Comment dégafamiser une MJC – un témoignage

Nous ouvrons volontiers nos colonnes aux témoignages de dégooglisation, en particulier quand il s’agit de structures locales tournées vers le public. C’est le cas pour l’interview que nous a donnée Fabrice, qui a entrepris de « dégafamiser » au sein de son association. Il évoque ici le cheminement suivi, depuis les constats jusqu’à l’adoption progressive d’outils libres et éthiques, avec les résistances et les passages délicats à négocier, ainsi que les alternatives qui se sont progressivement imposées. Nous souhaitons que l’exemple de son action puisse donner envie et courage (il en faut, certes) à d’autres de mener à leur tour cette « migration » émancipatrice.

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?
Je m’appelle Fabrice, j’ai 60 ans et après avoir passé près de 30 années sur Paris en tant que DSI, je suis venu me reposer au vert, à la grande campagne… Framasoft ? Je connais depuis très longtemps… Linux ? Aussi puisque je l’ai intégré dans une grande entreprise française, y compris sur des postes de travail, il y a fort longtemps…

Ce n’est que plus tard que j’ai pris réellement conscience du pouvoir néfaste des GAFAM et que je défends désormais un numérique Libre, simple, accessible à toutes et à tous et respectueux de nos libertés individuelles. Ayant du temps désormais à accorder aux autres, j’ai intégré une association en tant que bénévole, une asso qui compte un peu moins de 10 salariés et un budget annuel avoisinant les 400 K€.

Quel a été le déclencheur de  l’opération de dégafamisation ?

En fait, quand je suis arrivé au sein de l’association le constat était un peu triste :

  • des postes de travail (PC sous Windows 7, 8, 10) poussifs, voire inutilisables, avec 2 ou 3 antivirus qui se marchaient dessus, sans compter les utilitaires en tout genre (Ccleaner, TurboMem, etc.)
  • une multitude de comptes Gmail à gérer (plus que le nb d’utilisateurs réels dans l’asso.)
  • des partages de Drive incontrôlables
  • des disques durs portables et autres clés USB qui faisaient office aussi de « solutions de partage »
  • un niveau assez faible de compréhension de toutes ces « technologies »

Il devenait donc urgent de « réparer » et j’ai proposé à l’équipe de remettre tout cela en ordre mais en utilisant des outils libres à chaque fois que cela était possible. À ce stade-là, je pense que mes interlocuteurs ne comprenaient pas exactement de quoi je parlais, ils n’étaient pas très sensibles à la cause du Libre et surtout, ils ne voyaient pas clairement en quoi les GAFAM posaient un problème…

deux mains noires tiennent une bombe de peinture verte, un index appuie sur le haut de l'objet. Plusieurs doigts ont des traces de peinture. Dans l'angle inférieur droit le logo : MJC L'aigle en blanc
Quand on lance une dégafamisation, ce n’est pas simplement pour changer la couche de peinture…

 

En amont de votre « dégafamisation », avez-vous organisé en interne des moments pour créer du consensus sur le sujet et passer collectivement à l’action (lever aussi les éventuelles résistances au changement) ? Réunions pour présenter le projet, ateliers de réflexion, autres ?

Le responsable de la structure avait compris qu’il allait y avoir du mieux – personne ne s’occupait du numérique dans l’asso auparavant – et il a dit tout simplement « banco » à la suite de quelques démos que j’ai pu faire avec l’équipe :

  • démo d’un poste de travail sous Linux (ici c’est Mint)
  • démo de LibreOffice…

Pour être très franc, je ne pense pas que ces démos aient emballé qui que ce soit…

Franchement, il était difficile d’expliquer les mises à jour de Linux Mint à un utilisateur de Windows qui ne les faisait de toutes façons jamais, d’expliquer LibreOffice Writer à une personne qui utilise MS Word comme un bloc-notes et qui met des espaces pour centrer le titre de son document…
Néanmoins, après avoir dressé le portrait peu glorieux des GAFAM, j’ai tout de même réussi à faire passer un message : les valeurs de l’association (ici une MJC) sont à l’opposé des valeurs des GAFAM ! Sous-entendu, moins on se servira des GAFAM et plus on sera en adéquation avec nos valeurs !

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ?

Pour montrer que j’avais envie de bien faire et que mon bénévolat s’installerait dans la durée, j’ai candidaté pour participer au Conseil d’Administration et j’ai été élu. J’ai présenté le projet aux membres du C.A sans véritable plan, si ce n’est de remettre tout d’équerre avec du logiciel Libre ! Là encore, les membres du C.A n’avaient pas forcément une exacte appréhension le projet mais à partir du moment où je leur proposais mieux, ils étaient partants !

Le plan (étalé sur 12 mois) :

Priorité no1 : remettre en route les postes de travail (PC portables) afin qu’ils soient utilisables dans de bonnes conditions. Certains postes de moins de 5 ans avaient été mis au rebut car ils « ramaient »…

  • choix de la distribution : Linux Mint Cinnamon ou Linux Mint XFCE pour les machines les moins puissantes
  • choix du socle logiciel : sélection des logiciels nécessaires après analyse des besoins / observations

Priorité no 2 : stopper l’utilisation de Gmail pour la messagerie et mettre en place des boites mail (avec le nom de domaine de l’asso), boites qui avaient été achetées mais jamais utilisées…

Priorité no 3 : augmenter le niveau des compétences de base sur les outils numériques

Prorité no 4 : mettre en place un cloud privé afin de stocker, partager, gérer toutes les données de l’asso (350Go) et cesser d’utiliser les clouds des GAFAM…

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ?

Bizarrement, les plus réticents à un poste de travail Libre étaient ceux qui maîtrisaient le moins l’utilisation d’un PC…
« Nan mais tu comprends, Windows c’est quand même vachement mieux… Ah bon, pourquoi ? Ben j’sais pô…c’est mieux quoi… »

* Quand on représente la plus grosse association de sa ville, il y a de nombreux échanges avec les collectivités territoriales et, on s’arrache les cheveux à la réception des docx ou pptx tout pourris… Il en est de même avec les services de l’État et l’utilisation de certains formulaires PDF qui ont un comportement étrange…
* Quand un utilisateur resté sous Windows utilise encore des solutions Google alors que nous avons désormais tout en interne pour remplacer les services Google, je ne me bats pas…
* Quand certains matériels (un Studio de podcast par exemple) requièrent l’utilisation de Windows et ne peuvent pas fonctionner sous Linux, c’est désormais à prendre en compte dans nos achats…
* Quand Il faut aussi composer avec les services civiques et autres stagiaires qui débarquent, ne jurent que par les outils d’Adobe et expliquent au directeur que sans ces outils, leur création est diminuée…

* Quand le directeur commence à douter sur le choix des logiciels libres, je lui rappelle gentiment que le véhicule de l’asso est une Dacia et non une Tesla…
* Quand on se rend compte qu’un mail provenant des serveurs Gmail est rarement considéré comme SPAM par les autres alors que nos premiers mails avec OVH et avec notre nom de domaine ont eu du mal à « passer » les premières semaines…et de temps en temps encore maintenant…

 

dessin probablement mural illustrant les activités de la MJC avec un dessin symbolique : une main noire et une blanche s'associant par le petit doigt sur fond bleu. des coulures de couleurs tombent des doigts.

 

Est-ce qu’au contraire, il y a eu des changements que vous redoutiez et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Rassembler toutes les données de l’asso. et de ses utilisateurs au sein de notre cloud privé (Nextcloud) était vraiment la chose qui me faisait le plus peur et qui est « passée crème » ! Peut-être tout simplement parce que certaines personnes avaient un peu « oublié » où étaient rangées leurs affaires auparavant…

… et finalement quels outils ou services avez-vous remplacés par lesquels ?

  • Messagerie Google –> Messagerie OVH + Client Thunderbird ou Client mail de Nextcloud (pour les petits utilisateurs)
  • Gestion des Contacts Google –> Nextcloud Contacts
  • Calendrier Google –> Nextcloud Calendrier
  • MS Office –> LibreOffice
  • Drive Google, Microsoft, Apple –> Nextcloud pour les fichiers personnels et tous ceux à partager en interne comme en externe
  • Doodle –> Nextcloud Poll
  • Google Forms –> Nextcloud Forms

NB : Concernant les besoins en création graphique ou vidéo on utilise plusieurs solutions libres selon les besoins (Gimp, Krita, Inkscape, OpenShotVideo,…) et toutes les autres solutions qui étaient utilisées de manière « frauduleuse » ont été mises à la poubelle ! Nous avons néanmoins un compte payant sur canva.com

À combien estimez-vous le coût de ce changement ? Y compris les coûts indirects : perte de temps, formation, perte de données, des trucs qu’on faisait et qu’on ne peut plus faire ?

Il s’agit essentiellement de temps, que j’estime à 150 heures dont 2/3 passées en « formation/accompagnement/documentation » et 1/3 pour la mise au point des outils (postes de travail, configuration du Nextcloud).
Côté coûts directs : notre serveur Nextcloud dédié, hébergé par un CHATONS pour 360 €/an et, c’est tout, puisque les boîtes mail avaient déjà été achetées avec un hébergement web mais non utilisées…
Il n’y a eu aucune perte de données, au contraire on en a retrouvé !
À noter que les anciens mails des utilisateurs (stockés chez Google donc) n’ont pas été récupérés, à la demande des utilisateurs eux-mêmes ! Pour eux c’était l’occasion de repartir sur un truc propre !
À ma connaissance, il n’y a rien que l’on ne puisse plus faire aujourd’hui, mais nous avons conservé deux postes de travail sous Windows pour des problèmes de compatibilité matérielle.
Cerise sur le gâteau : des PC portables ont été ressuscités grâce à une distribution Linux, du coup, nous en avons trop et n’en avons pas acheté cette année !

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que c’est libre ?

Un impact direct ? Oui et non…

En fait, en plus de notre démarche, on invite les collectivités et autres assos à venir « voir » comment on a fait et à leur prouver que c’est possible, ce n’est pas pour autant qu’on nous a demandé de l’aide.

Pour eux, la marche peut s’avérer trop haute et ils n’ont pas forcément les compétences pour franchir le pas sans aide. Imaginez un peu, notre mairie continue de sonder la population à coups de GoogleForms alors qu’on leur a dit quantité de fois qu’il existe des alternatives plus éthiques et surtout plus légales !

Et encore oui, bien que nous utilisions essentiellement ces outils en interne le public en est informé, les « politiques » et autres collectivités qui nous soutiennent le sont aussi et ils sont toujours curieux et, de temps en temps, admiratifs ! La gestion même de nos adhérents et de nos activités se fait au travers d’une application client / serveur développée par nos soins avec LibreOffice Base. Les données personnelles de nos adhérents sont ainsi entre nos mains uniquement.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?
Oui… nos équipes continuent à utiliser Facebook et WhatsApp… Facebook pour promouvoir nos activités, actions et contenus auprès du grand public et WhatsApp pour discuter instantanément ensemble (en interne) ou autour d’un « projet »avec des externes. Dans ces deux cas, il y a certes de très nombreuses alternatives, mais elles sont soit incomplètes (ne couvrent pas tous les besoins), soit inconnues du grand public (donc personne n’adhère), soit trop complexes à utiliser (ex. Matrix) mais je garde un œil très attentif sur tout cela, car les usages changent vite…

photo noir/blanc de l'entrée de la MJC, chevrons jaunes pointe vers le haut pour indiquer le sens de l'entrée. on distingue le graph sur une porte : MJC Le rond-point
Entrée de la MJC

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre (MJC, Maison de quartier, centre culturel…) qui voudrait se dégafamiser aussi ? Des erreurs à ne pas commettre, des bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?

  • Commencer par déployer une solution comme Nextcloud est une étape très fondatrice sur le thème « reprendre le contrôle de ses données » surtout dans des structures comme les nôtres où il y a une rotation de personnels assez importante (contrats courts/aidés, services civiques, volontaires européens, stagiaires, apprentis…).
  • Pour un utilisateur, le fait de retrouver ses affaires, ou les affaires des autres, dans une armoire bien rangée et bien sécurisée est un vrai bonheur. Une solution comme Nextcloud, avec ses clients de synchronisation, représente une mécanique bien huilée désormais et, accessible à chacun. L’administration de Nextcloud peut très bien être réalisée par une personne avertie (un utilisateur ++), c’est à dire une personne qui sait lire une documentation et qui est rigoureuse dans la gestion de ses utilisateurs et de leurs droits associés. Ne vous lancez pas dans l’auto-hébergement si vous n’avez pas les compétences requises ! De nombreuses structures proposent désormais « du Nextcloud » à des prix très abordables.
  • À partir du moment où ce type de solution est installée, basculez-y la gestion des contacts, la gestion des calendriers et faites la promotion, en interne, des autres outils disponibles (gestion de projets, de budget, formulaires…)
  • Fort de ce déploiement et, si votre messagerie est encore chez les GAFAM, commencez à chercher une solution ailleurs en sachant qu’il y aura des coûts, des coups et des pleurs… Cela reste un point délicat compte-tenu des problèmes exposés plus haut… Cela prend du temps mais c’est tout à fait possible ! Pour les jeunes, le mail est « ringard », pour les administratifs c’est le principal outil de communication avec le monde extérieur… Là aussi, avant de vous lancer, analysez bien les usages… Si Google vous autorise à envoyer un mail avec 50 destinataires, ce ne sera peut-être pas le cas de votre nouveau fournisseur…
  • Le poste de travail (le PC) est, de loin, un sujet sensible : c’est comme prendre la décision de jeter à la poubelle le doudou de votre enfant, doudou qui l’a endormi depuis de longues années… Commencez par recycler des matériels “obsolètes” pour Windows mais tout à fait corrects pour une distribution Linux et faites des heureux ! Montrer aux autres qu’il s’agit de systèmes non intrusifs, simple, rapides et qui disposent d’une logithèque de solutions libres et éthiques incommensurable !

Cela fait deux ans que notre asso. est dans ce mouvement et si je vous dis que l’on utilise FFMPEG pour des traitements lourds sur les médias de notre radio FM associative, traitements que l’on n’arrivait pas à faire auparavant avec un logiciel du commerce ? Si je vous dis qu’avec un simple clic-droit sur une image, un utilisateur appose le logo de notre asso en filigrane (merci nemo-action !). Si je vous dis que certains utilisateurs utilisent des scripts en ligne de commande afin de leur faciliter des traitements fastidieux sur des fichiers images, audios ou vidéos ? Elle est pas belle la vie ?

Néanmoins, cela n’empêche pas des petites remarques de-ci de-là sur l’utilisation de solutions libres plutôt que de « faire comme tout le monde » mais ça, j’en fais mon affaire et tant que je leur trouverai une solution libre et éthique pour répondre à leurs besoins alors on s’en sortira tous grandis !
Ah, j’oubliais : cela fait bien longtemps maintenant qu’il n’est plus nécessaire de mettre les mains dans le cambouis pour déployer un poste de travail sous Linux, le support est quasi proche du zéro !

Merci Fabrice d’avoir piloté cette opération et d’en avoir partagé l’expérience au lectorat du Framablog !

 




Voyage en Contributopia : ça nous a fait mûrir !

« Dégoogliser ne suffit pas ! », et c’est avec cette affirmation dans la tête que nous sommes parti⋅es explorer les mondes de Contributopia. Cette aventure de 5 ans (déjà ?!) se termine, et c’est maintenant le moment de confronter nos attentes du voyage et ce qu’on y a vraiment fait. Cap sur ces mondes numériques où l’humain⋅e et ses libertés fondamentales sont respectées !

Planète des services : créer et proposer des outils

En commençant ce voyage, l’association avait vraiment envie de s’impliquer davantage dans la conception de services et d’outils conçus pour favoriser des échanges apaisés. L’envie, c’est bien, mais la réalité peut aussi être autre chose. On vous raconte point par point les différents éléments qui étaient sur notre feuille de route initiale (et aussi comment on a fait bifurquer la barque !)

Bilan de la planète des services

PeerTube libère la vidéo

Alors là, on va se lancer quelques fleurs : PeerTube, c’est un succès !

Notre alternative aux grandes plateformes vidéos (YouTube pour n’en citer qu’une) est un logiciel libre et fédéré qui permet non seulement de visionner, publier et interagir avec des vidéos mais aussi de créer sa plateforme de vidéos. Un salarié de l’association (un seul !) est en charge de son développement, assisté en interne par d’autres salarié·es sur des aspects moins techniques.

La version 1.0 du logiciel, parue en octobre 2018, a remporté rapidement un vif succès. En quelques mois, on comptait déjà environ 14 000 comptes utilisateurs, et près de 100 000 vidéos réparties sur 350 installations recensées publiquement. Depuis, une nouvelle version majeure sort chaque année (la v5 est prévue pour la fin d’année 2022), et PeerTube va bientôt atteindre le million de vidéos hébergées.

On ne va pas refaire ici toute l’histoire de PeerTube (vous pouvez tout retrouver ici), mais dans les temps forts à mentionner : la possibilité de faire des vidéos en direct, le moteur de recherche Sépia Search permettant de chercher toutes les vidéos des instances publiques, la personnalisation de l’interface et de nombreuses améliorations réalisées aussi grâce à vos retours (merci !).

Sépia, mascotte de PeerTube

Mobilizon, pour faciliter rencontres et mobilisations

Pendant ce voyage en Contributopia, Mobilizon fut le deuxième logiciel libre et fédéré développé par l’association (par un seul salarié, là encore). Mobilizon est une alternative aux événements et groupes Facebook qui permet de facilement organiser ses événements et rencontres, sans passer par une entreprise qui raffole de surveillance.

La version 1.0 de Mobilizon, sortie pendant le confinement d’octobre 2020, n’a pour ainsi dire pas bénéficié de l’entrain espéré (Quoi ? Organiser des événements pendant un confinement, c’est pas une bonne idée ?). L’accueil du logiciel a toutefois été très positif. Comme PeerTube, une nouvelle version majeure sort chaque année, et la v3 est prévue pour fin 2022 (vous trouverez toutes les actualités par ici).

Quelques temps forts à mentionner : l’amélioration de l’accessibilité (un travail avec Koena), l’export de liste des participant·es (pratique !), la prise en compte des fuseaux horaires ou encore l’ajout possible de métadonnées pour mettre en avant certaines informations essentielles. Nous avons aussi rapidement décidé de mettre en place une instance dédiée et ouverte au public francophone : mobilizon.fr (essayez donc pour organiser votre prochaine fête d’anniversaire, rencontre-tricot ou manif-climat !).

Rȯse, mascotte de Mobilizon

Pytition : faire entendre les opinions

Après une rencontre bienvenue avec l’équipe de Résistance à l’Agression Publicitaire en 2017, nous avons décidé de ne pas entamer le travail de développement prévu sur un outil de pétitions en ligne. En effet, un de leurs administrateurs avait déjà avancé sur le développement d’un tel outil : Pytition.

L’enjeu restant pour nous particulièrement important, nous avons décidé de soutenir leur travail, plutôt que de créer un n-ième « Framatruc » (et ainsi ne pas tout centraliser chez nous). Framasoft a donc affecté un budget à Pytition. Cela a permis de financer une prestation de design, une partie du travail de développement (faire du temps bénévole investi de véritables journées de travail rémunérées) et la mise à disposition d’une machine virtuelle pour héberger le proto site web.

Cependant les emplois du temps de chacun (y compris du côté de Framasoft) n’ont pas concordé, et « l’usure » due à la pandémie s’est fortement ressentie. Le développement prend donc du temps, et, même si le Pytition actuel est « fonctionnel », il reste trop « frais » pour être proposé à tous les publics.

Nous qui pensions que gérer des projets de développements « extérieurs » nous prendrait moins de temps que des développements en interne, on a appris : l’accompagnement prend du temps, et il est indispensable. Cela nous a ainsi questionné⋅es : quelle énergie sommes-nous capables d’investir dans de tels projets ?

On se sentirait presque comme ces petits poissons dans l’eau, non ?

Framasite ou comment créer simplement son site (spoiler : ça n’existe plus !)

Permettre aux gens de créer leur propre site internet sans passer par une plateforme privée, ça donne envie non ?

Nous avons ouvert Framasite, service d’hébergement et de création de sites web, en 2018 et ainsi proposé un lieu d’expression libre en ligne, sans nécessité de connaissances techniques préalables.

Seulement, Framasite, c’était un service complexe qui reposait sur 3 logiciels libres et une surcouche maison, ce qui le rendait particulièrement difficile à maintenir sur la durée. Ainsi, malgré l’enthousiasme et l’utilité du service, nous nous sommes vite rendu compte qu’en laissant faire, le service pouvait croître de manière illimitée et infinie. Et le problème c’est que plusieurs de nos services en ligne nous ont amenés à cette même conclusion : la situation devenait ni tenable, ni gérable pour notre petite association.

Après de nombreux questionnements et réflexions, Framasoft a pris position en décidant de fermer progressivement certains de ces services, de manière planifiée (on vous en parle plus en détail en dernière partie de cet article). Framasite a donc fermé en juillet 2021.

Planète de l’essaimage : transmettre les savoir-faire

Un monde où chacun et chacune peut acquérir et approfondir son indépendance numérique, nous ça nous fait rêver. Nous avons souhaité favoriser des actions qui encouragent l’autonomie numérique, pour mettre à la portée du plus grand nombre un hébergement de confiance solidaire de nos vies numériques. Une belle vision, même si pas toujours facile à mettre en œuvre.

Bilan de la planète de l'essaimage

Des CHATONS pour favoriser les petits hébergeurs locaux

Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) a été initié par Framasoft fin 2016 pour donner une suite au projet « Dégooglisons Internet » : permettre aux internautes de s’émanciper en utilisant des outils numériques de confiance (mais cette fois, sans passer par Framasoft).

C’est suite à l’embauche d’Angie en 2019 que la dynamique du collectif aura réellement pris : un tiers de son temps de travail est consacré à animer les échanges entre les membres et à donner davantage de visibilité au collectif et aux structures qui le composent.

Le collectif CHATONS, maintenant reconnu comme solution de confiance pour trouver un hébergeur éthique et des services libres, nous a permis d’essaimer notre projet « Dégooglisons Internet » et d’ainsi explorer d’autres horizons.

Le temps d’animation restant important pour Framasoft, la prochaine étape est la reprise en main progressive de l’animation du collectif… par le collectif lui-même ! Et il se trouve que le sujet est justement en pleine discussion parmi ses membres. Affaire à suivre…!

Trois chatons en pleine exploration

YunoHost ou l’auto-hébergement facile

YunoHost, c’est génial ! C’est un système d’exploitation pour serveur permettant d’installer des services (et leurs mises à jour) en auto-hébergement, facilement, par un clic. Le but de ce projet libre ? Permettre à quiconque d’auto-héberger ses services avec un minimum de connaissances techniques.

Pour soutenir ce projet bénévole, Framasoft, dès janvier 2017, a consacré du temps salarié au développement de YunoHost pour qu’un maximum de services libres de notre campagne « Dégooglisons Internet » puisse être disponible dans cette solution. En 2019 la majorité de ces services y sont présents (mission accomplie !).

Sauf que, si YunoHost a réussi à faciliter grandement l’auto-hébergement, le choix de gérer son propre serveur reste encore difficilement accessible à la majorité des personnes. Nous n’avons donc pas contribué davantage à ce projet pour consacrer nos énergies à explorer d’autres possibles. Et ça aussi, ça fait partie du voyage !

Quand la technique est poétique

Partager notre expérience hors des frontières

« Dégooglisons Internet » est un projet que nous avons volontairement ouvert exclusivement à un public francophone : une petite association française comme la nôtre n’avait pas les épaules pour prendre en charge les données du monde entier, et encore moins l’envie. Seulement, au vu de l’engouement qu’a généré « Dégooglisons Internet » et les questionnements particulièrement riches qu’il a amenés, nous nous sommes mis à rêver. Et si un projet comme « Dégooglisons Internet » pouvait essaimer dans d’autres pays, s’adapter à d’autres cultures, dans d’autres langues et inspirer d’autres collectifs ? Et si « Dégooglisons Internet » devenait un commun international ? (Rien que ça ?!)

Traduction. Le premier pas à franchir est la barrière de la langue : traduire certains contenus a donc été indispensable. Nous avons mené un gros chantier pour rendre différents supports multilangues : articles de blog, pages d’accueil de nos services, site du collectif CHATONS.

Conception d’outils comme des communs internationaux. Nous avons décidé de développer PeerTube et Mobilizon en anglais, puis de les traduire en français. Tout contenu en rapport avec ces logiciels (utilisation du logiciel, actualités, etc.) peut ainsi toucher un public non francophone. Nous avons aussi coordonné la vidéo « What is the Fediverse » en anglais (qui a rapidement été traduite par de nombreuses contributions – merci !). Nos tentatives d’animations sur le réseau social Reddit sont une autre initiative allant dans ce sens.

Interventions en anglais. Nous sommes intervenus en anglais à différentes reprises pour partager notre expérience assez unique : réussir à informer sur les enjeux actuels du numérique tout en proposant des alternatives à une si large échelle tout en restant une structure indépendante du monde capitaliste (sans se la péter, hein !). Nous continuons ces interventions en anglais (tout en assumant notre bel accent), que vous pourrez en partie retrouver sur notre Framatube.

On partait de (vraiment) loin, mais savoir vers où on avait envie d’aller, ça nous a aidées. Le but de tous ces efforts ? Fournir un compost riche, pour que les expérimentations de Framasoft puissent faire germer d’autres initiatives, un peu partout !

Le partage d’expérience, c’est toujours riche !

Contribulle : contribuer au libre

Alors même si on avait trouvé le super slogan « winter is coding », nous n’avons jamais réalisé le projet « Framasoft Winter of Code », un contrepied (de nez) au programme de formation « Google Summer of Code ». À la place, nous avons contribué à Contribulle, un projet qui a pour objectif d’informer sur les nombreuses manières de contribuer au Libre (sans forcément savoir coder) et de mettre en relation les talents et les besoins.

Derrière Contribulle, il y a le groupe de travail « Design et Libre » dont fait partie l’une des membres de Framasoft. Le groupe de travail a exprimé sa volonté de garder une certaine indépendance sur le niveau d’implication de Framasoft dans ce projet (et nous, on trouve ça super !). Nous fournissons ainsi l’infrastructure technique nécessaire à la bonne réalisation du projet (nom de domaine et machine virtuelle pour l’hébergement du site web).

Le projet a été officiellement annoncé en mars 2021 et vous pouvez dès maintenant consulter les différents projets cherchant un coup de pouce, ou proposer le vôtre sur contribulle.org.

Planète de l’éducation populaire : inspirer les possibles

Pour nous, l’éducation populaire, c’est la liberté de chacune et chacun de partager les connaissances et d’y accéder : la base d’un monde meilleur, quoi !

Bilan de la planète de l'éducation populaire

Actions de médiation pour faciliter l’accès à un web éthique

Notre constat de départ : trouver un service web libre et éthique qui corresponde à ses usages demande de nombreuses connaissances et reste difficile d’accès aux personnes les moins à l’aise avec l’outil numérique.

Nous avons donc continué et renforcé nos interventions et ateliers sur le sujet (en présentiel ou en ligne) pour garder un contact humain avec les personnes (c’est toujours bien plus impactant). Vous trouverez quelques-unes de ces interventions sur notre chaîne Framatube.

Nous avons aussi rédigé, soutenu ou participé à de nombreux contenus de sensibilisation et/ou pédagogiques autour du numérique. En voici quelques exemples :

Au fil du temps, nous avons pris conscience que soutenir, participer et réaliser de tels contenus est un levier essentiel pour une émancipation du plus grand nombre, même si un accompagnement humain reste probablement le moyen le plus efficace…

Annuaire « médiation numérique », pratique !

Contribateliers : contribuer au libre

Les Contrib’ateliers sont des rendez-vous de découverte de la contribution au logiciel libre, selon ses compétences et ses envies, et pas seulement sur du code (oui, c’est possible !). Ces ateliers ont commencé sans attente particulière, mais vraiment en se disant « on verra bien si ça prend » – et ça a pris !

Comment ça se passe ? Les co-organisateur·rices réfléchissent à des propositions (des pôles d’activités). Les participant·es choisissent à quel projet libre contribuer parmi ces pôles. Quelques exemples de Contrib’ateliers : participer à la cartographie libre OpenStreetMap, au projet de reconnaissance audio libre Common Voice, à la traduction de logiciels, mais aussi à des discussions autour de la vie privée en général…il y en a pour tous les goûts !

La pandémie passant par là, cette belle dynamique a été un peu chamboulée, mais, continuant sur sa lancée, l’équipe d’organisation a proposé des Confin’ateliers, la version en ligne des Contrib’ateliers.

L’expérimentation a été réellement intéressante, même si le rythme s’est, aujourd’hui, un peu essoufflé. Si l’envie vous prend de rejoindre l’aventure des Contrib’ateliers, sachez que toute l’équipe vous accueillera à bras ouverts !

Un Contrib’atelier pas si commun

MOOC CHATONS : saisir les enjeux des géants du web sur nos vies

Le premier module du MOOC CHATONS « Internet, Pourquoi et comment reprendre le contrôle ? » a été mis en ligne début 2020 (en nous ayant donné du fil à retordre…).

Ce fut particulièrement stressant pour nous de faire en sorte de respecter nos engagements avec notre partenaire (la Ligue de l’Enseignement) et le financeur (la fondation Afnic), tout en faisant face à de nombreux obstacles. Nous avons à différents moments pris de mauvaises décisions (sur la manière d’ordonner nos idées et de nous organiser à plusieurs) et nos équipes (Framasoft et la Ligue) se sont retrouvées en effectif réduit : des conditions non optimales qui nous ont fait prendre un an dans la vue. La sortie du MOOC a donc eu lieu quelques semaines avant l’annonce du tout premier confinement : les équipes de Framasoft ont très rapidement eu beaucoup d’urgences à traiter, prenant la priorité sur la promotion et l’animation du MOOC. Nous n’avons donc pas pu prendre soin du projet ou de sa communauté autant que nous l’aurions voulu.

Toutefois, nous sommes fier⋅ères du travail réalisé et du contenu créé qui correspondent tout à fait au discours porté par l’association autour des enjeux du numérique, et notamment celui de la toxicité des GAFAM.

Cours « hors ligne » des chatons

UPLOAD, un projet sur le long terme

L’Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome, et Décentralisée (UPLOAD) est un grand projet d’éducation populaire initié et coordonné par Framasoft (pour le moment), mais dans une logique décentralisée et en réseau.

L’objectif ? Contribuer (à notre échelle) à rendre la société plus juste et notre monde plus vivable, en misant sur la formation des citoyen⋅nes par les citoyen⋅nes. Les sujets traités sont vastes, on inclut ainsi « tous les sujets qui intéressent la société », mais pour le moment surtout en lien avec le numérique (parce que c’est la génétique de Framasoft) et l’écologie (parce que c’est inévitable).

Les principaux projets que l’on trouve dans UPLOAD :

UPLOAD est ainsi un projet expérimental, où, pour le moment, la production de ressources et le tissage de liens prennent volontairement le pas sur la structuration formelle du projet.

Un voyage riche en apprentissages

Comme tout voyage, l’exploration des planètes de Contributopia nous a beaucoup appris. On a expérimenté, essayé, changé d’avis. On s’est formé, on s’est entraidé, on a partagé. Et on a aussi profité de tous ces moments, parce que c’est ça aussi le voyage !

État des lieux de Framasoft en 2022

« Déframasoftisons Internet » : une étape nécessaire et maintenant terminée !

Au fur et à mesure de notre exploration, nous nous sommes rendu compte que rester une petite association à taille humaine (moins de 40 membres dont 10 salarié⋅es) et continuer à un rythme si intense (près de 40 services en ligne à maintenir), ce n’est pas compatible. Nous tenons à notre petite taille, à la qualité des liens que nous avons entre membres et avec le public de l’association. Nous tenons surtout au soin que l’on peut s’apporter les un⋅es aux autres. Grossir n’étant pas une option, nous avons choisi une toute autre stratégie.

Nous avons ainsi, en 2019, annoncé une nouvelle étape : «Déframasoftisons Internet ». Une fermeture planifiée (jusqu’en 2022) de certains services, pour progressivement réduire la charge qui pesait sur nos épaules (tout en proposant des alternatives !). Nous avons pris le temps de détailler nos raisons (en ayant conscience qu’elles pouvaient paraître parfois contre-intuitives).

Maintenant, « Déframasoftisons Internet », c’est fini ! Les différentes fermetures ou restrictions de services sont bel et bien terminées. Nous avons ainsi mis à jour le site degooglisons-internet.org pour laisser une vitrine à l’ensemble de nos services libres et gratuits, à disposition de toutes et tous. Vous trouverez également les alternatives aux services expérimentaux dorénavant fermés sur la page alt.framasoft.org.

Quand Framasoft renvoie vers d’autres hébergeurs éthiques

Nos intentions ont évolué

En expérimentant généreusement sur la planète de l’éducation populaire, nous nous sommes rendu compte que l’association était en pleine mutation, et qu’il était temps de l’officialiser.

Ainsi, notre objet social a évolué pour passer « d’association de promotion de la culture libre en général et du logiciel libre en particulier » en « association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels ».

Selon nous, le logiciel et la culture libre restent au cœur des actions de l’association, mais deviennent un moyen, et non une fin. L’objectif devient alors de réfléchir et mettre en place des actions diverses qui facilitent l’émancipation des internautes.

 

L’association réalisant qu’il est temps de changer l’objet social

Framasoft n’est pas bonne partout…

…et on l’assume !

On ne sait pas accueillir la contribution. Le comble ! Dans l’association, beaucoup de projets avancent en parallèle, menés par des membres qui sont déjà sur différents fronts. Nous sommes peu nombreux et nombreuses, nos énergies sont limitées, et quand on nous dit « J’aimerais vous aider », on ne sait jamais quoi répondre. Et c’est en partie parce que l’on sait qu’un accompagnement de qualité demande du temps, et on a plutôt tendance à en manquer !

On ne fait pas émerger une communauté comme par magie. On a voulu laisser Yakforms à la communauté, mais sans l’animer, ça ne fonctionne pas ! En 2020, nous avons fait le choix de séparer clairement Yakforms (le logiciel) et framaforms.org (l’instance de Yakforms gérée par Framasoft), pour faire émerger une communauté pouvant le maintenir quand nous n’en aurions plus les moyens. Seulement, à une période où l’équipe était déjà épuisée, nous n’avons pas eu l’énergie de « pousser » Yakforms pour justement faire émerger cette communauté. Raté !

On a du mal à avancer au rythme des autres. À Framasoft, on aime expérimenter, et en expérimentant souvent on va vite, on essaye, on se plante, on réessaye, on y arrive (ou pas !). En tout cas, les expériences de travail avec d’autres collectifs ou partenaires nous ont appris que souvent nous n’avons ni le même rythme, ni la même façon de travailler, et que ça peut être très frustrant (parce que nous on aime avancer plutôt vite, quitte à se planter…).

Oups !

Archipélisation : les liens avec les autres sont essentiels

On utilise depuis maintenant quelques années la notion d’archipélisation en référence à nos relations avec les autres. Chacun⋅e est une île avec son identité et baigne dans les mêmes eaux que ses voisines, et ça, ça nous parle beaucoup :

Chacun⋅e son identité, sa culture, sa raison d’être, ses objectifs, ses moyens.
Mais on se retrouve sur des valeurs ou des stratégies communes.
On fait le choix de coopérer, même ponctuellement.

Le problème général de notre société étant le système (capitalisme de surveillance), contribuer à un autre système (qui favorise les communs) nous semble une voie d’espoir. Alors, l’idée d’accompagner celles et ceux qui veulent changer le monde vers des usages numériques cohérents avec leurs valeurs, ça nous plaît !

Nous avons ainsi beaucoup expérimenté et tissé de liens avec d’autres acteurs et actrices dont l’objet social n’est pas nécessairement le numérique. Interconnecter différentes militances apporte énormément au savoir commun, et par ricochet au bénéfice commun.

La contribution aux communs, ça génère une sacrée énergie !

L’énergie humaine est la plus précieuse

On a beau s’investir et travailler sur des sujets en rapport avec le numérique, on se rend très bien compte que l’énergie des femmes et des hommes est indispensable.

Dans la force de notre collectif. Framasoft ne souhaite pas grossir pour bien des raisons, et prendre soin de ses membres est une des plus importantes. Garder des relations privilégiées où on peut échanger, débattre, ne pas être d’accord, s’écouter, prendre le temps de se comprendre, et avancer, c’est pour nous essentiel.

Dans l’animation de collectif et de communautés. Pour qu’une dynamique commune prenne, il faut y mettre de l’énergie et de l’énergie humaine ! CHATONS est un collectif qui a pris une fois qu’une personne y a consacré une partie de son temps. La communauté Yakforms n’a pas émergé, car pour le moment personne n’a pris les devants. Comme toute relation qui s’entretient, la vie d’un collectif doit être prise avec soin, où chacun⋅e y met de soi.

Dans l’accompagnement au changement d’outils. Un changement d’outil numérique, c’est un changement d’habitudes, et changer son quotidien c’est difficile. Nous nous rendons compte qu’un accompagnement humain est souvent plus « efficace », moins déstabilisant et plus facile à appréhender. Mais comment trouver un bon équilibre entre accompagner les bénéficiaires et les autonomiser ? Sans trop vous en dire, on va travailler sur la question prochainement.

Petits humain⋅es chatons très investis

Besoin d’affirmer à l’extérieur du pourquoi on fait tout ça

Ce long voyage nous a permis, en tant que collectif, de nous affirmer, d’évoluer et de donner du sens à notre projet associatif. Nous faisons des choix qui ne plaisent pas à tout le monde mais qui sont en accord avec le monde que l’on désire (eh oui, on va continuer à assumer l’écriture inclusive !), une dose de déconne ça nous motive à avancer (framaprout c’est la concrétisation d’une bonne blague), et notre positionnement politique se clarifie (on a de plus en plus envie de s’adresser à celles et ceux qui œuvrent pour plus de progrès social et de justice sociale).

Seulement, ces convictions internes ne sont pas toujours connues par nos bénéficiaires, et parfois en total décalage (non, nous ne sommes pas neutres : nous ne « devons » ni ne voulons cette place !). C’est pour clarifier tout ça au monde (rien que ça ?) que nous avons travaillé dernièrement à l’élaboration d’un manifeste qui exprimera clairement et sincèrement nos intentions aux yeux de toutes et tous. Et on nous glisse dans l’oreillette que très bientôt vous en verrez le bout du nez…

Framasoft, auto-portrait (presque) réaliste

Et maintenant ?

Ce passionnant voyage nous a permis d’expérimenter, d’essayer, de nous tromper, de réessayer, d’être plus à l’écoute de ce que nous voulons, ce à quoi nous aspirons, et ce vers quoi nous voulons aller.

Si nous avons pu l’entreprendre, c’est bien grâce à vous, grâce à vos dons.

On a maintenant envie d’embarquer toute la basse-cour sur notre radeau, parcourir les ruisseaux, les mares, les rivières. Prendre aussi le temps de barboter, de se prendre le bec ou de profiter. Aller plus loin avec celles et ceux qui partagent nos valeurs. Inviter les contributopistes à notre table, préparer ensemble le repas et confronter nos points de vue.

Bref, quelque chose de plus collectif, de plus convivial. Et on vous en parle très vite.

 

Soutenir Framasoft

 

Ressources




Frama, c’est aussi des outils pour s’émanciper

Des guides, des cartes à jouer, de la documentation et même un MOOC… La médiation au numérique éthique peut passer par de nombreux outils ! Nous réalisons certains d’entre eux et y contribuons, en espérant qu’ils vous servent.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Nous avons eu la chance, à Framasoft, de pouvoir prendre le temps d’apprendre les mécanismes du Web, de documenter le système du capitalisme de surveillance dont les GAFAM sont un des symptômes, et d’expérimenter d’autres manières d’utiliser le numérique dans nos vies.

Partager cette compréhension, ce savoir et cette expérience est important car cela peut aider d’autres personnes à s’émanciper dans leurs usages numériques. Pourtant, transmettre tout cela est une chose complexe. Tout le monde n’a pas les mêmes attentes, les mêmes appétits, les mêmes façons de recevoir ce que nous avons à partager. Voilà pourquoi nous contribuons à et réalisons divers outils de médiation, qui correspondent à divers publics.

jeu de cartes Framasoft "des outils pour s'émanciper"

MOOC CHATONS

C’est quand même bien dommage de sortir un MOOC un mois avant le premier confinement d’une pandémie qui allait nous submerger ! Pourtant ce cours en ligne massivement ouvert se parcourt en autonomie, sans accompagnement de notre part. Il a déjà séduit 1 050 apprenant⋅es.

Carte "MOOC CHATONS" Ce cours en ligne et en autonomie est ouvert à qui veut cheminer vers une émancipation numérique mutualisée. Le 1er module « Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle » compile notre savoir sur l’internet, l’hégémonie toxique des GAFAM et des pistes pour en sortir.

Il faut dire que le premier parcours de ce MOOC, « Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? », est un condensé de ce que nous avons appris ces dernières années. Riche de nombreuses vidéos, ressources et références, il peut s’adresser à toute personne, sans connaissance technique particulière.

Ce MOOC permet vraiment de comprendre le fonctionnement d’Internet et du Web, d’appréhender la montée en puissance des GAFAM, géants du web, jusqu’à l’avènement du capitalisme de surveillance, pour mieux cerner enfin en quoi le libre, la décentralisation et les communs sont des pistes fiables pour reprendre le contrôle du numérique dans nos vies.

illustration CC-By David Revoy (sources)

[RÉSOLU]

Comment accompagner les organisations de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) qui souhaitent être fidèles à leurs valeurs dans leurs pratiques numériques ? Notre réponse passe forcément par le Libre, la décentralisation et donc l’adoption sereine et réfléchie d’outils pensés avec une forte éthique.

Carte "[RÉSOLU]" [RÉSOLU] est un guide composé de fiches pratiques pour aider les structures de l’économie sociale et solidaire à adopter des solutions numériques libres et éthiques. Co-construit avec le mouvement des CÉMÉA, ce guide peut être modifié, amélioré et distribué librement.

Co-conçu avec le Chaton Picasoft et la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA, [RÉSOLU] présente des [R]éseaux [É]thiques et [S]olutions [O]uvertes pour [L]ibérer vos [U]sages dans un guide à l’intention des acteurs et actrices de l’ESS. Il se compose d’un ensemble de fiches théoriques et pratiques, classées selon trois types d’actions collectives : collaborer, communiquer et organiser.

L’avantage de ce guide (déjà traduit en italien !), c’est que ses contenus eux aussi sont libres. Imaginez, il a servi à votre association, votre coopérative, mais il vous manquait une information, un outil essentiel que vous avez trouvé par ailleurs : vous pouvez ajouter cette trouvaille à ce guide et la partager avec les prochaines personnes qui le consulteront. Que vous utilisez le site web, le document pdf ou la version papier, vous aussi, soyez [RÉSOLU] !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Métacartes « Numérique Éthique »

Nous vous en parlions il y a plus d’un an dans les Carnets de Contributopia… et après plus d’un an de travail (avec des parenthèses dues à une certaine pandémie, bien entendu), ça y est, les Métacartes Numérique Éthique sont enfin disponibles.

Carte "Métacartes" Les métacartes sont des jeux de cartes (physiques) où chaque carte est augmentée par des ressources (numériques). Framasoft a contribué à la production du jeu « Numérique Éthique » qui facilite la médiation vers des pratiques numériques plus saines et sereines.

Le concept des Métacartes, c’est d’augmenter la réalité d’un jeu de cartes papier (avec titre, illustration, symboles, texte court). Car chaque carte dispose aussi d’un QR code et d’un lien qui mène vers une page web où on détaille ce qu’illustre la carte. Voilà un outil concret, agréable, convivial pour partager savoirs, questionnements, expériences !

Mélanie et Lilian ont réalisé un jeu nommé « Numérique Éthique », qui aidera grandement les médiateurs, formatrices et bénévoles du monde du Libre. Ce jeu est composé de trois familles de cartes :

  • Les #critères permettent de questionner les attentes en éthique et le niveau de confiance que l’on a dans un outil numérique.
  • Les #usages permettent de découvrir les possibles que le numérique nous offre en termes de collaboration, d’échanges et d’émancipation.
  • Et les cartes MÉTHODES vous permettront de faire le point sur vos usages, découvrir des alternatives et passer à l’action.

Vous pouvez désormais vous procurer ce jeu directement sur le site des Métacartes.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Documentations

C’est un trait d’humour amer assez révélateur, prononcé par les personnes qui, chez nous, conçoivent et rédigent la documentation :

#LesGens ne lisent pas la doc.

Carte "Documentation" De la documentation générale des services que nous hébergeons aux documentations spécifiques des logiciels que nous développons (PeerTube, Mobilizon, Yakforms)… Chaque année, Framasoft rédige, maintient et met à jour de nombreuses lignes… de texte !

Pourtant, si vous saviez les ressources que l’on met à votre disposition ! Chez Framasoft, nous maintenons :

  • Une Foire aux Questions sur tout ce que nous proposons et nous sommes, conçue à partir des questions que vous nous posez le plus souvent ;
  • La documentation générale de nos services, avec des guides pratiques, des exemples simples à comprendre, et des captures d’écrans à foison pour vous aider à mieux utiliser les Frama-services ;
  • La documentation de PeerTube, très riche en ce qui concerne l’administration d’une instance, mais dans laquelle on veut encore améliorer la partie utilisation ;
  • La documentation de Mobilizon, pour mieux comprendre comment installer, administrer ou utiliser cette alternative aux événements, pages et groupes Facebook ;
  • La documentation de Yakforms, le logiciel qui propulse le service de formulaires libres Framaforms, parce que nous espérons que la communauté va s’emparer du code et que des organisations vont l’installer sur leurs serveurs.

Loin de nous l’idée de rejeter les demandes d’aide et de support d’un méprisant « RTFM » (« Read The Fucking Manual », une expression bien peu glorieuse, quand on sait qu’elle se traduit par « lis le foutu mode d’emploi ! »). Cependant, nous avons l’impression de travailler à rédiger et tenir à jour un véritable trésor de connaissances, d’astuces… À vous de voir comment ce trésor peut vous enrichir.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framagenda ! C'est aussi des outils de médiation qui facilitent l'adoption de pratiques numériques saines et sereines. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

Pour aller plus loin




Frama, c’est aussi des personnes au service des services

Installer 16 services en ligne sur des serveurs, c’est une chose. Assurer leur sécurité, leurs mises à jour, leur sauvegarde, en est une autre. Si on ajoute à cela un travail sur l’accueil, les réponses aux questions de chacun·e et l’accompagnement vers d’autres hébergeurs de confiance… Alors cela représente un effort quotidien de multiples personnes.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Héberger un service en ligne, ce n’est pas juste appuyer sur un bouton. C’est plusieurs personnes qui appuient sur de nombreux boutons, toute la journée. Car si on veut proposer des services en lesquels vous pouvez avoir confiance, il faut forcément mettre des humain·es derrière les machines.

jeu de cartes Framasoft "des personnes au service des services"

Accueil des services

Nous entreprenons actuellement une campagne de mise à jour des pages d’accueil des services que nous proposons. La page d’accueil, c’est LA page de référence qui doit vous donner les bons accès et les explications que vous recherchez au premier coup d’œil.

Carte "Accueil des services" Nous sommes en train de ré-imaginer chaque page d'accueil des services en ligne que nous proposons. Synthétique, cette page doit donner une image claire et un accès direct au service, tout en informant de ce qu'il fait, ses limites, ses conditions, sa raison d'être…

Pour cette nouvelle version, nous avons conçu une page d’accueil qui vous permet une découverte progressive du service, au fur et à mesure de votre défilement sur la page. Le premier bandeau vous accueille avec le nom, la description, et une magnifique illustration du service… mais surtout avec de gros boutons pour l’utiliser directement. Puis des onglets vous exposent ses fonctionnalités principales, avant que l’on précise les limitations et les règles qui régissent son utilisation.

Ensuite la page d’accueil détaille comment et pourquoi nous hébergeons ce service. C’est avant tout un acte politique qui nous motive à poursuivre ce travail, et nos intentions n’étaient souvent pas bien comprises ni même connues des bénéficiaires de nos services. Désormais, nos motivations sont clairement affichées.

Ces pages d’accueil se concluent par une présentation de Framasoft et notre formulaire de don, car c’est bel et bien grâce aux dons des personnes qui soutiennent Framasoft que ces services sont utilisés gratuitement par plus d’un million de personnes chaque mois. L’objectif n’est ni de culpabiliser ni de pousser au don, mais bien de montrer concrètement que le « gratuit » est toujours financé, d’une manière ou d’une autre.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Infrastructure

On vous le confirme : le cloud, c’est loin d’être vaporeux ! Il s’agit d’ordinateurs très concrets, toujours allumés et toujours connectés (des serveurs), qu’il faut bichonner constamment.

Carte "Infrastructure technique" Notre équipe technique assure une maintenance minutieuse des serveurs composant notre infrastructure. Mises à jour, sauvegardes sur différents sites, renouvellement du matériel vieillissant, lutte contre le spam… Maintenir les services, c'est un travail constant.

Parce que Framasoft, c’est 43 serveurs physiques et 4 serveurs de stockage, avec des sauvegardes réparties sur 2 sites géographiques, pour éviter que les données ne soient perdues en cas d’un problème physique (incendie, inondation, séisme, etc.).

Sur 11 de ces serveurs sont installées 48 machines virtuelles, alors que les 32 autres serveurs sont utilisés directement. Virtuelles ou physiques, cela fait donc 91 machines, chacune avec son système d’exploitation, qu’il faut tenir à jour, mettre à niveau, etc.

Ces serveurs abritent les logiciels qui font tourner les services (et vous envoient vos emails de notification, etc.). Ces logiciels sont monitorés (on surveille si l’activité est normale, pour savoir quand ça rame ou quand ça surchauffe, par exemple), régulièrement mis à jour, et migrés sur une autre machine lorsqu’il y en a besoin.

Derrière ces logiciels, ces machines virtuelles, ces serveurs et cette infrastructure, il y a une petite équipe de 3 personnes (dont une à temps plein) qui se relaient et se décarcassent pour que tout fonctionne au mieux. Car si l’informatique a facilité l’automatisation, l’humain reste indispensable pour servir les serveurs.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Support

S’il y a bien un travail dont on n’imagine pas l’ampleur avant d’ouvrir un service en ligne au grand public, c’est le nombre de demandes d’aide auxquelles il faut répondre. Enfin, quand nous disons qu’ « il faut », c’est plutôt un choix : notez que les géants du Web font tout pour être injoignables et ne pas répondre à vos demandes (sauf si vous payez cher un service de support).

Carte "Support" Chaque mois, Framasoft reçoit et traite près de 400 demandes. Du « j'ai perdu mon pad » à la demande d'atelier, du besoin d'aide sur Framaforms à l'interview radio, nous faisons de notre mieux pour vous répondre et vous autonomiser dans vos usages de nos outils.

Or nous avons les ressources d’une petite association pour affronter des problèmes de géants. Avec un million de personnes qui utilisent nos services chaque mois, et 37 membres dans notre association (dont un salarié à plein temps sur les réponses à vos demandes), l’astuce est de trouver comment vous autonomiser au maximum.

Depuis près d’un an, nous avons remodelé notre seule et unique page de contact (vraiment, si vous voulez une réponse fiable par la personne concernée, ne nous interpellez pas sur les médias sociaux, mais bien sur contact.framasoft.org !).

Cette page a été conçue pour vous rendre indépendant·e :

  • avec un accès direct aux réponses les plus courantes sur le sujet qui vous concerne (dans 90 % des cas, votre réponse se trouve déjà là) ;
  • avec un lien vers le forum d’entraide où toute une communauté est présente pour vous répondre ;
  • avec le formulaire de contact si votre demande ne peut pas être publique (données personnelles, invitation, etc.).

Grâce à ces outils d’autonomisation, nous sommes passé·es de 450 à 200 demandes à traiter par mois (sans compter les spams, sinon il faut doubler). Cela permet de ne pas perdre d’énergies à vous copier-coller les réponses de notre Foire aux Questions, pour mieux se consacrer aux échanges, éclaircissements, investigations, tests, etc. qui permettent de répondre à vos besoins parfois très spécifiques.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Alternatives à Framasoft

Dès le lancement de la campagne Dégooglisons Internet, nous savions que Framasoft ne pourrait pas répondre à elle seule à tous les besoins qui existent pour s’émanciper dans ses usages numériques. C’est pourquoi, sur le site degooglisons-internet.org, il y a une page qui recense des alternatives dans et hors Framasoft : des alternatives à Google Chrome, à BlablaCar ou à Gmail par exemple.

Carte "Alternatives à Framasoft" Framasoft a voulu profiter de la fermeture de certains de ses services pour vous présenter une page qui vous aiguille vers les mêmes services, maintenus par d'autres. Ces hébergeurs de confiance nous aident ainsi à favoriser la décentralisation des usages numériques.

On parle souvent du travail que c’est de construire un projet, par exemple lorsqu’on ouvre un nouveau service. Mais déconstruire demande aussi un effort non négligeable, surtout lorsqu’on essaie de le faire proprement. Ainsi, pour chaque service que nous avons fermé, nous avons créé une page permettant de recenser des alternatives, souvent le même outil, proposé par des hébergeurs de confiance.

Lister, recenser et mettre en valeur des alternatives, c’est un travail régulier, car il faut se tenir à jour, répondre à ceux qui signalent leur nouvelle alternative, voir si celles qui sont présentées sont toujours pertinentes.

C’est cependant un effort logique : si l’on veut promouvoir la décentralisation, si l’on ne veut pas que tout le monde aille chez le même hébergeur et crée un nouveau géant du Web, alors il faut présenter la diversité des propositions.

C’est d’ailleurs en cela que le site entraide.chatons.org, qui avait été ouvert en urgence pour répondre aux besoins nés de la pandémie, reste une ressource très utile : 9 services en ligne, 0 compte à créer, le choix d’hébergeurs qui tourne automatiquement, pour décentraliser sans y penser.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framapad ! Cependant, la quinzaine de services en ligne proposés par Framasoft reste l'action la plus populaire de l’association. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

Pour aller plus loin




D’autres technologies pour répondre à l’urgence de la personne ?

« Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la Big Tech. Nous avons besoin de Small Tech – des outils de tous les jours conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises. »

Ce n’est pas une théorie complotiste : le profilage et la vente de données privées font, depuis des années, partie intégrante du modèle économique de la plupart des entreprises du numérique. Dans cet article traduit par Framalang, Aral Balkan (auquel nous faisons régulièrement écho) suggère qu’il est urgent de s’éloigner de ce modèle qui repose sur les résultats financiers pour gagner en indépendance et explique pourquoi c’est important pour chacun d’entre nous.

 

Article original : In 2020 and beyond, the battle to save personhood and democracy requires a radical overhaul of mainstream technology

Traduction Framalang : FranBAG, goofy, wisi_eu, gangsoleil, Khrys – Mise en forme :

En 2020 et au-delà, la bataille pour sauver l’identité individuelle et la démocratie exigera une révision radicale des technologies dominantes

par Aral Balkan

Un jeune garçon pilotant un canot sur un lac, durant les grands incendies australiens. Crédit photo: Allison Marion.

 

Alors que nous entrons dans une nouvelle décennie, l’humanité est confrontée à plusieurs urgences existentielles :

  1. L’urgence climatique1
  2. L’urgence démocratique
  3. L’urgence de la personne

Grâce à Greta Thunberg, nous parlons sans aucun doute de la première. La question de savoir si nous allons vraiment faire quelque chose à ce sujet, bien sûr, fait l’objet d’un débat.2

De même, grâce à la montée de l’extrême droite dans le monde entier sous la forme de (entre autres) Trump aux États-Unis, Johnson au Royaume-Uni, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie et Erdoğan en Turquie, nous parlons également de la seconde, y compris du rôle de la propagande (ou « infox ») et des médias sociaux dans sa propagation.

Celle sur laquelle nous sommes les plus désemparé·e·s et partagé·e·s, c’est la troisième, même si toutes les autres en découlent et en sont les symptômes. C’est l’urgence sans nom. Enfin, jusqu’à présent.

L’urgence de la personne

On ne peut pas comprendre « l’urgence de la personne » sans comprendre le rôle que la technologie de réseau et numérique grand public joue dans sa perpétuation.

Votre télé ne vous regardait pas, YouTube si.

La technologie traditionnelle – non numérique, pas en réseau – était un moyen de diffusion à sens unique. C’est la seule chose qu’un livre imprimé sur la presse Gutenberg et votre téléviseur analogique avaient en commun.

Autrefois, quand vous lisiez un journal, le journal ne vous lisait pas aussi. Lorsque vous regardiez la télévision, votre téléviseur ne vous regardait pas aussi (à moins que vous n’ayez spécifiquement permis à une société de mesure d’audience, comme Nielsen, d’attacher un audimètre à votre téléviseur).

Aujourd’hui, lorsque vous lisez le journal The Guardian en ligne, The Guardian – et plus de deux douzaines d’autres parties tierces, y compris la Nielsen susmentionnée – vous lit également. Quand vous regardez YouTube, YouTube vous regarde aussi.

Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration farfelue, mais simplement du modèle d’affaires de la technologie actuelle. J’appelle ce modèle d’affaires « l’élevage d’êtres humains ». C’est une partie du système socio-économique, dont nous faisons partie, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance.3

Et pis encore : Alphabet Inc, qui possède Google et YouTube, ne se contente pas de vous observer lorsque vous utilisez un de leurs services, mais vous suit également sur le Web lorsque vous allez de site en site. À lui seul, Google a les yeux sur 70 à 80 % du Web.
Mais ils ne s’arrêtent pas là non plus. Les exploitants d’êtres humains achètent également des données auprès de courtiers en données, partagent ces données avec d’autres exploitants et savent même quand vous utilisez votre carte de crédit dans les magasins ayant pignon sur rue. Et ils combinent toutes ces informations pour créer des profils de vous-même, constamment analysés, mis à jour et améliorés.

Nous pouvons considérer ces profils comme des simulations de nous-mêmes. Ils contiennent des aspects de nous-mêmes. Ils peuvent être (et sont) utilisés comme des approximations de nous-mêmes. Ils contiennent des informations extrêmement sensibles et intimes sur nous. Mais nous ne les possédons pas, ce sont les exploitants qui les possèdent.

Il n’est pas exagéré de dire qu’au sein de ce système, nous ne sommes pas en pleine possession de nous-mêmes. Dans un tel système, où même nos pensées risquent d’être lues par des entreprises, notre identité et le concept même d’autodétermination sont mis en danger.

Nous sommes sur le point de régresser du statut d’être humain à celui de propriété, piratés par une porte dérobée numérique et en réseau, dont nous continuons à nier l’existence à nos risques et périls. Les conditions préalables à une société libre sont soumises à notre compréhension de cette réalité fondamentale.
Si nous nous prolongeons en utilisant la technologie, nous devons étendre le champ d’application légal des droits de l’homme pour inclure ce « Moi » prolongé.

Si nous ne pouvons définir correctement les limites d’une personne, comment pouvons-nous espérer protéger les personnes ou l’identité d’une personne à l’ère des réseaux numériques ?

Aujourd’hui, nous sommes des êtres fragmentés. Les limites de notre être ne s’arrêtent pas à nos frontières biologiques. Certains aspects de notre être vivent sur des morceaux de silicium qui peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de nous.

Il est impératif que nous reconnaissions que les limites du moi à l’ère des réseaux numériques ont transcendé les limites biologiques de nos corps physiques et que cette nouvelle limite – le « Moi » prolongé ; la totalité fragmentée du moi – constitue notre nouvelle peau numérique et que son intégrité doit être protégée par les droits de l’homme.

Si nous ne faisons pas cela, nous sommes condamné·e·s à nous agiter à la surface du problème, en apportant ce qui n’est rien d’autre que des changements cosmétiques à un système qui évolue rapidement vers un nouveau type d’esclavage.

C’est l’urgence de la personne.

Un remaniement radical de la technologie grand public

Si nous voulons nous attaquer à l’urgence de la personne, il ne faudra rien de moins qu’un remaniement radical des technologies grand public.

Nous devons d’abord comprendre que si réglementer les exploitants d’humains et les capitalistes de la surveillance est important pour réduire leurs préjudices, cette réglementation constitue une lutte difficile contre la corruption institutionnelle et n’entraînera pas, par elle-même, l’émergence miraculeuse d’une infrastructure technologique radicalement différente. Et cette dernière est la seule chose qui puisse s’attaquer à l’urgence de l’identité humaine.

Imaginez un monde différent.

Faites-moi le plaisir d’imaginer ceci une seconde : disons que votre nom est Jane Smith et que je veux vous parler. Je vais sur jane.smith.net.eu et je demande à vous suivre. Qui suis-je ? Je suis aral.balkan.net.eu. Vous me permettez de vous suivre et nous commençons à discuter… en privé.

Imaginez encore que nous puissions créer des groupes – peut-être pour l’école où vont nos enfants ou pour notre quartier. Dans un tel système, nous possédons et contrôlons tou·te·s notre propre espace sur Internet. Nous pouvons faire toutes les choses que vous pouvez faire sur Facebook aujourd’hui, tout aussi facilement, mais sans Facebook au milieu pour nous surveiller et nous exploiter.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système en pair à pair qui établisse une passerelle avec le réseau mondial existant.

Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la « Big Tech » (industrie des technologies). Nous avons besoin de « Small Tech » (technologie à petite échelle) – des outils de tous les jours pour les gens ordinaires, conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises.

Étapes concrètes

À la Small Technology Foundation, Laura et moi avons déjà commencé à construire certains des éléments fondamentaux d’un pont possible entre le capitalisme de surveillance et un avenir radicalement démocratique, entre pairs. Et nous continuerons à travailler sur les autres composantes cette année et au-delà. Mais il y a des mesures pratiques que nous pouvons tou·te·s prendre pour aider à faire avancer les choses dans cette direction.

Voici quelques suggestions pratiques pour différents groupes :

Les gens ordinaires

1. Ne vous culpabilisez pas, vous êtes les victimes. Quand 99,99999 % de tous les investissements technologiques vont aux « exploitants d’humains », ne laissez personne vous dire que vous devriez vous sentir mal d’avoir été obligé·e·s d’utiliser leurs services par manque d’alternatives.

2. Cela dit, il existe des alternatives. Cherchez-les. Utilisez-les. Soutenez les gens qui les fabriquent.

3. Prenez conscience que ce problème existe. Appelez des responsables et défendez ceux qui le font. À tout le moins, n’écartez pas les préoccupations et les efforts de ceux et celles d’entre nous qui tentent de faire quelque chose à ce sujet.

Les développeurs

1. Cessez d’intégrer les dispositifs de surveillance d’entreprises comme Google et Facebook dans vos sites Web et vos applications. Cessez d’exposer les gens qui utilisent vos services au capitalisme de surveillance.

2. Commencez à rechercher d’autres moyens de financer et de construire des technologies qui ne suivent pas le modèle toxique de la Silicon Valley.

3. Laissez tomber la « croissance » comme mesure de votre succès. Construisez des outils que les individus possèdent et contrôlent, et non votre entreprise ou organisation. Créez des applications Web pour utilisateur unique (dont chaque personne sera l’unique propriétaire). Soutenez des plateformes libres (comme dans liberté) et décentralisées (sans nager dans les eaux troubles de la blockchain).

L’Union Européenne

1. Cessez d’investir dans les start-ups et d’agir comme un Département de recherche et développement officieux de la Silicon Valley et investissez plutôt dans les « stayups » (entreprises durables, PME ou micro-entreprises matures).

2. Créez un domaine de premier niveau (DPN) non commercial ouvert à tous, où chacun peut enregistrer un nom de domaine (avec un certificat Let’s Encrypt automatique) pour un coût nul avec un seul « appel API ».

3. Appuyez-vous sur l’étape précédente pour offrir à chaque citoyen·ne de l’Union Européenne, payé par l’argent du contribuable européen, un serveur privé virtuel de base, doté de ressources de base pour héberger un nœud actif 24h/24 dans un système pair-à-pair qui le détacherait des Google et des Facebook du monde entier et créerait de nouvelles possibilités pour les gens de communiquer en privé ainsi que d’exprimer leur volonté politique de manière décentralisée.

Et, généralement, il est alors temps pour chacun·e d’entre nous de choisir un camp.

Le camp que vous choisissez décidera si nous vivons en tant que personnes ou en tant que produits. Le côté que vous choisissez décidera si nous vivons dans une démocratie ou sous le capitalisme.

Démocratie ou capitalisme ? Choisissez.

Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80, vous avez probablement accepté sans réfléchir la maxime néolibérale selon laquelle la démocratie et le capitalisme vont de pair. C’est l’un des plus grands mensonges jamais propagés. La démocratie et le capitalisme sont diamétralement opposés.

Vous ne pouvez pas avoir une démocratie fonctionnelle et des milliardaires et des intérêts corporatifs de billions de dollars et la machinerie de désinformation et d’exploitation des Big Tech de la Silicon Valley. Ce que nous voyons, c’est le choc du capitalisme et de la démocratie, et le capitalisme est en train de gagner.

Avons-nous déjà passé ce tournant ? Je ne sais pas. Peut-être. Mais on ne peut pas penser comme ça.

Personnellement, je vais continuer à travailler pour apporter des changements là où je pense pouvoir être efficace : en créant une infrastructure technologique alternative pour soutenir les libertés individuelles et la démocratie.

L’humanité a déjà mis en place l’infrastructure du techno-fascisme. Nous avons déjà créé (et nous sommes toujours en train de créer) des éléments panoptiques. Tout ce que les fascistes ont à faire, c’est d’emménager et de prendre les commandes. Et ils le feront démocratiquement, avant de détruire la démocratie, tout comme Hitler l’a fait.

Et si vous pensez que «les années 30 et 40 c’était quelque chose», rappelez-vous que les outils les plus avancés pour amplifier les idéologies destructrices de l’époque étaient moins puissants que les ordinateurs que vous avez dans vos poches aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons le « Machine Learning » (Apprentissage machine) et sommes sur le point de débloquer l’informatique quantique.

Nous devons nous assurer que les années 2030 ne reproduisent pas les années 1930. Car nos systèmes centralisés avancés de saisie, de classification et de prévision des données, plus une centaine d’années d’augmentation exponentielle de la puissance de traitement (notez que je n’utilise pas le mot « progrès »), signifient que les années 2030 seront exponentiellement pires.

Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons un ennemi commun : l’Internationale nationaliste. Les problèmes de notre temps dépassent les frontières nationales. Les solutions le doivent également. Les systèmes que nous construisons doivent être à la fois locaux et mondiaux. Le réseau que nous devons construire est un réseau de solidarité.

Nous avons créé le présent. Nous allons créer le futur. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cet avenir soit celui dans lequel nous voulons vivre nous-mêmes.


Discours d’Aral Balkan au Parlement européen, fin 2019, lors de la rencontre sur l’avenir de la réglementation de l’Internet.  Merci à la Quadrature du Net et à sa chaîne PeerTube.

 





Mastodon, un an après le défi

Aujourd’hui 19 février nous célébrons un anniversaire symbolique : voici exactement un an qu’un certain Eugen Roschko a répondu publiquement à Mark Zuckerberg et mentionné le réseau social Mastodon qu’il avait créé quelques mois auparavant.

Cette lettre ouverte mérite d’être relue : Eugen y réfute les prétentions de Facebook à donner du pouvoir à la communauté, explique à quel point Facebook est par essence incapable de le faire et surtout propose une voie qui restitue aux utilisateurs leur maîtrise : la fédération, telle que mise en œuvre avec Mastodon.

Ce qui nous a séduits dans ce message, ce n’est pas seulement l’audace tranquille du jeune homme, le côté David contre Goliath, c’est aussi qu’il y mettait sur la table avec son interpellation du magnat Zuckerberg un logiciel fonctionnel. Eugen Roschko avait créé quelque chose qui démontrait qu’une autre voie est possible, y compris pour les réseaux sociaux.

Peu importe ensuite si le succès a été au rendez-vous. Certes, le cap du million d’utilisateurs inscrits a été franchi en décembre dernier, mais on est évidemment assez loin des milliards d’usagers captifs de Facebook et Twitter. L’important c’est plutôt que la multiplication des instances a été phénoménale, depuis celles qui appliquent une modération et des conditions d’utilisations strictes dans l’objectif de constituer des safe spaces, jusqu’aux instances victimes de leur succès et dont il a fallu limiter les inscriptions, en passant par notre modeste et convivial Framapiaf

Si vous découvrez tout cela et hésitez encore, rendez-vous sur cette excellente page informative qui vous aidera à choisir quelle instance pourrait vous convenir le mieux (mais rien ne vous interdira de changer d’instance ensuite à votre gré).

À relire aujourd’hui le message d’Eugen on mesure mieux qu’il s’inscrit dans un courant plus large et désormais toujours croissant de prise de conscience et de remise en question des Léviathans du Web. Une prise de conscience qui passe par la mise à disposition du public d’alternatives crédibles et respectueuses, une remise en cause qui passe par le refus de l’inféodation des utilisateurs, de l’arbitraire centralisateur et de l’espionnage étatique dans notre vie privée en ligne.

 

 

Le pouvoir de bâtir des communautés, une réponse à Mark Zuckerberg

par Eugen Roschko

parution originale le 19 février 2017 sur le site de Hackernooon.

Traduction Framalang : goofy, mo, audionuma, Bromind,moutmout

un des avatars d’Eugen Roschko alias Gargron

Le manifeste de Mark Zuckerberg est peut-être animé de bonnes intentions, mais comporte une chose fondamentalement fausse :

« Dans des moments comme ceux-ci, la chose la plus importante que nous puissions faire chez Facebook est de développer l’infrastructure du réseau social pour donner aux gens la possibilité de bâtir une communauté mondiale qui fonctionne pour nous tous. »

 

Facebook n’est pas et ne pourra jamais être une plateforme où les gens ont le pouvoir de construire quoi que ce soit. Facebook ne peut même pas  prétendre être un organisme à but non lucratif comme le sont Wikipédia ou Mozilla ; l’objectif principal de l’entreprise ne fait aucun doute : tirer profit de vous le plus possible en analysant vos données et en vous montrant des annonces publicitaires contre l’argent de l’annonceur. Un avenir où Facebook est l’infrastructure sociale mondiale, c’est un avenir sans aucun refuge contre la publicité et l’analyse des données.

Facebook ne peut tout simplement pas donner à quiconque le pouvoir de faire quoi que ce soit, parce que ce pouvoir résidera toujours, en fin de compte, dans Facebook lui-même, qui contrôle à la fois le logiciel, les serveurs et les politiques de modération.

Non, l’avenir des médias sociaux doit passer par la fédération. Le pouvoir ultime consiste à donner aux gens la capacité de créer leurs propres espaces, leurs propres communautés, de modifier le logiciel comme ils le jugent bon, mais sans sacrifier la capacité des personnes de différentes communautés à interagir les unes avec les autres. Bien sûr, tous les utilisateurs finaux n’ont pas forcément envie de gérer leur propre petit réseau social, de même que tous les citoyens ne sont pas tous intéressés par la gouvernance de leur propre petit pays. Mais je pense qu’il y a une bonne raison pour laquelle de nombreux pays se composent d’États séparés mais compatibles, et pour laquelle de nombreux pays distincts mais compatibles forment des alliances comme l’Union européenne ou l’OTAN. Un mélange entre souveraineté et union. Fédération.

Internet a connu beaucoup de hauts et de  bas du côté des réseaux sociaux. MySpace. Friendfeed. Google++. App. net. Et absolument à chaque fois différentes expériences utilisateurs, de nouveaux comptes, la nécessité de convaincre vos amis de changer, ou d’avoir plusieurs comptes pour parler à tous. Pensez-vous que ce cycle s’arrêtera avec Facebook ? Les dynamiques communautaires garantissent dans une certaine mesure un cycle ascendant et descendant, mais nous pourrions arrêter de rebondir d’un site à l’autre et nous en tenir à un protocole standardisé. Le courriel n’est peut-être pas sexy, car il a été créé à une époque où les choses étaient plus simples, mais on ne peut pas s’empêcher de trouver génial qu’il fonctionne toujours, quel que soit le fournisseur qu’on choisit.

Voulez-vous vraiment que le site web, qui affiche les photos de vos amis avec la légende « vous allez leur manquer » quand vous essayez de supprimer votre compte, soit aux commandes d’une communauté mondiale ?

Je crois qu’avec Mastodon, j’ai créé un logiciel qui est vraiment une alternative crédible à Twitter. C’est un serveur de microblogging fédéré dans le prolongement de GNU Social, mais qui contrairement à GNU Social est capable de plaire aux gens qui n’ont jamais marqué un intérêt particulier pour le logiciel en lui-même. Autrement dit, il est utilisable par des personnes non techniques. Je ne sais pas si le travail que je fais est assez bon pour servir l’avenir de l’humanité, mais je pense que c’est au moins un pas sérieux dans la bonne direction.

Eugen Rochko,
Développeur de Mastodon, administrateur de mastodon.social, l’instance d’exemple

 

 

 

Edit 19/02/2018 : Suite à la demande de mastonautes, nous avons modifié la locution désignant les instances safe spaces dans notre introduction. En effet, en les décrivant comme « fermées comme des huîtres » notre intention était de faire un mot d’humour, et certainement pas de dénigrer l’utilité de ces instances en particulier et des safes spaces en général. Clairement, cette tournure de phrase a totalement trahi nos intentions (un bug), donc merci aux mastonautes qui nous l’ont signalé (bug report) et à celleux qui ont suggéré une façon de le dire plus proche de ce que nous pensons (bug fix). La diversité est une force du Libre et des réseaux fédérés, tout comme le dialogue, le droit à l’expérimentation et à l’erreur ;).