Mastodon a déjà deux ans, et il est toujours vivant, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Il est inadéquat de le comparer aux plateformes sociales, et Peter 0’Shaughnessy nous explique bien pourquoi…
Pourquoi Mastodon se moque de la « masse critique »
C’est une erreur de juger la Fediverse comme s’il s’agissait d’une startup de la Silicon Valley.
Mastodon a maintenant plus de deux ans et (pour emprunter une expression à Terry Pratchett), il n’est toujours pas mort. D’une manière ou d’une autre, il a réussi à défier les premiers critiques qui disaient qu’il « ne survivrait pas » et qu’il était « mort dans l’œuf ». Même certains de ceux qui postaient sur Mastodon à ses débuts doutaient de sa longévité :
Plus récemment, un article sur l’écosystème plus vaste qui comprend Mastodon, appelé La Fediverse, a fait la une de Hacker News : Qu’est-ce que ActivityPub, et comment changera-t-il l’Internet ? par Jeremy Dormitzer. C’est un bon argument en faveur de l’importance de la norme ActivityPub, sur laquelle reposent Mastodon et d’autres plateformes sociales. Cependant, il commet toujours la même erreur que ces premiers prophètes de malheur :
Le plus gros problème à l’heure actuelle, c’est l’adoption par les utilisateurs. Le réseau ActivityPub n’est viable que si les gens l’utilisent, et pour concurrencer de manière significative Facebook et Twitter, nous avons besoin de beaucoup de gens pour l’utiliser. Pour rivaliser avec les grands, nous avons besoin de beaucoup d’argent…
Des arguments similaires ont été présentés dans de nombreux articles au cours des derniers mois. Ils impliquent :
que la valeur du réseau n’est proportionnelle qu’au nombre d’utilisateurs ;
que ce ne sera vraiment un succès que s’il devient un remplacement massif pour Twitter et Facebook ;
que si vous ne le rejoignez pas, il ne survivra pas.
Mais tout cela est faux. Voici pourquoi…
1. La Fediverse n’est pas une startup
Nous sommes tellement conditionnés de nos jours par le monde du capital-risque et des startups que nous pensons intuitivement que toutes les nouvelles entreprises technologiques doivent réussir ou faire faillite. Mais ce n’est pas la nature du modèle économique qui se cache derrière le Fediverse, qui est déjà durable, tout en continuant de fonctionner comme si de rien n’était.
Nous devons cesser de juger la Fediverse comme s’il s’agissait d’une startup de la Silicon Valley en concurrence avec Twitter et Facebook.
Jeremy a raison de dire que la plupart des instances sont « créées et administrées par des bénévoles avec des budgets minuscules », mais il implique que cela doit changer, alors que la plupart des administrateurs et utilisateurs de Mastodon que je connais sont très satisfaits de ce modèle, qui nous libère des intérêts acquis et contradictoires des régies publicitaires.
C’est facile à dire pour moi, car je n’héberge pas ma propre instance et mon administrateur a gentiment refusé les offres de dons jusqu’ici. Cependant, dans la plupart des cas, il semble que tout se passe très bien, la plupart du temps grâce au financement participatif. Même si certaines instances ont été fermées à un moment donné (et c’est malheureusement le cas), il y en a d’autres qui se présentent à leur place. Malgré les fortes fluctuations à chaque nouvelle vague d’utilisateurs venant de Twitter, la trajectoire globale est à la hausse, et c’est ce qui importe — pas la vitesse de la croissance, ni l’atteinte d’un certain niveau de masse critique. Michael Mahemoff l’a bien dit :
« Mastodon est déjà « assez bon » dans sa forme initiale pour satisfaire plusieurs besoins de niche (les personnes qui veulent plus ou moins de modération ou des critères différents de modération, celles qui ne veulent pas de publicités, celles qui veulent des participant⋅e⋅s qui sont libres d’innover, celles qui veulent posséder et/ou héberger leur propre contenu, etc.). Comme Mastodon a un modèle de mécénat durable, il peut se développer au fil du temps et être capable de continuer à innover. »
En fait, si Mastodon se développait trop rapidement, cela pourrait avoir des conséquences plus négatives que positives. La croissance progressive permet aux instances existantes de mieux faire face à la charge et permet à de nouvelles instances d’émerger et de faire face à une partie du flux.
2. C’est aussi une question de qualité (d’expérience), pas seulement de quantité (d’utilisateurs et utilisatrices)
Lorsque j’ai rejoint Mastodon pour la première fois, j’ai été enthousiasmé par chaque nouvelle vague d’utilisateurs et utilisatrices venant de Twitter. Je voulais prêcher à ce sujet à autant de gens que possible et essayer d’amener autant d’amis que possible à « déménager ». Au bout d’un moment, j’ai pris conscience que je me concentrais trop sur la comparaison avec Twitter et que j’essayais d’en faire un remplaçant de Twitter. En fait, j’avais déjà un réseau précieux là-bas et suffisamment de raisons de le visiter régulièrement, même si j’ai continué à utiliser Twitter aussi.
Mastodon s’articule autour des communautés. Ces communautés peuvent être des réseaux spécialisés selon les sujets qui vous intéressent. Vous n’avez pas besoin de tous vos amis pour être au sein de ces communautés, pour trouver des gens intéressants, du contenu utile et des interactions intéressantes.
Comme Vee Satayamas l’a noté, si vous êtes un utilisateur de Twitter, vous le trouverez peut-être utile même si peu de membres de votre famille ou d’amis réels sont présents. Vous n’avez pas besoin que tout le monde soit disponible sur chaque réseau. J’ai récemment quitté Facebook et j’ai quand même pu entrer en contact avec mes amis, par courriel ou par texto. Ce serait bien mieux si davantage de mes amis étaient sur Mastodon, mais ce n’est pas un gros problème.
En réalité, il y a quelque chose de positif dans la petite taille de mon réseau sur Mastodon. Je peux suivre ma chronologie, mon « fil », sans me sentir dépassé. C’est moins stressant d’y poster, comparé à Twitter, où chaque message que vous envoyez risque d’être republié par une horde géante ! Je suppose que c’est comparable à l’effet ressenti par les YouTubers, tel que détaillé dans cet intéressant article du Guardian, qui cite Matt Lees :
« Le cerveau humain n’est pas vraiment conçu pour interagir avec des centaines de personnes chaque jour… Lorsque des milliers de personnes vous envoient des commentaires directs sur votre travail, vous avez vraiment l’impression que quelque chose vous vient à l’esprit. Nous ne sommes pas faits pour gérer l’empathie et la sympathie à cette échelle. »
Pour moi, Mastodon offre un moyen terme heureux entre les conversations intimes des groupes WhatsApp, par exemple, et le potentiel sans limites de Twitter pour découvrir de nouvelles personnes et de nouveaux contenus.
D’après mon expérience, la plupart des utilisateurs actifs de Mastodon ne veulent pas qu’il ressemble davantage à Twitter — et ne ressentent pas le besoin que tous ceux qui sont sur Twitter les rejoignent. Par exemple, ces personnes apprécient le fait qu’il n’y a pas de publicitaires et très peu de marques. Pour les gens qui ne s’inquiètent que de leur « influence », alors c’est sûr, Mastodon n’aura pas autant de valeur. Mais la plupart de celles et ceux qui sont sur Mastodon ne regretteront pas trop de ce genre de personnes venues de Twitter !
Nous devons cesser de considérer Mastodon comme un substitut potentiel de Twitter. C’est différent, et c’est délibéré. Je comprends qu’on se plaise à imaginer que la Fediverse pourrait un jour écraser Twitter et Facebook, mais je ne pense pas que ce soit réaliste (du moins pas dans un avenir proche). Je pense que ce sera toujours l’outsider et c’est très bien ainsi, d’une certaine façon.
3. C’est un écosystème ouvert
La Fediverse ne gagne pas seulement de la valeur à partir de la quantité d’utilisateurs, elle en gagne aussi à partir de la quantité de services. S’appuyer sur le standard ActivityPub implique que nous pouvons utiliser Mastodon, PeerTube (un service semblable à YouTube), PixelFed (un service semblable à Instagram) et beaucoup d’autres, qui peuvent tous interopérer. Cela donne à la Fediverse un avantage d’échelle par rapport aux plateformes propriétaires closes. C’est un point que l’article de Jeremy a bien fait ressortir :
« Parce qu’il parle le même « langage », un utilisateur de Mastodon peut suivre un utilisateur de PeerTube. Si l’utilisateur de PeerTube envoie une nouvelle vidéo, elle apparaîtra dans le flux de l’utilisateur Mastodon. L’utilisatrice de Mastodon peut commenter la vidéo PeerTube directement depuis Mastodon. Pensez-y une seconde. Toute application qui implémente ActivityPub fait partie d’un réseau social étendu, qui conserve le choix de l’utilisateur et pulvérise les jardins propriétaires clos. Imaginez que vous puissiez vous connecter à Facebook et voir les messages de vos amis sur Instagram et Twitter, sans avoir besoin de compte Instagram ni de compte Twitter. »
Cela signifie également que si nous avons l’impression que le service que nous utilisons ne va pas dans la direction qui nous convient (coucou, utilisateurs de Twitter 👋), alors nous pouvons passer à une autre instance et conserver l’accès à l’écosystème global.
La Fediverse s’accroît et c’est une bonne chose. Mais elle n’a pas besoin de davantage d’utilisatrices. Transmettre l’idée qu’on pourrait échouer sans une migration massive à partir d’autres plateformes sociales est une perspective trompeuse. Et défendre cette idée donnerait aux gens la fausse impression, lorsqu’ils rejoindront ce réseau social, qu’on devrait rechercher la quantité d’utilisateurs et utilisatrices, plutôt que la qualité de l’expérience.
Alors ne comptons pas trop le nombre d’inscrit⋅e⋅s sur Mastodon. Allons doucement en le comparant à Twitter. Arrêtons de le traiter comme s’il s’agissait d’une situation à la Highlander où « il n’y a de la place que pour un seul ». Et commençons à profiter de la Fediverse pour ce qu’elle est — quelque chose de différent.
Merci à Jeremy Dormit d’avoir été très gentil avec moi en critiquant cette partie de son billet de blog (qui m’a beaucoup plu par ailleurs) – voici sa réponse à mon pouet qui a mené à ce billet. Merci aussi à mes anciens collègues de Samsung Internet qui ont jeté un coup d’œil à une version antérieure de ce post.
Ce que récolte Google : revue de détail
Le temps n’est plus où il était nécessaire d’alerter sur la prédation opérée par Google et ses nombreux services sur nos données personnelles. Il est fréquent aujourd’hui d’entendre dire sur un ton fataliste : « de toute façon, ils espionnent tout »
Si beaucoup encore proclament à l’occasion « je n’ai rien à cacher » c’est moins par conviction réelle que parce que chacun en a fait l’expérience : « on ne peut rien cacher » dans le monde numérique. Depuis quelques années, les mises en garde, listes de précautions à prendre et solutions alternatives ont été largement exposées, et Framasoft parmi d’autres y a contribué.
Il manquait toutefois un travail de fond pour explorer et comprendre, une véritable étude menée suivant la démarche universitaire et qui, au-delà du jugement global approximatif, établisse les faits avec précision.
C’est à quoi s’est attelée l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste depuis longtemps des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt, qui livre au public une étude d’une cinquantaine de pages intitulée Google Data Collection. Cette étude, qui nous semble pouvoir servir de référence, a retenu l’attention du groupe Framalang qui vous en livre ci-dessous l’executive summary, c’est-à-dire une sorte de résumé initial, qui en donne un aperçu programmatique.
Si vous trouvez un intérêt à cette traduction et souhaitez que Framalang vous propose la suite nous ferons de notre mieux…
1.
Google est la plus grosse agence de publicité numérique du monde 1. Elle fournit aussi le leader des navigateurs web 2, la première plateforme mobile 3 ainsi que le moteur de recherche le plus utilisé au monde 4. La plateforme vidéo de Google, ses services de mail et de cartographie comptent 1 milliard d’utilisateurs mensuels actifs chacun 5. Google utilise l’immense popularité de ses produits pour collecter des données détaillées sur le comportement des utilisateurs en ligne comme dans la vie réelle, données qu’il utilisera ensuite pour cibler ses utilisateurs avec de la publicité payante. Les revenus de Google augmentent significativement en fonction de la finesse des technologies de ciblage des données.
2.
Google collecte les données utilisateurs de diverses manières. Les plus évidentes sont « actives », celles dans lesquelles l’utilisateur donne
directement et consciemment des informations à Google, par exemple en s’inscrivant à des applications très populaires telles que YouTube, Gmail, ou le moteur de recherche. Les voies dites « passives » utilisées par Google pour collecter des données sont plus discrètes, quand une application devient pendant son utilisation l’instrument de la collecte des données, sans que l’utilisateur en soit conscient. On trouve ces méthodes de collecte dans les plateformes (Android, Chrome), les applications (le moteur de recherche, YouTube, Maps), des outils de publication (Google Analytics, AdSense) et de publicité (AdMob, AdWords). L’étendue et l’ampleur de la collecte passive de données de Google ont été en grande partie négligées par les études antérieures sur le sujet 6.
3.
Pour comprendre les données que Google collecte, cette étude s’appuie sur quatre sources clefs :
a. Les outils Google « Mon activité » (My Activity) 7 et « Téléchargez vos données » (Takeout) 8, qui décrivent aux utilisateurs l’information collectée lors de l’usage des outils Google.
b. Les données interceptées lors de l’envoi aux serveurs de Google pendant l’utilisation des produits Google ou d’autres sociétés associées.
c. Les règles concernant la vie privée (des produits Google spécifiquement ou en général).
d. Des recherches tierces qui ont analysé les collectes de données opérées par Google.
4.
Au travers de la combinaison des sources ci-dessus, cette étude montre une vue globale et exhaustive de l’approche de Google concernant la collecte des données et aborde en profondeur certains types d’informations collectées auprès des utilisateurs et utilisatrices.
Cette étude met en avant les éléments clés suivants :
a. Dans une journée d’utilisation typique, Google en apprend énormément sur les intérêts personnels de ses utilisateurs. Dans ce scénario d’une journée « classique », où un utilisateur réel avec un compte Google et un téléphone Android (avec une nouvelle carte SIM) suit sa routine quotidienne, Google collecte des données tout au long des différentes activités, comme la localisation, les trajets empruntés, les articles achetés et la musique écoutée. De manière assez surprenante, Google collecte ou infère plus de deux tiers des informations via des techniques passives. Au bout du compte, Google a identifié les intérêts des utilisateurs avec une précision remarquable.
b. Android joue un rôle majeur dans la collecte des données pour Google, avec plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde 9. Alors que le système d’exploitation Android est utilisé par des fabricants d’équipement d’origine (FEO) partout dans le monde, il est étroitement connecté à l’écosystème Google via le service Google Play. Android aide Google à récolter des informations personnelles sur les utilisateurs (nom, numéro de téléphone, date de naissance, code postal et dans beaucoup de cas le numéro de carte bancaire), les activités réalisées sur le téléphone (applications utilisées, sites web consultés) et les coordonnées de géolocalisation. En coulisses, Android envoie fréquemment la localisation de l’utilisateur ainsi que des informations sur l’appareil lui-même, comme sur l’utilisation des applications, les rapports de bugs, la configuration de l’appareil, les sauvegardes et différents identifiants relatifs à l’appareil.
c. Le navigateur Chrome aide Google à collecter des données utilisateurs depuis à la fois le téléphone et l’ordinateur de bureau, grâce à quelque 2 milliards d’installations dans le monde 10. Le navigateur Chrome collecte des informations personnelles (comme lorsqu’un utilisateur remplit un formulaire en ligne) et les envoie à Google via le processus de synchronisation. Il liste aussi les pages visitées et envoie les données de géolocalisation à Google.
d. Android comme Chrome envoient des données à Google même en l’absence de toute interaction de l’utilisateur. Nos expériences montrent qu’un téléphone Android dormant et stationnaire (avec Chrome actif en arrière-plan) a communiqué des informations de localisation à Google 340 fois pendant une période de 24 heures, soit en moyenne 14 communications de données par heure. En fait, les informations de localisation représentent 35 % de l’échantillon complet de données envoyés à Google. À l’opposé, une expérience similaire a montré que sur un appareil iOS d’Apple avec Safari (où ni Android ni Chrome n’étaient utilisés), Google ne pouvait pas collecter de données notables (localisation ou autres) en absence d’interaction de l’utilisateur avec l’appareil.
e. Une fois qu’un utilisateur ou une utilisatrice commence à interagir avec un téléphone Android (par exemple, se déplace, visite des pages web, utilise des applications), les communications passives vers les domaines de serveurs Google augmentent considérablement, même dans les cas où l’on n’a pas utilisé d’applications Google majeures (c.-à-d. ni recherche Google, ni YouTube, pas de Gmail ni Google Maps). Cette augmentation s’explique en grande partie par l’activité sur les données de l’éditeur et de l’annonceur de Google (Google Analytics, DoubleClick, AdWords) 11. Ces données représentaient 46 % de l’ensemble des requêtes aux serveurs Google depuis le téléphone Android. Google a collecté la localisation à un taux 1,4 fois supérieur par rapport à l’expérience du téléphone fixe sans interaction avec l’utilisateur. En termes d’amplitude, les serveurs de Google ont communiqué 11,6 Mo de données par jour (ou 0,35 Go / mois) avec l’appareil Android. Cette expérience suggère que même si un utilisateur n’interagit avec aucune application phare de Google, Google est toujours en mesure de recueillir beaucoup d’informations par l’entremise de ses produits d’annonce et d’éditeur.
f. Si un utilisateur d’appareil sous iOS décide de renoncer à l’usage de tout produit Google (c’est-à-dire sans Android, ni Chrome, ni applications Google) et visite exclusivement des pages web non-Google, le nombre de fois où les données sont communiquées aux serveurs de Google demeure encore étonnamment élevé. Cette communication est menée exclusivement par des services de l’annonceur/éditeur. Le nombre d’appels de ces services Google à partir d’un appareil iOS est similaire à ceux passés par un appareil Android. Dans notre expérience, la quantité totale de données communiquées aux serveurs Google à partir d’un appareil iOS est environ la moitié de ce qui est envoyé à partir d’un appareil Android.
g. Les identificateurs publicitaires (qui sont censés être « anonymisés » et collectent des données sur l’activité des applications et les visites des pages web tierces) peuvent être associés à l’identité d’un utilisateur ou utilisatrice de Google. Cela se produit par le transfert des informations d’identification depuis l’appareil Android vers les serveurs de Google. De même, le cookie ID DoubleClick (qui piste les activités des utilisateurs et utilisatrices sur les pages web d’un tiers) constitue un autre identificateur censé être anonymisé que Google peut associer à celui d’un compte personnel Google, si l’utilisateur accède à une application Google avec le navigateur déjà utilisé pour aller sur la page web externe. En définitive, nos conclusions sont que Google a la possibilité de connecter les données anonymes collectées par des moyens passifs avec les données personnelles de l’utilisateur.
Framinetest Edu, et maintenant ?
Deux ans après son lancement, il est temps de dresser un premier bilan de l’aventure Framinetest. Souvenez-vous, le jour de la rentrée des enseignants, septembre 2016, nous écrivions ceci :
Combien d’utilisateurs se sont connectés ? Notre initiative a-t-elle réussi à faire ses chatons ? Autant de questions auxquelles nous vous proposons de répondre dans ce premier bilan public. Et avouons-le, si nous avons attendu avant de partager, c’est avant tout parce que nous n’avons pas eu une seconde à nous. Mais que d’aventures et de chemin parcourus depuis son lancement !
Commençons par un nombre
Forcément, lorsqu’on parle de bilan et d’une plateforme en ligne, vient à un moment la question : « c’est qui qui y va, sur ton bouzin ? Et combien c’est-y qui sont à y aller ? »
Voici la réponse… Le nombre total d’utilisateurs qui se sont connectés au moins une fois est de (tadaaa) : plus de 10 000. Après, on a arrêté de compter.
Qui se connecte, ou s’est connecté pour découvrir le jeu ?
Des élèves du premier et du second degré, des étudiants, des enseignants du premier et du second degré de toutes disciplines, des universitaires, des inspecteurs et des parents ! Oui, vous avez bien lu, des parents aussi. Et pourquoi pas, après tout ? Personnellement, j’y vois à minima un intérêt : la transparence des outils et de l’enseignement.
Autant dire que Framinetest a été un franc succès ! Mais alors que se passe-t-il en ce moment ?
Dans ce contexte, le premier, et non le moindre, des défis était de trouver une solution de modération qui ne demanderait pas aux modérateurs de rester en ligne 24h/24 et 7j/7. La solution que nous avons donc choisie est celle des privilèges différenciés entre les joueurs. En résumé, plus on est sérieux, attentif aux autres et actif, plus on gagne de privilèges. Solution simple mais particulièrement efficace puisque dès que les élèves sont arrivés sur la plateforme, le nombre de modérateurs a tout simplement triplé !
Le second défi à relever fut assez rapidement celui de l’entrée dans le jeu. En effet, lorsqu’on utilise un serveur Minetest public, le nombre de joueurs (français comme étrangers) peut rapidement devenir un problème, en particulier lorsque se glissent parmi eux quelques petits plaisantins aimant jouer avec le feu et la lave (« Ah, cool, j’y suis, je vais pouvoir jou… » Froutch !).
C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un quiz d’entrée. En résumé, chaque nouveau joueur arrivant dans le jeu possède des privilèges très limités (qui ne permettent pas le grief) et est invité à passer le quiz s’il veut en gagner davantage. Simple, mais particulièrement efficace !
Souvenez-vous : améliorations, évolutions…
Septembre 2016 : l’entrée dans le jeu est (donc) modifiée (construction du quiz, mise en place du spawn).
Décembre 2016 : l’accès aux blocs de lave devient un privilège (a pus, froutch).
Octobre-janvier : les mods utilisés sont adaptés et traduits.
Janvier : le serveur est mis à jour de la version 0.4.14 vers 0.4.15, ce qui ajoute de nouvelles fonctionnalités et corrige de nombreux bogues.
Janvier-février : les élèves testent et installent la « prison » de ré-éducation (on en reparle plus bas).
Décembre-février : de nouveaux mods sont testés, et parfois installés (dont « shérif » et véhicules).
Février-mars 2017 : l’entrée dans le jeu est encore améliorée avec la mise en place d’un nouveau quiz.
Année 2 : on a montré que c’était possible, maintenant il faut faire des chatons !
OK, c’est cool, mais un tel serveur, avec autant de joueurs, est-ce viable sur le long terme ? La question mérite d’être posée, en particulier après quelques nuits blanches à éteindre des incendies (j’en ris tout seul derrière mon clavier ; seuls les joueurs de la première heure et amis comprendront !).
Il fallait poser les choses : Framinetest n’a pas vocation à accueillir toutes les demandes ! Car elles étaient nombreuses et très diverses, pour ne pas dire toutes différentes. Oui, il faut que je vous explique : quand on vient de l’univers Minecraft, on a la fâcheuse tendance à imaginer son monde à soi, sans penser nécessairement qu’on n’est pas le seul joueur en ligne… CQFD. C’est là que la décentralisation trouve son intérêt, afin que chacun trouve chaussure à son pied.
Et puis soyons honnêtes, ce n’était pas humainement possible, franchement déraisonnable. Il fallait décentraliser ! Bref, peut-être encore plus que pour les autres framachins, le discours se devait d’être clair : « on vous a montré la voie, maintenant, à vous de jouer ! ».
Bien entendu, nous avons guidé aidé, conseillé… Et Framinetest est retourné à sa source : un bac à sable, un lieu d’essai où l’erreur est humaine, mais où on se fait plaisir ! Et des essais, des bugs… il y en a eu un paquet !
Octobre 2017 : nous participons au hackathon du Gamixlab !
Octobre 2017 à aujourd’hui : nous accompagnons des projets pédagogiques proposés par les enseignants sur Framinetest.
Souvenirs, anecdotes et retours d’expérience
Framinetest est basé sur Minetest, un logiciel libre, moteur de l’innovation pédagogique et favorisant l’élargissement du champ des possibles pour les utilisateurs.
Les administrateurs du serveur ont la possibilité d’ajouter, modifier, optimiser, l’ensemble du jeu : autant dire qu’un enseignant pourra s’y sentir libre, d’un point de vue pédagogique ! Les élèves deviennent force de proposition et d’amélioration du jeu ; c’est motivant et formateur.
Le jeu est une société miniature, avec ses évolutions, de l’idée à la réalisation… en passant par l’utopie ! Quelques exemples :
EnzoJP et sa prison, où comment rééduquer les joueurs ne respectant pas les règles ! Devant les joueurs les moins sérieux, enzoJP, jeune modérateur et accessoirement l’un de mes élèves, nous a un jour fait part de son idée au cours d’une partie : « monsieur Sangokuss, plutôt que de bannir ces joueurs-là, je pense qu’il serait mieux de les mettre en prison et d’essayer de les ré-éduquer. Est-ce que vous êtes d’accord ? » Bon, là, j’avoue, il y a un moment d’absence dans mon cerveau… Mais après réflexion, je lui dis que c’est envisageable s’il argumente et qu’il respecte la règle du « c’est celui qui dit qui fait ». Réponse d’enzoJP : « monsieur, ne vous inquiétez pas, on ne les tapera pas ! Mais quand ils font une bêtise, on les envoie en prison et un modérateur-psychologue s’en occupe pour le ré-éduquer ». Intérieurement, je me dis que cela devient intéressant (de quoi philosopher et débattre pendant longtemps…) et je réponds « OK, on essaie ». Quinze jours plus tard, la prison est construite et les premiers prisonniers y sont enfermés. Reste à savoir s’ils ressortiront un jour… Bref, restez sérieux !
Reproduire la vraie vie : travailler, dormir, faire ses courses, se cultiver.
« Promis monsieur, on ne se bat pas ! Mais on stocke des armes au cas où… ». Euh, ouais, il va falloir en parler, quand même.
Le lâcher prise : une posture pas si simple pour l’enseignant, et pourtant une nécessité.
L’apprentissage de la démocratie, les scrutins, les décisions communes.
Au fond, c’est une véritable réflexion sur notre société que le jeu permet et facilite pour les joueurs. Sans pour autant aboutir à un résultat idéal, il y a là des pistes intéressantes, parfois surprenantes ou amusantes, parfois politiquement incorrectes, mais toujours dans un esprit de co-construction et d’ouverture.
Je l’ai déjà évoqué, mais travailler l’entrée dans le jeu est une absolue nécessité ! En effet, lorsqu’un tel serveur est ouvert 24h/24, on remarque inévitablement des problèmes apparaître, plus particulièrement l’arrivée d’intrus qu’il convient de filtrer / cadrer… Mais il y a encore plus important dans un contexte pédagogique : faire prendre conscience aux joueurs (ici, des élèves), de l’importance de respecter certaines règles élémentaires. Et voici les solutions et pistes de réflexions qui ont été proposées par les intervenants eux-mêmes :
Forcer les joueurs à lire la charte ! D’où l’idée lancée de construire un labyrinthe dont seul le joueur qui lira les articles de la charte trouvera la sortie. Simple, mais très efficace !
Limiter les privilèges au minimum à l’entrée dans le jeu, tout en expliquant qu’il y a moyen d’en gagner, sous condition de respecter les règles du serveur.
Avantage important : cela libère du temps au(x) modérateur(s) ou enseignant(s) qui gèrent le serveur puisque l’entrée dans le jeu se fait en autonomie, alors qu’auparavant il fallait prêter une grande attention à cette étape cruciale..
Sur un serveur ouvert, au delà de l’entrée dans le jeu, un autre point de vigilance doit être abordé : l’encadrement. D’où la logique des privilèges croissants.
Ne deviennent « modo » que ceux qui disposent des privilèges associés, donc ceux qui respectent les règles.
Les déplacements sont également facilités par les téléporteurs qui permettent aux participants de se rendre rapidement d’un point à un autre de la map sans pour autant avoir le privilège dédié.
La responsabilisation progressive permet d’apprendre la coopération.
Retour vers le futur : le privilège du roll-back, c’est-à-dire pouvoir revenir à une situation précédente (soit restaurer le jeu à un point de sauvegarde).
Shérif, fait moi peur ! Ou tout simplement l’idée d’un élève de développer une police dans le jeu. Simple à dire, mais si difficile à mettre en place si l’on souhaite que cela se fasse avec calme et légitimité. D’où la notion de vote. Les participants ont, s’ils le souhaitent, la possibilité d’élire un (ou plusieurs) shérif dont les privilèges seront différenciés en fonction de son nombre de bulletins !
L’usage de surnom et le respect ne sont pas antagonistes, ce qui surprend parfois les collègues.
Le rôle des modérateurs est indispensable pour favoriser le développement de l’autonomie : accueillir, expliquer, former, faciliter les échanges, et si nécessaire… sanctionner. Comme dans la vraie vie, sauf que dans le jeu certains modérateurs sont eux aussi des participants, parfois plus jeunes que les joueurs « modérés ».
De nouveaux usages, ou plutôt des usages inattendus, ont vu le jour :
L’inauguration ;
L’organisation d’évènements festifs : pour Noël…etc. ;
La photo de classe.
Pourquoi pousser le libre dans l’éducation ?
Au-delà du discours libriste global, la fermeture du logiciel Minecraft rend difficile, pour ne pas dire impossible toutes personnalisation profonde du jeu par l’enseignant et donc encore moins par les élèves ! Jouer, dans un tel contexte, c’est davantage être utilisé qu’être utilisateur, pour reprendre une expression de Richard M. Stallman à propos de Facebook. Par conséquent, comment imaginer une démarche pédagogique de formation au numérique ? Car oui, former au numérique c’est former des utilisateurs éclairés, capables (ou du moins ayant la possibilité) de plier l’outil pour répondre à leurs besoins. Or, dans Minetest, cette voie est ouverte aux utilisateurs et les élèves ne s’y trompent pas ; à partir du moment où ils comprennent que tout n’est que dossiers et fichiers, ils personnalisent, adaptent, et créent même leurs propres serveurs.
Bref, ils deviennent indépendants. Libres. Et le devoir de l’école est accompli !
Et demain ?
Framinetest restera. Le projet se poursuit et nous sommes loin d’avoir épuisé l’imagination de nos joueurs et modérateurs ! Figurez-vous que pas plus tard que le week-end dernier, de grosses mises à jour ont été poussées sur Framinetest !
Mais les serveurs doivent se multiplier… Et de fait ils le font, avec de nouvelles expérimentations qu’il est toujours passionnant de suivre tant le jeu est riche de libertés. Si j’en crois ce que j’observe sur les médias sociaux, nous avons fait déjà un joli bout de chemin !
Tout est résumé dans un mot : Contributopia ! Il s’agit d’encourager les nouveaux serveurs pédagogiques et de les accompagner.
Le succès de Framinetest n’est pas passé inaperçu et mon petit doigt me dit que cette histoire n’est pas terminée…
Rendez-vous prochainement pour le troisième volet de l’aventure Framinetest.
Cette année, comme les précédentes, Framasoft fait appel à votre générosité afin de poursuivre ses actions.
Depuis 14 ans : promouvoir le logiciel libre et la culture libre
L’association Framasoft a 14 ans. Durant nos 10 premières années d’existence, nous avons créé l’annuaire francophone de référence des logiciels libres, ouvert une maison d’édition ne publiant que des ouvrages sous licences libres, répondu à d’innombrables questions autour du libre, participé à plusieurs centaines d’événements en France ou à l’étranger, promu le logiciel libre sur DVD puis clé USB, accompagné la compréhension de la culture libre, ou plutôt des cultures libres, au travers de ce blog, traduit plus de 1 000 articles ainsi que plusieurs ouvrages, des conférences, et bien d’autres choses encore !
Depuis 4 ans, décentraliser Internet
En 2014, l’association prenait un virage en tentant de sensibiliser non seulement à la question du libre, mais aussi à celle de la problématique de la centralisation d’Internet. En déconstruisant les types de dominations exercées par les GAFAM (dominations technique, économique, mais aussi politique et culturelle), nous avons pendant plusieurs années donné à voir en quoi l’hyperpuissance de ces acteurs mettait en place une forme de féodalité.
Et comme montrer du doigt n’a jamais mené très loin, il a bien fallu initier un chemin en prouvant que le logiciel libre était une réponse crédible pour s’émanciper des chaînes de Google, Facebook & co. En 3 ans, nous avons donc agencé plus de 30 services alternatifs, libres, éthiques, décentralisables et solidaires. Aujourd’hui, ces services accueillent 400 000 personnes chaque mois. Sans vous espionner. Sans revendre vos données. Sans publicité. Sans business plan de croissance perpétuelle.
Mais Framasoft, c’est une bande de potes, pas la #startupnation. Et nous ne souhaitions pas devenir le « Google du libre ». Nous avons donc en 2016 impulsé le collectif CHATONS, afin d’assurer la résilience de notre démarche, mais aussi afin de « laisser de l’espace » aux expérimentations, aux bricolages, à l’inventivité, à l’enthousiasme, aux avis divergents du nôtre. Aujourd’hui, une soixantaine de chatons vivent leurs vies, à leurs rythmes, en totale indépendance.
Il y a un an : penser au-delà du code libre
Il y a un an, nous poursuivions notre virage en faisant 3 constats :
L’open source se porte fort bien. Mais le logiciel libre (c-à-d. opensource + valeurs éthiques) lui, souffre d’un manque de contributions exogènes.
Dégoogliser ne suffit pas ! Le logiciel libre n’est pas une fin en soi, mais un moyen (nécessaire, mais pas suffisant) de transformation de la société.
Il existe un ensemble de structures et de personnes partageant nos valeurs, susceptibles d’avoir besoin d’outils pour faire advenir le type de monde dont nous rêvons. C’est avec elles qu’il nous faut travailler en priorité.
Face à ces constats, notre feuille de route Contributopia vise à proposer des solutions. Sur 3 ans (on aime bien les plans triennaux), Framasoft porte l’ambition de participer à infléchir la situation.
D’une part en mettant la lumière sur la faiblesse des contributions, et en tentant d’y apporter différentes réponses. Par exemple en abaissant la barrière à la contribution. Ou, autre exemple, en généralisant les pratiques d’ouvertures à des communautés non-dev.
D’autre part, en mettant en place des projets qui ne soient pas uniquement des alternatives à des services de GAFAM (aux moyens disproportionnés), mais bien des projets engagés, militants, qui seront des outils au service de celles et ceux qui veulent changer le monde. Nous sommes en effet convaincu·es qu’un monde où le logiciel libre serait omniprésent, mais où le réchauffement climatique, la casse sociale, l’effondrement, la précarité continueraient à nous entraîner dans leur spirale mortifère n’aurait aucun sens pour nous. Nous aimons le logiciel libre, mais nous aimons encore plus les êtres humains. Et nous voulons agir dans un monde où notre lutte pour le libre et les communs est en cohérence avec nos aspirations pour un monde plus juste et durable.
Aujourd’hui : publier Peertube et nouer des alliances
Aujourd’hui, l’association Framasoft n’est pas peu fière d’annoncer la publication de la version 1.0 de PeerTube, notre alternative libre et fédérée à YouTube. Si vous souhaitez en savoir plus sur PeerTube, ça tombe bien : nous venons de publier un article complet à ce sujet !
Ce n’est pas la première fois que Framasoft se retrouve en position d’éditeur de logiciel libre, mais c’est la première fois que nous publions un logiciel d’une telle ambition (et d’une telle complexité). Pour cela, nous avons fait le pari l’an passé d’embaucher à temps plein son développeur, afin d’accompagner PeerTube de sa version alpha (octobre 2017) à sa version bêta (mars 2018), puis à sa version 1.0 (octobre 2018).
Le crowdfunding effectué cet été comportait un palier qui nous engageait à poursuivre le contrat de Chocobozzz, le développeur de PeerTube, afin de vous assurer que le développement ne s’arrêterait pas à une version 1.0 forcément perfectible. Ce palier n’a malheureusement pas été atteint, ce qui projetait un flou sur l’avenir de PeerTube à la fin du contrat de Chocobozzz.
Nous avons cependant une excellente nouvelle à vous annoncer ! Bien que le palier du crowdfunding n’ait pas été atteint, l’association Framasoft a fait le choix d’embaucher définitivement Chocobozzz (en CDI) afin de pérenniser PeerTube et de lui donner le temps et les moyens de construire une communauté solide et autonome. Cela représente un investissement non négligeable pour notre association, mais nous croyons fermement non seulement dans le logiciel PeerTube, mais aussi et surtout dans les valeurs qu’il porte (liberté, décentralisation, fédération, émancipation, indépendance). Sans parler des compétences de Chocobozzz lui-même qui apporte son savoir-faire à l’équipe technique dans d’autres domaines.
Nous espérons que vos dons viendront confirmer que vous approuvez notre choix.
D’ici la fin de l’année, annoncer de nouveaux projets… et une campagne de don
Comme vous l’aurez noté (ou pas encore !), nous avons complètement modifié notre page d’accueil « framasoft.org ». D’une page portail plutôt institutionnelle, décrivant assez exhaustivement « Qu’est-ce que Framasoft ? », nous l’avons recentrée sur « Que fait Framasoft ? » mettant en lumière quelques éléments clefs. En effet, l’association porte plus d’une cinquantaine de projets en parallèle et présenter d’emblée la Framagalaxie nous semblait moins pertinent que de « donner à voir » des actions choisies, tout en laissant la possibilité de tirer le fil pour découvrir l’intégralité de nos actions.
Nous y rappelons brièvement que Framasoft n’est pas une multinationale, mais une micro-association de 35 membres et 8 salarié⋅es (bientôt 9 : il reste quelques jours pour candidater !). Que nous sommes à l’origine de la campagne « Dégooglisons Internet » (plus de 30 services en ligne)… Mais pas seulement ! Certain⋅es découvriront peut-être l’existence de notre maison d’édition Framabook, ou de notre projet historique Framalibre. Nous y mettons en avant LE projet phare de cette année 2018 : PeerTube. D’autres projets à court terme sont annoncés sur cette page (en mode teasing), s’intégrant dans notre feuille de route Contributopia.
Framasoft n’est pas une multinationale, mais une micro-association
Enfin, nous vous invitons à faire un don pour soutenir ces actions. Car c’est aussi l’occasion de rappeler que l’association ne vit quasiment que de vos dons ! Ce choix fort, volontaire et assumé, nous insuffle notre plus grande force : notre indépendance. Que cela soit dans le choix des projets, dans le calendrier de nos actions, dans la sélection de nos partenaires, dans nos prises de paroles et avis publics, nous sommes indépendant⋅es, libres, et non-soumis⋅es à certaines conventions que nous imposerait le système de subventions ou de copinage avec les ministères ou toute autre institution.
Ce sont des milliers de donatrices et donateurs qui valident nos actions par leur soutien financier. Ce qu’on a fait vous a plu ? Vous pensez que nous allons dans le bon sens ? Alors, si vous en avez l’envie et les moyens, nous vous invitons à faire un don. C’est par ce geste que nous serons en mesure de verser les salaires des salarié⋅es de l’association, de payer les serveurs qui hébergent vos services préférés ou de continuer à intervenir dans des lieux ou devant des publics qui ont peu de moyens financiers (nous intervenons plus volontiers en MJC que devant l’Assemblée Nationale, et c’est un choix assumé). Rappelons que nos comptes sont publics et validés par un commissaire aux comptes indépendant.
En 2019, proposer des outils pour la société de contribution
Fin 2018, nous vous parlerons du projet phare que nous souhaitons développer pendant l’année 2019, dont le nom de code est Mobilizon. Au départ pensé comme une simple alternative à Meetup.com (ou aux événements Facebook, si vous préférez), nous avons aujourd’hui la volonté d’emmener ce logiciel bien plus loin afin d’en faire un véritable outil de mobilisation destiné à celles et ceux qui voudraient se bouger pour changer le monde, et s’organiser à 2 ou à 100 000, sans passer par des systèmes certes efficaces, mais aussi lourds, centralisés, et peu respectueux de la vie privée (oui, on parle de Facebook, là).
Évidemment, ce logiciel sera libre, mais aussi fédéré (comme Mastodon ou PeerTube), afin d’éviter de faire d’une structure (Framasoft ou autre), un point d’accès central, et donc de faiblesse potentielle du système. Nous vous donnerons plus de nouvelles dans quelques semaines, restez à l’écoute !
Éviter de faire d’une structure (Framasoft ou autre), un point d’accès central
D’autres projets sont prévus pour 2019 :
la sortie du (apparemment très attendu) Framapétitions ;
la publication progressive du MOOC CHATONS (cours en ligne gratuit et ouvert à toutes et tous), en partenariat avec la Ligue de l’Enseignement et bien d’autres. Ce MOOC, nous l’espérons, permettra à celles et ceux qui le souhaitent, de comprendre les problématiques de la concentration des acteurs sur Internet, et donc les enjeux de la décentralisation. Mais il donnera aussi de précieuses informations en termes d’organisation (création d’une association, modèle économique, gestion des usager⋅es, gestion communautaire, …) ainsi qu’en termes techniques (quelle infrastructure technique ? Comment la sécuriser ? Comment gérer les sauvegardes, etc.) ;
évidemment, bien d’autres projets en ligne (on ne va pas tout vous révéler maintenant, mais notre feuille de route donne déjà de bons indices)
Bref, on ne va pas chômer !
Dans les années à venir : se dédier à toujours plus d’éducation populaire, et des alliances
Nous avions coutume de présenter Framasoft comme « un réseau à géométrie variable ». Il est certain en tout cas que l’association est en perpétuelle mutation. Nous aimons le statut associatif (la loi de 1901 nous paraît l’une des plus belles au monde, rien que ça !), et nous avons fait le choix de rester en mode « association de potes » et de refuser — en tout cas jusqu’à nouvel ordre — une transformation en entreprise/SCOP/SCIC ou autre. Mais même si nous avons choisi de ne pas être des super-héro⋅ïnes et de garder l’association à une taille raisonnable (moins de 10 salarié⋅es), cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas faire plus !
Pour cela, de la même façon que nous proposons de mettre nos outils « au service de celles et ceux qui veulent changer le monde », nous sommes en train de créer des ponts avec de nombreuses structures qui n’ont pas de rapport direct avec le libre, mais avec lesquelles nous partageons un certain nombre de valeurs et d’objectifs.
Ainsi, même si leurs objets de militantisme ou leurs moyens d’actions ne sont pas les mêmes, nous aspirons à mettre les projets, ressources et compétences de Framasoft au service d’associations œuvrant dans des milieux aussi divers que ceux de : l’éducation à l’environnement, l’économie sociale et solidaire et écologique, la transition citoyenne, les discriminations et oppressions, la précarité, le journalisme citoyen, la défense des libertés fondamentales, etc. Bref, mettre nos compétences au service de celles et ceux qui luttent pour un monde plus juste et plus durable, afin qu’ils et elles puissent le faire avec des outils cohérents avec leurs valeurs et modulables selon leurs besoins.
Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Nous pensons que le temps est venu de faire ensemble.
Framasoft est une association d’éducation populaire (qui a soufflé « d’éducation politique » ?), et nous n’envisageons plus de promouvoir ou de faire du libre « dans le vide ». Il y a quelques années, nous évoquions l’impossibilité chronique et structurelle d’échanger de façon équilibrée avec les institutions publiques nationales. Cependant, en nous rapprochant de réseaux d’éducation populaire existants (certains ont plus de cent ans), nos positions libristes et commonistes ont été fort bien accueillies. À tel point qu’aujourd’hui nous avons de nombreux projets en cours avec ces réseaux, qui démultiplieront l’impact de nos actions, et qui permettront — nous l’espérons — que le milieu du logiciel libre ne reste pas réservé à une élite de personnes maîtrisant le code et sachant s’y retrouver dans la jungle des licences.
Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Nous pensons que le temps est venu de faire ensemble.
Nous avons besoin de vous !
Un des paris que nous faisons pour cette campagne est « d’informer sans sur-solliciter ». Et l’équilibre n’est pas forcément simple à trouver. Nous sommes en effet bien conscient⋅es qu’en ce moment, toutes les associations tendent la main et sollicitent votre générosité.
Nous ne souhaitons pas mettre en place de « dark patterns » que nous dénonçons par ailleurs. Nous pouvions jouer la carte de l’humour (si vous êtes détendu⋅es, vous êtes plus en capacité de faire des dons), celle de la gamification (si on met une jauge avec un objectif de dons, vous êtes plus enclin⋅es à participer), celle du chantage affectif (« Donnez, sinon… »), etc.
Le pari que nous prenons, que vous connaissiez Framasoft ou non, c’est qu’en prenant le temps de vous expliquer qui nous sommes, ce que nous avons fait, ce que nous sommes en train de faire, et là où nous voulons vous emmener, nous parlerons à votre entendement et non à vos pulsions. Vous pourrez ainsi choisir de façon éclairée si nos actions méritent d’être soutenues.
« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. » — Antoine de Saint-Exupéry
Nous espérons, à la lecture de cet article, vous avoir donné le désir de co-construire avec nous le Framasoft de demain, et que vous embarquerez avec nous.
PeerTube 1.0 : la plateforme de vidéos libre et fédérée
Ce qui nous fait du bien, chez Framasoft, c’est quand nous arrivons à tenir nos engagements. On a beau faire les marioles, se dire qu’on est dans l’associatif, que la pression n’est pas la même, tu parles !
[Short version of this article in English available here]
Après le financement participatif réussi du mois de juin 2018, nous avions fait la promesse de sortir la version 1 de Peertube en octobre 2018. Et alors, où en sommes-nous ? Le suspense est insoutenable.
Nous étions confiants. Le salaire du développeur principal, Chocobozzz, était assuré jusqu’à la fin de l’année, nous avions déjà recensé des contributions de qualité, nous avions fait un peu de bruit dans la presse… Cependant, nous avions aussi pris un engagement ferme vis-à-vis de nos donateur·ices, ainsi qu’auprès d’un large public international qui ne nous connaissait pas aussi bien que nos soutiens francophones habituels.
Ne vous faisons pas languir plus longtemps, cette version 1.0, elle est là, elle sort à l’heure dite et elle tient ses promesses, elle aussi. C’est l’occasion de dérouler pour vous un récapitulatif des épisodes précédents, ce qui vous évitera de farfouiller dans le blog pour retrouver vos petits. On sait que c’est pénible, on l’a fait. 🙂
C’est quoi, PeerTube ? Une révolte ? Non, Sire, une révolution
[Vidéo de présentation de PeerTube, en anglais, avec les sous-titres français, sur Framatube. Pour la vidéo avec les sous-titres en anglais, cliquez ici. Réalisation : Association LILA (CC by-sa)]
« Dégooglisons Internet ! » avons-nous crié partout pendant trois ans, sur l’air de « Delenda Carthago ! »
Ça, c’était une révolte. Un cri du cœur. Déjà un défi fou : proposer une alternative aux services des géants du web, les GAFAM et leurs petits copains (Twitter, par exemple). Un par un, les services étaient sortis, à un rythme insensé. Ils sont toujours là. Il faut les maintenir. Heureusement, les (désormais 60) CHATONS permettent de répartir un peu la charge. L’offre de mail mise de côté, il restait un gros morceau : proposer une alternative crédible au géant Youtube, rien que ça ! Pas facile de briser l’hégémonie des plateformes de diffusion vidéo !
Les fichiers vidéo sont lourds, c’est le principal inconvénient. Donc il faut de gros serveurs, beaucoup de bande passante, ce qui représente un coût astronomique, sans parler de l’administration technique de tout ça.
Non seulement impensable au regard de nos moyens, mais surtout complètement à l’opposé des principes du Libre : indépendance, décentralisation, partage. Pour répondre au défi financier, Youtube et ses clones utilisent toutes les ressources du capitalisme de surveillance : en captant l’attention des internautes dans des boucles sans fin, en profilant leurs goûts, en les assaillant de publicité, en leur proposant des recommandations parfois toxiques…
C’est là que nous avons pris connaissance du logiciel (libre !) d’un jeune homme sympathique caché derrière le pseudo Chocobozzz, qui travaillait dans son coin à proposer une manière innovante de diffuser et visionner de la vidéo sur Internet.
Quand vous visionnez une vidéo, votre ordinateur participe à sa diffusion
PeerTube utilise les ressources du Web (WebRTC et BitTorrent, des technologies permettant le partage de diffusion, qui est un concept fondamental d’Internet) pour alléger la charge des sites qui hébergent du contenu. Avec un principe on ne peut plus simple : quand vous visionnez une vidéo, votre ordinateur participe à sa diffusion. Si beaucoup de personnes regardent la même vidéo, au lieu de tirer sur les ressources du serveur, on demande un petit effort à chaque machine et à chaque connexion. Les flux se répartissent, le réseau est optimisé. L’Internet comme il doit être. Comme il aurait dû le rester !
Pas besoin d’héberger tous les contenus que vous souhaitez diffuser : il suffit de se fédérer avec des instances amies qui proposent ces contenus pour les référencer sur sa propre instance. Sans dupliquer les fichiers. Et ça marche ! Quand les copains de Datagueule ont mis en ligne leur documentaire Démocratie, le logiciel a encaissé les milliers de visionnages sans broncher. Nous vous avons alors soumis l’idée d’embaucher Chocobozzz pour lui permettre de travailler sereinement à son projet, avec pour objectif de produire une version bêta du logiciel en mars 2018. Grâce à vos dons et à votre confiance, nous avons franchi cette première étape.
Nous avons entre-temps peaufiné notre nouvelle feuille de route Contributopia, dans laquelle PeerTube s’inscrivait parfaitement. Avec la recommandation du protocole ActivityPub par le W3C, qui renforçait le principe de fédération déjà initié par des logiciels sociaux (comme Mastodon), PeerTube est même devenu une brique majeure de Contributopia. Heureusement, la fédération, c’est facile à expliquer, parce que tout le monde l’utilise déjà : on a tou⋅tes des adresses mails, fournies par des tas de serveurs différents, et pourtant on arrive à s’écrire ! Avec PeerTube, lorsque plusieurs instances sont fédérées, il est possible de faire des recherches sur toutes ces instances, sans quitter celle sur laquelle vous êtes, ou de commenter des vidéos d’une instance distante sans avoir besoin de vous créer un compte dessus.
L’étape suivante allait de soi : continuer. La communication autour de PeerTube, via nos réseaux habituels, nous avait déjà permis d’attirer les contributions, des vidéastes avaient manifesté leur intérêt, les forums bruissaient de questions.
C’est pourquoi, rompant avec nos usages habituels, bousculant notre tempo, nous avons décidé de pousser les feux en prenant définitivement le rôle d’éditeur du logiciel de Chocobozzz, avec son accord, évidemment. Et surtout en soumettant une demande de financement participatif à l’international, en anglais, pour pérenniser son embauche, sans forcément vous solliciter à nouveau directement (mais on sait qu’une partie d’entre vous a tenu à participer quand même, et ça fait chaud au cœur, vraiment).
Cette fois encore, ce fut un joli succès, alors que franchement on n’en menait pas large, et voilà ce qui nous amène à cette version 1.0.
Mais alors, elle embarque quoi, cette version 1.0 ?
Avant tout, et pour éviter les mécompréhensions, rappelons que PeerTube n’est pas une seule plateforme centralisée (comme peuvent l’être YouTube, Dailymotion ou Viméo), mais un logiciel permettant de rassembler de nombreuses instances PeerTube (c’est-à-dire différentes installations du logiciel PeerTube, thématiques ou communautaires) au sein de ce que l’on appelle une fédération. Il vous faut donc chercher l’instance PeerTube qui vous convient pour visionner ou mettre en ligne vos vidéos ou, à défaut, mettre en place votre propre instance PeerTube, sur lequel vous aurez tous les droits.
PeerTube n’est pas une seule plateforme centralisée, mais un logiciel
Fonctionnalités de base
Peertube permet de regarder des vidéos avec WebTorrent, pour ne pas saturer les serveurs de diffusion. Si plusieurs personnes regardent la même vidéo, elles téléchargent de petits morceaux de la vidéo depuis votre serveur, mais aussi depuis les machines des autres personnes qui regardent la même vidéo !
Fédération entre instances PeerTube. Si l’instance PeerTube A s’abonne aux instances PeerTube B et C, depuis une recherche sur A, on peut trouver et visionner les vidéos de B et C, sans quitter A.
Le logiciel dispose de réglages assez fins qui permettent d’ajuster la gouvernance : chaque instance s’organise comme elle le souhaite. Ainsi, l’administrateur·ice de l’instance peut définir :
un quota d’espace disque pour chaque vidéaste ;
le nombre de comptes acceptés ;
le rôle des utilisateur·ices (administration, modération, utilisation, upload de vidéos).
PeerTube peut fonctionner sur un petit serveur. Vous pouvez par exemple l’installer sur un matériel type VPS ayant deux cœurs et 2Go de RAM. L’espace de stockage requis dépend évidemment du nombre de vidéos que vous souhaitez héberger personnellement.
PeerTube dispose d’un code stable et robuste, testé et éprouvé sur de nombreux systèmes, ce qui le rend performant. Ainsi, une page PeerTube se charge souvent bien plus vite qu’une page YouTube.
Vos vidéos peuvent être automatiquement converties dans différentes définitions (par exemple 240p, 720p ou 1080p. voire le 4K) pour s’adapter au débit et matériel des visiteur·euses. Cette étape s’appelle le transcodage.
Un mode «Théâtre» ainsi qu’un mode «nuit» sont disponibles pour un meilleur confort de visionnage.
PeerTube ne vous espionne pas et ne vous enferme pas : en effet, l’application ne collecte pas d’informations personnelles à des fins d’exploitation commerciale, et surtout PeerTube ne vous enferme pas dans une « bulle de filtre ». Par ailleurs, il n’utilise pas d’algorithme de recommandation biaisé pour vous faire rester indéfiniment en ligne. C’est peut-être un détail (ou une faiblesse) pour vous, mais pour nous c’est une force qui veut dire beaucoup !
Il n’existe pas – encore – d’application smartphone dédiée. Cependant, la version web de PeerTube fonctionne rapidement sur smartphone et s’adapte parfaitement à votre appareil.
Les visiteur⋅euses peuvent commenter les vidéos. Cette fonctionnalité peut être désactivée soit par l’administrateur·ice de l’instance sur n’importe quelle vidéo, soit localement par la personne qui met en ligne les vidéos.
PeerTube utilisant le protocole d’échanges ActivityPub, il est possible d’interagir avec d’autres logiciels utilisant ce même protocole. Par exemple, la plateforme de vidéo PeerTube peut interagir avec le réseau social Mastodon, alternative à Twitter. Ainsi, il est possible de « suivre » un utilisateur PeerTube depuis Mastodon, ou même de commenter une vidéo directement depuis votre compte Mastodon.
Un bouton permet d’apporter votre soutien à l’auteur d’une vidéo. Ainsi, les vidéastes peuvent mettre en place le mode de financement qui leur convient.
Nous n’avons peut-être pas insisté sur ce point, mais PeerTube est bien évidemment un logiciel libre 🙂 Cela signifie que son code source (sa recette de cuisine) est disponible et ouverte à tou⋅tes. Ainsi, vous pouvez contribuer au code ou, si vous pensez que le logiciel ne va pas dans la bonne direction, le copier et y apporter les modifications qui correspondent à vos besoins.
Fonctionnalités financées par le crowdfunding
Le sous-titrage : possibilité d’ajouter de multiples fichiers de langue (au format .srt) pour proposer les sous-titrages des vidéos.
La redondance d’instance : il est possible « d’aider » une instance désignée en activant la redondance de tout ou partie de ses vidéos (qui seront alors dupliquées sur votre instance). Ainsi, si l’instance liée est surchargée parce que trop de monde regarde les vidéos qu’elle héberge, votre instance pourra la soutenir en mettant sa bande passante à disposition.
L’import depuis d’autres plateformes vidéo par simple copier-coller : YouTube, Viméo, Dailymotion, etc. Depuis certaines plateformes, la récupération du titre, de la description ou des mots clés est même automatique. Il est bien entendu possible d’importer aussi des vidéos par lien direct ou depuis une autre instance PeerTube. Enfin, PeerTube permet aussi l’import depuis les fichiers .torrent.
Plusieurs flux RSS s’offrent à vous selon vos besoins : un pour les vidéos de manière globale, un autre pour celles d’une chaîne et un dernier pour les commentaires d’une vidéo.
Peertube s’est internationalisé et parle maintenant 13 langues dont le chinois. Des traductions vers d’autres langues sont en cours.
La recherche est plus pertinente. Elle prend en compte certaines fautes de frappe et propose l’utilisation de filtres.
Fonctionnalités à venir
Nous avons une excellente nouvelle : bien que le troisième palier du crowdfunding n’ait pas été atteint, Framasoft a décidé d’embaucher Chocobozzz en CDI afin de pérenniser le développement de Peertube. D’autres fonctionnalités sont donc prévues au cours de l’année 2019.
Un système de plugins pour personnaliser Peertube. Il s’agit là d’un développement essentiel, car il permettra à chacun⋅e de développer ses propres plugins pour adapter PeerTube à ses besoins. Par exemple il deviendra possible de proposer des plugins de recommandations avec des algorithmes spécifiques ou des thèmes graphiques complètement différents.
Nous développerons éventuellement une application mobile (ou bien des contributeur⋅ices motivé⋅e⋅s le feront)
Il sera rapidement possible d’améliorerl’outil d’importation de vidéos, de façon à pouvoir «synchroniser» votre chaîne YouTube avec votre chaîne PeerTube (PeerTube sera en capacité de vérifier si de nouvelles vidéos ont été ajoutées et pourra automatiquement les ajouter à votre compte PeerTube, titre et descriptions compris). Dans les faits, cette fonctionnalité fonctionne déjà pour celles et ceux qui hébergent leur instance PeerTube et maîtrisent la ligne de commande.
Des statistiques par instance ou par compte pourront être mises à disposition.
L’amélioration des outils de modération.
[Exemple de la fonction d’import de vidéo]
PeerTube répare Internet
La campagne « Dégooglisons Internet » était un cri, une réaction, un rejet. Rejet des GAFAM et de leur vision centralisatrice, fermée, toute tournée vers le fric et le contrôle. Lutter contre les GAFAM, c’est mener un combat disproportionné. Mais la prise de conscience est faite. Nous n’avons plus besoin de rabâcher notre couplet sur leur façon de nier nos libertés, de s’approprier nos données personnelles, de prendre le pouvoir dans nos vies. Et puis il faut dire qu’à force de scandales, ils nous ont bien aidés à accélérer dans l’opinion publique cette prise de conscience. Nous revendiquons fièrement notre participation à cette évolution des esprits, au milieu d’autres acteurs tout aussi importants (LQDN, la CNIL, l’APRIL, etc.). Il est temps maintenant de passer à autre chose.
Chez Framasoft, incorrigibles bavards que nous sommes, nous avons produit beaucoup d’écrits, et nous avons finalement, proportionnellement, assez peu de contenus vidéos à proposer, alors que c’est un média qui est devenu à la fois plus facile à élaborer et plus demandé par le public. Ce virage vers la vidéo nous a été confisqué par les plateformes centralisatrices, Youtube en tête. Elles ont installé un standard, une norme, avec des pratiques révoltantes comme la censure aveugle et l’appropriation des contenus.
Le principe de fédération impulsé par le protocole ActivityPub et les logiciels qui l’utilisent (Peertube, Mastodon, Funkwhale, PixelFed, Plume… la liste s’allonge chaque mois) est en train, ni plus ni moins, de corriger le tir, de (re)construire le futur d’Internet. Celui que nous appelons de nos vœux.
Oui, cette fois, c’est une révolution. Avec Contributopia, nous annonçons une étape de construction, basée sur le partage, les communs, l’éducation populaire.
Nous avons aussi pris conscience, en avançant, que nous ne pouvions plus nier la dimension politique de cette vision. Alors quand on dit «politique», on convoque l’étymologie du mot, hein. C’est pas demain qu’on verra Pyg, notre délégué général, à l’Assemblée Nationale. Il n’empêche ! La culture du libre, ça va bien au-delà de l’hébergement d’agendas ou de l’ouverture d’un pad pour rédiger le présent article à plusieurs.
Nous travaillons, dans le cadre qui est le nôtre, à fournir des outils numériques aux utopistes qui, comme nous, pensent qu’il y a encore moyen de sauver les meubles. On se disait que ce n’était pas super vendeur, mais nous avons pu voir, lors de nos fréquentes interventions à droite et à gauche, que la démarche rencontrait de l’écho. Nous avons encore quelques jolies cartes à jouer pour la suite (même si pour certaines on ne sait pas encore comment ça se passera ^^), comme toujours dans la bonne humeur et le houblon doré.
Nous espérons que vous nous suivrez, encore, dans cette voie.
Longue vie à PeerTube.
L’équipe de Framasoft.
Pour aller plus loin
À vous de jouer ! PeerTube vous appartient, emparez-vous de ses possibilités. Déposez des vidéos de qualité (de préférence sous licence libre, ou pour laquelle vous avez les droits de diffusion ou un accord explicite) sur l’une des instances déjà existantes. Faites connaître PeerTube à vos contacts et aux YouTubeur⋅euses auxquels vous êtes abonné⋅e. Et si vous le pouvez, installez votre propre instance pour agrandir encore le réseau fédéré !
C’est dans l’air du temps et c’est tant mieux. Comme à chaque fois que Twitter (ou Facebook) se signale par ses errements manifestes (et comment pourrait-il en être autrement ?), s’ensuit une vague de migrations.
Voici par exemple Laura Kalbag. Cette designeuse britannique qui est la moitié de indie.ie avec Aral Balkan et qui a publié le guide Accessibility for everyone a récemment pris ses distances avec Twitter pour expérimenter Mastodon au point de piloter sa propre instance…
Il y a quelques semaines j’ai publié une brève note pour signaler que j’ai désormais ma propre instance Mastodon. Mais commençons par le commencement : pourquoi ?
J’ai l’intention d’utiliser Mastodon comme alternative à Twitter. Bien que Mastodon ne soit pas l’équivalent de Twitter, nombre de ses fonctionnalités sont semblables. Et je cherche une solution alternative à Twitter parce que Twitter n’est pas bon pour moi.
Parfois, il m’arrive de croire qu’en disant : « Twitter n’est pas bon pour moi » je n’ai pas besoin d’expliquer davantage, mais ce n’est pas une opinion tellement répandue. Cela vaut la peine d’être expliqué un peu plus en détail :
Le capitalisme de surveillance
En bref, le problème avec Twitter c’est le capitalisme de surveillance. Au cas où ce terme vous serait étranger, le capitalisme de surveillance est le modèle économique dominant en matière de technologie grand public. La technologie nous traque, observe nos actions : c’est l’aspect surveillance. Cette information est alors utilisée afin de mieux nous vendre des biens et services, souvent par le biais de la publicité « pertinente », c’est l’aspect capitalisme. Pour dire les choses clairement, Aral Balkan appelle cela le people farming que l’on peut traduire par « élevage humain».
Nous sommes la plupart du temps conscient⋅e⋅s du fait que les publicités que nous voyons sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter financent leurs services. En revanche, nous sommes moins conscient⋅e⋅s du fait que des algorithmes affectent les articles ou billets que nous voyons dans les fils d’information de nos réseaux sociaux, et nous ne savons pas quelle information nourrit ces algorithmes ; ni comment ces algorithmes et leurs interfaces sont conçus pour manipuler notre interaction avec le service. Nous sommes largement inconscient⋅e⋅s de la manière dont la plupart des technologies utilisent le traçage et leurs propres algorithmes pour nous rendre dépendant⋅e⋅s et pour manipuler notre comportement d’une manière qui leur est financièrement bénéfique.
Si tout cela semble tiré par les cheveux, jetez un coup d’œil à la version blog de ma conférence intitulée : « Digital Assistants, Facebook Quizzes, et Fake News ! Vous n’allez pas croire ce qui va se passer ensuite. »
Qu’est-ce qui ne va pas avec Twitter, au juste ?
Le modèle économique de capitalisme de surveillance de Twitter a un impact sur chaque décision prise par Twitter. Twitter récompense les comportements abusifs à travers les algorithmes utilisés pour son historique car la controverse entraîne « l’engagement ». Twitter construit des cultes de la célébrité (qu’il s’agisse des individus ou des mèmes) parce que davantage de personnes s’inscriront sur une plateforme pour suivre l’actualité et éviter la peur de passer à côté.
À travers ses algorithmes Twitter décide de ce que vous voyez
Tout comme l’a fait Facebook auparavant, la décision de Twitter d’utiliser des algorithmes pour vous dicter ce que vous voyez dans votre fil au lieu de vous montrer les messages dans leur ordre chronologique signifie que vous ne pouvez pas faire confiance au flux pour vous afficher les messages des personnes que vous suivez (le contournement consiste à utiliser les « Listes », mais pour cette raison, je soupçonne Twitter de vouloir se débarrasser des listes à un moment ou à un autre…)
Vous ignorez si vos messages sont vus ou si vous voyez ceux de vos amis, puisque vous n’avez aucune idée de ce que fait l’algorithme. il semble que cet algorithme favorise les comptes et les tweets populaires et/ou viraux, ce qui fait de la viralité l’aspiration ultime des vedettes expérimenté⋅e⋅s des réseaux sociaux, au-delà du nombre spectaculaire d’abonné⋅e⋅s. (je ne porte pas de jugement… je décide moi aussi de suivre ou non une personne en fonction de son nombre d’abonné⋅e⋅s, pas vous ?)
En réalité, Twitter encourage les agressions
Twitter permet aux agressions et au harcèlement de continuer parce que l’engagement des utilisateurs prospère grâce à la polémique. Des trolls haineux qui chassent en meute ? C’est ça, l’engagement ! Des femmes et des personnes de groupes marginalisés sont harcelées sur Twitter ? Mais tous ces trolls sont si engageants ! Qu’est-ce que ça peut faire qu’une femme quitte Twitter si la polémique a pour résultat qu’un plus grand nombre de personnes vont tweeter, ou même s’inscrire pour avoir leur mot à dire sur la question ? Pourquoi Twitter, Inc. devrait-il se soucier des gens alors que les chiffres sont tout ce qui compte pour les investisseurs, et que ce sont eux qui gardent la mainmise sur les projecteurs ? Tout ce que les entreprises de réseaux sociaux ont à faire, c’est de maintenir un équilibre délicat pour ne pas mettre trop de gens en colère et à ne pas les aliéner au point de les faire quitter la plateforme en masse. Et étant donné qu’un si grand nombre de ces gens sont tellement engagés dans Twitter (est-ce nécessaire de mentionner que « engagement » n’est probablement qu’un euphémisme pour « addiction »), ils ont du mal à en sortir. C’est mon cas. Pas vous ?
Si Twitter se conformait rigoureusement à une politique stricte contre le harcèlement et les agressions, il y aurait moins de tweets. Si Twitter nous donnait des outils efficaces pour modérer nos propres fils, réponses et messages, il est probable que cela impacterait ce que l’algorithme choisit de nous montrer, et impacterait le modèle économique de Twitter qui monétise ce que l’algorithme met en priorité dans le flux des messages.
Twitter ne gère pas efficacement les cas d’agression
Il n’est pas facile de modérer les agressions. Décider de ce qui constitue une agression et de la façon de la traiter de manière appropriée est un problème pour toutes les plateformes de publication et tous les réseaux sociaux. Ce sont aussi des problèmes systémiques auxquels sont confrontées les communautés locales et le système judiciaire. Problèmes qui sont généralement traités (encore souvent de manière inadéquate) par ces communautés et systèmes judiciaires. Mais nous devons être conscients que la technologie amplifie les problèmes, en facilitant le ciblage d’un individu et la possibilité d’une attaque de manière anonyme. Et comme nous utilisons les plateformes de grandes entreprises, nous déléguons au contrôle de l’entreprise la responsabilité des décisions sur la manière de gérer les agressions.
Les personnels de ces entreprises technologiques ne devraient pas être ceux qui décident de ce qui relève de la liberté d’expression et de la censure sur ce qui est devenu notre infrastructure sociale mondiale. Les personnes qui ont des intérêts financiers dans le chiffre d’affaires ne devraient pas être en mesure de prendre des décisions concernant nos droits et ce qui constitue la liberté d’expression.
Nuances
Bien sûr, il y a aussi des situations diverses et certains choix de conception d’algorithmes de flux pour gérer le harcèlement et des agressions ne sont pas principalement destinés à servir le capitalisme de surveillance. Il se peut qu’il y ait des personnes qui travaillent dans l’entreprise et qui ont des intentions bienveillantes. (J’en ai rencontré quelques-unes, je n’en doute pas !)
Mais comme le modèle d’affaires de Twitter est concentré sur l’extraction de l’information des gens, les décisions de conception qui servent le modèle économique auront toujours la priorité. Les cas de comportements bienveillants sont des exceptions et ne prouvent pas que le modèle entier repose sur le principe de « l’attention bienveillante malgré tout ». De tels gestes de bonté sont malheureusement accomplis, ou plutôt consentis, pour améliorer les relations publiques.
Mon usage de Twitter
Quand je me demande sincèrement pourquoi j’utilise encore Twitter, je trouve de bonnes raisons et aussi des prétextes. Toutes mes bonnes raisons sont probablement des prétextes, tout dépend du degré de complaisance envers moi-même dont je suis capable tel ou tel jour. Je suis comme prise dans un tourbillon entre mes convictions et mon amour-propre.
Twitter me donne les nouvelles
C’est sur Twitter que je vais d’abord pour m’informer des actualités internationales et locales. Il est difficile de trouver un organe de presse qui couvre l’actualité et les questions qui me tiennent à cœur sans publier également du putaclic, des listes attrape-cons et des bêtises calculées avec du SEO. Malheureusement, c’est en grande partie parce que la publicité sur le Web (qui repose avant tout sur la surveillance) est le modèle économique de la publication de nouvelles. Je me tiens donc au courant des actualités en suivant quelques organes d’information et beaucoup de journalistes individuels.
Il existe une stratégie de contournement : suivre des comptes et des listes Twitter sur Feedbin, à côté des autres flux RSS auxquels je suis abonnée. Tous les tweets sont à disposition, mais l’algorithme ou les applications ne tentent pas de manipuler votre comportement.
Il s’agit d’une solution de contournement temporaire, car Twitter peut trouver un moyen d’interdire ce type d’utilisation. (Peut-être que d’ici là, nous pourrons passer au RSS comme principal moyen de publication ?) Et de toute évidence, cela ne servira pas à grand-chose et ne résoudra pas le problème de la dépendance des médias d’information au capitalisme de surveillance comme modèle économique.
Les abonnés
Beaucoup de personnes dans l’industrie Web ont accumulé un grand nombre d’abonnés sur Twitter, et il est difficile à abandonner (mon nombre d’abonnés est relativement modeste mais assez grand pour flatter mon ego lors d’une mauvaise journée). La façon positive de voir les choses, c’est que vous vous sentez responsable envers les gens qui vous suivent de les tenir au courant des nouvelles de l’industrie, et que vous avez une plateforme et une influence pour promouvoir les enjeux qui vous tiennent à cœur.
La façon plus cynique de voir les choses est la suivante : quelqu’un remarquerait-il vraiment si j’arrêtais de tweeter ? Je suis une goutte d’eau dans l’océan. Est-ce qu’un décompte de mes abonnés est juste devenu une autre façon de flatter mon ego et de prouver ma propre valeur parce que je suis accro à la dopamine d’une notification qui me signale que quelqu’un pense que je vaux un petit clic sur le bouton « suivre » ? Peut-être que me suivre n’est pas l’expérience heureuse que j’imagine avec autosatisfaction. Il n’y a pas d’autre solution que de s’améliorer et de devenir moins obsédé⋅e par soi-même. En tant que personne issue de la génération millénium dans une société dominée par le capitalisme, je me souhaite bonne chance.
Le cercle des ami⋅e⋅s
Malgré ce modèle suivre/être suivi de Twitter, j’ai des amis sur Twitter. J’ai déjà parlé d’amitié en ligne. Je me suis aussi fait des ami⋅e⋅s sur Twitter et je l’utilise pour rester en contact avec des gens que je connais personnellement. Je veux savoir comment vont mes amis, ce qu’ils font, à quoi ils s’intéressent. Je veux aussi pouvoir bavarder et échanger des inepties avec des inconnu⋅e⋅s, partager mon expérience jusqu’à ce que nous devenions ami⋅e⋅s.
Une solution : Mastodon. Un réseau social loin d’être parfait mais bien intentionné.
Qu’est-ce que Mastodon et pourquoi l’utiliser ?
Mastodon a démarré comme une plateforme de microblogging similaire à Twitter, mais a évolué avec davantage de fonctionnalités qui montrent une orientation éthique, progressiste et inclusive. À la place de tweets, vos billets sur Mastodon sont appelés des pouets (NdT : en anglais c’est amusant aussi, des “toots”).
Pourquoi utiliser Mastodon et pas un autre réseau social nouveau ?
Maintenant que vous savez pourquoi je quitte Twitter, vous avez probablement une vague idée de ce que je recherche dans un réseau social. Mastodon est unique pour plusieurs raisons :
Mastodon est fédéré
« Mastodon n’est pas seulement un site web, c’est une fédération – pensez à Star Trek. Les milliers de communautés indépendantes qui font tourner Mastodon forment un réseau cohérent, où, bien que chaque planète soit différente, il suffit d’être sur l’une pour communiquer avec toutes les autres. »
La fédération signifie qu’il y a beaucoup de communautés différentes faisant tourner le logiciel Mastodon, mais chaque individu de chaque communauté peut parler à un autre utilisateur de Mastodon. Chaque domaine où Mastodon tourne est appelé une « instance ».
Fédération vs centralisation
Dans mon billet à propos de Twitter, je mentionnais « comme nous utilisons les plateformes de grandes entreprises, nous déléguons la responsabilité des décisions sur la manière de gérer les agressions au contrôle de l’entreprise. » Cette manière dont le pouvoir est tenu par un individu ou un petit groupe est une forme de centralisation.
La centralisation se manifeste à travers le Web de diverses façons, mais pour les plateformes comme Twitter, la centralisation veut dire que la plateforme tourne sur un serveur appartenant à une entreprise et contrôlé par elle. Donc pour utiliser Twitter, vous devez aller sur Twitter.com, ou utiliser un service ou une application qui communique directement avec Twitter.com. Ceci signifie que Twitter a un contrôle absolu sur son logiciel, la manière dont les gens s’en servent, ainsi que le profil et les données de comportement de ces personnes. Aral explique ceci en disant que ces plateformes ne sont pas comme des parcs, mais comme des centres commerciaux. Vous pouvez entrer gratuitement, rencontrer vos ami⋅e⋅s là-bas, avoir des conversations et acheter des trucs, mais vous êtes assujetti⋅e⋅s à leurs règles. Ils peuvent observer ce que vous faites avec des caméras de surveillance, vous entourer de publicités, et vous mettre dehors s’ils n’aiment pas ce que vous faites ou dites.
L’inverse de la centralisation, c’est la décentralisation. Une alternative décentralisée à la publication sur Twitter consiste à poster de petites mises à jour de votre statut sur votre blog, comme je le fais avec mes Notes. De cette manière je suis propriétaire de mes propres contenus et je les contrôle (dans les limites de mon hébergeur web). Si tout le monde postait son statut sur son blog, et allait lire les blogs des autres, ce serait un réseau décentralisé.
Mais poster des statuts sur son blog passe à côté de l’intérêt… social des réseaux sociaux. Nous n’utilisons pas seulement les réseaux sociaux pour crier dans le vide, mais nous les utilisons pour partager des expériences avec les autres. Aral et moi travaillons sur des manières de le faire avec nos sites personnels, mais nous n’y sommes pas encore. Et c’est là que la fédération rentre en jeu.
On peut appeler ça une « mono-instance ». Elle est hébergée sur mon propre domaine, donc j’en suis propriétaire et contrôle tout ce que je poste dessus, mais parce que j’ai Mastodon installé, je peux voir ce que les autres gens postent sur leurs instances Mastodon, et leur répondre avec des mentions, des boosts (équivalents d’un retweet) de leurs pouets, bien qu’ils soient sur des instances différentes. C’est comme avoir mon propre Twitter qui puisse discuter avec les autres Twittos, mais où c’est moi qui décide des règles.
« Mastodon est un logiciel gratuit, libre, que chacun peut installer sur un serveur. »
Mastodon est libre et gratuit, c’est pour cela que nous pouvons avoir nos propres instances avec nos propres règles. Cela veut aussi dire que si Eugen Rochko, qui fait Mastodon, va dans une direction que les gens n’aiment pas, nous (suivant nos compétences) pouvons le forker et réaliser notre propre version.
« En utilisant un ensemble de protocoles standards, les serveurs Mastodon peuvent échanger de l’information entre eux, permettant aux utilisateurs d’interagir sans heurts… Grâce aux protocoles standards, le réseau n’est pas limité aux serveurs Mastodon. Si un meilleur logiciel apparaît, il peut continuer avec le même graphe social. »
Mastodon utilise des protocoles standards, ce qui signifie que vous pouvez vous fédérer avec Mastodon même si vous n’utilisez pas Mastodon vous-même. Ceci signifie que vous n’êtes pas enfermé⋅e dans Mastodon, vu qu’il est interopérable, mais aussi qu’une autre technologie peut marcher avec vos pouets à l’avenir.
« Il n’y a pas de publicité, monétisation, ni capital-risque. Vos donations soutiennent directement le développement à plein temps du projet. »
Voilà qui est important. Mastodon est financé par des donations, pas par de la publicité ou autre astuce néfaste de monétiser vos informations, et pas non plus par des investisseurs de capital-risque. Cela signifie qu’il n’y a pas de conseil d’administration qui décidera qu’ils doivent commencer à faire des choses pour vous monétiser afin d’obtenir un retour sur leur investissement, ou pour “croître”. Cela signifie que nous dépendons de la bonne volonté et de la générosité d’Eugen. Mais, comme je l’ai mentionné plus haut, puisque Mastodon est libre et ouvert, si Eugen devient un monstre (cela semble improbable), nous pouvons forker Mastodon et faire une version différente qui fonctionne pour nous, à notre goût.
Mastodon est inclusif
Un des plus gros problèmes de Twitter est la modération (ou plutôt l’absence de modération) du harcèlement et des agressions. Dans un article intitulé Cage the Mastodon (NdT : mettre en cage le mastodonte) Eugen explique comment Mastodon est conçu pour empêcher le harcèlement autant que possible, et vous donner des outils pour vous assurer que votre fil et vos réponses ne contiennent que ce que vous souhaitez voir.
« Mastodon est équipé d’outils anti-harcèlement efficaces pour vous aider à vous protéger. Grâce à l’étendue et à l’indépendance du réseau, il y a davantage de modérateurs auxquels vous pouvez vous adresser pour obtenir une aide individuelle, et des instances avec des codes de conduite stricts. »
Bien sûr, Mastodon est loin d’être parfait – cette critique constructive de Nolan Lawson aborde certaines des plus grandes questions et plusieurs approches possibles – mais Mastodon accorde la priorité aux outils anti-agressions et les gens qui travaillent sur Mastodon accordent la priorité aux décisions de conception qui favorisent la sécurité. Par exemple, vous ne pouvez pas simplement rechercher un mot-clé sur Mastodon. Cela signifie que les gens qui cherchent à déclencher une bagarre ou une attaque en meute ne peuvent pas se contenter de chercher des munitions dans les pouets d’autres personnes. Si vous voulez que les mots-clés de vos pouets puissent être recherchés, vous pouvez utiliser des #hashtags, qui peuvent être recherchés.
Une autre de mes fonctionnalités favorites de Mastodon, c’est que par défaut, vous pouvez apporter un texte de description alternatif pour les images, sans que l’option soit cachée dans un menu « Accessibilité ». Par défaut, une zone de saisie vous est montrée au bas de l’image avec la mention « Décrire pour les malvoyants »
C’est une façon astucieuse pour Mastodon de dire aux gens qu’ils doivent rendre leurs images accessibles à leurs amis.
Comment utiliser Mastodon
Je ne suis pas une experte et j’en suis à mes premiers pas sur Mastodon. Alors voici une liste des meilleurs guides d’utilisation réalisés par des personnes qui connaissent bien mieux que moi comment fonctionne Mastodon :
Un guide de Mastodon des plus exhaustifs par @joyeusenoelle – guide écrit de manière simple et suivant le format de la FAQ. Utile si vous voulez trouver une réponse à une question en particulier.
Qu’est-ce que c’est que Mastodon et pourquoi est-ce mieux que Twitter par Nolan Lawson – Une introduction détaillée à Mastodon et à son histoire.
• Le Mastodon apprivoisé par Eugen Rochko – Un aperçu des caractéristiques pour gérer les abus et le harcèlement, qui explique également les décisions prises dans les coulisses de Mastodon en termes de design.
• Comment fonctionne Mastodon ? Par Kev Quirk—Introduit des comparaisons entre Mastodon et Twitter à travers des exemples qui permettent d’améliorer la compréhension.
• La confidentialité des posts de Mastodon – Un pouet qui explique qui peut voir ce que vous pouettez sur Mastodon selon les différents paramétrages choisis.
• La liste ultime – Un guide pratique des apps et des clients web à utiliser avec Mastodon au-delà de son interface par défaut. D’autres points sont également référencés, tels les outils d’affichage croisé notamment.
Rejoignez une petite instance, ou créez la vôtre
Si vous êtes intéressé⋅e par Mastodon, vous pouvez choisir l’instance que vous souhaiteriez rejoindre, ou vous pouvez créer la vôtre. Je suis partisane de l’instance unique pour soi-même, mais si vous souhaitez juste tester, ou si vous avez eu de mauvaise expérience de harcèlement sur les réseaux sociaux ailleurs, je vous recommande de choisir une petite instance avec le code de bonne conduite qui vous convient.
Beaucoup de gens (moi incluse) commencent par se créer un compte sur mastodon.social, mais je vous le déconseille. C’est la plus grande instance anglophone mise en place par les développeurs de Mastodon, avec notamment Eugen Rochko (@gargron). Ils ont des règles anti-nazis et semblent être plutôt bienveillants. Toutefois, beaucoup de gens utilisent mastodon.social. La dernière fois que j’ai regardé, ils étaient 230 000. Cela veut dire beaucoup de pression sur les modérateurs, et sur le serveur, et ça contrevient grandement au concept de fédération si tout le monde rejoint la même instance. Rappelez-vous, vous pouvez facilement communiquer avec des personnes de n’importe quelle autre instance de Mastodon. Si des personnes insistent pour que vous veniez sur leur instance alors que ce n’est ni pour le code de conduite ni pour la modération, à votre place je m’interrogerais sur leurs motivations.
Soyez conscient⋅e que l’administrateur d’une instance peut lire vos messages privés. L’administrateur de l’instance de l’utilisateur avec qui vous communiquez peut aussi lire vos échanges. Cela vient du fait que les messages privés ne sont pas chiffrés de bout en bout. Même si je ne pense pas que ce soit catastrophique pour Mastodon (c’est tout aussi vrai pour vos messages sur Twitter, Facebook, Slack, etc.), [çà nous rappelle que l’on doit vraiment faire confiance à notre administrateur d’instance/un rappel sur la nécessité de pouvoir se fier à l’administrateur de votre instance]. Aussi, si vous souhaitez envoyer des messages de manière vraiment sécurisée, je conseille de toujours utiliser une application de messagerie chiffrée, comme Wire.
Pourquoi Ind.ie ne propose pas d’instance ?
Quelques personnes nous ont encouragés, Aral et moi, à lancer notre propre instance. Nous ne le ferons pas, parce que :
Avant tout : la décentralisation est notre objectif. Nous ne voulons pas la responsabilité de détenir et contrôler vos contenus, même si vous nous faites confiance (vous ne devriez pas !).
De plus, nous serions de piètres modérateurs. Les modérateurs et modératrices devraient être formé⋅e⋅s et avoir une expérience significative. Ils sont la principale défense contre le harcèlement et les agressions. Les modérateurs se doivent d’être des arbitres impartiaux en cas de désaccord, et faire respecter leur Code de Conduite. C’est une activité à temps plein, et je crois que ça ne peut être efficace que sur de petites instances.
Ma mono-instance
J’ai d’abord rejoint Mastodon.social fin 2016. Alors que j’étais assez active sur les comptes @Better et @Indie, mon propre compte était très calme. Mastodon.social était déjà plutôt grand, et je voulais avoir ma propre instance, et ne pas m’investir trop pour un compte qui pourrait finalement cesser d’exister.
Mais je ne voulais pas héberger et maintenir une instance Mastodon toute seule. C’est un logiciel vaste et complexe, et je ne suis pas développeuse backend de grande envergure ni adminsys. De plus, je n’ai tout simplement pas le temps d’acquérir les compétences requises, ni même de mettre à jour les nouvelles versions et faire les mises à jour de sécurité.
Alors quand Masto.host, un hébergeur pour « un hébergement de Mastodon entièrement géré » m’a été recommandé, j’ai su que c’était ce dont j’avais besoin pour franchir le pas pour l’hébergement de ma propre instance.
Pourquoi mettre en place une mono-instance ?
Tout ce que je publie est sous mon contrôle sur mon serveur. Je peux garantir que mon instance Mastodon ne va pas se mettre à tracer mon profil, ou à afficher de la pub, ou à inviter des Nazis dans mon instance, car c’est moi qui pilote mon instance. J’ai accès à tout mon contenu tout le temps, et seuls mon hébergeur ou mon fournisseur d’accès à Internet peuvent bloquer mon accès (comme pour tout site auto-hébergé). Et toutes les règles de blocage et de filtrage sont sous mon contrôle – Vous pouvez filtrer les personnes que vous voulez sur l’instance d’autres personnes, mais vous n’avez pas votre mot à dire sur qui/ce qu’ils bloquent pour toute cette instance.
Vous pouvez aussi créer des emojis personnalisés pour votre propre instance Mastodon que chaque autre instance pourra voir et/ou partager.
Pourquoi ne PAS mettre en place une mono-instance ?
Dans un billet précédent sur les niveaux de décentralisation qui se trouvent au-delà de mes moyens, j’ai examiné les facteurs qui nous permettent, ou non, de posséder et contrôler nos propres contenus. Il en va de même pour les réseaux sociaux, surtout en termes de sécurité. Parfois nous ne voulons pas, ou nous ne pouvons pas, modérer notre propre réseau social.
Je suis une personne privilégiée parce que je peux faire face au faible taux de harcèlement que je reçois. Ce n’est pas un indicateur de ma force mentale, c’est seulement que le pire que je reçois sont des pauvres types qui me draguent par MP (messages privés), et certains individus qui insultent notre travail à Ind.ie de manière non-constructive et/ou blessante. Ce n’est pas infini, c’est gérable avec les outils de blocage et de sourdine usuels. (Je suis également fan du blocage préventif, mais ce sera un billet pour un autre jour). Je n’ai pas (pas encore ?!) été victime d’une attaque en meute, de harcèlement ciblé, ou d’agression plus explicite.
Parce que beaucoup de gens sont victimes de ce type de harcèlement et d’abus, et ils ne peuvent pas s’attendre à maintenir leur propre instance. Parce que pour être en mesure de bloquer, mettre en sourdine et modérer efficacement les personnes et les choses malfaisantes, il faut voir ces personnes et ces choses malfaisantes.
De la même manière qu’à mon avis le gouvernement devrait fournir des filets de sécurité pour les personnes vulnérables et marginalisées de la société, le web devrait fournir également des filets de sécurité pour les personnes vulnérables et marginalisées du web. Je vois des petites instances comme ces filets de sécurité. Idéalement, je vous conseillerais de connaître votre administrateur d’instance en personne. Les instances devraient être comme des familles (entretenant de saines relations) ou des petits clubs du monde hors-ligne. Dans ces situations, vous pouvez avoir quelqu’un qui représente le groupe en tant que leader lorsque c’est nécessaire, mais que ce soit une hiérarchie horizontale sinon.
Connaître de bonnes personnes qui vous protègent est un sacré privilège, alors peut-être qu’une recommandation par du bouche-à-oreille pour une petite instance d’une personne que vous connaissez pourrait suffire. Je ne me suis pas retrouvée dans cette situation, alors prenez ma suggestion avec des pincettes, je veux seulement souligner les potentielles répercussions négatives lorsque vous décidez qui peut contrôler votre vie sociale en ligne. (Prenez en compte les exemples de ceux qui ont été confrontés aux répercussions de Twitter ou Facebook pour décider jusqu’où une agression raciste est acceptable ou quel est leur véritable nom.)
Comment mettre en place une mono-instance
Si, comme moi, vous n’êtes pas un bon adminsys, ou si vous n’avez simplement pas le temps de maintenir votre propre instance Mastodon, je vous recommande masto.host. Hugo Gameiro vous fera l’installation et l’hébergement d’une petite instance Mastodon pour 5 €/mois. La procédure est la suivante :
Acheter un nom de domaine (si vous n’en avez pas déjà un à utiliser)
S’inscrire sur masto.host et donnez à Hugo votre nom de domaine. J’ai mis le mien en place à mastodon.laurakalbag.com ce qui est plutôt long, mais il apparaît clairement que c’est mon instance rien que par le nom.
Mettre en place les réglages DNS. Masto.host vous enverra alors quelques changements que vous devez effectuer sur votre configuration DNS. La plupart des fournisseurs de nom de domaine ont une page pour le faire. Puis, signalez à Masto.host une fois que vous avez effectué ces changements.
Créer votre compte Mastodon. Masto.host va installer votre instance Mastodon. Vous recevrez alors un message vous demandant de créer votre compte Mastodon. Créez le compte Mastodon pour votre administrateur/administratrice. Puis, indiquez à Masto.host que c’est celui que vous avez choisi comme compte administrateur. Masto.host vous donnera alors les droits administrateur/adminstratrice sur ce compte.
Modeler votre instance Mastodon à votre guise pour qu’elle corresponde à ce que vous souhaitez. Dès que vous avez les droits d’administration, vous pouvez personnaliser votre instance Mastodon de la manière qui vous plaît. Vous souhaiterez probablement commencer par fermer l’enregistrement aux autres personnes.
La procédure entière sur Masto.host a pris environ une heure pour moi. Mais gardez à l’esprit que c’est une procédure qui nécessite quelques interventions manuelles, ça peut donc prendre un peu plus de temps. Masto.host est géré par un seul véritable humain (Hugo), pas une société quelconque, il a besoin de dormir, manger, vivre sa vie, et maintenir d’autres instances, donc, si vous vous inscrivez à Masto.host, soyez sympas et polis s’il vous plaît !
Mais, mais, mais…
À partir du moment où vous commencez à recommander un réseau social alternatif, les gens auront leurs raisons pour vous dire en quoi ce n’est pas fait pour eux. C’est très bien. Tant que la critique est fondée. Comme l’a résumé Blain Cook sur Twitter…
Bien que j’aie réfléchi et travaillé à ce problème depuis le tout début de Twitter, je n’ai pas eu beaucoup de succès pour y remédier. Pas plus que n’importe qui d’autre.
Ce sont des problèmes difficiles. La critique facile d’efforts acharnés ne nous mènera nulle part. Ce n’est pas pour dire que la critique n’est pas fondée. De nombreux problèmes se posent. Mais si l’argument par défaut revient à « Il ne nous reste qu’à rester et nous plaindre de Twitter », cela sabote sérieusement la légitimité de toute critique.
Cela dit, il y a quelques arguments qui valent la peine d’être rapidement évoqués :
– Tous mes amis / les gens sympas / les discussions intéressantes sont sur Twitter…
Tous vos amis, les gens sympas et les discussions intéressantes étaient-elles sur Twitter lorsque vous l’avez rejoint ? Voyez Mastodon comme une chance de nouveau départ, trouver de nouvelles personnes à suivre, peut-être même saisir l’occasion de suivre un groupe plus diversifié de personnes… ! Vous pouvez cross-poster sur Twitter et Mastodon s’il le faut. Évitez juste de cross-poster les retweets et @réponses, le rendu est moche et illisible.
Je m’abonne à des comptes et des listes sur Twitter en utilisant RSS avec Feedbin, ce qui me permet de garder un œil sur Twitter tout en me désintoxiquant.
– Je n’ai pas le temps de rejoindre un autre réseau social
Créer ma propre instance ne m’a pris qu’une heure. Rejoindre une instance existante prend moins de 30 secondes une fois que vous avez décidé laquelle rejoindre. Instances.social peut vous aider à trouver une petite instance qui vous convient. Assurez-vous d’avoir lu leur Code de Conduite !
Rejoignez-moi !
Si vous lisez ce billet et vous inscrivez à Mastodon, pouettez-moi ! Je serai heureuse de vous suivre et de répondre aux questions que vous vous posez à propos de Mastodon ou du lancement de votre propre instance (ou les booster lorsque je ne connais pas la réponse !)
Mastodon ne sera peut-être pas notre solution optimale définitive en tant que réseau social, mais ce sera peut-être une étape sur le chemin. C’est une véritable alternative à ce qui existe déjà. Nous sommes actuellement bloqués avec des plateformes qui amplifient les problèmes structurels de notre société (racisme, sexisme, homophobie, transphobie) parce que nous n’avons pas d’alternatives. Nous ne pouvons pas échapper à ces plateformes, parce qu’elles sont devenues notre infrastructure sociale.
Nous devons essayer des solutions de rechange pour voir ce qui fonctionne et, en tant que personnes qui travaillent quotidiennement dans le domaine du Web, nous devrions nous charger de trouver une technologie sûre que nous pouvons partager avec nos proches.
TRACES, le nouveau Framabook qui vous invite à vivre et mourir au temps des IA
Mourir en Picardie, ça vous dit ? Pour traverser l’étroit passage de vie à mort, suffit de s’exercer un peu en se concentrant sur ses meilleurs souvenirs. Pour les éprouver post-mortem indéfiniment. Drôle de deal…
Écouter les voix des disparus ? Il paraît qu’en les entraînant bien les IA vont déchiffrer les chuchotis obscurs des âmes enfin libérées.
Une cyber-prophétesse dont le culte s’effondre quand ses messages déraillent ? Rendez-vous à la cathédrale d’Amiens, au cœur de la Picardie libre, nouvel état indépendant.
Vous codez ? Super. Mais vous êtes plutôt deathhacker ou thanatoprogrammeur ? Votre réseau, c’est plutôt unsecure ou MedIA ?
Vous trouverez tout cela et bien d’autres choses qui vous mettront les neurones à la centrifugeuse dans l’univers de Traces, le roman de Stéphane Crozat publié aujourd’hui chez Framabook.
Mais d’abord, l’équipe de Framasoft a interviewé pour vous le coupable.
Salut Stéphane ! Quelques mots pour te présenter ?
Bonjour. Tu sais, les profs ne sont pas habitués à décliner des CV… Bon. Stéphane Crozat. 43 ans, né en Picardie. Vie maritale, un fils, une maman, un papa, deux sœurs. Situation professionnelle : enseigne l’informatique à des élèves ingénieurs très sympas. Fait de la recherche appliquée sur les relations entre documents numériques et pédagogie dans un labo de sciences humaines assez cool pour accepter des informaticiens. Membre de la communauté du logiciel libre Scenari. Membre du Chaton Picasoft. Loisirs : pratiquer le karaté, faire des jeux, voir ses potes, regarder des films de Clint Eastwood (ou de Sergio Leone avec Clint Eastwood), écouter des vieux Renaud, faire des réponses longues aux questions qu’on lui pose.
Bon d’après toi il parle de quoi ton roman ? Parce que chez Frama on n’est pas d’accord hein : anticipation, fable philosophique, dystopie « avec des intelligences artificielles et une grande assiette de soupe », j’en connais même qui ont parlé de « thriller cybernétique », faudrait savoir !Si tu t’essayais à résumer le propos de ton livre, l’idée directrice ?
Bon. Le titre c’est Traces, il y a une sorte de sous-titre sur la quatrième de couv’ : Vivre et mourir au temps des IA, et le site du livre s’appelle punkardie.fr, avec ça on a les mots-clés principaux, je vais partir de là. Le livre couvre un XXIe siècle dominé par une découverte concernant la vie après la mort (les « traces » du titre) et par la généralisation des IA. Et ça se passe pour l’essentiel dans une Picardie qui découvre un beau matin qu’elle est exclue de la France, et qui cherche à se réinventer pour ne pas disparaître.
Tous les personnages naissent et meurent plus ou moins avec ce siècle et ils essaient de s’en sortir au mieux pour pas trop mal vivre et pas trop mal mourir, et au passage essayer de rester libres.
Il y a deux brillantes informaticiennes qui consacrent leur vie (et leur mort) aux IA et aux traces. Il y a des personnages qui collaborent avec les géants de l’information, un peu naïvement comme le consultant Hector, d’autres plus cyniquement, comme le programmeur Alice.
Il y a aussi Bob et Charlie, qui sont un peu (et même beaucoup) paumés dans ce monde qu’ils subissent.
C’est donc plutôt un roman d’anticipation, avec des situations et des trajectoires qui peuvent nous faire réfléchir un peu sur notre monde actuel. Je prends donc avec plaisir le tag #philosophique. Mais j’espère que ça fera aussi un peu marrer, et en option un peu frissonner. Mais l’option n’est jamais obligatoire.
Avec ce roman, tu parles d’une région que tu connais bien, et tu lui imagines un avenir… particulier. Tu prends un pari sur le sens de l’humour des Picardes et des Picards ?
Le sens de l’humour l’emportera… C’est ce que je réponds à ma compagne quand elle me dit que mon fils risque de se faire jeter des cailloux à l’école ! Je plaisante. Note que les propos les plus durs à l’égard de la Picardie sont le fait de personnages (pas de l’auteur, hein, il y vit !) qui croient appartenir à une certaine élite. C’est assez facile si tu te penches depuis Paris — par exemple — de regarder la Picardie de haut :
Font des fautes de français, vont pas au théâtre, z-ont pas la 12G, même pas le tout-à-l’égout. Pis t’as vu comment y votent ?
C’est ce complexe de supériorité que je surjoue à travers les personnages qui ont des propos acerbes à l’égard des Picards. La Picardie libre, c’est une façon de dire : si on arrêtait de vouloir que tout le monde parle pareil, pense pareil, ait les mêmes ambitions ? Si on se lâchait un peu la grappe ? Si on arrêtait de vouloir dire à chacun comment il doit vivre ? C’est peut-être aussi l’espoir que les Picards d’ici et d’ailleurs essaient un jour autre chose que juste râler à chaque élection… Alors pourquoi pas cultiver des champs de cannabis, c’est plus sympa que de la betterave à sucre, non ? Bob Marley, c’est quand même plus classe que le Géant Vert !
C’est ton premier ouvrage de fiction, et tu y intègres énormément d’éléments de fond et de variétés de forme. Est-ce là un projet que tu portais en toi depuis longtemps ? Comment as-tu franchi le cap qui mène à la rédaction d’un roman ?
J’avais des bribes de textes qui traînaient dans des coins… et puis, il y a deux ans, en rentrant d’un week-end sur la côte Picarde avec ma compagne, je me suis lancé dans La Soupe. Un épisode que l’on retrouvera quelque part dans le roman. On avait déliré sur l’idée des derniers clients… Ensuite, j’ai ressorti certaines vieilles idées — comme l’indépendance forcée d’une région — et j’ai commencé à écrire quelques nouvelles, qui petit à petit se parlaient de plus en plus les unes les autres. Je me faisais vraiment plaisir, mes proches ont aimé ce que je sortais, alors, pendant six mois, un an, j’ai pris l’habitude d’écrire tous les jours et surtout les nuits. Je suivais des pistes différentes, c’est pour cela qu’il y a de la variété j’imagine. On peut aussi y voir ma déformation de chercheur en ingénierie documentaire qui aime faire travailler le fond et la forme, mon goût de la diversité, et sûrement encore l’influence de Damasio. Ensuite c’est le travail avec Framabook — gloire à Goofy — qui a conduit à un vrai roman.
Brrrr, ton roman est plutôt sombre, ça te va si on lui colle l’étiquette de dystopie ?
C’est sombre ? Dystopie ? Moi, je ne trouve pas tant que ça… Il y a quand même des pistes de sortie… Mais j’aime beaucoup les romans, films et chansons très tragiques, Le voyage au bout de la nuit, plus récemment La graine et le mulet par exemple ou l’univers désespéré de Damien Saez. Une façon d’équilibrer mon naturel très optimiste, je pense. Bref, peut-être que mon référentiel est décalé ! Après, je revendique, avec l’âge, un certain stoïcisme, j’aime bien l’idée qu’accepter le tragique du réel est au moins aussi important que de chercher à changer le monde.
Tu parles de l’évolution des géants de la communication et du numérique sur plusieurs décennies, est-ce que le cycle que tu présentes, à savoir concentration puis effondrement, est basé sur une intuition ? Ou c’est juste pour des raisons narratives ?
La concentration est là, c’est un fait admis aujourd’hui, tout comme ses risques et dérives. L’idée d’une concentration telle qu’un seul acteur subsisterait, c’est plutôt une façon d’exacerber le phénomène pour le pousser à un point-limite. Et dans ce cas, oui, j’imagine que l’on espère que ça ne durerait pas ? On est dans la servitude volontaire, on a en main les haches pour casser les monopoles, mais pour le moment on n’a pas encore assez mal pour s’en servir. Ça gratte juste. Donc, l’idée est purement narrative, c’est pour jouer avec, mais ce n’est pas forcément gratuit pour autant…
L’usage que tu présentes des Intelligences Artificielles est-il également basé sur des éléments tangibles, dont on pourrait deviner des traces dès aujourd’hui ?
J’ai été formé en info dans les années 90. L’IA, c’était le truc qui ne marchait pas. La recherche en IA était sympa parce que ça permettait d’explorer de nouvelles pistes, mais c’était de la SF. Ces dernières années on a vu un retournement tout à fait fascinant. Après, que les machines ressemblent aux robots d’Asimov et parlent comme Hal dans un avenir proche ou pas, elles ont déjà totalement envahi et transformé nos quotidiens, ça c’est un fait.
Il y a des potes qui m’expliquent que l’allumage automatique des phares en voiture, ils ne pourraient plus s’en passer. Tu imagines ? Les machines ont convaincu les humains qu’ils n’étaient pas assez autonomes pour savoir quand ils avaient besoin d’allumer la lumière ! Alors tu les imagines se passer d’un GPS ? Pour moi une IA c’est une machine qui allume tes phares à ta place. Pas besoin de réseau de neurones, ni d’ordinateur quantique.
Les premières traces des IA, c’est un silex, une houe. Un tire-bouchon c’est une intelligence artificielle. Retrouve-toi avec une bonne bouteille en rando quand t’as perdu ton couteau suisse et tu verras. Une voiture qui parle, ce n’est que l’évolution technique de la charrette. Mais je pense en effet qu’on vit le début d’un moment charnière. On s’en souviendra comme le moment où les hommes se sont mis à regarder leur portable plutôt que leur copine aux terrasses des cafés.
Quels sont les auteurs qui t’ont le plus influencé ou peut-être inspiré pour l’écriture de ce roman ?
Bon, dans les récents, clairement c’est Damasio. Inspiré, je ne sais pas, transporté en tous cas par La horde de Contrevent, possible que j’aie picoré un peu de La zone du dehors pour ma Picardie libre — une sorte de fork — et qu’il y ait du Golgoth qui traîne dans certains de mes personnages… C’est pas sous licence libre, Damasio ? Ça devrait ! Alain, si tu m’entends…
Sinon dans les classiques, on va mettre Le voyage pour le style oral, Borges pour les nouvelles, et Nietzsche parce que ça inspire forcément des trucs. Il y aussi l’influence de mon contexte pro, comme Simondon sur le rapport à la technique.
Bon alors tu publies sous licence libre chez Framabook, tu crois que c’est comme ça que tu vas gagner de la thune ?
Carrément ! J’achèterai ma première TeslAlphabet parlante avec les dons en Ğ1 que je vais recevoir, tu verras.
Les gens croient que le libre c’est un truc d’anar de gauche à tendance humanitaire. Mais c’est une couverture, ça. Moi, j’ai choisi de publier sous licence libre, parce que je sais que c’est LE modèle économique du XXIe siècle, celui qui va bientôt tout rafler.
Étape 1, Framasoft. Tu crois que je ne vous vois pas venir ? Vous montez en puissance grave, pour le moment vous êtes encore sous les radars des économistes, mais d’ici quelques mois, ça va se voir, votre prévision de hausse budgétaire de plusieurs millions, votre projet de rachat de La Quadrature et des nœuds Tor, ça va pas passer inaperçu. Je sais pas d’où vient l’argent, je me suis laissé dire que vous aviez trouvé des bitcoins sur une clé USB russe ? Ou alors, vous avez un labo sur une plage ? Bref, framasoft.org va bientôt devenir le site visité en France, et quand les gens auront tout lu le Framablog, qu’ils seront addicts, ils se jetteront sur les Framabooks.
Mon IA me prévoit 95 000 exemplaires la première année. D’ailleurs, je sais que vous ne voulez pas trop en parler, mais je pense que les lecteurs ont le droit d’être au courant : Lulu risque d’être saturé rapidement, donc il faut quand même leur conseiller de commander leur exemplaire papier rapidos.
Bon, étape 2, mes potes. J’ai demandé à chacun d’aller voir son libraire préféré et de le convaincre de lire, puis vendre Traces. Tu me diras, t’as quoi dix potes ? D’abord j’en ai plus, et puis ça va faire boule de neige, quand mes étudiants s’y mettront ça va commencer à envoyer du lourd (non, il n’y aura pas de point en plus au partiel, mais un prof bien dans sa peau, c’est toujours un plus, pensez-y). Avec le bouche-à-oreille, on est à 1250 librairies touchées la première année, un petit 50 % quoi, avec un taux d’acceptation de 71 %. Toujours mon IA. Tu penses que je suis sectaire, tu te demandes : et si des gens qui ne sont pas mes potes ni mes élèves veulent contribuer ? Eh bien j’ai préparé une lettre sur le site du livre, ils peuvent l’imprimer et l’apporter à leur libraire préféré avec un exemplaire et ils feront partie de ce grand réseau de distribution informel, basé sur le plaisir de partager.
Mais, c’est pas fini !
Étape 3, le site du livre donc : punkardie.fr. C’est là que se cristallise la vraie économie du XXIe siècle, l’économie du don. Fini les achats d’objet ou les conneries illimitées. Tout va bientôt être libre. Donc l’avenir c’est le don. Et là, comme je suis en avance de phase, c’est le pactole, un premier million dès 2020 (en Ğ1 bien sûr). Promis, je reverserai une part à Framasoft. Voilà, tout est orchestré. Alors ceux qui pensent que les libristes sont des Bisounours ou des punks à chien, ils vont devoir revoir un peu leur conception du monde. Les traders et les banquiers de demain, c’est nous !
Donc tu veux distribuer ton roman aussi via les libraires indépendants. C’est quoi cette histoire de lettre ?
Je sais que Framabook n’est pas très chaud pour travailler avec les libraires, parce que c’est beaucoup de contraintes et de boulot pour une faible diffusion. Mais j’aime bien les librairies. C’est je crois le seul magasin où j’aime me rendre et perdre du temps. Ne me propose pas d’aller acheter des fringues, j’attrape des boutons, mais aller à la librairie pour moi, c’est comme aller au cinéma. Ce n’est plus vraiment « utile » — home cinéma et liseuse électronique obligent — mais il y a une ambiance… Alors je me suis dit, si certains lecteurs et lectrices veulent essayer de convaincre leur libraire et que cette personne est assez chouette pour faire l’effort d’accepter, on peut essayer. Donc j’ai préparé une lettre qu’ils et elles peuvent donner en accompagnement d’un exemplaire et de leur petit argumentaire à eux. Imagine, si ça marche, ce serait quand même super classe ? Et puis, ça permettrait aussi de diffuser un peu des valeurs du libre… Et même si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être…
Dans ton roman, on ne peut pas dire que tu sois tendre avec l’avenir du Libre. Est-ce une crainte, une façon de conjurer le sort ?
D’abord, globalement, c’est pas un roman très tendre… Donc oui, il y a quand même beaucoup de second degré. Si vous êtes choqué à un moment, dites-vous que c’est du second degré ! Sur le libre, il y a quand même des résistances qui se maintiennent pendant la première moitié du roman, les réseaux anarchiques de Picardie ou les death hackers. Et puis tout de même, ensuite, c’est bien une communauté libre à l’échelle mondiale qui permet à Suzanne de mener à bien son projet. Après, que la route soit longue, c’est possible…
Tu penses déjà à la suite ou bien c’était un one-shot ? Peut-être que tes lecteurs et lectrices auront envie de voir se développer un personnage ou une période ?
Pour le moment, j’ai plutôt d’autres idées… On verra quand j’aurai des lecteurs et des lectrices !
Un dernier défi : ton mot de la fin en moins de 180 caractères…
Quelle poignée de secondes garderais-tu si tu devais les revivre pour l’éternité ?
* * * *
Les liens qui vont bien
La page Framabook pour télécharger ou commander le roman
Le site punkardie pour donner son avis, diffuser le livre, partager, lire des #bonusTrack et en proposer etc.
Les logiciels libres meurent lentement sans contributions
Dans une récente conférence où il présentait Contributopia, le projet pluriannuel de Framasoft, sous son angle politique, Pierre-Yves Gosset s’attachait à déboulonner quelques mensonges avec lesquels se rassurent les libristes. Le nombre présumé des contributeurs et contributrices, en particulier, était ramené à sa juste proportion :
Bien sûr, tout le monde ne peut pas envoyer des commits de code, mais l’exemple est symptomatique : le Logiciel Libre c’est surtout des consommateurs et consommatrices.
C’est ce que souligne également Carl Chenet, plume invitée ci-dessous. Il pointe en particulier le risque sérieux d’étiolement voire de disparition pure et simple des équipes parfois minuscules qui maintiennent des FOSS (Free and Open Source Software, appellation œcuménique qui joint Les logiciels libres et open source). Il en appelle à une contribution minimale qui consisterait au moins à faire connaître les projets et encourager les créateurs à continuer. Chez Framasoft, nous sommes tout à fait en phase avec cet appel, voyez par exemple cet article sur le Contribution Camp qui propose quelques pistes pour « avancer ensemble vers la contribution ».
Logiciels libres et open source : le consumérisme passif tue la communauté Par Carl CHENET
En bref : ne soyez pas un consommateur passif de logiciels libres. Cela va tuer la communauté FOSS ou lui nuire. Contribuez de n’importe laquelle des manières décrites dans cet article, même la plus élémentaire, mais contribuez quotidiennement ou de façon très régulière.
Je suis ingénieur système depuis plus de 10 ans maintenant et je travaille presque exclusivement avec des systèmes GNU/Linux. Je suis aussi profondément impliqué dans la communauté des logiciels libres et open source (FOSS) depuis longtemps et je passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux (surtout Twitter et Mastodon ces jours-ci). Et certains comportements m’énervent toujours autant.
Le consommateur se croit plus intelligent et plus efficace que les autres
De nombreux professionnels de l’informatique qui utilisent les logiciels libres affichent un comportement de pure consommation dans leur relation avec les logiciels libres. Par exemple ils essaient souvent d’utiliser un logiciel dans un environnement très spécifique (version spécifique d’une distribution GNU/Linux, version spécifique d’un logiciel). Ils ne réussissent pas à l’utiliser dans cet environnement ? Ce logiciel est évidemment de la merde, il devrait fonctionner avec les paramètres par défaut, sinon il n’est pas convivial. La documentation est disponible ? Qui lit le doc ? J’ai besoin de réponses maintenant, je n’ai pas le temps de lire la documentation ! Et qui a écrit cette merde d’ailleurs ?
Si la réponse n’est pas le premier lien StackOverFlow de la première recherche Google, je laisse tomber cette merde. Mon temps est précieux donc je vais essayer un autre logiciel (et perdre 2 fois plus de temps) ou mieux le coder moi-même (100 fois plus de perte de temps) et de telle manière qu’il sera impossible de le réutiliser bien sûr.
Les consommateurs passifs n’envoient jamais un rapport de bogue. C’est une perte de temps, qui réclame des efforts. Qui a le temps de l’écrire sauf les pigeons ? Pas même un ping au mainteneur ou au développeur principal du projet (ils devraient savoir, ils ont écrit cette merde !) Ok, je l’ai appelé sur Twitter il y a 2 minutes. Les gens ne répondent pas en une minute ? Allez vous faire foutre, bande de losers juste bons à perdre votre temps ! Je m’en tape qu’il soit 2h du matin pour lui.
Ok, ok, ok, c’est bon, je vais écrire un rapport de bug si les ouin-ouins insistent : ÇA MARCHE PAS BOUGEZ-VOUS LE CUL BANDE DE CONNARDS, CORRIGEZ ÇA MAINTENANT !
Faire un don au développeur ou à la développeuse ? Pour quoi faire ?
Même avec des logiciels qu’ils aiment et utilisent tous les jours et qui fonctionnent parfaitement, avec des mises à jour régulières parfaites, la plupart des professionnels de l’informatique ont exactement ce même comportement de consommation passive.
Ça fait 5 ans que ce logiciel alimente toute l’informatique, ce qui aide l’entreprise à gagner beaucoup d’argent ? Tout à fait. Le développeur principal demande de l’argent / de la reconnaissance par le biais des réseaux sociaux ? Sale clodo ! Il a besoin d’argent ? Moi aussi ! Cette personne a-t-elle un Patreon ? On s’en fout ! Ce type me doit d’utiliser son logiciel, il me casse les pieds, il adore coder gratuitement de toute façon ce pigeon.
L’aider en achetant une licence professionnelle pour ce logiciel ? MDR pour quoi faire ? Mon patron va se marrer en entendant ça. Personne ne paie pour les logiciels (sauf les pigeons). C’est gratuit, comme dans bière gratuite bébé !
Je vais même lui demander de modifier la licence parce que je ne peux pas utiliser ce logiciel (qu’il maintient gratuitement le con) dans ma propre suite logicielle propriétaire. Il devrait me remercier de l’aider à développer son logiciel, ce futur Marc Zuckerberg. Je suis presque sûr qu’il a gagné masse de thunes de toute façon. Il en aura pas par moi, pas question.
Et bien sûr, ce comportement de consommation passive a des impacts négatifs sur l’écosystème des logiciels libres. Vraiment. Habituellement, après quelques années, le développeur principal abandonne le projet. À ce moment-là, vous pouvez généralement lire ce genre de commentaires furieux sur son blog ou dans les rapports de bug « Espèce de branleur t’as plus mis à jour ton logiciel depuis des années, feignant va, des gens sérieux l’utilisent, réponds ou je laisse des milliers de commentaires insultants ! J’ai tout misé sur ton code, tu devrais me remercier à genoux. Espèce de communiste branleur, j’enlèverais mon étoile sur ton repo Gihub/Gitlab si je l’avais mis en vedette. Mais bien sûr que non, je ne vais pas mettre en vedette tous les projets que j’utilise, qu’est-ce que tu crois ? Contribuer d’une façon ou d’une autre ? Allez, faut grandir un peu, et faire avec. La vie est dure. »
Promouvoir les projets que vous utilisez et interagir avec eux
Afin de ne pas ressembler aux tristes personnages décrits plus haut, merci d’aider les projets que vous utilisez. Si votre entreprise gagne de l’argent grâce aux FOSS et que vous êtes chef d’entreprise, financer ou bloquer du temps pour que vos développeurs donnent un coup de main pour au moins un projet que vous utilisez quotidiennement semble un objectif raisonnable et démontre une certaine compréhension de l’écosystème FOSS.
Si vous êtes un employé d’une entreprise utilisant des FOSS, une étape très importante est de faire savoir à votre chef ou votre patron que des parties de votre infrastructure mourront à court terme (quelques années) si vous n’aidez pas ce projet de quelque façon que ce soit.
99,9 % des projets FOSS sont des projets maintenus par une seule personne. Cette petite bibliothèque JavaScript que le frontend du site web de votre entreprise utilise ou ce petit script de sauvegarde de base de données dont tout le monde se fout mais qui vous a déjà sauvé la vie 2 fois.
Si l’argent n’entre pas en jeu dans votre utilisation des FOSS et si vous fournissez un service gratuit à d’autres personnes, faites savoir aussi largement que possible que vous utilisez des FOSS et n’hésitez pas à remercier certains projets de temps en temps. Le simple fait de dire aux personnes par le biais de Mastodon ou Twitter que vous utilisez leurs logiciels peut leur remonter sacrément le moral. Mettez en vedette leurs projets sur Gitlab ou Github pour leur faire savoir (ainsi qu’aux autres) que ce projet est utile.
Quelques manières de contribuer
Voici une liste d’excellents moyens de contribuer :
• Faites savoir aussi largement que possible via les réseaux sociaux que votre dernière mise à jour de tel ou tel logiciel s’est déroulée sans problèmes. Faites passer le mot autour de vous.
• Rédigez un billet de blog décrivant vos expériences et la valeur ajoutée que ce grand projet FOSS a apportée à votre entreprise ou à vos projets. Suivez les développeurs principaux de différents projets sur Mastodon ou Twitter et retweetez/likez/pouétez… leurs dernières nouvelles de temps en temps.
• Écrivez un commentaire de remerciement sur le blog du projet ou sur le blog du développeur principal. La lecture de votre commentaire sera un rayon de soleil dans la journée du développeur de ce projet.
Ne soyez plus un consommateur passif
Ne soyez plus un consommateur passif de logiciels libres et open source. Le niveau moyen nécessaire pour contribuer à un projet et les attentes des créateurs de logiciels libres et open source augmentent de jour en jour dans un monde où la complexité et les interactions s’accroissent rapidement. Il n’y a souvent qu’une toute petite équipe (d’une seule à 5 personnes) qui est au cœur du développement fondamental des FOSS.
Contribuez de n’importe quelle manière décrite dans cet article, même la plus élémentaire, mais contribuez quotidiennement ou de façon très régulière. Vous aurez ainsi une participation concrète et fournirez de bonnes vibrations et d’excellents apports aux projets FOSS. Vos contributions changeront vraiment les choses, encourageront et (re)motiveront les personnes impliquées. C’est bon pour vous, vous allez améliorer vos compétences, acquérir des connaissances sur la communauté FOSS et de la visibilité pour votre entreprise ou vos projets. Et c’est une bonne chose pour la communauté FOSS que d’avoir de plus en plus de personnes qui contribuent par n’importe quelle action positive.
À propos de l’auteur
Carl Chenet, passionné de logiciels libres, auteur du Courrier du hacker, la lettre d’information hebdomadaire résumant l’actualité francophone du Logiciel Libre et Open Source