Framaconfinement semaine 8 – Voilà, c’est fini…

Eh oui, c’est la dernière semaine de confinement et ce sera donc le dernier article de ce journal de bord. Mes acolytes Pouhiou et Pyg ayant des tas d’autres choses à faire, c’est à nouveau moi, Angie, qui m’attelle à la rédaction de nos aventures framasoftiennes pour la semaine du 4 au 10 mai. Bon, ne croyez pas non plus que c’est ma seule activité au sein de l’association ! D’ailleurs, vu la date à laquelle est publié cet article, c’est que j’ai bien dû faire autre chose entre-temps !

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Une dernière semaine de confinement bien remplie

Au sein de l’équipe salariée, lors de notre réunion hebdomadaire du lundi, j’ai pu ressentir un réel soulagement chez mes collègues à voir l’échéance de cette période de confinement approcher. Même si l’on craint un peu qu’il y ait du changement d’ici la fin de la semaine. Ce serait ballot qu’on nous annonce qu’on reste finalement confiné le 11 mai. On s’est d’ailleurs demandé si les salarié⋅e⋅s qui ne télétravaillent pas habituellement vont retourner au bureau dès lundi prochain. À vrai dire, à part AnMarie qui en a vraiment besoin car tous les dossiers qu’elle utilise au quotidien y sont, ça ne semble pas nécessaire. Pyg, Lise, Théo et moi-même allons donc continuer à télétravailler comme nos autres collègues. On a aussi décidé de revenir à nos horaires de travail habituels dès cette semaine (du moins pour celles et ceux qui les avaient adaptés). L’idée d’un retour à la normale commence à se faire sentir.

Cette semaine, Luc a préparé la migration de plusieurs de nos serveurs. En effet, le crash d’un de nos serveurs historiques le lundi 6 avril lui a donné l’envie d’encore mieux anticiper les crashes à venir ! Le service Framadrive a été migré le 6 mai vers un nouveau serveur, l’actuel commençant à montrer des signes de faiblesse. Le service Framaforms a été migré le 11 mai vers un nouveau serveur. L’utilisation de ce service va croissant et les performances s’en ressentent. La migration vers un serveur dédié doté de disques SSD devrait grandement améliorer cela. Luc prépare aussi l’installation d’une instance du logiciel Big Blue Button qui nous servira pour le Framacamp en ligne.

Lundi, JosephK s’est occupé de la mise à jour de Loomio, le logiciel derrière notre service Framavox. C’est une grosse mise à jour car on vient de passer de la version 1.8 à la version 2.1.9. Cette dernière version corrige un certain nombre de bugs et refonde plusieurs fonctionnalités.

JosephK travaille toujours sur une nouvelle mise en forme de notre page de contact afin de limiter les tickets de support dont les réponses peuvent se passer d’une intervention manuelle. Nous recevons en effet de nombreuses questions via ce formulaire alors qu’elles ont leur réponse dans la FAQ , la documentation ou sur https://status.framasoft.org/.

Tcit et Chocobozzz continuent à travailler sur le développement de leurs logiciels respectifs. Mais je n’en sais pas beaucoup plus… A priori, ça avance plutôt bien !

Cette semaine, Pouhiou n’a pas trop le moral, mais il a terminé la rédaction de la lettre d’informations et a préparé son envoi. En parallèle, il a terminé la rédaction de l’article Ce que Framasoft va faire en 2020, post confinement où il vous explique comment nous envisageons notre activité pour les mois à venir. Et il se lance dans la foulée dans la préparation des contenus pour la nouvelle page web de la collecte Peertube V3. C’est un long travail que de penser à tout ce qui doit y apparaître et surtout de comment articuler tout cela. Et surtout ça demande un certain nombre d’échanges avec Chocobozzz pour s’assurer qu’il a bien compris les différentes pistes de développement envisagées. C’est aussi beaucoup d’échanges avec JosephK qui va s’occuper de créer la nouvelle page web sur https://www.joinpeertube.org/.

La petite anecdote du service support vous est présentée cette semaine par spf qui a reçu un message d’une personne nous indiquant qu’elle avait été hackée et doxxée et que son harceleur avait utilisé notre service Framabin pour cela. Un individu mal-intentionné a divulgué des informations sur l’identité et la vie privée de cette personne dans le dessein de lui nuire en utilisant l’un de nos services. La victime nous demandait de retirer le contenu, ce que nous avons immédiatement fait, et de lui fournir l’identité de l’utilisateur⋅ice du service afin qu’elle puisse porter plainte. Nous ne lui avons pas transmis d’informations sur l’identité de la personne ayant utilisé notre service car, comme indiqué dans notre FAQ, nous ne communiquons pas des informations de ce type sur simple demande, mais uniquement dans le cadre d’une requête judiciaire par les autorités compétentes. En revanche, il est tout à fait possible que cette personne porte plainte contre X.

Pyg a eu une semaine remplie de réunions, d’échanges téléphoniques et de mails. Il a fait un point avec le tuteur universitaire de Théo sur son stage et a répondu à plusieurs de nos partenaires sur des projets en cours. Et puis il a aussi terminé la rédaction de l’article Framaconfinement semaine 6 – Faire un pas de côté qu’il a publié sur le blog le samedi 9 mai.

#TypoMadness

Mercredi, la #TeamMemes se lance dans la création de mèmes en pagaille suite à la publication par l’AFP d’une photo du Président Macron avec un masque lors d’une visite d’école. Les aficionados de Twitter n’auront pas pu louper cet appel d’Alexis Poulain à la légender. Mais la #TeamMèmes va plus loin et réalise plusieurs mèmes à partir de cette photo. Et bien sûr Luc ne boude pas son plaisir d’en diffuser sur son compte Mastodon.

Allez savoir comment, sur notre canal Mattermost dédié aux gifs et mèmes, on est passé de cette petite récréation à une discussion sur comment réaliser différents caractères spéciaux en fonction de son clavier. Vous connaissez la différence entre les guillemets français et les guillemets anglais ? Et dans quel cas d’usage on doit utiliser les uns plutôt que les autres ? Moi, je n’en savais rien du tout !

La discussion a ensuite dérivé sur les raccourcis claviers pour faire plein de caractères spéciaux… des points médians aux accentuations des lettres nordiques… Est-ce parce que la libération est dans moins d’une semaine que mes acolytes sont tous devenus fous ???

Une semaine bien intense pour bibi

Pour ma part, ça a été une semaine bien remplie. Ça a commencé par la lecture du dossier Transition éthique et TIC : essaimer des pratiques numériques coopératives, solidaires et émancipatrices. Ce projet porté par Colibris-Outils libres auquel nous nous sommes associés avec Ritimo et Outils-réseaux se propose de produire, animer et commercialiser des formations hybrides à destination des citoyen·n⋅es et des professionnel·les sur des sujets liés à la transition écologique et sociale. Nous venons de répondre à l’appel à projet de l’AFNIC AAP1 « Un projet numérique au service d’une société plus équitable » afin d’obtenir des financements.

Ce projet répond à l’enjeu de diffuser la culture « outils libres » dans une démarche éthique et citoyenne à travers deux axes principaux. Le premier est la mise en place d’une bibliothèque de ressources sur un nano-serveur web permettant la co-conception d’une « salle de formation itinérante ». Cela part du constat que de nombreu.ses formateur⋅ices et médiateur⋅ices numériques rencontrent parfois des difficultés de connexion lors de leurs interventions (wifi inopérant ou droits d’accès trop stricts). Pour résoudre ce problème, disposer d’un mini-serveur web faisant office de portail captif et de ses outils pour la formation installés sur cette machine, permettra aux apprenant·es de se connecter directement à la machine locale. C’est aussi l’occasion d’expliquer comment fonctionne internet à petite échelle et d’avoir une sélection de documents à partager avec les apprenant·es. Ce nano-serveur web s’inspirera fortement de projets tels que Yunohost, La Brique Internet, les PirateBox ou les BiblioBox.

framabox

Le second axe relève de la production de formations hybrides tutorées et de la diffusion des contenus pédagogiques en marque blanche. Nous envisageons donc la réalisation d’une formation hybride qui permettra aux apprenant⋅e⋅s de découvrir l’usage des principaux outils inclus sur ce nano-serveur. L’objectif de cette formation est de contribuer à l’essor des usages des outils libres en proposant un parcours de formation accessible à tou·tes et sécurisant pour les collectifs ou organisations souhaitant s’engager dans une telle transition. Parallèlement à cela, les supports de cours seront mis à disposition en marque blanche sous licence CC-BY-SA 4.0, via des plateformes telles que Contributopia.

Un axe complémentaire du projet vise à contribuer à un essaimage de la démarche. Un module de la formation sera dédié au fait d’accompagner l’essaimage du projet en donnant les ressources et outils aux personnes le souhaitant pour former à leur tour d’autres personnes. Nous espérons ainsi contribuer à la dynamique des usages du libre en francophonie. S’appuyant sur les méthodes issues de l’éducation populaire pour encourager une réappropriation collective et solidaire des outils numériques, ce projet permettra à chacun·e d’être en capacité d’envisager ces technologies comme un enjeu de société et de contribuer au débat.

Ayant moi-même été formatrice plusieurs années et ayant rencontré à de multiples reprises des difficultés à pouvoir transmettre dans de bonnes conditions mes contenus pédagogiques, je me félicite que Framasoft soit partenaire de ce projet. Et il m’apparaît primordial que nous puissions y faire notre part.

J’ai par la suite enchaîné sur le traitement des sélections de contenus sur PeerTube réalisées lors du Confin’atelier du 25 avril. Ces sélections alimentent la partie « Découvrez notre sélection de contenus » de la page d’accueil de https://joinpeertube.org/ (en français et en anglais). L’objectif de ce bloc est de montrer des contenus (vidéos, chaînes et instances) diversifiés et de qualité aux internautes découvrant PeerTube. Car les différentes instances PeerTube hébergent de nombreux contenus qui méritent d’être découverts. Et plutôt que d’utiliser un algorithme de recommandation comme le font les autres plateformes de diffusion vidéo, nos recommandations sont réalisées par de vrais humains ! D’ailleurs si vous êtes vidéaste et que vous diffusez des vidéos que vous souhaitez voir mises en valeur, n’hésitez pas à nous le faire savoir sur notre forum.

A chaque fois que vous allez sur https://joinpeertube.org, vous pourrez découvrir de nouveaux contenus sélectionnés.

Cette semaine, c’était aussi pour moi l’occasion d’une grande victoire car j’ai (enfin) réussi à réaliser ma première Merge Request. Bon, pour celleux qui ne s’intéressent pas forcément au code, ça ne va pas leur parler. Mais je vous assure, que pour moi, c’est une sacrée victoire car toutes mes tentatives précédentes n’avaient jamais abouti (mes collègues avaient toujours dû repasser derrière moi pour corriger mes erreurs). Quand je pense qu’il y a un an, je ne savais même pas de quoi il s’agissait ! En l’occurrence, ce n’était pas un truc très compliqué à réaliser : vous vous doutez bien que moi qui baragouine à peine en markdown, j’allais pas me mettre à écrire des lignes de code !

D’ailleurs tout cela n’aurait pas été possible si, en amont, les textes de cette nouvelle actualité Du retard pour Mobilizon n’avaient été rédigés par Pouhiou et traduit en anglais par Arthur. J’ai donc juste eu à réaliser une merge request pour mettre en ligne une nouvelle actu (en français et en anglais) sur https://joinmobilizon.org.

Contrairement à ce dont j’ai l’habitude, ce site étant un site statique, on n’utilise pas un CMS pour y ajouter des contenus. Voici quelques explications pour les moldus. Sans CMS, il faut aller directement modifier les fichiers du site. Pour cela, je me suis rendue sur la forge logicielle où sont déposés les fichiers du site en question. J’ai créé une divergence de ce projet (celleux qui savent disent une branche) : pour le dire simplement, j’ai fait une copie de tout le dépôt sur mon propre compte afin de ne pas toucher aux fichiers originaux. Et c’est sur cette branche du projet que j’ai travaillé. Ce que j’avais à y faire n’était pas hyper compliqué : j’ai ajouté un fichier image dans un dossier afin d’illustrer mon article et ajouté le texte dans les deux fichiers .yml correspondant aux pages web que je voulais modifier.

Bon, pas très compliqué, mais quand même ! Je ne maîtrise absolument pas le code et j’ai donc dû m’inspirer que ce qui avait été fait par d’autres pour que mon texte se présente exactement pareil, jouer avec les balises html et heureusement que Pouhiou n’était (virtuellement) pas loin car sur le fichier .yml des actus en anglais, et bien j’ai rencontré un souci. J’avais pourtant l’impression d’avoir fait exactement la même chose que pour l’ajout des contenus en français, mais une petite espace s’était glissée sur une ligne et avait tout bloqué. J’aurais pu chercher longtemps ! C’est que c’est capricieux le code, à une espace près, rien ne fonctionne ! Au final, j’ai enfin atteint le résultat que je souhaitais et j’ai donc pu réaliser cette fameuse merge request (ou en français, demande de fusion de branche).

Enfin, en tant que référente « entretien » pour le Tiers-Lieux où nous avons nos bureaux, je me suis aussi occupée cette semaine de contacter notre prestataire de nettoyage pour faire le point sur les interventions de cette entreprise à la réouverture du lieu la semaine prochaine. Je me suis fadée la lecture des documents officiels pour m’assurer que toutes les précautions sanitaires seront prises.

C’était donc une semaine bien intense, où j’ai réalisé plein d’activités différentes. Des semaines comme je les aime, où je ne vois pas le temps passer, où je ne bloque pas sur un dossier, et qui me donne le sentiment du travail bien fait.

Penser progressivement la reprise

Je ne sais pas pour vous, mais moi, il m’angoisse un peu ce déconfinement. Je crains de reprendre les transports en commun, et même de reprendre mon vélo, de faire face aux automobilistes angoissés, voire agressifs, au brouhaha de la circulation. Car, mine de rien, j’ai pris l’habitude de rester tranquille chez moi, au calme. Je crains aussi un peu de ne pas réussir à me re-sociabiliser. Vais-je supporter, au plan émotionnel, de revoir plein de gens (enfin, dans la limite de 10 personnes) d’un coup ? Comment faire pour ménager nos émotions, pour être moins inquiet, angoissé et stressé en reprenant le cours de notre vie ? Comment faire pour limiter le risque que nos inquiétudes et que nos peurs ne deviennent pathologiques ? Comment limiter ce contre-coup émotionnel ? Comment se projeter de manière efficace et sereine dans un avenir incertain et pour lequel on n’est pas véritablement prêt ?

Je n’ai pas de réponses à ces questions. Mais je pense qu’il va être nécessaire d’y aller progressivement, de ne pas tout reprendre d’un coup, comme s’il ne s’était rien passé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai souhaité continuer à télétravailler plutôt que de retourner au bureau. Même si la situation de confinement m’a amenée à mieux réguler mes émotions, elle aura profondément modifié mon organisation personnelle et professionnelle. Et je ne crois pas souhaitable de tout remettre en route immédiatement.

D’ailleurs, à l’heure où je termine la rédaction de cet article, j’ai pu constater que ma première semaine de déconfinement était assez similaire aux précédentes. Je me suis juste accordé une petite randonnée à la campagne avec un ami, histoire de pouvoir sentir à nouveau les odeurs des fleurs et des arbres, redécouvrir les collines du Beaujolais et cueillir quelques plantes pour renouveler mon stock de tisanes. Cette reconnexion à la nature m’a été très bénéfique. En entrant en résonance avec les champs, la forêt, les arbres, les ruisseaux et la rocaille, je me suis aussi reconnectée à une partie de moi que j’avais totalement occultée pendant cette période de confinement. Cela me fait dire que je suis entrée dans une phase de reviviscence : comme certaines formes vivantes (rotifères, tardigrades, anguillules, ciliés, amibes, mousses, graines, spores) qui étaient entrées en anhydrobiose (vie latente) sous l’effet de la dessiccation, je reviens progressivement à la vie.

Je vous souhaite donc à toutes et tous de pouvoir vous aussi entrer progressivement en reviviscence dans les jours, semaines et mois à venir. Nous savons toutes et tous que nos vies seront encore perturbées pour quelques temps : nos libertés d’actions vont rester limitées et l’impact de la pandémie se fera sentir sur de nombreux plans. Nous ne reviendrons sûrement pas exactement à notre vie d’avant. Ce qui est, selon moi, plutôt souhaitable. Inventons nous une nouvelle vie, car, comme le dit Pyg depuis le début du confinement « le monde a changé »©. Et essayons de ne pas revenir à l’immonde d’avant…




Le roman historique est un sport de combat

Les éditions Framabook proposent quatre nouveaux livres d’un coup, quatre recueils d’histoires courtes qui se déroulent, comme les enquêtes d’Ernaut, au temps des Croisades. Et si le récit en paraît fort éloigné de nous, son auteur, Yann Kervran, nous explique en quoi cela peut nous aider à mieux cheminer au présent.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Quatre livres d’un coup, c’est parce que tu t’ennuyais pendant le confinement ?

Loin de là. Ça fait un moment que le projet de publication de ces recueils est envisagé, mais il a fallu du temps pour le concrétiser. Avant cela, la rédaction a duré pratiquement huit ans. C’est une compilation de textes écrits mensuellement depuis 2011 jusqu’à fin 2018, que j’appelle Qit’a, textes courts dans l’univers Hexagora.

Des quoi ? Ça veut dire quoi, ce mot « Qit’a » (quitte à découvrir un nouveau mot, je tente ma chance) ? Et l’univers « Hexagora », c’est où ? Un peu à gauche au fond de la galaxie, ou bien dans le très lointain siècle des aventures d’Ernaut ? Chuis perdu dans l’espace-temps là…

Le terme en lui-même vient d’une technique de calligraphie persane qui procède par découpe, pour découvrir le décor caché. Ce sont des textes courts (entre 12 000 et 30 000 caractères) qui donnent à voir le monde au XIIe siècle tel que je me le représente à partir de la documentation scientifique disponible, que j’appelle l’univers Hexagora. Chacun d’eux offre l’occasion de découvrir la vie de personnages de second plan des romans d’Ernaut, de son enfance à lui, ou de tout autre individu de cette période que je peux relier plus ou moins directement à ce lieu et cette époque.

Hexagora, un univers presque familier.
Détail d’une copie de la Tabula Rogierana de Al Idrisi présentant la méditerranée et ses abords (avec le sud en haut), avec translittération des termes arabes, réalisée en 1929 par Konrad Miller, à partir d’une copie de l’original de 1154. – Domaine public – Source Wikimedia

 

Cela fait plus de quatre-vingt récits dans ces quatre volumes et j’ai dépassé la centaine publiée sur mon site Hexagora.
Un tel volume m’est nécessaire pour embrasser le projet de brosser de façon romanesque un monde, celui des Croisades dans la seconde moitié du XIIe siècle, dans sa complexité et pouvoir montrer des phénomènes au long cours tels que la diffusion de motifs culturels ou les métamorphoses d’une société mosaïque. Je me rends d’ailleurs compte que j’ai à peine commencé à aborder le premier point, malgré le volume déjà écrit. Avec les enquêtes d’Ernaut, qui sont un point d’entrée plus traditionnel, de roman d’enquête, cela fait désormais 8 tomes, qui me permettent en quelque sorte de poser les bases.

Attends… en huit tomes, tu as juste « posé les bases » ? Tu veux réécrire la Comédie Humaine ?

Au moins, oui. Et si je n’y arrive pas, j’invite quiconque en a l’envie de se joindre à moi (l’avantage du libre, CC BY SA en l’occurrence, il n’y aura pas à attendre 70 ans après ma mort pour ça). Très sérieusement, mon ambition en terme de fresque humaine est similaire à celle de Balzac, sauf que je ne cherche pas à dépeindre une partie de la société qui m’est contemporaine, pour la rendre intelligible. J’espère plutôt faire résonner une altérité qui nous a précédé pour inciter à raisonner sur le présent. Tout en fournissant des arguments pour réfléchir à nos constructions mémorielles et nos représentations culturelles, essentiellement historiques.

L’angoisse de la page blanche, cette inconnue de certains auteurs…
Les 16 volumes de La Comédie Humaine, CC BY SA Scartol – Source Wikimedia

Quand j’ai commencé à lire des Qit’a, je m’attendais à des nouvelles. Et en fait non. Finalement, c’est quoi, un Qit’a ?

Mon envie était d’ouvrir des fenêtres et de donner à voir le paysage depuis un autre point de vue, avec un autre rythme de parcours. Il n’y a donc pas de schéma rédactionnel traditionnel, certains Qit’a peuvent avoir une exposition, des péripéties, un climax puis une résolution, mais je ne me suis jamais senti lié par cette promesse. Chaque texte a suivi sa propre logique et ne répondait qu’à l’envie que j’avais de traiter de la vie d’une personne, d’un lieu, d’un objet ou d’une anecdote, voire de me lancer un défi du type de ceux proposés par l’Oulipo (comme par exemple m’interdire un son ou une conjonction) histoire de m’aguerrir en tant qu’écrivain.

J’avais le souhait de proposer de rentrer dans un univers fictionnel par un autre biais que les récits habituels, avec une structure générale plus organique. Chaque partie a une cohérence interne propre, mais peut se joindre à une autre, voire plusieurs, et engendrer ainsi un ensemble qui vaut plus que la simple addition, par la richesse des interactions. Procéder ainsi par touches, fractions, destins évoqués, me semble plus riche d’un point de vue humain. Plus évocateur aussi, car il laisse suffisamment de part d’ombre pour laisser à chacun et chacune la possibilité de construire. En soi-même et au-delà, en devenant créateur ou créatrice.

Donc, ma mère qui a lu les trois premiers tomes d’Ernaut, mais qui n’aime pas les nouvelles pourrait lire les Qi’ta ? (je ne sais pas dire ce qu’elle n’aime pas dans les nouvelles hein :))

La possibilité lui en est offerte, du moins, éventuellement sans devoir payer pour voir. Mais si elle a apprécié la plongée dans un monde reconstitué, elle devrait apprécier d’en parcourir certains chemins de traverse. Il y a une cohérence globale qui offre une expérience d’immersion très vaste, qu’apprécient souvent les lecteurs et lectrices de romans historiques. Par exemple, chaque section est datée et placée géographiquement précisément, de façon à permettre une reconstruction différente de ma proposition littéraire.
L’idée n’est pas de développer des spin-offs ou de faire des produits dérivés, qui peuvent parfois apparaître comme une façon de rallonger la sauce voire d’exploiter un filon, mais bien de nourrir une vision la plus large possible, en s’attachant à des éléments singuliers et subjectifs qui ont une validité et une importance égale vis-à-vis du tout.

Ces recueils inaugurent une nouveauté : tu proposes une nouvelle façon de considérer l’écrivain, qui ne passe pas par le droit d’auteur. Mais pourquoi est-tu si fâché avec le droit d’auteur ?

J’ai en effet demandé à être publié sans contrat, et à ne pas toucher de rémunération liée aux ventes, ce qui est possible vu que tout est sous licence libre (j’ai suivi en cela le chemin de David Revoy avec Glénat). Parce que le terme même de « droit d’auteur » est une imposture. Le « droit d’auteur » et son corollaire, le contrat d’édition, ne font que perpétuer un modèle économique qui ne fait pas vivre les créateurs et créatrices. En vingt ans, le revenu moyen des écrivains a été, en moyenne (et donc en tenant compte de la starification de certains auteurs désormais multimillionnaires), divisé par cinq (voir la présentation d’Olivia Guillon aux États Généraux du Livre en 2019 ou le rapport Racine).

Beaumarchais, à l’origine du droit d’auteur, était aussi éditeur, papetier… Il a conçu le droit d’auteur comme le riche industriel qu’il était. «Beaumarchais, le grand corrupteur, commença à spéculer avec génie sur les éditions et à combiner du Law dans l’écrivain» – Sainte-Beuve
Jean-Marc Nattier, Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1755) – Domaine public – Source Wikimedia

En outre, ce terme essentialise la notion de propriété intellectuelle, qui constitue une autre supercherie et fait envisager son existence comme seul horizon pour ceux-là même qui devraient être les plus critiques sur ces notions : les artistes.
Alors, certes, je n’ai pas de modèle économique à opposer (en dehors du don qui ne fonctionne pas en littérature, du moins pas à ma connaissance), mais je suis certain que celui que l’on me propose est frelaté.
J’ai bien plus confiance dans les travaux de Bernard Friot et du Réseau salariat pour me tirer de la situation d’indigence dans laquelle je suis désormais que d’un éventuel succès de librairie qui n’adviendrait que si je passais sous les fourches caudines d’une industrie qui n’a su jusqu’à présent que m’exploiter, à défaut d’arriver à me prolétariser (dans le sens que lui donne Bernard Stiegler, à savoir me déposséder de mes savoir-faire).

Au delà du droit d’auteur, tu expliques souvent dans tes interventions qu’Hexagora est un contre-pied à une certaine narration de l’Histoire, comme on peut la trouver dans le roman national. Est-ce que tu peux définir ce terme pour notre lectorat et expliquer en quoi ton travail est différent ?

L’histoire et la mémoire sont deux outils politiques au service des vainqueurs. La recherche historique est scientifique, mais on crée à partir de ce matériau une narration qui donne à voir ce qui sert le pouvoir en place, ce qui est pertinent pour les catégories sociales les plus riches et influentes. Bourdieu dirait que les possesseurs du capital symbolique le plus conséquent cherchent à le perpétuer. Le roman national répond à ce besoin, à la fois de normalisation, en imaginant un récit fondateur unificateur, mais aussi en insistant sur les valeurs que l’on souhaite renforcer et vanter chez ses concitoyens. C’est un moyen de contrôle par le bornage et la définition des horizons culturels.
J’ai dédié ces recueils à « la mémoire des exclus de la Mémoire », tous ces sans-grades, ceux « qui ne sont rien », ceux qui ne font pas l’Histoire, mais dont l’histoire a tant à nous apprendre. Je raconte leurs vies parce qu’ils nous ont précédés sur cette planète, ont vécu, ont fait des choix, des erreurs, des enfants, des rêves… Je m’efforce de les évoquer, dans leur plénitude, subjectivement, sans juger par avance leurs actes, et de voir en quoi ils peuvent m’apprendre à devenir un meilleur être humain. Par ce lien, qui me fait, en tant qu’animal social, et que je cherche à distinguer par-delà les siècles.

On a longtemps envisagé les couches populaires en dehors de l’histoire, à tel point qu’elles servaient à montrer l’aspect cyclique du temps par leurs activités.
Miniatures extraites du psautier de Fécamp, vers 1185, Koninklijke Bibliotheek, ms. 76F13, La Hague – Domaine public

Alors, bien sûr, je ne prétends certes pas dépolitiser le sujet, bien au contraire, mais j’apporte une vision différente, je fais entendre une mélodie chorale distincte des trompettes de la renommée. Je parle des 99% qui ont été systématiquement mis de côté dans les grandes narrations et la mise en avant des « grands hommes » et de leurs « extraordinaires destins ». Je fais de façon romancée un travail analogue à celui qu’a fait Howard Zinn, dans « Une histoire populaire des États-Unis » ou plus récemment Michelle Zancarini-Fournel dans « Les luttes et les rêves ». C’est à relier avec ce que les chercheurs étudient désormais, depuis très peu de temps, sous le concept d’histoire par le bas.

Bourdieu, Zinn, tout ça est très contemporain. Justement, qu’est-ce qui dans ces Qit’a ou plus largement dans la période que tu explores pourrait selon toi faire écho à notre époque actuelle ?

Il me semble que tout période historique ou préhistorique possède quelque chose à nous apprendre, que ce n’est qu’une question de regard. Nous pouvons en extraire directement des concepts pour repenser le politique contemporain. Très rapidement, dans mon cas, je pense par exemple à la notion de communs, dont Pierre Dardot et Christian Laval montrent la vigueur dans les périodes qui m’occupent, ou de la démocratie, dont Francis Dupuis-Déri démontre l’existence dans l’organisation paysanne médiévale, bien différente de celle qu’on évoque habituellement, de la Grèce archaïque. On peut aussi évoquer la notion de libre arbitre, qui n’aurait pu nous paraître aussi naturelle en Occident sans les penseurs du catholicisme médiéval. Nous sommes littéralement pétris de notions dont les aléas historiques permettent d’en comprendre les ressorts, les enjeux, les impasses.

Difficile d’être un écrivain naïf après Pierre Bourdieu

Dans un second temps, il existe aussi une leçon à tirer du rapport à ces sujets, et de la façon dont la mémoire que nous construisons de ces événements (ou que l’on nous propose par les institutions telles que l’école), de ces moments qui nous ont construit en tant que citoyen et personne. Comment nous avons été nourris, comment nous nous appareillons intellectuellement en nous basant sur des récits qui rendent compte de ces périodes.
Très prosaïquement, l’idée de bâtir Hexagora est née suite aux déclarations du pouvoir présidentiel américain, lorsqu’il parlait de « croisade contre le terrorisme ». Au-delà de l’apparente incongruité des mots ainsi accolés (faire une guerre religieuse à un concept), j’ai eu envie de déconstruire les termes qui étaient ainsi employés, et de proposer aux lecteurs de retourner aux origines, vu que c’était la période que j’étudiais depuis l’université. Ceci m’est apparu avec d’autant plus d’évidence que la pratique d’opposition armée désignée sous l’appellation terrorisme y était née, avec une secte ismaélienne alors désignée sous le terme de Nizarites, qu’on appelle communément assassins.

Chez Framasoft, il y a la Team Meme, il y a aussi la Team Chauve, connue pour faire plusieurs pages pleines de mots compliqués, à propos des trucs plus compliqués encore. On sait que tu en fais partie, et ça se voit dans tes textes… Est-ce que cela ne rend pas ton œuvre inaccessible aux gens du commun ?

Je ne le crois pas. Oui je ne renâcle pas à l’usage d’un subjonctif imparfait ou d’un mot peu usité tel que principicule, (qui me semblerait d’ailleurs tout à fait adapté à une large diffusion ces jours-ci). Pour autant, cela demeure accessible aux curieux, je crois, et je ne m’aventure pas trop dans un style alambiqué ou expérimental. Je cherche à faire du roman populaire. Mais par ce terme, je fais référence à des gens comme Hugo, Dumas, Balzac ou Dickens. Gabriel Chevallier est lui aussi considéré, avec « Clochemerle », comme un grand écrivain populaire, et on ne peut pas dire que son style soit pauvre et son récit simpliste.

Nul n’est prophète en Framasoft

Je suis toujours attristé de voir que pour beaucoup de promoteurs de la culture, vouloir faire populaire, cela signifie bêtifier (il y a une vision descendante, très hiérarchique de la culture, je renvoie là-dessus aux travaux de Franck Lepage). Pour ma part, je pense que, bien au contraire, cela veut dire faire la passerelle, avec une pratique exigeante qui ne soit pas dédaigneuse dans sa forme, vers des savoirs très pointus auxquels les gens n’ont souvent pas accès physiquement. Ou pour lesquels ils n’ont pas le temps ou la formation nécessaire pour en exprimer la quintessence. On agit là un peu en tiers de confiance.
Je suis un adepte de la reconstitution historique, qui me semble être une excellente illustration de ce que peut être de l’éducation populaire dans sa pratique la plus noble. J’ai vu des gens de milieu très modeste, n’ayant aucune formation universitaire, s’enthousiasmer à la lecture d’ouvrages de métallurgie médiévale plutôt spécialisés et en parler ensuite avec passion, de façon simple, transmettant ce goût pour un sujet qui pourrait paraître rébarbatif à des enfants, des curieux, des badauds, lors d’événements ou de rencontres. D’un savoir froid, ils ont fait un objet culturel vivant, qui a su animer l’intérêt pour l’histoire dans le cœur du public. Du savoir qui s’anime devient lien, symbole.

Neuf questions, c’est peut-être déjà assez pour exploser le maximum de mots possibles dans une interview… Un mot de la fin ?

Edwy Plenel, dans un article récent citait beaucoup Marc Bloch, historien et résistant, à propos de sa critique des élites conçue après la défaite de la seconde guerre mondiale, pendant l’Occupation. Ce remarquable scientifique qui a été à l’origine d’un changement de paradigme dans les pratiques de recherche en histoire, a résumé en une phrase ce qui m’a motivé toutes ces années à continuer à rendre perceptible ce que pouvait être le monde des Croisades, dans le 3e quart du XIIe siècle. Ces quelques mots accueillent les visiteurs sur mon site depuis bien longtemps :

Le passé lointain inspire le sens et le respect des différences entre les hommes, en même temps qu’il affine la sensibilité à la poésie des destinées humaines.

– Marc Bloch, « Sur la réforme de l’enseignement », note rédigée pour les Cahiers Politiques, 1944.

Voir sur Framabook les Qit’a, histoires courtes dans l’univers Hexagora : volume 1, volume 2, volume 3 et volume 4.

Précédemment publié : les enquêtes d’Ernaut de Jérusalem




« Avant tout, ne pas nuire », rappelle Laurent Chemla

Votée dans l’urgence et portée par une personnalité politique au moins controversée, la loi Avia qui s’appliquera dès le mois de juillet vise à réprimer la « cyberhaine ». Un grand nombre de voix se sont pourtant élevées pour émettre des mises en garde, comme dans cette alerte « la loi Avia est évidemment une atteinte gravissime à la liberté d’expression » et même dans des tribunes du Figaro ici et .

Nous avons choisi de reprendre ici celle de Laurent Chemla (c’est qui ce gars-là ?) qui fustige la précipitation brouillonne et souhaite l’application à la vie politique d’un fort ancien principe en médecine. Elle est parue d’abord sur son blog Médiapart et il nous autorise à la reproduire.


À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Primum non nocere — par Laurent Chemla

Si la médecine a retenu (entre autres) d’Hippocrate son fameux « primum non nocere » (« Avant tout, ne pas nuire »), on peut regretter que le politique n’ait pas, lui aussi, appris ce principe de prudence abstentionniste, et que trop souvent il use du mantra inverse : « Il faut faire quelque chose ».

Non. Il ne faut jamais « faire quelque chose ».

Déjà parce que, dans la très grande majorité des cas, « faire quelque chose » c’est faire n’importe quoi.

Ensuite parce que, souvent, ne rien faire est moins nocif que d’inventer des solutions qui semblent faciles et rapides mais qui risquent surtout d’aggraver les choses.

Et enfin parce que, presque toujours, on se retrouve à justifier l’injustifiable une fois qu’on a mal agi. Au motif évidemment qu’il fallait bien « faire quelque chose ».

Loi « contre la haine » ?

Prenons l’exemple de la loi Avia « contre la haine en ligne ».

Celle-ci part d’un constat: la haine se diffuse – en ligne comme partout, et (c’est le grand principe de cette loi, que Mme Avia a clairement exposé ) « ce qui est interdit dans l’espace réel doit l’être également dans l’espace virtuel ».

Passons rapidement sur le fait que – dans la rue – la haine est partout sans que rien ou presque ne s’y oppose. Entre usagers de la route, entre piétons, entre voisins, entre manifestants et contre-manifestants, entre police et manifestants, la haine est devenue dans nos sociétés occidentales presque un mode de vie, au point qu’on s’étonne et se méfie du moindre geste bienveillant non sollicité. Et la rue… la rue est le théâtre quotidien du harcèlement des femmes et des exclus, des insultes, des remarques sexistes, homophobes, racistes et violentes, des agressions, des crachats et de la peur. La rue aussi c’est la pauvreté mise en spectacle, le mépris de l’étranger et de ceux que la société laisse sur, justement, le trottoir.

Oser affirmer, devant la représentation nationale, que la haine est interdite dans  » l’espace réel  » c’est – évidemment – se foutre d’un monde auquel on n’appartient plus parce qu’on s’en est protégé par des vitres teintées, des chauffeurs et des gardes du corps.

Qu’on me comprenne bien : ceci n’est pas une raison pour ignorer la haine en ligne. Mais quand l’argument de Mme Avia, pour justifier son texte, repose sur un tel mensonge préalable, on a le droit de s’en inquiéter même si ce n’est pas en soi un motif d’inaction. J’y reviendrai.

Passons, donc.

Et que ça saute !

Cette loi repose sur une idée simple. Simpliste, même : il suffirait de rendre les intermédiaires techniques responsables des contenus publiés par des tiers, de les contraindre à retirer tout ce qui leur est signalé comme étant « manifestement illicite » sous peine d’amendes démesurées, pour que nous soyons tous protégés des méchants, car c’est très urgent.

Et hop !

Alors déjà, pardon de le dire, mais ce débat-là est si vieux qu’il a le droit de vote depuis déjà 6 ans. C’est dire l’urgence de légiférer et de voter un tel texte alors que le pays n’est même pas encore sorti d’un confinement imposé par une crise d’une ampleur encore jamais vue. C’EST URGENT ON T’A DIT les morts, les masques, les tests et le vaccin, on verra plus tard.

Ce débat date du tout début de l’Internet grand-public, autour de 1996. Il a réuni des comités, des commissions, il a connu des lois, des rejets du Conseil Constitutionnel, d’autres lois, des jurisprudences, des textes, des réglements et une directive européenne. Des centaines, des milliers d’experts, de juristes, d’associations, de citoyens et de lobbies se sont penchés dessus (et s’y penchent encore puisque l’Europe a prévu d’y revenir durant la présente législature), pour essayer d’imaginer des équilibres qui respectent à la fois le droit à la liberté d’expression et la juste volonté d’empêcher les délits.

Des livres y sont entièrement consacrés.

Depuis 24 ans.

C’est dire L’URGENCE du truc, alors qu’on a remis aux calendes un sujet aussi fondamental que nos retraites parce que, voilà, c’est pas trop le moment hein.

C’était TELLEMENT urgent qu’on n’a même pas respecté la procédure européenne obligatoire pour ce type de législation, c’est trop grave : on se moque des députés sur Twitter, tu te rends compte, il faut légiférer VITE !

Bref.

Têtes d’oeuf

Clément Viktorovitch résume très bien les termes du problème dans cette courte vidéo : quand on délègue à des entreprises privées le droit de juger de ce qui est légal ou illégal, on s’expose à une censure de très grande ampleur – parce que c’est plus simple et moins cher de censurer que de se poser des questions, surtout quand on risque des amendes de très grande ampleur, et que le profit est le seul guide des entreprises privées. Tout simplement.

Rendre la justice est une fonction régalienne. Les fonctions régaliennes sont des tâches que l’État ne doit pas, ou ne peut pas, déléguer à des sociétés privées. La loi Avia fait le contraire. Voilà mon résumé à moi.

Je le dis, je le répète, je le blogue et je le conférence depuis plus de 20 ans, ici et partout : si le droit à la liberté d’expression est inscrit dans notre constitution depuis le 18e siècle, ce droit n’était que très théorique jusqu’à l’arrivée d’Internet. C’est par et grâce à Internet que la parole publique est devenue accessible à tous.

Il n’est donc pas très étonnant que ce droit-là soit un des moins bien protégés par nos textes de loi, il n’est donc pas très étonnant que la liberté d’expression du grand public remette en cause les usages et les habitudes des puissants… et il n’est donc pas très étonnant que ces mêmes puissants fassent tout ce qu’ils peuvent pour remettre à sa place ce grand public qui ose s’arroger le droit de les critiquer à la face du monde.

Il est donc d’autant plus important d’y faire très attention et de ne pas légiférer n’importe comment et dans l’URGENCE parce que l’ego de quelque députée a été un peu froissé par des remarques en ligne sur ses tendances mordantes, fussent-elles problématiques. Je vous engage à revoir, encore une fois, dans la courte vidéo ci-dessus mentionnée en quels termes Mme Avia a présenté son texte en première lecture ( « MES trolls, MES haters, MES têtes d’œuf anonymes ») pour bien comprendre ses raisons – très personnelles et donc très éloignées du bien public – d’agir.

Hélas, le respect des grands principes républicains n’est visiblement pas l’URGENCE.

Latin de garage

En médecine, donc, le « triangle hippocratique » (médecin, malade et maladie) se base sur la confiance. La confiance qu’on accorde à celui entre les mains duquel on remet sa vie pour qu’il n’agisse que pour notre bien, ou – au minimum – pour qu’il n’aggrave pas notre situation. Primum non nocere.

En politique, ce même principe devrait s’appliquer. Mais force est de constater qu’en politique aujourd’hui, le principe est plutôt « primum actum » (« d’abord agir », dans mon latin de garage) avant même d’avoir bien pesé le pour et le contre. Au risque de tuer le malade, et dans le cas qui me fait réagir ici au risque de réduire à néant un de nos droits fondamentaux.

Pour autant, « ne rien faire » contre la haine en ligne n’est pas le contraire de « faire n’importe quoi pourvu que ça fasse taire mes opposants au risque de détruire des équilibres difficilement atteints ». L’accès à la liberté d’expression pour tous est un phénomène récent, et il est normal de réfléchir à ses dérives. Et il est normal que ces dérives se produisent tant que la société n’a pas intégré profondément les règles qu’impose l’usage d’une liberté. Ce n’est pas, pour faire un parallèle rapide, parce que la liberté de se déplacer est un droit fondamental qu’on a pas besoin d’un code de la route. Mais ce n’est pas parce qu’on a besoin d’un code de la route qu’on doit donner le droit aux sociétés d’autoroute d’interdire le passage à qui bon leur semble.

Intégrer les règles sociales d’un outil aussi profondément disruptif qu’Internet ne se fait pas en un jour, ni même en une génération. Ça prend du temps, ça nécessite des efforts, y compris financiers. On peut, on doit s’opposer à la haine. En ligne comme partout. En donnant des moyens à l’éducation pour former de futurs citoyens. En donnant à la justice des moyens d’agir plus rapidement et plus efficacement.

Pour qu’à force d’exemples et de formations, chacun apprenne à mieux se comporter, à mieux peser la responsabilité qu’il doit s’imposer lorsqu’il use de la parole publique, à mieux connaître ses droits et ses devoirs. En ligne comme partout. C’est long, c’est cher, ça ne se fait pas dans l’urgence et ce n’est pas aussi facile que de faire voter une loi stupide par une majorité sans partage.

Mais dans une société démocratique et respectueuse de ses grands principes, c’est comme ça que ça devrait se faire.

Et pas autrement.

 

en titre en haut "Laurent Chemla se heurte à l’hostilié des latinistes d egarage". en bas à gauche jeune homme souriant qui dit "c’est par et graĉe à internet que la parole publique est devenue accessible à tous". devant lui deux curés catholiques l’air furieux brandissent une croix et disent "vade retro cyberhaine"
Réalisé par Gégé https://framalab.org/gknd-creator/




Retour sur le premier Confin’atelier

Le samedi 25 avril dernier s’est tenu le premier Confin’atelier, premier Contribatelier en ligne, et ça a été un succès. Afin de valoriser cette belle initiative, nous republions ici le compte-rendu publié sur https://contribateliers.org/ et nous sommes ravi⋅es de vous annoncer qu’un second opus est en préparation ! La date est même fixée : ce sera le samedi 6 juin 2020 de 14h à 17h.

Alors qu’est-ce qu’on a fait pendant ce Confin’atelier, premier Contribatelier en ligne, et qu’est-ce qu’on en retient ? Plein de choses ! Allez on y va, on commence par le global et on détaillera pôle par pôle ;-). Ready ? Go !

Globalement

Déjà les chiffres qui nous réchauffent le cœur : plus 80 participant·es, 11 salons en simultané (10 salons pour les pôles et 1 pour l’accueil), 13 animateur·rices, plus de 3 heures de Confin’atelier : Wouhou ! On ne s’était pas fixé d’objectifs à atteindre mais même si ç’avait été le cas, on est plus que largement satisfait·es !

Autre chose notable : aucun souci rencontré concernant la technique. C’était un peu la crainte, qu’il y ait beaucoup de participant·es et que l’instance Big Blue Button de FAImaison soit surchargée. On avait même prévu un plan B si besoin, dans lequel on était prêt à migrer les salons de certains pôles sur une autre instance Big Blue Button pour absorber la charge. Au final RAS comme on dit, aucun pôle n’a subi de bugs, ralentissements ou autre : bref, on était bien à l’aise ! (bon on a aussi demandé à tou·tes les participant·es de ne pas utiliser leur webcam et de se contenter de l’audio : ça aide !)

Pôle par pôle

Le retour de chaque pôle a été rédigé par le ou les animateur·rices du pôle concerné, sauf pour le pôle accueil où c’est un participant qui a voulu nous faire part de son retour. Merci fabulousfabs !

Pôle Accueil

Pôle animé par MeTaL_PoU, Numahell & QuentinD

Du monde tout l’après-midi, le pôle accueil avait la lourde responsabilité d’accueillir sur le Confin’atelier, d’expliquer le fonctionnement de l’outil BBB, de guider les participant·e·s vers les différents pôles, de répondre aux questions. Ce pôle « tampon » était nécessaire et a été remarquablement bien orchestré par nos 3 ami·e·s ! Ambiance franchement sympathique, accueil chaleureux et patience dans leurs explications, MeTal_PoU & Numahell se sont données sans retenue sur le pôle accueil ! QuentinD gérait la comm’ sur les réseaux sociaux (de ce que j’ai compris, pour la première fois), et venait faire un coucou aux rares moments où il avait 5 minutes. Pendant ce temps, MeTal_PoU & Numahell prenaient leur temps pour dire bonjour, expliquer inlassablement le système de salons multiples, comment basculer vers un autre pôle, comment aider à régler / couper son micro sur BBB, tout cela sans jamais perdre le sourire (qui s’entendait) ou patience. Elles ont eu à cœur de laisser présenter les pôles aux responsables de salons qui en avaient le temps, permettant à nos 80 bonnes âmes de choisir où aller donner un coup de pattes. Bravo à vous 3 !

Pôle Framalibre

Pôle animé par Gavy

Environ une dizaine de personnes pour ce pôle autour de l’annuaire historique de Framasoft. On a commencé par une petite présentation de Framalibre – ce qu’est l’annuaire, ce qu’on peut y trouver et ce qu’on peut y faire – avant de voir comment y contribuer.

Au final, plusieurs comptes Framalibre ont été créés, des notices existantes ont été modifiées et de nouvelles sont apparues :

Notices crées :

Notices modifiées :

Si contribuer à Framalibre vous donne envie, le meilleur moyen pour commencer, c’est de venir en parler sur Framacolibri (le forum de Framasoft), dans la section dédiée à l’annuaire !

Pôle Design & Libre

Pôle animé par Maiwann

Une dizaine de personnes qui étaient présentes pour cet atelier visant à regrouper les designers ayant envie de faire bouger les choses coté logiciel libre ! Petite surprise : Il y avait aussi des personnes qui étaient plutôt développeurs et qui étaient en demande pour savoir comment trouver quelqu’un avec qui collaborer. Après plusieurs petites discussions sur « Pourquoi y a-t-il aussi peu de designers dans le monde du libre ? » nous avons décidé de faire un petit site afin de pouvoir renvoyer les différentes personnes intéressées par le sujet dessus \o/ Ni une, ni deux, entre celleux qui s’occupaient du contenu et celleux qui étaient lancés sur la technique, nous avons déjà une page à vous présenter regroupant des façons de nous contacter et des ressources autour du design : Foire aux questions, articles, témoignages de collaboration… C’est par là !! 🎉 => https://design-et-libre.frama.io/ Merci à celles et ceux qui ont participé à cet atelier 🥳

Pôle Communiquer pour des projets libres

Pôle animé par Pouhiou

La proposition était de faire un tour de table des expériences et besoins dans la communication pour des projets libres, puis de prendre chaque besoin un par un et de partager nos retours d’expérience dessus. S’en est suivie une conversation de 3h avec plus de 10 personnes présentes absolument passionnante. Une des problématiques récurrentes fut de trouver comment communiquer sans reproduire les codes du capitalisme de surveillance.

Ces échanges ont été sketch-notés par Chloé :

Reproduction dans ce billet de blog avec l’autorisation de Chloé. Merci !

Pendant les échanges, David Revoy nous a écouté (et est parfois intervenu) tout en dessinant en direct une nouvelle illustration de Sépia, lae poulpe-mascotte de PeerTube, dont nous avons appris à cette occasion qu’iel n’avait pas de genre (découvrez-la plus bas !). Le seul regret de l’animateur (Pouhiou) c’est d’avoir du mal à jongler entre son animation et ses envies de partager une grosse expérience accumulée au sein de Framasoft (et donc de monopoliser la parole). Merci à toutes les personnes qui ont contribué !

Pôle PeerTube

Pôle animé par Angie

Une douzaine de personnes ont participé à cet atelier portant sur la sélection de contenus de qualité hébergés sur PeerTube. Angie a commencé par expliquer qu’il était important de valoriser ces contenus pour en montrer la diversité. Ce travail de curation permet d’alimenter le bloc « Découvrez notre sélection de contenus » de https://joinpeertube.org/ Plusieurs participant⋅es ayant des questions sur le fonctionnement du logiciel PeerTube, nous avons passé un peu de temps à y répondre. Angie a ensuite rappelé quelques critères pour la sélection (contenus sous licence libre ou dont on a l’assurance qu’ils sont publiés par leur créateur) et proposé des outils permettant la recherche au sein des différentes instances de PeerTube et les participant⋅es se sont lancés dans la recherche de contenus. Au final, 14 nouveaux contenus (vidéos, chaînes et instances) ont été sélectionnés. Pour chacune de ces sélections, un texte de présentation a été rédigé. Ces éléments seront prochainement visibles sur la page d’accueil de joinpeertube. Cet atelier était vraiment chouette car il a permis à l’ensemble des participant⋅es de découvrir ces contenus mais aussi d’échanger sur le fonctionnement du logiciel et sur les modalités d’inscription sur une instance. A reproduire pour découvrir de nouveaux contenus !

La nouvelle illustration de Sépia, mascotte de PeerTube, realisée par David Revoy pendant le Confin’atelier (licence CC-BY)

Pôle OpenStreetMap

Pôle animé par gibro

Le pôle OSM a débuté par une présentation rapide de la carte OpenStreetMap : son modèle, ses principes de fonctionnement et les principaux outils de contributions. Il y a ensuite eu une démonstration du fonctionnement de la carte ça reste ouvert :

  • Utilisation de la carte => affichage des informations, codes couleur utilisés, choix des langues, mode daltonien
  • Explication de la fonctionnalité « Signaler un changement » => formulaire permettant d’ajouter directement les informations sur un lieu sans avoir besoin d’un compte OpenStreetMap
  • Résolution des notes générées par le site => à partir du site NoteReview avec le tag #caresteouvert permettant aux contributeurs de suivre les signalements « ça reste ouvert » et de renseigner les informations dans la base OpenStreetMap
  • Documentation avec les ressources mises à la disposition sur le blog caresteouvert et le wiki OpenSteetMap.

Pendant et après la démonstration, nous avons échangé en fonction des besoins et interrogations des personnes présentes. Il y avait une douzaine de personnes en continu dans le salon et plusieurs contributeurs pour l’animer (merci Sebbaz et Eric B). Nous avons aussi discuté de la possibilité de mettre en place un site web facilitant la saisie des informations sur les commerces sans passer par un compte OpenSteetMap, sur le modèle https://caresteouvert.fr ou https://wheelmap.org/ Pour conclure, j’ai trouvé très agréable et efficace l’outil BigBlueButton pour les démonstrations et les interactions avec les participants. Il était également intéressant d’être à plusieurs pour animer pour gérer les échanges sur le chat et l’ajout d’informations dans les notes en parallèle des démonstrations en partage d’écran.

Retour d’un participant :

Très bon accueil de Gibro :) Belle découverte de caresteouvert, ce qui m'a permis d'actualiser les informations autour de chez moi. Concret et pratique. J'avais aussi des questions plus générales de mises à jour de OSM, que j'ai pu mettre en pratique immédiatement grâce aux conseils avisés de Gibro et Fred, merci à eux. Pratique, concret, convivial, j'ai passé un très bon moment et j'ai pu pratiquer immédiatement pour faire des mises à jour, merci <3

Pôle Wiktionnaire

Pôle animé par Noé

Première session de contribution en ligne et une bonne expérience. L’exploration d’un dictionnaire n’était probablement pas l’expérience la plus séduisante, d’où l’affluence limitée, mais l’animateur a pu néanmoins contribuer et montrer l’intérêt du Wiktionnaire avec de l’ajout d’illustrations et d’exemples, et même créer de nouvelles pages. Un participant, motivé par la présentation a pu téléverser une de ses photographies pour illustrer la page du Wiktionnaire de la ville de Gafsa. L’envie d’en refaire et la hâte de reprendre les permanences mensuelles lyonnaises !

Pôle Wikipédia

Pôle animé par Lyokoi

Une session de 3h bien remplie et qui aurait pu durer si le présentateur ne tombait pas de fatigue et ne perdait pas sa voix à la fin. La session oscillait entre 4 et 6 personnes avec un pic de présence à 8. La première moitié (1h30) fut une présentation globale de Wikipédia, son fonctionnement, sa communauté, ses règles et surtout une visite de l’interface de contribution. Ponctuée par les questions des visiteurs et visiteuses, nous avons apporté des sources à des articles, nous avons découvert plusieurs aspects de la contribution (images, structuration, wikification, etc.) et avons noté dans le pad interne des liens importants. La deuxième partie était surtout consacrée à l’échange avec les participants et les participantes, via message ou via micro. Un contributeur de Lorient a pu se faire aider à monter un groupe local et plusieurs nouveaux et nouvelles ont pu faire leurs premières modifications (ainsi qu’un ancien qui s’y est remis). L’expérience a été très enrichissante et a donné l’envie de recommencer.

Pôle Piaf

Pôle animé par Guillaume

Une super ambiance, avec une dizaine de curieux qui voulaient en savoir plus sur le projet. Nous avons discuté des intérêts de construire des ressources pour créer des intelligences artificielles francophones, et également des façons de procéder. Puis nous avons tous ensemble contribué, en écrivant des questions réponses sur des articles Wikipédia. Avec quelques dizaines de questions réponses produites, Piaf en est maintenant à 7000 depuis le début du projet il y a quelques mois ! Bravo et merci à tous ! Et continuons de contribuer quand nous en avons le temps 🙂

Pôle Culture libre / Khaganat

Pôle animé par Zatalyz et GPSqueeek

Après une demi-heure à – nous ronger le clavier de peur de n’avoir personne – papoter, nous décidons de revenir faire un tour à l’accueil pour signaler qu’on était là et que c’était chouette de venir dans notre salon. Et ça a marché ! On a en effet eu la joie d’avoir le retour d’une contributrice qui nous a aidé·es à voir comment serait fait le système solaire dans l’univers du Khanat, et c’est pas rien ! Le Khanat serait probablement une lune d’une géante gazeuse, et ensuite il y a des histoires d’angle des plans orbitaux, de masse et de taille des différents astres. On espère un jour avoir de quoi montrer ce ciel dans Godot pour l’intégrer au futur jeu ! Ensuite on a eu plusieurs visites de curieuses dont certaines sont restées pour nous aider à commencer un article au sujet d’une bestiole qui avait été dessinée sur papier en Contrib’atelier en présentiel en fin d’année dernière. Ce n’est pas encore terminé mais il y a une bonne base pour avoir quelque chose de publiable bientôt sur notre wiki on espère ! Merci aux visiteuses et autres contributrices qui ont été toutes plus oniriques les unes que les autres (et chez Khaganat, c’est signe d’un tas de guimauves, accompagnées d’un tas de câlins si ça fait plaisir !).

Pôle Contribuer au libre pour les développeur·ses

Pôle animé par ervin

https://asso.framasoft.org/pic/xPP0qymR/jBZ96zfE.png

Nous avons eu 11 personnes présentes. Globalement les nouveaux venus étaient satisfaits et ont trouvé des projets auxquels contribuer. La durée n’a pas forcément permis de mettre des choses en production, mais le contact a été établi et certains des participants comptent continuer à contribuer. Beaucoup d’appétence pour une autre session. Les notes complètes dont le tour de table final : https://mypads.framapad.org/p/confinatelier-framadate-3m1pcq7p7

En conclusion

Pour nous ce n’est que du positif donc un immense merci à tou·tes celleux qui ont pris part à ce Confin’atelier :

  • Animateur·rices : merci pour la diversité des pôles et leur nombre !)
  • Participant·es : merci d’avoir être été autant de monde à répondre présent·es pour donner de votre temps pour le libre
  • Bénévoles de FAImaison : bah oui, pas de bénévoles FAImaison, pas de Big Blue Button, donc pas de Confin’atelier. CQFD ;-).

À bientôt pour le prochain ?  😉

 




Framaconfinement semaine 7 – Framapathique, Framaradeau et Framacamp

C’est à nouveau moi Angie qui reprends le clavier pour vous raconter notre septième semaine de confinement. J’ai de la chance, c’est encore une semaine de 4 jours. Bon, passer après pyg, c’est toujours un peu challengeant (oh le gros mot) parce que c’est sûr que je prends moins de hauteur que lui… encore plus quand il fait un pas de côté ! C’est à se prendre les pieds dans le tapis et moi je tiens à mes deux jambes car bientôt je vais pouvoir renfourcher mon fidèle destrier pour aller respirer le bon air de la campagne ! Mais je vais quand même tenter de vous raconter nos aventures framasoftiennes pour la semaine du 27 avril au 3 mai.

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Une pensée en berne

La tentation est grande de mettre sa propre pensée en berne en se disant qu’elle ne vaut plus rien par rapport à ce qui se passe dans le monde. Et une telle attitude est plus que dangereuse.

C’est Jean Morisset, un poète géographe québécois octogénaire qui a écrit cela il y a quelques semaines à l’écrivaine Nancy Huston. C’est à la lecture de cet article de Nancy Huston dans Le Devoir, que je me suis rendu compte en cette septième semaine de confinement que mes réflexions sur ce qui était en train de nous arriver avaient cessé. Que je n’avais plus envie de me questionner, que je n’en pouvais plus de lire et d’entendre les avis des uns et des autres sur comment la situation allait évoluer ou de comment le monde allait changer…

Évidemment que, comme Nancy Huston, je ressens un malaise face à l’écart violent entre l’état du monde et mon quotidien plutôt agréable de confinée. Mais contrairement à certains de mes collègues (coucou la #TeamChauve), après six semaines, je n’arrive plus à penser. Je suis passée en mode « apathique », cet état d’indifférence généralisée qui se manifeste par l’absence d’émotions, de sensations et de désirs, un manque de motivation et d’initiative ainsi que par la perte d’intérêt vis-à-vis d’autrui. Je suis consciente d’avoir mis en place un mécanisme de défense pour me détacher de la situation exceptionnelle que nous vivons toutes et tous. Après avoir été en colère, avoir dû soutenir moralement plusieurs personnes en détresse autour de moi, je ne suis plus en mesure d’éprouver quoi que ce soit. Je me mets en pause. Et donc, ma pensée est en berne…

Ce qui a eu pour incidence que j’ai bien galéré sur l’écriture de l’article Framaconfinement S5… J’ai reporté autant que j’ai pu sa rédaction, trouvant des tas d’autres activités plus nécessaires à faire. Alors que clairement, la rédaction de cet article était bien plus prioritaire que toutes ces petites tâches. Bref, j’ai pas mal procrastiné ! Pour rappel, la procrastination se définit comme la tendance à remettre systématiquement au lendemain. Plusieurs études ont mis en évidence que la procrastination était liée au manque de confiance en soi. Rien d’étonnant : les personnes ayant le moins confiance en elles auraient tendance à se montrer défaitistes, et donc à remettre leurs tâches à plus tard par peur de les rater.

Et en ce qui me concerne, c’est bien de cela qu’il s’agit ! Quand je me lance dans la rédaction d’un article, j’ai toujours des tas de questions : comment avoir l’air de dire des choses pas trop stupides ? Comment ne pas dénaturer ce qu’on fait les collègues ? Comment rendre ce compte-rendu agréable à la lecture ? Et puis, même si on s’est toujours dit qu’on ne se mettait pas la pression 🍺, eh bien c’est plus facile à dire qu’à faire !

Alors, j’ai essayé différents moyens pour me concentrer : faire une petite séance de méditation avant de me relancer dans la rédaction pour ne pas penser à autre chose, me fixer des créneaux dédiés en coupant tous nos outils de communication afin de ne pas me faire polluer par les différentes notifications et même m’autoriser une petite sieste pour décompresser avant de me lancer. Au final, ce qui a le mieux marché, c’est de me fixer une deadline de rendu et de la faire connaître à mes collègues. Je me suis ainsi retrouvée dans la situation de ne plus avoir le choix de reporter cette activité et j’ai donc été obligée de travailler vite et bien pour respecter ce délai. Le stress que génère chez moi cet ultimatum est très positif et me pousse à avoir une meilleure concentration. Enfin, cette méthode a un autre avantage : cela me force à ne plus être aussi perfectionniste, exigeante envers moi-même. Car dans l’urgence (relative, hein !), je suis alors capable de faire la part des choses et de faire du mieux que je peux, même si je ne trouve pas le résultat parfait.

Au final, j’ai donc fini par y arriver, mais ça n’a pas été une partie de plaisir. Et en même temps, j’ai accepté cette même semaine de prendre en charge la rédaction de notre journal de confinement pour les semaines 7 et 8. Ça peut paraître bizarre de s’imposer une tâche qu’il nous est difficile de réaliser, mais j’aime bien les challenges. Et d’ailleurs, la rédaction de l’article que vous lisez actuellement a été beaucoup plus aisée. Peut-être parce que j’ai eu énormément de retours positifs sur l’article Framaconfinement S5 et que ça m’a permis d’avoir davantage confiance en moi, en ma capacité à dire des choses pas trop débiles. Et c’est aussi sûrement parce que je me suis immédiatement fixé une deadline pour sa rédaction.

 

Et pourtant, tout continue !

Ce n’est pas parce que moi je suis en mode apathique qui galère sur la rédaction d’un article que mes collègues s’arrêtent pour autant. Bien au contraire…

La semaine a commencé en beauté puisqu’au sein d’un de nos canaux de discussion, est apparue l’idée de développer une contre application StopCovid qu’on appellerait FramaRadeau (©️ Lise) et dont le pitch serait : « cette appli ne fait absolument rien, mais si ça vous fait aller mieux quelques secondes, voici un bouton pour aller mieux » (©️ Tcit). Il vaut mieux en rire qu’en pleurer ! Et de toute façon, comme l’a indiqué pyg dans son compte-rendu de notre sixième semaine de confinement, on a fait notre part sur cette question et on n’ira pas plus loin !

Luc râle au sein de notre Framateam car certain⋅es d’entre nous postent des images en direct au lieu d’utiliser le service Framapic ou que nous n’utilisons pas la fonctionnalité des fils de discussion. Et quand c’est le brol, Luc, il n’aime pas ça ! Et puis toutes ces images, c’est que ça prend de la place sur le serveur ! Alors, on essaie de systématiquement utiliser Framapic et de bien répondre aux publications pour maintenir de jolis fils de discussion. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire ! Ce qui est certain, c’est que rappeler ces bonnes pratiques est essentiel pour que l’outil soit efficace, car quand au sein d’un même canal, plus de 5 discussions ont lieu en parallèle, il est impossible de tout suivre si cette rigueur n’est pas respectée.

Pour la référence au didgeridoo, c’est une longue histoire… mais sachez qu’on en a plein les oreilles.

Nos stagiaires sont toujours à fond eux aussi ! Arthur continue à produire les sous-titres de la vidéo The Age of Surveillance Capitalism, une interview de Shoshana Zuboff, et a découvert cette semaine que le logiciel Omega T qu’il utilise pour ses traductions est bien plus simple à utiliser qu’il ne le pensait ! Il s’est senti un peu bête sur le moment. Mais comme il apprécie l’autodérision, il en a fait un joli article de journal !

Lise a préparé le texte d’un communiqué de presse présentant l’initiative entraide.chatons.org avant de l’envoyer à différents médias. Elle a aussi créé une nouvelle fiche sur le wiki pour présenter le logiciel Shaarli, que nous utilisons pour vous fournir le service MyFrama. Cet outil de conservation et de partage de liens est vraiment hyper pratique quand on veut se créer des dossiers documentaires ou bien tout simplement conserver un contenu pour y revenir plus tard.

Théo a travaillé cette semaine à la mise en place d’un système permettant aux internautes de contacter directement l’administrateur⋅ice d’un formulaire Framaforms. C’est une fonctionnalité qui va nous être très utile car nous recevons via notre formulaire de contact de plus en plus de messages de personnes qui souhaitent contacter le créateur⋅ice d’un formulaire. N’étant pas nous même créateur⋅ice de ces formulaires, nous sommes dans l’incapacité de pouvoir donner cette information aux personnes qui nous sollicitent. Cependant, mettre en place cette nouvelle fonctionnalité nous a demandé de bien y réfléchir en amont. En effet, nous n’avons pas souhaité que ce mail de contact soit visible directement sur le formulaire car les robots spammeurs s’en seraient donnés à cœur joie ! Il nous fallait donc mettre en place un formulaire de contact directement dans Framaforms. Et puis, nous ne voulions pas non plus obliger les créateur⋅ices à être contacté⋅es. Théo est donc parti sur plusieurs pistes avant de trouver celle qui permettait de prendre en compte tous ces aspects. Cette fonctionnalité n’est pas encore implémentée dans Framaforms, mais Théo m’indique que c’est imminent !

Bientôt, vous pourrez voir cette ligne supplémentaire à la fin d’un questionnaire…

et un formulaire de contact vous sera alors proposé.

il sera tout de même possible pour les créateur⋅ices d’un sondage de désactiver la fonction de contact.

Pouhiou, en plus d’animer nos comptes sur les médias sociaux au quotidien, a passé une partie de la semaine à préparer la lettre d’informations Framasoft dans laquelle il récapitule tout ce que nous avons fait ces derniers mois. Je l’admire car regarder dans le rétroviseur pour identifier tout ce que nous avons fait depuis janvier, c’est un boulot de dingue !

Tcit continue à travailler au développement de Mobilizon. J’ai pas tout bien suivi mais il continue à développer les fonctionnalités pour les groupes et fait des tests. J’imagine que ça veut dire qu’il voit si les fonctionnalités qu’il a développées fonctionnent correctement. Notre designeuse associée au projet Mobilizon, Marie-Cécile Godwin Paccard a lancé sur les médias sociaux un formulaire permettant de demander des précisions aux futur⋅es utilisateur⋅ices de Mobilizon sur le vocabulaire utilisé sur les pages événements.

Chocobozzz est lui aussi le nez dans le développement de nouvelles fonctionnalités pour PeerTube. Apparemment, il s’agirait de pouvoir ajouter des plugins d’authentification. Je ne suis pas certaine d’avoir bien compris de quoi il s’agissait, et puis comme ce n’est pas fini, mieux vaut que vous patientiez avant d’en savoir plus.

Du côté du support, spf ne chôme pas car les sollicitations sont toujours aussi nombreuses. D’ailleurs parfois, il s’énerve un peu de recevoir des messages de certain⋅es de nos utilisateur⋅ices qui ne prennent même pas la peine d’appliquer les règles de base de la politesse. On a beau être conscient que très souvent lorsque vous nous contactez, c’est que vous rencontrez un problème, mais commencer un mail par un « bonjour », c’est tout de même pas la mer à boire ! Heureusement qu’on reçoit des tickets qui nous donnent l’opportunité de nous marrer un peu ! Par exemple, on s’est amusé de recevoir une demande d’aide comprenant un fichier .odt dans lequel étaient copiées des captures d’écran… Je vous le dis, on s’amuse comme on peut du côté du support !

Pyg continue à jongler entre les interviews, les réunions avec certains partenaires et les interventions à distance, tout en rédigeant l’article Framaconfinement de la semaine 6. Et comme il a toujours des tas de choses à nous dire, eh bien ça prend du temps (mais pour vous ça ne vous prendra que 30 minutes à lire !). Il a aussi trouvé le temps de publier le Memorandum Covid-19 pour du libre et de l’open en conscience : enseignements et impulsions futures le mercredi 29 avril.

 

On se réadapte pour les mois à venir

Pyg a annoncé cette semaine à l’association l’annulation de notre Framacamp annuel, du moins sous sa forme habituelle. Le Framacamp, c’est le second rendez-vous annuel des membres de l’association (l’autre étant notre AG). Pendant une dizaine de jours, les membres qui le peuvent se retrouvent physiquement dans un lieu agréable pour faire le point sur les projets en cours, discuter des grandes orientations de l’association et avancer sur certains projets.

Étant arrivée chez Framasoft en février 2019, je n’ai vécu qu’un seul Framacamp, celui de juin 2019, mais ça a été pour moi une expérience incroyable. Déjà, parce que c’est un boulot de fou de tout organiser. Et ça on le doit à AnMarie qui gère avec brio tous les aspects logistiques (réservation d’un gîte, déplacements, alimentation). Et comme nos membres ne sont pas tous hyper-organisé⋅es, entre celleux qui veulent changer de jour d’arrivée ou de départ, celleux qui ne peuvent finalement pas venir et celleux qui ont des régimes alimentaires spéciaux, c’est un sacré exercice d’agilité (en mode à l’arrache donc !). Ensuite, parce que se revoir, discuter, échanger, réflexionner, boire des coups pendant plusieurs jours d’affilée, c’est un super moyen de consolider le groupe. Je n’avais jamais vécu ce type d’expérience (je n’arrive déjà pas à partir en vacances avec plus de 2 personnes sans que ça soit angoissant pour moi !) et même si j’ai trouvé que c’était sacrément épuisant, j’étais hyper enthousiaste à l’idée de recommencer ! Parce que ce Framacamp a complètement du sens pour moi et que finalement, être entourée de personnes bienveillantes et brillantes, qui savent exposer leurs pensées et les confronter à celles des autres sans animosité, m’a permis de revoir mon point de vue sur le collectif et de croire encore plus à la nécessité de faire ensemble.

Pour revenir au sujet, pyg a donc proposé à l’association une nouvelle forme pour le Framacamp prévu en juin prochain. Les raisons :

  • cet événement réunit des personnes de toute la France et nous ne savons pas si nous pourrons nous déplacer aisément ;
  • les membres représentent une mixité d’âge forte (vingtaine d’années à soixantaine d’années) et certains sont identifiés comme ayant des facteurs de risque ;
  • les mesures de distanciation physique ne paraissent pas applicables dans un tel événement (dortoir, douches partagées, salon commun, besoin de proximité pour échanger, nourriture préparée en commun) ;
  • il est probable qu’une partie des membres sera dans des situations difficilement prévisibles (ceux qui auront perdu des congés, celles qui n’auront pas d’autre choix que de bosser, celles qui veulent limiter leurs déplacements, ceux qui veulent rester auprès de leur famille, etc.).

Il est donc proposé que ce Framacamp prenne une nouvelle forme : 3 journées de temps cadrés et non-cadrés en ligne. L’événement serait évidemment sur la base du volontariat (participe qui veut et qui peut, quand iel peut). Pour cela, nous utiliserons le logiciel Big Blue Button, un outil de visioconférence adapté à la formation en ligne. Testé lors du Confin’atelier du 25 avril dernier (compte-rendu), Big Blue Button semble être l’outil le plus approprié pour ce temps de travail collectif puisqu’on pourra y créer plusieurs salons de discussion. Au sein de ces salons, il est possible de partager des présentations (avec ou sans tableau blanc), de discuter via un tchat, et même de créer des documents en mode collaboratif puisqu’y est disponible l’outil Etherpad.

Le détail des différentes sessions est encore en cours de préparation au sein de l’association, mais on sait déjà qu’une de ces sessions sera dédiée à la restitution des travaux menés par l’équipe du laboratoire CEPN UMR de l’Université Paris XIII dans le cadre du projet TAPAS (There Are Platforms as AlternativeS). Ce projet de recherche vise à approfondir et affiner la distinction entre « plateformes collaboratives » et « entreprises plateformes » et apprécier sa portée sur le plan des évolutions du travail, de l’emploi et in fine de la protection sociale dans le champ du numérique. Dans ce cadre, Framasoft a été sujet d’étude en 2019 et une partie des enseignants-chercheurs associés sont même venus assister au Framacamp de l’année dernière afin de comprendre nos modes de gouvernance en interne et en lien avec nos communautés. L’association est donc très enthousiaste à l’idée de découvrir ce qu’iels auront compris de nous !

Toujours dans l’idée de s’adapter, Pouhiou a passé une grande partie de la semaine à travailler à la rédaction d’un article dont l’objectif est de vous expliquer que nous revoyons notre feuille de route 2020. Car comme pyg vous l’a déjà expliqué dans Framaconfinement S6, il ne nous semble pas décent de nous lancer dans un crowdfunding selon les mêmes modalités que nos précédentes campagnes pour financer la V3 de PeerTube. Et nous allons avoir du retard pour la sortie de la V1 de Mobilizon. Mais je ne doute pas de ses capacités de nous expliquer tout cela de la manière la plus claire possible.
EDIT : l’article a été publié le 6 mai : https://framablog.org/2020/05/06/ce-que-framasoft-va-faire-en-2020-post-confinement/.

Nos membres bénévoles sont formidables

Une très bonne interview de Framatophe a été publiée dans Politis cette semaine. Il y revient sur le concept de capitalisme de surveillance qui prend encore plus de sens en cette période.

Enfin, Fred et Numahell ont passé une bonne partie de leur week-end à réaliser une vidéo de présentation de l’association pour la Fête des Possibles qui aura lieu du 12 au 27 septembre prochain. Portée par Le Collectif pour une Transition Citoyenne, la Fête des Possibles recense de nombreux évènements (plus de 1100 en 2019) qui souhaitent rendre visibles toutes les initiatives citoyennes qui construisent une société plus juste, plus écolo et plus humaine et qui permettent à chacun⋅e d’agir immédiatement. Toutes les formes sont plébiscitées : des ateliers d’expérimentation, des circuits de découverte, des portes ouvertes, des rassemblements publics, etc. au-delà de temps d’échanges ou de transmissions de savoirs. Cette Fête des Possibles sera celle des interdépendances, des interconnexions, des coopérations, des solidarités et bien plus encore !

Toutes les associations partenaires de cet évènement ont été sollicitées pour produire et partager une courte vidéo dans le cadre du lancement de la première campagne de communication et de mobilisation des réseaux des possibles sortie le 4 mai ! Cette vidéo d’environ 1min30 doit raconter comment elles agissent déjà pour le monde de demain, afin d’inciter leur public à témoigner ou s’engager lui aussi. Fred et Numahell se sont emparé⋅es de cette mission et se sont lancé⋅e⋅s dans le grand bain de la réalisation vidéo. Armé⋅e⋅s d’un pad, iels ont rédigé les éléments de langage nécessaire et une trame pour le contenu. Pas simple de résumer l’action de Framasoft en quelques minutes ! C’est Fred qui s’est essayé au jeu d’acteur seul face à sa caméra et là aussi chapeau car c’est un exercice pas du tout évident ! Numahell en a profité pour découvrir 2 logiciels libres de montage vidéo : Openshot et pitivi. Et selon Fred, c’était rigolo de faire une framaconférence en 4 minutes.

Et comme toujours la #TeamMèmes est au taquet : cet article ne serait rien sans leurs chouettes contributions ! Merci !




Ce que Framasoft va faire en 2020, post confinement

Voici une réécriture du calendrier de nos projets pour 2020, après que Framasoft a assuré de son mieux le maintien de ses services en ligne dans une France confinée.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Un résumé, pour les deux du fond

Nous vivons actuellement une pandémie mondiale. Qui a fait que #LesGens ont été confinés chez eux. Sauf que comme le monde n’était pas prêt (et l’Éducation Nationale encore moins), les services en ligne de visioconférence, de tchat de groupe, et d’écriture collaborative se sont trouvés submergés.

Framasoft héberge de tels services, avec zéro traçage, beaucoup de respect des internautes et un support qui accompagne avec sourire et humanité, tant qu’à faire. Ainsi, nous avons vu l’utilisation de certains services se multiplier par 8 (lorsque l’Italie s’est confinée) puis par beaucoup-tellement-qu’on-compte-plus (quand la France a finalement suivi).

Nous, quand un ministère n’écoute pas les savoirs-faire et talents dont il dispose en interne et donc ne s’est pas donné les moyens de fournir des services numériques pour les millions de personnes qui dépendent de ses choix politiques et de sa capacité à prévoir son indépendance numérique (allégorie).

Notre équipe salariée, épaulée par les bénévoles qui font vivre l’asso sur leur temps libre, a abandonné tous les projets en cours pour accueillir cette montée en charge, accompagner les usages et éviter que Skype, Zoom ou Google Meet ne profitent d’une pandémie pour se goinfrer des données des utilisateurs. Nous n’avons accueilli qu’une infime partie des besoins numériques de ces personnes, hein. Mais à notre niveau, c’était un raz-de-marée.

Nous le racontons en détail dans nos journaux de confinement : nous avons mis en œuvre de très nombreuses solutions. Techniquement, nous nous sommes donné les moyens : davantage de puissance et de machines, des améliorations de code et l’optimisation des installations… Humainement aussi : plus de collectif, plus d’animation pour parvenir à plus de décentralisation (ventilation de Framapad, Framatalk et Framadrop vers de multiples hébergeurs éthiques) et plus d’écoute des besoins pressants (par exemple en proposant l’outil de prise de rendez-vous médical RDV-Médecins).

Nous aussi, nous avons travaillé à « aplatir la courbe ».

Tout cela s’est fait avec plus de réflexion stratégique, plus de communication, plus de support communautaire, donc plus d’animation de communauté… Mais aussi plus d’expressions (et de plumes invitées sur ce blog), plus d’informations sur nos actions, plus d’éducation populaire (dont un gros dossier sur StopCovid)…

Pour ne rien vous cacher, même si on prend soin de nous, nous sommes rincé·es (et confiné·es : ces chamboulements dans la vie professionnelle et bénévole de l’association se sont accompagnés de chamboulements de nos vies personnelles, comme pour tout le monde…).

Revoir les plans du monde d’avant

Dans le monde d’avant, il n’y a pas si longtemps (même si on dirait), nous avons annoncé la fermeture programmée d’une partie des services de la campagne Dégooglisons Internet. Nous avions même préparé une page résumant toutes les informations et les sources plus détaillées, ainsi qu’un calendrier (annonçant les premières fermetures pour juillet prochain).

Nous allons poursuivre sur cette lancée, car nous avons plus que jamais besoin de tourner la page de certains services trop gourmands, trop anciens, etc. pour concentrer nos énergies sur l’essentiel. D’ailleurs, nous avons eu le nez creux, car les services les plus utilisés durant le confinement font partie de la liste des services que nous maintenons, et dont nous avons grandement renforcé les installations (Framapad et Framatalk en tête).

Entraide.chatons.org, une page pour trouver de nombreux services pratiques, éthiques et décentralisés.
Entraide.chatons.org, une page pour trouver de nombreux services pratiques, éthiques et décentralisés.

Par ailleurs, le collectif des hébergeurs alternatifs CHATONS a vraiment montré sa capacité à décentraliser les usages numériques. Ainsi, la création de la page entraide.chatons.org montre qu’il est possible de proposer un portail d’accueil de services sans inscriptions, qui vous renvoie de façon aléatoire vers un des membres du collectif. Que ce soit pour de l’écriture collaborative, de l’hébergement de photos ou de fichiers lourds, ou encore pour raccourcir une adresse web : si vous voulez un service en ligne libre, décentralisé, éthique et sans inscription, n’hésitez pas à privilégier les services proposés par entraide.chatons.org

Peertube : un financement pas à pas vers la v3

Nous détaillerons bientôt tout cela sur le framablog, mais en gros, nous ne nous sentons pas de lancer un crowdfunding en mai pour financer la v3 de notre solution d’émancipation de nos vidéos YouTube alors que l’avenir est incertain pour bon nombre de personnes.

Nous avons décidé plutôt d’annoncer une feuille de route, où nous afficherons les prochaines étapes de développements du logiciel. Cette feuille s’étendra jusqu’à la v3, que nous voudrions sortir en novembre prochain. Chaque étape, qui est en fait un cycle de développement, sera d’une durée d’un à deux mois, présentera son propre lot de fonctionnalités. Sans vendre la peau de l’ours, après des tests, nous pensons qu’il est possible d’inclure dans cette v3 la diffusion de vidéos en live ET en pair-à-pair.

Bientôt, Sépia (lae poulpe-mascotte de PeerTube) pourra regarder des live !
Illustration CC-By David Revoy.

Cette feuille de route sera accompagnée d’une collecte perlée sur toute la période de développement, de mai à novembre. Face à chacune des étapes, nous afficherons un coût, et ferons un appel aux dons, sans insister, et (comme toujours) sans culpabiliser. En effet, que les dons couvrent le coût de l’étape ou non, nous poursuivrons ce développement… quitte à ce que ce soit sur nos fonds propres (comme nous l’avons fait pour développer la v2).

Nous ferons le point, en novembre, sur le soutien qu’aura récolté cette collecte perlée. Cela vous permettra de suivre le développement de PeerTube au rythme où nous le vivons. Mais, une fois encore, nous avons confiance en votre capacité à soutenir ce projet actuellement utilisé par de nombreuses académies pour assurer la continuité pédagogique. Nous compterons sur vous pour promouvoir PeerTube hors de notre bulle, afin qu’il ne soit pas uniquement financé par la générosité des francophones.

Mobilizon espéré, Mobilizon retardé, mais Mobilizon bichonné

Mobilizon, c’est notre réponse à la question « comment faire pour que les marches pour le climat ne s’organisent plus sur Facebook ? » Un logiciel fédéré (où plusieurs hébergements peuvent synchroniser les infos entre eux) pour publier des événements, présenter et créer son groupe et s’y organiser ensemble.

Suite au succès du financement participatif du printemps 2019 nous avons travaillé et présenté une première bêta avec « juste les événements » en octobre et une autre incluant les outils de fédération en décembre 2019. Nous prévoyions d’ajouter les outils de groupe et de pages au printemps pour publier Mobilizon en juin, mais nous avons — forcément — pris du retard.

Nous croyons que Mobilizon va être plus important que jamais dans ce « monde d’après ». Il nous semble essentiel que les citoyen·nes reprennent leur indépendance sur les outils qui leur permettent de se mobiliser, s’organiser et se rassembler autour d’actions communes et concrètes.

Mobilizon fédéré, illustré par David Revoy (CC-By)

Nous prévoyons donc de publier, en juin, une nouvelle version bêta intégrant toutes les fonctionnalités prévues par le financement participatif de l’an dernier (des événements, des pages, et des groupes). Nous travaillerons ensuite, durant tout l’été, à améliorer le code selon les retours des personnes qui testeront la fédération (en hébergeant leur propre instance Mobilizon).

En effet, alors que Mobilizon explore des pans entiers du protocole ActivityPub (le langage commun pour que les hébergements synchronisent et échangent les informations), il nous semble urgent de prendre le temps de proposer, tester, remettre en question, discuter, modifier, et améliorer jusqu’à un consensus stable.

Nous voulons prendre trois à quatre mois pour tester Mobilizon avec des hébergeurs volontaires, améliorer sa compatibilité et sa façon de fédérer les informations pour sortir une première version stable à l’automne.

Un projet Framacloud dans la brume

Nous l’annoncions dans notre article « ce que Framasoft va faire en 2020 » de novembre 2019, nous avions un projet de « cloud Framasoft », un service unique et complet basé sur le logiciel Nextcloud pour synchroniser ses fichiers, ses agendas et ses notes, mais aussi collaborer sur des documents, tableurs et présentations, bref… Un service tout-en-un !

Nous avons retourné l’idée dans tous les sens, nous avons joué à la startup nation en essayant de le « pivoter » , mais soyons réalistes : on ne le sent pas. Avec toute la fatigue que nous avons accumulée (vous pouvez suivre ici notre journal de confinement), avec tout ce que nous avons en cours et tout ce qui nous attend… On préfère ne s’engager à rien sur ce projet… pour 2020.

On garde ce projet dans notre horizon, on ne sait juste pas pour quand.
Illustration CC-By David Revoy

Nous avons toujours la volonté de promouvoir un tel outil. Nous savons qu’il y en a besoin comme nous imaginons que les besoins vont changer en même temps que le monde change. Ce que nous ignorons, c’est de quelles énergies nous disposerons d’ici décembre. Pour l’instant, nous voyons simplement que nous ne sommes pas prêt·es, alors nous choisissons de faire moins, pour nous assurer de faire bien.

Nous gardons ce projet de cloud Framasoft dans notre horizon, mais pas sur 2020 (ou alors ce sera vraiment une bonne surprise de fin d’année ^^).

Le monde a changé©

C’est l’expression cliché qui nous accompagne depuis l’article relatant le deuxième jour de notre #Framaconfinement. « Le monde a changé », oui… et nous avec.

Nous essayons avec cet article de prendre de la hauteur pour vous communiquer ce que nous pensons accomplir, et pour quand. Mais embrassons l’impermanence de toute chose, cette impermanence qu’un petit virus nous a rappelée : tout peut encore bouger, surtout si le monde re-change, et nous re-avec.

Aujourd’hui, au sein de Framasoft, nous voulons nous concentrer sur des outils dont nous croyons qu’il pourront servir à ce qu’une société de contribution prenne toute sa place dans le « monde d’après ». En faisant cela, nous essayons aussi de fermer des onglets mentaux et rassembler nos énergies pour gagner en disponibilité.

Car le présent est en train de se dessiner, et Framasoft, par ses actions directes, souhaite être en capacité d’y jouer un rôle, afin de montrer que ce « monde d’après » peut ressembler, si chacun·e y apporte sa pierre, à cette Contributopia dont nous rêvons depuis quelques années.

Contributopia – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0




Framaconfinement semaine 5 – Colère et apaisement

C’est à nouveau moi Angie qui reprend le clavier pour vous raconter notre cinquième semaine de confinement, et ce malgré ma leucosélophobie ! Avec un titre pareil, vous allez croire que je me prends pour Dostoïevski ! Mais je vous rassure de suite, cet article ne sera ni très long, ni très littéraire. Ce titre m’est venu comme ça, un matin sous la douche, et je l’ai adopté parce qu’il semble assez pertinent pour vous raconter nos aventures framasoftiennes pour la semaine du 13 au 19 avril !

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Les raisons de la colère…

Après Dostoïevski, voilà qu’elle nous détourne Steinbeck !

Cette cinquième semaine de confinement a commencé par un jour férié, le lundi de Pâques. Mais pas n’importe quel lundi de Pâques ! Car en plus de l’avoir vécu toutes et tous en mode confiné, c’est ce lundi 13 avril qu’a eu lieu la quatrième allocution du Président Macron durant laquelle il nous a annoncé la prolongation du confinement jusqu’au 11 mai prochain. Un long discours aux accents moins guerriers que les précédents, afin de faire passer la pilule auprès du plus grand nombre.

Au sein de l’association, personne n’a été surpris. Cependant, même s’il nous semblait évident qu’on n’allait pas être déconfiné⋅es immédiatement, les annonces de ce discours (pas uniquement la prolongation, mais aussi la levée progressive des restrictions et la réouverture des écoles à cette date) a mis une partie d’entre nous en colère.

Nous en avons parlé en introduction de la réunion de l’équipe salariée dès le mardi après-midi, mais aussi, lors de la Framapapote proposée par Maiwann et qui s’est tenue mercredi soir. Car comme elle nous le disait dans le message nous proposant ce temps de convivialité :

Je ne sais pas si je suis perdue ou en colère, si j’ai besoins de câlins ou de solutions magiques mais en tout cas, j’aimerais beaucoup discuter avec vous. Pour prendre de vos nouvelles, d’abord, mais aussi pour savoir comment vous vivez la situation / ce que vous en pensez, que vous soyez serein ou en colère, car j’en ai un peu marre de n’entendre que mes pensées et j’aimerais bien entendre les vôtres.

Nous sommes en colère quand on voit la façon dont ce gouvernement gère cette crise sanitaire. Sans revenir sur le manque d’anticipation, les lenteurs dans la prise de décisions, les erreurs d’appréciation ou les discours contradictoires qui ont été largement commentés, nous sommes indigné⋅es par l’hypocrisie du gouvernement qui, en ces temps d’austérité, trouve systématiquement de l’argent pour aider les grandes entreprises en difficulté.

Nous sommes en colère quand Geoffroy Roux de Bezieux, le patron du Medef, nous dit qu’il nous faudra travailler plus à la fin du confinement, augmenter notre temps de travail et envisager le report de nos congés et RTT, tout cela au nom de la croissance économique.

Nous sommes en colère quand certains patrons un peu trop zélés mettent en place des systèmes pour tracker l’activité de leurs salarié⋅es en télétravail ; certaines entreprises allant jusqu’à leur imposer de rester connecté⋅es en visioconférence toute la journée, afin de s’assurer qu’ils sont bien présent⋅es à leur poste de travail.

Nous sommes en colère parce que nous savons bien que cette crise va avoir (et a déjà) un impact sur nos libertés. Qu’après avoir vécu dans un État de surveillance, nous allons vivre nos prochaines années dans un État solutionniste. Nous n’avons pas besoin d’une application de traçage pour lutter contre le coronavirus, qu’elle émane d’un gouvernement ou d’une multinationale. Nous n’avons pas besoin de drones qui survolent nos villes et nos campagnes ou de reconnaissance faciale dans nos rues.

Nous sommes en colère face à la banalisation des dérives sécuritaires. Quelque 100 000 policiers et gendarmes ont été déployés en France pour sanctionner les déplacements injustifiés. Mais ce déploiement interroge, en particulier au sujet de la répartition des contrôles, notamment dans les territoires les plus pauvres et hébergeant des populations spécifiques. Ainsi, la Seine-Saint-Denis concentrait à elle seule 10 % des verbalisations au deuxième jour du confinement. Les forces de l’ordre ont « une marge de manœuvre extrêmement forte » pour faire respecter le confinement et n’hésitent pas parfois à verbaliser de manière totalement abusive.

Nous sommes en colère lorsqu’une partie de nos concitoyens se mettent à appeler les services de police ou de gendarmerie pour dénoncer leurs voisins. Il nous est difficile de supporter l’idée que certains confinés se sentent investis d’une mission judiciaire, même si nous sommes conscients que la peur de la maladie peut faire ressurgir ce type de comportements.

Nous sommes en colère quand nous voyons sur les chaînes de France Télévisions, qu’on indique toujours dans les bandeaux la mention « par Skype » pour parler de visioconférence. Oui, ça nous énerve beaucoup que les chaînes du service public fassent de la publicité à peine déguisée pour ce logiciel proposé par une multinationale du numérique.

Bref, nous sommes à l’image d’une grande partie de la population : nous ne vivons pas très bien cette restriction imposée de nos libertés. Alors, nous en parlons, car il n’est rien de pire que de ressentir ces émotions négatives et de ne pouvoir les exprimer, les regarder et les analyser.

Bonsoir Tristesse…

Oh non, Angie, tu abuses ! Dostoïevski, Steinbeck et maintenant Sagan ???

Comme une grande partie de la population, chez Framasoft, nous n’échappons pas aux effets du confinement sur nous et nos proches. Ainsi, nous avons toutes et tous dans notre entourage des personnes en souffrance qu’il nous faut accompagner au mieux, que ce soit des membres de nos familles ou nos ami⋅es.

Nous ressentons de la tristesse à ne pouvoir davantage accompagner nos proches touchés par la maladie et/ou le deuil, les couples autour de nous qui se déchirent, toutes les personnes victimes de maltraitance et de violences conjugales ou nos proches touchés par la dépression. Cette tristesse se mêle à un sentiment profond d’impuissance qu’il est parfois difficile de supporter. Car le seul moyen que nous ayons pour agir c’est d’entretenir un maximum de contacts avec notre famille, nos amis ou nos collègues de travail. Nous parlons donc entre nous de nos appréhensions et de nos craintes, nous nous soutenons mutuellement.

Mais surtout nous partageons nos « recettes » respectives pour vivre au mieux la situation. Certain⋅es d’entre nous s’évadent en jouant aux jeux vidéo, d’autres découvrent les bienfaits de la méditation, ou se découvrent une passion pour la cuisine. Il y en a même parmi nous qui prennent plus de temps pour développer leur créativité. Bref, il n’y a pas de solution unique (magique ?), mais parler de ce qui nous fait du bien est déjà un bon moyen d’aller bien !

Enfin, il nous semble nécessaire d’élargir nos horizons, de ne plus se projeter uniquement dans comment gérer les deux semaines à venir, mais de penser bien au-delà. Réfléchir aux impacts que ce confinement va avoir sur nos vies dans un futur plus ou moins lointain semble faire beaucoup de bien à plusieurs d’entre nous. Même si nous ne sommes pas tou⋅tes d’accord sur comment sera le monde d’après (retour massif de la pensée capitaliste ou prise de conscience des populations qu’un autre monde est possible ?)…

Et pourtant nous continuons à avancer…

Malgré tout cela, nous continuons chaque jour, du mieux que nous pouvons à remplir nos missions. Ce n’est pas toujours simple. Peut-être même que parfois, on n’y arrive pas vraiment. Mais on fait au mieux.

Côté technique, cette semaine Luc était en congé et ce sont donc tcit, chocobozzz et Théo qui ont assuré le maintien de nos services. On a eu quelques soucis avec Framacalc : chocobozzz a dû relancer le service de nombreuses fois, mais il semble que ce soit rentré dans l’ordre. On n’a pas réussi à savoir exactement d’où cela venait (comme souvent avec Ethercalc) mais chocobozzz suppute qu’un calc flingué provoquait un souci mémoire, faisant crasher le processus parent. Vous n’avez rien compris à cette dernière phrase ? Je vous rassure, moi non plus.

Plusieurs utilisateur⋅ices de nos services nous ont aussi fait savoir cette semaine qu’iels rencontraient des soucis sur notre nouvelle instance MyPads, ce service qui permet de conserver ses pads et de les organiser dans des dossiers. Nous n’avons pas réussi à trouver d’où cela peut venir et on attend donc avec impatience le retour de Luc la semaine prochaine pour régler le problème.
EDIT : à l’heure où nous publions ce billet, le problème est réglé.

Nous avons dû modérer les inscriptions sur Framapiaf, notre instance du logiciel Mastodon, car une vague de bots est venue s’y créer des comptes en pagaille. Toute personne créant un compte sur ce service doit dorénavant laisser une note pour expliquer pourquoi elle souhaite s’inscrire et notre équipe de modération doit approuver chaque nouveau compte. Cette technique nous permet de nous assurer que ce sont bien des humains qui s’inscrivent. Mais c’est une charge supplémentaire pour nos modérateur⋅ices dont nous nous serions bien passés.
EDIT : à l’heure où nous publions ce billet, ce système de modération a été arrêté.

Les serveurs et les clients de Framatalk ont été mis à jour samedi matin pour intégrer plusieurs corrections qui devraient régler certains soucis rencontrés lorsqu’on utilise le logiciel Jitsi Meet avec le navigateur Mozilla Firefox. On a tout de même décidé de conserver le message sur la page d’accueil du service tant qu’on n’aura pas constaté une amélioration du fonctionnement de l’outil avec le navigateur Firefox.

Vendredi, tcit s’est occupé de gérer l’espace disque du serveur qui héberge le service Framateam, lequel suite à la création d’une nouvelle team s’est retrouvé en surcharge. L’administrateur⋅ice de cette nouvelle team a essayé d’importer un export Slack de taille relativement conséquente (~1.4 Gio) de multiples fois et contenant des pièces jointes relativement lourdes comme des vidéos. Nous accueillons déjà plus de 80 000 utilisateur⋅ices sur notre service Framateam. Nous avons donc contacté cette personne pour lui rappeler que nos services sont des ressources partagées que les utilisateur⋅ices sont libres d’utiliser en ayant conscience de l’aspect « commun numérique » de ces espaces. tcit a également publié le code de l’application Nextcloud qu’il avait développée pour afficher les messages sur l’instance rdv-médecins.

Théo continue à travailler sur Framaforms et constate que les modifications qu’il y apporte sont parfois mal perçues par les utilisateur⋅ices ! Alors on prend du temps pour leur expliquer que cette nouvelle version vise à régler plusieurs problèmes, dont l’affichage des titres des pages qui causait problème, l’affichage sur mobile et l’adaptation à la taille des pages. Parce que vous imaginez bien que quand on fait des modifications, c’est bien dans le but d’une amélioration ! Théo découvre donc qu’il y aura toujours des personnes à qui le changement ne plaît pas !

En plus de toutes ces activités liées au maintien de nos services, tcit et chocobozzz ont trouvé le temps de se remettre sur le développement des logiciels dont ils ont la charge. Tcit développe actuellement les fonctionnalités des groupes dans Mobilizon. Il a eu cette semaine une réunion avec Marie-Cécile Godwin Paccard, designeuse en charge du suivi du projet, pour parler du report de la sortie de la V1, des différentes fonctionnalités que devaient proposer les groupes et de la manière dont on pouvait articuler l’organisateur⋅ice d’un événement VS le contact lors de l’événement. Cette discussion a aussi permis de clarifier le vocabulaire qui sera utilisé au sein de l’application, en particulier autour des concepts de public / privé. Marie-Cécile va donc réaliser une enquête dans les semaines (EDIT : elle est prête, et c’est ici) à venir pour identifier quels seraient les vocabulaires les plus adaptés pour distinguer les différentes formes d’évènements.

Parce que le monde a changé, nous avons décidé que la collecte pour la V3 de PeerTube que nous prévoyions de lancer en mai ne pourrait se faire sous sa forme initiale. Tout d’abord parce que chocobozzz, le développeur principal de PeerTube, a passé ces dernières semaines à maintenir et renforcer nos services. Mais aussi parce qu’il nous semble déplacé de lancer une collecte sans prendre en compte le contexte actuel. Nous avons donc pris le temps de réfléchir à cette question de comment nous allons arriver à financer les différents développements prévus dans la feuille de route de PeerTube. Chocobozzz a repensé sa feuille de route et nous avons cherché comment nous allions quand même vous demander de nous aider à financer ces nouveaux développements. Nous laissons actuellement mûrir ces réflexions avant de vous les présenter d’ici quelques jours.

En parallèle, les échanges entre les membres autour de la future application #StopCovid n’ont pas cessé. On a appris au début de la semaine que c’est beta.gouv.fr qui est en charge de son développement. Globalement, nous sommes assez énervés de constater que le gouvernement préfère croire que cette application résoudra le problème alors qu’aucun expert en épidémiologie et en sécurité informatique n’a prouvé que cette solution était efficace (et c’est même plutôt le contraire). On se dit qu’il nous faut donc continuer à publier de nouveaux contenus dans notre dossier StopCovid et pour cela, nous sommes nombreu⋅ses à prendre plusieurs heures par jour pour nous informer sur ces questions.

Nous partageons nos découvertes dans le canal Veille de notre Framateam associatif. Cela génère des réflexions collectives qui nous permettent d’affiner nos raisonnements et nos arguments. Et c’est aussi un très bon moyen d’élaborer une pensée commune. Et quand Théo nous requestionne sur la question du solutionnisme technologique, la #TeamChauves s’en donne à cœur joie de l’expliciter à nouveau en citant les penseurs de la question, Evgeny Morozov, Gilbert Simondon et Bernard Stiegler. Stph nous fait découvrir le texte de Pierre Steiner « Philosophie, technologie et cognition : état des lieux et perspectives » paru dans la revue Intellectica en 2010 qui présente la thèse TAC qui structure une partie des recherches du laboratoire Costech de l’UTC. C’est sûr que lire tout cela de bon matin, surtout pour celles et ceux d’entre nous qui ont du mal à ouvrir les yeux, c’était un peu violent !

Sur le framablog, cette semaine, nous avons laissé la parole aux membres bénévoles. Stph y a publié une synthèse sur les licences libres qu’il a réalisée dans le cadre du librecours Libre Culture. La #TeamMeme a fait son coming-out dans un article qui nous a redonné le sourire. Et Stph, décidément très productif, a repris son clavier pour nous raconter comment l’association Scenari, dont il est membre, a reçu une demande de retrait de contenu non-autorisé et les réflexions qu’il en a tirées. Stph (toujours lui !) a publié sur Framabook la nouvelle A&A la genèse, dans laquelle il raconte les origines de A&A, la multinationale du numérique présente dans son roman Traces publié en juin 2018.

Jeudi soir, j’ai participé avec Lise à la réunion virtuelle mensuelle du CHATONS. Chez les chatons aussi, on ressent le fait qu’après avoir réagi très vite à la situation en mettant en place entraide.chatons.org et en alimentant la litière (c’est le nom donné au wiki des CHATONS) avec des fiches de présentation des outils du télétravail, il nous faut reprendre une activité plus habituelle. Lors de cette réunion, nous avons continué à nous questionner sur le processus de validation des candidatures des structures souhaitant rejoindre le collectif. Plusieurs réflexions avaient été lancées sur notre forum ces dernières semaines. Il s’agit tout d’abord de faciliter la candidature au collectif de nouvelles structures en leur fournissant un formulaire de candidature pour qu’elles puissent voir en amont si elles remplissent bien les conditions. Dans ce document, elles préciseront un ensemble d’informations sur le fonctionnement de leurs services au regard des différents critères indiqués dans la Charte du collectif. Ce formulaire sera aussi un outil qui facilitera l’analyse des candidatures par les structures membres du collectif puisqu’y seront répertoriées les principales informations. Le collectif prévoit d’ailleurs de travailler prochainement à la mise en place d’un système d’audit pour l’analyse des candidatures.

Côté support, on est content de recevoir des petits mots de remerciements, mais parfois on s’agace un peu beaucoup de recevoir des injonctions de nos utilisateur⋅ices ! Par exemple, quand on nous envoie un message nous indiquant que nos serveurs Framaforms semblent avoir un problème et que ce serait bien qu’on les redémarre au plus vite, car ils sont utilisés pour piloter une antenne régionale de l’ARS, on grince des dents. Parce que nous demander de les redémarrer en urgence, c’est pas comme si on n’y avait pas déjà pensé ! Alors on rappelle gentiment que nous sommes une petite association, nos CGU précisant bien que nos services sont mis à disposition gracieusement et que nous faisons au mieux pour les faire fonctionner, mais que nous ne nous assignons aucune obligation de résultat.

spf, notre collègue en charge du support a parfois des difficultés à contenir sa colère

Quand cela s’ajoute à tous les messages que nous recevons dans lesquels on nous suggère des améliorations de nos services, l’ajout de fonctionnalités ou qu’on nous intime de mettre en place de nouveaux services (alors qu’on a annoncé qu’on allait en fermer), et bien parfois, spf en a un peu ras la casquette ! Le plus lassant, c’est le fait que les gens ne savent pas toujours que leur super idée nous a déjà été demandée 42 000 fois… mais ça on ne peut pas vraiment leur en vouloir !

Tendre à l’apaisement même dans ce contexte

Exprimer entre nous et face aux autres notre colère, notre tristesse, notre sentiment d’impuissance, c’est un premier pas pour tendre vers l’équilibre sans pour autant nier les difficultés que nous rencontrons. Verbaliser le fait de vivre ces émotions nous permet d’en prendre conscience et surtout de constater que nous ne sommes pas seul⋅es à les vivre. Dire qui l’on est, ce que l’on ressent, c’est aussi permettre aux autres de se dire. Partager ses ressentis, c’est accepter le soutien que les autres peuvent nous apporter. En dédramatisant nos situations, et en se concentrant sur les points satisfaisants des celles-ci, nous apaisons nos réactions instinctives d’attaque/défense et cultivons notre résilience. Et c’est pour moi une grande chance que de pouvoir mettre ceci en application dans le cadre de mon environnement professionnel. J’en profite donc pour remercier toutes les personnes qui au jour le jour sont à mon écoute et m’apportent leur soutien dans cette période complexe. Je suis cependant consciente que nous n’avons pas toutes et tous cette facilité à nous dévoiler. Alors pour celleux là, il y a toujours la possibilité d’être présent. Et ça fait déjà beaucoup !




Mémorandum Covid-19 pour du libre et de l’open en conscience : enseignements et impulsions futures

Nous publions ci-dessous un texte collectif, inititié par différents acteurs du libre et de l’Open(Source|Science|Hardware|Data), suivi des impulsions envisagées.

À Framasoft, nous signons rarement des tribunes en tant qu’organisation. Essentiellement pour trois raisons : 1) elles nous placent dans une situation d’autorité, que nous rejetons, 2) lorsqu’il s’agit d’un appel ou même d’une alerte aux pouvoirs publics, elles nous placent dans une position de soumission aux dits pouvoirs, 3) globalement, cela fait bien quelques décennies qu’aucune tribune n’a eu de réelle influence, en dehors d’un pouvoir d’informer (à relativiser avec l’accroissement important du nombre de tribunes publiées).

Pourtant, bien que n’ayant que peu d’espoir qu’il apporte un réel changement (« Qui vit en espérant meurt désespéré » dit le proverbe), nous avons co-signé le texte ci-dessous, publié ici sous la forme d’un mémorandum (« document ou autre communication qui aide la mémoire par enregistrement d’événements ou d’observations sur un sujet dans une organisation »).

La raison principale en est que ce mémo fait une bonne synthèse de la situation actuelle, et surtout qu’il pose des mesures concrètes que les signataires souhaitent voir mis en place rapidement. Cela à un double effet positif. D’abord, cela permet de garder trace de la situation du libre et de l’OpenSSHD (oui, je crois que je vais revendiquer cet acronyme pourri à base de private joke) en période de pandémie. Ensuite, au travers des objectifs fixés dans les mesures actionnables, cela permettra de constater si, oui ou non, les institutions et la société civile ont embrayé, ou si on en reste – comme souvent – à une liste d’injonctions ou de demandes au Père Noël.

Apporter notre signature à ce texte, c’est lui reconnaître la valeur intrinsèque de poser les choses.


 

Mémorandum Covid-19 pour du libre et de l’open en conscience : enseignements et impulsions futures

Le texte est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

Le texte qui suit a été nourri de la contribution d’une trentaine de personnes œuvrant aujourd’hui en se fondant sur les principes communs de la libre circulation de l’information, de gouvernance ouverte et de modèles sociaux durables. Il est accompagné d’une série d’« impulsions » ayant germé de ces échanges, faisant apparaître 6 principaux enseignements et proposant 7 mesures politiques immédiatement planifiables.

La situation exceptionnelle provoquée par la pandémie de COVID-19 et le confinement consécutif ont redonné toute son importance au numérique en tant que technologie de communication, mais aussi d’empowerment (c’est-à-dire, permettant de redonner du pouvoir d’agir et du contrôle à tout un chacun), de création collective et de développement de solutions répondant aussi bien à des enjeux globaux que locaux. Renouant ainsi avec les origines d’Internet et du web, des courants communautaires de solidarité, complémentaires ou alternatifs aux dispositifs publics, illustrent une nette tendance en faveur de l’ouverture dans ses différentes formes : l’open science (partage des données et articles de la recherche) devient le principe, la démocratie participative une volonté collective, les logiciels libres, l’open source et l’open hardware les fondements, et le libre partage de la culture, enfin, une conséquence inéluctable.

Deux raisons peuvent certainement être avancées à cette résurgence dans la sphère politique et sociale.

D’une part, ces initiatives communautaires ont fait preuve d’une capacité à répondre concrètement, rapidement et efficacement à des enjeux sociaux inédits grâce à des pratiques expérimentées dans des réseaux d’acteurs et de tiers-lieux déjà existants, soutenues par des réflexions théoriques, des outils juridiques et des modèles économiques éprouvés. Elles conjuguent la volonté de « Penser global, et d’agir local ».

D’autre part, l’insuffisance des réponses issues de l’intervention des États ou du jeu des marchés est apparue au grand jour, compte tenu de l’ampleur des événements. D’autres types d’actions réalisées sous la forme de « communs numériques » ont aussi été rendus possibles dans de nombreux domaines. Les communs numériques sont des ressources ouvertes coproduites et maintenues par une communauté qui définit elle-même ses règles de gouvernance et considère ces ressources comme génératrices de liens sociaux plutôt que comme des marchandises soumises aux lois du marché.

Penser l’« après » appelle à se placer au-delà des visions dichotomiques et d’un solutionnisme social et technique.

Les vies de ces projets et expérimentations, réussites ou échecs, invitent ainsi à en tirer quelques premiers enseignements pour laisser la fenêtre ouverte à des futurs possibles désirables, renforcer les prises de conscience actuelles d’une large population ayant expérimenté plus ou moins facilement le « numérique » pour les ancrer par la suite dans des usages numériques respectueux des individus et des milieux où ils cohabitent.

Ce document soutient la place de ces manifestations et réfléchit à leur pérennité pour une modification organisationnelle et sociale plus large. En plus d’exemples concrets pour illustrer les dynamiques en marche, et une mise en lumière des points les plus urgents à la coordination des actions, l’enjeu ici est aussi de donner un cap à suivre pour mener à moyen ou long terme des actions collectives.

Libre, ouvert et co-opératif, un modèle qui coule de source

Au cœur de la situation actuelle, un des rôles majeurs joués par la participation collective de la société civile a été d’apporter une information fiable et de qualité sur l’évolution de la pandémie et de répondre aux besoins locaux (cartographie d’entraide dans des villes, détail du suivi de la maladie par région, etc.) et globaux.

L’open data y joue un rôle prépondérant. Cette démarche est tout d’abord une nécessité politique dans un souci de « transparence » et de redevabilité sur les choix actuels (voir notamment « Le COVID19 et les données ». Ces actions le sont aussi en termes d’innovation grâce aux infrastructures et communautés existantes (voir notamment « Ça reste ouvert »). Depuis le début de la crise, de multiples projets open data ont vu le jour sur le sujet, hébergés sur data.gouv.fr ou d’autres plateformes.

Ensuite, cette démarche ne peut être possible qu’en s’appuyant sur des pratiques de science ouverte (open science) regroupant à la fois des chercheurs d’organisations internationales, des instituts de recherche publics et des data scientists de différents domaines. Le partage des données, articles scientifiques et discussions associées dans cette situation de crise s’est révélé un fonctionnement nécessaire pour comprendre et interpréter avec rapidité et souplesse la situation, et proposer des modèles de simulations et des visualisations rendant ces données intelligibles (voir notamment COMOKIT, veille-coronavirus.fr, covid19-dash, Coronavirus Country Comparator,).

La visée de ces projets est double. D’une part, il s’agit d’informer, d’aider à trouver les meilleures solutions médicamenteuses et les formes d’organisations sociales à visée sanitaire, politique, ou économique les mieux adaptées, et ce de manière ouverte et transparente. D’autre part, faciliter la participation aux débats concernant les prises de décisions actuelles et à venir (telles les initiatives Écrivons Angers et la consultation du collectif #LeJourdAprès), dans le monde entier.

Répondant aux besoins du moment avec leurs savoir-faire et compétences, les communautés des makers et de l’open hardware se sont rapidement mobilisées (voir notamment les projets listés sur covid-inititatives). Elles ont ainsi prototypé des matériels médicaux à faible coût et facilement réalisables dans des tissus locaux (via des tiers-lieux et fablabs) en France et dans le monde entier. Tout cela s’est mis en place particulièrement rapidement en collaboration avec les milieux professionnels concernés et dans le respect des règles s’imposant en matière de santé (les visières, les respirateurs MUR ou encore MakAir).

L’aspect solidaire sous-tendant ces communautés est aussi majeur pour assurer des services quotidiens, trouver des solutions afin de continuer les activités quotidiennes dans les milieux professionnels et éducatifs, mais aussi de retisser du lien. Il s’agit en effet d’éviter une amplification des inégalités par le numérique grâce à des initiatives de médiation numérique et de continuité (Continuité Pédagogique, Solidarité Numérique ou Droit-Covid19). À ce titre, les entités permanentes (sur le modèle des Fabriques ou d’autres) ont prouvé leur capacité à fédérer pour initier, financer, faire grandir des communs dans les domaines clefs en s’appuyant sur les réseaux de tiers-lieux et Fablabs. Individus, sociétés, administrations et collectivités, tous sont solidaires devant la crise sanitaire, économique et démocratique.

Côté grand public, beaucoup ont franchi le pas de l’utilisation d’outils de visioconférence et d’autres applications en ligne pour échanger ou dialoguer avec leurs proches (lien social et familial), et soutenir leurs activités quotidiennes les plus diverses (travail, loisirs, logistique, etc.). Une fois passée la découverte des solutions anciennes comme nouvelles, les personnes utilisant ces services subissent souvent de plein fouet le modèle traditionnel qui transforme les usagers en client : un propriétaire de la technologie qui reste le seul décisionnaire des conditions d’accès (très souvent onéreuses) et qui a tout intérêt à limiter la compatibilité avec d’autres solutions. L’expérience même des difficultés propres au « numérique » n’a jamais été autant partagée et rendue palpable par des personnes d’habitude peu sensibilisées à ces enjeux (sécurité, vie privée, économie de plateforme). La plateforme Zoom découverte par beaucoup à cette occasion est une illustration actuelle de cette problématique de par la révélation de ses failles de sécurité ou de sa politique d’utilisation contestée des données personnelles des utilisateurs.

De tous les services offerts, les plus éthiques, solidaires et équitables sont ceux qui ont implémenté des logiciels libres (qui font de la liberté de leurs utilisateurs et utilisatrices un principe clef). L’orientation éthique y est intégrée by design, car ils sont conçus et pensés pour et par leurs utilisateurs et utilisatrices, et s’adaptent en continu grâce aux remontées de quiconque y contribuant. Ainsi, devant l’urgence de se tourner vers des outils de communication et d’organisation, les logiciels libres et open source développés par une communauté (pour une communauté encore plus grande) sont en capacité de répondre à plusieurs enjeux. Il s’agit en premier lieu d’enjeux de confiance (nul espionnage ou monétisation peu éthiques), mais aussi de décentralisation (les canaux traditionnels étant bien insuffisants au regard des demandes massives et simultanées), ainsi que de gratuité avec un modèle économique de base fondé sur l’ouverture des ressources.

Autre point, la fermeture de l’accès aux lieux d’exercice habituels des activités professionnelles, scolaires et culturelles a rappelé la nécessité de savoirs ouverts, amenant à un large mouvement de mise à disposition de ressources culturelles et de connaissances (livres, articles, expositions, contenus multimédias, journaux scientifiques, spectacles, etc.). Cela nous rappelle que la valeur de la culture et de la connaissance pour la société repose sur son accès partagé.

Open sans pérennité (& fondement juridique) n’est que ruine de l’âme

La situation actuelle rappelle en effet que les principes du libre et de la collaboration ouverte ne sont souvent pas assez compris en dehors des cercles d’initié.e.s.

En premier lieu, la différence entre libre et gratuit n’est pas forcément claire, et il en va de même pour les modèles économiques sous-jacents (« si c’est gratuit, vous êtes le produit »). Pour beaucoup, la mise à disposition gratuite de ressources est considérée comme suffisante, sans forcément saisir les bases juridiques et économiques alternatives proposées par les ressources libres.

Les choix juridiques ont pour intérêt de prévenir un affaiblissement des projets, ainsi qu’une augmentation des risques d’enclosure (c’est-à-dire de réappropriation et d’accaparement de la valeur par un seul). Ainsi, les éléments de gouvernance sont déterminants dans la construction de communs et la pérennité des projets. Ces règles de gouvernance et de rétribution juste permettent en effet d’éviter un affaiblissement des projets et leur essoufflement. En la matière, la longue et complexe histoire de l’économie sociale et solidaire (ESS) peut servir de repères pour (re)construire des modèles de développement a-capitalistes. Les ressources organisationnelles qui font son originalité (coopératives, mutuelles, associations essentiellement) ont été récemment renforcées par les coopératives d’activité et d’emploi et les SCIC qui s’attachent à promouvoir des nouvelles gouvernances et dynamiques de partage des richesses et, dans le cas des SCIC, de productions de biens et de services d’utilité sociale.

L’urgence est ainsi d’assurer l’ouverture des ressources, y compris leur gouvernance, tout en veillant à ce que les projets financés par de l’argent public dans le cadre de cette crise soient ouverts par défaut. Dans cet esprit, le Directeur Général de l’OMS appelle tous les pays à soutenir les démarches d’open science, d’open data et d’open collaboration. De la même manière, aujourd’hui face à la situation d’urgence, plusieurs acteurs (éditeurs, industriels, etc.) mettent gratuitement à disposition leurs ressources et biens immatériels. En ce sens, l’initiative Open Covid Pledge regroupe un ensemble d’initiatives privées et publiques s’engageant à garder leurs contenus et connaissances ouverts pour mettre un terme à la pandémie COVID-19 et minimiser ses effets. Néanmoins, au-delà des annonces ou des ouvertures temporaires en temps de crise, l’enjeu est plus vaste et implique un changement de modèle.

Partout où est le numérique, cela induit que l’ouverture devient la base de modèles économiques et sociaux respectueux des acteurs et utilisateurs y participant, pour assurer une vision à long terme inclusive et ouverte. Un appel fait par exemple par la tribune « crise ou pas crise, nous avons besoin tout le temps d’un savoir ouvert » invite au développement d’un plan national pour la culture et l’éducation ouverte par les ministères à l’image du Plan national pour la science ouverte. À ce titre, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a, sous l’impulsion du Comité pour la science ouverte, ainsi demandé l’ouverture complète et immédiate des résultats de recherche, toutes disciplines confondues, liés à l’épidémie de Covid-19.

Ce positionnement soulève l’enjeu même des cadres d’interaction entre puissances publiques et initiatives communautaires. La question de l’accompagnement et de la protection de ces initiatives par le gouvernement et les instituts publics est majeure. Elle se doit d’être renforcée par un ensemble de jalons juridiques et structurels pour protéger de telles initiatives aux formes peu communes, qui ne doivent pas rester éphémères. Pour reprendre une citation tirée du documentaire « Nom de code : Linux » : « Ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ». Ainsi, il s’agit de continuer à œuvrer à une transformation du rôle des membres du secteur public pour les faire sortir de leur dépendance vis-à-vis d’un secteur privé organisé selon des priorités de rentabilité, pour soutenir et s’appuyer sur un tissu d’initiatives proposant des modalités de développement pérennes.

Dans l’esprit des partenariats public-privé (PPP) pensés comme partenariats publics-communs, donner corps à ces projets implique d’associer des infrastructures à la fois techniques, juridiques et sociales et de faciliter un changement de culture pour préparer un numérique s’intégrant dans des projets de société durables (tendances qui existent déjà, comme l’initiative Numérique en Commun[s], Science avec et pour la Société).

Qui veut aller loin ménage ses infrastructures

Les solutions proposées aujourd’hui par les communautés du logiciel libre et de l’open source répondent à de nombreux besoins numériques, comme en témoigne le « succès » des solutions proposées par l’association d’éducation populaire Framasoft (visioconférence, documents partagés : pads) ou les acteurs du Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS). Toutefois, les infrastructures – techniques et humaines – sur lesquelles reposent ces services ne sont pas pensées et dimensionnées pour supporter la charge nécessaire au plus grand nombre. Au premier abord, l’on pourrait être tenté de penser que l’on touche du doigt les limites de ces modèles. Or, ce qui pourrait être perçu comme un « bug » ou une preuve d’inefficacité dans le système hyperproductif dans lequel nous vivons est plutôt la preuve que les modèles ouverts réfléchissent au temps long et aux implications sociales, politiques et environnementales qu’ils entraînent.

En effet, la logique de décentralisation sous-tendant les démarches ouvertes implique que ce ne soit pas à un seul responsable de résoudre le problème de toutes les personnes, mais plutôt que se mettent en place des mécanismes d’accompagnement et d’entraide mutuels permettant à chacun de disposer des solutions utiles et nécessaires : collectivement et globalement, plutôt qu’individuellement et de manière centralisée. Pour cela, à l’image du tissu de solidarité que ces initiatives créent sur l’ensemble du territoire en ce moment, il s’agit de consolider des projets impliquant de multiples acteurs qui déploient localement des solutions libres et ouvertes. C’est l’idée même des CHATONS de fournir des instances au niveau local pour héberger des solutions libres et open source. Le maillage du territoire par un ensemble de tiers-lieux et de Fablabs vient aussi répondre à une diversité de besoins et permet de mutualiser des ressources et outils tout autant que de partager des bonnes pratiques et savoirs communs créés.

C’est dans ce même esprit que le logiciel open source Jitsi sert de brique technique commune aux services opérés par de multiples acteurs, par exemple la fondation Jitsi, le GIP renater ou Framasoft avec framatalk et l’initiative « Ensemble contre le Covid-19 » lancée par Scaleway. Plus encore, les logiciels open source peuvent aussi être interconnectés par le biais de systèmes fédérés et décentralisés(permettant aux utilisateurs et utilisatrices d’une instance du logiciel d’être connectés à ceux d’une instance du même logiciel) : tels Diaspora, PeerTube, GNU Jami.

Or ce modèle de codéveloppement de solutions libres et open source, pour « une mise à l’échelle », implique un déploiement raisonné par rapport aux systèmes assurés par les solutions clefs en main offertes aujourd’hui (des solutions de communication à distance, au stockage de dossiers, etc.). La concurrence est particulièrement inégale puisqu’il s’agit de comparer un modèle pérenne, et donc à équilibre, avec un modèle productiviste n’intégrant pas dans son équation des critères de soutenabilité forte – déjà citées, les solutions de visioconférence particulièrement rapides, fiables et performantes qui continuent à investir à perte pour s’assurer la captation de la plus grande part de marché, dans une logique du “winner takes all” classique dans le monde du numérique. Les priorités de ces systèmes se fondent sur la quête toujours plus grande d’efficacité pour répondre aux besoins des utilisateurs et utilisatrices s’adaptant aisément à des innovations technologiques toujours plus rapides et performantes. Les considérations éthiques et de vie privée, même si celles-ci sont abordées (souvent par leur manquement), ne sont pas constitutives des principes fondateurs de ces modèles. Pire encore, la gratuité qu’ils peuvent offrir est parfois seulement temporaire (Trello), conditionnée (Google Maps, Google Mail, etc.) ou encore sujette à d’autres contreparties non nécessairement éthiques (tel l’antivirus Avast qui commercialisait les données personnelles de ses utilisateurs et utilisatrices ou le réseau Facebook qui, lors du scandale Cambridge Analytica, a révélé l’usage de son pouvoir d’influence sur ses utilisateurs et utilisatrices.

Aujourd’hui, plus encore, les initiatives des communs – offrant notamment une perspective écologique sur l’impact de l’utilisation des technologies numériques sur nos sociétés – résonnent tout particulièrement pour développer des milieux numériques durables,tout autant que pour penser la gestion des déchets numériques déjà produits (notion de communs négatifs). Ce qui se dessine ainsi, à l’inverse de solutions proposées pour une « sortie de crise », c’est l’importance d’accompagner le plus grand nombre vers une appropriation de cultures numériques pérennes plus solidaires et d’accepter aussi un ralentissement ou tout au moins une prise de recul critique sur ce que nous construisons.

Ne te limite pas à m’apporter des solutions, apprends-moi à les construire

L’expérience commune à l’échelle mondiale que nous traversons est aussi une opportunité unique pour faire comprendre largement, par des illustrations concrètes, les enjeux de société numérique et plus encore à rendre les citoyen.ne.s acteurs des décisions à prendre. C’est souvent par l’expérience que les apprentissages, les prises de conscience s’opèrent. Le moment que nous vivons est un point d’inflexion possible qu’il s’agit de saisir pour que les usages numériques se fassent avec les valeurs et principes du libre et des savoirs communs et ouverts.

Pour cela, il ne suffit pas d’apporter des solutions clefs en main, quand bien même elles seraient libres et ouvertes. Il s’agit aussi d’accompagner les usages et une évolution des cultures numériques pour permettre une citoyenneté plus éclairée, plus économe et plus souveraine vis-à-vis des risques de sécurité, sociaux, environnementaux et éthiques associés à ces technologies. Le « Cloud » par exemple n’est qu’un terme cachant des réalités techniques et juridiques bien concrètes. Aujourd’hui, rendre visibles les composantes sous-jacentes à ces mondes de l’immatériel est nécessaire, tout autant que de sensibiliser aux méthodologies garantissant la soutenabilité de tels projets. L’administration centrale, qui a intégré cette logique pour ses propres besoins internes en créant par exemple l’application libre de messagerie instantanée et sécurisée de l’État Tchap, rendue disponible récemment aux pompiers, donne un exemple encourageant aujourd’hui pour faire rayonner cette infrastructure plus largement. La puissance publique conserve un rôle déterminant pour opérer de tels changements, à la fois en tant qu’actrice et qu’orchestratrice de cette dynamique.

Par nature, un contenu ou un service gratuit fourni par une plateforme propriétaire a une trajectoire bien distincte d’une ressource construite et maintenue collectivement par une communauté. Plus encore, cela induit de considérer autrement la licence qui définit les termes d’usages d’une ressource conçue collaborativement par une communauté sous forme de contrat social et économique, et les outils juridiques traditionnellement utilisés. Organisée, la communauté d’une plateforme a plus de valeur que la plateforme elle-même. Cela rappelle aussi que les ressources numériques et immatérielles que nous utilisons sont aujourd’hui conditionnées par leur financement, encore plus peut-être lorsqu’elles sont proposées gratuitement aux personnes les employant. Il en va de même pour les ressources ouvertes, qu’elles soient hébergées et maintenues par les utilisateurs et utilisatrices ou encore par celles et ceux qui y ont un intérêt (acteurs publics, constructeurs de matériels, etc.). Ces idées de bon sens, pour être mises en œuvre, reposent sur un changement collectif en articulant l’échelle globale et locale. Ainsi, c’est un moyen de permettre une « souveraineté » locale (accès aux biens immatériels) tout en développant des collaborations internationales évitant le repli nationaliste.

Cette expérience a aussi aidé à la compréhension des processus mêmes de construction des savoirs. Les dernières semaines ont montré au plus grand nombre les coulisses de la recherche scientifique et de son modèle socio-économique. La crise actuelle, loin de n’être que sanitaire, montre également un enchevêtrement de décisions sociales et politiques s’appuyant sur des faits scientifiques – ces derniers, ainsi même que la méthode qui les fait émerger, faisant l’objet de nombreux débats. Les controverses portant sur les essais thérapeutiques de la chloroquine ou les revirements de situation des mesures de confinement selon les pays en fonction des modélisations qui soutenaient les décisions, soulignent comment les sciences s’articulent avec des enjeux sociaux, éthiques, économiques politiques (voir notamment le positionnement du Comité d’éthique du CNRS). Dans ce contexte, l’open science devient le fondement essentiel pour assurer un suivi des processus de décision. Elle ne doit cependant pas être réservée aux seuls chercheur.e.s mais doit permettre d’instaurer ses principes en société.

Cela demande, à l’image des valeurs de Wikipédia, d’œuvrer encore plus à une mutualisation de ressources en tant que communs numériques, avec un nécessaire travail de revues par les pairs qui n’impliquent pas seulement les professions de la recherche et de la santé, mais également la société civile (voir notamment le (réseau ALISS)) pour vérifier chaque information, l’enrichir afin qu’elle soit la plus fiable, éthique et la plus qualitative possible. Il y a donc là un défi de traduction et de médiation pour des individus et collectifs ayant chacun souvent leurs propres pratiques, et un bagage culturel et conceptuel qui peut s’avérer difficile à comprendre pour des sphères extérieures. Le moment que nous traversons vient remettre à plat les éléments fondamentaux qu’il s’agit de mettre en place dès maintenant pour protéger les dynamiques des communautés à l’œuvre tout en construisant des suites qui s’appuient sur un travail de fond commun pour maintenir et consolider les coalitions que ce moment aura vues émerger.

Découvrez les impulsions (enseignements et mesures) découlant de ce mémorandum.


Concrètement : pourquoi et comment ?

La crise actuelle démontre la fragilité du système économique et organisationnel sur lequel reposent nos sociétés.

Si elle en démontre la nécessité, il ne faut pas penser qu’une telle crise suffira à opérer un basculement. Penser un « après » nécessite donc un long travail de déconstruction opéré d’ores et déjà par les communautés constituées autour du libre, de l’open et des communs numériques, qui démontrent par leur existence même et leurs actions concrètes la possibilité de construire des projets d’intérêt général autrement.

Écrit durant la crise, le mémorandum rappelle l’importance et la place des initiatives ouvertes, participatives et collaboratives pour notre société. Il permettra de se souvenir, mais aussi d’inspirer nos politiques publiques à venir. Devant l’urgence, il se double d’un certain nombre de mesures immédiatement envisageables et parfois déjà initiées.

L’on tire de cette situation les enseignements suivants :

  1. Les mouvements « libres et ouverts », et ceux ancrés dans une dynamique de « communs numériques » participent aujourd’hui rapidement et justement à répondre aux besoins révélés quotidiennement par la crise sanitaire et sociale.
  2. La croissance du nombre de « communs numériques » permet d’imaginer une société structurée non pas autour de la détention d’une technologie, mais au contraire autour de la capacité des acteurs à travailler ensemble et à créer de la valeur en commun.
  3. L’attrait fort des modèles collaboratifs ouverts se retrouve confronté à une acculturation et une éducation encore insuffisante des acteurs souhaitant collaborer.
  4. Le développement d’une économie pérenne repose sur une sensibilisation aux enjeux juridiques et socio-économiques sous-jacents, afin d’assurer que ces nouveaux équilibres s’appuient sur des règles suffisamment consensuelles, claires et comprises.
  5. Les technologies numériques essentielles doivent être des « communs numériques » bâtis par des communautés respectueuses de la liberté et de leurs droits fondamentaux. Cette solution est plus longue, mais atteignable par nos sociétés si elles en prennent la mesure.
  6. Plus l’environnement, le contexte, les sujets montent en complexité, plus il devient essentiel de donner de nouvelles capacités d’actions et des moyens aux communautés distribuées, de se doter ainsi de nouveaux processus collectifs pour débattre, choisir et agir.

Compte tenu de la situation de crise, il est urgent et nécessaire dès maintenant que, par principe, des financements publics soient intégrés aux appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt (AMI) de toutes les agences publiques et convergent pour alimenter un fonds de communs ouverts et pérennes.

Mesures actionnables

Plus encore, à l’aune de la crise que nous vivons toutes et tous et pour ne pas subir des mesures biaisées par une récupération politique ou économique des événements, nous souhaitons être assuré.e.s que d’ici 2021 :

  1. L’intérêt des dynamiques libres, ouvertes et collaboratives soit officiellement reconnu et soutenu dans leurs formes technologiques (logiciels, bases de données, documentations et spécifications, etc.) et systémiques (recherche ouverte, gouvernance ouverte, culture ouverte, etc.), en pensant la création et l’entretien d’infrastructures numériques essentielles à ces projets d’intérêt général.
  2. Des partenariats publics-communs soient réellement ouverts, dans chaque région, accompagnés de dispositifs nationaux, favorisant l’émergence de communs dans les champs numériques de notre société, dans des dynamiques d’ouverture, de collaboration et de frugalité numérique.
  3. Les modalités économiques et fiscales à destination des acteurs du numérique soient repensées pour éviter à tout prix les enclosures numériques et encourager la valorisation publique au travers de la diffusion ouverte des ressources financées par de l’argent public.
  4. Les modèles de propriété – et encore plus de « propriété intellectuelle » – soient interrogés véritablement à l’aune d’une société soutenable qui soit durable et prospère. Cela au moins dans leurs usages et capacités à répondre aux préoccupations sociétales majeures, en temps de crise et en temps normal.
  5. Un accompagnement soit mis en place vers l’ouverture des contenus et infrastructures des organisations publiques ayant pour mission l’accès ou la diffusion de la culture et des connaissances.
  6. Les synergies entre l’ESS et les communs soient renforcées dans le monde du numérique et des communs de la connaissance, en construisant des modèles d’économie sociale dans le numérique et en s’appuyant sur l’approche par les communs pour défendre les principes d’intérêt général et d’utilité sociale.
  7. Le statut des personnes contributrices aux communs soit reconnu en terme social et sociétal en leur consacrant des droits effectifs et opposables.

NB : le texte publié ci-dessus correspond au texte de mémorandum publié le 29/04/2020 et est soumis à de potentiels changements. Nous vous conseillons donc sa lecture sur le site officiel.