rappelons aussi que l’enquête était parfaitement anonyme (on ne vous demandait ni votre nom/pseudo, ni adresse mail, et les adresse IP étaient anonymisées).
Le premier fait marquant de cette enquête, c’est d’abord le nombre de réponses collectées : 12 664 !
Honnêtement, nous n’en espérions pas autant. Votre large implication nous permet d’avoir un échantillon que nous pensons être suffisamment représentatif. En effet, même si le réseau Framasoft accueille plus d’un million de visiteur⋅euses par mois, la plupart de ces personnes ne savent pas du tout qu’elles utilisent un service associatif, financé par les dons (merci !).
Le second fait marquant, c’est que les réponses libres sont, dans leur immense majorité, très élogieuses ! Alors évidemment, on ne s’emballe pas : nous nous doutons bien que les personnes qui ont pris cinq minutes de leur vie pour répondre au formulaire d’enquête d’une association sont plutôt « bien disposées » vis-à-vis de cette association.
Vous avez en effet apporté 10 482 commentaires à la question « Vous pouvez commenter vos cinq choix dans le champ libre suivant, si vous le souhaitez », et 7 092 messages à la question « Si vous voulez nous adresser un petit mot ». L’inconvénient, c’est que, par conséquent, nous ne pouvons pas en faire une synthèse complète ici 😅 (mais on les a tous lus, promis !!)
Donc, faisons une rapide analyse concernant la perception de Framasoft pour les répondant⋅es 🙂
Framasoft, c’est…
Nous commencions par essayer de comprendre ce que Framasoft représentait pour vous
Vrai
Faux
Je ne sais pas répondre
…une entreprise de développement de logiciels libres
6 441
4 983
1 042
…des gauchistes du web
3 372
6 066
2 905
…apolitique (et ça doit le rester)
7 812
2 638
1 992
…une structure qui doit grandir pour accueillir la demande
6 436
2 230
3 725
…uniquement pour la défense et promotion du logiciel libre
6 234
4 027
2 154
…trop neutre, politiquement
761
7 750
3 807
…pour tout le monde, même les grosses entreprises
8 147
2 143
2 134
…une association qui ne veut pas grossir
3 417
3 662
5 311
…anticapitaliste
5 601
2 579
4 194
…bien sympa, mais j’aimerais un peu plus de sérieux
500
10 049
1 819
…contre la centralisation
8 875
761
2 790
…trop peu engagé dans l’écologie
886
5 617
5 853
…fait pour des personnes qui partagent les mêmes valeurs
7 017
3 292
2 091
…un collectif qui tient à son statut associatif
9 882
87
2 510
Les trois réponses récoltant le plus de « Vrai » sont
…un collectif qui tient à son statut associatif
…contre la centralisation
…pour tout le monde, même les grosses entreprises
Les trois réponses qui récoltent le plus de « Faux » sont
…bien sympa, mais j’aimerais un peu plus de sérieux
…trop neutre, politiquement
…des gauchistes du web
Quant aux trois réponses ayant le plus de « Je ne sais pas » (et donc intéressant pour nous à clarifier)
…trop peu engagé dans l’écologie
…une association qui ne veut pas grossir
…anticapitaliste
Ce que Frama fait
Cette question nous permettait de savoir si vous connaissiez (ou pas) nos actions phares, et si vous en avez bénéficié au moins une fois en 2021 ou 2022.
Je connais et j’en profite
Je connais mais je n’en profite pas
Je ne connais pas
Conférences, ateliers et rencontres (en 2021-2022)
Bon, sans surprise, plus de 9 personnes sur 10 ayant répondu nous connaissent avant tout pour nos services. Par contre, nous étions un peu surpris⋅e de nous rendre compte qu’autant de personnes ne connaissent pas Mobilizon, Framabook, ou nous imagine uniquement derrière des écrans, et non devant le public.
Si vous étiez aux manettes…
D’après vos messages, il a été particulièrement difficile pour vous de répondre à cette question, qui vous proposait de vous mettre à la place de « pilote dans l’avion Framasoft » et de choisir cinq (et uniquement cinq) actions à prioriser.
Services en ligne (Framapad, Framadate, Framaforms, Framalistes, etc.)
10 389
Conseils aux associations et collectifs
5 906
Animation du collectif CHATONS
2 856
Développements de logiciels fédérés (PeerTube, Mobilizon)
6 430
Travail de fond sur des logiciels vieillissants (par ex. ceux derrière Framaforms, Framadate, Framacalc…)
Guides et outils d’émancipation numérique (Résolu, MOOC CHATONS)
7 013
Contributions à des projets externes (Pytitions, bénévalibre, etc.)
2 015
Les trois actions les plus plébiscitées, si vous étiez aux manettes, sont donc :
Les services en ligne (ça ne nous surprend pas)
Améliorer les logiciels vieillissants
La production de guides et outils d’émancipation numérique
Et les trois que vous laisseriez de côté :
Contributions à des projets externes
Support et modération des services en ligne (facile à dire, moins facile à faire)
Animation du collectif CHATONS
Framasoft et … vous !
Les tranches d’âge des répondant⋅es
moins de 25 ans
589
26-45 ans
5 645
46-65 ans
5 037
plus de 66 ans
1 304
je préfère ne pas répondre
60
Sans surprise, l’énorme majorité des répondant⋅es ont entre 26 et 65 ans.
Le niveau de vie des répondant⋅es
Je dépends de ma famille (collège, lycée, etc.)
240
Je suis en mode survie : minima sociaux, etc.
320
Fin du mois difficiles, je croise les doigts
469
Ça va, mais je vis sans filet
1 438
Je suis « OK », sans plus
3 926
Je suis à l’aise
5 261
J’ai bien plus qu’il ne m’en faut
734
je préfère ne pas répondre
244
Ici, une répartition sensiblement équivalente est observée entre les personnes qui se déclarent « à l’aise » ou plus, et celle qui se déclarent dans une certaine précarité, voir une précarité certaine.
Le rapport au numérique des répondant⋅es
Conflictuel : je déteste tout ça
145
Neutre : je fais comme on me dit sans chercher à comprendre
638
Méfiant·e : je m’y intéresse mais avec méfiance
2 036
Enthousiaste : je m’y intéresse avec enthousiasme
3 696
Geek : je suis considéré comme le / la geek de mon entourage
2 494
Expert·e : j’ai une expertise dans ce domaine
3 343
Je préfère ne pas répondre
240
Dans quel(s) domaine(s) les répondant⋅es se déclarent engagé⋅e ou militant⋅e
l’associatif
7 074
la création d’entreprise(s)
1 122
l’éducation populaire
3 384
le logiciel libre
4 583
la lutte contre les discriminations (sexisme, racisme, validisme, LGBT-phobies, etc.)
3 288
la justice sociale
3 706
la politique
2 269
la communication
753
la culture et les arts
2 195
l’écologie
5 783
les crypto monnaies
254
l’éducation
3 455
l’humanitaire
1 148
le marketing
139
l’entraide sociale
2 833
la vie privée
2 810
je ne suis ni militante, ni engagé
1 543
autre
546
Les trois domaines dans lesquels les répondant⋅es se déclarent le plus engagé⋅es sont donc :
l’associatif
l’écologie
le logiciel libre
La communication, le marketing et les crypto-monnaies fermant le ban (on s’y attendait un peu 🙂 )
Le nombre de répondant⋅es ayant fait un don à Framasoft en 2021/2022
Oui
3 351
Non
8 382
Je ne sais pas
931
Le nombre de répondant⋅es souhaitant faire un don à Framasoft à l’avenir
Oui
5 956
Non
1 318
Je ne sais pas
5 306
Une indication plutôt positive pour nous : si 3 351 répondant⋅es ont indiqué avoir fait un don récemment (cf. question précédente), ce sont quasiment 6 000 répondant⋅es qui nous apprennent qu’ils ou elles comptent nous faire un don à l’avenir.
Nos ressources reposant quasi-exclusivement sur vos dons, et le contexte économique, social, sanitaire, politique et géopolitique étant pour le moins… tendu, cela nous donne un signal d’espoir dans l’avenir et de la motivation et de l’énergie non seulement pour poursuivre nos actions, mais aussi pour en développer de nouvelles.
Merci encore infiniment à toutes les personnes ayant répondu ! 🙏
Google, l’espion le plus con du monde
On le sait bien : Google se permet de tranquillement lire tous les mails qui passent sur ses serveurs, ceux des boîtes Gmail ainsi que ceux adressés à des boîtes Gmail…
En général, le but est de refourguer de la publicité ciblée. Mais pas seulement. Une petite histoire (vraie) qui montre que les conséquences peuvent être autrement plus dramatiques…
Google, l’espion le plus con du monde
Aujourd’hui, je vais vous raconter une drôle d’histoire au pays des GAFAM. C’est l’histoire de Mark, Californien père au foyer d’un très jeune garçon. Mark est ultra-connecté, notamment aux services de Google.
En février 2021, Mark remarque que le sexe de son fils est gonflé et douloureux.
Comme c’est un vendredi soir en pleine pandémie, un rendez-vous d’urgence en téléconsultation est pris avec l’hôpital.
Le mal est identifié, des antibiotiques sont prescrits, la santé du bambin s’améliore ensuite rapidement, bref tout va bien.
Sauf que bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là.
Deux jours plus tard…
Eh oui, car Google (tout comme Apple, Microsoft et les autres) est très engagé dans la lutte contre la pédocriminalité. Jusqu’à se permettre de lire et analyser vos conversations mail, qui, rappelons-le, sont des conversations PRIVÉES.
Le pire étant donc que non contents d’espionner tranquillou tous les mails qui passent sur leurs serveurs, les empafés de chez Google sont infoutus de faire la différence entre une image pédopornographique et une photo d’ordre médical.
La police est bien entendu prévenue par Google et arrive rapidement à la conclusion évidente qu’il s’agit de photos médicales et qu’il n’y a aucune raison de poursuivre Mark. Elle tente de le joindre mais…
Bien sûr, Mark, ingénieur logiciel de formation, est confiant : la police l’ayant déjà lavé de tous soupçons, il va faire une réclamation à Google, expliquer la situation qui est somme toute très claire et toute bête, et tout va rentrer dans l’ordre.
Le compte finit par être définitivement supprimé, et comme Mark y a attaché à peu près toute sa vie numérique (comptes liés, forfait de téléphone, sauvegardes, etc.)…
L’identité numérique de Mark ne vécut pas heureuse et n’eut pas beaucoup d’avatars.
Fin.
L’histoire de Mark est une histoire vraie, et elle n’est pas un cas isolé.
Heureusement, il n’y a aucune fatalité à ce que cela nous arrive à nous aussi.
Pour cela, commençons évidemment par ne pas utiliser Gmail, Outlook et compagnie pour nos mails.
Si, parfois, nous n’avons pas d’autre choix que d’avoir un compte Gmail, ne l’utilisons pas pour des mails sensibles, et n’utilisons pas nos comptes Google/Facebook/autre pour nous identifier sur d’autres sites, même si c’est pratique.
Enfin, et surtout, même s’il peut nous arriver d’utiliser ces outils… n’obligeons pas les autres à le faire.
(De manière générale : faisons au mieux. L’hygiène numérique, c’est pas simple, c’est pas à la portée de tout le monde. Faisons ce que nous pouvons.)