Le Québec libre… c’est FACIL !
Que le détournement de la carte d’Astérix illustrant notre campagne Dégooglisons Internet ne vous trompe pas : quand on promeut le Libre en français, ce n’est pas simplement pour un petit hexagone, mais bien au profit de toute la francophonie.
C’est une des joies de nos internets : pouvoir partager des projets (et du code ^^ !) avec des personnes éloignées géographiquement mais proches aussi bien par la langue que par les valeurs.
Pour la prochaine Semaine Québécoise de L’Informatique Libre (du 19 au 26 septembre 2015), FACIL invite Framasoft à parler de ses expériences et de ses projets, mais surtout à échanger avec la communauté libriste du Québec.
Une occasion rêvée pour le Framablog d’ouvrir ses lignes à Mathieu Gaultier-Pilote, président de FACIL, afin de mieux présenter et connaître ce qui se passe chez nos ami-e-s d’outre-Atlantique…
Bonjour Mathieu, avant tout, peux-tu te présenter ?
Je suis Mathieu Gauthier-Pilote, 35 ans, travailleur autonome en informatique. Depuis quelques années, je suis chargé des projets numériques à la Fondation Lionel-Groulx, un organisme sans but lucratif dont la mission est de promouvoir la connaissance de l’histoire du Québec et des Québécois auprès du grand public, notamment via des séries de conférences comme « Dix journées qui ont fait le Québec » (2011-2013) et « Figures marquantes de notre histoire » (2014-). (C’est déjà tout en ligne sous licence libre pour la première série.)
Quand je ne suis pas occupé à la Fondation, je suis un militant du libre dans FACIL. Je m’implique beaucoup dans cet organisme depuis 2012.
Alors, nous ne sommes pas tous au fait des acronymes : qu’est-ce que FACIL ? Et qu’est-ce que la SQIL ?
FACIL, pour l’appropriation collective de l’informatique libre (FACIL), acronyme récursif d’une association québécoise fondée à Montréal en 2003. Au niveau de notre mission et de nos actions, ce qui ressemble le plus à FACIL en France c’est l’April. Côté ressources cependant, nous n’avons pas encore franchi le pas que l’April franchissait en 2005 en se donnant une permanence : nous ne sommes toujours que des bénévoles. Donc FACIL c’est l’April québécois d’avant 2005, mais en 2015. J’arrête avant que ça devienne compliqué. 😛
Énumérer quelques-unes de nos actions récentes en 2015 donnera une bonne idée de ce que nous sommes :
- 13 février : FACIL est aux côtés d’une quinzaine de groupes de la société civile pour réclamer une enquête publique sur la mauvaise gestion de l’informatique au sein de l’État du Québec ;
- 16 mars : Pétition pour la libération des données du Registre des lobbyistes du Québec et du Registre des entreprises du Québec ;
- 3 avril : Lancement de la Clé FACIL, une clé de 16 Go avec une douzaine de systèmes d’exploitation libres à essayer et installer ;
- 6 mai : Nous relayons la vidéo de l’April sur le menottage numérique dans le cadre de la Journée internationale contre les DRM ;
- 1er juin : FACIL invite la population à communiquer avec les sénateurs et sénatrices du Canada pour bloquer le projet de loi C-51 ;
- 11 juin : Appel de participation à la 7e édition de la Semaine québécoise de l’informatique libre (SQIL) 2015 du 19 au 27 septembre ;
Qu’est-ce que la Semaine québécoise de l’informatique libre (SQIL) ?
C’est 9 jours intenses d’activités autour du libre. Grosso modo, c’est un phare allumé sur l’Agenda du libre du Québec dans l’espoir d’attirer des non initiés vers nous. 🙂 Le thème de la SQIL 2015 est «L’informatique libre au service d’une société libre».
Quelle est la situation du libre au Québec ?
Il faut être bien honnête : le Québec est dans la bataille pour le libre, mais les libristes d’Europe sont clairement mieux organisés qu’ici.
Côté positif, on peut dire que nous avons tous les éléments de base dans un milieu composé de militants, développeurs, entrepreneurs, chercheurs, politiques, juristes, associations, entreprises, écoles, médias, lieux, projets, événements, etc. Il faut maintenant que ce milieu se fréquente plus souvent, se fasse confiance et se donne les moyens de se développer en marchant dans la même direction (ou à peu près).
Pour résumer ce qui se passe côté logiciel libre au niveau du gouvernement du Québec, il y a un raccourci : https://web.archive.org/web/*/http://www.logiciel-libre.gouv.qc.ca
L’étude du défunt site http://www.logiciel-libre.gouv.qc.ca est fascinante. Il a vécu d’environ 2004 à 2007. On voit bien que les logiciels libres (et les normes W3C) s’installaient dans l’administration publique québécoise dans ces années-là. La disparition du site signale le début d’un long temps à peu près mort… jusqu’en 2011-2012 ! Un jour les historiens nous expliqueront quel espèce de sabotage a produit un tel désastre.
Quoi qu’il en soit, une deuxième période s’amorçait heureusement en 2011 avec une réforme législative et administrative au niveau de la «gouvernance et [de] la gestion des ressources informationnelles», l’apparition d’un portail de données ouvertes en 2012, la création d’un Centre d’expertise en logiciel libre en 2013, etc.
Le logiciel libre est-il solidement implanté au gouvernement cette fois ? Est-il en progression depuis 2011 ? Nous le souhaitons, mais il est difficile de le dire car nous avons peu de données objectives à analyser et nous en sommes toujours au stade des promesses politiciennes de projets à venir quand il ne s’agit pas des grandes annonces… pour des trucs déjà réalisés et bien connus. FACIL fera bientôt paraître (dans le cadre de la SQIL) une critique constructive de la stratégie gouvernementale en TI dévoilée par Québec en juin 2015. À suivre…
Au niveau municipal, il n’y a pas au Québec d’équivalent de l’ADULLACT et on parle beaucoup plus des « villes intelligentes» que de l’éthique du libre ces jours-ci.
Au niveau fédéral canadien, on est plusieurs années en avance sur le niveau fédéré québécois pour ce qui est du « gouvernement ouvert », des données ouvertes et (dans une moindre mesure) du logiciel libre.
Je me limite à ce bref aperçu.
Les plus curieux trouveront pas mal d’infos dans nos publications et dans notre wiki. 🙂
Peux-tu nous en dire plus sur la SQIL ? C’est un peu vos RMLL à vous ? Qui participe ? Quels en sont les temps forts ?
Ce n’est pas exactement les RMLL car ce n’est pas international et ce n’est pas non plus dans une ville donnée. C’est plusieurs lieux sur le territoire québécois en même temps. Toute activité en rapport avec le libre est la bienvenue dans le calendrier. À travers cet exercice qui revient chaque année, ce sont des liens entre les gens du logiciel libre, des ateliers de fabrication numérique, du libre accès aux publications académiques, des données libres/ouvertes, des ressources éducatives libres, etc., que nous essayons de tisser et de raffermir.
FACIL fait plus que simplement coordonner la SQIL : nous trouvons des partenaires pour organiser deux ou trois activités de la SQIL conçues pour les non geeks et plus susceptibles d’intéresser monsieur et madame Tout-le-monde, les médias, etc. Cela dit, c’est une diversité d’activités et de publics que nous souhaitons.
Cette année nous avons une très bonne diversité : des rencontres, des ateliers, des projections de film, des hackathons, des tables rondes, un colloque, un salon, etc.
Les temps forts ? Il y a naturellement la Journée internationale du logiciel libre (Software Freedom Day), qui inaugure la SQIL le samedi 19 septembre. L’autre temps fort, s’il faut en sélectionner juste un, c’est certainement (en tout cas de mon point de vue) la conférence que Pierre-Yves donnera sur les services libres de Framasoft le jeudi 24 septembre au Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal.
Côté histoire, je tiens à mentionner que la SQIL a été lancée en 2004 par Robin Millette, l’actuel vice-président de FACIL. Pour plus de détails, voir ce que nous avons déterré à ce sujet l’an dernier grâce à la machine fabuleuse d’Internet Archive.
Framasoft est invité à participer (merci !) : pourquoi ? Peinez-vous vous aussi à sensibiliser le grand public aux questions du libre ? Rencontrez vous des difficultés à expliquer pourquoi – et comment – se dégoogliser ?
L’an passé, pour la SQIL 2014, FACIL a invité Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net à participer à une table ronde intitulée « Internet après Snowden » à l’Université de Montréal. Nous avons bien aimé l’expérience et nous avons décidé de récidiver cette année encore avec la visite d’une autre personne/association de France. Nous avons choisi Framasoft entre autres parce que nous adorons l’initiative de la campagne « Dégooglisons Internet». Les libristes québécois pourront-ils venir en aide aux libristes gaulois dans la résistance à l’envahisseur ? Souhaitons-le ! Quelle forme cela pourrait-il prendre ? Cela reste à voir… Ce qui est certain, c’est que toute collaboration sérieuse devra obligatoirement débuter par une discussion autour d’une bière todo liste et en septembre 2015 nous allons en servir plusieurs à Pierre-Yves. 😉
Difficile de sensibiliser le grand public aux questions du libre vous dîtes ? Oui, incontestablement. Personnellement, je crois que nous serons à rebours de tout ce que font les GAFAM du monde tant que nous (les libristes convaincus) ne seront pas capables de dire aux gens normaux :
« Vous voulez acheter un téléphone, une tablette, un ordi, une liseuse, une imprimante 3D ? Achetez des appareils certifiés Respects Your Freedom dans l’un des magasins suivants. Des services numériques libres pour aller avec vos appareils libres ? Voyez le répertoire des services certifiés [insérer label ici] à l’adresse suivante.
Bref, je miserais sur la voie de la certification éthique pour les produits, services, compétences que nous offrons. Sans être la réponse à tout (loin de là), c’est aussi important à mon avis que le sont les appellations contrôlées pour ne pas se faire vendre de la piquette.
Je crois que depuis les révélations Snowden nous avons certes des défis nouveaux (ça va nous prendre obligatoirement du matériel libre et un réseau libre pour aller avec nos logiciels libres et nos services libres décentralisés et respectueux de la vie privée), mais aussi des avantages nouveaux très évidents : les gens normaux nous croient sans problème lorsque nous leur parlons de la surveillance de masse des agences de renseignement et des géants du numérique. J’ose croire que les gens sont de plus en plus conscients qu’il nous faut opérer une transition en masse vers quelque chose d’autre. C’est à nous de les attendre à l’autre bout, avec des solutions adaptées aux compétences réelles des utilisateurs et utilisatrices lambdas.
Les Québécois sont massivement dans Facebook et Google d’après les dernières enquêtes et il n’y a rien ici de comparable à Framasoft, alors nous partons de bien loin…
Qui sera la personne/association que vous inviterez pour la SQIL 2016 ?
C’est une SURPRISE !!! 😉